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L'habitat informel dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone à  travers l'exemple de Niamey (Niger )

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par Hamadou ISSAKA
Université de Pau et des pays de l'Adour - Master 2 de géographie 2007
  

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    UNIVERSITE DE PAU ET DES PAYS DE L'ADOUR
    U.F.R. Lettres, Langues et Sciences Humaines

    Institut de Recherche sur les Sociétés et l'Aménagement

    L'habitat informel dans les villes d'Afrique subsaharienne
    francophone à travers l'exemple de Niamey (Niger)

    MEMOIRE DE MASTER II de Géographie

    Rédigé sous la direction de
    M. le Professeur Dominique BADARIOTTI
    par
    Hamadou ISSAKA

    TABLE DES MATIERES

    SIGLES ET ABREVIATIONS 4

    EPIGRAPHE 5

    REMERCIEMENTS 6

    AVANT-PROPOS 7

    INTRODUCTION 8

    PREMIERE PARTIE : CADRE DE L'ETUDE ET APERÇU BIBLIOGRAPHIQUE 9

    Chapitre premier : Le contexte général de l'habitat informel 11

    1.1 La problématique générale 11

    1. 2. Les objectifs de l'étude 13

    1.3 L'approche méthodologique 14

    1.4 L'état de l'art 15

    1.4.1 L'habitat informel à travers le monde 16

    1.4.1.1 En Europe 16

    1.4.1.2 Dans les pays en voie de développement 16

    1.4.1.2.1 En Asie 17

    1.4.1.2.2 En Amérique du Sud 17

    1.4.1.2.3 En Afrique du Nord 18

    1.5 L'habitat informel dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone 18

    1.5.1 Les causes 18

    1.5.2 Les conséquences des pratiques informelles sur le dynamisme urbain 20

    1.5.3 Quelques solutions envisagées 21

    1.5.4 Enseignements tirés de l'état de l'art 22

    Chapitre II : Les villes d'Afrique subsaharienne francophone et leur planification urbaine 23

    2.1 L'historique des villes d'Afrique subsaharienne francophone 23

    2.2 La planification urbaine dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone 24

    2.3 Le processus d'urbanisation en Afrique subsaharienne francophone face à celui des

    autres régions du monde 27

    2.4 La ségrégation résidentielle dans les villes de l'Afrique subsaharienne francophone 28

    2.5 Les systèmes de droits et statuts d'occupation dans les villes d'Afrique subsaharienne

    francophone 29

    2.5.1 L'organisation du régime de la propriété foncière 30

    2.5.2 Les filières coutumières de production et d'attribution du sol urbain et les

    occupations irrégulières 31

    Chapitre III : Niamey : description et caractérisation de la problématique 33

    3.1 Notes générales sur le Niger 33

    3.1.1 L'évolution institutionnelle 33

    3.1.2 L'administration 35

    3.1.3 L'organisation territoriale 35

    3.2 Niamey : le milieu naturel 36

    3.2.1 Les conditions physiques 37

    3.2.2 Les caractéristiques démographiques 40

    3.2.3 L'évolution politique et administrative de Niamey 41

    Chapitre IV : Le foncier à Niamey 44

    4.1 Le système précolonial 44

    4.1.1 Le droit du chef de terre et sa lignée mâle : l'abusus 44

    4.1.2 La cession des terres en guise de remerciement ou de bon voisinage : l'usufruit 45

    4.2 Le droit foncier colonial 45

    4.3 Le droit foncier post-colonial 46

    4.4 La gestion foncière telle que prévue par les textes 46

    4.4.1 Les acteurs publics 46

    4.4.2 Les acteurs semi-publics 47

    4.4.3 Les acteurs privés 47

    4. 5 La procédure de lotissement telle que prévue par les textes 48

    4. 5.1 La constitution du dossier de création d'un lotissement 48

    4.5.2 L'instruction locale du dossier 49

    4.5.3 L'instruction au niveau central 49

    4.5.4 L'approbation du lotissement 50

    4.6 Le lotissement dans la pratique à Niamey 50

    DEUXIEME PARTIE : HABITAT INFORMEL A NIAMEY : JEU ET ENJEUX 53

    Chapitre V : L'accès à l'habitat à Niamey 54

    5.1 La filière officielle de production de parcelle 54

    5.2 La filière informelle 56

    5.2.1 L'habitat informel sur domaine coutumier 56

    5.2.1.1 Comment s'effectue le lotissement ? 57

    5.2.1.2 Comment s'organise la vente des parcelles informelles ? 57

    5.2.2 L'habitat informel sur domaine privé 58

    5.2.2.1 le domaine privé de l'Etat 58

    5.2.2.2 Le domaine privé des particuliers 60

    5.2.3 Le domaine public 60

    5.2.3.1 Les rues 61

    5.2.3.2 Les espaces verts 61

    Chapitre VI : Le squattage à Niamey : question urbaine ou question sociale ? 63

    6.1 Origine et évolution de l'habitat informel à Niamey 63

    6.1.1 Origine de l'habitat informel 63

    6.1.2 Les facteurs d'évolution de l'habitat informel 65

    6.1.2.1 Les migrations intra-urbaines 65

    6.1.2.2 Les migrations extra-urbaines 66

    6.1.2.3 L'atermoiement des autorités 66

    6.2 Le squattage à Niamey : nécessité ou stratégie urbaine ? 68

    6.3 Stratification de l'habitat informel à Niamey 69

    6.3.1 L'habitat informel de bas standing 69

    6.3.2 L'habitat informel de moyen standing 72

    Chapitre VII : L'habitat informel ou le paysage de la pauvreté 76

    7.1 Le squat : expression spatiale de ségrégation 76

    7.2 L'habit informel à Niamey: un espace de relégation 76

    7.2.1 L'angoisse du lendemain incertain 77

    7.2.2 Le sous-équipement des quartiers 78

    7. 3 L'origine géographique des squatters 80

    7.4 Habitats informels, cités sensibles et ghettos : éléments de comparaison 82

    Chapitre VIII : L'habitat informel, enjeux et perspectives 86

    8.1 L'habitat informel dans un contexte de démocratie et de décentralisation 86

    8.2 Quel avenir, quelles solutions pour l'habitat informel à Niamey ? 88

    8.2.1 Une politique de l'échec et du paradoxe guidée par les intérêts des nantis 88

    8.2.2 Des constats aux suggestions 89

    8.2.2.1 Les constats d'une gestion mafieuse du foncier 90

    8.2.2.2 Des suggestions pour un habitat pour tous 90

    CONCLUSION 96

    Notice bibliographique 99

    LEXIQUE 102

    TABLE DES CARTES 103

    TABLE DES FIGURES 104

    TABLE DES TABLEAUX 106

    ANNEXES 107

    SIGLES ET ABREVIATIONS

    CNUH : Commission Nationale d'Urbanisme et d'Habitat CPC : Commission du Permis de Construire

    CPCT : Caisse de Prêt aux Collectivités Territoriales CTUH : Comité Technique d'Urbanisme et d'Habitat CUN : Communauté urbaine de Niamey

    F CFA : Franc de la Communauté Financière d'Afrique INS : Institut National de la Statistique

    IRSH : Institut de Recherches en Sciences Humaines Ha : hectare

    NIGELEC : Société Nigérienne d'Electricité ONU : Organisation des Nations Unies

    PC/CUN : Président du Conseil de la Communauté Urbaine de Niamey

    PO : Permis d'Occuper

    PP/CUN : Préfet/Président de la Communauté Urbaine de Niamey PRI-U : Projet de Réhabilitation des Infrastructures Urbaines PUH : Permis Urbain d'Habiter

    RGP/H : Recensement Général de la Population et de l'Habitat SAT : Sociétés, Aménagement, Territoire

    SDUH : Service Départemental de l'Urbanisme et de l'Habitat SMIC : Salaire Minimum de Croissance

    SONAGIM : Société Nationale de Gestion Immobilière

    SONUCI : Société Nigérienne d'Urbanisme et de Construction Immobilière SPEN : société des Patrimoines des Eaux du Niger

    SPOT : Système Probatoire d'Observation de la Terre UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance UPPA : Université de Pau et des Pays de l'Adour

    EPIGRAPHE

    « Dis-moi où tu habites, je te dirai ce dont demain ton fils sera fait » ; proverbe arabe de la fin du XIVème siècle.

    REMERCIEMENTS

    Un travail d'Etude et de Recherche ne saurait être conduit à bien sans le soutien de plusieurs personnes. Au terme de cette étude, nous tenons donc à exprimer notre reconnaissance et notre profonde gratitude à l'endroit de tous ceux qui d'une manière ou d'une autre nous ont aidé dans l'aboutissement de ce travail. Nous pensons en premier lieu à notre directeur de mémoire le Professeur Dominique BADARIOTTI, qui a bien voulu nous encadrer. Sa disponibilité permanente et ses conseils nous ont été déterminants. Nous sommes reconnaissant envers l'Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH) de l'Université Abdou Moumouni de Niamey qui finance nos études. Nous remercions Monsieur Abdou BONTIANTI Chef du département de Géographie et Aménagement de l'Espace, le Professeur Hamidou Arouna SIDIKOU, le docteur Abdoulaye MAGA et Issa ABDOU (collaborateur technique à l'IRSH) pour leurs multiples soutiens. Que l'ensemble du corps professoral trouve ici l'expression de notre déférente reconnaissance. Nos remerciements vont à nos amis, à nos compatriotes Djibrilla Idé Alpha et Assamaou Mahamadou Doby étudiants à l'UPPA pour leur soutien moral. Nos remerciements s'adressent aussi à tous nos camarades de la promotion avec une mention particulière envers François SALDAQUI et Jeremy HINCHY. Comment clôturer cette liste sans penser à Viviane MUSCIANISI, secrétaire du Master SAT, dont la disponibilité et le soutien nous ont été constants.

    Que ceux que nous n'avons pas pu citer nommément sachent que nous nous souvenons de ce qu'ils ont fait et à tous ceux que nous avons cités qu'ils sachent que nous leur rendons un hommage sincère bien au-delà de l'exercice un peu formel que semblent constituer ces quelques mots.

    AVANT-PROPOS

    Ce travail d'étude et de recherche vise à approfondir nos connaissances en matière d'habitat informel. Il constitue un prolongement de notre sujet de mémoire intitulé les espaces d'occupation spontané à Niamey : contribution à l'analyse des pratiques urbaines en milieu sahélien. Au cours de ce travail, nous avons récolté une masse d'informations que le temps et les contraintes académiques ne nous ont pas permis d'exploiter certains aspects.

    Le présent travail portant sur l'habitat informel dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone à travers l'exemple de Niamey constitue pour nous le prolongement du précédent en mettant en exergue ce problème de logement informel qui attire de plus en plus les Niaméens de différentes catégories socioprofessionnelles. L'étude de ce phénomène ne saurait se dissocier d'une analyse de la production foncière qui est la cheville ouvrière de l'accès à la parcelle et donc au logement. Or plusieurs acteurs sont en jeu et chacun développe une stratégie pour tirer son épingle du jeu. Ce travail constitue un exercice peu aisé du fait que l'étude du foncier et de l'habitat n'est pas un domaine spécifique aux géographes. Elle se situe au carrefour du droit, de la sociologie, de l'urbanisme. C'est pourquoi, les concepts et outils de ces disciplines ont été empruntés. Cette recherche a été nourrie par les travaux existants et par notre expérience de terrain.

    INTRODUCTION

    L'Afrique subsaharienne s'est engagée récemment dans un processus d'urbanisation qui a commencé à prendre de l'ampleur après la deuxième guerre mondiale. La création des villes visait un double objectif à savoir servir de port maritime pour faciliter l'acheminement des matières premières à destination de l'Europe pour les unes et de centre administratif pour les autres. La rapidité du développement des villes a vite abouti à une inadéquation entre les structures d'accueil et les besoins des citadins dont beaucoup n'ont pas accès aux lotissements officiels. Ainsi, il en résulte une crise du logement née de l'insuffisance notoire de l'offre des parcelles par les administrations foncières publiques. La spéculation foncière liée aux enjeux que constitue le sol urbain rend inaccessible à la majorité des citadins les logements répondant aux normes de l'urbanisme.

    Au Niger, le problème de logement n'a pas tardé à surgir dès les premières années de l'accession du pays à l'indépendance. Le problème est d'autant plus grave que Niamey, la capitale accueille chaque saison de migrants ruraux paupérisés qui fuient leurs villages à cause des mauvaises conditions de vie. Pour accueillir cette migration de la pauvreté aucune infrastructure n'est disponible. Les migrants sont logés d'abord par des parents ou des connaissances avant de chercher à s'installer définitivement. Pour cela, il leur faut une parcelle. Or, l'accession à la parcelle comporte tellement d'écueils que rares sont les couches moyennes qui arrivent à les franchir. C'est pourquoi, beaucoup de candidats préfèrent suivre la filière informelle de production foncière dont la procédure semble plus souple et surtout moins discriminatoire que la filière dite officielle. La conséquence de cette situation est la prolifération d'un habitat informel qui prend de l'ampleur au fil des ans. Jadis toléré pour des raisons sociales, le laxisme face à cette violation des règles de l'urbanisme s'explique aujourd'hui par des raisons politiques. Le squat abrite une population cosmopolite et l'aggravation des conditions de vie incite les couches moyennes à recourir à cette solution naguère considérée comme l'alternative des plus démunis. Le plus inquiétant est que contrairement aux autres villes d'Afrique subsaharienne francophone, Niamey n'arrive pas à contenir cet habitat dans des secteurs déterminés au point que tous les paysages de la ville comportent leurs squats. La décentralisation considérée comme la panacée tarde à donner des résultats. Il se pose un réel problème d'aménagement auquel les autorités doivent apporter des solutions adaptées. Après avoir décrit le cadre de l'étude en donnant un aperçu bibliographique, nous traiterons des jeux et enjeux de l'habitat informel à Niamey.

    PREMIERE PARTIE : CADRE DE L'ETUDE ET APERÇU BIBLIOGRAPHIQUE

    Chapitre premier : Le contexte général de l'habitat informel

    Chapitre II : Les villes d'Afrique subsaharienne francophone et leur planification urbaine

    Chapitre III : Niamey : description et caractérisation de la problématique Chapitre IV : Le foncier à Niamey

    Chapitre premier : Le contexte général de l'habitat informel

    En Afrique subsaharienne francophone, le phénomène d'urbanisation est récent et date véritablement de la période coloniale. Cette période allant de 1870 à 1960 était toutefois marquée par un faible taux d'urbanisation en Afrique tropicale par rapport à d'autres parties du monde. Alors que l'Europe et la Chine avaient des taux dépassant les 10% durant cette période, l'Afrique subsaharienne était à un taux 4% (COUR J-M., 1995). Mais le timide processus d'urbanisme enclenché au cours des années 1950 connaîtra un essor sans précédant après les indépendances.

    1.1 La problématique générale

    Le problème de gestion de l'espace urbain qui concerne tous les pays du tiers-monde a, du fait de son ampleur, fait l'objet de plusieurs rencontres internationales au cours desquelles les différents Etats s'étaient engagés à trouver des solutions visant à améliorer les conditions de logement des citadins démunis. C'est dans ce cadre que s'est tenue la conférence des Nations Unies sur les établissements humains à Vancouver au Canada en 1976. Une décennie après, au regard du non respect des engagements pris par les différents gouvernements, l'Organisation des Nations Unies a décrété l'année 1987 année des sans-abri et une stratégie globale du logement fut élaborée l'année suivante. Néanmoins, ces initiatives n'ont eu que peu d'effet et le problème persiste puisque près d'un milliard de personnes habitent de logements indécents ou irréguliers et parmi eux six cent millions vivent dans une situation préjudiciable à leur santé selon PEROUSE J-F. (1993). Face aux inquiétudes qu'elle suscite, la question urbaine a constitué aussi le thème central de la deuxième conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II) tenue à Istanbul (Turquie) en 1996.

    En Afrique subsaharienne l'urbanisation est un phénomène récent. En effet, même si des villes ont existé bien avant la pénétration coloniale dans cette partie du continent, il n'en demeure pas moins que le véritable processus d'urbanisation s'est enclenché après la deuxième guerre mondiale. Plus tard, l'accession des Etats à l'indépendance va accélérer la croissance urbaine. D'environ 22 millions en 1950, la population urbaine passe à 249 millions en 19951 soit une multiplication par 11 en 45 ans. Cette croissance rapide pose du coup le problème de l'accès au logement pour tous les citadins. L'occupation de l'espace met en jeu plusieurs acteurs aux intérêts contradictoires dont les actions transforment la ville. Il s'engage

    1DUBRESSON A. (1999), in : les grandes villes africaines : trois questions sur le futur urbain du continent, pp. 66-82

    ainsi une concurrence entre les différents intervenants dont chacun cherche à tirer le maximum de profit en élaborant parfois des tactiques ou même des stratégies pour assouvir ses besoins. Ces logiques et stratégies transforment le paysage urbain en une multitude de secteurs fortement contrastés.

    A Niamey (capitale du Niger), ville fondée par les français en 1903, les bases du contrôle du foncier ont été fondées par l'administration coloniale qui au terme des textes réglementaires s'était attribuée toutes les terres sur lesquelles s'étendait la croissance spatiale de la ville. Dans cette perspective, des terrains ont été gratuitement offert aux habitants (à condition de construire avec des matériaux durables) afin d'accélérer la mutation de ce village anonyme. Il en est résulté une croissance rapide de la ville tant du point de vue démographique que spatiale. En effet, selon SIDIKOU (1980) la population est passée de 1800 habitants en 1905 à 1886 habitants en 1921. Trente ans plus tard (1951), cette population a été multipliée par 6,2 atteignant ainsi 11 790 habitants. A cette date Niamey rattrape les grandes villes précoloniales et en 1960 avec une population estimée à 33 816 habitants2, elle regroupe plus du tiers de la population citadine du pays. En 1977, suite aux sécheresses du début des années 1970, l'afflux massif des ruraux a fait que Niamey totalise 108 000 habitants en 1972 et concentre ainsi 40% de la population citadine du pays avec une croissance annuelle de 11,5%. Parallèlement, le prix des terrains ne fait que flamber passant de 30 000F CFA en 1960 à 60 000F en 1975 et à plus de 900 000 F CFA (soit 1 372 euros) en 2002 pour une parcelle de 600 m2. En 1988, avec 397 437 habitants, Niamey ne concentre plus que 32% de la population citadine du Niger. Au même moment la ville ne fait que s'étendre puisqu'en 25 ans la superficie a été multipliée par 2,5 passant de 4 400 ha en 1977, à près de 11 000 ha en 2002 alors qu'elle n'était que de 1367 ha en 1970.

    En 2005, selon l'Institut national de la statistique, avec une population estimée à 808 313 habitants, Niamey concentrait 6,4% de la population du Niger et 39,3% de la population urbaine. Elle se classe ainsi très loin devant Zinder et Maradi deuxième et troisième villes du pays dont les taux de population urbaine varient respectivement entre 14,1% et 13,3%.

    La rapide croissance démographique et spatiale de Niamey s'effectue dans une situation économique difficile où rares sont les citadins qui peuvent s'acheter une parcelle officielle. En effet, selon une enquête nationale sur le budget et la consommation réalisée en 1993, 42% des Niaméens sont qualifiés de pauvres avec un revenu inférieur à 75 000 F CFA et 18% sont extrêmement pauvres c'est-à-dire qu'ils ont un revenu annuel de 50 000 F CFA. Ces pauvres

    2BRUNEAU (J-C), GIRAUT (F.), MORICONI-EBRARD (F.) : Villes nigériennes. L'émergence d'une armature urbaine nationale en pays sahélien, in Revue de Géographie alpine N° hors série, vol. I, 1994, pp. 241-257.

    et très pauvres ne peuvent donc pas s'offrir une parcelle régulière ; mais ils ne sont pas les seuls. La procédure d'attribution des parcelles officielles est tellement lente et ségrégative que la plupart des citadins sans connaissance à la Mairie préfère s'abstenir. L'offre est toujours insuffisante et entourée de clientélisme. En 1960, la moitié des demandes avait été satisfaite ce qui a conduit à la naissance du premier quartier informel de la ville en 1966. Cette insuffisance de l'offre continue en s'aggravant puisque selon SEYBOU I (2005) entre 1972 et 1993, sur plus de 15 000 demandes de parcelles enregistrées au service des affaires domaniales de la Communauté Urbaine de Niamey, seules 4 061 parcelles ont été théoriquement produites soit un taux de 27,1%. Confrontés à cette pénurie de parcelles officielles et à son inaccessibilité pour les couches moyennes et populaires, ces citadins se retournent vers les propriétaires fonciers coutumiers. Ces derniers concurrencent efficacement l'administration foncière par leurs offres immédiates et relativement moins chères. Les citadins très pauvres qui ne peuvent s'offrir aucun des services précités occupent tout simplement les espaces publics et certains interstices de la ville

    Dans cette situation, on est en droit de se demander comment les individus arrivent-ils à s'imposer aux pouvoirs publics et à modifier les formes de gouvernance de la ville ? A cette question principale, peuvent s'ajouter les interrogations suivantes :

    - quelles sont les raisons qui poussent les citadins à occuper illégalement l'espace urbain ? - Qui sont les acteurs fonciers et de quelles compétences disposent-ils ?

    - Les enjeux fonciers à Niamey peuvent-ils être liés à la forte demande de parcelles et de logements qui serait à l'origine des types d'offres qui sont en cours ?

    1. 2. Les objectifs de l'étude

    - Objectif général

    L'objectif global de cette étude est de rendre compte du rôle des acteurs fonciers dans le développement de l'habitat informel à Niamey et montrer les enjeux autour de l'occupation de l'espace.

    - Objectifs spécifiques

    * Déterminer les conséquences urbanistiques de l'habitat informel sur la morphologie urbaine; * S'interroger sur les raisons du laisser-faire des autorités municipales.

    Ces objectifs reposent sur trois hypothèses :

    - L'habitat informel est une réponse face à la crise économique qui sévit sur les citadins et à
    la crise institutionnelle qui paralyse l'administration foncière incapable de satisfaire les

    demandes en parcelles. Depuis le début des années 1960, l'offre des parcelles a toujours été insuffisante par rapport à la demande. Il reste à savoir si l'offre est réellement insuffisante ou si c'est la distribution qui est mal organisée au point que la majorité des citadins se sent exclue et se lance dans l'informel.

    - Les enjeux fonciers sont le résultat des rapports de force entre les différents acteurs urbains. Si au cours de la période coloniale et sous les régimes militaires les propriétaires coutumiers ne pouvaient se contenter que de ce que l'administration leur octroie en guise de dédommagement, aujourd'hui, cette procédure est anachronique car les coutumiers défendent leurs droits et s'opposent aux lotissements intempestifs en exigeant un taux de dédommagement qu'ils jugent juste.

    - l'anarchie dans la gestion foncière profite à tous les acteurs.

    Dans une ville où la gestion est sensée être réglementée, la prolifération de l'habitat informel est inexplicable. On assiste en effet, à des déguerpissements réguliers des revendeurs qui occupent des trottoirs alors qu'ils paient la patente auprès des autorités. Quant aux squatters, ils ne sont pas inquiétés outre mesure comme si en les laissant faire l'autorité cachait quelque chose.

    1.3 L'approche méthodologique

    Dans le cadre de cette étude, nous avons adopté une démarche en trois étapes : la recherche documentaire, la cartographie et l'exploitation des résultats d'enquêtes.

    La recherche documentaire

    Elle s'est déroulée principalement à la bibliothèque de l'UPPA. D'autres documents ainsi que des sites web ont été aussi consultés.

    La cartographie et la photographie

    La cartographie est le moyen le plus efficace de mettre en relief notre objet d'étude qui est l'habitat irrégulier. Pour ce faire, nous avons repris le travail de localisation que nous avons fait en 2004 (à l'aide du logiciel de dessin Adobe Illustrator). Nous avons utilisé le logiciel Arcview pour reprendre le travail de localisation en y ajoutant des espaces ainsi que des cours

    d'eau qui ne figuraient pas sur notre travail précédent. Nous avons fait recours à des images SPOT pour compléter ce travail. Cependant, nous ne nous sommes pas hasardé à calculer la superficie occupée par l'habitat informel à cause de son hétérogénéité mais surtout du fait que notre travail précédent était plus un travail de localisation qui ne donne que l'emplacement précis des squats et non la superficie réelle occupée. Par contre, pour montrer réellement l'ampleur de certains squats, nous avons utilisé une image de Google Earth. En outre, des photos ont servi de support pour mieux illustrer la typologie de l'habitat.

    L'exploitation des résultats d'enquêtes

    Elle concerne des données recueillies lors de notre travail d'étude et de recherche de maîtrise que nous n'avons pas pu exploiter dans le cadre dudit travail. Des résultats d'autres enquêtes ayant eu lieu après les nôtres sur des thèmes similaires ont été aussi mis à contribution.

    1.4 L'état de l'art

    L'habitat irrégulier est une caractéristique de l'urbanisation qui affecte quasiment tous les continents. Si l'on peut trouver des variantes à travers le monde, le phénomène traduit un malaise, une marginalisation que l'on se presse à attribuer aux pauvres. Cependant, une analyse du phénomène permet de comprendre qu'au-delà des pauvres, les couches moyennes sont également concernées. La caractéristique commune de l'habitat irrégulier est la précarité du statut foncier. Sinon, la constitution d'un quartier spontané varie parfois d'une ville à une autre, voire d'un continent à un autre. C'est pourquoi, une multitude d'expressions est utilisée pour désigner le phénomène d'occupation illégale de l'espace. C'est dans cette optique que BLANC, B. et DANSEREAU, F. (1995), proposent de faire la distinction entre les notions d'habitat informel, irrégulier, illégal, clandestin ou spontané ou encore de quartier sousintégré, de taudis et de bidonville. Tous ces termes sont plus ou moins confusément utilisés comme synonymes évocateurs d'une réalité unique alors qu'ils recouvrent des situations infiniment diverses. L'illégalité des établissements, l'absence d'infrastructures officielles et l'encombrement constituent probablement des éléments communs de base mais la forme et le degré des écarts sont susceptibles de variations très grandes.

    Nous allons aborder succinctement la situation sur les différents continents avant de nous appesantir sur le cas de l'Afrique subsaharienne.

    1.4.1 L'habitat informel à travers le monde

    Bien que de nature différente, l'habitat informel se retrouve quasiment sur tous les continents.

    1.4.1.1 En Europe

    Selon BARNET Y. (2003), le phénomène de bidonvilisation a connu deux phases en Europe : la révolution industrielle et la seconde guerre mondiale. Au cours de la révolution industrielle, les habitants des bidonvilles étaient des ouvriers venus en ville pour servir de main d'oeuvre dans l'industrie en expansion. Ils se sont installés non loin des usines situées à la périphérie des villes. Face à l'ampleur du phénomène, politiciens et patrons se réunirent pour trouver une solution à ce problème et c'est ainsi que des logements sociaux furent bâtis aux ouvriers ainsi que des aides au logement apportées à ceux qui en ont besoin.

    La seconde vague consécutive à la guerre était constituée principalement de maghrébins fuyant leurs territoires pour venir s'installer en Europe. Il faut ajouter à ces immigrants, les sinistrés de la seconde guerre mondiale. Là, ce sont les terrains vagues situés à la périphérie des agglomérations qui sont squattés. En France, par exemple, ce phénomène se situe autour de 1953-1962 où plusieurs dizaines de milliers de familles vivaient dans ce qui fut le plus grand bidonville de France à quelques mètres des logements sociaux et qui mettait face à face le confort et la désolation : le bidonville de Nanterre.

    1.4.1.2 Dans les pays en voie de développement

    Ces pays caractérisés par une urbanisation récente, ont commencé à voir se développer les quartiers informels au cours des années 50 et 60. Deux facteurs expliquent le phénomène : d'une part, la paupérisation des campagnes suite aux programmes étatiques axés plus sur un désir d'industrialisation. Cette priorité accordée aux villes au détriment des campagnes a provoqué une migration importante des ruraux pauvres vers les villes. Une fois arrivées en ville, ces petites gens construisent des baraques près des foyers d'emploi et ainsi se développe l'habitat spontané et insalubre où habite une main d'oeuvre bon marché. D'autre part, la famine et le désoeuvrement dans les campagnes constituent l'autre raison.

    Le phénomène concerne quasiment l'ensemble des pays du tiers-monde à l'exception de la
    Chine, du Sri Lanka et de la Birmanie qui ont su éviter la bidonvilisation de leurs
    agglomérations car ils ont conservé une politique ne dévaluant pas le travail des

    agriculteurs3. En épargnant leurs ruraux de la faim, ils ont su les garder dans leurs campagnes, évitant ainsi les fortes migrations vers les villes avec leur cortège de squats.

    1.4.1.2.1 En Asie

    Comme dans d'autres villes du tiers-monde, certains bidonvilles asiatiques s'étendent plus rapidement que la ville légale. A Bombay par exemple, la croissance du bidonville est deux fois plus rapide que celle du reste de la ville de 1950 à 2002 avec une croissance annuelle de 8% contre 4%4. Ce bidonville compte un peu plus d'un million d'habitants en 2002. Ce n'est plus un regroupement de baraques mais des structures qui recouvrent plusieurs centaines d'hectares.

    1.4.1.2.2 En Amérique du Sud

    Qu'il s'agisse du Pérou, de la Bolivie ou des autres pays, l'occupation irrégulière de l'espace urbain est une réalité. Au Pérou, s'observent le plus souvent des invasions d'espace qui font naître des véritables quartiers spontanés appelés les barridas. Ces invasions étaient encadrées au début des années 50 par des étudiants et ingénieurs qui planifient l'opération. Selon BARNET (2003) une zone particulière était choisie à l'avance parmi les terrains publics puis l'invasion se produisait. La nuit bien sûr puisque le jour les forces de l'ordre s'y seraient opposées. Pour éviter des affrontements entre forces de l'ordre et squatters, les autorités mises devant le fait accompli ne feront que constater l'opération.

    En Colombie, face à l'insuffisance des logements sociaux produits par l'Etat, les habitants de Bogota se sont lancés dans l'autoconstruction. A titre d'exemple, l'occupation illégale qui ne concernait que 20% de la superficie de la ville dans les années 60, atteint 50% au début des années 90. Contrairement à de nombreuses grandes villes d'Amérique Latine, l'invasion c'est-à-dire l'occupation de terrains non mis en valeur sans le consentement du propriétaire, pour y établir un quartier, demeure minoritaire dans le processus d'occupation illégale de terrains à Bogota (en 1992, à Bogota, 14% seulement des quartiers sous-équipés résultaient d'une invasion, alors que cette proportion était de plus de 40% à Cali et dans d'autres villes de Colombie). Dans cette ville l'occupation irrégulière se fait à travers les lotissements pirates effectués soit par des propriétaires terriens ou tout simplement par des individus qui en

    3 BARNET Y. (2003)

    4 idem

    agissant ainsi apportent des solutions à la crise de logement en permettant au grand nombre d'y accéder. C'est ainsi que selon DUREAU F. et HOYOS M.C (1995), deux quartiers ont été créés par un lotisseur pirate bien connu, qui n'était en aucune façon propriétaire du terrain ; il a donc commencé par occuper les terres en organisant une invasion collective, avant de les diviser et vendre des lots de ces terrains acquis illégalement). En dehors de ces individus, des associations communautaires ou politiques participent à l'encadrement des squatters en leur enseignant la vie communautaire et les stratégies pour faire pression sur les autorités en vue d'obtenir une régularisation.

    1.4.1.2.3 En Afrique du Nord

    Le terme bidonville qui de manière grossière désigne l'habitat irrégulier aurait été utilisé au Maroc au cours des années 30 pour qualifier l'habitat précaire fait de bidons d'huile d'olive dépliés. L'occupation illégale de l'espace se fait de façon pacifique. Contrairement au Pérou et à la Colombie, ce sont surtout les habitants des quartiers centraux saturés qui se retrouvent dans les bidonvilles de la périphérie. En Algérie, malgré l'option socialiste du régime qui a fait que l'Etat a construit des tours d'habitat collectif pour loger les citadins, les recensements de la population et de l'habitat de 1966 et 1977 ont montré un décalage entre l'offre de logements et la population urbaine. Les structures officielles font montre d'une ségrégation dans l'attribution des logements à des différences près : la commune procède à une politique plus « sociale » de l'habitat, alors que la Wilaya (le Gouvernorat) retient une quantité importante de logements pour ses cadres et son personnel HAERINGER PH. et DAVID J.C. (1986). C'est ainsi que s'est développé à côté de cet urbanisme officiel mafieux, un urbanisme sauvage, illicite dont l'origine remonte dans certains cas à la guerre d'indépendance.

    1.5 L'habitat informel dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone

    L'habitat informel est présent dans toutes les capitales des pays d'Afrique subsaharienne francophone avec des ampleurs et des localisations diverses.

    1.5.1 Les causes

    Analysant la production de l'espace, ses qualités et ses faiblesses dans les villes d'Afrique
    noire francophone, LE BRIS, OSMONT, MARIE et SINOU (1987), constatent en milieu
    urbain, un antagonisme d'intérêts entre les différents acteurs urbains ce qui crée des alliances

    et des rivalités qui s'opposent au quotidien. Pour LE BRIS, la boulimie d'espace est imputable à la crise économique qui frappe les citadins et au désir culturel du chez soi. Il note une pluralité d'acteurs dans le jeu foncier avec des stratégies différentes. L'accès au sol urbain nécessite le contournement des normes officielles pour beaucoup de citadins. La pluralité d'acteurs fait dire à SINOU qu'il faut remettre en question la notion de quartier spontané étant entendu que tout le monde participe à la prolifération du phénomène. A la périphérie de Bamako (Mali) par exemple, il fait remarquer que les notables traditionnels, riches commerçants, hauts fonctionnaires, procèdent à des lotissements analogues à ceux des quartiers lotis de manière à légitimer leurs implantations vis-à-vis de l'administration.

    A Ouagadougou (Burkina Faso), OUATTARA A. (2001) impute le phénomène à la croissance rapide de la population et surtout à l'insuffisance des terrains produits. Il note à titre illustratif que seules 20 300 parcelles loties étaient mises à la disposition des 89 000 ménages de la ville en 1985. Face à cette situation, les citadins ont réagi en occupant de manière anarchique la périphérie de l'espace urbain en y bâtissant des quartiers spontanés. Ces derniers, couvraient 70% du territoire urbain en 1980 et abritaient 60% de la population. Il faut aussi souligner que les sécheresses répétitives avaient drainé des milliers de ruraux vers la ville ce qui a accru la pression foncière.

    Les causes de l'occupation informelle de l'espace urbain sont nombreuses. Outre, le désir d'avoir son propre domicile, l'habitat informel procure à ceux qui en disposent en grand nombre, un moyen financier à travers la location. Du coup, il est aisé de comprendre que les squatters ne sont pas nécessairement les moins nantis de la ville encore moins des néo-ruraux déracinés. Selon GAPYISI E. (1989), l'occupation irrégulière du sol pour bâtir sa maison relève d'une tactique de mise devant les faits accomplis, stratégie qui semble efficace face aux pouvoirs publics dont les représentants sont parfois complices sinon même des acteurs officieux de la situation agissant derrière les propriétaires coutumiers. C'est pourquoi, le rythme de croissance des quartiers spontanés est plus rapide que celui des quartiers réguliers. La prolifération des quartiers spontanés serait liée d'une part à l'insuffisance des parcelles viabilisées du fait de pratiques informelles qui ne favorisent pas l'accès au logement au plus grand nombre et d'autre part à la procédure administrative lente et compliquée que certains citadins rechignent.

    Selon CANAL P. DELIS P, GIRARD C (1990) l'occupation irrégulière du sol urbain en Afrique subsaharienne n'est pas un phénomène spontané. En effet, contrairement à certaines parties du monde (Asie et Amérique latine notamment) on n'assiste pas à des invasions de terre par des néo-citadins en Afrique au Sud du Sahara. Les squatters sont pour la plupart des

    citadins victimes de déguerpissement de leurs sites placés sous contrôle des administrations foncières. Ces auteurs lient en partie le squattage au manque d'information des citadins par rapport au droit foncier moderne et à ses procédures compliquées. Les propriétaires fonciers coutumiers ne reconnaissent pas l'aliénation de leurs terres par l'administration et font appel à ses agents (géomètres) pour procéder au lotissement de leurs domaines. Or selon ces auteurs, une bonne organisation administrative de la gestion foncière impliquant les propriétaires coutumiers pourrait les amener à s'acquitter volontairement de leur devoir vis-à-vis de l'administration.

    La gestion opaque de l'espace urbain à Niamey a été décrite par SIDIKOU (1980). Il note que la fièvre de la spéculation foncière à Niamey remonte à la fin de la deuxième guerre mondiale où une série de textes va venir réglementer l'accès au sol urbain : c'est le droit français. Ce droit moderne vient non pas pour abolir le droit coutumier préexistant, mais pour se superposer à ce dernier ouvrant la voie à toutes les interprétations possibles ; les unes aussi légitimes que les autres. Cette confusion semble profiter à toutes les parties et principalement à l'administration dont les offres en parcelles sont toujours insuffisantes et dirigées vers une poignée d'individus. SIDIKOU souligne que l'accession à la propriété comporte bien des écueils que franchissent seulement quelques rares privilégiés, toujours les mêmes, qui accaparent les terrains à bâtir alors que la très grande majorité des Niaméens sont condamnés à être des éternels locataires aux conditions très difficiles voire humiliantes... Les exclus du système officiel se tournent alors vers les propriétaires coutumiers, eux-mêmes mécontents du mode de dédommagement suite aux expropriations abusives de leurs terres sans la juste et préalable indemnisation prévue par la loi instituant l'expropriation pour cause d'utilité publique. Dans son analyse de la situation foncière à Niamey, BELKO GARBA M. (1985) décrit l'attitude des propriétaires coutumiers en la comparant à une situation météorologique en ces termes : « à la manière des fronts cycloniques, chaque avancée du front urbain, provoque une tempête foncière du système traditionnel qui lui impose des stratégies ». Ces stratégies ne sont autres que le lotissement informel au profit des demandeurs de parcelles.

    1.5.2 Les conséquences des pratiques informelles sur le dynamisme urbain

    L'habitat irrégulier se développe dans la plupart des cas sur des sites déclarés inconstructibles
    par les administrations foncières. Il s'agit le plus souvent des zones escarpées ou inondables,
    des sites à fort risque d'éboulement. Les lotisseurs privés ne se soucient pas des conséquences

    sanitaires liées à l'occupation d'un secteur pollué ou inondable et il appartient aux autorités administratives de trouver tôt ou tard des solutions aux problèmes posés par l'occupation de ces sites. L'habitat illégal s'étend plus rapidement que l'habitat régulier avec toutes les conséquences sanitaires qui en découlent à savoir les immondices en putréfaction, les eaux usées non canalisées, les voies sinueuses et impraticables, bref un ensemble de facteurs favorables à la propagation des maladies rendant le cadre de vie urbain désagréable et indécent. L'intégration de ces secteurs au tissu urbain nécessite des coûts financiers importants. C'est pourquoi, les autorités préfèrent régulariser les quartiers informels situés dans des zones moins accidentées. Si l'autoconstruction associée aux occupations illégales de terres constitue une solution de logement à moindre coût pour les familles les plus pauvres, c'est au prix d'un coût social considérable, la logique du système voulant que cet habitat se développe dans les zones les plus coûteuses à viabiliser et équiper, et présentant un risque majeur permanent pour les populations résidentes (DUREAU F. ; HOYOS M.C 1995).

    A Niamey par exemple cette urbanisation incontrôlée résultant des conflits entre les différents acteurs fonciers a pour conséquence une multiplication des quartiers informels en attente d'intégration au système urbain : c'est le cas de Koubia, Zarmagandey, Pays-Bas, Golf, etc.

    1.5.3 Quelques solutions envisagées

    Jusqu'au début des années 70, la solution qu'apportaient les autorités politiques à l'habitat informel était la destruction. Face à l'inefficacité de cette mesure et sous la pression des Institutions financières internationales dont la Banque Mondiale, les bulldozers ont été abandonnés au profit d'une intégration concertée de l'habitat informel au tissu urbain avec la participation financière des squatters.

    Certains dirigeants ont pensé pouvoir résoudre l'occupation illégale de l'espace urbain en instituant des politiques audacieuses. C'est dans cet ordre d'idée que JAGLIN S. (1995) loue les mérites du régime de Thomas SANKARA à travers les mesures énergiques prises afin d'atténuer le phénomène. Dans cette optique, il a été décrété qu'à compter de décembre 1984, il n'y aura plus de construction nouvelle dans la ville de Ouagadougou. Dans la foulée, les transactions immobilières avaient été suspendues. Les constructions nouvelles et les transactions immobilières ne pourront se faire que sur des terrains lotis avec autorisation préalable du ministère de l'intérieur. De plus, le logement est rendu gratuit pour l'année 1985 pour permettre aux petites gens de faire l'économie du prix du loyer afin de bâtir leurs propres maisons. En outre, les autorités avaient nationalisé la terre afin de créer un domine foncier

    national et avaient doté les services compétents d'instruments de contrôle de l'espace urbain pour éviter toute forme de spéculation. Les mesures dissuasives tendant à détruire l'habitat irrégulier sont selon GAPYISI E. (1989) des pratiques irréalistes car les autorités savent pertinemment que la population urbaine ne peut pas rester sans logement quelque soit le statut. Aussi, préconise t-il aux décideurs et techniciens de l'urbain d'être plus réalistes en tenant compte de la réalité socioéconomique des citadins car avant tout la ville est construite pour ses habitants et pour cela il faudrait tenir compte de leurs moyens.

    1.5.4 Enseignements tirés de l'état de l'art

    Une réponse au problème de logement pour la majorité des citadins des villes du tiers-monde passe par une approche systémique et dynamique de la ville, la question environnementale doit donc y être intégrée. L'intérêt accordé à ce secteur par le capitalisme mondial, qui depuis le milieu des années soixante-dix réclamait son intégration dans le système urbain participe de cette volonté d'atténuer une crise grave qui risque de créer une déstabilisation politique. C'est pourquoi, DUREAU F. ; HOYOS M.C (1995) affirment que : tirer les enseignements des interrelations entre pratiques de mobilité des individus et des ménages et transformations urbaines, devrait être une préoccupation centrale pour la définition de toute politique urbaine : seulement ainsi pourrait-on prétendre agir sur la dynamique urbaine, et non plus uniquement subir les conséquences des pratiques résidentielles des citadins. C'est en agissant sur la dynamique urbaine qu'on peut envisager apporter une solution durable à la crise urbaine dans les villes des pays en développement.

    Chapitre II : Les villes d'Afrique subsaharienne francophone et leur planification urbaine

    Le modèle urbain actuel de l'Afrique subsaharienne est une pâle copie de celui de la période coloniale dont les objectifs visaient avant tout à satisfaire les besoins d'administration et surtout de transit des matières premières en partance pour l'Europe. C'est ce qui selon SERGIO (2002) explique que sur 33 villes de plus de 1 million d'habitants, 18 sont créées dans la zone du littoral. Après les indépendances, les nouveaux Etats n'ont pas pu créer un dynamisme interne pour faire de ces villes des vecteurs de développement en planifiant leur croissance. Au contraire, les villes sont devenues des réceptacles de populations diverses dont la majorité est mal préparée à s'intégrer à une vie urbaine parfois austère.

    2.1 L'historique des villes d'Afrique subsaharienne francophone

    Timide à ses débuts, le processus d'urbanisation en Afrique subsaharienne a commencé à prendre de l'ampleur au lendemain de la deuxième guerre mondiale (vers 1950) pour atteindre un seuil effarant dans les années 1980. L'entrée de l'Afrique dans l'économie de marché, la migration des ruraux et la forte croissance démographique sont autant de facteurs qui ont favorisé ce phénomène. A titre d'exemple, en Afrique occidentale, la population est passée de 40 millions d'habitants en 1930 à 87 millions en 1960 pour atteindre 194 millions en 1990 et près de 220 millions à la fin du siècle, soit un doublement tous les 25 à 30 ans (COUR J-M. 1995).

    Cette croissance exponentielle observée au niveau global est encore plus poignante quand on la rapporte au niveau urbain. En effet, alors que la population africaine a triplé de 1950 à 1997, celle des villes a été multipliée par 11 passant de 22 à 250 millions. Des villes comme Abidjan, Kinshasa ont connu des taux de croissance de 10% dans les années 1970 et d'une manière générale le taux de croissance urbaine était supérieur à 6% au cours des années 60 et 70 alors que ce taux était de 3, 8% pour l'ensemble des pays sous-développés (SERGIO, 2002). L'urbanisation rapide en Afrique subsaharienne est un phénomène inéluctable et inquiétant. En 1960, selon FARVACQUE C ; LUCIEN GODIN (1997)5 plus de 80% de la population étaient rurales mais l'ampleur de la croissance fait que les capacités locales de

    5CATHERINE FARVACQUE-VITKOVIC LUCIEN GODIN (1997) L'avenir des villes africaines : Enjeux et priorités du développement urbain LE DEVELOPPEMENT EN MARCHE, Washington, 177p

    gestion, d'absorption et de financement sont vite dépassées. Cela pose d'énormes défis qu'il va falloir relever urgemment car les chiffres parlent d'eux-mêmes : 50 millions de personnes vont émigrer vers les villes d'Afrique de l'Ouest d'ici ces dix prochaines années, 80 000 hectares de terrains seront nécessaires pour répondre à cette demande. D'ici 2020, 63% de la population habitera en ville (figure n°1).

    Figure n°1 : Perspectives de population urbaine en Afrique subsaharienne francophone en 2020

    Pop. millien

    100000

    40000

    20000

    90000

    80000

    70000

    60000

    50000

    30000

    10000

    0

    Pop. Urb. 1990 Pop. Totale 2020 Pop. Urb. 2020

    Source : http://www.fao.org/DOCREP/003/X6988F/x6988f06.htm

    Selon les statistiques de l'ONU le taux moyen d'urbanisation en Afrique subsaharienne francophone qui était d'environ 30% en 1990 passerait à un peu plus de 47% en 2020. Pour la même période, le taux moyen de croissance annuelle de la population urbaine serait de 4,8. La Mauritanie et le Burkina Faso sont les deux extrêmes avec 3,8 pour le premier et 7 pour le second. Même si les projections sont parfois contradictoires, elles montrent une nécessité de planification de la croissance urbaine afin d'éviter les formes de violence et troubles sociaux qu'occasionnent les disparités.

    2.2 La planification urbaine dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone

    Le rythme de la croissance urbaine en Afrique subsaharienne n'a pas permis aux autorités de mettre en place les éléments nécessaires à la maîtrise du développement, de la gestion et de la planification urbaine. Ainsi se développent des villes incapables d'offrir à un nombre croissant de citadins les avantages de la ville d'où la naissance d'un urbanisme de rattrapage

    fait de ségrégation sociale et spatiale remarquable à travers le paysage urbain constitué de quartiers anciens surpeuplés, dégradés et paupérisés, des quartiers résidentiels de haut standing et une périphérie constituée parfois d'habitat de fortune.

    FARVACQUE-VITKOVIC C. et GODIN L. (1997) soulignent que les villes d'Afrique subsaharienne ont été planifiées des années 70 à 90 selon trois repères :

    - Années 70 : dès les années 60, les nouvelles autorités s'étaient rendues compte qu'elles ne pouvaient pas accéder à la demande de tous les citadins en logement. Face à ce constat accablant, la stratégie adoptée au cours de la décennie 70 consistait à rendre accessible l'habitat au plus grand nombre et à lutter contre la pauvreté urbaine. Le message était simple et clair et peut se résumer en ces termes :

    * la puissance publique n'a pas les moyens de construire un logement pour chaque ménage et devrait consacrer plutôt ses ressources à l'aménagement de terrains pour l'autoconstruction, * les quartiers spontanés ou sous-équipés ne doivent plus être détruits, mais améliorés et réhabilités,

    * les coûts doivent être recouvrés pour assurer la replicabilité des opérations.

    - Années 80 : cette décennie débute avec une crise économique et financière ayant conduit à l'ajustement structurel de l'économie de quasiment tous les pays d'Afrique subsaharienne francophone. Les projets urbains ne sont plus une priorité des Etats et la Banque Mondiale qui intervenait dans plusieurs projets montrait moins d'engouement. On ne retrouve plus la progressivité qui marquait les premiers projets et qui cherchait à enrichir l'expérience d'un projet sur l'autre.

    - Années 90 : Cette période était marquée aussi par la dévaluation de 50% du franc CFA contribuant à exclure la majorité des citadins à l'accès à l'habitat urbain avec l'augmentation de 50% du coût des matériaux de construction importés ; les prix des matériaux locaux ont été majorés alors que les revenus n'ont pas connu une amélioration. Au même moment est apparue l'ouverture démocratique qui s'est traduite par un affaiblissement du pouvoir central qui a eu des répercussions sur le tissu urbain.

    C'est avec ce balbutiement que l'Afrique subsaharienne est entré dans le nouveau millénaire avec une urbanisation mal maîtrisée et pernicieuse.

    Confrontés aux difficultés d'obtention des titres fonciers ou même des actes de cession, certains de citadins occupent le sol urbain de manière irrégulière. On assiste à une ruralisation de la ville ou du moins de certains quartiers dans lesquels les populations pratiquent des activités agricoles et consomment l'eau des puits malgré le risque lié à la contamination de certaines nappes phréatiques.

    2.3 Le processus d'urbanisation en Afrique subsaharienne francophone face à celui des autres régions du monde

    Bien que d'ampleur aujourd'hui inquiétante, l'explosion urbaine en Afrique n'est pas un cas atypique et on pourrait dire qu'elle se déroule selon un processus analogue à celui d'autres continents. Ce qui fait la particularité du contexte africain, ce sont les conditions de son évolution faites de pauvreté quasi généralisée et de déliquescence des Etats d'où les inquiétudes légitimes des observateurs. En Europe par exemple, l'urbanisation a pris de l'ampleur avec l'industrialisation. Cette dernière aurait été le facteur déterminant de la migration des populations rurales qui se sont retrouvées dans les villes pour servir comme ouvriers augmentant ainsi les populations urbaines. En Grande Bretagne, foyer de l'industrialisation, au début du XIXème siècle, 20% de la population vivaient dans des villes de plus de 10 000 habitants. Cent ans plus tard, on en dénombrait 64% et la population de Londres a été multipliée par 7 passant de 1,1 million en 1800 à 7,5 millions au début du XXème siècle selon MORICONI EBRARD (1993). Il est aisé de constater que l'urbanisation en Europe s'est déroulée de façon progressive dans le temps en accompagnant l'industrialisation. Mieux, les patrons des industries s'étaient impliqués dans la planification urbaine en oeuvrant pour l'amélioration des conditions d'habitat des ouvriers installés non loin des sites industriels.

    L'Asie et l'Amérique Latine eurent aussi des croissances urbaines dépassant 6% entre 1840 et 1860. Il en fut de même pour les Etats-Unis d'Amérique où selon COUR J.M (1995), contrairement aux autres parties du monde, des citadins s'étaient déplacés avec leurs capitaux et savoir-faire pour se retrouver dans d'autres villes. Des mesures sévères ayant conduit à l'extermination de la culture voire même de la population autochtone, ont été prises. La planification urbaine a été rationalisée et des modèles urbains de type « cité jardin » ont été mis en oeuvre (SERGIO 2002). Selon le même auteur, l'urbanisation en Amérique Latine est liée à la migration des ruraux fuyant la désintégration des systèmes de production avec l'imposition des monocultures et l'éviction des agriculteurs par les grands propriétaires terriens (Latifundios). L'Amérique Latine est aujourd'hui une des régions du monde qui compte plus de population urbaine et où il y a les plus grandes mégalopoles. Bien que ses villes soient plus anciennes et aient de meilleures infrastructures et services que celles de l'Afrique, elles montrent aussi la hiérarchisation sociale, avec des zones résidentielles très luxueuses et une majorité des quartiers dégradés, insalubres et sans les conditions minimums d'habitabilité.

    Avec 13 des 23 mégalopoles mondiales d'au moins 8 millions d'habitants, l'Asie est un contient où l'urbanisation s'accélère à un rythme vertigineux sous l'effet de la migration rurale.

    Figure n° 2 : Pourcentage de la population urbaine 1970, 1995, 2020

    Source : COUR J-M. ( http://www.urbanisme.equipement.gouv.fr)

    En Asie comme en Afrique on assiste à une forte migration des ruraux paupérisés mais contrairement à l'Afrique où les ruraux sont déversés dans les villes sans perspectives d'intégration pour la majorité, en Asie, l'urbanisation s'est effectuée dans un contexte de développement du secteur industriel manufacturier en particulier au cours des décennies 80 et 90 correspondant aux années d'atermoiement dans la gestion urbaine en Afrique subsaharienne francophone.

    2.4 La ségrégation résidentielle dans les villes de l'Afrique subsaharienne francophone

    En général, les villes d'Afrique subsaharienne francophone se sont développées à partir des anciens noyaux sur lesquels se sont superposés des nouveaux ceinturant le centre colonial administratif. Ces villes se caractérisent par leur typologie variée qui dégage deux traits principaux : les tissus aménagés, siège de l'administration et du commerce formel ; c'est dans cette partie que se trouvent l'habitat de haut et moyen standing, et où résident les classes sociales aisées. L'essentiel des infrastructures urbaines est orienté dans cette partie de la ville. L'autre est constitué de tissus non aménagés : c'est le domaine des classes paupérisées caractérisé par l'absence des services urbains de base.

    Cette configuration donne à la ville un aspect dual fruit en partie du passé colonial. Si pendant la colonisation la ville était divisée suivant un critère racial avec d'une part la ville indigène et de l'autre la ville blanche les deux séparées parfois par un obstacle naturel, la période postcoloniale est marquée par une ségrégation économique. Toutefois, on n'assiste pas à un véritable apartheid car à l'intérieur des deux « villes », se trouve un habitat qui ne respecte pas le zonage. SERGIO (2002) souligne que la majorité des quartiers se sont développés comme des îlots isolés en fonction des besoins et des intérêts des habitants. Cela a entraîné un véritable problème d'aménagement urbain qui a suscité l'intervention des partenaires extérieurs dont notamment la Caisse Centrale de Coopération Economique de la France qui a permis des financements de l'habitat urbain dans les villes des pays francophones jusqu'au milieu de la décennie 70. C'est le cas par exemple au Niger où elle a participé au capital du Crédit du Niger (la banque de l'habitat) jusqu'en 1975 où elle a mis fin à ses subventions. La décennie 70 a été marquée aussi par l'engouement de la Banque Mondiale pour la réhabilitation des quartiers spontanés et le financement des projets de trame d'accueil à travers la réalisation d'équipement minimum allant de la desserte en eau à la réalisation des caniveaux. Les difficultés de mobilisation de financement de logement ont conduit les pays Africains à créer en 1982 une société panafricaine de financement de l'habitat dénommée Schelter-Afrique.

    2.5 Les systèmes de droits et statuts d'occupation dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone

    En Afrique subsaharienne francophone, coexistent deux systèmes de droit foncier relevant de logiques et de légitimités différentes qui, dans bien des cas, se sont superposés contribuant à entretenir une confusion juridique dont les différents acteurs essaient de tirer profit. Ce syncrétisme juridique en milieu urbain a conduit à ce que DURAND-LASSERVE A. (1993) a appelé un imbroglio-foncier très complexe. Il résume la difficulté foncière à trois niveaux :

    - les conditions d'application des textes hérités de l'époque coloniale qui organisent et réglementent le régime de la concession foncière.

    - l'usage de ces textes par les différents pays après leur accession à l'indépendance.

    - la résurgence du droit coutumier précolonial au cours des décennies 70 et 80 en violation de la loi.

    2.5.1 L'organisation du régime de la propriété foncière

    Dans le souci d'assurer et de garantir des droits réels sur le sol, il a été mis en place dans l'ancien empire colonial français un système juridique reposant sur l'immatriculation des immeubles au livre foncier. Quoique facultatif, c'est l'immatriculation qui donne droit à un titre foncier inattaquable. Ce caractère facultatif, la complexité de la procédure et la possibilité de son contournement ont fait que peu de domaines ont été enregistrés sur le livre foncier même en milieu urbain.

    Le cadre général de l'organisation de la propriété foncière s'articule autour du droit coutumier constituant la situation initiale et le code civil avec l'attribution de concessions. De la période coloniale aux indépendances, l'attribution officielle de droit d'usage sur les terrains repose sur trois procédures : la concession foncière, le permis d'habiter et le permis d'occuper.

    - la concession foncière est un contrat passé entre l'administration chargée de la gestion du domaine privé de l'Etat et une personne privée, au terme d'une procédure dite de lotissement. Les obligations de la puissance concédante sont entre autres le lotissement de la partie du domaine privé, la délimitation des parcelles, la définition de leur destination et l'attribution d'un numéro d'identification. Ce titre est provisoire et donne droit selon les pays à une « concession définitive » semblable à un titre foncier ou à un droit réel immobilier (emphytéose ou droit de superficie). Pour obtenir la concession définitive il faut remplir un certain nombre de conditions à savoir : l'occupation et la jouissance de la parcelle conformément aux textes, la mise en valeur effective du terrain et l'accomplissement des formalités foncières. Selon cette procédure, le concessionnaire ne devient propriétaire qu'à condition de détenir un titre foncier, lequel a été établi avant son transfert au nom de la collectivité publique concédante. Le concessionnaire succède donc au concédant. L'Etat fonde et prépare l'appropriation foncière privée. En outre, l'Etat n'est que l'instrument politique de légalisation de l'extension des emprises foncières des personnes et des capitaux dominants dont il autorise le déploiement sauvage.

    - Le permis d'habiter c'est une autorisation administrative donnée à titre gratuit, mais conditionnelle et révocable : l'Etat garde la propriété du sol ; le « permissionnaire » ne peut l'utiliser à des fins autres que d'habitation et doit se conformer à des règles minimales s'il construit ; s'il quitte le pays, la parcelle revient à l'Etat ; celui-ci se réserve d'ailleurs à tout moment le droit de reprendre la parcelle (DURAND-LASSERVE A. 1993). Après les indépendances, ce permis ne s'octroie qu'après le paiement d'une taxe ou contribution spéciale à l'autorité publique. Cependant, ce titre révocable peut être transformé en titre

    effectif de propriété car le permissionnaire peut demander que le terrain qu'il a mis en valeur lui soit vendu.

    - le permis d'occuper est un simple « droit » donné à un individu de s'installer sur le domaine privé de la collectivité publique pour une durée déterminée. Contrairement au permis d'habiter, avec le permis d'occuper le permissionnaire ne peut en aucune manière devenir propriétaire de la parcelle même après la mise en valeur. C'est une autorisation précaire et révocable qui autorise à s'installer le plus souvent sur un terrain non loti.

    2.5.2 Les filières coutumières de production et d'attribution du sol urbain et les occupations irrégulières

    Trois modes de fonctionnement existent au niveau des filières coutumières des villes d'Afrique subsaharienne francophone :

    - un terrain domanialisé ou non, sur lequel un groupe revendique un droit au nom de la coutume, est subdivisé en lots et cédé à des personnes privées étrangères au groupe (et au lieu). Usant de leur droit coutumier, les propriétaires coutumiers vendent des terrains. Cette procédure est considérée comme illégale par les autorités administratives qui, dans certains cas, procèdent à la régularisation de l'occupation à la demande de l'acheteur. La régularisation se matérialise par l'obtention d'un document administratif de valeur allant de la concession provisoire au titre foncier.

    - un terrain qu'un groupe revendique en prétextant son droit coutumier en dépit de l'immatriculation du terrain au nom de l'Etat ou d'une collectivité locale. L'Etat ou la collectivité alloue au groupe soit une somme d'argent, soit une partie du terrain à titre de mesure compensatoire. La compensation sous forme de terrains (qui est la mesure la plus fréquente) se fait avant ou après le lotissement. Si elle se fait avant, les propriétaires coutumiers procéderont eux-mêmes au lotissement sur la partie du terrain qui leur a été rétrocédée. Malgré cela les acquéreurs de parcelles produites dans ces conditions doivent régulariser leur situation auprès de l'Administration.

    - la troisième filière informelle d'occupation du sol est le squattage qui consiste à occuper un terrain appartenant aux domaines public ou privé de l'Etat, des collectivités et quelques fois des propriétaires coutumiers par un groupe sans l'accord des propriétaires ou possesseurs de terrains.

    La superposition de systèmes de droits et de pratiques revendiquant chacun une légitimité
    aboutit à une contradiction qui se reflète dans la gestion foncière des villes d'Afrique

    subsaharienne francophone. Il s'en suit des litiges continus concernant l'identité du légitime
    propriétaire ou les limites de la parcelle. Ces litiges concernent aussi les acquéreurs d'une
    parcelle attribuée à plusieurs demandeurs : un cas fréquent dans la filière informelle de la

    plupart des villes d'Afrique subsaharienne francophone à l'exception de Niamey l'organisation de la vente ne permet pas une telle arnaque.

    L'entrée récente de l'Afrique subsaharienne francophone dans le processus d'urbanisation constitue une source de préoccupation d'autant qu'elle pose de nombreux défis auxquels les autorités n'arrivent pas à faire face. Contrairement aux autres parties du monde, l'urbanisation en Afrique subsaharienne francophone s'opère dans un contexte de paupérisation générale. Les tentatives de maîtrise du foncier et d'accès au logement pour le plus grand nombre offrent un bilan mitigé. On assiste à une ségrégation résidentielle compliquée par des systèmes de droits contradictoires qui se superposent. Le Niger, ancienne colonie française, n'échappe pas à cette règle et Niamey la capitale est le territoire sur lequel se traduisent ces contradictions interminables.

    Chapitre III : Niamey : description et caractérisation de la problématique

    Avant d'entamer la présentation de Niamey, il est impératif de présenter le territoire dont elle constitue aujourd'hui la principale ville et regroupe l'essentiel des activités administratives et économiques. L'instabilité politique et économique qui a caractérisé le pays est remarquable à Niamey où elle se lit en partie sur le paysage urbain.

    3.1 Notes générales sur le Niger

    Pays sahélo-saharien, le Niger est situé à mi chemin entre l'Afrique du nord et l'Afrique sud saharienne. Ce territoire qui s'étend entre 11°37' et 23°33' de latitude nord et entre 0°06' et 16° de longitude Est couvre une superficie de 1 267 000 km2. Avec une population estimée à 12 628 241 habitants en 2005, la densité moyenne est de 9,9 habitants au km2. Cette densité cache des fortes disparités. En effet, désertique au 3/4, l'essentiel de la population se concentre sur la bande sud où les densités varient entre 13,5 dans la région de Zinder à 2 776,3 à Niamey. Rurale à 83%, la population nigérienne se caractérise aussi par sa jeunesse puisque les jeunes de moins de 15 ans représentent 48,4% (INS : RGP/H/2001). Avec un taux d'accroissement de 3,3% (l'un des plus élevés au monde) la population nigérienne a été multipliée par 2,16 en 24 ans.

    3.1.1 L'évolution institutionnelle

    De son accession à l'indépendance en 1960 à 1974, le Niger a été dirigé par régime civil dirigé par Diori Hamani. Cette première République a été renversée par un coup d'Etat instaurant un régime d'exception dirigé par Seyni Kountché de 1974 à 1987 puis de 1987 à 1991 par Ali Saïbou. Ce dernier transforma le régime d'exception en parti unique (deuxième République). Comme la plupart des pays d'Afrique subsaharienne francophone, le Niger entame un processus démocratique dans un contexte de crises multiformes. La crise économique a commencé à sévir à partir de 1982 suite à la chute drastique des cours de l'uranium (principale ressource d'exportation du pays). Le Niger finit par conclure un accord avec les institutions de Bretton Woods. Les mesures impopulaires en vue de l'obtention de ces accords ont provoqué des remous sociaux qui ont contribué à affaiblir l'économie et l'autorité de l'Etat. Les mobilisations multisectoriales contraignent le gouvernement du parti unique à accepter le multipartisme et l'organisation d'une conférence nationale souveraine à partir de

    juillet 1991. Celle-ci met en place un gouvernement de transition qui élabora une constitution de type semi présidentiel adoptée en décembre 1992. Lors des élections générales de 1993, la coalition dite Alliance des Forces du Changement (AFC) remportera les élections et Mahamane Ousmane devient président de la République. Les contradictions entre les démocrates finiront par faire éclater la coalition. L'assemblée nationale a été dissoute et l'opposition réunie autour de l'ancien parti unique rejoint par les transfuges de l'AFC, remporte les élections législatives et contraint le Président à nommer un gouvernement dirigé par l'opposition. Cette cohabitation provoque un blocage au niveau de l'Etat. L'armée intervient en janvier 1996 et met fin au processus démocratique en suspendant la constitution. Le chef d'état-major le colonel Ibrahim Baré Maïnassara devient chef de l'Etat. Une nouvelle constitution de type présidentielle est adoptée le 12 mai 1996. Le chef de la junte militaire se porte candidat et remporte les élections présidentielles suite à des fraudes massives. L'opposition qui a refusé de participer aux élections législatives s'est organisée au sein d'un Front pour la Restauration et la Défense de la Démocratie (FRDD). Rejoint par les syndicats mobilisés contre les mesures draconiennes imposées par le gouvernement avec la diminution de 30% des salaires, la réduction de l'âge de la retraite, le FRDD parvint à déstabiliser le pouvoir à travers l'organisation de multiples manifestations. Pour décrisper la situation le pouvoir organise des élections municipales le 7 février 1999 conformément au schéma de décentralisation. Ces élections remportées par l'opposition ont été annulées par le gouvernement creusant une fois de plus le fossé entre le pouvoir et la majorité de la population. Finalement, l'armée intervient pour mettre fin à cette quatrième République en assassinant le Chef de l'Etat le 9 avril 1999. Le commandant de la garde présidentielle, Daouda Mallam Wanké devient chef de l'Etat, promet un retour rapide à une vie constitutionnelle normale dans neuf mois. Une nouvelle constitution (celle de la 5ème République) est adoptée le 18 juillet 1999. Avec l'élection présidentielle du 24 novembre 1999, Tanja Mamadou est élu Président de la République. Il sera réélu 5 ans plus tard.

    3.1.2 L'administration

    L'administration est placée sous le contrôle du pouvoir exécutif dont il est l'instrument de mise en oeuvre des politiques publiques. A l'instar de la plupart des pays d'Afrique subsaharienne francophone, la fonction publique nigérienne se caractérise par un emploi permanent permettant de faire carrière jusqu'à la retraite. Cette pratique a été mise à rude épreuve avec la crise économique débutée au début des années 80. Le recours aux institutions

    financières internationales est conditionné par la réduction des dépenses publiques. La fonction publique absorbait 60% du budget sous forme de salaires alors qu'elle ne représente que 0,5% de la population. Près de 47%6 des agents sont concentrés à Niamey. Les difficultés financières ont conduit les gouvernements successifs à accumuler des arriérés de salaire provoquant des grèves dans l'administration et augmentant la corruption des agents. Le rabattement des salaires décidé en 1996 sous prétexte de pouvoir en assurer la régularité n'a pas été la panacée. Au contraire, il a renforcé les pratiques de détournement et la corruption. Dans la perspective d'une gestion efficace de l'Etat, une reforme a été introduite au niveau du système judiciaire qui est en partie un héritage du système colonial qui aménage la coexistence de deux systèmes pour le moins incohérents : le droit moderne issu du code napoléonien et le droit coutumier. Ce système juridique peine à trouver des solutions justes et définitives aux conflits fonciers avec des magistrats formés sur les principes du code civil et souvent démunis en face du droit coutumier et des influences politiques. Or depuis l'avènement de la démocratie, les chefs coutumiers tentent d'obtenir des réparations pour le pillage de leur patrimoine foncier sous le régime d'exception. Plusieurs requêtes ont été déposées dans ce sens depuis 1990 pour des faits remontant aux années 70-80. Si la plupart de ces requêtes ont été rejetées, la Chambre administrative a admis une requête formulée plus de dix ans après l'acte incriminé (Arrêt 96-04/A du 17 janvier 1996), dans une affaire d'expropriation faite en violation des procédures légales, le plaignant ayant invoqué "le fait du prince" SORY B.7.

    3.1.3 L'organisation territoriale

    La centralisation du pouvoir ayant été considérée comme l'un des facteurs d'inertie de l'administration, le Niger s'est engagé dans un processus de décentralisation véritable à partir de 1990. Un nouveau redécoupage administratif a vu le jour. Désormais, le pays comporte 8 régions, 36 départements, 265 communes dont 52 urbaines (parmi lesquelles 4 Communautés urbaines : Niamey, Tahoua, Maradi et Zinder) et 213 rurales.

    Il faut noter qu'au Niger les villes sont peu nombreuses et numériquement peu développées8. Quatre types de centres urbains se distinguent :

    - les petits centres (population inférieure à 10 000 habitants) ;

    - Les centres moyens (ayant une population comprise entre 10 000 et 100 000 habitants) ;

    6 http://www.etat.sciencespobordeaux.fr/institutionnel/niger.html

    7www.etat.sciencespobordeaux.fr/institutionnel/niger.html

    8 DONAINTP. , François LANCRENON F. 1972, Le Niger, Paris, PUF, 128p (collection SQJ)

    - les grands centres (d'une population comprise entre 100 000 et 500 000 habitants) ; - la métropole nationale (avec une population dépassant les 500 000 habitants).

    Lors du recensement de la population et de l'habitat effectué en 2001, la caractéristique principale de la population urbaine nigérienne est que 57,1% de celle-ci vit dans trois villes sur les 40 que compte le pays. 40% de la population urbaine vit dans les villes moyennes qui constituent 73% des centres urbains alors que seuls 3% de citadins vivent dans les petites villes qui représentent 20% des centres urbains. Niamey la capitale concentre 39,4% des citadins9. Cependant, la population urbaine croit rapidement du fait du croit naturel mais surtout de l'exode rural qui draine des milliers de ruraux vers les centres urbains. Parmi ces centres, Niamey est incontestablement celui qui reçoit le plus grand contingent du fait que depuis quelques décennies il joue le double rôle de capitale politique et économique du pays. La population urbaine est estimée à 2 054 453 habitants soit 16,3% de la population en 2005 (INS). Les conditions naturelles ne permettent pas à la majorité des Nigériens (les jeunes principalement) d'avoir une activité tout au long de l'année. C'est pourquoi, dès la fin de la saison des pluies, la plupart des jeunes quittent leurs villages pour les villes nigériennes et côtières.

    3.2 Niamey : le milieu naturel

    Ville coloniale, Niamey tire son importance de sa situation géographique. Elle apparaît à la suite des grandes missions de reconnaissance du début du vingtième siècle. Selon HAMA B.10 , Niamey apparaît entre les années 1924 et 1925 comme le carrefour des routes terrestres et aériennes de l'Afrique Centrale, tandis que sa position à l'extrémité d'un bief navigable au Niger la relie naturellement aux territoires côtiers. Cette situation exceptionnelle a beaucoup pesé dans le choix de son site pour abriter la capitale du territoire militaire qui lui valut les premières réalisations dans le domaine de l'urbanisme bien avant la seconde guerre mondiale.

    3.2.1 Les conditions physiques

    L'agglomération de Niamey est située entre 2°01'43»et 2°14'05»de longitude Est et 13°25'45»et 13°36'16» de latitude Nord. Elle couvre une superficie de 239,263 km2 et s'étend d'Est en Ouest sur 14 km et du Nord au Sud sur 10 km, avec l'annexion des villages périphériques. La ville doit beaucoup sa réputation et son statut actuel à des considérations

    9 Note de présentation des résultats définitifs du recensement 2001.

    10 HAMA B, (sd), Projet d'un article, 9p.

    d'ordre stratégique jugées intéressantes dans le contexte de conquête militaire du début du 20ème siècle dans le cadre de la progression d'Ouest en Est, de l'Atlantique vers le Lac Tchad, des troupes coloniales françaises11.

    Le climat est caractérisé par une courte saison humide et une longue saison sèche (7 mois). Les températures sont variables selon les saisons. Ainsi, durant la saison sèche et fraîche les températures minimales moyennes sont inférieures à 20°C. A l'inverse, les températures moyennes minimales sont de l'ordre de 40 à 45°C au cours de la saison sèche et chaude. Avec une altitude variant de 180 à 250 m, Niamey est divisée en deux parties par le fleuve Niger qui constitue le principal élément du réseau hydrographique et dont la forme a beaucoup guidé la croissance spatiale de la ville. C'est ainsi que la croissance de la ville s'est, durant toute la période coloniale, étendue sur la rive gauche. L'autre rive était d'ailleurs un moment rattachée à la colonie de Haute-Volta (actuel Burkina Faso) avant de revenir à la colonie du Niger en 1927. Ce n'est qu'après la mise en service en 1970 du pont Kennedy qui relie les deux rives que la rive droite connut un gain d'intérêt auprès de la population.

    La plus grande partie de la ville est donc localisée sur la rive gauche, un vaste plateau d'une altitude moyenne de 260 m. Sur cette rive plus propice à l'urbanisation existent cependant de petites vallées sèches dont celle du Gountou Yéna servait de frontière entre l'ancienne ville dite européenne et la ville dite indigène. La rive droite se situe sur une plaine alluviale inondable en de nombreux endroits d'une altitude inférieure à 185 m. Dans cette partie de la ville, en dehors des bras morts de fleuve qui constituent des mares temporaires et par conséquent inconstructibles. En outre des buttes dénommées les trois soeurs s'étendent sur une bonne partie amoindrissant ainsi l'espace urbanisable. L'espace constructible au niveau de la rive droite serait inférieure à 1000 hectares dont une bonne partie est occupée par les infrastructures d'enseignement et de recherche comme l'université et le Centre Agro-hydroMétéorologique (71 hectares) ainsi que la Douane Rive Droite.

    11 SIDIKOU A.H., BONTIANTI A., et al, (2004), La gestion des déchets urbains à Niamey, Documents et Archives des Etudes Nigériennes/Nouvelle Formule N°1, 81p.

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    3.2.2 Les caractéristiques démographiques

    Niamey est l'exemple type de ville coloniale qui connut une évolution timide aux premières heures de la colonisation. La ville est cosmopolite dès sa fondation. La population est constituée de Maouri, Zarma, Peul, Sonraï et dans une moindre mesure de Bella venus nombreux à la suite de la création du Village-Liberté en 1905 (SIDIKOU et al, 2004).

    Selon BOUBOU H. le recensement effectué en 1953 fait passer Niamey au premier rang des villes du Niger avec une population de 18129 habitants dont 1298 européens. La faible présence européenne s'expliquerait par les conditions climatiques particulièrement rudes et économiques peu favorables. Néanmoins, ce recensement montre que la population a augmenté de 5000 habitants en trois ans et cette croissance sensible fut à l'origine de la création d'une organisation municipale ayant permis à Niamey d'accéder au statut de Commune Mixte le 1er janvier 1954.

    L'évolution démographique est devenue irréversible et Niamey accueille des populations d'autres origines. Il s'agit d'abord des Haoussa du Nigeria, ensuite des Béninois, des Togolais, des Maliens, des Sénégalais, etc. Le fait remarquable est que la position géographique qui a présidé au choix de son site pour abriter la capitale de la colonie puis de l'Etat indépendant du Niger, fait qu'aujourd'hui Niamey est devenue un centre de transit pour les populations d'Afrique centrale et orientale (Cameroun, Tchad, Comores, etc.) en partance pour l'Europe via l'Afrique du Nord.

    Figure n°3 : Evolution démographique Niamey de 1905 à 2005

    La figure n°3 qui présente l'évolution de la population de 1905 à 2005 est construit sur la base des recensements et autres dénombrements effectués au cours de la période. L'évolution démographique a commencé à être significative à partir de l'indépendance en 1960 où le taux d'accroissement moyen atteint 10% par an. Après cette période de forte croissance, le taux d'accroissement moyen fluctuera entre 4,76% pour la période 1977-1988 et 4,15% entre 1988 et 2001.

    La croissance exceptionnelle de la décennie 60 au milieu de la décennie 70 s'expliquerait d'abord par l'accession du pays à l'indépendance qui encouragea beaucoup de Nigériens à s'installer à Niamey et ensuite par l'effet de la sécheresse du début des années 70. A titre d'exemple, en 1973, 16 000 personnes paupérisées se sont ajoutées aux 132 000 habitants de Niamey soit une augmentation de 12,12%. Ce sont toujours les périodes de sécheresse qui correspondent aux moments de forte croissance démographique. Ainsi, en 1984, près de 18 000 personnes se sont réfugiées à Niamey pour faire face à la famine. Niamey connaît donc une croissance démographique rapide du fait du croît naturel relativement élevé et de l'exode rural. En effet, durant la saison morte (d'octobre à mai), des milliers de ruraux de quasiment toutes les régions du pays et même de pays voisins (Burkina et Mali notamment) se retrouvent à Niamey. Ces derniers exercent des activités diverses allant de l'artisanat à l'horticulture en passant par les travaux domestiques et le petit commerce. En 2005, Niamey abrite 6,4% de la population nigérienne et 39,3% de la population urbaine du pays.

    3.2.3 L'évolution politique et administrative de Niamey

    De toutes les villes actuelles du Niger, Niamey est celle qui a connu l'évolution la plus étrange forgée par le destin incroyable qu'a constitué le choix du site de ce petit village d'agriculteurs et de pêcheurs pour abriter un poste militaire français le 15 mai 1902. Un an après le village sans rayonnement local devint le siège du territoire militaire du Niger et ce, jusqu'au 1er janvier 1911 date à laquelle Zinder, centre important situé plus à l'Est et frontalier avec les villes nigérianes sous colonisation britannique, lui ravi ce titre. Le statut des colonies évoluant, le territoire militaire devint territoire civil autonome en décembre 1920 puis colonie du Niger pour compter du 13 octobre 1926. Ce transfert ne dura que 16 ans car dès le 28 décembre 1926, Niamey retrouvera définitivement son rôle de capitale. Cinq ans plus tard Niamey accéda au statut de canton. Par arrêté n°1248/API du 14 février 1954, elle devient commune mixte de premier degré, puis commune de plein exercice à partir du 18 novembre 1955. Il fut organisé pour la première fois des élections municipales à Niamey le 18 novembre

    1956 et le premier maire élu fut Djibo Bakari. A partir de 196712, Niamey accède au statut de ville ayant une emprise sur 74 250 hectares dont 1 300 hectares seulement étaient effectivement bâtis (SIDIKOU 2004). Niamey sera divisée en 17 arrondissements en janvier 1974 puis restructurée en cinq districts en 1979. Ce n'est qu'en 1988 qu'elle devient Communauté Urbaine avec rang de région. Cette huitième région du pays se voit attribuer un territoire un territoire d'une superficie de 23 900 hectares avec l'annexion de plusieurs villages périphériques en 1996. Au terme de la loi n°2002- 012 du 11 juin 2002 déterminant les principes fondamentaux de la libre administration des régions, des départements et des communes ainsi que leurs compétences et leurs ressources, Niamey reste Communauté Urbaine dans ses frontières de 1996. Toutefois le nombre de communes est passé de 3 à 5, elles-mêmes subdivisées en 99 quartiers :

    - la commune de Niamey I : 20 quartiers ;

    - la commune de Niamey II : 17 Quartiers ;

    - la commune de Niamey III : 17 quartiers ;

    - la commune de Niamey IV : 17 quartiers ;

    - et la commune de Niamey V : 28 quartiers

    Chacun de ces quartiers a à sa tête un chef considéré comme un chef coutumier nommé à cette fonction en application des dispositions de l'ordonnance n° 93-02 du 15 avril 1993 portant statut de la chefferie traditionnelle au Niger. Les chefs de quartiers sont des auxiliaires de l'administration. Ils ont officiellement la responsabilité de la collecte des impôts et taxes auprès des populations de leurs quartiers respectifs. Dans les faits, leur responsabilité est plus étendue car ils mobilisent les populations pour les travaux d'intérêt public, s'occupent de la sécurité des populations à travers le contrôle des milices de protection contre les voleurs appelées Yam banga. De plus, ils sont courtisés en vue de la mobilisation des populations en faveur de tel ou tel parti politique.

    Désormais, c'est le Gouverneur de la région de Niamey qui est le représentant de l'Etat. Il dirige les services déconcentrés et veille à l'exécution des lois et règlements de la République. Il a l'autorité sur tous les agents de l'Etat dans la limite du territoire de la CUN à l'exception des cours et tribunaux. La loi n°98-32 du 14 septembre 1998 déterminant le statut des communautés urbaines stipule que la communauté urbaine est un établissement public à caractère administratif doté d'une autonomie financière. Par conséquent, pour la réalisation de ses objectifs, elle dispose d'un budget, d'un personnel et des domaines propres. Elle est gérée

    12 Conformément à la loi, toute agglomération d'une population de 25 000 habitants pourrait être considérée comme ville.

    par un conseil de la Communauté Urbaine composé de membres élus. Les différentes modifications de statuts et de redéfinition territoriale qu'a connu Niamey ne sont que le reflet de l'atermoiement des autorités face à la gestion harmonieuse de la ville. En effet, le dernier changement consacrant la décentralisation a fait l'objet de nombreuses controverses suite auxquelles les autochtones, forts de leur lobbying ont fini par imposer une subdivision administrative basée sur les terroirs coloniaux ce qui du coup renforce leur poids politique sur les communes à travers notamment la forte représentation des grandes familles au sein des conseils communaux. Aussi, les cinq communes ne sont-elles que la représentation des terroirs des premiers habitants de Niamey comme l'a souligné MOTCHO K.H13 (2006) qui en a fait la subdivision clanique suivante :

    - la commune I est établie sur le terroir du clan de Goudel,

    - la commune III sur celui des Kalley,

    - la commune II sur celui des Maouri,

    - la commune IV sur celui de Gamkallé et Saga,

    - la commune V revenant au clan des Peul de Lamordé.

    Si cette nouvelle subdivision administrative basée sur le terroir répond à la volonté de grandes familles, elle constitue une contrainte pour la bonne gouvernance qui semble être le critère invoqué par les autorités politiques qui, il est vrai, n'ont accepté cette déconcentration qui amenuiserait leur pouvoir que sous pression.

    Capitale d'un jeune Etat qui a connu une instabilité politique notamment au cours de la décennie 90, Niamey est le siège de toutes les contradictions politiques et économiques qu'a connu le pays au cours de son histoire. Les modifications successives de statuts traduisent les difficultés de gestion de la ville. La nouvelle politique de décentralisation basée sur le principe de la libre administration de la ville qui devrait instaurer un nouvel état d'esprit ainsi que de nouvelles méthodes de gestion contraires à celles du passé semble mal partie. En effet, en allégeant le pouvoir de l'administration centrale jugée inefficace, la décentralisation a entraîné l'émergence du pouvoir des grandes familles qui sont surreprésentées dans les instances de décision. En faisant échec au plan conçu par les techniciens du Haut Commissariat à la Reforme Administrative et à la Décentralisation, les autochtones sont parvenus à maintenir leur contrôle sur la ville et notamment la production foncière.

    13 http://www2.polito.it/ricerca/cctm/wp/WP16.pdf

    Chapitre IV : Le foncier à Niamey

    La terre est l'habit qui ne se déchire jamais. Cet adage nigérien montre toute l'importance sociologique que les populations nigériennes attachent au foncier.

    Pour traiter de la problématique foncière à Niamey, il nous faut la situer dans son contexte historique afin de mettre en évidence les difficultés actuelles qui entravent la gestion foncière.

    4.1 Le système précolonial

    La terre appartenait à l'ancêtre fondateur du village qui la transmettait à ses héritiers mâles. La quête des terres se faisait par le défrichement. Toute étendue défrichée appartenait à celui qui l'a mise en valeur jusqu'à ce qu'elle atteigne une autre étendue appropriée par quelqu'un d'autre : ainsi s'est effectué le processus d'occupation des terres. Or le système communautaire de l'époque fit que toutes les terres sont occupées sur instruction d'un chef de clan, maître des terres qu'il transmet par héritage à sa lignée mâle. Il peut conclure des contrats avec d'autres chefs de clan résidant ou non sur son terroir. La terre étant à l'époque un bien qui ne se vendait pas, le droit foncier traditionnel fonctionnait selon un modèle qui bien qu'inéquitable permet à chacun d'exploiter un champ pour gagner le moyen de subsistance.

    4.1.1 Le droit du chef de terre et sa lignée mâle : l'abusus14

    Le patriarcat était le régime social en vigueur dans les sociétés Zarma et Peul à qui appartenaient les terres sur lesquelles s'étend la communauté urbaine de Niamey. Ainsi, chaque garçon à partir de sa maturité peut demander sa portion d'espace qui lui revient et sur laquelle il peut exercer son droit. Il a sur cette terre l'abusus en terme de droit romain. Il doit veiller sur cette terre qui lui est ainsi affectée et qu'il doit transmettre lui aussi à sa descendance. En cas de décès sans enfant mâle, cette terre retourne dans le patrimoine familial ou clanique. Sa femme et ses filles héritent de tous les biens sauf la terre.

    Cependant, le chef de terre peut octroyer une portion de terre à ses neveux si ces derniers n'en disposent pas suffisamment ou s'ils sont de pères étrangers. C'est le cas à Niamey où des

    14 Mot latin désignant l'un des attributs du droit de propriété, le droit de disposer (disposition juridique par l'aliénation ou disposition matérielle par la destruction). Lexique des termes juridiques, DALLOZ, 15ème édition, 2005.

    princes de Goudel donnèrent des terres aux Kallé et Maouri qui leur sont liés par le lien de mariage. Ce don de terre leur confère le même droit que celui des héritiers c'est-à-dire l'abusus. Autrement dit, ils peuvent laisser ces terres à leurs héritiers hommes, ou même concéder une partie des terres à des personnes qui leur sont proches.

    4.1.2 La cession des terres en guise de remerciement ou de bon voisinage : l'usufruit15

    La période précoloniale était marquée par des conflits intermittents entre les différentes tribus ou principautés. Des alliances sont nouées afin de garantir la sécurité des personnes et des biens. A l'époque le bien le plus prisé était le bétail et dans une moindre mesure les hommes qui sont réduits en captivité. Dans le cadre de ces alliances, des terres peuvent être cédées aux habitants d'un finage voisin soit à titre irrévocable et dans ce cas, ils ont l'abusus sur le domaine qui leur est concédé, soit la terre peut leur être affectée sous forme de prêt leur conférant ainsi le fructus. Ainsi, les bénéficiaires de ce prêt mettent en valeur les champs en respectant les haies mitoyennes (usus16). Ils disposent des récoltes et dividendes (fructus) mais ils doivent verser une fiscalité à ceux qui leur ont prêté le champ afin que leurs descendances sachent qu'ils exploitent une terre sur laquelle ils n'ont autre droit que l'usus et l'abusus. Le non versement de cet impôt foncier constitue une violation du pacte et pourrait amener au retrait du champ par le propriétaire. C'est ce droit coutumier dont l'islam n'a pas changé le principe notamment pour ce qui est de l'héritage (dont la femme devrait avoir le tiers de la part de l'homme) que la colonisation va bouleverser en sapant le principe sacro-saint de la non marchandisation de la terre.

    4.2 Le droit foncier colonial

    La colonisation a introduit des changements dans tous les domaines de la vie économique et sociale dont celui du foncier a été l'un des plus affectés.

    Dans le souci d'assurer l'administration du territoire, il est introduit un nouveau droit qui,
    sans annuler le droit dit coutumier qui lui est préexistant, est venu se superposer à ce dernier
    entraînant des équivoques dont la levée s'est effectuée au moyen de la dissuasion. Un décret

    15 Droit réel principal, démembrement du droit de propriété, qui confère à son titulaire le droit d'utiliser la chose et d'en percevoir les fruits, mais non celui d'en disposer, lequel appartient au propriétaire. Lexique des termes juridiques, op.cit. p.41

    16 Droit d'utiliser un bien, d'en jouir sans le transformer. Wikipedia.org

    est ainsi pris le 29 septembre 1928 pour réglementer le domaine public ainsi que les servitudes d'utilité publique en Afrique Occidentale Française. Désormais, la propriété se matérialise par l'immatriculation et la concession comme le confirme le décret du 26 juillet 1932 portant sur l'organisation de la propriété. Ce nouveau droit introduit la propriété privée et pose de ce fait des problèmes de compréhension dans les nouveaux territoires. Ces textes ont ouvert la voie à l'administration autonome pour confirmer cet acquis de la possession des terres à travers des textes réglementaires. Dans ce cadre, fut promulguée l'ordonnance n°59- 113 du 11 juillet 1959 portant réglementation des terres du domaine privé de la République du Niger au nom de l'Etat.

    4.3 Le droit foncier post-colonial

    L'ordonnance n°59-113 précité servit de base à la gestion foncière actuelle. Un an après l'indépendance, intervint le décret 61-30 du 19 juillet 1961 qui fixe la procédure de confirmation et d'expropriation des droits coutumiers. Cette loi dont le fondement remonte à la période coloniale établit la propriété de l'Etat sur toutes les terres vacantes et sans maître, thèse difficilement soutenable dans une bonne partie du Niger où l'espace était entièrement colonisé par des tribus ou des clans. Mais en matière de gestion foncière c'est la loi n° 61-37 du 24 novembre 1961 réglementant l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'occupation temporaire, appelée loi foncière, qui est la plus citée par l'administration municipale puisqu'elle constitue la base juridique de son accès aux terres coutumières bien qu'elle viole l'esprit de cette loi. En effet, l'utilité publique et la juste et préalable indemnisation sont toujours sujettes à caution. De façon générale, plusieurs textes dont l'application aurait permis une gestion harmonieuse du foncier existent en dépit de leur caractère parfois contradictoire.

    4.4 La gestion foncière telle que prévue par les textes

    La gestion foncière implique principalement trois catégories d'acteurs : publics, semi-publics et privés.

    4.4.1 Les acteurs publics

    Les acteurs publics sont au nombre de quatre à savoir :

    - Le Ministère de l'urbanisme, de l'habitat et du cadastre qui conduit la politique nationale d'aménagement urbain (planification urbaine, urbanisme opérationnel et prévisionnel, réglementation et utilisation du sol).

    - Le Ministère de l'Economie et des Finances gère le domaine national et le cadastre. C'est également à lui qu'incombe la conservation foncière, l'évaluation de la valeur locative des propriétés ainsi que la fixation de l'assiette des contributions foncières et taxes assimilées.

    - La Communauté Urbaine de Niamey : elle devrait programmer et planifier le développement urbain et produire des actes de disposition de son domaine privé conformément au décret n° 71-33 MF/ASN du 16 février 1971.

    - Enfin, interviennent les ministères techniques comme celui de l'éducation, de la santé, de la culture, de l'enseignement supérieur, des sports.

    4.4.2 Les acteurs semi-publics

    Les acteurs semi-publics se repartissent en deux catégories. La première est constituée par l'unique promoteur immobilier attitré qui est la Société Nigérienne d'Urbanisme et de Construction Immobilière (SONUCI) dont les réalisations sont destinées à la commercialisation. La seconde catégorie est composée de promoteurs occasionnels qui effectuent des réalisations pour leurs agents. Il s'agit généralement des sociétés d'Etat ou d'économie mixte, des banques ou de certaines organisations internationales.

    4.4.3 Les acteurs privés

    Les acteurs privés deviennent incontournables dans la production foncière à Niamey et se repartissent en deux groupes :

    - Les propriétaires coutumiers qui sont propriétaires des terrains nécessaires à la mise en oeuvre des plans d'urbanisme initiés par la puissance publique. Autrefois méprisés, ils sont maintenant des acteurs incontournables dans l'aménagement urbain.

    - Les cabinets privés d'architecture et de géomètres sont pour la plupart des prestataires de services et apportent leur concours aux différents acteurs précités. A Niamey, ces prestataires de services participent aux études de lotissement17.

    17 SEYBOU I. (2005), Production et gestion foncière dans la CUN.

    4. 5 La procédure de lotissement telle que prévue par les textes

    Pour une bonne planification urbaine le Niger s'est doté d'un cadre juridique à travers notamment l'ordonnance n°97-005 du 17 janvier 1997 qui institue à la fois :

    - les documents d'urbanisme prévisionnel et opérationnel

    - les outils de contrôle de l'utilisation des sols urbains.

    L'objectif assigné aux premiers (documents d'urbanisme) est d'assurer une planification stratégique au moyen d'une orientation de l'aménagement des espaces à moyen et long termes. Les documents d'urbanisme doivent veiller à la traduction concrète sur le terrain des actions prévues suivant les orientations définies par les différents schémas (schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme, schéma de secteur) et plans (plan urbain de référence, plan d'occupation des sols). Quant aux seconds (outils de contrôle), ils vérifient la conformité des réalisations aux règles d'urbanisme. Ces outils sont le certificat d'urbanisme, le permis de construire et le certificat de conformité.

    En 1997 a été prise l'ordonnance n°97-005 du 17 janvier 1997 lors du toilettage des textes sur l'urbanisme dont l'essentiel remonte à l'époque coloniale à l'image de celui instituant le lotissement qui date de 1959. Pour clarifier la procédure, il a été pris le décret n° 97- 306/PRN/ME/I du 8 août 1997 fixant les modalités d'établissement, d'approbation et de mise en oeuvre des plans de lotissement. L'Etat demeure le principal acteur du processus de lotissement, se faisant aidé au besoin par des structures consultatives comme le précise le décret n°97-304/PRN/ME/I du 8 août 1997. Le lotissement comporte quatre phases.

    4. 5.1 La constitution du dossier de création d'un lotissement

    La demande de création d'un lotissement peut être le fait d'une personne privée (propriétaire foncier, aménageur/constructeur) ou d'une personne publique (la commune).18 Le lotisseur a l'obligation d'élaborer un dossier technique comportant une note de présentation de l'opération, un projet de réglementation et des documents graphiques. Le traitement du dossier est beaucoup plus compliqué pour les propriétaires privés, alors que pour les personnes publiques, il est moins contraignant. Une personne privée doit d'abord s'adresser à la commune et au Service Départemental de l'Urbanisme et de l'Habitat (SDUH) pour que son projet ne soit pas en contradiction avec la politique locale d'urbanisme. Si la conformité

    18PRI-U, (2000), Etude de base pour la maîtrise des eaux pluviales. Site :

    www.enpc.fr/cereve/RapportsActivite/cereve00.pdf

    de son plan avec la politique locale est avérée alors il dépose sa demande d'autorisation de lotir auprès du SDUH qui lui délivre un certificat d'urbanisme.

    La commune n'a pas besoin de ce certificat d'urbanisme. Sa demande d'autorisation de lotir n'est toutefois possible que si elle est propriétaire des terrains concernés ou si elle les a préalablement acquis par voie amiable ou par expropriation.

    4.5.2 L'instruction locale du dossier

    Le demandeur (privé ou public) adresse son dossier complet au service départemental de l'urbanisme et de l'habitat chargé de l'instruction des dossiers au niveau local. Là également une différence de traitement s'observe. En effet, si le demandeur est une personne privée, un exemplaire de son dossier doit être soumis à l'approbation du maire pour avis. Le dossier est ensuite transmis par le responsable du SDUH au Préfet du département. Ce dernier convoque alors la Commission départementale d'urbanisme et d'habitat composée des représentants des différents services déconcertés de l'Etat et des opérateurs publics intervenant dans le domaine de l'eau, de l'électricité et des télécommunications. Cette structure consultative est chargée d'examiner et d'adopter le projet. En cas d'adoption, un délai d'un mois est accordé pour mener l'enquête publique.

    4.5.3 L'instruction au niveau central

    La troisième étape du traitement du dossier est son examen au niveau du Comité Technique d'Urbanisme et d'Habitat (CTUH) sur instruction du ministre de l'urbanisme et de l'habitat après les avis, délibérations et enquête publique de l'étape précédente. Le CTUH est présidé par le Directeur de l'urbanisme et de l'habitat. Il regroupe des agents des différentes directions ministérielles (aménagement du territoire, environnement, domaine, cadastre, construction, travaux publics, ...), et d'autres ministères (santé, éducation nationale), des représentants des sociétés nationales gestionnaires de l'eau (SPEN) et de l'électricité (NIGELEC), ainsi qu'un représentant de l'Institut Géographique National du Niger. Si le dossier est jugé conforme à la procédure, il est transmis à la Commission Nationale d'Urbanisme et d'Habitat (CNUH), présidée par le ministre en charge de ces questions, qui exerce le contrôle définitif du projet.

    4.5.4 L'approbation du lotissement

    La dernière phase consiste à soumettre le projet au ministre chargé de l'urbanisme et de l'habitat pour son approbation définitive sur la base des observations du CTUH et de la CNUH. Un arrêté ministériel d'approbation du lotissement est alors pris et publié au journal officiel. Cet arrêté impose au lotisseur l'exécution des travaux d'aménagement et d'équipement des terrains (voirie, réseaux divers, plantations, etc.) avant la mise en vente des parcelles. Constatant l'ignorance des lotisseurs de ces travaux d'aménagement préalables rendus obligatoires par une circulaire de 1971, un décret (n°97-306/PRN/ME/I du 8 août 1997) est venu renforcer cette obligation. Un délai de 20 mois est accordé au lotisseur pour répondre à cette obligation, faute de quoi, l'autorisation devient caduque.

    4.6 Le lotissement dans la pratique à Niamey

    La procédure officielle n'est jamais appliquée. Selon SEYBOU I (2005) les lotissements sont ouverts souvent sans dossier et donc sans autorisation et sont par conséquent illégaux c'est le cas des lotissements tels que Cité des Députés ou Zam Koira. La communauté urbaine régularisera la situation après le lotissement mettant les instances réglementaires devant le fait accompli. Pour rendre plus opaque la vente des parcelles, la commission d'attribution a été dissoute en 1991. L'objectif visé à travers cette dissolution est atteint parce qu'elle a permis l'installation d'une véritable oligarchie dans la gestion foncière à la Communauté urbaine de Niamey où les parcelles sont vendues de gré à gré si bien que seules les personnes ayant leurs entrées à la Communauté Urbaine de Niamey sont mises au courant.

    Face à ce népotisme et conscients des nombreuses embûches, les personnes privées c'est-àdire les propriétaires coutumiers ne se hasardent pas à lotir. Ils préfèrent alors attendre que la Communauté urbaine engage la procédure de lotissement pour revendiquer leurs droits. D'ailleurs, les propriétaires coutumiers savent qu'ils ne pourront pas engager un lotissement pour plusieurs raisons :

    - la mairie ou du moins la CUN empêche ce rôle même aux communes à plus forte raison à des particuliers ;

    - Etant tous des agriculteurs, ils n'ont pas les moyens financiers conséquents pour faire un lotissement ;

    - Ils seront bloqués systématiquement par la mairie dont l'avis favorable permet au dossier de parvenir à la deuxième étape ;

    - Le décret n°97/306/PRN/ME/I n'est toujours pas appliqué et d'ailleurs comment peut-il l'être étant étendu que les parcelles sont vendues le plus souvent pendant que le dossier est en instruction. Ce sont les acquéreurs aisés qui prennent à leur charge l'installation des réseaux (en particulier électricité et eau potable) au niveau de leurs parcelles. Les riverains qui s'y raccordent participent généralement aux frais engagés. Cette pratique constitue un transfert des charges des communes vers les propriétaires privés. Et c'est parce que le lotissement n'est jamais respecté selon la procédure légale que beaucoup de problèmes se posent aujourd'hui à la Communauté Urbaine de Niamey qui assure par ailleurs la maîtrise d'ouvrage des projets de développement urbain au détriment des cinq communes. Elle procède le plus souvent aux lotissements dans le but de s'assurer des ressources financières qui ne vont plus dans le fonds d'édilité mais dans le fonctionnement de la collectivité.

    Des pratiques spéculatives sont courantes et contrairement aux règles fixées par les textes, la Communauté Urbaine de Niamey accorde plusieurs parcelles à un seul demandeur moyennant le versement d'une somme supérieure au prix officiel. La différence va à celui qui a mené la transaction. Ces acquéreurs « en gros » spéculent ainsi sur l'augmentation de la valeur foncière, sous l'effet de la raréfaction de l'offre de parcelles disponibles à la construction qu'ils espèrent ainsi provoquer en « gelant » ainsi leurs biens19. Le lotissement ne repose sur aucune stratégie de planification. Seuls les quartiers les plus anciens de Niamey sont aujourd'hui entièrement occupés. La périphérie de la ville est constituée de lotissements avec des parcelles encore vides que l'on ne cherche pas nécessairement à combler avant de lancer une nouvelle opération. Selon le PRI-U (2000), les quartiers de Koira Kano initial, Koira Kano extension, puis Koira Kano Nord, ont été successivement mis en oeuvre alors que le premier site n'était pas encore saturé. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Le manque de moyens et sans doute de volonté de l'Etat pour assurer le contrôle de légalité, tant auprès des autorités locales (vérification de la viabilisation des terrains avant d'engager la réalisation du lotissement, contrôle du respect du plan de lotissement approuvé) que des usagers (vérification de la conformité des travaux au permis de construire accordé), tendant à faire perdurer ces pratiques dont les impacts sont visibles sur le terrain.

    Les terrains non mis en valeur sont occupés par les gardiens qui s'y installent en attendant que
    les propriétaires soient en mesure de les mettre entièrement en valeur ce qui parfois avoisine
    la décennie. Lors de la vente d'une parcelle, le propriétaire reçoit un acte de cession qui lui

    19 PRI-U op. cit. p.47

    précise qu'il a cinq ans pour sa mise en valeur. Passé ce délai, la collectivité peut retirer la parcelle au propriétaire et la revendre en réalisant ainsi une plus value. C'est une pratique rare car les propriétaires ayant compris cette disposition, érigent un mur d'enceinte pour matérialiser le début de mise en valeur qui évite l'expropriation.

    Le système foncier traditionnel qui a su résisté au droit islamique (en empêchant l'accès de la femme à la propriété foncière) introduit avant la colonisation a connu une mutation profonde avec l'avènement du droit Napoléonien. Avec la colonisation, émerge une nouvelle conception du droit basée sur l'immatriculation et la propriété privée. C'est surtout l'Administration qui a profité de ce système en s'octroyant à travers les textes le droit d'exproprier les terres pour cause d'utilité publique. La gestion foncière fait intervenir des acteurs aussi bien publics que privés qui ne soucient guère du respect des textes. La procédure de lotissement est longue et compliquée et ne satisfait qu'une minorité de demandeurs compliquant ainsi l'accès à l'habitat pour la majorité des citadins.

    DEUXIEME PARTIE : HABITAT INFORMEL A NIAMEY : JEU ET ENJEUX

    Chapitre V : L'accès à l'habitat à Niamey

    Chapitre VI : Le squattage à Niamey : question urbaine ou question sociale ?

    Chapitre VII : L'habitat informel ou le paysage de la pauvreté

    Chapitre VIII : L'habitat informel, enjeux et perspectives

    Chapitre V : L'accès à l'habitat à Niamey

    Pour accéder au logement à Niamey, deux procédures contradictoires mais complémentaires existent : il s'agit de la procédure officielle et du recours aux propriétaires coutumiers dont l'offre parvient à pallier en partie l'insuffisance ou du moins la mauvaise distribution des parcelles mises à la disposition des demandeurs par le service domanial de la Communauté Urbaine de Niamey (CUN). A côté de ces deux grandes voies, s'est développée une autre consistant à occuper l'espace public. Quelles sont les filières de production de logement à Niamey ?

    5.1 La filière officielle de production de parcelle

    C'est le service des affaires domaniales devenu par arrêté n°0038/PPCUN du 19 mars 2001 Direction de la Gestion Foncière et de l'Aménagement Urbain qui s'occupe de la production et de la gestion des parcelles au niveau de la Communauté Urbaine de Niamey. Pour obtenir une parcelle au niveau de cette direction l'acquéreur doit au préalable adresser une demande manuscrite au Président du Conseil de la Communauté Urbaine de Niamey (PC/CUN) qui l'adresse à la commission pour instruction. Une Commission d'attribution des parcelles de la CUN dirigée par le PC/CUN est mise sur pied pour choisir les bénéficiaires. Cette commission devrait être composée comme suit :

    - Le Président du Conseil de la CUN ou son représentant ;

    - Le Secrétaire général de la CUN ;

    - Les Maires des communes ;

    - Les Chefs des Services Techniques de la CUN ;

    - Les Chefs de quartiers ;

    - Les Juges des communes.

    Au niveau de cette commission, les opérations se déroulent théoriquement comme suit : - Examen des demandes puis approbation et affichage des noms des candidats retenus ;

    - Paiement du prix de la parcelle au mètre carré (m2) selon la superficie par arrêté du Maire et 45 000 F CFA de frais d'acte de cession, le tout mentionné sur une fiche dénommée fiche d'acquisition de parcelle ;

    - Satisfaction des demandes dans la limite du nombre de parcelles disponibles selon les critères de sélection définis de commun accord ;

    - Enfin l'acte rédigé et approuvé par le PC/CUN est remis à l'acquéreur.

    Lors de la création de cette commission en 1988 beaucoup de Niaméens avait nourri l'espoir de voir enfin une distribution de parcelles dans un cadre démocratique qui permettrait aux candidats sans connaissance à la CUN de pouvoir bénéficier de parcelle. C'était sans compter sur le népotisme qui règne dans ce milieu. Trois ans après sa création, les autorités ont cessé de la convoquer afin que leurs protégés soient les seuls bénéficiaires des parcelles produites. Ces protégés de la CUN qui acquièrent chaque fois les parcelles sont devenus des spéculateurs qui se chargent de revendre les parcelles aux candidats malheureux à un prix nettement supérieur à celui de la Mairie. Ainsi, une parcelle acquise à 400 000 F CFA à la mairie peut être revendue plus tard à au moins 700 000 F CFA si le quartier est relié au réseau d'eau et d'électricité (ISSAKA H. 2004).

    Une fois la parcelle obtenue, l'acquéreur doit, conformément à l'ordonnance 59-113/PCN du 11 juillet 1959 et son décret d'application n°64-133/MTP/M /U du 03 juillet 1964 portant réglementation du permis de construire dans la ville de Niamey, adresser une demande de permis de construire au Président du Conseil de la Communauté Urbaine de Niamey. Le dossier de demande de permis de construire doit comporter les pièces suivantes :

    - La photocopie de l'acte de cession enregistrée, timbrée et contresignée par le chef section foncière au service des domaines accompagnée du plan de situation au 1/2000 ;

    - Trois copies du plan de construction avec coupes et façades au 1/100 ou 1/50 ; - Trois copies du devis estimatif ;

    - Trois copies d'une note descriptive et estimative ;

    - Trois copies d'une note sur les branchements (eau, électricité, téléphone, égouts) ; - Trois copies du plan de masse de 1/500 à 1/200.

    La Commission du Permis de Construire (CPC) instruit les dossiers dans un délai de 45 jours à trois mois et donne une autorisation valable pour six mois. Ce sont les représentants de la direction des domaines, du cadastre, de l'urbanisme et de l'habitat, de l'architecture, de l'hygiène, des mines, de la protection civile et de la gestion foncière de la Communauté Urbaine de Niamey qui composent la CPC. Pour obtenir le permis de construire, le demandeur doit payer 400 F CFA/m2 s'il s'agit d'un bâtiment à usage d'habitation et 500 F CFA/m2 pour les commerces. Beaucoup de Niaméens ignorent ce document. Pour preuve note SEYBOU I. (2005), tout au long de l'année 2002, le Service Aménagement Urbain et Réglementation foncière n'a délivré que 274 autorisations de construire sur 361 dossiers parvenus alors que les parcelles produites la même année dépassent à elles seules le millier. Une fois la

    construction terminée, les services techniques doivent vérifier la conformité de la construction au permis de construire. Si c'est le cas, il est délivré un certificat de conformité.

    Il faut dire que le titre de propriétaire a évolué avec le temps :

    - C'est à partir de 1946 que l'administration a commencé à délivrer pour les terrains non lotis, des autorisations annuelles précaires et révocables appelées Permis d'Occuper (PO) signés par le Gouverneur. Avec ce titre d'occupation, il n'est autorisé que des installations temporaires et démontables sur le terrain. Ce titre précaire peut être transformé en concession urbaine ou en permis urbain d'habiter lorsque l'espace aura été loti. ABDOU H. et al (2005).

    - De 1962-1964, il est délivré dans les zones loties d'habitat traditionnel un Permis Urbain d'Habiter (P.U.H) signé par le Maire. Le P.U.H n'est pas en soi une vente mais une allocation foncière que la collectivité accorde à une personne qui ne peut pas supporter les frais et charges du système de concession pour lui permettre de se loger « légalement » sans autorisation de construire. Le détenteur du P.U.H peut le transformer en concession définitive en mettant en valeur sa parcelle et en complétant les formalités d'immatriculation.

    - A partir de 1964, la concession urbaine remplace d'office le P.U.H et est accordée dans les zones loties à titre provisoire d'abord. C'est un titre personnel accordé pour un temps limité qui empêche d'avoir un autre titre sans l'obtention du titre définitif du premier qui n'interviendra qu'après une mise en valeur définitive et légalement constatée.

    5.2 La filière informelle

    L'accession à la parcelle officielle relève d'un parcours de combattant qui dissuade beaucoup de candidats. Pour contourner cette procédure longue, fastidieuse et peu sûre (les parcelles officielles sont toujours insuffisantes par rapport à la demande), une procédure parallèle et illégale a vu le jour et concurrence efficacement la filière officielle de plusieurs manières les unes plus illégales que les autres.

    5.2.1 L'habitat informel sur domaine coutumier

    Le domaine coutumier est constitué de l'ensemble des terres qui ne sont pas encore soumises
    à une enquête publique en vue d'une expropriation pour cause d'utilité publique. Le territoire
    de Niamey étant une zone à vocation agricole, l'ensemble de l'espace est subdivisé en champs

    appartenant à des familles dont chacune connaît les limites exactes de ses terres depuis des générations et sur lesquelles s'étend son droit coutumier.

    Ce domaine foncier est de plus en plus exproprié par l'Etat au nom de son droit d'expropriation, une procédure douloureuse que les propriétaires coutumiers n'ont jamais cautionnée volontairement. Pour montrer leur désapprobation de cette pratique et surtout pour mieux profiter de leurs patrimoines fonciers, ils se sont lancés dans des opérations de lotissement dont la plus célèbre reste celle de Talladjé entreprise en 1966.

    5.2.1.1 Comment s'effectue le lotissement ?

    Le propriétaire coutumier dont le champ est à la limite du lotissement officiel ou qui pressent la menace d'un lotissement prochain, préfère prendre le devant en faisant parfois appel à des géomètres pour imiter le plan officiel ce qui évitera trop de casses en cas de restructuration. Ainsi, les parcelles sont produites avec souvent de piquets de fer ou de bois servant de bornes. Il ne procède à aucune viabilisation du site. Le lotissement est porté à la connaissance des demandeurs de parcelles par les démarcheurs.

    5.2.1.2 Comment s'organise la vente des parcelles informelles ?

    Le candidat au terrain à bâtir s'informe auprès des démarcheurs ou des habitants du quartier. Avec le démarcheur ou une connaissance du lotisseur, le candidat prend rendez-vous avec le propriétaire pour constater la situation des parcelles disponibles. S'il est intéressé par les parcelles disponibles, le marchandage s'engage. Les prix ne sont pas les mêmes pour tous car les liens sociaux interviennent pour influencer souvent le prix préalablement arrêté. C'est d'ailleurs pourquoi le candidat s'informe d'avance sur le propriétaire coutumier en vue de se faire accompagner par quelqu'un qui peut influencer le prix ou aider à avoir un échéancier plus souple pour le versement du montant convenu. Une fois le marché conclu, l'heureux acquéreur fait délimiter sa parcelle avec ses piquets. La vente est effectuée en présence d'au moins un héritier du vendeur. L'acquéreur peut verser l'intégralité du prix convenu ou avancer une partie. Le versement intégral du prix de la parcelle donne droit à une attestation de vente signée par le propriétaire coutumier et contresignée par le chef de quartier. En fonction des relations de confiance entre vendeur et acheteur, le paiement peut se faire à tempérament. En cas de non respect de l'engagement de payer le prix selon les échéances, le propriétaire coutumier peut retirer son terrain.

    De plus, lors de l'achat le candidat s'engage à construire en matériaux durables et en un temps relativement rapide. Ainsi, s'étend l'habitat informel sur le domaine coutumier. Il faut dire que la production des parcelles était à ses débuts plus une oeuvre sociale qu'une véritable opération économique. En effet, pendant le régime d'exception où le taux de dédommagement n'excédait guère 6% des parcelles produites, les propriétaires coutumiers n'hésitaient pas à offrir gracieusement des parcelles à leurs connaissances. Pour les candidats ordinaires le prix variait entre 30 000 et 50 000 F CFA. Mais depuis l'avènement de l'ère démocratique (1992) où le taux de dédommagement est revu à la hausse (passant de 6 à 25%) après une lutte âpre des propriétaires coutumiers, une nouvelle donne est apparue. Le prix du Shara ka zamna20 ne fait que flamber variant entre 150 000 F CFA et 200 000 F CFA pour la demi parcelle c'est-à-dire une parcelle de 300 m2.

    5.2.2 L'habitat informel sur domaine privé

    Contrairement au domaine précédent où construire en matériaux durables est une obligation, là, l'usage des matériaux précaires est la règle générale.

    5.2.2.1 le domaine privé de l'Etat

    A Niamey, l'un des cas le plus flagrant d'occupation du domaine privé de l'Etat est celui des Cases Allemandes, un véritable village dans la ville et qui plus est au quartier Plateau, c'est-àdire le quartier le mieux équipé de la ville. C'est un terrain composé de 39 parcelles appartenant à l'Ambassade d'Allemagne qui y avait construit des bungalows (d'où l'appellation de Cases Allemandes) pour abriter les coopérants Allemands résidant à Niamey. Lors du départ de ces derniers, l'Ambassade a vendu le terrain à l'Etat du Niger qui l'a cédé aux enseignants-chercheurs de l'Université de Niamey. Lors d'une grève des enseignantschercheurs, le Chef de l'Etat de l'époque, furieux de leur mouvement a tout simplement retiré le terrain situé non loin du palais présidentiel. L'espace est retourné au domaine privé de l'Etat et reste vacant. Constatant cette disponibilité de terrain, les gardiens du Plateau ont commencé à bâtir peu à peu des paillotes. Plus tard, ils seront rejoints par des artisans, des prostituées, etc.

    Les multiples tentatives de déguerpissement ont échoué. Lors de l'incendie du 17 février 2003
    qui a ravagé 204 paillotes, le Préfet-Président de la Communauté Urbaine de Niamey

    20 Expression par laquelle les Niaméens désignent les parcelles coutumières et qui signifie « aménage pour t'installer » en référence à l'insalubrité qui caractérise généralement le site.

    nouvellement nommé a pensé réussir là où ses prédécesseurs ont échoué en profitant de l'incendie pour déguerpir les squatters. Les autorités de la CUN s'étaient alors rendues sur le terrain pour constater l'ampleur du sinistre et le PP/CUN a donné un ultimatum de trois jours à ceux qui n'ont pas été victime de l'incendie pour quitter les lieux. Pour montrer sa détermination, des policiers ont été placés afin d'empêcher toute reconstruction. Mais c'était sans compter sur la détermination et l'organisation des squatters.

    Figure n° 4 : Localisation de Tchana-Carré et des Cases Allemandes au quartier Plateau

    Source : Google Earth [2007]

    Mobilisés autour de leur chef de quartier, ils ont vite engagé des négociations avec les autorités politiques afin que la décision du PP/CUN ne soit pas appliquée. Aussi, le même jour, ont-ils rencontré l'une des épouses du Président de la République afin qu'elle intercède en leur faveur. Le lendemain, déjà la reconstruction des paillotes a repris.

    Pour accéder aux Cases Allemandes, la procédure est simple, il faut identifier un espace nécessaire à la construction d'une paillote et informer le Chef du quartier qui avertit les voisins. La seule condition est de ne pas troubler l'ordre pour donner un prétexte aux autorités pour justifier un déguerpissement. Les premiers arrivants ont accumulé tellement d'espace que certains ont construit des paillotes destinées à la location. C'est le cas d'un ancien

    militaire qui a quitté le quartier Boukoki pour venir s'y installer et louer des paillotes aux nouveaux arrivants.

    5.2.2.2 Le domaine privé des particuliers

    Pour illustrer ce cas d'occupation illégale de l'espace ou du moins d'habitat informel, nous allons présenter deux exemples qui sont représentatifs de ce type de squattage.

    D'abord nous abordons le cas de Tchana-Carré. Situé à quelques encablures des Cases Allemandes, c'est un ensemble de 9 carrés21 appartenant à un opérateur économique surnommé Tchana réputé pour sa générosité envers les démunis. Lors de la famine de 1984 qui a drainé des milliers d'affamés vers Niamey, Tchana a mis ces parcelles clôturées à la disposition des pauvres dont certains dormaient dans les rues de Niamey notamment aux alentours des marchés et des grandes maisons de commerce. A la limite des places disponibles, tout démuni peut bâtir sa paillote. L'opérateur économique est décédé en 1986 mais ses héritiers continuent de laisser les petites gens occuper ces parcelles gelées. Au cours de nos enquêtes, nous avons remarqué que la plupart des 30 ménages qui y résidaient, étaient des gardiens du Plateau. Les conditions d'accession sont restées les mêmes : identifier un espace disponible, et s'engager à ne pas semer de troubles.

    A quelques kilomètres de Tchana-Carré, se trouve au Nord-Est, un autre espace que nous désignons le Campement de Zakou. Il s'agit d'un espace attribué à un leader religieux pour construire une école privée franco-arabe. N'arrivant pas à mobiliser les fonds nécessaires pour même clôturer le terrain, Hama Kiota (le leader religieux) a engagé Zakou comme gardien afin d'éviter que l'espace ne soit squatté. Les mois passent et le gardien accumule les arriérés de salaire. Constatant que son employeur lui doit 760 000 F CFA (1 158,6 €) pour ses trente huit mois d'arriérés de salaire (en raison de 20 000 F CFA par mois), Zakou décide de se faire justice. Au lieu d'empêcher que les petites gens occupent l'espace, il s'est mis à les encourager en percevant un droit d'occupation auprès de chaque nouvel arrivant ce qui lui permet d'une part de se faire de l'argent et d'autre part de se constituer une base pour affronter son employeur.

    21 Appellation courante de la parcelle à Niamey

    5.2.3 Le domaine public

    Le domaine public squatté à Niamey concerne les rues et les espaces verts dont les stratégies et l'ampleur d'occupation sont variables.

    5.2.3.1 Les rues

    L'occupation des rues est surtout perceptible dans les nouveaux quartiers situés en zone péricentrale (carte n°3 p.63). A Niamey, la construction d'un bâtiment à usage d'habitation est une opération qui prend généralement plusieurs années du fait de la faiblesse des ressources financières de la plupart des Niaméens. Pour éviter un retrait de la parcelle par la municipalité pour défaut de mise en valeur, certains acquéreurs préfèrent la faire occuper par un démuni qui fait office de gardien en y construisant une paillote avant ou après que le propriétaire eut construit le mur d'enceinte. Le gardien y restera aussi longtemps que dureront les travaux de construction. Durant ces années, il profite pour faire la connaissance des voisins et participe généralement aux cérémonies qu'ils organisent. Une fois les travaux achevés, il déplace sa paillote de l'intérieur de la parcelle à un angle d'une rue non bitumée, s'il n'a pas une autre parcelle pour s'installer. Les voisins ne se montrent pas gênés et la Municipalité qui doit le déguerpir ne réagit pas car elle mettra des années pour bitumer la voie.

    5.2.3.2 Les espaces verts

    La ceinture verte est de loin l'espace le plus célèbre par son étendue 2 500 ha (carte n°3 p.63). Cet espace long de 25 km et large d'1km a été classé par les autorités dans les années 1960. Des margousiers y avaient été plantés pour servir de ceinture végétale en arc de cercle autour de Niamey. Cette opération devrait protéger la ville du vent sec du Nord (harmattan) et maintenir un grand poumon vert à proximité de la capitale (Le Monde, du 2 février 2007). Lors du classement de cet espace, les propriétaires coutumiers n'avaient pas été dédommagés et ils continuaient à le cultiver chaque année. A partir de 1984, peu à peu l'espace a commencé à être squatté jusqu'au lotissement du quartier Banizoumbou II (début des années 1990) où les squatters ont été déguerpis. Ils ont alors occupé la ceinture verte situé non loin et depuis lors cet espace est devenu la plus grande concentration de paillotes de Niamey. Pour s'installer, il faut l'aval des propriétaires coutumiers à qui il faut payer au moins 2 000 F CFA par an et par case en guise de location de l'espace.

    D'autres espaces verts sont également squattés à l'intérieur de la ville. Il en est ainsi de 2ème Forage situé au quartier Yantala ou du grillage Toumounani de Banifandou et de bien d'autres. Contrairement à la ceinture verte convoitée à la fois par la CUN et les squatters et qui soulève de polémique entre la Municipalité et le Ministère de l'environnement assurant la tutelle, les espaces verts du centre ville sont progressivement morcelés et vendus. Depuis 2006, à la place des paillotes de 2ème Forage, des immeubles de luxe ont été bâtis. Le Grillage Toumounani (Figure n°5) a été déguerpis en mars 2007. Dans ces espaces verts de la ville, les squatters s'installent sans payer un sou à personne ce qui facilite l'occupation. Toutefois, leur emplacement au coeur de la ville rend l'occupation plus précaire car, ils peuvent être morcelés à tout moment et les occupants déguerpis sans ménagement.

    Figure n°5 : Les squatters déguerpis pour une cause illégale

    La police de Niamey a procédé le mercredi dernier au déguerpissement des habitants du « grillage Toumounani » au quartier Banifandou. Accompagnée de prisonniers, la police a d'abord détruit la case du chef avant de l'embarquer et d'intimer aux femmes et enfants de détruire leurs cases avant que les forces de l'ordre n'interviennent. Cette opération a fait des nombreux sans abri ; les femmes et les enfants ont dormi à la belle étoile sans savoir où aller. L'opération en tant que telle est salutaire car la ville a besoin d'être assainie mais il aurait mieux fallu chercher d'abord là où caser ces personnes avant d'engager une telle action qui s'est déroulée sans aucun respect des droits humains.

    Les habitants du « grillage Toumounani » déguerpis par la police, extrait du journal L'EVENEMENT N°187 du 27 Mars 2007

    Source : http://www.nigerdiaspora.net/journaux/even.pdf, [mars 2007]

    En somme, les textes réglementant l'occupation de l'espace s'ils étaient respectés par tous auraient permis un aménagement tout au moins progressif de l'espace. Les ordonnances 59-113/PCN et 59-114/PCN du 11 juillet 1959 qui régissent les titres d'occupation au Niger en général et à Niamey en particulier avaient été conçues dans un contexte d'encouragement de l'urbanisation en tenant compte du niveau de vie des citadins. Mais la mise en avant des intérêts égoïstes des uns et des autres a provoqué une sorte de confusion dans laquelle les responsabilités se mêlent donnant l'impression d'un complot dans lequel chacun trouve son compte.

    Chapitre VI : Le squattage à Niamey : question urbaine ou question sociale ?

    L'une des particularités de Niamey est incontestablement la présence de l'habitat informel dans tous les quartiers. Contrairement aux autres villes d'Afrique subsaharienne francophone où ce type d'habitat se localise généralement à la périphérie, à Niamey, l'observation de la carte de localisation montre une image assez atypique. Quelle est l'origine de cet habitat ? Pourquoi cette présence de squats dans tout le paysage urbain ?

    6.1 Origine et évolution de l'habitat informel à Niamey

    L'histoire de l'habitat informel à Niamey remonte à la période coloniale et se poursuit inexorablement défiant tous les régimes qui se succèdent et ce n'est pas apparemment le contexte actuel qui arrivera à bout de ce phénomène.

    6.1.1 Origine de l'habitat informel

    A Niamey, l'habitat informel est aussi vieux que la ville. Lors de la création de la ville, l'administration coloniale qui s'était lancée dans un processus d'aménagement de la ville en élaborant un premier plan d'urbanisme de la ville dès 1905 (BERNUS S.), avait cependant dérogé aux règles de l'urbanisme en permettant l'installation aux abords de la ville des éleveurs peuls qui alimentaient la ville en lait de vache. Ainsi naquit Foulan-Koira22. Ce village d'éleveurs toléré par l'administration coloniale connaîtra une série de déplacements au rythme de l'évolution spatiale de la ville pour se stabiliser aujourd'hui à environ 10 km de son site initial suite à son huitième déplacement et devient Kouara-Tédji (nouveau village).

    Plus tard, d'autres populations pauvres d'ethnies différentes vont affluer vers Niamey créant ainsi des quartiers irréguliers que l'autorité a parfois aidé à s'installer en leur indiquant un site ce qui, même si c'est de façon provisoire, constitue un agrément tacite. C'est le cas par exemple de Zarmagandey dont la population composée majoritairement des originaires du Zarmaganda (région du Chef de l'Etat de l'époque). A leur arrivée suite à la famine de 1984, ces populations s'étaient installées sur le domaine universitaire. Il leur avait été demandé de quitter ce terrain pour s'installer un peu plus à l'ouest à Karadjé sur des terrains inondables à de nombreux endroits et donc inconstructibles.

    22 Village des peuls en langue Sonraï

    Carte n°3 : Localisation de Phabitat informel a Niamey

    S ISE.E1 .517.EE.E1 uS 1 ZE.E I. .517,0E.E1 Sk6Z.E1 .517.2.Z.E1 S1.9Z.E L

    TM" 745" 2°1'30" 2°2'15" 2°3'00" 2°3'45" 2°4'30" 2°51 5" 2°8130" 2°8'45" 2730" 2°8'15" 2°9'00" 213'45"

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    -- Principaux villages urbains

    Zone lotie de 1930 a 1989 A/ Principales voies

    Fleuve Niger et rivieres

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    6.1.2 Les facteurs d'évolution de l'habitat informel

    Plusieurs facteurs expliquent la naissance et le développement de l'habitat informel dans la capitale nigérienne.

    6.1.2.1 Les migrations intra-urbaines

    Ces migrations concernent les mouvements des populations établies à Niamey depuis plusieurs années et qui finalement finissent par disposer de leurs propres parcelles dans le domaine foncier coutumier. Il s'agit généralement des populations habitant le centre ville ou les villages urbains comme Gamkallé, Goudel, Saga dont les grandes familles détiennent l'essentiel du domaine foncier à Niamey. Le premier mouvement d'ampleur considérable a été enclenché en 1966 lorsque les populations de Saga ont morcelé et vendu des terrains qu'ils ont lotis en imitant le plan en damier de l'administration. Mieux, dans ce lotissement clandestin, il a été prévu des réserves foncières destinées à accueillir des infrastructures d'intérêt général. De plus, les constructions étaient réalisées nuitamment et il était interdit de construire en paillotes. La forte mobilisation de la population de ce quartier autour de son chef a permis de déjouer toutes les tentatives des autorités municipales de les déguerpir. Finalement Talladjé situé à l'Est de la ville sur la route de l'aéroport est reconnu comme un quartier par les autorités qui craignaient que cet exemple ne fasse jurisprudence au niveau des propriétaires coutumiers et des Niaméens en quête de logement sans complication administrative.

    Face à cet exploit des habitants de Saga, les autres propriétaires coutumiers ne sont pas restés en simples spectateurs. Ils sont également entrés dans le jeu. C'est ainsi que les propriétaires coutumiers de Goudel ont procédé au morcellement de leurs champs atteints par le front de l'urbanisation au Nord-Ouest de la ville. Leurs morcellements ont permis la création de Koubia informel. Sur la rive droite, les propriétaires coutumiers de Lamordé et de Kirkissoye ont aussi compris la leçon et se sont montrés aussi entreprenants en morcelant une partie de l'espace sur lequel s'étend leur droit coutumier en dépit du caractère souvent contraignant du site. Cette zone est en effet inondable et possède de nombreuses dépressions dans lesquelles stagnent les eaux des pluies. Mais ni les squatters encore moins les propriétaires ne semblent être inquiétés par cette contrainte. L'essentiel pour les chefs de famille étant d'avoir à bon prix un terrain sur lequel ils peuvent bâtir leurs maisons pour se loger et se mettre à l'abri de la location qui constitue une hantise pour les Niaméens. A travers ces lotissements

    clandestins, c'est tout le territoire de la communauté urbaine de Niamey qui est en proie à l'habitat informel qui ne fait que prendre de l'ampleur au fil des ans.

    6.1.2.2 Les migrations extra-urbaines

    La croissance spectaculaire de Niamey s'est opérée par vagues successives suite aux différentes migrations des populations rurales. Selon GILLARD P. (2003), ces migrations sont le fait des famines dont les plus marquantes ayant modifié le paysage urbain de la capitale nigérienne furent celles de :

    - 1901-1903 : marée humaine

    - 1913-1915 : 2ème vague de migrants

    - 1931-1932 : arrivée massive des populations rurales

    - 1965-1966 : création du quartier Bandabari

    - 1972-1973 : arrivée de migrants Nigériens et Maliens

    - 1984-1985 : début d'occupation de la ceinture verte.

    Quasiment toutes ces dates ont laissé leur empreinte sur la ville à travers les quartiers spontanés qui en sont issus. En effet, après chaque grande famine, il y a un groupe de réfracteurs qui préfèrent s'accommoder à la vie urbaine. C'est ainsi qu'en 1981, sur une population de 241 000 habitants, 107 000 étaient des migrants23 soit 44,3%. La famine de 1984 aurait fait augmenter la population de Niamey d'un tiers. Bien avant cette famine, la pénurie alimentaire de 1931-1932 appelée Doa jiiré (année des criquets) a drainé près de 23 000 habitants vers Niamey et fut à l'origine de la création du quartier Boukoki (ensemble de cases). Selon ALPHA GADO B. (1998), l'afflux massif de migrants entraîna un accroissement rapide de la population de Niamey et serait à l'origine de la création d'une chefferie administrative pour administrer la population flottante. Ces migrants étaient attirés par l'aide alimentaire qu'accordaient les autorités coloniales.

    6.1.2.3 L'atermoiement des autorités

    S'il y a un domaine dans lequel la violation de la loi est plus ou moins acceptée c'est bien
    dans le domaine de l'occupation du sol urbain. Alors que les revendeurs qui paient chaque

    23 ALPHA GADO B. (1998), Environnement et pauvreté au Niger : crises écologiques, migrations et pauvreté urbaine, In : Annales de l'UAM, pp.63-78, In : Annales de l'Université Abdou Moumouni, 272 p.

    jour des patentes à la municipalité sont pourchassés et les biens confisqués par la police municipale, les squatters sont dans la plupart des cas tolérés. La carte de localisation de l'habitat informel montre bien que plusieurs voies non bitumées larges de 50 m sont squattées et ce phénomène dure depuis plus de 10 ans pour certaines sans que l'autorité municipale ne réagisse. Ce laisser-faire à Niamey transcende tous les régimes. La colonisation a permis la reconnaissance tacite de Foulan Koira, la première République a vu la reconnaissance du quartier Talladjé tandis que sous le régime d'exception sont apparus Cases Allemandes, Tchana Carré, Zarmagandey, etc. Depuis l'avènement de la démocratie, Pays-Bas, Koubia, Losso-Goungou sont venus renforcer le quota de squatters à Niamey. Cette bienveillance des autorités de la Communauté Urbaine de Niamey trouve sa justification en partie dans la gestion peu orthodoxe à laquelle elles se livrent dans la gestion foncière à Niamey. En effet, des opérations irrégulières de morcellement des espaces publics non clôturés comme les écoles (figure n°6), les centres de santé, les espaces verts et même certaines voies sont courantes avec l'amenuisement des ressources foncières.

    Figure n°6 : L'exaspération de la population face aux agissements illégaux de la CUN

    Certaines choses qui se produisent dans ce pays sont franchement effarantes. Elles le sont d'autant plus qu'elles mettent en cause l'autorité de l'Etat, et donc la responsabilité de certaines personnes qui sont sensées faire respecter la loi et l'ordre dans la cité. Ce qui est arrivé à l'école primaire Médine III de Niamey doit interpeller la conscience des Nigériens en général et des tous premiers responsables politiques de ce pays en particulier. En effet, par deux fois, des individus (dont l'identité n'a semble til pas été déterminée), sont venus nuitamment placer des bornes dans la cour même de l'école, une manière de dire que le terrain ainsi délimité leur appartient. Alerté, le maire de la commune III est allé sur les lieux, et a instruit ses services pour déterrer ces bornes, étant entendu que la cour d'une école ne peut faire l'objet de vente. Malgré tout ces mêmes personnes sont revenues placer les mêmes bornes dans la cour de l'école. Conscients du fait que s'ils ne réagissent pas à temps, cette école risquerait de perdre sa cour, les parents d'élèves, les élèves et même les enseignants de la dite école ont observé un sit-in pour montrer leur désapprobation par rapport à cette honteuse situation. Il est impardonnable que ce genre de «crime» contre l'école nigérienne soit toléré par les autorités. On apprend aux dernières nouvelles, que le Président du Conseil Régional de la Communauté urbaine de Niamey, Monsieur Aboubacar Ganda, aurait promis de remettre l'école Médine III dans ses droits. Dans tous les cas, il est du devoir de l'Etat de chercher et de châtier toutes les personnes qui ont trempé dans cette affaire de morcellement du terrain d'une école publique.

    Ils veulent voler le terrain de l'école Médine III, extrait du journal L'EVENEMENT

    Source : http://www.nigerdiaspora.net/journaux/even.pdf, [janvier 2007]

    Ces genres d'opération font qu'on se perd avec le plan de la ville établi sur la base des travaux
    de la commission d'urbanisme. Une fois le projet de lotissement adopté, les espaces destinés à
    accueillir des infrastructures d'intérêt général sont empiétés d'une partie de leur superficie au

    profit de la CUN. Pire, la vente des espaces de ce genre a atteint ses limites car les écoles commencent à être protégées par les parents d'élèves et les enseignants. Suite à la rareté des réserves foncières aucun espace vacant n'est à l'abri des autorités municipales (Cf. annexe I : vente de rond-point)

    6.2 Le squattage à Niamey : nécessité ou stratégie urbaine ?

    Face à l'envergure que prend l'occupation irrégulière de l'espace et aux questions qu'elle suscite, il serait important de savoir les raisons qui poussent les Niaméens à devenir des squatters. Il est indéniable que beaucoup d'habitants de la capitale nigérienne vivent dans des conditions économiques difficiles. Cette précarité économique s'accompagne d'une augmentation continue de prix du mètre carré de la parcelle officielle. A titre d'exemple le mètre carré qui se vendait à 50 F CFA en 1959 est vendu à 2 000 F CFA à partir de 2002. Cette hausse du prix de la parcelle s'effectue dans un contexte de paupérisation. Si l'on s'en tient aux résultats de l'enquête sur le budget et la consommation (1993) qui considère 42% des Niaméens comme pauvres, il faut à ces derniers 6 à 8 ans de privation absolue pour accéder à une parcelle de 300 m2 en zone traditionnelle (SEYBOU I. 2005).

    Cependant, l'étude que nous avons menée en 2004 montre que les squatters ne sont pas de la même catégorie socioéconomique. En effet, selon nos enquêtes 43% des chefs de ménages disposaient d'un revenu mensuel supérieur à 50 000 F CFA24. Cette enquête confirme une étude effectuée en 200225 selon laquelle le revenu mensuel moyen des chefs de ménage est de 54 800 F CFA pour les squatters, alors qu'il était de 45 400 F CFA pour ceux des villages urbains, de 65 100 F CFA pour ceux du centre ville contre une moyenne générale de 82 900 F CFA pour l'ensemble de la ville. Ces chiffres montrent que loin d'être des démunis, certains squatters ont des revenus leur permettant de vivre dans la ville légale. Qu'est-ce qui pousse alors les gens à revenu intermédiaire à vivre dans l'habitat informel ?

    Plusieurs raisons peuvent être avancées dont :

    - le désir d'avoir un espace rapidement sans complication administrative : pour accéder à une parcelle officielle il faut faire une demande, payer avant le lotissement et attendre au moins 5 ans.

    24 ISSAKA H. 2004, Les espaces d'occupation spontanée à Niamey

    25 OLVERA L D, PLAT D, POCHET P (2002), Etalement urbain, situation de pauvreté et accès à la ville en Afrique subsaharienne. L'exemple de Niamey. In BUSSUIERE Y., MADRE J.-L., (Eds) 2002, Démographie et transport : Villes du Nord et villes du Sud, Paris, L'Harmattan, 2002, pp.147-175

    - Il n'y a pas une grande différence entre les quartiers informels et certains quartiers traditionnels puisqu'il manque cruellement les infrastructures d'hygiène et d'assainissement.

    - En ayant vite sa parcelle dans la zone informelle, on peut construire sans délai et profiter pour bâtir quelques maisons à louer ce qui améliore le revenu mensuel.

    - En construisant dans un lotissement coutumier, le squatter est sûr que maintenant il ne joue plus à la loterie comme au temps du régime d'exception où un bulldozer peut venir détruire les maisons sans dédommagement et sans perspective de trouver un nouveau site. Depuis le début des années 90 avec la démocratisation de la vie politique les dirigeants négocient avec les squatters avant toute opération de restructuration. Ainsi, aucun déguerpissement n'est possible sans l'identification au préalable du nouveau site.

    Comme on le voit le squattage à Niamey relève à la fois d'un manque de moyens pour certains, mais pour d'autres c'est une stratégie visant à prendre le devant sur les autorités pour bénéficier d'une assise foncière qui participe à l'amélioration de la situation économique du ménage car de loin l'habitat est le secteur dans lequel aucun entrepreneur n'a fait faillite à Niamey.

    6.3 Stratification de l'habitat informel à Niamey

    Deux types d'habitat informel se dégagent à Niamey : l'un de bas standing, l'autre de moyen standing.

    6.3.1 L'habitat informel de bas standing

    Il s'agit de la paillote, un habitat fait de seccos26 qui fut jadis le seul type d'habitat à Niamey ainsi que dans toutes les régions avoisinantes de l'aire Sonraï-Zarma et ce, jusqu'à l'installation coloniale. C'est un habitat dont la construction est très rapide et ne nécessite généralement pas d'engager une main d'oeuvre. Une demi-journée suffit pour sa réalisation et son coût malgré les progressions notables reste bas par rapport à l'habitat en banco. Ainsi, nous avons remarqué que son coût moyen de 69 250 F CFA soit 105,5 € (en 2004) n'était que de 37 900 F CFA en 1993 soit une inflation de près de 183%27.

    26Sortes de canisses en paille, tressée ou en tiges de mil ou d'Andropogon Gayanus, servant à faire des palissades, des cloisons mobiles, des toits de hangars, des abris, etc.

    27 ISSAKA H. (2004), Les espaces d'occupation spontanée à Niamey

    Figure n°7 : Les étapes de la construction d'une paillote

    Source : Corinne et Laszlo, MESTER DE PARAJD, Regard sur l'habitat traditionnel au Niger cité par ISSAKA H. (2004).

    C'est le type d'habitat le mieux adapté à la chaleur torride qui prévaut à Niamey sur une grande partie de l'année et surtout de février à Juin où les températures avoisinent 45°C à l'ombre. Cet habitat est un excellent isolant thermique et la fraîcheur qui règne à l'intérieur pendant la période de chaleur torride en fait un habitat prisé. Cependant, il a de nombreux inconvénients dont sa très grande vulnérabilité. En effet, il ne résiste ni aux termites encore moins aux animaux. De plus, il faut le renouveler tous les 4 ans en moyenne. Ses dimensions varient entre 3,5 et 4 m de diamètre et 4 à 5 m de hauteur. Mais son inconvénient majeur est qu'il est très inflammable. En outre, s'il est très prisé en période de chaleur, pendant la saison froide, un froid terrible y règne à l'intérieur ce qui contraint les occupants à allumer du feu de

    bois pour s'échauffer. La moindre inattention peut être fatale du fait que le froid est accompagné par des vents qui facilitent la propagation des incendies fréquents durant la saison froide entraînant la perte de centaines de paillotes et des biens acquis difficilement et dont le renouvellement n'est pas aisé. Il en est ainsi en février 2003 aux Cases Allemandes où un incendie a consumé 204 paillotes et baraques en tôle attenantes aux paillotes. Au secteur du Golf chaque saison froide s'accompagne d'au moins un incendie d'envergure. En terme de dispersion, c'est l'habitat informel le plus présent dans la capitale nigérienne et il est présent sur tous les paysages. Mais le plus notable est sa présence au quartier Plateau où il n'existe aucun habitat de moyen standing. Ainsi, deux grandes concentrations de paillotes sont implantées dans ce quartier jadis qualifié de ville blanche où ne résidaient que les blancs et quelques cadres africains.

    Lors de nos enquêtes, nous avons constaté que dans cet habitat de bas standing, les revenus ne sont pas uniformes. Sur les 115 chefs de ménages que nous avons interrogés, près de 62% avaient un revenu mensuel inférieur à 50 000 F CFA (76,22 €), alors que près de 25% affirment ne disposer d'aucune source de revenu mensuel. Les nantis représentent 13% et justifient d'un revenu mensuel compris entre 50 000 et 100 000 F CFA. Cela n'est pas surprenant de la part de ceux qui habitent Cases Allemandes et dans une moindre mesure Tchana-Carré qui pour la plupart sont employés par les coopérants et bénéficient d'un salaire supérieur à celui du cadre moyen de l'administration. Ils habitent ces lieux pour s'approcher de leurs postes de travail. Les occupants des paillotes ne sont pas tous des néo-citadins contrairement à une idée répandue. En effet, seuls 11,5% des chefs de ménages que nous avons interrogés ont moins de 5 ans à Niamey. Par contre, 56,5% d'entre eux sont à Niamey depuis au moins 20 ans.

    Vus par les autres comme des mal logés, les occupants des paillotes ne semblent pas se préoccuper outre mesure de la nature de leur habitat. Le plus important pour eux est que la vie à Niamey leur permet d'améliorer leurs conditions de vie. Ils sont en effet 72, 2% à affirmer que leurs conditions de vie se sont améliorées en s'installant à Niamey contre 7,8% qui estiment qu'ils sont dans des mauvaises conditions. De plus, les chefs de ménages vivant dans les paillotes ont de nombreuses personnes à leur charge. Ils sont 37,4% à entretenir entre 5 et 10 personnes. Ceux qui ont une famille de moins de 5 personnes ne représentent que 15,6% alors que 47% ont au moins 10 personnes à charge. C'est donc des véritables cas sociaux avec lesquels l'administration est parfois obligée de composer car leur poids électoral en fait des gens à craindre. Ajouté à ce poids démographique, le taux d'analphabétisme qui est très développé chez ces squatters dont près de 48% ne savent ni lire ni écrire dans aucune langue.

    Tableau n° 1: Niveau d'instruction des occupants des paillotes

    Niveau de scolarisation

    Effectifs en (%)

    Aucun

    47,8

    Alphabétisation arabe

    39,1

    Primaire

    8,7

    Secondaire (collège)

    4,4

    Total

    100

    Source : ISSAKA H. enquête (2004)

    Ceux qui ont fréquenté l'école primaire totalisent 8,7% contre un peu plus de 4% ayant obtenu le Certificat de fin d'étude du premier degré. C'est dire que même avant la crise économique, ces gens ne pouvaient exercer que des activités moins rétribuées.

    6.3.2 L'habitat informel de moyen standing

    L'habitat informel de moyen standing regroupe la catégorie dite habitat urbain c'est-à-dire les maisons construites en matériaux définitifs, et qui se repartissent en trois groupes :

    - les maisons en banco : le banco est une sorte de pisé fait de glaise mélangé à de la paille et formant de briques séchées au soleil. Les constructions en banco sont prédominantes dans les villages urbains. Elles constituent le modèle évolué d'habitat exigé par l'administration coloniale après l'incendie qui ravagea les paillotes de Niamey en 1935.

    - Les maisons en semi dur : Ce sont les constructions faites de banco sur lequel est fixé du ciment sur un grillage lui-même solidarisé au banco par des pointes métalliques. Contrairement au banco où la toiture est faite généralement de terrasse constituée de poutres de rônier ou d'Eucalyptus recouvertes de branchages et de seccos ou parfois de tôles de récupération ou de tonneaux dépliés sur lequel on coule du banco, la toiture des semis durs est généralement faite de tôles ondulées. C'est une imitation du dur mais qui est moins résistante. - Les maisons en dur : c'est l'habitat des classes aisées, symbole de réussite économique et sociale. Nous l'avons classé dans le moyen standing pour le simple fait que malgré la nature de la construction, dans les zones informelles, il n'y a en général pas les commodités accompagnant ce type d'habitat : eau courante, électricité, ou dans le meilleur des cas la présence de l'une ou de l'autre.

    De prime abord, on peut dire que les occupants de cet habitat de moyen standing sont les
    squatters à revenus moyens. Certes pour bâtir une maison en banco de deux pièces

    communément appelée célibatorium28, il faut au moins 200 000 F CFA (environ 305 €), mais cette réalité en cache une autre : c'est le statut de l'espace qui détermine beaucoup à Niamey la nature de l'habitat informel. Beaucoup de gens qui occupent les paillotes ont le moyen de construire en banco mais ils ne le peuvent pas parce qu'ils savent le risque qu'ils courent d'engager des frais importants pour bâtir une demeure qui sera détruite tôt ou tard. Par contre, ceux qui construisent en matériaux définitifs le font pour deux raisons principales. D'abord, les terrains sur lesquels ils construisent leur ont été vendus et ils disposent d'une attestation de vente signée par le propriétaire coutumier et le chef de quartier. Disposant donc

    Figure n°8 : un exemple de construction en banco, le quartier Pays-Bas.

    Source : ISSAKA H (2007), cliché ABDOU I.

    de cette légitimité, ils estiment qu'ils courent moins de risques en construisant en matériaux définitifs car ils espèrent être confirmés dans leur droit après une opération de restructuration. Ensuite, lors de l'achat il leur est exigé de construire en matériaux définitifs pour mieux renforcer la capacité des habitants à lutter contre toute tentative de déguerpissement pour taudification que les autorités avancent comme prétexte pour déguerpir l'habitat informel. Mais au vu des résultats de notre enquête, il faut aussi dire que la présence de 34% de

    28 Il s'agit en fait d'une maison composée d'une pièce et d'une véranda.

    squatters sans revenu s'explique par le fait que certains commerçants, leaders politiques ou religieux construisent des maisons dans ces zones et les font occuper par des parents ou des disciples ou encore des militants. Par contre, 32% des chefs de ménage de l'habitat de moyen standing ont des revenus qui leur permettent de faire un tel investissement comme le prouve la figure ci-dessous.

    Figure n°9 : Revenu des squatters habitant les lotissements coutumiers à Niamey

    Revenu en F.CFA

    Effectifs en (%) ('

    34 34

    23

    5 4

    30

    25

    20

    15

    10

    5

    0

    40

    35

    Aucun revenu Moins de 50 000

    50 000 - 100 000

    100 000-150 000 Plus de 150 000

    Source : ISSAKA H. enquête (2004)

    Cette figure montre que 9% des squatters habitant l'habitat de moyen standing font partie de la classe moyenne car pour bénéficier d'un revenu mensuel de 100 000 F CFA, il faut être un cadre dans l'administration. 32% des chefs de ménage ont donc au moins un revenu mensuel de 50 000 F CFA et sont loin des critères de pauvreté établis par l'enquête nationale sur le budget et la consommation. Dans cet habitat de moyen standing, se retrouve une population cosmopolite constituée aussi bien de lettrés 66,7% (dont 2% ont des diplômes universitaires) que d'analphabètes (33,3%). Contrairement à ceux qui habitent les paillotes, les squatters vivant dans l'habitat de moyen standing ont moins de personnes à charge. Par exemple, la proportion des chefs de ménage ayant au moins 10 personnes à charge varie de 44,8% à 47%. A un niveau plus élevé, l'écart d'élargit. En effet, 31,3% des chefs de ménages habitant les paillotes ont plus de 15 personnes à nourrir contre 20,1% de ceux qui habitent les maisons en matériaux durables. La paillote est le reflet de la vie villageoise où le communautarisme est plus développé.

    Les squatters constituent une population contrastée appartenant à des catégories sociales diverses. On y trouve aussi bien des pauvres que des gens à revenu moyen. Parmi eux ce sont les artisans qui sont les plus nombreux 34% (ISSAKA H. 2004). Ils sont secondés par les revendeurs (19%) et les cultivateurs 10%. Si toutes ces catégories ont des revenus aléatoires, il faut souligner la présence de salariés parmi lesquels des fonctionnaires (environ 3%), des chauffeurs (4%), des forces de défense et de sécurité (2%) mais aussi des gardiens (9%). Par contre, les éleveurs qui sont à l'origine de la création du premier squat autorisé depuis la période coloniale représentent une infime proportion (1%). Comme on peut le constater même s'ils ne sont pas tous de la classe moyenne, certains squatters ont les moyens de vivre dans les zones d'habitat traditionnel si les conditions d'accès à la parcelle officielle étaient équitables.

    Chapitre VII : L'habitat informel ou le paysage de la pauvreté

    Si ailleurs on fait état de crise des banlieues, à Niamey, il serait plus judicieux de parler de crise de logement qui elle-même n'est qu'une facette de la crise urbaine en général. L'habitat informel à Niamey n'est pas situé sur un espace homogène. Il se localise aujourd'hui partout à travers la ville en dépit du sentiment de marginalisation voire de relégation dont les squatteurs peuvent se sentir victimes. L'hétérogénéité de cet habitat et des catégories socioprofessionnelles qui l'occupent rend l'analyse peu aisée. Cependant, le sentiment unanime des squatters est qu'ils sont pauvres et ne bénéficient pas entièrement des avantages de la ville. En outre, ils doivent faire face constamment à l'hostilité des autorités municipales.

    7.1 Le squat : expression spatiale de ségrégation

    A l'instar de beaucoup de villes coloniales d'Afrique subsaharienne francophone, Niamey était ségrégée avec d'un côté le Plateau (ville blanche) et de l'autre la ville indigène. Ces deux parties de la ville étaient séparées à la fois par un obstacle naturel : la vallée du Gountou-Yéna (mare aux eaux fraîches), et les camps militaires. Cette ségrégation était basée sur un critère racial. Aujourd'hui, le critère racial a cédé la place au critère économique. Le Plateau est habité par les hauts cadres Nigériens et par quelques expatriés travaillant dans le cadre de la coopération internationale. Cependant, cette nouvelle forme de séparation à base économique ne parvient pas à créer des zones homogènes comme durant l'époque coloniale où le clivage était net. A l'intérieur du Plateau par exemple, se trouve le campement Cases Allemandes avec ses paillotes contrariant ainsi le zonage.

    Toutefois, cette présence physique n'est pas synonyme d'intégration ou de mixité. En effet, alors que les habitants du Plateau vivent dans des villas somptueuses avec tous les avantages liées à la ville (eau courante, électricité, système d'assainissement, etc.), leurs voisins des Cases Allemandes sont loin de ce luxe. Dans quasiment tous les foyers il n'y a ni eau courante ni électricité.

    7.2 L'habit informel à Niamey : un espace de relégation

    Dans la plupart des cas, la création des zones d'habitat informel n'est que l'expression d'une
    forme d'exclusion. Or, les pratiques ségrégationnistes conduisent inexorablement à la

    frustration, à l'indignation provoquant ainsi un sentiment de rejet voire de mépris qui aboutit à la résistance (figure n°10) et même dans la plupart des cas à la révolte.

    Figure n°10 : Les squatters revendiquent leur droit de vivre à Niamey

    Les habitants des quartiers périphériques de la communauté urbaine de Niamey, à savoir ceux de Pays-bas, de la Ceinture verte, [ ] menacés de déguerpissement par les autorités municipales se sont retrouvés en assemblée générale dans le cadre des activés de la deuxième édition du Forum Social Nigérien qui se tient au palais des sports du 3 au 6 novembre.

    Depuis quelques mois de peur d'être déguerpies, ces populations ne dorment plus que d'un oeil. "Chaque jour que Dieu fait, mon esprit est partagé entre le marché et ma maison. Je quitte ma concession le matin avec la peur de la retrouver démolie", a confié à l'assistance, Assoumana, un habitant de Pays-Bas. "Tu n'es pas le seul dans cette situation, moi et ma famille la vivent en permanence", renchérit Saloufou du quartier Golf. Le Forum Social Nigérien étant un espace de recherche de solutions alternatives pour le bien être des populations, les délégués des "exclus" de la ville de Niamey se sont succédés pour proposer et donner des pistes alternatives à cette question de déguerpissement. Pour beaucoup d'entre eux, la seule voix possible est de rappeler aux autorités municipales qu'eux aussi sont des Nigériens et que l'on ne peut pas les chasser sans pour autant leur trouver un site aménagé avec un minimum d'infrastructures comme les fontaines d'eau, l'école et un dispensaire."Même avec un nouveau site, notre problème ne sera pas réglé, parce que là bas aussi ils peuvent nous chasser", craint Moussa, habitant d'un quartier périphérique se trouvant sur la route de Filingué. Comme pour se justifier, il continue son raisonnement en disant ceci : "Au début, nous avions des cases au quartier Sabongari, d'autres parmi nous étaient au quartier Bandabarari vers Soneizé. Les autorités municipales d'antan nous ont amenés dans la brousse. Aujourd'hui comme l'endroit est devenu un quartier bon à vivre, ils veulent nous chasser et vendre les parcelles aux nigériens aisés. Pour plus de 200 familles, ils ne nous proposent que 30 parcelles". Le débat au cours de cette assemblée générale a été de bout en bout démocratique. "Tout le territoire appartient à l'Etat. Ce dernier peut même démolir une maison lotie, à plus forte raison des maisons vendues par des personnes ne relevant pas de la municipalité", a laissé entendre un participant. Un autre lui répond en ces termes : "Même si tout le territoire appartient à l'Etat, le déguerpissement doit se faire dans le respect des droits humains car nous aussi nous sommes des Nigériens et la constitution nous garantit beaucoup de droits y compris celui d'un domicile".

    Les populations menacées de déguerpissement se concertent, extrait de newspapers,

    Source : http : // www.tamtaminfo.com/newspapers/forum.pdf, [novembre 2006]

    7.2.1 L'angoisse du lendemain incertain

    Les squatters vivent constamment avec la hantise de l'avenir de leur habitat. Cette crainte est d'autant plus fondée que les autorités ne délivrent plus de titre temporaire d'occupation aux squatters afin que les bénéficiaires ne le considèrent pas comme un acte de cession. Ainsi, les occupants de l'habitat informel ne justifient pas d'une légitimité opposable aux autorités. Pour

    ceux qui occupent les espaces privés par exemple, une décision du propriétaire ou du responsable chargé de la gestion de leur espace peut faire en sorte qu'ils se retrouvent du jour au lendemain dans un autre lieu pour lequel ils ne se sont pas préparés. Avec un déguerpissement, il faut reprendre une nouvelle vie en créant de nouvelles relations, avec dans certains cas la perte substantielle de leur revenu car la plupart des squatters se livrent à des petites activités (revente d'articles de consommation courante, artisanat) quand ils sont logés à côté des nantis.

    Cette angoisse est d'autant plus perceptible que même dans les zones de lotissement coutumier, les squatters en dépit des investissements importants réalisés avec la construction en matériaux définitifs, savent que tant qu'ils n'ont pas l'acte de cession délivré par les autorités municipales, le certificat de vente attribué par les Chefs de quartier n'est pas opposable aux autorités. Pourtant, ces chefs de quartier sont, conformément au statut régissant la chefferie traditionnelle au Niger, des auxiliaires de l'administration et gèrent les communautés dont ils sont les chefs et dont ils sont les intermédiaires vis-à-vis de l'administration. Dès qu'un enquêteur se présente dans ces quartiers, c'est la panique, tout le monde veut savoir si ce n'est pas une enquête de la Mairie en vue de les déguerpir. Il faut faire appel aux lettrés et leur expliquer que c'est un travail universitaire pour voir les squatters retrouver la sérénité. Ce sentiment est entretenu par les autorités qui brandissent le déguerpissement des squats laissant planer l'épée de Damoclès sur les squatters. C'est peut être une manière de dissuader d'autres candidats mais qui en fait ne produit pas cet effet recherché. Des appels provocateurs du genre on va préparer un lotissement pour les gens [ ] ; ceux qui ne pourront pas payer retourneront au village sont quotidiennement lancés aux squatters qui rétorquent qu'on ne peut contraindre quelqu'un qui a fui la misère à y retourner s'il sait que rien n'a changé (Le Monde du 2 février 2007). Actuellement, tels sont les propos que s'échangent les autorités et les 30 000 squatters de la ceinture verte de Niamey.

    7.2.2 Le sous-équipement des quartiers

    Etablis en ville, les squatters ont souvent les mêmes problèmes que les ruraux. Les équipements primaires font défaut. En dehors des écoles qui semblent faciles d'accès pour 46,9% des personnes interrogées, les centres sanitaires sont loin de la plupart des zones informelles. D'après nos enquêtes, ils sont seulement 17% des squatters à affirmer être près d'un centre de santé. La sinuosité des voies et le caractère accidenté de certains sites font que ces secteurs sont mal desservis par les taxis et autres véhicules de transport.

    Tableau n°2 : L'accessibilité facile aux équipements

    Equipement Habitat

    Ecole

    Centre de
    santé

    Marché

    Borne
    fontaine

    Autres services
    publics

    Total

    Paillotes

    108

    53

    29

    32

    34

    256

    Maisons

    50

    4

    7

    18

    2

    81

    Total

    158

    57

    36

    50

    36

    337

    Fréquence (%)

    46,9

    17

    10,7

    14,8

    10,6

    100

    Source : ISSAKA H. enquête (2004)

    Il est vrai que dans le domaine de la santé et de l'éducation, des efforts ont été faits par certains organismes en vue d'aider les démunis. Aux Cases Allemandes par exemple, le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) a construit une école primaire à l'image du campement pour les enfants des 503 ménages29 habitant l'espace.

    Figure n°11 : Ecole aux Cases Allemandes

    Source : ISSAKA H (2004)

    Les habitants de Zarmagandey ont été les plus chanceux dans le domaine des équipements. Grâce à l'organisation non gouvernementale internationale Vision Mondiale, ils ont bénéficié de la construction d'une école primaire et d'un centre de santé en matériaux définitifs entre 2004 et 2005. Par contre, l'accès à l'eau potable reste un problème majeur pour la majorité des squatters (cf. tableau n°2). Aux quartiers Pays-Bas et à Zarmagandey, certains habitants s'approvisionnent aux puits (malgré le risque de contamination de la nappe phréatique). Dans

    29 GILLARD P (2003)

    les autres quartiers informels, on s'approvisionne soit chez les voisins des quartiers lotis ou dans les écoles. Près de 85% des personnes interrogées trouvent que l'accès aux bornes fontaines est difficile en dépit des efforts fournis par le Projet Sectoriel Eau pour faciliter l'accès à l'eau potable aux populations urbaines.

    Le problème d'eau ne constitue pas le seul souci des squatters comme en témoigne le manque de latrines dans 84,3% des concessions en paillotes et dans 23% des maisons. Il faut soit utiliser les latrines d'un voisin ou aller dans la « brousse » c'est-à-dire dans l'espace non encore mis en valeur. Ce phénomène est surtout fréquent dans la ceinture verte où la plupart des habitants ne disposent pas de latrines et à Zarmagandey.

    7. 3 L'origine géographique des squatters

    A Niamey, les squatters sont de catégories socioprofessionnelles et d'origines diverses. C'est ainsi que parmi les habitants de l'habitat informel, se retrouvent aussi bien des Nigériens que des ressortissants d'autres pays. Contrairement à certaines villes africaines comme Douala au Cameroun où les propriétaires fonciers refusent de vendre leurs terres aux gens d'autres ethnies, à Niamey tout candidat peut accéder à l'habitat informel. Parmi les nationalités étrangères ce sont les Maliens qui constituent la plus grande communauté avec 6,3% de l'effectif total des squatters et 56,25% des squatters étrangers à Niamey. En dehors des Maliens, il y a des Burkinabé (32% des squatters étrangers), des Béninois (8%) et des Togolais (4%), (ISSAKA H. 2004).

    Bien que l'accession à l'habitat informel ne se fasse pas sur une base ethnique, les Maliens qui sont pour la plupart des Sonrhaï et donc partageant la même langue que les originaires de Niamey bénéficient plus de facilité d'intégration dans la communauté nigérienne d'où leur forte proportion dans les effectifs de squatters. Par contre, les ressortissants des pays côtiers sont moins nombreux parmi les squatters. A titre d'exemple, les Togolais et les Béninois ne représentent même pas la moitié des Burkinabé.

    Pour les Nigériens, ce sont les ressortissants des régions de Tillabéri et de Dosso qui représentent la plus grande communauté de squatters. A elles seules, ces deux régions totalisent 67% des squatters. Au moins deux raisons peuvent expliquer ce phénomène : ce sont les régions les plus proches de Niamey et d'ailleurs la capitale nigérienne est enclavée

    Carte n°4 : nrigine geograrktoe dei Equatterg

    7..

    LIZ

    dans la région de Tillabéri. A cette première explication peut s'ajouter le facteur ethnique donc des liens familiaux car ces deux régions sont les foyers à partir desquels s'est effectué le peuplement de Niamey, d'où la forte proportion des squatters parmi les Zarma-Sonraï (47,3%). Quant aux Haoussa, premier groupe ethnique au Niger, ils totalisent 26,4% des squatters. Mais les Niaméens eux-mêmes ne sont pas exclus et représentent 11,6% des squatters. Ces derniers vivent principalement dans les secteurs de Koubia et de Pays-Bas. Plus on s'éloigne de Niamey, plus la proportion des squatters diminue. A titre d'exemple, aucune des quatre régions situées plus à l'Est ne dépasse 5% de l'effectif des squatters. Diffa, située à plus de 1 300 Km de Niamey ne compte aucun squatter. Cela s'explique par le fait qu'il est difficile pour un démuni de cette région de venir à Niamey compte tenu du coût du transport. Les habitants de cette région sont plus tournés vers les villes du Nord du Nigeria qui sont plus proches d'eux et avec lesquels, ils sont culturellement apparentés.

    7.4 Habitats informels, cités sensibles et ghettos : éléments de comparaison

    Il serait difficile de faire une comparaison entre l'habitat informel de Niamey, les cités sensibles françaises et les ghettos américains compte tenu de l'évolution sociopolitique et économique des pays. Cependant, des éléments communs d'appréciation existent. La politique de zonage qui de fait entraîne une séparation entre les catégories socioprofessionnelles ou du moins entre les riches et la classe moyenne et pauvre est un phénomène qui existe même dans les grandes démocraties. Ce processus aboutit à une séparation entre les différentes catégories et conduit à la relégation. Il en est ainsi des EtatsUnis d'Amérique par exemple où selon STEBE J.M (2002), il a été développé une politique de zonage dans le but de séparer les populations aisées des pauvres, et qui a fini par aboutir à l'exclusion raciale. Toutefois, en citant SCHELLING, STEBE note que les populations peuvent constituer involontairement des ghettos dans le seul souci de rapprochement entre individus partageant certaines affinités. Aussi, l'agrégation spatiale d'individus partageant certaines valeurs (ethnie, région, etc.) conduit-elle ipso facto à la naissance d'un ghetto sans jamais qu'il n'aie existé dans l'esprit des habitants d'en créer. Cette conception du ghetto est remarquable à Niamey au niveau du secteur informel du Golf où la séparation entre les communautés est très marquée. En dehors des éleveurs et des non éleveurs dont la répartition géographique est nette à travers le secteur, les trois communautés dominantes ont chacune un chef de communauté. Il existe ainsi, un chef Zarma, un chef Haoussa et un chef Peul. Ces

    trois chefs sont en fait des sous-chefs car le chef de quartier est celui du quartier Banifandou qui est celui reconnu par la Communauté Urbaine de Niamey. Les autres servent d'intermédiaires entre leurs communautés et ce chef de quartier qui est censé les défendre au niveau de l'administration. De ce point de vue, le secteur de Golf peut être considéré comme un ghetto car il remplit les critères énumérés par STEBE pour en être qualifié. Il est en effet, sous la tutelle d'une autorité extérieure, il est géographiquement délimité et regroupe des communautés partageant une même identité culturelle. C'est également une microsociété constituée d'un ensemble diversifié économiquement, socialement et professionnellement. En outre, c'est un espace déconsidéré par l'image humiliante que la puissance dominatrice et même certains habitants de la ville répandent à son sujet.

    Selon le même auteur, on ne peut pas comparer les ghettos américains aux quartiers défavorisés des périphéries des villes françaises dont la précarité est le seul critère commun pour les occupants. Cette situation est la même que celle qui prévaut à Niamey où les squatters appartiennent à des communautés et à des cultures différentes. Ils se sont retrouvés dans des espaces où la faiblesse du niveau de vie semble être le seul élément commun. Cependant, contrairement aux ghettos américains, l'habitat informel de Niamey constitue non pas l'étape nécessaire dans le processus d'insertion mais plutôt une phase ultime d'insertion dans la vie citadine. Les chefs de ménage ne sont pas des néo-citadins contrairement à une assertion largement répandue. En effet, la durée moyenne de séjour des chefs de ménage dépasse la décennie. Ils sont en effet, 68,3% à vivre à Niamey depuis au moins 15 ans et 77,2% des squatters résident à Niamey depuis au moins 10 ans (ISSAKA H. 2004).

    Le resserrement communautaire dont parle STEBE s'organise au niveau des villages urbains comme Goudel, Gamkallé, Saga, etc. Après avoir passé des années dans ces villages où la vie ressemble à celle de la campagne, les ruraux nouent des alliances avec les habitants de ces villages et finiront par faire des économies avec lesquelles ils finiront par acheter un lopin de terre auprès des propriétaires coutumiers. Derechef, les ghettos américains sont situés au coeur des villes et peuplés d'ouvriers alors qu'à Niamey, dans les quartiers centraux comme Maourey, Banizoumbou, Kalley etc., on ne trouve principalement que les Niameyzés (originaires de Niamey) qui considèrent les habitants des périphéries (qu'ils soient en zone lotie ou informelle) comme des Kawi-izés (campagnards) ou Tché-kanda (étrangers). Mais depuis le début de l'année 2000, le centre est en train d'être acheté par ceux qui sont appelés les nouveaux riches qui sont en train de construire des buildings à la place des maisons en banco transformant le centre ville en un véritable centre d'affaires et culturel avec les banques, les instituts privés, etc.

    Pour faire simple, nous allons nous baser sur les cinq critères établis par WACQUANT L. cité par STEBE (2002) afin de comparer les trois types d'habitat qui évoluent dans des conditions sociopolitiques et économiques pour le moins inégales :

    - la taille, c'est un élément de comparaison qui fait des ghettos américains une spécificité : le ghetto du West Side à Chicago comptait 300 000 habitants alors que la Cité de 4000 à La Courneuve, l'une des plus importantes cités sensibles françaises n'accueillait que 14 500 personnes réparties dans 3 600 logements. A Niamey, la ceinture verte est la plus grande concentration de paillotes dans la ville sur une bande de près de 250 à 700 m de large sur 8 km de long et abrite près de 30 000 habitants soit environ 4% de la population totale de Niamey en 2005.

    - L'homogénéité ethnique ou raciale des mal logés constitue le deuxième critère de comparaison. Sur ce plan, une certaine exclusivité de la population noire s'observe dans les ghettos américains. Par contre en France les banlieues défavorisées se caractérisent par leur hétérogénéité avec par exemple plus de 80 nationalités à Sarcelles dans la banlieue parisienne (STEBE 2002). C'est presque le même phénomène à Niamey où les squatters sont de plusieurs ethnies et nationalités. Quasiment toutes les ethnies du Niger sont représentées avec bien entendu des proportions liées à la proximité de Niamey.

    - La crise économique a frappé distinctement la population américaine et les Noirs ont été le plus victimes en se retrouvant majoritairement au chômage et sans protection sociale. Comme aux Etats-Unis, aucune forme de protection sociale officielle n'existe au Niger contrairement à la France où le système de couverture sociale et les minima sociaux constituent pour les ménages des garanties de ressource.

    - L'abandon des territoires urbains ghettoïsés a été planifié aux Etats-Unis précipitant ces espaces dans la décadence. A Niamey, il n'existe aucun bâtiment collectif pour les démunis et seul le quartier informel de Talladjé a bénéficié d'une restructuration avec le concours des partenaires extérieurs.

    - Enfin, la violence semble être la première image qu'on retient des ghettos américains avec parfois des scènes de fusillades entre gangs rivaux. Dans les banlieues françaises, ce sont plutôt des vols ou des rixes entre voisins qui s'observent. A Niamey, l'habitat informel constitue un espace où règne un calme troublé des fois par des bandits de la ville qui s'y réfugient après des forfaits.

    Les mal logés du Nord comme ceux du Sud semblent partager des signes communs. Ils sont tous des exclus, des marginaux, victimes d'une relégation dont le facteur économique

    constitue de nos jours l'élément déterminant. Par ailleurs, des efforts sont faits pour certains plus que pour d'autres. En France par exemple, le système social semble plus favorable qu'au Niger où les squatters ne bénéficient au mieux que d'un système social coutumier qui est loin d'être une réponse à la détresse que vivent les plus démunis dans un pays où le SMIC est à 18 500 F CFA30 soit moins de 30 €. Le problème de Niamey est d'autant plus préoccupant que la paupérisation des couches populaires ne fait que s'accentuer, la vie devient de plus en plus chère, les sécheresses répétitives avec les flux des ruraux qu'elles drainent vers Niamey. Or, l'un des problèmes majeurs auquel les autorités communales doivent faire face est bien celui de l'espace car l'extension de la ville n'est plus possible dans certaines directions (le nord et le sud-est par exemple), cette raréfaction d'espace entraînera le renchérissement du prix des parcelles et inévitablement la constitution de nouveaux habitats informels.

    30 Gillard P. (2003)

    Chapitre VIII : L'habitat informel, enjeux et perspectives

    Comme évoqué dans les chapitres précédents, l'habitat informel à Niamey est aussi vieux que la ville. Tolérée pour des raisons sociales et/ou politiques, cette infraction aux règles de l'urbanisme tend de plus en plus à se légitimer. Naguère marginaux et moins organisés, les squatters sont devenus des acteurs incontournables dans la gestion urbaine. Si dans certaines capitales d'Afrique subsaharienne francophone le squattage a pu être contenu dans des proportions « acceptables » à travers notamment la relégation des squatters à la périphérie urbaine ; à Niamey, l'habitat informel constitue un sujet de préoccupation du fait de son ampleur grandissante liée à la situation générale de paupérisation dans laquelle vit la majorité des Niaméens et du contexte sociopolitique actuel qui n'incite guère à l'optimisme. La ville tend à occuper l'espace attribué par le décret fixant les limites du territoire de la CUN, et le contexte actuel de décentralisation rend les communes avoisinantes plus exigeantes pour le respect des frontières communales.

    8.1 L'habitat informel dans un contexte de démocratie et de décentralisation

    Tous les régimes qui se sont succédés au Niger ont toléré le squattage dans la plupart des cas pour des raisons sociales. Avec la démocratisation du régime, un facteur non moins négligeable est venu renforcer et conforter les squatters : le poids électoral. Les squatters constituent une base électorale convoitée par tous les politiciens et chacun use de son influence pour conquérir leurs voix. La gestion foncière étant politique, chaque leader essaie d'avoir une base électorale et le recrutement se fait au niveau des quartiers populaires. La constitution de la base électorale permet au leader politique d'émerger et de s'imposer face à ses collègues et aux squatters d'avoir un appui politique. Aussi, politiciens et squatters peuvent se permettre de faire des pratiques peu orthodoxes. L'on retient surtout, la gestion cahoteuse qui a caractérisée le mandat du premier Préfet/Président nommé après les premières élections démocratiques de 1993. En arrivant au pouvoir, les démocrates ont vite montré leurs vrais visages en se livrant à une prédation sans précédent du patrimoine foncier de Niamey. Des lotissements et morcellements systématiques ont été opérés pour répondre au besoin boulimique de nouveaux dirigeants en parcelles. Le népotisme avait atteint son summum avec la distribution gratuite de parcelles à l'élite politique au détriment des propriétaires coutumiers et des couches populaires. Ses successeurs lui ont emboîté le pas en procédant à

    des morcellements abusifs des réserves foncières. A titre d'exemple, note SEYBOU I. rien qu'en 2004 (année de l'arrivée à la tête de la CUN de nouvelles autorités élus) les îlots 3210 Aéroport, 1771 Yantala, 5 776 Talladjé, 6 014 Sary Koubou, 6 324 Niamey 2000, 2 721 Koira Kano. La réserve de Yantala (communément appelée 2ème Forage) qui était squattée par des petites gens a été morcelée en 20 parcelles vendues aux hommes d'affaire et aux commerçants. Officiellement, la parcelle de 400 m2 a été cédée à 800 000 F CFA mais en réalité aucune parcelle n'a été vendue à moins de 3 000 000 F CFA (SEYBOU I. 2005).

    Il convient de noter que la CUN ne dispose d'aucune infrastructure d'accueil pour les démunis. Les pauvres sont laissés à eux-mêmes. Mais la décentralisation impose des contraintes à la CUN en l'obligeant à se limiter à l'espace qui lui est attribué par le décret fixant sa création. Durant la période du parti unique, des différends territoriaux ont opposé le Préfet du département de Tillabéri à celui de Niamey accusé d'empiéter sur le territoire du premier. Avec la décentralisation, la commune rurale de Liboré située au sud-est de Niamey et rattachée à la région de Tillabéri s'inspirant de l'exemple du passé, a refusé d'être la sixième commune de Niamey et a procédé au lotissement des terres situées à la limite avec la CUN pour empêcher l'annexion de ses terres. Or, cette partie est la zone la plus favorable en terre constructible. Vers Ouallam (plus au Nord) la ville a déjà atteint les limites du territoire de la CUN. La commune V est aussi presque entièrement occupée parce que l'essentiel de la partie restante est constitué de buttes et dépressions inconstructibles. Face à cette situation, les autorités sont obligées d'adopter une nouvelle stratégie qui consiste à gérer au mieux le peu d'espace restant. C'est dans ce cadre, qu'elles ont initié l'attribution de parcelles de petite dimension (200 m2 à 300 m2) pour inciter ceux qui ont les moyens à construire en hauteur. Mais cette politique a vite été contrariée par le gouvernement qui n'a trouvé mieux que de procéder à des lotissements pour payer les arriérés par des parcelles. Dans ce cadre, 13 464 parcelles qui s'étendent sur 403,9 ha ont été attribuées aux fonctionnaires à Niamey. La décentralisation intervient dans un contexte de raréfaction de ressources foncières pour la CUN qui ne peut plus se permettre les lotissements d'envergure. Les rares parcelles issues des lotissements sont tellement convoitées au point qu'une nouvelle forme de spéculation a vu le jour à la CUN : il s'agit de la vente des numéros des parcelles mises en oeuvre par les agents municipaux en 2004 suite aux lotissements Extension Nord Faisceau II, Extension Banizoumbou III. Il faut débourser au moins 400 000 F CFA pour obtenir un simple numéro d'une parcelle de 400 m2 alors que celle-ci coûte officiellement 830 000 F CFA. Cette arnaque organisée fait passer le prix à 1 230 000 F CFA au lieu de 830 000 F CFA. La même

    parcelle est immédiatement vendue à plus de 1 500 000 F CFA. Dans ce contexte, seuls les hommes d'affaire et les politiciens peuvent accéder à la parcelle officielle.

    8.2 Quel avenir, quelles solutions pour l'habitat informel à Niamey ?

    Dans l'évolution sociopolitique actuelle, beaucoup d'indicateurs sont réunis pour dire que la question de l'habitat doit être une préoccupation majeure pour les autorités municipales si elles ont envie de gérer la ville selon les normes de l'urbanisme en vigueur. La solution à l'habitat informel s'inscrira dans une logique de résolution de problème de l'habitat d'une manière générale. Or, sur ce plan subsistent beaucoup de problèmes auxquels il va falloir trouver des réponses appropriées.

    8.2.1 Une politique de l'échec et du paradoxe guidée par les intérêts des nantis

    La gestion urbaine est caractérisée par un paradoxe. Alors que les citadins vivent dans des conditions économiques difficiles avec un SMIC à 18 500 F CFA (28,2 €), les textes réglementant l'urbanisme sont des copies d'un urbanisme des pays développés en l'occurrence la France dont les réalités sont très différentes de celles du Niger. En effet, il n'y a jamais eu une véritable politique de l'habitat pour le plus grand nombre au Niger. Les quelques rares habitats à loyer modéré construits au cours des années 60 par la SONUCI ont été mis à la disposition des cadres de l'administration. Dans bien de secteurs des indemnités de logement sont accordés aux agents de l'Etat pour supporter le coût du loyer. La majorité de la population est laissée à elle-même d'où le recours à l'habitat informel. Contrairement à l'Europe où les dirigeants des entreprises avaient contribué à lutter contre l'habitat informel en construisant des logements pour les ouvriers non loin des usines, à Niamey, c'est lors de l'installation des premières unités industrielles que le squattage a commencé à prendre de l'ampleur avec la création du quartier informel de Talladjé non loin de la zone industrielle. Or, les insuffisances de la promotion immobilière sont décriées même dans les documents officiels. A titre d'exemple, la loi 98-54 du 29 décembre 1998 portant adoption d'une politique nationale en matière d'habitat note qu'en 24 ans (1974 à 1998), l'Etat et ses démembrements n'auraient pu produire qu'un millier de logements soit près de 42 logements par an alors que les besoins sont estimés à 5 000 par an. Il faut noter aussi l'inefficience de certains instruments de la politique de l'habitat tels que le Crédit du Niger et la SONUCI.

    Face à cette incapacité de l'Etat à faire face au problème de logement, des acteurs privés se sont lancés dans la production de logements destinés à la location. Contrairement aux autres villes d'Afrique subsaharienne, le loyer semble bon marché à Niamey. Pour le célibatorium (une maison à une pièce plus véranda) en dur, le prix moyen mensuel est de 15 000 F CFA, alors que pour le banco, il varie entre 7 500 et 10 000 F CFA. A la périphérie de la ville, les prix sont encore un peu plus bas et y habiter procure un peu d'économie. Pour réglementer les relations entre ces bailleurs privés et les locataires, l'Etat a initié à travers le ministère de l'urbanisme un code de baux à loyer à travers l'ordonnance n°96-016 du 18 avril 1996. Cette ordonnance abroge le décret n°52-764 du 30 juin 1952 portant réglementation des loyers des locaux d'habitation en Afrique occidentale. C'est dire que la base juridique existe bien avant les indépendances et que comme dans beaucoup de domaines, le suivi a fait défaut.

    D'ailleurs les dispositions pratiques de cette ordonnance notamment la Commission nationale et les commissions locales de tarification du loyer attendent encore d'être mises en place. Bailleurs et locataires continuent avec leurs contrats verbaux et c'est toujours l'Etat qui perd car les bailleurs s'entendent avec les locataires pour faire une fausse déclaration du montant du loyer dont 12% devrait revenir à l'Etat sous forme de taxe sur les revenus de la location. L'offre en logement est tellement limitée qu'aujourd'hui le locataire est contraint d'être le complice du bailleur. Avant de quitter sa maison pour raison d'affectation ou autres, il remet la clef à une connaissance en prenant le soin de se porter caution morale auprès du bailleur. Depuis le gel des avoirs du Crédit du Niger au trésor national pour arriérés d'impôt, les salariés qui pouvaient prétendre à ce crédit pour l'habitat sont bloqués dans leur tentative d'avoir un logement. En outre, les voiries et réseaux divers ne sont plus assurés dans les lotissements depuis que la Caisse de Prêt aux Collectivités Territoriales (CPCT) créée par la loi n°70-7 du 17 mars 1970, a vu ses fonds bloqués au trésor national en 1993 pour arriérés d'impôt. Or, cet établissement public avait pour mission de soutenir financièrement les efforts d'équipement des collectivités territoriales qui sont tenues à ce titre de verser le produit de la vente de parcelles sous forme de dépôt en avoir dont l'usage est strictement réservé à la production de terrains à bâtir et à l'équipement des centres urbains.

    8.2.2 Des constats aux suggestions

    Pour l'instant, la décentralisation n'a apporté aucune solution pour le problème du logement en général et l'habitat informel en particulier. Ce nouveau contexte risque d'être plus propice au squattage du fait de la conjugaison de plusieurs facteurs favorables.

    8.2.2.1 Les constats d'une gestion mafieuse du foncier

    Les lotissements intempestifs dans le seul but d'avoir de l'argent pour régler des dettes (à l'image de l'opération gouvernementale de parcelles contre arriérés de salaire ou des lotissements opérés par la CUN pour payer ses agents) sont autant des facteurs qui ont contribué à réduire de façon drastique la disponibilité en terre à Niamey. A titre d'exemple, pour apurer les prestations de GANO SERVICE (entreprise privée liée à la CUN par un contrat de nettoyage et de balayage des rues) qui s'élèvent à 18 000 000 F CFA pour l'année 2003, la CUN n'a trouvé mieux que de lui octroyer des parcelles. Il en est de même de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale qui a acquis 118 parcelles dans le lotissement Nord-Est Sary Koubou en contrepartie des 3 080 000 F CFA que lui doit la CUN au titre des cotisations de ses agents. Cette prédation a été systématisée à partir de 1990. Ces agissements excessifs ont entraîné une croissance spatiale spectaculaire avec la production de 52 469 parcelles de 1990 à 2000 contre 51 341 pour la période allant de 1946 à 1990. C'est dire qu'en dix ans, la CUN a produit autant de parcelles que les cinquante années précédentes faisant de Niamey l'une des villes les plus étalées d'Afrique subsaharienne comparativement à sa population31. Lotir est une occasion de s'enrichir et de faire profiter ses proches au point que tout Préfet/Président tient à avoir le plus tôt possible au moins un lotissement à son actif. C'est ainsi qu'en quatre ans 8 lotissements ont été effectués par les quatre Préfets/Présidents de la CUN (2000-2004). Ce sont les lotissements Zam Koira Nord-Est, Sary Koubou, Nord-Est Niamey 2000, zone d'équipement, les extension Nord Faisceau II et Banizoumbou II, Tchangarey, extension Koira Tégui II, extension Talladjé II (SEYBOU I. 2005). La conséquence de ces lotissements irraisonnés c'est l'amenuisement du capital foncier de Niamey. La compétition pour l'accès à la parcelle risque d'être plus âpre au cours des prochaines années ce qui conduira inévitablement les populations à développer de nouvelles stratégies pour se loger.

    8.2.2.2 Des suggestions pour un habitat pour tous

    Pour faire face au problème de logement d'une manière généralement et à celui de l'habitat
    informel en particulier, il nous semble important d'envisager des pistes à court et moyen

    31 N'djamena (Tchad) avec plus d'un million d'habitants s'étend sur 7 120 ha ; il en est de même pour la ville de Dakar au Sénégal qui avec plus d'un million d'habitants occupe une superficie de 8 250 ha. Wikipédia.org [2007]

    termes. Ces pistes sont des suggestions globales et spécifiques. Pour les premières il s'agira à court terme de :

    - Interdire tout nouveau lotissement à Niamey pendant au moins 5 ans, le temps que les lotissements antérieurs puissent être effectivement mis en valeur. Au bout de cette période, toutes les parcelles non mises en valeur doivent retourner à la propriété privée de la collectivité conformément aux textes. Par ailleurs, toutes les paillotes situées dans les interstices de la ville doivent être déguerpies. Les autorités doivent contenir l'habitat informel dans des proportions des secteurs limités comme à Ouagadougou au Burkina Faso (carte n°5). - Adopter une véritable politique de l'habitat à travers la création d'une banque de l'habitat et l'encouragement de la création des cités à travers une garantie de l'Etat ou des collectivités auprès des banques. Dans cette nouvelle politique, les urbanistes, les architectes et les dirigeants doivent être plus réalistes en se convaincant du fait la ville doit être conçue en tenant compte des réalités socioéconomiques des citadins. Il ne sert à rien d'édicter des normes technicistes que personne ne respecte. La ville doit refléter la réalité locale. C'est pourquoi, au lieu d'interdire systématiquement la paillote dans les textes et être incapable d'empêcher sa propagation dans tous les paysages de la ville, il serait plus réaliste de permettre à ceux qui n'ont pas assez de ressources de bâtir des cases. Celles-ci ont l'avantage d'avoir le bas en banco et seul le toit est en chaume et donc moins exposé au risque d'incendie. Mais la case doit être vue et acceptée comme une étape transitoire pour beaucoup avant d'arriver à la maison en banco, puis en dur si les conditions économiques le permettaient. Niamey est une ville pauvre et l'habitat des pauvres doit être respecté : c'est une question de bon sens vu qu'on ne peut pas expulser les pauvres de la ville, ni leur offrir un logement répondant aux normes urbaines.

    - Faciliter l'accès à la parcelle pour les démunis. Cela est possible à travers une vente de parcelle à prix modéré32 (comme dans les opérations de recasement) pour permettre la mixité sociale ou du moins géographique des citadins et éviter le sentiment de rejet et de frustration qu'occasionne la relégation. Il est démontré qu'à Niamey le statut foncier détermine dans une large mesure la nature de l'habitat. En outre, comme dans tous les lotissements, il a été convenu entre les autorités et l'association islamique que sur 100 parcelles produites, une soit réservée à la construction d'une mosquée, il serait plus intéressant que 32 autres soient mises à la disposition des pauvres même si elles n'auront pas la même dimension que les autres.

    32 Dans les opérations de restructuration par exemple, l'acquéreur paie 1/3 du prix officiel pour obtenir l'acte de cession. Il est possible de ramener ce montant à 1/4 pour permettre à un grand nombre de citadins d'avoir une parcelle.

    Carte n°5 a : Niamey (2006) Carte n°5 : Ouaga
    ·ougou (1993\

    ource : http://www.mgm.fr/PUB/Mappemoncle/M196/Prat.pdf, simplifie par ISSAKA H. (Mai 2007)

    Espace bad Espace non bad

    Zone d'habitat spontane Zone bois6e

    mmiVillage urbain Zone marecageuse

    Zone lotie avant 1990 Zone lotie aptis 1990 Zone administrative

    =I Zone industrielle

    pZone commerciale

    Zone militaire Aeroport

    Cours et retenue d'eau lie

    Route principale

    Carte n°5 : Occupation de l'espace a Niamey (Niger et a Ouagadougou (Burkina-Faso)

    A moyen terme :

    - les différents textes doivent être adaptés aux réalités locales ce qui ne suppose pas un refus de la modernité. Mais, les textes doivent tenir compte des réalités socioéconomiques du pays. Tous les documents d'urbanisme doivent être popularisés.

    - L'Etat doit acquérir toutes les zones inondables (bras morts du fleuve, rivières) pour les mettre à la disposition de ceux qui voudraient y pratiquer le jardinage. C'est une manière d'éviter leur occupation par les squatters et une prévision contre les inondations. Ces genres d'espace qui ont été déjà occupées doivent être déguerpis. Mais avant, les squatters doivent bénéficier d'un espace favorable où l'eau et l'électricité seront mises à leur portée. Des parcelles leur seront cédées à un prix tenant compte de leur moyen et l'argent devrait servir à aménager leur site. Ceux qui seraient incapables de payer l'argent pourront être engagés dans les opérations d'aménagement pour rembourser ce qu'ils doivent. Pour éviter toute transaction de ces parcelles, elles resteront la propriété de l'Etat, les occupants n'ayant qu'un permis d'habiter, ils pourront y rester autant d'années mais ne pourront en aucune manière vendre ces terrains ou les louer à des tiers. Un déménagement entraîne un retour du terrain à la propriété effective de la collectivité qui sera seule habilitée à l'octroyer à quelqu'un d'autre de même statut que le précédent.

    - La SONUCI vue de la mauvaise gestion qui la caractérise (cf. annexes II et III) doit être dissoute et remplacée par une Agence autonome de production et de gestion immobilière. Cette agence aura pour mission : les études techniques pour la construction des zones d'habitat, l'établissement des plans de lotissement et leur réalisation ainsi que la gestion d'immeubles qu'elle aura à construire, et qui seront destinés à la location simple ou à la location vente. Elle doit bénéficier d'une subvention de l'Etat mais sera astreinte au paiement d'impôt sur son chiffre d'affaire comme toute société commerciale33. Ses cadres doivent être des fonctionnaires détachés de leur structure d'origine mais qui continueront d'être payés par l'Etat. Pour les quartiers spontanés actuels, elle procédera à leur restructuration en percevant une taxe d'aménagement foncier par ménage d'un montant de 60 000 F CFA. Auparavant, elle doit dresser un état des lieux pour dresser la liste des propriétaires. A l'image de la Société Nationale de Gestion Immobilière du Bénin, elle doit établir un plan de lotissement rationnel dans lequel seront prévus les emplacements des infrastructures nécessaires. Les lots seront subdivisés en parcelles numérotées de taille variable. L'établissement des voies de circulation et des réserves foncières ampute l'espace disponible d'une superficie dont le

    33 N'BESSA B. OKOU C. TOSSA J. et al (1989) Formation de l'espace urbain et intervention de l'Etat : le paradoxe béninois. Pp 77-88, In : La péri-urbanisation dans les pays tropicaux. Espaces tropicaux n°1, Bordeaux, 1989, 384 p. VENNETIER P. (sous la dir.)

    rapport à la surface totale constitue un coefficient de réduction applicable à toutes les parcelles qui seront redistribuées (par exemple 5% ou 10%). Elle travaillera sous forme de Forum hybride où se retrouveront pour la production des parcelles par exemple, outre les représentants des collectivités territoriales, ceux des propriétaires coutumiers ainsi que les délégués des candidats aux immeubles (bâti ou non) dont la liste est préalablement portée à la connaissance de tous pour éviter toute usurpation de titre et que les textes sur l'attribution des parcelles soient respectés notamment la mise en valeur effective de la première parcelle. Celui qui a une parcelle ne pourra prétendre à une seconde qu'à condition qu'il n'y ait aucun candidat à une première parcelle.

    - L'Agence doit introduire un système de référencement de l'habitat existant à l'aide d'un système d'information foncière (S.I.F) afin de limiter l'accès au foncier aux privilégiés dont certaines disposent de plusieurs dizaines de parcelles à Niamey alors que d'autres citadins courent toujours derrière une hypothétique parcelle. Ce S.I.F permettra au-delà de la limitation des parcelles aux spéculateurs, de permettre aux services des impôts de recouvrer la taxe foncière. La mauvaise distribution de parcelles qui se pratique actuellement est inacceptable. On ne saurait en effet comprendre que dans une ville de 674 950 habitants en 2004, 93 700 parcelles aient été produites soit en moyenne une parcelle pour 7 habitants. Or, rares sont les concessions abritant les ménages mono familiales : c'est dire que l'essentiel des parcelles est concentrée entre les mains de quelques individus. C'est pourquoi, le respect des textes doit être une priorité notamment le respect du délai de 5 ans prévu entre les lotissements et la vérification de l'effectivité de l'occupation des anciens lotissements avant d'entreprendre un nouveau lotissement.

    A long terme

    Il s'agira de créer des centres urbains secondaires pour décongestionner Niamey à l'instar de certaines villes d'Afrique subsaharienne francophone comme Ouagadougou, Cotonou, etc.,. Cela est possible à travers le développement du réseau routier et l'orientation des compagnies de transport sur les différents axes afin de permettre à tous ceux qui ont leurs activités à Niamey de pouvoir les mener sans contrainte majeur notamment au niveau du coût du transport et de la disponibilité des véhicules en temps opportun. Déjà la Société des Transports Urbains de Niamey et Halem Transport (une compagnie privée) desservent les localités situées à des dizaines de kilomètres de la ville au prix de la course de taxi entre certains quartiers de la ville (300 à 400 F CFA). Dans cette perspective, le développement des villes satellites s'avère une solution, et qui finira par s'imposer étant entendu que bientôt Niamey ne disposera plus d'espace pour lotir. La commune de Liboré qui a refusé d'être la

    sixième commune de Niamey, située à une vingtaine de kilomètre serait indiquée. Il en est de même de la ville de Kollo (chef lieu de département et situé à une trentaine de kilomètre de Niamey). Plus tard, des communes comme Kouré, Torodi, Say, Karma, etc. situées toutes à moins de 70 km de Niamey pourraient prendre le relais.

    Les suggestions spécifiques concernent les acteurs actuels de l'habitat informel. La résolution du problème de squattage passe par l'application de mesures strictes allant dans le sens d'une vraie justice sociale. Pour ce faire, il convient d'agir du côté de tous les acteurs impliqués dans le phénomène.

    Les acteurs officiels (techniciens et dirigeants politiques)

    Avant de créer la nouvelle agence dont nous avons fait cas, il faudrait faire un état de lieu de la situation actuelle afin de situer les responsabilités dans la gestion calamiteuse du foncier urbain à Niamey, mauvaise gestion qui explique en partie le développement de l'habitat informel. Les populations commencent à agir dans le sens de respecter les lois notamment à travers les mobilisations pour empêcher les morcellements des cours d'école. Pour éviter de telles pratiques, il faudrait mettre à la disposition de la justice tous ceux qui sont impliqués dans les malversations foncières (déclassements irréguliers, distribution gratuite de parcelles aux parents et connaissances, détournement des fonds de la vente de parcelles, etc.).

    Les propriétaires coutumiers

    La situation que vivent les propriétaires coutumiers constitue un drame pour eux-mêmes mais surtout pour leurs descendants. N'ayant pour la plupart que l'agriculture comme activité principale, l'expropriation de leurs champs les placent dans la situation de sans emploi à vie. La vente des parcelles reçues en guise de dédommagement n'est pas une source durable de revenu. Pour permettre aux propriétaires coutumiers et à leurs héritiers de vivre en profitant de l'expropriation de leurs biens fonciers, l'Etat devrait faire en sorte que dans le cadre d'un programme général de l'habitat, l'Agence immobilière ou la banque de l'habitat puisse aider les propriétaires coutumiers. Cette aide consiste à financer la construction d'immeubles de plusieurs niveaux sur au moins 15 des 25% des parcelles qu'ils reçoivent en guise de dédommagement. La construction doit se faire avec l'intervention d'un huissier et un échéancier doit être établi pour permettre à l'Organisme de recouvrer ses droits et permettre au propriétaire et à ses héritiers de disposer effectivement des immeubles. Durant cette période de recouvrement des frais, 40% du montant de la location doivent revenir au propriétaire coutumier afin de subvenir aux besoins de sa famille. Cette procédure constituera certainement un moyen d'éviter les lotissements clandestins qui seront sans intérêt pour les propriétaires coutumiers.

    Les squatters

    Il est indéniable que c'est la paupérisation liée au manque ou à la faiblesse de revenu qui explique en partie l'habitat informel à Niamey. Or, aucune forme officielle d'aide au logement n'existe à Niamey. Le système social traditionnel qui consiste à héberger des proches ne constitue pas la solution à l'accès au logement d'où le recours à l'habitat informel. Cependant, cet habitat informel n'est pas le seul fait des petites gens. Certaines personnes construisent uniquement pour la location. Pour limiter la proportion de l'habitat informel, il faut recenser tous les squatters afin d'avoir une liste nominative et fiable des ménages. Sur cette liste, il sera précisé le statut d'occupation du squatter (locataire, logés gratuitement ou propriétaires) afin qu'aucun ménage ne puisse bénéficier de plus d'une parcelle au moment de la régularisation et aucun propriétaire externe, disposant déjà d'une parcelle en zone lotie ne pourra bénéficier d'une parcelle en cas de régularisation. Il faut à tout prix éviter le scénario de la régularisation de Boukoki où certains squatters ayant bénéficié des parcelles au prix recasement c'est-à-dire 165 000 F CFA au lieu de 615 000 F CFA (le prix officiel), ont vite vendu leurs parcelles et sont partis s'installer dans le quartier informel de Koira-Tédji. Ceux qui tenteront de tricher doivent être poursuivis en justice.

    Le réel problème qui se pose est celui d'un aménagement foncier à Niamey comme le souligne Belko Maïga (G.)34, « les causes des échecs des opérations d'aménagement foncier sont à rechercher dans la violation des règles d'appropriation des terrains ; le refus de l'obligation des règles de prospects ; le manque de transparence dans la gestion des opérations ; le développement d'une spéculation foncière administrative nourricière de la spéculation privée. Le manque de justice dans les procédures d'allocation et de cession de terrain, l'utilisation des ressources provenant de l'aménagement foncier pour les besoins de fonctionnement, la confusion dans les procédures d'allocation et les escroqueries foncières (attribution d'un même terrain à plusieurs personnes). La vente par anticipation des parcelles d'un aménagement foncier non réalisé ».

    34 Belko Maïga (G.), Les Professionnels de l'aménagement foncier, étude du cas du Niger, In Aménagement foncier urbain et gouvernance locale en Afrique sub-saharienne. Enjeux et opportunités après la conférence Habitat II. Rapport du colloque régional des professionnels africains. Ouagadougou Burkina Faso du 20 au 23 avril 1999.

    CONCLUSION

    L'habitat informel est l'un des problèmes qui parvient à résister face à toutes les politiques que l'Afrique à initier depuis les indépendances. L'ampleur du phénomène et le risque qu'il entraîne ont amené les partenaires extérieurs à appuyer les Etats et même à les contraindre à adopter une véritable politique face au récurrent problème de logement. Des institutions internationales comme la Banque Mondiale, ont dans ce cadre aidé les différents pays à améliorer les conditions de vie des squatters en initiant des programmes d'amélioration de cet habitat insalubre. Ces institutions ont par ailleurs fait pression sur les Etats pour qu'ils mettent fin à la destruction systématique des quartiers spontanés. Cette politique conduite dans les années soixante-dix a permis l'intégration de certains secteurs dans le paysage urbain. Mais, elle n'a pour autant pas constituer la réponse définitive à la question car l'occupation irrégulière de l'espace urbain est loin d'être terminée. A Niamey, le phénomène avait été contenu dans des proportions moindres jusqu'au début de la décennie 70 avant de connaître une expansion extraordinaire avec les sécheresses 1972-1973 et surtout du fait de l'affaiblissement de l'autorité de l'Etat à partir des années 1990 avec l'ouverture démocratique assimilable à l'anarchie. La crise urbaine se poursuit dans un contexte de paupérisation de la majorité des citadins. La baisse du pouvoir d'achat fait que même la classe moyenne est sujette à se réfugier dans cet abri de désolation. La ségrégation résidentielle héritée de l'époque coloniale a pris un élan nouveau avec l'impossibilité pour la majorité des Niaméens d'accéder à la parcelle officielle. Celle-ci dont la répartition a de tout temps été décriée devient de plus en plus rare et coûteuse au point qu'une minorité seulement peut y postuler. Toutefois, le problème ne se situe pas uniquement au niveau de l'accès de la parcelle. En effet, lors de l'opération « parcelles contre arriérés de salaire », la majorité des parcelles mises à la disposition des agents de l'Etat s'était retrouvée entre les mains des hommes d'affaire et des politiciens. Pourtant l'idée d'octroyer une parcelle à chaque fonctionnaire aurait été bonne si elle avait été conçue dans une véritable politique d'accès au logement. Il aurait fallu par exemple négocier des crédits pour l'habitat afin que ces fonctionnaires puissent être à l'abri des spéculateurs prêts à faire des offres alléchantes pour acquérir les parcelles. Tout se passe comme s'il n'existait aucune politique étatique en matière de logement. Pire, avec la faillite de la banque de l'habitat et le gel des avoirs de la caisse de prêt aux collectivités territoriales, la classe moyenne n'arrive plus à mobiliser les fonds pour construire. De plus, les parcelles officielles ne sont plus viabilisées immédiatement lors des lotissements comme prévu par les textes entraînant ainsi de longues années d'attentes avant

    leur mise en valeur. Face à toutes ces difficultés imputables dans une certaine mesure à l'inertie d'une administration aux procédures longues et compliquées, les modifications successives de statut de la capitale n'ont rien apporté.

    Pourtant, il va falloir trouver une réponse capable au moins d'assurer la sécurité des squatters et parfois de leurs voisins. Les maisons sont construites sur des sites parfois accidentés ou marécageux ou sur des réserves foncières destinées aux équipements d'utilité publique. La terre est occupée ou lotie illégalement et souvent les maisons ne répondent pas aux normes de construction et de salubrité. Bâtis sur un domaine sans programmation, les établissements ne respectent ni le zonage encore moins les plans directeurs. L'essentiel pour les squatters étant de ne pas payer le loyer ou à moindre coût. C'est pourquoi, contrairement au reste de la ville où la majorité est locataire, dans l'habitat informel nos enquêtes ont montré une forte proportion de propriétaires (79,5%) contre près de 14% de locataires. Le reste est constitué des personnes logées gratuitement soit par des parents ou des leaders politiques ou religieux. La satisfaction d'être « chez soi » cache mal dans certains secteurs la forte densification de l'occupation, le problème de promiscuité, la précarité des conditions d'hygiène ainsi que l'absence de lisibilité de la trame. L'habitat informel constitue des enclaves de la pauvreté où le manque d'infrastructures donne l'image d'espaces de relégation. Il est indéniable que les squatters ont un apport à la ville notamment à travers les activités qu'ils exercent ; c'est pourquoi, il faut trouver un moyen leur permettant de vivre dans la dignité. Cela n'est possible qu'avec un changement global de comportement des différents acteurs dont principalement les autorités administratives dont les agissements sont parfois irresponsables. Les déclassements irréguliers des îlots, les détournements de terrain et le favoritisme dans l'attribution des parcelles sont des pratiques intolérables. Il est nécessaire que les candidats puissent avoir les mêmes chances d'accès au bien immobilier. Dans cette perspective, il est urgent que les textes soient respectés par tous. Le bafouillage des outils de gestion a contribué à entretenir le désordre dans la gestion urbaine en général et foncière en particulier. La confusion entretenue semble profiter à tous les acteurs et en premier lieu aux responsables municipaux. Une nouvelle forme de gouvernance doit être appliquée en vue d'un aménagement urbain véritable. Cela suppose la restructuration des structures de production et de gestion de l'espace urbain et l'affectation des cadres compétents. La mise à la disposition de la justice de tous ceux qui sont à l'origine de la gestion catastrophique du foncier est un préalable et un signe de changement d'orientation. La décentralisation en vigueur permet au gouverneur représentant de l'Etat de veiller à l'application de la loi et notamment les règles d'urbanisme.

    Il urge d'avoir une politique foncière pragmatique qui puisse permettre à la majorité des citadins d'avoir accès au foncier pour éviter les phénomènes des banlieues qui s'observent ailleurs. L'Etat ne doit plus faire montre de laxisme dans le respect des textes ; il y va de la cohésion sociale. Dans tous les cas, la résolution du problème du logement pour le grand nombre requiert un effort de réflexion, d'organisation, de financement mais aussi de participation des différents acteurs. Or sur ce plan, les squatters de Niamey font montre d'une disponibilité à participer financièrement à l'amélioration de leur cadre de vie. Les autorités doivent se convaincre que la gestion administrative suppose la satisfaction des besoins de la majorité. Le fait de privilégier un clan ou une minorité a toujours été une source de frustration dont l'exacerbation conduit souvent à des solutions de détresse. Les autorités en charge de la gestion de Niamey se doivent de penser aux générations immédiates et futures. La consommation d'espace à Niamey est sans commune mesure avec celle des autres villes alors que c'est l'une des moins peuplées. L'observation de la carte n°5 (page 91) montre un gaspillage inexplicable du foncier à Niamey.

    A l'allure où vont les choses, si les autorités politiques se permettent d'étendre le territoire de la CUN, dans moins d'un demi siècle, Niamey risque d'être l'une des villes les plus étendues d'Afrique subsaharienne alors que dès maintenant, l'insalubrité, l'insuffisance et le mauvais état de la plupart de la voirie et des réseaux ont atteint un niveau inquiétant. Cette inquiétude est d'autant plus fondée que la menace d'extension démesurée de la ville est réelle au point que les communes voisines comme Liboré ont déjà anéanti toute tentative d'extension sur leur territoire. Or, la population ne fait que croître dans un contexte de paupérisation, le nouvel enjeu qui se pose reste et demeure celui de l'accès équitable au peu de capital foncier qui reste à lotir. Face à ce nouveau défi qui nécessite une nouvelle forme de gouvernance de la ville, il va falloir inventer de nouvelles méthodes de gestion.

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    - wikipedia.org/wiki/Droit_de_propri

    LEXIQUE

    Célibatorium : maison à une pièce plus véranda généralement habitée par les célibataires ou les couples à revenu modeste.

    Coutumiers ou propriétaires coutumiers : ce sont les personnes à qui appartiennent les terres bien avant la pénétration coloniale et qui usent de cette légitimité pour morceler leurs terres pour les vendre aux demandeurs de parcelles.

    Foncier : « ensemble des manifestations et des conséquences de la valeur marchande d'une étendue. Au sein du foncier, la terre est transformée en terrain et en sol, bien certes immeubles, mais reproductibles, amendables, extensibles et échangeables. Il y apparition de la question du foncier parce que l'espace s'avère un enjeu au sein d'un système de production, dans la mesure où il constitue un objet essentiel en termes de fonctionnement économique, de production de richesse, de contrôle des rentes et plus values ». Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés, Belin, 2003, 1036p

    Habitat : « ensemble des conditions matérielles, sociales et culturelles qui expriment un mode de vie. Plus spécifiquement, en géographie, organisation des espaces de vie des individus ». Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés.

    Habitat informel : il s'agit de l'ensemble des maisons situées dans des espaces non lotis officiellement. Cependant, à Niamey, on trouve des villages urbains dont la trame est similaire à celle des quartiers spontanés mais ils ne sont pas considérés comme des quartiers spontanés par l'administration.

    Logement : « bien matériel qui constitue une unité résidentielle d'habitation. Le logement s'inscrit dans l'habitat : il est une unité d'habitation. Donc, une entité qui autorise l'action d'habiter stable. [ ] Le logement est d'abord un objet et un bien matériel, qui va très tôt devenir un enjeu politique en même temps qu'une catégorie statistique et économique. Si la notion de logement semble simple, il n'en reste pas moins qu'elle désigne un objet plus complexe, notamment parce qu'il s'agit d'un bien transmissible qui fixe de très nombreuses valeurs individuelles et sociales et qu'il s'est imposé comme un problème politique majeur qui a contribué aux développements de technologies sociales spécifiques. » Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés, Belin, 2003, 1036p

    Lotissement : division d'une propriété en lots destinés à recevoir la construction de bâtiments. Dict. de la géo. Pierre George, Fernand Verger, quadrige/PUF, 1970.

    Quartier : fraction de l'espace urbain ayant parfois une unité homogène et un chef nommé par l'administration conformément au statut de la chefferie traditionnelle.

    Squat : immeuble ou maison occupés par des squatters. (Dictionnaire universel)

    Squatter : personne occupant sans titre un logement, une terre. (Les Mots de la Géographie., Dict. critique, Roger Brunet, R. Ferras, H. Théry, -Reclus- 1992).

    A Niamey, le squatter n'occupe pas un appartement abandonné mais une parcelle non lotie par l'autorité.

    TABLE DES CARTES

    Carte n°1 : Les pays d'Afrique subsaharienne francophone p26

    Carte n°2 : Situation géographie de Niamey p38

    Carte n°3 : Localisation de l'habitat informel à Niamey p63

    Carte n°4 : Origine géographique des squatters p80

    Carte n°5 : Occupation de l'espace à Niamey (Niger) et à Ouagadougou (Burkina Faso) p91

    TABLE DES FIGURES

    Figure n°1 : Perspectives de population urbaine en Afrique subsaharienne francophone en

    2020 p24

    Figure n°2 : Pourcentage de la population urbaine, 1970, 1995, 2020 ..p28

    Figure n°3 : Evolution démographique de Niamey p39

    Figure n°4 : Localisation de Tchana-Carré et de Cases Allemandes au quartier Plateau p58

    Figure n°5 : Les squatters déguerpis pour une cause illégale p61

    Figure n°6 : L'exaspération de la population face aux agissements illégaux de la CUN p66

    Figure n°7 : Les étapes de la construction d'une paillote p68

    Figure n°8 : Un exemple de constructions en banco, le quartier Pays-Bas p72

    Figure n°9 : Revenu des squatters habitant les lotissements coutumiers à Niamey ..p73

    Figure n°10 : Les squatters revendiquent leur droit de vivre à Niamey p76

    Figure n°11 : Ecole aux Cases Allemandes p78

    TABLE DES TABLEAUX

    Tableau n°1 : Niveau d'instruction des occupants des paillotes p71

    Tableau n°2 : L'accessibilité facile aux équipements p78

    ANNEXES

    Annexe I : La CUN vend un rond point à Alpha Sadou

    Annexe II : Comment La SONUCI se meurt dans les bras de Jules Ouguet

    Annexe III : SONUCI : Le DCF et la caissière ont-ils bénéficié d'un traitement de faveur ?

    Annexe I : La CUN vend un rond point à Alpha Sadou

    C'est un scandale qui doit interpeller les urbanistes, et même la population. Le président du conseil de la communauté urbaine de Niamey, Abouba Ganda, a décidé de vendre un rond point à Alpha Sadou, conseiller municipal, opérateur économique de son état, et surtout militant du MNSD Nassara (le parti au pouvoir).

    C'est une parcelle sans références cadastrales, donc inaliénable et impossible d'être morcelée (à plus forte raison mise en vente) qui a été cédée à Alpha. Cet espace n`est pas non plus une réserve foncière susceptible d'être reversée dans le domaine privé de la collectivité, qui en ce moment là pourrait au besoin décider de la revendre après l'avoir morcelé Lors du lotissement du quartier Route Filingué, en 1981, cet endroit avait été prévu en tant qu'espace public, qui n'est pas du domaine privé de la collectivité. En d'autres termes, aucun président de conseil ou maire n'a compétence à mettre la main sur cet espace pour le destiner à la vente ou à tout autre usage autre que celui auquel il a été prévu. C'est pourquoi, pendant 25 ans, aucun maire ou préfet-maire n'a osé morceler ou vendre cet terrain. Il a fallu attendre 2006, avec l'arrivée de l'intrépide Abouba Ganda à la tête de la communauté urbaine de Niamey (CUN) pour que cet espace public de plus de 600 m2, situé en face du domicile du conseiller municipal Alpha Sadou soit vendu. Le montant exact de la transaction n'est toujours pas connu. Mais au regard de son emplacement, «ce délaissé de voirie» comme l'appellent les spécialistes n'a certainement pas été vendu pour un radis. On peut même imaginer qu'il a été vendu à prix d'or au vu de son emplacement.

    Le plus grave est que cet espace a été prévu pour servir les intérêts des habitants du quartier en tant qu'espace de loisirs ou lieu de rassemblement dans le cadre de certaines réjouissances. En plus, même pour des raisons de sécurité, il n'était pas indiqué de construire une habitation dans cet espace. Un incendie serait arrivé dans ce quartier qu'il serait impossible aux équipes des sapeurs pompiers de pouvoir faire quelques manoeuvres que ce soit pour circonscrire la catastrophe. Très vite, et comme pour couper l'herbe sous les pieds de tous ceux qui sont attachés à l'orthodoxie dans la gestion de l'espace urbain, le nouveau détenteur de l'espace, Alpha Sadou, a bâti sur le terrain une villa, et une petite mosquée pour certainement mieux légitimer son coup. Cette mosquée est bâtie dans le voisinage immédiat d'une église. Il faut savoir que ledit espace est géré par trois entités que sont : le Ministère de l'Urbanisme, le Ministère des Finances et la Collectivité. Sa vente est donc contraire à la loi. A tel point que selon certaines sources, cette transaction illégale aurait attiré l'attention de l'Inspecteur d'Etat, Djingarey Banakoye, qui travaille depuis plusieurs semaines déjà sur la gestion de la Communauté urbaine de Niamey. Ses investigations risquent d'alourdir les charges de mauvaise gestion de l'espace urbain qui pèsent déjà sur le président du conseil de la Communauté urbaine de Niamey, Abouba Ganda. On se rappelle qu'il était déjà au centre d'une troublante affaire de morcellement d'un terrain affecté à l'institution militaire. Le morcellement en question aurait été fait hors session de la commission d'urbanisme. Cette scabreuse affaire fait, depuis son éclatement, des vagues, car on estime que près de 200 parcelles ont été vendues, illégalement là aussi, à des personnes privées. Certaines auraient revendu leurs parcelles à d'autres acquéreurs. L'affaire fait d'autant plus de remous que le président Tandja aurait ordonné l'annulation des actes de cession indûment attribués. Ceux qui ont acquis les parcelles ou racheté avec des tiers se retrouvent ainsi dans le pétrin. Il y a lieu d'arrêter ces pratiques nuisibles à la gestion de l'espace urbain, fondées sur l'informel, le copinage et la recherche effrénée du gain facile. La capitale, Niamey, vitrine de notre pays, pour être belle, doit disposer d'un plan d'urbanisme cohérent, que les dirigeants de la ville se doivent de respecter scrupuleusement.

    L'EVENEMENT N°183 du 27 Février 2007 p.3

    Source : L'EVENEMENT N°183, site : http://www.nigerdiaspora.net/even/pdf [février 2007]

    Annexe II : Comment La SONUCI se meurt dans les bras de Jules Ouguet.

    On se rappelle la gestion de SONUCI avait défrayé la chronique, il y a seulement deux ans. C'était du temps de Mr Moumouni Yacouba. En vérité rien d'évident ne noircissait vraiment les pages de la SONUCI. Pourtant on notait le harcèlement d'un Inspecteur d'Etat omniprésent pour déceler des indices de mauvaise gestion à la SONUCI qui ne s'était d'ailleurs jamais mieux porté. Paradoxe, Moumouni Yacouba fut évincé en plein jour pour des motifs qui restent encore vagues. Puis ce fut le tour de Mr Issa Lamine. Il eu le temps de réceptionner et pour son image personnelle les médailles couronnant les efforts et les sacrifices de trois ans de gestion.

    Quelques temps après Lamine passe député National. Et ce fut alors le tour du providentiel Jules Ouguet. Ce dernier confond allègrement la chose publique à un patrimoine familial ou personnel. Cet enseignant (du primaire) de formation, qui se targue d'être « l'ami du Président Tandja » se moque éperdument des règles élémentaires de la comptabilité publique. La SONUCI, pour lui c'est sa « chose » et se comporte par conséquent comme un éléphant dans un magasin de porcelaine au grand dam des autres travailleurs, qui observent impuissants à la destruction pure et simple de la boîte. En moins de quatre mois et pour des raisons fantaisistes la SONUCI n'est plus en mesure de payer les salaires. Idée géniale, l'Administrateur jules Ouguet hypothèque un immeuble auprès d'une banque de la place et le tour est joué. Continuera t-il sur cette pente et pour combien temps ? Dans tous les cas, le chef du service Communication et Marketing a décidé de prendre son courage à deux mains pour signifier à son DG que trop c'est trop. [ ]

    Le chef du Service Communication et Marketing
    A
    L'attention du Directeur Général

    J'ai l'honneur de vous faire part de mes observations pour une meilleure gestion de la société dont vous êtes le premier responsable depuis bientôt 5 mois. En ma qualité de chef du Service Marketing et Communication j'ai le devoir de veiller à l'image de la SONUCI et vous transmettre les préoccupations de nos clients. En effet, Monsieur le Directeur Général, depuis votre prise de service, certaines pratiques contraires aux méthodes de bonne gestion ont très vite repris cours à la SONUCI sans que vous n'ayez pris les mesures nécessaires pour les contrer.

    Parmi ces pratiques je peux vous en citer quelques unes ! Dès votre arrivée, vous vous êtes empressé de passer une commande de photocopieur à votre propre fils. Vous avez ensuite juger qu'il fallait un véhicule imposant au DG de la SONUCI, et au lieu de le commander à une maison de la place, c'est le véhicule de votre épouse (une FORD américaine aux complications diverses) que vous avez revendu à la SONUCI tout en vous arrangeant à faire un dépassement budgétaire.

    Puis, quelques temps après, vous avez estimé qu'il fallait recruter un informaticien à la SONUCI. Vous passez alors la commande d'un lot de matériel informatique à votre propre beau frère que vous recruterez d'ailleurs par la suite au même poste. Dans la même foulée vous attribuez à votre famille le marché pour l'installation des câbles Internet. La salle d'informatique était installée, vous décidez contre la volonté du personnel que votre beau frère forme les agents à l'informatique puisque la commande est déjà consommée. Comme si cela ne suffisait pas vous contournez le service marketing pour une commande de tee-shirt, sac et gadgets SONUCI que vous enverrez à Ingall. Vous contournez à nouveau le service marketing pour passer une commande des calendriers dans des conditions obscures. A cela il faut ajouter un marché irrégulier d'agenda que vous avez consenti à un blanc que vous avez

    chargé de fouiller et remonter vos origines françaises. Concernant la gestion et la vente des parcelles, dès votre arrivée vous avez retiré aux soi-disant mauvais payeurs leurs parcelles pour vous les attribuez vous même ainsi qu'aux membres de votre famille. Mais cela ne vous satisfait pas. Vous arrachez les parcelles et les revendez vous-même avec intérêt grâce aux complicités que vous avez créées.

    La plus petite commande d'encens pour agrémenter votre bureau, vous la passez à votre famille sans compter les 3 litres de Bridel que vous buvez chaque jour aux frais de la SONUCI.

    Bref ! Depuis votre arrivée le service est bloqué du fait de la réquisition abusive du véhicule pour vos courses privées, genre alimenter vos vaches, ou transporter des vivres pour votre épouse qui est devenue pour la circonstance un fournisseur de la SONUCI. Le dernier gros marché que vous avez attribué à votre famille, c'est votre propre fils que vous l'avez concédé. Il s'agit comme on le sait de la construction de 2 villas type f4 à Baani Koubay.

    Toutes vos pratiques jurent avec les principes de bonne gestion et de transparence et ont, malheureusement, dangereusement terni l'image de la SONUCI. Pourtant Monsieur le Directeur, vous vous êtes souvent targué d'être mandaté par le Président de la République. Et si vous continuez dans cette lancée, je ne pense pas que vous lui rendiez service, lui qui s'est toujours soucié d'une bonne gestion de nos entreprises.

    Monsieur le Directeur Général, si j'ai tenu à vous écrire pour vous parler de bonne gestion, c'est juste pour éviter de patauger dans l'erreur à moins que vous ne choisissiez de régulariser vite vos irrégularités avant qu'une inspection d'Etat ne vous tombe dessus. Aussi par souci de transparence et pour dégager ma responsabilité de vos erreurs, je vous prie désormais de bien vouloir me transmettre pour avis tout ce qui à trait à la communication et au marketing et donc qui touche directement l'image de la SONUCI.

    Voyez-vous, Monsieur le Directeur Général, en si peu de temps, vous avez fait en mal ce qu'aucun de vos prédécesseurs n'a fait depuis la création de la SONUCI. Trop c'est trop ! Depuis votre arrivée aucune procédure administrative ou financière normale n'a été respectée. Là où le bât blesse, ce que vous vous affichez comme un vieux sage qui a tout son avenir derrière lui alors qu'au fond, vous êtes vraisemblablement venu à la SONUCI pour assurer vos carrières.

    Veuillez, monsieur le Directeur Général, m'excuser pour cette démarche quelque peu insolite et recevoir l'expression de mes sentiments respectueux.

    Signé

    M. Boussada Ben Ali

    Source : http://www.tamtaminfo.com/newspapers/sahelhorizon.pdf [octobre 2006]

    Annexe III : SONUCI : Le DCF et la caissière ont-ils bénéficié d'un traitement de faveur ?

    Il y a de cela deux semaines, le conseil d'administration de la SONUCI se réunissait afin de délibérer sur une importante question relative à la dissipation des fonds de la société par le Directeur Comptable et Financier (DCF) et la caissière. A l'issue de cette délibération, il a été demandé aux intéressés de s'acquitter solidairement du remboursement de la somme de 3.600.000 F CFA. Il demeure cependant que cette somme serait dérisoire par rapport au montant réel détourné. En effet, cette affaire qui date des années 2000 à 2002, ferait suite à une inspection d'Etat diligentée à la SONUCI et à un audit commis par le Directeur Général de la SONUCI de l'époque, M. Moumouni Yacouba.

    Les conclusions de l'inspection et de l'audit avaient relevé de nombreuses irrégularités qui ont amené le Directeur Général à adresser une lettre au directeur comptable et financier et à la caissière, leur demandant de procéder à des recherches dans leurs archives pour apporter les pièces justificatives à un manquant de plus de neuf (9) millions de francs constaté le 9 septembre 2002 à la suite de l'inventaire de caisse fait par l'inspecteur d'Etat.

    L'audit effectué pour affiner les comptes de 2000 à 2002 a aussi relevé que pour la période 2000 à 2001, 8.616.400 F CFA de recettes n'auraient pas été enregistrés en 2001 sous réserve de retrouver deux quittanciers, l'un du N°15051 au N° 15100 utilisé en 2000 et l'autre du N°02851 au N° 02900 pour 2001.

    En 2002, l'inventaire de caisse effectué le 8 octobre faisait ressortir un écart de 11.092.769 F CFA qui reste à justifier.

    En faisant payer au directeur comptable et financier et à la caissière la modique somme de 3.600.000 F CFA, l'on se demande si les intéressés ont remboursé les montants cités plus haut, à défaut d'avoir produit toutes les pièces justificatives ainsi que les quittanciers qui n'ont pu être trouvés pour exploitation. Affaire à suivre.

    L'Enquêteur N° 289 du 30 Mai 2007 p.8

    Source : http://www.nigerdiaspora.net/journaux/enqueteur_niger.pdf [mai 2007]






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