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Quel avenir pour l'art contemporain en Afrique après l'exposition Africa Remix?

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par Delphine CALMETTES
Université Rennes 2 Haute Bretagne - Master métiers et art de l'exposition 2008
  

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C. Réponse des commissaires

Simon Njami, Marie-Laure Bernadac et Jean-Hubert Martin ont tout trois répondu aux critiques de Maureen Murphy dans Gradhiva. On se demande d'ailleurs comment dans le même numéro, le texte critique de l'historienne et la réponse des commissaires aient pu être rassemblés aussi rapidement. L'historienne leur a-t-elle adressé directement son texte pour qu'ils puissent y répondre derechef ? Bref, Simon Njami répond en six points précis. Il se déclare tout d'abord « perplexe de la manière manichéenne dont elle a perçu le projet ». Il revient ensuite sur la scénographie en s'excusant auprès des artistes « dont les oeuvres n'ont eu droit qu'à un couloir » et il ne lui conteste pas le fait que les oeuvres manquaient d'espace, ce qui est également notre principale critique sur cette exposition. Deuxièmement, concernant la sélection des oeuvres qui ne seraient pas inédites, hormis celle de Cheikh Diallo, Njami rétorque que plus de vingt oeuvres ont été spécialement créées pour Africa Remix.

Troisièmement, il revient sur ce qu'elle nomme « l'imaginaire développé à la fin du XXème
siècle autour de l'Afrique » en expliquant que « cette exposition est une somme, des
réflexions que j'ai entamé il y a plus de quinze ans sur le sens de la contemporanéité en

100 Maureen Murphy, « Africa Remix, l'art contemporain d'un continent, Centre Georges Pompidou, Paris », in Parachute, para-para-020, article en ligne :

http://www.parachute.ca/para_para/20/para20_Murphy.html?src=http://www.parachute.ca/public/+100/120.ht

Afrique » et de rajouter : « Je crois la connaître de l'intérieur comme de l'extérieur et avoir passé plus de temps avec les artistes africains qu'elle n'en aura jamais l'occasion ». Quatrièmement, concernant le rapprochement qu'elle fait entre Africa Remix et les Magiciens de la terre, et en avançant qu'il est difficile d'exposer côte à côte des artistes vivant en Afrique et d'autres nés en Occident, et que cette juxtaposition réitère le clivage primitif / moderne, il rétorque : « Qu'un africain qui soit né à Moscou comme c'est le cas de l'Algérienne Zoulikha Bouabdellah semble un problème. Or, si cela constitue un problème, c'est que l'exposition aura au moins atteint l'un de ses objectifs. Le fait qu'une jeune Algérienne née à Moscou côtoie un Ivoirien âgé vivant en Côte-d'Ivoire dans une même exposition ne postule pas de l'idée « d'une essence de l'art africain », bien au contraire ». Cinquièmement, concernant le soupçon que Maureen Murphy fait peser sur Simon Njami et à son « engouement Occidental pour un exotisme de la pauvreté » selon les mots de Jean-Loup Amselle dans son essai L'Art de la friche, Simon Njami conclue en disant qu'il pensait pouvoir échapper au moins à cette critique et « Que l'on ne soit pas capable de comprendre un texte est une chose admissible. Mais que l'on soit aveugle au point de prétendre que l'exposition « traduit une fascination de la friche » est simplement incompréhensible à mes yeux ».

Pour Marie-Laure Bernadac, « La manipulation des textes est hélas un fait trop courant dans la presse pour être relevée, mais lorsque cette pratique va de pair avec un contresens majeur sur les enjeux d'un projet artistique, il est alors nécessaire d'intervenir ». Elle répond à Maureen Murphy sur deux postulats avancés par cette dernière :

- On ne peut plus faire à notre époque une exposition collective à caractère national ou géographique, car les artistes sont aujourd'hui nomades et l'art est au-delà des frontières.

- On ne peut pas exposer l'art africain sans tenir compte des théories postcoloniales.

Elle juge ces arguments « un peu courts et hypocrites », et explique qu'ils ne sont pas employés à l'égard des autres nations et des autres continents, et qu'une exposition collective n'est pas la mise en application d'un concept ou d'une théorie. Pour moi, ces contre-arguments sont difficilement recevables puisque les études postcoloniales s'appliquent au contexte particulier des ex-colonies dont font partie tous les pays d'Afrique (et on peut considérer que la place accordée à Stuart Hall lors du colloque témoignait de ce souhait de tenir compte justement des études postcoloniales) ; et deuxièmement parce que

un des objectifs de l'exposition était de créer un cadre théorique permettant justement au public d'appréhender au plus juste les oeuvres proposées.

Après avoir repris à peu de chose près les éléments défensifs de Simon Njami concernant la scénographie de l'exposition, la sélection des artistes de la diaspora et la production d'oeuvres inédites pour l'exposition, Marie-Laure Bernadac rappelle le succès qu'a connu cette exposition et que « malgré ses imperfections », elle a tout de même permis à un large public de rencontrer ces artistes africains...

Pour terminer, la réponse de Jean-Hubert Martin s'est avérée plus courte que celles de ses deux coorganisateurs. Certainement fatigué d'enregistrer les mêmes critiques depuis des années sur les Magiciens de la terre, sur Partage d'exotismes et ici sur Africa Remix, il déclare simplement au sujet des Magiciens « qu' il n'a jamais eu la naïveté eurocentrique de croire qu'elle pourrait (cette exposition) inspirer et insuffler une nouvelle dynamique en Occident », que « si ce genre d'idées a eu cours dans les années 1930, du temps de Georges-Henri Rivière, elles me semblent bien révolues ». Concernant notre sujet d'étude et plus précisément le champ lexical employé par l'historienne, il répond que « Cette manifestation était annoncée comme une exposition d'art contemporain, un genre suffisamment connu pour qu'il soit superflu de l'affubler de la palissade d' « anhistorique ». Il termine son exposé en affirmant : « J'attends toujours qu'on m'explique ce que serait une exposition contextualisée. Serait-ce de mettre quelques photos d'environnement et des textes « scientifiques » à côté des oeuvres ? De même que les expositions ne peuvent susciter un contexte, elles ne visent pas forcement à donner une vision homogène d'une réalité. Elles peuvent au contraire vouloir mettre en valeur l'hétérogénéité de certaines pratiques artistiques sur le continent africain. C'est pourquoi tous les organisateurs d'Africa Remix n'ont eu de cesse d'insister dans leurs textes sur leur défiance vis-à-vis de toute « idée d'essence de l'art africain ».

Au travers de ces échanges et de ces débats acharnés, émergent et se cristallisent tous les enjeux que sous-tend une telle exposition. Ils mêlent à la fois la personnalité complexe et duale des commissaires d'expositions, les susceptibilités scientifiques où chacun connaît mieux que l'autre l'histoire de cet art contemporain africain qui est toujours en train de s'écrire et de muter, et la culpabilité peut-être d'un pays qui n'a effectivement

pas intégré les recherches scientifiques anglo-saxonnes pour pouvoir opérer un réel recul sur l'art contemporain de ses anciennes colonies. Nous pouvons constater tout de même que les commissaires ont reconnu, au-delà de ces conflits, les principales faiblesses de l'exposition : la promiscuité des oeuvres et la dichotomie entre un fort désir de créer un cadre théorique et de laisser à la fois le plus de place possible à un éclectisme temporel et géographique dans l`exposition. De même que pour Check List Luanda Pop à la dernière biennale de Venise, Simon Njami n'a-t-il pas trouvé une parade incroyable à toutes les attaques en déclarant : « Je ne sais pas ce qu'est l'Afrique, expliquez-moi ce qu'est l'Afrique ! » ? Il adopte une définition très ouverte de l'art contemporain Africain, ce qui le dégage d'un certain nombre de responsabilités face à l'organisation de ces expositions.

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