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Quel avenir pour l'art contemporain en Afrique après l'exposition Africa Remix?

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par Delphine CALMETTES
Université Rennes 2 Haute Bretagne - Master métiers et art de l'exposition 2008
  

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Introduction

L'exposition Africa Remix, l'art d'un continent, s'est déroulée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou du 25 mai au 8 août 2005. Cette exposition collective a été organisée par le Musée national d'art moderne - centre de création industrielle. Présentée une première fois à Düsseldorf au Museum Kunst Palast, passée par Londres à la Hayward Gallery avant de venir à Paris et de finir au Moderna Museet de Stockholm, au Mori Museum de Tokyo puis à la Johannesburg Art Gallery de Johannesburg en juin 2007, elle regroupait quatre-vingts deux artistes et plus de deux cents oeuvres. Depuis Magiciens de la Terre en 1989 (qui proposait à la fois des artistes Africains et Occidentaux), aucune exposition « africaine » de cette envergure n'avait été proposée au public et elle a constitué pour un grand nombre de visiteurs, une révélation majeure et surprenante de la création de ce continent. Saluée par de trés nombreux articles de presse en France et à l'étranger comme une « mise en vue de l'étonnant foisonnement créatif du continent Africain durant ces dix dernières années »3, elle a toutefois souffert de nombreuses critiques de la part de ses détracteurs la taxant de foire tribale ou encore de vitrine d'exposition de l'Afrique du Sud. Elle a en tout cas suscité un engouement considérable de la part des visiteurs tout autant que de la part de la critique nationale et internationale.

Lorsque j'ai visité cette exposition, je rentrais d'une mission d'un an au Cameroun, et son aboutissement formel ainsi que le prestige du lieu oü elle était présentée, m'ont fortement interpelée. Elle contrastait évidemment avec l'échelle des expositions que j'avais pu voir sur le continent Africain lors de mon séjour ; et sa technicité, - j'entends par là le grand nombre d'oeuvres vidéo et d'installations qui y étaient montrées - m'a énormément séduite. Cette séduction s'est certainement opérée principalement par le contraste géographique et culturel qu'elle suscitait en moi après mon séjour au Cameroun. Peu de temps après, des résonnances critiques me sont apparues, à la suite des nombreux témoignages d'artistes Africains avec lesquels je m'entretenais à ce sujet. Cette exposition soulevait des ambiguïtés politiques, sociologiques, esthétiques ou curatoriales, et en dehors de mon grand intérêt pour l'Afrique et pour ses diverses expressions, les riches polémiques qu'elle engendrait ont motivé le choix de ce sujet pour mon mémoire de Master 2 professionnel « Métiers et Art de l'exposition ». J'y ai vu une occasion unique d'embrasser et de comprendre, dans un regard synthétique, toutes les tensions que je pressentais dans les

nombreux voyages et rencontres que j'avais effectué en Afrique. Je sentais également sourdre de cette exposition d'autres tensions plus individuelles au fur et à mesure que je m'entretenais avec ses principaux protagonistes. Ces tensions me semblaient liées aux questions de la personnalité des commissaires d'exposition et par conséquent à celle de la sélection des artistes. Ces constatations me ramenaient ainsi sans cesse à la question qui m'intéresse depuis des années : quel avenir pour l'art contemporain en Afrique et comment participer au renouvellement de la forme des expositions en Afrique et en Occident ?

J'essaierai donc dans ce mémoire de développer mes arguments à travers certains points qui me paraissent importants dans cette problématique comme l'emprunt des termes diaspora ou syncrétisme utilisés par les commissaires de cette exposition.

Dans la première partie, nous essaierons de comprendre les enjeux de cette exposition, par l'étude de sa genése et de ses objectifs. S'il est clair qu'Africa Remix est avant tout une exposition collective dont le but est de donner un panorama de la création contemporaine africaine, il convient aussi de s'interroger sur les critéres qui ont permis aux commissaires de rassembler ces artistes. Qui sélectionne les artistes Africains et sur quels critères ? Comment ces critères de sélection sont-ils définis ? La question de l'identité africaine est bien sûr une des étapes clefs de notre réflexion en ce qu'elle détermine le cadre théorique de cette exposition. Qui est Africain et que signifie l'inclusion des artistes d'Afrique du Nord et de la diaspora dans Africa Remix ? Je m'interrogerai aussi sur la légitimité d'une telle exposition « géographique ». Quelle Afrique est-elle révélée dans cette exposition : une Afrique géographique, historique, ethnologique ? Est-il justifié à l'heure actuelle de présenter l'art d'un continent et de circonscrire une exposition à un espace géographique ? Ces considérations spatiales interrogent en même temps deux lieux : le lieu de la provenance des artistes et le lieu de reconnaissance de leur art. Marie-Laure Bernadac répond à la question « Pourquoi l'Afrique ? » en affirmant « qu'elle était jusqu'à présent le morceau du puzzle manquant de la nouvelle carte mondiale de l'art »4. Pourquoi un tel manque sur la scene mondiale de l'art contemporain ?

Dans cette même partie, je questionnerai aussi la notion de contemporanéité. Que signifie
exactement le vocable « art africain contemporain » ? Si la contemporanéité correspond à
l'existence à la même période de plusieurs êtres ou de plusieurs choses ou bien encore au

caractère actuel de quelque chose, de quelle temporalité parle-t-on ici ? D'une temporalité collective qui révélerait une communauté de pensée esthétique et qui constituerait l'art contemporain africain ?

Dans la deuxième partie du mémoire, je m'attacherai à décrire cette exposition le plus précisément possible, puis je développerai dans un second temps toutes les données conceptuelles qui la composent afin de révéler concrètement certains points problématiques ou significatifs de la scénographie de l'exposition.

Dans la troisième partie de mon exposé, nous procéderons à un bref historique des principales expositions « africaines » en Occident puis nous analyserons la réception critique de l'exposition et les réponses des commissaires face à ces critiques.

Dans la quatrième et dernière partie, je m'interrogerai sur la manière dont les artistes Africains pourront par la suite construire ce que Simon Njami appelle un «noyau endogène » capable de résister à la grande uniformisation culturelle, tout en procédant à des syncrétismes culturels, esthétiques et conceptuels (syncrétisme que l'on pourrait définir appliqué à l'art comme la création de nouveaux ensembles culturels qui trouvent une nouvelle cohérence à partir de plusieurs cultures différentes). Ces visions conceptuelles ne vont pas sans se rapprocher du concept de créolité cher à Patrick Chamoiseau et à ses fondateurs antillais. Cet aller retour incessant entre noyau endogène et syncrétisme intégrateur, entre afrocentrisme et créolité, sera donc aussi un point important de notre démonstration.

Enfin, le dernier point de ce mémoire tentera de démontrer qu'une des suites logiques d'Africa Remix serait le développement de structures dans les pays Africains, permettant ainsi aux artistes de construire leurs propres critères esthétiques et éthiques.

1- De la genèse de l'exposition à la « métamorphose du chaos » : les objectifs et les enjeux de la plus importante exposition d'art contemporain africain à Paris

Pour ce qui concerne la genése de l'exposition, l'idée d'une grande exposition d'art contemporain africain itinérante passant par Paris serait née d'un projet entre David Elliott et Jean-Hubert Martin. Selon Marie-Laure Bernadac, « [...] après les Magiciens de la terre et les positions très critiques pour lesquelles avait opté la Revue Noire vis-à-vis de cette exposition, il aurait été difficile pour Simon Njami et Jean-Hubert Martin de concevoir ensemble cette exposition. Donc David Elliott a demandé à Simon Njami de penser cette grande exposition quand il était encore à Stockholm, puis comme il est parti pour Tokyo, l'idée de l'itinéraire de l'exposition s'est amorcée, en la proposant également à Jean-Hubert Martin qui était à Düsseldorf. David Elliott a toujours eu comme Simon une vision très large de l'art africain. Ce qui était intéressant, c'est que nous avions Jean-Hubert Martin et sa vision « post-magiciens », avec son évolution propre, Simon Njami avec la Revue Noire, la biennale de la photographie de Bamako, et une autre analyse, mais qui a apporté d'autres jeunes artistes, et David Elliott qui avait comme moi une connaissance large avec notamment la sculpture Shona d'Afrique du Sud et en tant qu'anglais, toutes les expositions qu'il avait vu et organisé à Oxford, tout cela sans aprioris...»5. La participation de cette derniére s'est d'ailleurs effectuée dans un deuxiéme temps, sur la demande de Bruno Racine. « J'avais été chargée, en 2002 par le quai Branly, d'écrire un rapport pour définir la politique à mener en matiére d'art contemporain, pour réfléchir aux projets à mettre en place, aux grandes orientations... Dans la conclusion de ce rapport, je disais qu'il était absolument nécessaire d'organiser une grande exposition d'art africain qui contrebalance l'image trés ethnographique de la création du continent Africain, qui permette à la France de rattraper son retard et qu'il était nécessaire que Paris se positionne dans cette nouvelle scene artistique mondiale, transnationale dont l'Afrique était certainement le dernier morceau du puzzle manquant»6. Quoi qu'il en soit, l'idée de cette exposition serait donc plutôt née de la rencontre de David Elliott et de Simon Njami (ce que confirme également ce dernier).

Le premier objectif d'Africa Remix est de proposer une vision globale de la création d'un continent. Ce premier objectif est d'ailleurs reflété par le titre : L'art d'un continent. Le communiqué de presse de l'exposition résume l'ensemble des objectifs comme suit :

5 Voir entretien avec Marie-Laure Bernadac, Volume annexes, annexe 27, p.127.

6 Entretien avec Marie-Laure Bernadac mené par Clémentine Dirié le 7 juin 2005, article disponible en ligne sur le site http://www.paris-art.com.

« Après le monde chinois avec Alors, la Chine ? en 2003, le Centre Pompidou explore la scène artistique africaine pour affirmer que :

- l'Afrique n'est pas un pays mais un continent. L'art Africain illustre la complexité et la multiplicité des influences religieuses, coloniales, ethniques, etc.,

- l'art contemporain africain se positionne, au même titre que l'art contemporain européen, pas seulement comme une représentation uniquement esthétique mais aussi comme une illustration historique, politique, idéologique.

Ainsi, l'exposition réunit des artistes vivants en Afrique ainsi que des artistes massivement répandus dans le monde entier, principalement pour des raisons historiques. Les artistes originaires d'Afrique restent attachés au continent : l'Afrique est plus qu'un territoire, c'est une identité. Á la fois proche et lointaine, l'Afrique demeure un sujet de fascination et de fantasmes. Africa Remix invite à réfléchir à ce qu'est l'Afrique, à découvrir ce continent en sortant des sentiers battus et des lieux communs»7. Nous constatons donc ici qu'Africa Remix s'articule autour de deux points nodaux : l'identité géographique africaine et l'affirmation de cette identité sous tous ses aspects. Nous nous plaçons donc sous un angle collectif : l'identité africaine ; et individuel : l'artiste mis en exergue pour sortir d'un certain carcan identitaire. Néanmoins, il ne s'agit pas ici d'une exposition thématique mais d'une autre forme d'exposition sur l'Afrique que Marie-Laure Bernadac nomme, en hommage à Michel Leiris, « L'Afrique fantôme ». L'Afrique n'est, selon elle, pas un theme, et elle argumente son propos de la manière suivante : « Au-delà de la situation géographique, le critére est surtout celui du lien, même indirect, avec l'Afrique, soit que les artistes y habitent, soit qu'ils en sont directement ou indirectement originaires. Ils ont forcement pris dans un héritage, un environnement et un contexte. Il y a un enracinement dans l'histoire africaine, qui est d'ailleurs aussi diverse qu'il y a d'Afriques. On a essayé de montrer les parallèles possibles entre les histoires particulières et les histoires collectives»8.

Concernant les objectifs de cette exposition, nous pouvons donc dire qu'il s'agit d'une sorte de dialectique de l'un et du multiple, d'une unité dans la diversité, qui conduit à une contradiction, exprimée par Simon Njami dans la phrase suivante: « Le discours de l'exposition est justement contradictoire : ce serait plutôt de dire : bien que les artistes

7 Communiqué de presse de l'exposition : http://www.Centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/ID7CAB9B59A2F72701C1256FE4005146 08/$File/CP%20AFRICA%20REMIX.pdf.

8 Interview de Marie-Laure Bernadac par Clémentine Dirié, op.cit., p.10.

d'Africa Remix viennent grossièrement du même endroit, ils ont des parcours différents et on ne peut pas les résumer à leur origine commune»9.

Enfin, un des partis pris de l'exposition est de faire sortir les artistes Africains d'une vision autodidacte, cosmogonique voire magique de leurs pratiques. Dans le texte « Chaos et métamorphoses»10 , Simon Njami explicite la nouvelle posture qu'il envisage pour Africa Remix, à l'opposé de celle adoptée par Jean-Hubert Martin pour les Magiciens de la terre, nécessaire en son temps, mais aujourd'hui dépassée. Dans le même texte, il définit trois périodes clefs dans l'évolution de la conception de l'art Africain par les artistes euxmêmes :

- Les années 1960 oü les artistes, portés par le grand oeuvre de Léopold Sédar Senghor ou de Cheikh Anta Diop se recentrent sur leur identité africaine, sur leurs racines et leurs origines,

- les années 1980 oü il n'est plus question d'afrocentrisme mais d'une uniformisation identitaire ou seule compte l'affirmation d'être un artiste parmi d'autres,

- et enfin la période actuelle où « l'art africain contemporain se situe au point de rencontre de l'éthique et de l'esthétique, et renoue avec le lien politique»11.

L'artiste Africain s'exprime aujourd'hui pour questionner, au même titre que tous les artistes de la scène internationale, notre environnement politique, économique, sociologique ou encore religieux, afin d'en restituer une oeuvre personnelle mais fédératrice d'énergies et de discours partagés.

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