Chapitre VI : INTERPRETATION ET DISCUSSIONS DES
RESULTATS
6.1 Interprétation des résultats
Dans cette partie de notre travail, nous allons donner une
signification psychologique aux résultats obtenus en nous inspirant de
la théorie de l'attachement de Bowlby.
La théorie de l'attachement stipule que tout au long de
sa vie, l'être humain tente de développer des liens affectifs
envers des personnes significatives et qu'il recherche des figures
d'attachement afin de répondre à un besoin de
sécurité. Bowlby sous-tend que le système
comportemental d'attachement, qui a pour fonction biologique de promouvoir la
sécurité d'un individu, est induit par les comportements
d'attachement comme la recherche de soutien auprès des figures
d'attachement.
Tout se passe selon un modèle de représentations
intériorisées qui se construit à partir des interactions
quotidiennes qu'un enfant entretient, d'abord avec sa mère, puis avec
les autres personnes significatives qui gravitent autour de lui. Ainsi l'enfant
se construit un modèle constitué de représentations
internes de ce que sont les relations sociales en général et de
ce qu'il peut s'attendre d'un lien affectif particulier. Idéalement,
l'enfant se construit un modèle flexible et sécurisant qu'il
généralise aux relations subséquentes. A partir de ces
représentations qui résultent des premieres relations entre
l'enfant et son environnement, un lien affectif s'établit avec les
figures
parentales, l'attachement sécure. Cet attachement
sécure se met en place lorsque l'enfant expérimente qu'il peut
compter sur ses parents, quand il a besoin d'être consolé ou
réconforté. Ainsi, se construit chez l'enfant l'image d'un Autre
fiable, en même temps qu'une image valeureuse de lui-même. On
trouve ici les prémices du lien entre estime de soi et estime de
l'Autre. Dans ce cas, la capacité de se séparer et d'explorer
l'environnement sera garantie par cette image de fiabilité. En effet,
cet attachement sécure ou sécurisant résulte de
l'établissement du lien affectif spécifique qui se forme entre
deux ou plusieurs personnes, la mere et l'enfant par exemple. De plus, une
personne peut être liée à plus d'une personne mais ne peut
pas être attachée à plusieurs personnes spécifiques
puisque ce lien l'engage dans le temps et dans l'espace et qu'il implique de
l'affection. Bien que les sentiments puissent être complexes et qu'ils
peuvent varier de temps en temps, les sentiments positifs dominent, et
impliquent de l'affection et de l'amour. Et pour se sentir exister, chaque
être humain particulièrement chaque enfant doit être
assuré d'une estime de luimême suffisante. Cette estime de soi
naît, se construit et se maintient dans le rapport à autrui, dans
l'estime de l'autre. Les modalités d'interactions précoces, la
valeur donnée par l'entourage aux comportements et les modes de
réponse qui en découlent, ont un rôle essentiel dans la
construction et le maintien de l'estime de soi. Or, tous les parents ne sont
pas en état d'offrir à leur enfant une attention de tous les
instants, la satisfaction immédiate et chaleureuse de ses besoins, des
limites cohérentes, constantes et prévisibles.
C'est justement à ce niveau que se situe le
problème du toxicomane. En effet, le toxicomane n'a pas connu cet
attachement sécurisant auprès de ses figures parentales pour
plusieurs raisons. Il peut s'agir de la perte ou l'absence de la figure
maternelle, de la pauvreté de cette relation ou d'une fratrie non
appropriée. Concrètement, l'enfant se forme un modèle de
représentations intériorisées de lui comme n'étant
pas digne d'être aimé ou accepté et de ses parents comme
étant insensibles, rejetant, ridiculisant ou ignorant ses besoins. Face
à ses représentations, les systèmes comportementaux de
l'enfant se structurent avec le temps et cherchent constamment à
s'ajuster en fonction du fait qu'ils ne parviennent pas à obtenir la
proximité ou la communication essentielle à la
sécurité recherchée. Ce modèle de
représentations intériorisées traduit pour l'enfant le
fait que le parent témoigne d'une certaine attention mais manque de
disponibilité, varie dans ses réponses sans justification
compréhensible pour l'enfant, présente des attitudes
imprévisibles. L'enfant n'est pas sür de pouvoir toujours compter
sur le parent, ni de compter sur lui-même. Il peut s'agir aussi du fait
que le parent soit agressif et méprisant de façon
régulière. Face à cette situation, l'enfant est sûr
de ne pas pouvoir compter sur le parent, ni de compter sur luimême.
L'enfant tente alors de s'organiser pour survivre face au modèle de
rapport de force qui lui est offert en évitant d'exprimer ses
émotions et ses besoins. Ce défaut d'attachement
sécurisant conduit l'enfant à s'attacher à l'objet «
drogue » bref à devenir toxicomane. Cet objet « drogue »
garantit indubitablement pour le toxicomane toutes
les capacités nécessaires des figures
d'attachement. L'objet « drogue >> remplace l'objet « figure
d'attachement >>. La drogue prend une charge fantasmatique
considérable et similaire à la charge des figures d'attachement.
La drogue est investie de toutes les attentes et de tous les pouvoirs que
l'enfant (toxicomane) aurait dû attribuer principalement à l'objet
maternel et aux figures d'attachement environnants. En même temps,
l'objet drogue n'a pas de représentation psychique et doit être
perpétuellement présent et réel afin d'assurer les
tâches essentielles que la figure d'attachement aurait manquées de
garantir.
Dans l'exemple courant des adolescents qui fument afin de
s'endormir le soir, le << joint >> ou le tabac est utilisé
comme << objet transitionnel >>, remplaçant ainsi une
présence parentale et surtout maternelle réconfortante permettant
à l'adolescent de se relâcher suffisamment pour s'endormir.
L'endormissement est provoqué chimiquement, mais entraîne une
dépendance accrue rendant impossible toute autre moyen de s'endormir, et
au final, entre autres symptômes, l'insomnie. Le but initial de faciliter
l'endormissement est ainsi à terme un échec.
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