WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Valorisation de la médecine traditionnelle en contexte africain: expérience de "la maison de la feuille " à  Porto Novo au Bénin

( Télécharger le fichier original )
par Daleb Abdoulaye Alfa
Université d'Abomey-Calavi (Bénin ) - Maitrise 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE II : LES IMPLICATIONS SOCIO-CULTURELLES DE LA VALORISATION

Ce travail de recherche s'inscrit dans la sociologie dynamique développée par des chercheurs comme Georges Balandier qui étudient les transformations qui interviennent dans les traditions, les formes et organisations sociales avec la modernité. Selon Balandier, «la modernité» c'est le bougé, "la déconstruction et la reconstruction, l'effacement et l'apport neuf, le désordre de la création et l'ordre des choses encore en place" (Balandier, 1985, p.14).

A `'la maison de la feuille'', la valorisation de la médecine traditionnelle manifeste un triple processus. La déconstruction avec des ruptures importantes par rapport à la médecine endogène. La continuité avec le maintien de certains éléments de l'ordre traditionnel. La reconstruction à travers la création d'une manière inédite de pratiquer la tradithérapie.

1. Les ruptures

Avec la valorisation, certaines pratiques et représentations liées à la tradithérapie au centre, sont en déphasage avec les logiques sociales et culturelles qui fondent la médecine traditionnelle. Ces ruptures impliquent un affaiblissement de la base socio-culturelle de la médecine endogène.

1.1. Un affaiblissement de la base socio-culturelle de la médecine

traditionnelle

L'affaiblissement de la base socio-culturelle de la tradithérapie est perceptible à plusieurs niveaux dans le centre. Sur le plan étiologique, selon Auge, (1983, p.35), il y a souvent "des mises en cause sociales (peut être faudrait-il écrire des mises en cause sociale) qui suivent les manifestations du désordre biologique" en médecine traditionnelle.

63

A `'la maison de la feuille» par contre la tradithérapie est assez « internalisée » (Fournier et Haddad, 1995, pp.289-325), c'est à dire qu'elle se concentre sur l'explication des événements (maladies et thérapeutiques) fondée sur une analyse des processus physiologiques, au détriment de la recherche d'une causalité sociale qui caractérise très souvent la médecine endogène. L'exemple du SIDA permet d'illustrer l'approche étiologique privilégiée dans cette structure. En effet, même si des domaines comme la santé publique montrent de plus en plus la relation entre la maladie et certains facteurs ou groupes sociaux à risques (prostitués, homosexuels, faiblesse du niveau d'instruction ), les soignants de l'hôpital traditionnel «la maison de la feuille» considèrent comme les médecins modernes d'ailleurs, que le SIDA est provoqué par le VIH et ne lient pas la cause

L'approche étiologique dans le centre étant déconnectée des logiques sociales et

culturelles sur lesquelles se base souvent la médecine traditionnelle, les
modalités du diagnostic dans cet établissement rompent pour l'essentiel avec la

médecine traditionnelle classique. En effet, dans cette structure, les guérisseurs

pour procéder au diagnostic, interrogent le patient, observent son corps comme

le font les médecins modernes. Cest l'individu qui les intéresse, c'est lui seul qui

peut permettre de découvrir la nature, le sens de la maladie. En médecine

endogène par contre, comme le montre Auge (1983 ,p.35) "le sens de la maladie
ne se lit plus simplement sur le corps du malade, mais éventuellement sur celui

des autres, de l'entourage, de ceux qui, à leur tour, naissent, rêvent, tombent

malades ou meurent", Cest pourquoi, en médecine traditionnelle, le diagnostic

l'une des m

La nosographie promue dans le centre est également en rupture avec le modèle
classique de la médecine traditionnelle. En effet, seules les maladies «naturelles»

sont officiellement reconnues dans cet établissement, la catégorie du surnaturel

n'y étant pas prise en compte officiellement dans la classification des affections.

Cette approche nosographique détermine fortement les pratiques thérapeutiques dans le centre. Dans cette structure, les pratiques empiriques, comme la phytothérapie, les massages, sont les seules recommandées. Les pratiques thérapeutiques symboliques, rituelles, incantatoires, magico-religieuses sont mises à l'écart. D'ailleurs, le règlement intérieur proscrit l'utilisation de ces pratiques par les guérisseurs. Toutefois il existe une salle de consultation du Fâ dans le centre. Aucun tradithérapeute n'a le droit de faire la proposition de consultation du Fâ au malade ; sauf si celui-ci lui demande ; et ceci à cause du caract~re laïc de l'hôpital. Nous devons aussi noter que même apr~s la consultation du Fâ, aucun sacrifice ne se fait dans le centre. La consultation permet simplement dans ce cas d'avoir une idée sur l'orientation thérapeutique.

En analysant l'affaiblissement progressif de la base socio-culturelle de la tradithérapie avec certaines tentatives de valorisation de la médecine traditionnelle, Dozon (1987, p.12) confirme le processus en cours dans le centre. Pour lui, de plus en plus, "le terme de tradipraticien représente à lui seul une véritable épure qui ne réfère à aucune compétence particulière, mais suggère une figure positive dépouillée de tout élément magico-religieux".

Notons également qu'à `'la maison de la feuille'', les plantes utilisées pour la cure sont collectées par le personnel du centre ou achetées au marché. Ce qui n'est pas conforme à la démarche classique en médecine endogène. En effet, pour l'africain, la nature est inerte par elle même, si elle n'est pas activée par la parole. Ainsi, est-ce la raison pour laquelle le thérapeute traditionnel ne prépare jamais un médicament, pas plus qu'il ne prélève tout ou partie d'une plante qui, par essence, est naturelle, sans lui donner ce support culturel qu'est le verbe qui rétablit le dialogue entre la nature et la culture que la maladie a rompu" (Sillans et Gollnhoffer ,1975,p.286). Si l'approche socio-culturelle de la médecine traditionnelle classique était respectée à `'la maison de la feuille'', ce sont les guérisseurs qui se chargeraient eux-mêmes de la collecte de toutes les plantes

65

médicinales qu'ils emploient avec fortes incantations et rituelles. Tel n'est évidemment pas le cas.

Le mode de rétribution des prestations sanitaires montre également une rupture entre la tradithérapie dans le centre et le modèle socio-culturel de médecine traditionnelle. En effet, nombre de chercheurs comme Fontaine (1995, p.134), ont montré que le système endogène de médecine préconise une rémunération des guérisseurs qui valorise plus l'être (reconnaissance, respect du tradipraticien) que l'avoir tandis que le "système médical moderne fait appel à une économie marchande dans laquelle l'activité de soins est devenue une activité de subsistance voire lucrative". Dans ce centre, le tradithérapeute, a un salaire mensuel, il ne doit absolument rien prendre du patient.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery