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La visualisation des informations

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par Christel Morvan
CNA- cefag - master 2 management multimédia option art numérique 2011
  

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Mémoire professionnel

Master management multimédia Option art numérique

Christel Morvan

La visualisation des informations

Le mode de transmission de l'information a beaucoup changé depuis les débuts de l'histoire de la communication. Durant l'antiquité, les connaissances et savoir-faire étaient transmis majoritairement par la tradition orale et souvent, le savoir était réservé aux élites et membres de certaines écoles de pensée. Les pythagoriciens par exemple, partageaient leur savoir uniquement de manière orale et secrète, les initiés étant les seuls à pouvoir y accéder.

L'écriture a ensuite permis l'affranchissement du support de la voix et du contact : les connaissances purent alors être mémorisées, stockées et échangées. Mais c'est seulement avec l'apparition de l'imprimerie que les livres, d'abord supports de communication, vont devenir des véritables diffuseurs d'information. Ce procédé a contribué à démocratiser la connaissance lorsqu'auparavant seuls les clercs étaient capables de maîtriser les techniques d'écriture et la lecture des textes qui étaient en latin.

Cette révolution dans la transmission des informations a provoqué un véritable changement de paradigme1 dans tous les domaines. Alors que l'impression des textes de l'antiquité permis une meilleure compréhension de l'histoire et de la philosophie, l'Ymago mundi2 , entre autres, changea la vision de la géographie.

Et ces nouvelles connaissances permirent à l'Europe de se lancer dans des expéditions d'envergure mondiale. Dés lors, les anciennes cartes devinrent rapidement obsolètes, la découverte de nouvelles terres et la notion de distances changèrent la représentation du monde.

Pour se repérer dans ce « nouveau monde », il s'avéra rapidement nécessaire de le cartographier. Devant le nombre croissant d'informations à représenter sur les cartes, les signes conventionnels de la cartographie de simplifièrent. Mappemondes et atlas vont voir le jour à cet époque, et la géographie deviendra une science à part entière.

Aujourd'hui, avec l'ère du numérique, le mode de transmission de l'information a de nouveau changé. Les ordinateurs sont devenues des outils de calcul, d'aide à la décision, et de stockage perfectionnés. Internet a permis l'affranchissement des contraintes spatiales et temporelles, et nous pouvons désormais accéder rapidement à une quantité innombrable d'information et de données.

A l'instar des cartographes de la renaissance contraints de revoir la manière de représenter le monde, nous allons à notre tour devoir cartographier le réseau foisonnant de données et d'informations. Si à

1 Un paradigme, viens du grec ancien ðáñÜäåéãìá / paradeïgma qui signifie « modèle » ou « exemple » ici, est une représentation, un modèle de vision du monde.

2 Pierre d'Ailly, L'Ymago Mundi, imprimé en 1410, est un ouvrage de 12 traités s'appuyant sur des auteurs tel Ptolémée, Aristote ou encore Averroès. Il est agrémenté d'une carte représentant la terre en un globe divisé en plusieurs zones climatiques. Autre fait nouveau par rapport aux cartes médiévales, Pierre D'Ailly place le nord en haut de la carte.

l'époque l'enjeu était de se repérer dans le monde réel, aujourd'hui l'enjeu est de s'orienter dans les données pour nous repérer et améliorer la diffusion de l'informations et des connaissances.

Nous évoluons aujourd'hui dans un monde où les information sont de plus en plus omniprésente et surabondantes. Comment les représenter quand celles-ci ne cessent d'augmenter en quantité et en complexité? Quel système peut nous permettre de synthétiser l'information, de la rendre plus lisible et pertinente? L'image est-elle la solution?

Il y a à ces question des ébauches de réponses techniques et théoriques mais prennent-elles vraiment en compte tous les aspects et les enjeux de la représentation de l'information?

Pour comprendre l'importance d'aborder la représentation des informations sous un angle neuf, nous allons d'abord analyser l'information en elle-même, en décryptant ses mécanismes de fonctionnement dans un premier temps, puis en essayant de cerner ses nouvelles modalités. Nous aborderons ensuite la notion d'hyperinformation et ses conséquences.

Pour comprendre comment s'opère la transmission de l'information et donc savoir comment la représenter au mieux, nous étudierons de manière synthétique la question du langage. Les mécanismes du langage vont nous permettre d'acquérir des connaissances nécessaires pour transmettre les informations de manière optimale. Nous allons ensuite étudier les particularités inhérentes au langage visuel, qui vont nous aiguiller sur les méthodes à employer pour produire des images significatives. Dans cette partie, nous essayerons également de savoir comment créer une image non influencée par une culture, et dont l'utilisation serait donc universelle. Mais nous verrons par la suite qu'un tel langage est impossible à réaliser : le langage universel est irréalisable, qu'il soit visuel ou non.

Une fois cernés les enjeux et les techniques de production d'une image, nous allons essayer de déterminer de quelle manière visualiser les informations. Dans un premier temps, nous nous confronterons à des exemples de visualisations, puis nous élaborerons les modalités à suivre pour élaborer un système visuel efficace. Enfin, nous déterminerons les contextes d'application d'un tel système.

I La donnée et l'information

Depuis l'essor d'internet nous assistons à un profond changement dans le mode de production et de transmission des connaissances. Tout paraît plus rapide, accessible. Acquérir une information aujourd'hui prend le temps qui est nécessaire pour accéder à internet.

Si le résultat le plus éclatant d'un tel changement est la démocratisation des informations et de la connaissance, voir pour certain le début d'un

changement de conscience3, nous ne devons pas omettre les aspects négatifs qui peuvent surgirent d'une telle abondance d'informations.

Si nous ne maîtrisons pas le flot d'informations et de données que nous recevons, nous risquons tout simplement la noyade. Aujourd'hui, la masse d'informations circulant sur internet est estimée à plus d'1,8 zettaoctets (1021 octets)4, et ce chiffre est en croissance exponentielle.

Pour comprendre les enjeux et les risques de cette surabondance, essayons dans un premier temps de comprendre les mécanismes relatifs aux données et aux informations circulant sur internet.

I - 1 Les mécanismes de l'information

Commençons par distinguer clairement donnée et information pour mettre un terme à la confusion qui existe entre les deux termes.

Définitions

S'il est important de faire le distinguo entre la donnée et l'information c'est essentiellement parce que ces deux éléments de la communication sont très liés, sans être pour autant synonymes.

La donnée est la représentation - la plupart du temps en valeur numérique - de quantités, d'objets, de faits, de transactions, ou encore d'évènements. Elle symbolise une ou des entités. C'est la description la plus basique et élémentaire d'un objet en vue d'une interprétation, elle n'a donc aucune valeur tant qu'elle n'est pas contextualisée et interprétée.

L'information est une donnée avec un sens associé, elle est donc la donnée interprétée. Autrement dit c'est seulement une fois que la donnée est interprétée, organisée, structurée qu'elle se transforme en information et peut être porteuse d'un message. La donnée est pour ainsi dire le lien entre l'objet et l'information.

Prenons un exemple concret : le chiffre 7 en soi ne signifie pas grand chose, c'est seulement croisé avec d'autres données qu'il deviendra une information : 7 jours, 7 personnes, 7 accidents...

Le mot information paraît clair pour la plupart, pourtant en théorie de l'information il a un sens très précis. C'est ce qui est neuf, inattendu. Une réponse attendue à une question posée n'a pas valeur d'information. Par

3 Gérard Ayache dans son livre Homo sapiens 2.0, introduction à une histoire naturelle de l'hyperinformation, évoque ce changement de paradigme en ces termes : « L'émergence, (...) de la notion d'information comme structure fondamentale de l'univers, de la nature et de la vie ouvre des potentiels considérables dans notre appréciation de la vie, de la conscience et du développement humain dans son environnement naturel. »

4 Pronostique réalisé par le cabinet d'analyse IDC en 2008, cf. article de Lucas Maerian, Digital universe and its impact bigger than we thought, où sont explicités les critères et techniques employées pour accéder à ce pronostique, et sont décryptées les conséquences sur nos habitudes internet.

exemple, si je demande le résultat d'un jet de dé à six faces et que la réponse donnée est « entre un et six », l'information est nulle puisque le résultat n'aurait pu être différent.

Dés lors, l'information peut être mesurée : elle est plus importante lorsque le nombre de questions nécessaires pour dissiper tout ambigüité sur un évènement est élevé. Précisons qu'il s'agit là de questions de type binaire, c'est à dire ne laissant la possibilité qu'à deux états (oui/non, vrai/faux, 0/1). La mesure de l'information se fait donc en bit (binary digit).5

Il faut encore définir la connaissance, qui est un ensemble d'informations sur un objet donné pouvant être expérimentées, et le savoir, qui lui, désigne l'ensemble des connaissances acquises par un individu.

En somme, l'information est primordiale dans le processus d'acquisition des connaissances.

Illustration 1: schéma représentant la hiérarchie de la compréhension de Davil McCandless

5 Cf. Jean-Marie Klinkenberg, Précis de sémiotique générale, qui parle de l'information dans la communication dans le chapitre 2.

Comment reçoit-on l'information?

Comme on l'a vu précédemment, notre rapport à l'information a changé, nous sommes submergés par sa masse. Mais d'où provient cette surabondance d'informations, comment la reçoit t'on et surtout sous quelle forme se présente t'elle?

Contrairement à ce que la plupart des gens pensent, l'information est partout. Elle peut provenir d'une publicité, du téléphone, d'un mail, d'une carte, ou même d'une simple réponse sur un forum. Elle peut se présenter aussi bien sous forme de texte, de vidéo que de son.

Les Etats-Unis par exemple ont consommé (tous médias confondus) à peu près 3,6 milliards de teraoctets d'information en 2008, soit presque 12 heures d'information par jour et par personne (contre 7,4 heures en 1980). Autant dire que dés que nous sommes éveillés, nous sommes soumis à un flot d'information continu.6

Mais concentrons-nous ici sur les supports numériques.

Que ce soit de la page commerciale au site journalistique, tous les sites internet sont vecteurs d'information. Une page regroupe d'ailleurs plusieurs informations diverses auquel nous accédons simultanément, fait quasiment restreint aux usages numériques.

Sur internet, nous pouvons recevoir l'information volontairement, suite à une recherche, ou involontairement, il s'agit des informations qui nous sont transmises sans qu'on les ai attendues7.

Par exemple, une recherche effectuée sur Google nous donnera plusieurs informations, celles qui sont susceptibles de répondre à nos questions, celles qui répondent à nos questions mais sous une forme que nous ne voulons pas avoir (une réponse trouvée sur un forum n'aura pas forcément la même valeur informationnelle que celle trouvée sur un site spécialisé), celles qui ne répondent pas du tout aux questions, et enfin les « liens commerciaux » et suggestions.

Autre exemple, sur une page Facebook lambda, nous allons trouver plusieurs types d'informations. Les publicités, les informations provenant de nos amis, les informations provenant des applications, les données concernant notre propre profil, les suggestions, les évènements, les invitations...

Mais notre cerveau est-il capable de traiter autant d'informations en même temps?

Comment l'information est-elle produite?

La multiplicité des informations diffusées sur internet et due à la nature

6 Voir l'article D'Hubert Guillaud, Combien d'informations consommons nous? publié sur le site d'Internet actu, où l'auteur met à disposition les détails de l'étude de Roger Bohn sur la consommation des informations en 2009 aux Etats-Unis.

7 Ce principe est autrement appelé principe de sérendipité.

du média : produire des informations n'a jamais été aussi simple qu'à l'heure du numérique. Non seulement internet offre l'instantanéité, la mobilité, mais il permet surtout de faire disparaître les processus qui étaient inhérents à l'écriture sur papier.

Les nouveaux outils numériques réduisent le délai entre la production et la diffusion des informations. Poster un billet de blog aujourd'hui prend le temps qu'il est nécessaire de taper son texte et d'appuyer sur le bouton « envoyer ». Avant, l'acte d'écriture avait quelque chose d'irréversible. Se tromper en écrivant sur du papier ou en tapant à l'aide d'une machine à écrire avait pour conséquence de déchirer le papier et de recommencer à écrire depuis le début. L'ordinateur permet l'erreur tout en offrant le pouvoir de défaire, autrement dit de corriger les erreurs, d'ajouter du contenu, autant de possibilité qui rendent l'écriture plus abordable.

Internet offre aussi la possibilité à tous de publier, là où le support papier nécessite de trouver un éditeur, un journal acceptant de publier l'information.

La production et la diffusion est devenue rapide et surtout accessible à tous et à tout type d'information, de la plus riche à la plus vide en passant par la plus controversée. Cela signifie aussi que nous sommes tous potentiellement des producteurs d'information.

I - 2 Les modalités de l'information aujourd'hui La forme de l'information

Pour mieux comprendre ce qui motive un internaute à accéder à une information, nous devons commencer par comprendre sous quelle forme il veut recevoir cette information.

Pour la plupart des utilisateurs d'internet, l'écrit serait le meilleur moyen de communiquer des informations. Un sondage réalisé par l'agence Webcopyplus8 en 2008 avance même que plus de 63% des utilisateurs Internet considèrent l'écrit comme le meilleur moyen de communiquer sur le Web. Mais l'internaute consulte-t-il véritablement les contenus écrits?

Apparemment oui. Du moins dans certains cas. Si les internautes lisent effectivement, il s'agit surtout de textes cours. Quand aux textes plus longs, ils sont sujets à une lecture légère, en priorité des titres et des mots-clef, les lectures plus profondes sont rares et réservées aux utilisateurs cherchant véritablement une information. Mais les textes longs sont souvent soit laissés de côté soit survolés, les supports numériques n'offrant pas encore un confort visuel nécessaire à la lecture prolongée.

Pour ce qui est d'une information complexe ou longue, l'utilisation d'autres médias que le texte est donc très souvent favorisée.

8 Pour plus d'information, le site de Webcopyplus, où les résultats de leurs études sont régulièrement mis en ligne : http://www.webcopyplus.com/

En terme de plateforme, les médias sociaux sont aujourd'hui largement privilégiés pour la communication et donc le partage d'informations. Non seulement ils permettent le dialogue direct entre utilisateurs, mais surtout une transmission et une production des informations communautaires, autrement dit collaboratives. Sur les médias sociaux, tout le monde est à la fois diffuseur et cible potentielle d'un message.

L'utilisateur peut y recevoir son information directement depuis les autres utilisateurs sans avoir à effectuer des recherches interminables au préalable. Ce système, qui se rapproche de la discussion traditionnelle par son instantanéité et par le type de langage employé n'est cependant pas toujours le moyen le plus pertinent pour avoir une information. La plupart des réponses sont erronées ou ont bien peu de valeur. Mais le principal intérêt des médias sociaux n'est pas tant de communiquer une information que de discuter autour pour en obtenir divers points de vue.

Antony Mayfield9 qualifie les réseaux sociaux selon cinq points :

· La participation: les internautes discutent entre eux et partagent leurs avis, supprimant ainsi la barrière entre le public et les médias.

· L'ouverture: le principe des médias sociaux est basé sur l'échange. Tout le monde peut participer et échanger des informations.

· La conversation: contrairement aux médias traditionnels, les médias sociaux ne font pas que transmettre un message, ils encouragent la discussion autour du message.

· La communauté: rassemble des groupes de personnes ayant les mêmes centres d'intérêt

· L'interconnexion: les réseaux sociaux récupèrent des informations provenant d'autres sites, et renvoient l'information ailleurs. L'information se propage.

D'autre part, on peut distinguer plusieurs types de médias sociaux par où transite l'information: Les réseaux sociaux qui permettent à l'utilisateur de se connecter à son réseau de connaissances pour partager des informations ou du contenu.

Les forums sont des véritables zones de discussion en ligne, souvent centrées autour d'un thème spécifique. Ce sont des outils puissants et populaires pour les communautés en ligne.

Les blogs, qui sont moins axés sur la discussion, permettent à l'utilisateur d'ajouter et d'éditer du contenu et des informations sur luimême et son ou ses domaines d'intérêt pour ensuite le diffuser aux autres utilisateurs. Les blogs sont souvent écrits par des spécialistes ou des passionnés d'un domaine en particulier. Ils ont donc par définition un plus fort potentiel informationnel que les réseaux sociaux ou les forums. Certains blogs d'ergonomie et de design rencontrent par exemple beaucoup de succès

9Antony Mayfield met à disposition ses recherches sur les médias sociaux dans son e-book intitulé What is social media

http://www.icrossing.co.uk/fileadmin/uploads/eBooks/What_is_Social_Media_iCrossing_ebook.pdf

dans les milieux professionnels auxquels ils sont associés. Certaines entreprises possèdent même leurs propres blogs afin de créer une communauté autour de leur marque.

Les microblogs sont des blogs de format court. Le but des microblogs, comme Twitter par exemple, est plus de récupérer une information pour la diffuser à ses contacts ou au public. L'utilisateur propage l'information.

Enfin10, le Wiki permet aux gens d'éditer et d'ajouter du contenu ou de l'information sur un document commun ou une base de donnée. L'exemple le plus connu de wiki est Wikipédia.

Wikipedia est une encyclopédie collaborative. Autrement dit, son contenu est entièrement produit par les utilisateurs. Cette propriété a souvent été décriée par les spécialistes de l'information à cause du fort nombre d'erreurs trouvées sur les articles. En plus des informations erronées propagées, on voit également apparaître des actes de vandalisme. Les actes de vandalisme se traduisent par des informations volontairement erronées, dans le but d'induire les utilisateurs en erreur, des spams, ou encore des messages personnels laissés sur des articles.

Malgré tout, Wikipedia reste une des premières sources d'information sur internet, utilisée par les étudiants, et même comme base de référence par certains enseignants.

Michel Serres déclarera lui-même «Je suis un enthousiaste de Wikipedia. On reproche à Wikipedia de ne pas produire de l'info, mais les professeurs non plus n'en produisent pas. Wikipedia est un transmetteur de savoir. Un passeur. Comme les professeurs, comme les journalistes... Bien-sûr il y a des erreurs, mais pas plus que dans l'encyclopédie Britanica. Le nombre d'erreurs contenues dans les livres de la bibliothèque nationale de France est gigantesque. Qui vérifie le contenu de ces ouvrages? Qui corrige les erreurs? Sur Wikipedia, la vérité est rétablie par des bénévoles anonymes et libres. Dans les journaux, les erreurs se recyclent d'article en article.»11

Et l'avis de Michel Serres semble être plutôt répandu sur internet. Les internautes ne veulent plus se fier qu'aux experts, ils veulent avoir plusieurs avis, ils veulent avoir le contrôle sur ce qu'ils lisent, pouvoir en évaluer la véracité. La connaissance ne provient plus que des enseignants ou des élites, elle est partagée entre les utilisateurs. Nous passons d'un système de transmission des connaissances vertical à un système transversal et complexe.

Pour résumer l'information aujourd'hui se traduit par:


· Un système de transmission transversal et complexe.

10Il existe deux autres catégories de médias sociaux, le podcast et les communautés de partage de contenu (comme Flickr, Delicious, Deezer), que je n'ai pas mentionné car ils concernent davantage l'échange de contenu que d'information.

11 Extrait d'un texte de Michel Serres, de l'académie française, publié par le Point du 21 juin 2007


· L'instantanéité et la facilité de création et d'édition.

· Une abondance croissante due au grand nombre d'émetteurs.

· Une variété dans la qualité des informations.

Une crise de confiance

En réalité, il s'agit là d'une véritable crise de confiance. Maintenant que l'internaute a accès librement à un large panel de connaissances plus seulement réservées aux élites, spécialistes ou journaliste, il remet facilement l'information en doute. Dés lors, les informations sont vérifiables, et les erreurs divulguées dans les journaux ne passent plus inaperçues.

Un utilisateur de blog ira même jusqu'à dire « Pour ma part, je n'achète plus le moindre journal tout simplement parce que je n'ai plus aucune confiance en lui. C'est la même chose pour la télévision, mais je ne dis pas qu'ils sont inutiles. On oublie les nouveaux comportements qu'engendre le Web est que le consommateur ne consomme que ce dont il a besoin. La télévision, la radio, la presse écrite ne sont devenus que des blogs, des sites parmi les millions d'autres, et le lecteur n'utilisera que le strict nécessaire. Ce n'est pas en bloquant quelques titres prestigieux qu'on va décourager le lecteur, car il sait pertinemment qu'il y aura toujours quelqu'un pour lui donner l'info gratuitement»12.

Mais la crise de confiance que traverse l'information ne se traduit pas seulement par de la méfiance et du scepticisme. Le scandale engendré par Wikikeals en est un symbole.

Wikileaks est un site mettant à disposition des documents, des analyses gouvernementales et sociétales. Mais le but avoué du site est aussi de divulguer les fuites d'information. Cette démarche a pour but d'apporter de la transparence journalistique et gouvernementale là ou le secret existe. De cette manière, plusieurs affaires ont été portées publiques, la plus connue à ce jour reste l'affaire Irak War Logs13. Si ce n'est pas la première fois qu'un scandale gouvernemental est révélé au grand jour, c'est en tout cas la première fois qu'un site dédié à l'information fait tellement de bruit parmi le public et les gouvernements.

Pour Olivier Cimelière, cela s'explique par un phénomène en pleine croissance, la défiance sociale : « Si l'onde de choc de WikiLeaks n'en finit pas aujourd'hui de se propager, c'est avant tout parce qu'elle intervient dans un contexte sociétal encore plus délétère qu'auparavant où la récusation des élites et les méfiances envers les pouvoirs sont devenus le métronome

12Extrait du billet Une étude montrant l'étendue de la crise du journalisme paru dans le blog Maniac Geek en 2010

13Le 23 octobre 2010, WikiLeaks a mis en ligne 391 832 documents secrets sur l'Irak, portant sur une période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2009, et révélant, notamment, que la guerre avait fait environ 110 000 morts pour cette période, dont 66 000 civils, et indiquant que les troupes américaines auraient livré plusieurs milliers d'Irakiens à des centres de détention pratiquant la torture.

presque systématique d'une frange importante de la société civile. »14

L'internaute doute, il estime qu'on lui doit l'information, et fait de moins en moins confiance à l'état ou aux experts, qui, sous couvert de leur statut, peuvent faire croire tout et n'importe quoi au public lambda. Il a besoin de voir s'exprimer une plus grande part de la population, d'avoir des avis divers, de prendre connaissance des affaires qui l'intéressent par le biais de multiples points de vue, et donc de multiples intervenants. Il ne se contente plus de l'avis du spécialiste, il désire des informations plus brutes et moins synthétisées, venant des témoins, passionnés d'actualité, journalistes amateurs et autres figures d'habitude mises en retrait par le journalisme plus traditionnel.

Ce phénomène se cristallise justement par le succès des modèles comme Wikipedia, les modèles dits de crowdsourcing.

Le crowdsourcing, littéralement traduit «approvisionnement par la foule, ou par un grand nombre de personnes» est un travail effectué collectivement, approvisionné par plusieurs personnes, majoritairement par le grand public. Ce système est représentatif des nouveaux modes de distribution de l'information, puisqu'il permet à chacun de devenir producteur de contenu. Si wikipédia et son encyclopédie collaborative en est l'exemple le plus connu, le modèle se répand. Jeff Howe15 nous explique que maintenant, les chaînes de télévision américaines cherchent de plus en plus à diffuser les programmes basés sur des productions vidéos d'amateurs.

Ce qui fait le succès du crowdsourcing, c'est dans un premier temps le faible cout de la formule, mais aussi le fait de tirer des ressources d'un nombre important de gens, ce qui permet de récupérer et d'analyser une plus large gamme de connaissances et d'expériences, autrement dit, il s'agit de tirer partie de l'intelligence collective.

En journalisme, le crowdsourcing est aussi utilisé pour collecter des informations: les sites comme ushahidi16 proposent ainsi à n'importe quel utilisateur de rapporter son information, de recenser des évènements. Ainsi, sur cette plateforme, suite à la catastrophe d'Haiti, plus de 3 500 évènements auraient étés recensés.

Mais si ce modèle est populaire, c'est aussi parce qu'il permet à tout le monde d'avoir le droit d'expression. Le site ipaidabribe17 - littéralement je paie un pot de vin - propose de lutter contre la corruption en Inde en invitant ses utilisateurs à dénoncer ces actes. Jusqu'ici, 3011 rapports on été enregistrés sur le site. Autrement dit, le crowdsourcing permet dans certains cas de lutter contre la censure et le travestissement des informations. Il contribue aussi à éviter le contrôle des médias et des images.

L'internaute participe donc. Mais un internaute engagé ne fait pas que

14 Extrait de l'article d'Olivier Cimelière, Wikileaks : que penser après la colère et la fureur médiatique?

15 Jeff Howe nous explique la montée et les enjeux du crowdsourcing dans un article paru sur le site de WIRED, The Rise of Crowdsourcing, paru en 2006.

16 Voir le site http://www.ushahidi.com/

17 Voir le site http://ipaidabribe.com/

participer, il veux aussi accéder aux sources de l'information, il veut analyser lui-même et tirer ses propres conclusion.

La libération des données

Dans quelles mesures avoir toute l'information? Tous les points de vue, même ceux semblant les plus insignifiants? Comment être sur que les informations que l'on nous donnes sont complètes et fiables? En accédant à la source de l'information : la donnée.

Aujourd'hui, ce que veut l'internaute, c'est avoir accès aux données brutes, qui auparavant étaient réservées aux spécialistes. Cette tendance de « l'open data », littéralement la donnée ouverte est justement née de la perte de confiance de l'internaute face aux médias détenteurs de l'information, élites et gouvernements.

En 2006, le Gardian'technology, dans un article intitulé Give us back our crown jewels, appelle les gouvernements à rendre leurs données publiques18. Selon le journal, les études réalisées pour collecter ces données doivent appartenir au public puisqu'elles sont entre autre financées par les taxes. Contre-coup de cet appel : certains gouvernements ont finalement rendu leurs données accessibles. Les Etats-Unis mettent en place un site sur lequel ils rendent certaines de leurs données accessibles, DataGov, encourageant les autres gouvernements à faire de même. Finalement, ouvrir les données d'un pays s'avère augmenter - ou restaurer - la confiance des gens en celui-ci. Après avoir essuyé des scandales sur la gestion de sa trésorerie par exemple, le Royaume-Uni décide de rendre accessible la base de données de sa trésorerie, Coins19.

Les gouvernements aujourd'hui ont une pression qui les incite à publier leur données brutes. Ce qui était encore confidentiel il y a quelques années est maintenant à la portée du grand public. Pour Simon Rogers, journaliste au Guardian, « ce qu'il faut comprendre c'est que les gouvernants n'ont rien à perdre. Aux USA, au Royaume Uni, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, le monde ne s'est pas écroulé parce que les données gouvernementales ont été rendues publiques ! Cela a tout simplement rendu les choses plus ouvertes et plus transparentes à une époque où on ne fait plus confiance aux politiciens, on ne fait plus confiance à la politique. Vous voulez qu'on vous fasse confiance ? Il faut être ouvert. Rendre ses données publiques c'est essentiel pour cela, il faut le faire dans un format pratique pour encourager les gens à s'investir. »20

Les données publiques se qualifient selon 4 critères : ce sont des données collectées par des organismes publics, non-nominatives, c'est à dire

18 Pour soutenir cette demande, un site est mis à disposition des internautes : freeyourdata.org, actuellement toujours disponible.

19 Coins est actuellement disponible sur le site Data.gov, site sur lequel le gouvernement américain met à disposition ses propres bases des données ainsi que celles provenant d'autres pays.

20 Extrait de l'entretient avec Simon Rogers publié sur l'Atelier des Médias par Ziad Maalouf le 12 Novembre 2010.

qu'elles n'appartiennent pas à un individu en particulier, et elles ne relèvent ni de la vie privée, ni de la sécurité. Autant dire que par leur nature intrinsèque, ces données sont faites pour être partagées. Mais si certains gouvernements pratiquent la libération des données, ceux-ci restent malgré tout minoritaires. En août 2010, seul 7 pays se sont engagés à rendre leur données publiques en mettant en place des plateformes locales, régionales et nationales.

Illustration 2:

Car il ne faut pas confondre données publiques et données ouvertes. Les données ouvertes ne concernent pas forcément des documents publiques, en revanche, ce sont des données partagées et libérées, c'est à dire autorisées à la modification et la manipulation.

Pour comprendre exactement ce qui caractérise une donnée ouverte et les attributs qu'elles doivent prendre, le groupe de travail « open Government Data »21 définira en 2007 les huit principes d'accessibilité aux données :

· Elles doivent être complètes, exception faite de celles relevant de la sécurité ou de la vie privée.

· Primaires, c'est à dire relevées à la source. Elles ne doivent par conséquent pas être synthétisées, interprétées, agrées, ou modifiées. Ce sont des données brutes, sous leur forme la plus rudimentaire.

· Opportunes, c'est à dire publiées au moment où elles sont pertinentes et actuelles, où elles ont de la valeur.

21 Voir le site : opengovdata.org


· Accessibles à tous.

· Exploitables par ordinateur ou lisibles par des machines (sous une forme permettant le traitement automatisé). Les formats de fichiers préconisés en ce sens sont le .csv et le .xls.

· Non discriminatoires.

· Non propriétaires.

· Libres de droit.

En prenant en compte ces propriétés, le W3C déterminera en 2009 les principaux avantages de la donnée ouverte : transparence, participation, collaboration, inclusion, interopérabilité, innovations, efficience, économies.22

Par ses fonctionnalités, la données ouverte rassure les utilisateurs et inspire confiance. Non seulement il s'agit d'avoir accès aux sources de l'information qui étaient auparavant tenues secrètes ou en tout cas inaccessible au grand public, mais c'est aussi son caractère non traité qui enthousiasme le plus les gens. Rappelons que la donnée n'est ni synthétisée, ni interprétée.23 Pour le public, cela signifie donc que la donnée est objective, transparente. Aucun risque de corruption, de travestissement des informations, ni d'erreur journalistique.

En ayant accès à la donnée brute, l'utilisateur peut accéder à toutes les parts et donc à n'importe quelle part de l'information. Cela signifie qu'il peut connaître des données qui l'intéressent personnellement ou qui auraient pu paraître inintéressantes aux yeux du journaliste, les chiffres les plus précis, dans leurs détails. Autrement dit, il est en relation directe avec la donnée, sans intermédiaire.

L'autre avantage de la donnée ouverte est de pouvoir faire participer le grand public en mettant en place des applications collaboratives et évoluant en temps réel.

La libération des données s'étend maintenant à d'autres domaines que la politique, ces domaines d'application sont divers et variés. Il peut s'agir de statistiques sur des usages domestiques, d'évènements météorologiques, de rapports scientifiques.

Dans son dossier sur la réutilisation des informations publiques au service de l'innovation et de la proximité sorti en 2010, la FING propose une liste de données partageables avec les citoyens concernant la ville24 :

· La description du territoire
· L'occupation des ressources et

(cartes, cadastre...) des capacités (voirie, bâtiments,

 

22 Voir le rapport du W3C sur les enjeux de la donnée ouverte : http://www.w3.org/TR/govdata/

23 Se reporter à la définition de la donnée vue précédemment p. 3

24 La réutilisation des informations publiques au service de l'innovation et de la proximité : une démarche à destination des territoires publié en février 2010 est disponible sur le réseau social de la FING. Voir reseaufing.org


· Des fonds documentaires (études, réglementation, statistiques...)

· Les données de la décision publique (projets, enquêtes, délibérations, subventions...)

· Le fonctionnement des réseaux urbains (eau, énergie, transports, logistique, télécoms...)

· La localisation et les horaires d'ouverture des services et des commerces

espaces, parkings...)

· Des mesures (environnement, trafic...)

· Des événements (culture, sports...)

· Des informations touristiques, culturelles, des données d'archives

· Les flux urbains (circulation...)

· Des données de surveillance...

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote