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Aspects d'un office du chapitre de Notre-Dame de Paris : les chanceliers de l'université de paris du milieu du XIIe au XVe siècle.

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par Christophe LEON
Université de Reims Champagne Ardenne - Master II Espaces et Civilisation 2003
  

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Université de Reims Champagne Ardenne

Mémoire d'Histoire en vue de l'obtention du Diplôme d'Etude Approfondie Septembre 2003

Christophe LEON

Aspects d'un office du chapitre

de Notre-Dame de Paris :

les chanceliers de l'Université de Paris

du milieu du XIIe au XVe siècle.

Sous la direction de Monsieur Charles VULLIEZ.

(Université de Reims Champagne Ardenne)

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Introduction.

« Depuis quelques décennies, se dégageant d'une conception purement événementielle de l'histoire, les historiens, à la suite de Lucien Febvre et de Marc Bloch, accordent une attention particulière à l'observation du milieu social et des mentalités. On a pris conscience qu'au-delà même de la restitution du passé, l'histoire a pour véritable objet de mieux faire connaître le comportement social de l'homme. L'étude et la connaissance de l'origine familiale et sociale des individus, de leur formation intellectuelle, de leur carrière, ont permis, en effet, de rejeter bien des idées reçues et de mieux saisir, à un moment donné de l'histoire, la place et le rôle exacts occupés par ces hommes dans la société de leur temps. Tel est le cas, notamment, des études qui ont été consacrées pour le Moyen Âge, à l'examen de différents groupes sociaux : parlementaires, avocats, universitaires ». Un peu plus de quinze ans après l'ouvrage de Robert Gane1, il est possible de reprendre à notre compte son constat tout en reconnaissant que les groupes sociaux universitaires ont, pour leur part, été assez largement traités2. Cependant, les groupes ecclésiastiques sont toujours peu étudiés pour eux-mêmes, et, bien souvent, dans leur rapport à l'autre ou à une partie de la société médiévale. La tentative de Robert Gane, du fait de l'étendue du groupe social, est restreinte au seul XIVe siècle ; ce qui est déjà remarquable. Nous proposons une démarche qui consiste à étendre le champ chronologique tout en resserrant l'étude à un groupe canonial, celui des chanceliers. Celui-ci se limite à une quarantaine de chanceliers qui se sont succédés au sein du groupe canonial de Notre-Dame en charge de l'Université de Paris. Mais, ce groupe couvre trois siècles, du XIIe au XVe siècle.

C'est au tournant des XIe - XIIe siècles que les structures scolaires de l'Occident se modifient sous l'effet de l'essor urbain et du renouveau moral et spirituel de l'Eglise. A côté des écoles cathédrales qui prennent de l'ampleur et se multiplient, les écoles collégiales apparaissent qui acquièrent pour certaines une grande réputation, telle celle de Saint-Victor à Paris. Enfin, à côté de ces écoles ecclésiastiques apparaissent des écoles particulières, ouvertes par des maîtres, laïcs ou clercs, qui enseignent aux adolescents qu'on leur confie

1 GANE, Robert, Le chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe, Etude sociale d'un groupe canonial, Paris, 1985, [15], Introduction.

2 Notamment grâce aux travaux récents de Jacques Verger, dont l'Histoire des Universités en France, Bibliothèque Historique [41], et Le chancelier et l'université à Paris à la fin du XIIIe siècle, in Les universités françaises au Moyen Âge, [44].

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moyennant finances, et attirent parfois des étudiants nombreux en raison de leur réputation. Les écoles cathédrales et canoniales relevaient de l'Eglise. Maîtres et étudiants étaient généralement des clercs. L'évêque ou l'abbé qui dirigeait, mais pas toujours, les chanoines instituait, parmi eux un écolâtre - appelé scolasticus ou cancellarius, chancelier, à Chartres ou Paris, magister scolarum à Orléans, ou encore caput scolae dans le Midi. Celui-ci contrôlait l'activité scolaire, enseignait souvent, mais peut être pas toujours, et se faisait aider dans les plus importantes écoles par des maîtres libres. Les succès des écoles et l'importante circulation des maîtres posèrent très vite la question de leur recrutement et de son contrôle. A partir des années 1160, une licence d'enseigner, « licentia docendi » fut instituée. Un maître désirant enseigner devait se faire agréer par l'évêque du lieu ou son représentant, l'écolâtre ou le chancelier. Ce système fut généralisé par le Concile de Latran III, sans concerner, dans un premier temps, ni la médecine ni le droit, dont l'Eglise ne pouvait contrôler l'enseignement. Rappelant la nécessité pour chaque chapitre cathédral de tenir une école dispensant un enseignement gratuit, le même concile statua sur la question de la rétribution de l'écolâtre, auquel on devait attribuer une prébende. Pourtant, durant tout le XIIe siècle, une grande partie des revenus du chancelier provint de sommes versées pour la collation du diplôme par les étudiants et leurs familles, ce qui aboutit parfois à des excès auxquels le Concile de Latran III avait justement tenté de mettre un terme. L'octroi de la licentia docendi déboucha sur un conflit récurrent entre le chancelier de Notre-Dame et l'Université de Paris.

Durant une première période, le conflit s'est localisé dans la juridiction du chancelier de Notre-Dame et concernait les moyens et les circonstances réunis pour la délivrance de la licentia docendi. Durant une seconde période, la dispute s'est centrée sur les modalités de l'examen des candidats avant leur admission dans la société des maîtres ; cette dispute recouvre en fait le problème de la distribution des licences et de leur paiement. Cette seconde période, qui va jusqu'au XIVe siècle, est également marquée par la confrontation entre les deux dignitaires de l'Université, le chancelier et le recteur, à propos de la question pour savoir lequel des d'entre eux était supérieur à l'autre : « qui eorum major est. » Au XVe siècle, la confrontation se termina par une coexistence pacifique. Cependant, à la fin du Moyen Âge, la charge de recteur est fragilisée à cause de l'influence du chancelier, renforcée par un accroissement de leurs connaissances et de leur réputation. Les qualités de direction des chanceliers ont nettement renforcé l'aura de leur charge. Survivant à ces conflits, ils sont

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apparus comme la personnification de la dignité scolastique dans la vie du « Studium Parisiense. »

Ce groupe des chanceliers est généralement étudié pour le problème qu'il pose sur sa compétence à délivrer la licentia docendi, alors que ces lettrés sont, eux-mêmes, issus de l'Université, et, pour la plupart, sont docteurs en droit. Ce problème de compétence a été étudié à travers les conflits qui opposent le chancelier et l'université, dès sa constitution, mais aussi dans l'opposition entre le chancelier et le recteur. Il parait nécessaire de reprendre cette étude tout en envisageant un élargissement de la réflexion aux relations des chanceliers avec l'ensemble de la société médiévale pour tenter d'y mesurer leur place et leur influence.

Pour mener l'étude, un traitement statistique des informations peut être utile. C'est pourquoi notre travail ébauche une base prosopographique pour les chanceliers de l'Université de Paris. Si l'étude des carrières ecclésiastiques et des productions littéraires de quelques chanoines du chapitre de Notre-Dame a donné lieu à de nombreux travaux, notamment sur Pierre le Mangeur, Pierre d'Ailly, ou Jean Gerson3 ; l'établissement d'une base prosopographique sur les chanceliers de l'Eglise Notre-Dame, en raison de l'importance du corpus, ne peut être intégralement réalisé dans un travail de DEA. Il faut envisager l'élaboration complète de cette base dans un travail de thèse en ne négligeant aucun aspect de la vie des chanceliers retenus.

Dans le cadre du DEA, nous exposerons quelles sont les sources à notre disposition pour le corps des chanceliers dans son ensemble, quel cadre prosopographique4 il est possible d'envisager, pour réaliser une étude plus systématique dans le cadre d'une thèse et expliquer le fonctionnement de la charge de chancelier en tentant de répondre à des questions aussi simples que : qui ? comment ? quoi ? pourquoi ? où ? quand ?5 Nous proposerons un extrait de cette base à travers deux études de cas : les carrières de Philippe le Chancelier, chancelier

3 Cf. notamment, pour Pierre d'Ailly, l'étude de Bernard Guénée ; GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge (XIIIe - XVe siècles), [21], Paris, 1987.

4 Les fiches biographiques tirées de l'étude prosopographique tiennent compte des éléments suivants n° de réf., nom vedette (le plus usité) (le latin est accolé au nom vedette), dates fonction de chancelier, dates de naissance et de mort, lieu d'inhumation, rang dans les ordres sacrés (dont offices occupés au chapitre), origine sociale, origine géographique, informations sur la parenté, carrière bénéficiale (nom du diocèse, titre, dates d'attestation dans ce titre), formation, carrière non bénéficiale dont universitaire, références bibliographiques et sources ; cf. chapitre 1.2.

5 Cf. comme guide pour la méthode la collection des fasti ecclesiae gallicanae, t. 3, Diocèse de Reims, ssd. Pierre Desportes, CNRS, 1998, Brépols : Répertoire prosopographique des évêques, des dignitaires et des chanoines des diocèses de France de 1200 à 1500, [10].

5

de juin 1218 au 23 décembre 1236, et de Grimaud Boniface, chancelier du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370. Puis, nous présenterons les cadres institutionnels dans lesquels évoluait le chancelier du fait de sa double appartenance au milieu universitaire et canonial. Enfin, nous donnerons des essais de définitions et nous observerons les évolutions de la fonction de chancelier.

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1. Critique des sources et méthodologie.

1.1. La critique des sources pour l'établissement de la base prosopographique.

La constitution de notices prosopographiques est un exercice difficile non seulement à cause des éléments constitutifs de la base de donnée, mais également à cause de la variété des sources qui peuvent être utilisées pour l'étude. Il s'agit de se demander quels sont les renseignements qui, sur un personnage donné, vont nous permettre de comprendre quelle sorte de chancelier il a été. La base prosopographique doit amener à la constitution d'une sorte de typologie des différents types de chanceliers à travers leurs origines, leurs formations, leurs carrières, leurs relations à l'intérieur du chapitre6, mais aussi à l'extérieur de celui-ci7.

La constitution de la base de donnée repose également sur la pertinence et l'accessibilité des sources retenues, ce qui pose un problème pratique. En effet, l'accessibilité des sources se fait le plus souvent à travers des compilations de lettres éditées à la fin du XIXe siècle ; nous avons, pour le moment, retenu essentiellement la collection des Chartularium Universitatis Parisiensis8. Les sources sont, malheureusement, rarement disponibles directement. Il est matériellement mal aisé de s'y reporter car, pour certaines, leur conservation a été mal assurée au cours du XXe siècle.

La seconde approche des sources provient d'études réalisées sur les chanceliers au cours du XXe, qui se réfèrent elle-même bien souvent au Chartularium Universitatis Parisiensis. Il s'agit notamment d'études réalisées par Astrik L. Gabriel, Robert Gane et Jacques Verger. Leur intérêt pour les chanceliers est motivé dans les relations de ces prélats avec l'université et il n'y a que Robert Gane qui ait établi une base prosopographique, mais pour l'ensemble des offices du chapitre de Notre-Dame. Il serait cependant nécessaire de rendre compte de la vie des chanceliers non seulement à travers leurs relations avec l'Université de Paris, mais aussi avec le reste de l'Eglise et la société du temps, sans oublier

6 i. e. l'Eglise.

7 i. e. la société médiévale dans son ensemble. Le problème de l'Université est que celle-ci propose un cadre transversal à la fois dans l'Eglise et dans la société du temps. Cette position est d'ailleurs source de convoitises pour son contrôle de la part des pouvoirs religieux et temporels, et les chartes garantissant l'autonomie des universités, dont celle de 1205, ont dû être constamment réaffirmées.

8 Denifle, H. -Chatelain, Ae, Chartularium Universitatis Parisiensis, [IV], Paris, 1889 - 1896, t. I et II.

7

de s'intéresser à la formation et à l'origine de ces personnages et sur un temps long, c'est-à-dire au moins du XIIe au XVe siècle9.

« Il est possible d'admettre sans difficulté, j'estime », écrivait Langlois, « que les documents les plus précieux pour l'histoire du Moyen Âge sont les lettres, les lettres envoyées, à la fois les correspondances officielles et privées ». Cette considération peut apparaître quelque peu obsolète à la première lecture, cependant il est difficile dans les faits de penser à l'existence d'un autre type de source qui apporte autant d'éclairage dans une étude biographique et l'établissement d'une base prosopographique. Les remarquables adaptabilité et forme du genre lui permettent de toucher presque tous les aspects de la vie et de ce qui concerne le Moyen Âge. Mais il faut bien se garder d'étendre ce genre de considération en dehors de ce qu'il faut appeler les vraies lettres et non celles fabriquées, notamment au XIIIe siècle, pour servir de modèle au dictamen. L'utilité de ces vraies lettres en tant que source historique réside précisément dans le fait que celles-ci sont les reflets de faits réels et vécus10.

Les documents tirés du Chartularium Universitatis Parisiensis sont des lettres des chanceliers ou adressées aux chanceliers et non des histoires de leurs vies ; mais il ne s'agissait pas pour les auteurs de cette collection de réaliser des notices biographiques11. Ils

9 Dans la perspective d'un travail de thèse, il est possible d'envisager de travailler sur l'ensemble des chanceliers qui se sont succédés à ce poste de Odon jusqu'au moins le XVIe siècle inclus afin de bien saisir l'évolution de la fonction sur le long terme.

10 Si ces lettres fictionnelles constituent néanmoins un corpus intéressant pour l'étude de l'histoire médiévale, ce n'est pas le propos de cette étude.

11 « His collectis (documenta chartularia), facile intelligas Cancellarium Parisiensem tempore interposito multa amisisse : primum in actione in magistros et scholares exercita, ut supra demonstrauimus, deinde in aemulatione nata cum abbate, postea cum Cancellario S. Genouefae, denique emergente Rectoris auctoritate, ut breui exponemus. Nihilominus tamen saeculo XIII Cancellarius Parisiensis, ut nemo alius, in Uniuersitate Parisiensi summum imperium retinuit. Anno 1234 decanus ecclesiae Parisiensis in quadam causa contra Cancellarium Paris, duos iudices « habebat ea ratione suspectos, quod cum Parisienses scolares existerent, ratione iurisdictionis ordinarie, quam obtinet in eisdem, subiecti erant Cancellario memorato ». Magister Artium Iohannes de Garlandia circa medium saeculum de Cancellario Parisiensi sic loquitur : « Parisius studii directas ducit habenas ». Eandem fere locutionem hic notemus quam de scholastico Aurelianensi anno 1301 adhibebat pontifex Bonifatium VIII : « Ad quem studii gubernatio et dispositio (...) pertinet ». Etiam anno 1283 tametsi plurinum Rector Uniuersitatis potestatem suam auxerat, Cancellarius se caput Uniuersitatis esse contendebat, « in quem ipsa potestatem non haberet sicut nec inferior un superiorem. Quanquam procurator Artistarum Iohannes de Malignes contre nisus est et Rectorem caput esse declarauit, summus pontifex, apud quem ea causa pendebat, Cancellario Parisiensi satisfecit, ut patet ex epistolis an. 1284 et 1286. Cancellario Parisiensi hoc saeculo maximas partes in Uniuersitate tributas esse eo quod Cancellarius ecclesiae Parisiensis esset atque in Insula sub eius iuridictione Uniuersitas formata foret, agnoscendum ; nihil mirum quod nomina omnium, inter quos celeberrimi numerantur, ad nos peruenerunt, cum Cancellarii S. Genouefae, quorum institutio posterior fuit, ut occasione tantum data, uix rari in scriptis appareant Seriem Cancellariorum Parisiensium illius temporis, cum uulgo male nota sit, describendi occasionem arripiemus, initium capiendo ab illo qui primus in nostro Chartulario occurit usque ad ultimum. Manca neque errorum expers est nomenclatura apud HEMERAEUM, De Academia Parisiensi, pag. 105 sqq., sicut et une Registro (saec. XVIII) Arch. Nat., LL 189 ; fol. 23. -Terminos a quo et ad quem non semper pro certo definire possumus.

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sont des témoignages directs de l'action de ces hommes à un moment donné, et, par conséquent, ils restent fragmentaires dans une perspective d'ensemble d'une carrière.

Le Chartularium Universitatis Parisiensis est constitué de quatre volumes classant chronologiquement des documents épistolaires ayant pour objet l'Université de Paris et ses membres, parmi lesquels les chanceliers du chapitre de Notre-Dame, depuis l'année 1163 jusqu'au XVIe siècle.

Cette compilation repose elle-même sur le travail d'un érudit du XVIIe siècle, César Egaste sieur Du Boulay, qui a rédigé une Historia Universitatis Parisiensis, en six volumes, entre 1665 et 1673 ; il s'appuyait lui-même essentiellement sur les archives de l'Université de Paris. Le Chartularium Universitatis Parisiensis propose de reprendre ce travail et d'en corriger les erreurs. Les corrections ou les compléments d'informations s'appuient sur les archives de l'Université de Paris proprement dite, sur celles des collèges voisins de l'Université, comme Sainte-Geneviève, sur celles du Vatican, sur celles de différentes institutions religieuses de plusieurs régions françaises, soit qu'elles confirment ou qu'elles infirment les renseignements donnés. Ces archives régionales sont notamment conservées par les services départementaux de la Côte d'Or, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône, du Loiret. Ils s'appuient également sur les chartes de l'Eglise de Paris, notamment celles de Notre-Dame de Paris, telles qu'elles ont été éditées par Guérard, en quatre volumes, en 1850. Ainsi, l'observation de l'origine des différentes archives propose une idée assez précise de l'influence de l'Université de Paris et des enjeux qu'elle représentait, tant dans la capitale du royaume qu'au niveau du royaume lui-même et de la chrétienté occidentale, puisque l'Europe ne connaissait d'autre principe d'unité que la foi qui l'animait et que la pensée se manifestait tout entière sur le plan chrétien. Outre l'origine, la nature des différentes lettres proposées dans le Chartularium Universitatis Parisiensis doit permettre, en classant les différents types d'auteurs et de destinataires de celles-ci, d'appréhender spatialement l'importance de l'Université de Paris, en distinguant les privilèges, qu'ils soient royaux ou pontificaux, des

Odo fuit saltem anno 1164 usque ad annum fere 1168. Petrus Comestor, 1168 usque ad annum fere 1180. Hiduinus, 1180 ... 1193 (?). Petrus Pictauensis, circa 1193 usque 1205. Bernadus Chabert, 1205. Prepositinus, 1206 usque ad an. Fere 1209. Iohannes de Candelis, 1209 usque 1214 uel 1215. Stephanus Remensis, 1214 uel 1215-1218. Philippus de Grèue, 1218-1236. Guiardus, 1237-1238. Odo de Castri Radulphi, 1238-1244. Petrus Paruus, 1244 usque ad an. Fere 1263. Galterus, 1246-1249. Heimericus de Ueire, 1249 usque ad an. Fere 1263.

Stephanus Tempier. Nicolaus, 1268-1271. Iohannes Aurelianensis, 1271-1280. Philippus de Thoriaco, 12801284. Nicolaus de Nonancuria, 1284 ssq. Cancellariorum S. Genouefae duorum tantum nomina inuenire potuimus ».

Denifle, H. -Chatelain, Ae, Chartularium Universitatis Parisiensis, [IV], Paris 1889 - 1896, t. I, p. XIX - XX.

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simples suppliques, des bulles, des recommandations, tout en recentrant constamment l'étude autour du chancelier. Mais ce travail, long et laborieux, n'est pas envisageable dans le cadre d'un DEA, et il paraît plus raisonnable de l'intégrer à un travail de thèse. Il est en effet indispensable de prévoir, dans la base prosopographique des chanceliers, l'établissement d'une base de données détaillée dévolue aux seules sources, en commençant par le Chartularium Universitatis Parisiensis, ce que nous ne faisons pas ici. L'établissement d'une typologie des lettres par leurs auteurs, leurs destinataires et leur origine géographique doit permettre, en les croisant avec d'autres sources, de s'assurer de l'authenticité de chacun des documents. Il faudra ensuite se référer directement à la source originale, si elle est encore disponible, pour contrôler le contenu de chacun des documents. Outre les lettres et des collections comme celle du Chartularium Universitatis Parisiensis, nous disposons également des autres productions littéraires des chanceliers comme les sermons et qui, pour certains comme Jean Gerson, ont été édités. Pour ce type de document également, il paraît souhaitable d'avoir la même démarche euristique que pour les lettres. Mais nous ne saurions nous contenter que de ces types de documents et nous devrons rechercher tous ceux ayant un rapport avec la figure du chancelier.

Néanmoins, les différentes catégories retenues pour constituer la base prosopographique doivent, dans un premier temps, s'appuyer sur ce qu'il y a d'immédiatement disponibles, les études, ou, comme nous l'avons dit, plus difficiles à atteindre, les sources elles-mêmes. Ceci permet de constater une carence de renseignements que seuls un recensement et sa publication de l'ensemble des sources pourraient palier, par la suite, puisque, en effet, le Chartularium Universitatis Parisiensis n'est pas, non plus, comme les ouvrages du même type qui l'ont précédé, exempt d'erreur d'identification des documents sur lesquels il s'appuie. Nous ne pouvons ignorer aucune source même si elles n'ont pas nécessairement un rapport direct avec notre sujet, comme pour les sermons. Mais, si nous ne voulons pas nous fourvoyer dans leur exploitation, nous devons connaître et rappeler les caractères spécifiques de chaque genre et ainsi établir une typologie perfectible, sur un même modèle pour chaque source, afin de croiser les informations, comme nous l'avons indiqué ci avant. Celle-ci doit exposer la nature propre de chaque genre de sources et arrêter les règles spéciales de critiques valables pour chacune. Cette typologie est alors intégrée à la base prosopographique complète. En étudiant, notamment, la carrière et la filiation de personnages, elle peut permettre d'approcher la vie de ceux-ci, et ici des prélats, dans tous les domaines,

10

également social, afin de tenter de mieux cerner leur personnalité en tant que chancelier. Il ne s'agit donc pas, comme c'est le cas ici, d'en rester à une simple description d'une personne, au sens étymologique, mais il doit nous permettre de tenter de dresser pour chaque chancelier un profil psychologique.

Dans l'approche des chanceliers du chapitre de Notre-Dame, il est également nécessaire d'envisager l'étude de ces personnages à travers les cadres dans lesquels ils évoluent, c'est-à-dire le chapitre et l'Université. Ces deux institutions sont le sujet de nombreuses études mais sont aussi à l'origine de la constitution de collections de documents comme les lettres du Chartularium Universitatis Parisiensis, évoquée plus haut, ou les registres capitulaires de la collection Sarasin12. Celle-ci est constituée d'une centaine de volumes et est aujourd'hui conservée aux Archives nationales sous les cotes LL. 253 à 354 et LL. 80 à 82. Cependant, certains volumes sont en mauvais état et leur communication au public est très limitée13. La première série, qui a retenu notre attention, est constituée de quatre-vingt-huit volumes14. Outre des volumes portant le titre de Varia, se rapportant aux objets divers dont le chapitre a eu à s'occuper accidentellement, elle comporte des volumes qui s'intercalent alphabétiquement et qui sont tout entier consacrés aux matières qui touchent directement le chapitre. Ainsi les séries LL. 265 et LL. 266, intitulées dignitates et personatus ecclesiae parisiensis, comportent, respectivement pour chaque volume, des feuillets 239 à 303 et 232 à 294, des indications à propos des De Cancellario et Cancellaria15. Ces feuillets nous ont permis de trouver rapidement des renseignements biographiques sur quelques-uns des chanceliers qui nous intéressent16.

A l'issue de cette présentation sommaire des sources consultées, nous souhaitons exprimer une dernière mise en garde. Parmi les événements qui ponctuent la vie de nos chanceliers, il en est un qui revient d'une manière récurrente pour nombre d'entre eux. Il s'agit, nous l'avons dit plus haut, des conflits qui ont opposés ce dignitaire du chapitre à

12 Cf. Bibliographie.

13 Nous tenons ici à remercier monsieur Ghislain Brunel, conservateur en chef de la section latine des Archives nationales, qui nous a permis d'accéder aux volumes LL. 265 et LL. 266, [XII], qui ne sont plus en consultation à cause de leur mauvais état de conservation.

14 La seconde série, dite topographique, comporte une vingtaine de livres et fournit des renseignements sur les localités qui font partie du domaine du chapitre.

15 Il existe aussi une collection de feuillets ayant pour sujet la faculté de décret et celle de théologie, référencée LL. 283, [XII]. Varia. f). 137 et f). 138, que nous n'avons pas consulté.

16 Notamment des renseignements à propos du conflit qui oppose le recteur au chancelier ; cf. infra note 138.

11

l'Université. Cependant, la reconstitution de cette longue querelle n'est pas facile car nous ne disposons, nous avons tenté de le montrer, que de documents indirect. Pour la plupart, il s'agit, si l'on s'en tient essentiellement au Chartularium Universitatis Parisiensis, de privilèges octroyés par les papes et leurs légats. S'ils nous renseignent précisément sur les arbitrages imposés par le pouvoir pontifical, ils ne nous donnent que peu d'indications quant à la chronologie du conflit17, ni n'indiquent clairement les initiatives et les motivations propres des adversaires. Il serait nécessaire dans un travail plus approfondi d'éclaircir ce point.

La liste des chanceliers que nous retenons est celle établie par Denifle et Chatelain18, reprise et complétée par Astrik L. Gabriel19, et celle établie par l'anonyme du manuscrit d'Ajaccio20, complétée par celle de la collection Sarasin21, en ayant pris soin de replacer chacun à sa date (tableau 1). Elle est suivie de la réflexion que nous avons entrepris pour l'élaboration de la base prosopographique afin de réaliser une étude de la fonction de chancelier du chapitre Notre-Dame de Paris et pouvoir répondre à la question suivante pour chaque individu retenu : quel type de chancelier a-t-il été ?

17 Même si nous semblons en donner une assez précise dans la troisième partie sur le chancelier.

18 CUP, [IV], I, p. XIX - XX, op. cit..

19 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor and the University of masters and students at Paris during the middle ages, [14], 1976.

20 MS Ajaccio, [III], BM I38, fol. 71 - 135.

21 LL. 265, [XII], f°. 239-303 ; LL. 266, [XII], f°. 232-294.

12

Tableau 1 : Liste des chanceliers de l'Université de Paris du XIIe au XVe siècle.

NOM + Prénom

Années de chancellerie

Siècle

1

Eudes, Odon, Odo.

de 1164, ou plus tôt, à 1168.

XII

2

Pierre le Mangeur, Petrus Comestor (Manducator).

de 1168 à 1178.

3

Alduin, Hilduinus.

de 1180 (?) à 1193 (?), mentionné, pour la première fois, en 1185 et, pour la dernière fois, en 1191.

4

Pierre ou Petrus Pictavensis.

de 1193 à 1205 (?), mentionné pour la dernière fois en 1204.

XIII

5

Bernard ou Bernadus Chabert.

de 1205 à 1206 (?).

6

Prévôtin, Prepositinus.

de 1206 à 1209.

7

Jean de la Chandeleur, Johannes de Candelis.

de 1209 à 1214 ou 1215.

8

Etienne de Reims, Stephanus Remensis.

de 1214 ou 1215 à 1218.

9

Philippe le Chancelier, Philippus Cancellarius.

de juin 1218 au 23 décembre 1236.

10

Guiard ou Guiardus (Wiard, Willard, Guiardinus) de Laon.

de 1237 à 1238.

11

Eudes de Châteauroux, Odo de Castro Radulphi.

avant juin 1238 jusqu'à 1244.

12

Pierre le Petit, Petrus Parvus.

de 1244 à 1245 ou 1246.

13

Gautier de Château-Thierry, Galterus de Castello Theodorici.

d'août 1246 à juin 1249.

14

Hamery de Vaire, Haimericus (Heimericus) de Veire.

de 1249 jusqu'après le 23 juin 1262, mais avant mars 1263.

15

Etienne Tempier, Stephanus Tempier.

avant le 23 juin 1262, mais avant mars 1263 à octobre 1268.

16

Nicolas d'Orléans. Maître Nicolas, Magister Nicolaus.

de 1268 à octobre 1271.

17

Jean d'Alleux d'Orléans, Johannes de Allodio, Aurelianis.

de 1271 au 20 avril 1280.

18

Philippe de Thory, Philippus de Thoriaco.

après le 20 avril 1280 jusqu'avant le 24 octobre 1284.

19

Nicolas de Nonancourt, Nicolaus de Nonancuria.

de 1284 jusqu'à la fin de 1288.

20

Berthault de Saint Denis, Bertaudus de S. Dionysio.

de la fin de 1288 à la fin de 1295.

21

Pierre de Saint-Omer, Petrus de S. Audomaro.

du 17 juin 1296 jusqu'avant le 8 juillet 1303.

22

Simon de Guiberville, Simon de Guibervilla.

d'avant le 8 juillet 1303 aux environs de 1309.

XIV

23

Francesco Caraccioli, Franciscus Caraccioli.

D'environ 1309 au 31 mai 1316.

24

Thomas de Bailly, Thomas de Bailliaco ou de Baillaco.

D'avant le 27 septembre 1316 jusqu'au 9 juin 1328.

13

Tableau 1 : Liste des chanceliers de l'Université de Paris du XIIe au XVe siècle.

 

25

Jean de Blois, Johannes de Blesis.

D'avant le 13 décembre 1328 jusqu'avant le 15 septembre 1329.

26

Guillaume Bernard de Narbonne, Guillelmus Bernardi de Narbona.

du 15 septembre 1329 jusqu'avant le 7 mars 1336.

27

Robert de Bardis, Robertus de Bardis.

du 7 mars 1336 jusqu'avant le 26 octobre 1349.

28

Jean d'Assiaco, d'Acy, Johannes de Aciaco.

d'avant le 26 octobre de 1349 jusqu'aux environs d'octobre 1360.

29

Grimaud Boniface, Grimerius Bonifaci.

du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370.

30

Jean de Calore, Johannes Petri de Calore.

du 20 octobre 1370 jusqu'aux environs de 1380.

31

Nicolas de Saint Saturnin, Nicolaus de Sancto Saturnino.

de 1380 jusqu'avant le 15 juillet 1381.

32

Jean Blanchart, Johannes Blanchart (Blanchardi, Blancard, Blankaert, Blankart).

du 15 juillet 1381 jusqu'avant le 28 septembre 1386.

33

Jean de Guignecourt, Johannes de Guignecourte (ou Guignicourt).

du 28 septembre 1386 jusqu'au 7 octobre 1389.

34

Pierre d'Ailly, Petrus Alliacus (d'Ailly). Petrus de Alliaco.

du 7 octobre, 1389 jusqu'après le 13 avril 1395.

35

Jean Gerson, Jean Charlier dit, Johannes Gerson (Iohannes Iarsonne).

d'après le 13 avril 1395 jusqu'au 12 juillet 1429.

XV

36

Gérard Machet. Gerardus Macheti.

de janvier 1415 à mai 141822

37

Jean de Courtecuisse. Johannes Breviscoxae.

autour du 1er mai 1419 à 142122

38

Régnauld de Fontaines. Reginaldus de Fontanis.

de 1421 à 142222

39

Jean Chuffart. Johannes Chuffart

du 20 mai 1433 au 8 mai 1451.

40

Robert Ciboule

entre le 18 et 21 mai 1451 jusqu'au 12 août 1458

41

Jean de Oliva. Johannes de Oliva

vers 1459 au 24 février 1471

42

Denis Cytharedi, le Harpeur. Dionysius Herpeur.

du 3 mars 1471 à septembre 1482

43

Ambroise de Cambrai. Ambrosius de Cameraco

du 25 octobre 1482 au 11 avril 1496.

22 Ces trois prélats ont été nommés par le pape comme vice-chancelier, ils sont également cités dans le MS Ajaccio, [III], avec d'autres, fol. 131 : « Pendant l'absence de Jean Gerson. Gérard Machet, que Gerson avait nommé son vice-chancelier, exerça la chancellerie, il était chanoine de Paris. Gérard n'ayant pu exercer longtemps, le chapitre nomma. 1°. Regnault de Fontaines en 1423 qui était chanoine. 2°. Dominique Parui, aussi chanoine. 3°. En 1427, Pierre de Dirrhei, doyen de la faculté et chanoine de la Sainte Chapelle. 4°. Jean Beaupère pulchripater. 5°. Jean Barroy. 6°. Jean Sannier. ». Seuls ces trois vice-chanceliers sont retenus car les autres ne sont donnés que dans le MS Ajaccio et ne sont cités par Denifle et Chatelain que comme des personnages n'ayant jamais pris leur fonction, CUP, [IV], IV, p. XXXII.

14

1.2. La base prosopographique des chanceliers du chapitre de Notre-Dame et de l'Université de Paris du XIIe au XIVe siècle : méthode et exemples : Philippe le Chancelier et Grimaud Boniface.

« La prosopographie n'est pas une compilation de vies courtes ou simplement une collection de biographies, telles qu'elles peuvent être identifiées dans la littérature occidentale au moins depuis Plutarque. L'utilisation de la prosopographie, comme toutes les autres méthodes historiques, varie selon le contexte d'étude. Celle-ci dépend généralement de deux facteurs distincts mais qui sont reliés : la disponibilité de différents types de sources matérielles et la catégorie de questions que l'historien considère comme la plus significative, et ce qu'il y a de plus terrible à tenter de résoudre dans ce contexte particulier. Il est possible de clarifier la méthode prosopographique en retenant deux types extrêmes de sources la collection d'un nombre relativement restreint de documents concernant un grand nombre de personnes ou la collection d'un nombre important de documents sur un petit nombre de personnes. La prosopographie n'est pas une sorte méthode de l'histoire à part entière. Elle n'est ainsi pas comparable à l'histoire constitutionnelle, politique, ecclésiastique, sociale, culturelle, économique ou démographique, mais elle peut être utilisée en relation avec celles-ci, avec patience et application, et aussi beaucoup de précaution et de recul. » C'est cette mise en garde de Jean-Philippe Genet23 que nous avons eu en mémoire lors de la réflexion pour la constitution de notre base de donnée. Nous sommes dans le cas où le nombre de personnes est relativement restreint et le nombre de documents y faisant référence est très important24. La méthode prosopographique soulève de nombreuses interrogations dans un premier temps plus qu'elle ne donne des éléments pour étudier un groupe de personnage. Il ne s'agit pas d'une simple étude statistique mais de donner la définition d'une population et de rechercher des renseignements homogènes25. Ces renseignements permettent ensuite de

23 GENET, Jean-Philippe & LOTTES, Günther, L'Etat moderne et les elites, XIIIe - XVIII e siècles. Apports et limites de la méthode prosopographique, Actes du Colloque international CNRS-Paris I, 16-19 octobre 1991, Histoire moderne n° 36, Publications de la Sorbonne, Université de Paris I, [16], 1996, Introduction.

24 Dans cette première approche et dans le cadre du DEA, nous n'avons pas jugé utile de remonter au-delà des sources déjà imprimées, en dehors du manuscrit d'Ajaccio.

25 Définition donnée par Mme H. Millet au cours d'un entretien et à qui nous exprimons ici nos remerciements pour ses conseils, ainsi qu'à Mme E. Mornet ; cf. [33].

15

retracer une histoire sociale globale d'un groupe définis26. Dans le cas des chanceliers, il s'agit notamment de réaliser, à partir de l'ensemble des monographies, une description de l'évolution du cancellariat du XIIe au XIVe siècle. Cette évolution est visible à travers le comportement de chacun des chanceliers durant la période de sa charge. Si l'on part du principe que le chancelier est avant tout un membre du chapitre de Notre-Dame, la fiche d'identité d'un ecclésiastique peut se décomposer selon son profil culturel (études, grades universitaires, possession de livres, production intellectuelle27), sa carrière ecclésiastique et sa carrière professionnelle. En ce qui concerne notre groupe, chaque fiche contient les critères suivants :

- n° de réf. : ce numéro est celui de l'ordre chronologique ;

- nom vedette (le plus usité) (le latin est accolé au nom vedette) ;

- carrière universitaire dont dates fonction de chancelier28 : les dates exactes varient selon les auteurs et nous retenons, dans un premier temps, celles posées dans le Chartularium Universitatis Parisiensis, modifiées par celles données par Astrik L. Gabriel29, et celles du MS d'Ajaccio ;

- origine géographique (avec les dates de naissance et de mort ; lieu d'inhumation) ;

- origine sociale : ce sont les informations sur la parenté ;

- carrière ecclésiastique ou bénéficiale : rang dans les ordres sacrés ; offices occupés au chapitre nom du diocèse, titre, dates d'attestation dans ce titre. La carrière de chancelier pourrait également être placée dans cette catégorie.

- carrière administrative ou politique : offices occupés en dehors de l'Eglise.

- formation universitaire : en ce qui concerne la formation des chanoines, le Chartularium Universitatis Parisiensis apporte les renseignements sur ceux qui ont fréquenté l'Université de Paris - dont la chancellerie est sous la direction du chancelier de Notre-Dame - et ont obtenu leurs grades universitaires dans une des quatre grandes facultés : la faculté des Arts qui

26 Dans sa thèse sur La société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, [6], Cazelles est largement tributaire des méthodes prosopographiques ; il y étudie les origines locales, sociales et intellectuelles du personnel politique, ainsi que la qualification, la nomination et la carrière des membres.

27 Cet aspect peut être plus précisément étudié dans une base de données complémentaire distinguant les différents types de production, comme les sermons, les recueils de poèmes, les exemplae, les manuels d'ars dictaminis.

28 Nous n'avons pas voulu pour le moment dissocier la fonction chancelière du cadre universitaire où elle trouve l'essentiel de son expression et de sa raison.

29 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor and the University of masters and students at Paris during the middle ages, [14], 1976, p. 146-151.

16

dispense la culture générale et l'apprentissage du raisonnement (grammaire, rhétorique, dialectique...) et ouvre la porte aux trois autres facultés : celle de Théologie, dont les études sont très longues, celle de Médecine et celle de Droit canon ou de Décret. La carrière de chancelier pourrait également être placée dans cette catégorie.

- oeuvres littéraires : catégorie recensant toutes les productions du personnage.

- références sources éditées ou non : sources dans lesquelles soit il est fait mention du personnage ;

- références études éditées : études dans lesquelles il est fait mention du personnage.

Lorsque l'on construit une base prosopographique, la première difficulté est d'avoir suffisamment de matériau pour alimenter toutes les catégories retenues dans la base. Mis à part la difficulté d'accès direct aux sources et leur dispersion, il faut savoir, avant d'effectuer ces recherches, quels sont les renseignements que l'on souhaite sérier. Cela n'empêche nullement de redéfinir par la suite les catégories retenues dans la base de donnée et, le cas échéant, de consulter à nouveau les sources. Il y a donc tout un travail empirique au départ afin ensuite de répondre dans l'ordre aux trois grandes phases de tout travail prosopographique : recensement des individus, identification des individus, traitement des informations.

Dans la phase de recensement, la confection d'un répertoire des chanceliers à travers une base prosopographique doit concerner l'ensemble des membres de la population retenue30. Même si nous nous sommes ici essentiellement appuyés sur des sources littéraires et universitaires afin d'étudier les chanceliers, il ne faut cependant pas oublier que les membres du chapitre cathédral, quelque soit leur rang dans l'Eglise, appartiennent à un groupe possédant des archives où ils apparaissent à la fois de façon collective et individuelle.

Aussi les documents comportant les listes de chanoines, comme celles établies par Sarasin, qu'ils soient ou non juridiques, constituent dans le cadre d'une étude systématique un matériau à privilégier. Cependant, ils ne sont, bien souvent31, que parcellaires et ils ne répondent qu'imparfaitement à cet objectif de recensement. Après la phase de recensement des documents à portée collective, il est nécessaire d'envisager l'appel aux sources concernant les individus. Cependant, ces sources sont diverses et dans le cas des chanceliers aussi bien

30 C'est pourquoi il serait bon d'ouvrir dans un travail de thèse la période de recensement après le XVe siècle pour obtenir une vision d'ensemble de l'évolution de la fonction.

31 Ainsi la liste des chanceliers proposée dans le MS Ajaccio, [III], ne recoupe qu'incomplètement celle proposée par Sarasin ; de même pour la liste proposée dans le CUP, [IV], I, p. XIX-XX.

17

d'ordre administratif, lettres, suppliques et autres, que scolastique, notamment avec les traités de dictamen, théologique, universitaire et, même pour certains d'entre eux, littéraire. Lorsqu'il s'agit de documents officiels, comme ceux émanant des autorités ecclésiastiques, comme les lettres ou les suppliques, il n'y a généralement pas de problème pour les recenser32.

En ce qui concerne l'identification des individus, la principale difficulté provient du fait qu'un même individu peut avoir plusieurs dénominations et que pour chacune d'entre elles il peut y avoir des variantes anthroponymiques. Outre les orthographes fantaisistes33, il convient de reconnaître les surnoms, l'utilisation du nom latin et du nom en langue vernaculaire. Cependant, au moment de la constitution de la base prosopographique, il est impossible de retenir toutes les dénominations, c'est pourquoi nous n'avons, généralement, retenu que la traduction vernaculaire la plus courante, nom de vedette, et son équivalence latine. Ainsi si un individu possède à la fois un patronyme avec un toponyme, comme Jean d'Orléans ou Johannes de Allodio, ou un surnom, comme Pierre le Mangeur ou Petrus Comestor ou Petrus Manducator, toutes ces appellations ont été intégrées en fonction de la place disponible dans la base de données. Cette pluralité des dénominations a pour but de faciliter les identifications selon les sources étudiées et leur édition partielle dans cette étude. Cependant, il ne faut pas considérer que seul le critère homonymique a été retenu pour attester qu'une source traitait d'un individu en particulier. C'est par une datation scrupuleuse des faits rapportés que cette identification a été le plus généralement établie. L'identification de chaque chancelier est enfin réalisée dans la base par l'attribution d'un numéro de 1 à 4334. Cette numérotation est totalement empirique puisque le numéro 1 est attribué au plus ancien chancelier identifié, Eudes ou Odon, jusqu'au dernier apparaissant dans les sources retenues, Ambroise de Cambrai ou Ambrosius de Cameraco. Ce travail préliminaire d'identification était nécessaire afin de pouvoir établir une chronologie exacte afin d'écarter tous les événements concernant nos chanceliers en dehors de cette fonction universitaire et ecclésiastique précise35, et pouvoir proposer des définitions de cet office.

32 En ce qui concerne les chanceliers, on ne rencontre pas les mêmes problèmes qu'avec les chanoines qui ne sont pas toujours titulaires effectifs de leurs charges quand, notamment, certains courriers pontificaux leurs sont adressés. Le chancelier est normalement un chanoine à part entière, c'est-à-dire prébendé.

33 Mais le concept d'orthographe correcte est lui même une invention récente.

34 Et non 40, si l'on considère qu'il faut intégrer dans l'étude les trois vice-chanceliers qui officièrent sous le cancellariat de Gerson.

35 Parmi les chanceliers étudiés quatre chanceliers devinrent évêques et quatre cardinaux.

18

Ce travail prosopographique pose cependant le problème de la brièveté des informations qui sont livrées, car il ne s'agit pas d'un travail encyclopédique comme celui proposé pour Pierre d'Ailly par Bernard Guenée36, par exemple. Les personnages qui possèdent les notices biographiques les plus fournies sont généralement ceux qui sont le plus présent dans les sources. Cependant, l'exiguïté des catégories de la base de donnée peut être un motif d'insatisfaction dans la mesure où les informations concernant certains chanceliers débordent largement ce cadre. C'est pourquoi dans un travail plus approfondi, il faudra envisager d'établir des notices biographiques plus complètes, tenant compte du fait que pour certains chanceliers les informations restent, à l'inverse de ce qui vient d'être dit, très lacunaires. Les renseignements donnés dans les notices proviennent donc des sources retenues mais pas seulement. Il nous a semblé bon de produire également celles tirées de la bibliographie la plus récente, laquelle fait d'ailleurs bien souvent référence aux sources utilisées ici. Ces études récentes sont généralement indiquées dans leur globalité, les références plus précises étant réservées aux sources elles-mêmes. Enfin, pour les productions des chanceliers eux-mêmes, elles ont été recensées même si elles n'avaient pas un lien direct avec leur fonction de chancelier, puisque nous n'en sommes encore qu'à une phase dégrossissage des sources. Ainsi, les suppliques adressées par Jean Blanchart contre l'Université de Paris ont autant d'importance à nos yeux que les sermons de Jean Gerson pour les collations de la licence. Dans le cadre d'un travail de DEA, l'utilisation de ce type de source a été, le plus souvent, réalisée en fonction des études et des publications qui leur ont été dédiées37.

A partir de toutes les remarques qui viennent d'être faites, voici un extrait des résultats

issus de la base prosopographique des chanceliers de l'Université de Paris à travers les exemples de Philippe le Chancelier et de Grimaud Boniface (tableau 2).

36 GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge (XIIIe - XVe siècles), [21].

37 Il en va ainsi pour les suppliques de Jean Blanchart à travers le travail de BERSTEIN, A. E., Pierre d'Ailly and the Blanchard Affair. University and the Chancellor of Paris at the Beginning of the Great Schism, [3], Leyde, 1978, et, notamment, pour les sermons de Jean Gerson, à travers leur publication réunie dans GERSON, Jean, OEuvres complètes, par GLORIEUX, P., en 9 vol., Paris-Tournai, 1960-1973 : vol. V : l'oeuvre oratoire (207253), 1963, [IX].

19

Tableau 2 : extrait de la base prosopographique des chanceliers de l'Université de Paris : l'exemple de

Philippe le Chancelier.

NOM +
Prénom

Origine
géographique

Origine sociale

Carrière politique et administrative

Carrière universitaire dont années de chancellerie

9

Philippe le Chancelier, Philippus Cancellarius.

Né à Paris autour de 1160. Mort en décembre 1236.

Famille parisienne influente.

Neveu de Pierre de Nemours, évêque de Paris.

Fils de Philippe de Grève ( ?)38.

Administrateur.

Maître en théologie à l'Université de Paris en 1206.

Chancelier de juin

1218 au 23 décembre 1236.

Formation universitaire

Carrière
ecclésiastique

OEuvres littéraires

Références sources éditées

Références études éditées39

Maître en
théologie
en 1206.

Archidiacre de Noyon jusqu'en 1211.

Philippi Cancellarii Summa de bono. N. Wicki, ed. Berne: Francke, 1985 ;

Histoire de Saint Clou ; Histoire de Saint Denis Distinctiones super psalterium, édité par Josse Bade, Philippus

CUP, I, p. XIX-XX; ep. 27, p. 85, n. 3 ; ep. 33, p. 93 ; ep. 45, p. 102-104 ; ep. 55, p. 111 ; ep. 56, p. 112 ; ep. 75, p. 133-134, n. ; ep. 96, p. 148 ; ep. 97, p.148-149; ep. 98, p. 150. MS Aj., f° 98 - 99.

BERIOU, N., « La prédication de croisade de Philippe le Chancelier et d'Eudes de Châteauroux en 1226 », in La prédication en pays d'Oc (XIIe XIVe siècle), Cahier de

Fanjeaux, n° 32, avril 2000.

CALLUS, D. A., O. P. "Philip the Chancellor and the De anima ascribed to Robert Grosseteste." Medieval and Renaissance Studies 1: 105-27 ;

DALES, R. C. Medieval Discussions of the Eternity of the World. Leiden: E. J. Brill, 1990 ;

DRONKE, P., "The Lyrical Composition of Philip the Chancellor," Mediaeval Studies, third series, vol. 28 (1987):

563-592 ;

GRACIA, J. J. E. "The Transcendentals in the Middle Ages: An Introduction." Topoi 11: 113- 20 ;

KENT, B., Virtues of the Will: The Transformation of Ethics in the Late Thirteenth Century. Washington, D.C.: Catholic University of America Press, 1995 ;

KOROLEC, J. -B. "Free will and free choice." The Cambridge History of Later Medieval Philosophy. Kretzmann et al, eds. Cambridge: Cambridge University Press: 1982, pp. 629-641 ; LOTTIN, O., Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles.

 

de Greve

 

cancellarii

 

Parisiensis in

 

psalterium

 

Davidicum

 

CCCXXX

38 Philippe le Chancelier était le fils de Philippe de Grève et n'ont pas une seule et même personne, comme l'indique par erreur le Chartularium. L'auteur du MS Ajaccio, [III], f° 98-99, indique ses doutes quand à penser que Philippe le Chancelier et Philippe de Grève puissent être une seule et même personne : « Georges Coluenevius dans ses notes sur Cardepré, Hemere dans son traité sur l'université nomment ce chancelier Philippe de Grève, de greva. Du Boulay en son histoire de l'université le nomme en 1225 de Rheims de Remis et en 1238 de Grève, de greva. Je suis fâché de ne pouvoir être du sentiment de ces auteurs quant au nom de Greva qu'ils lui donnent et cela fondé sur l'ancien nécrologue qui distingue parfaitement Philippe le chancelier dont il fait mention le 23 décembre et Philippe de Greva chanoine dont il fait mention le 14 mai. Je doute qu'en 1208 il y avait un chanoine nommé Philippe de Greva. Si le Philippe chancelier était le même pourquoi ne lui en donne ton pas le même nom et pourquoi se trouvent-ils distinguer dans les nécrologes comme deux bienfaiteurs différents. »

39 Les références bibliographiques données dans ce tableau viennent en supplément de celles données dans la bibliographie générale.

20

 
 

sermones. Paris,

 

Gembloux, Belgium: J. Duculot, S.A. Editeur, 1957 ;

 
 

1523, BM

 

MacDONALD, Sc., Being and Goodness: The Concept of the

 
 

Troyes, 0953.

 

Good in Metaphysics and Philosophical Theology. Ithaca:

 
 
 
 

Cornell University Press, 1991 ;

 
 
 
 

MacDONALD, Sc., "Goodness as Transcendental: The Early

 
 
 
 

Thirteenth-Century Recovery of an Aristotelian Idea." Topoi

 
 
 
 

11: 173-86 ;

 
 
 
 

McCLUSKEY, C., "The Roots of Ethical Voluntarism."

 
 
 
 

Vivarium 39: 185-208 ;

 
 
 
 

PAYNE, Th. Blackburn II, Poetry, Politics, and Polyphony:

 
 
 
 

Philip the Chancellor's Contribution to the Music of the Notre

 
 
 
 

Dame School, vol.1, ch.1, "The Life of Philip the Chancellor."

 
 
 
 

Ph.D., University of Chicago, 1991 ;

 
 
 
 

POTTS, T., Conscience in Medieval Philosophy. Cambridge:

 
 
 
 

Cambridge University Press, 1980 ;

 
 
 
 

POUILLON, (Dom) H., O. S. B, "Le premier traité de propriétés transcendantales. La 'Summa de bono' du Chancelier

 
 
 
 

Philippe." Revue Néoscolastique de Philosophie 42:40-77 ;

 
 
 
 

REINHARDT, E., «El dualismo del siglo XIII y sus consecuencias antropológicas, especialmente en Felipe el

 
 
 
 

Canciller (1236), in Scripta Theologica (Facultad de Teología, Universidad de Navarra), 30, 3 (1998), pp. 873-879 ;

 
 
 
 

WICKI, N. Philippi Cancellarii Summa de bono, vol.1, ch.1

 
 
 
 

"Vie de Philippe le Chancelier." Berne: Francke, 1985

Tableau 2 : extrait

de la base prosopographique des chanceliers de l'Université de Paris : l'exemple de Grimaud Boniface.

 

NOM +
Prénom

Origine géographique

Origine
sociale

Carrière politique et administrative

Carrière universitaire dont années de chancellerie

29

Grimaud Boniface de Rouen, Grimerius Bonifacii de Rothomago.

Rouen en Normandie.

Mort le 1er octobre 1370 et inhumé en la chapelle de Saint Rigobert.

Frère de Bertrand et Matthieu Boniface. Oncle de Roland.

Député de la cité de Rouen aux Etats généraux d'Octobre 1356. Procureur de la nation normande.

Chancelier du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370.

Formation universitaire

Carrière
ecclésiastique

OEuvres littéraires

Références sources éditées

Références
études éditées

Docteur en théologie, Docteur en droit canon et en droit civil. maître ès arts.

Curé de Saint Jean de Grève 1358 ; chanoine de Paris; chanoine puis archidiacre de Bourges.

 

CUP, II, p. XV, ep. 1065, p. 533-534 ; ep. 1104, p. 560-562, n.

6 ; ep. 1126, p. 590-591 ; ep. 1131, p. 594-597, n. 16 ; ep. 1165, p. 632-637, n. 9 ; ep. 1177, p. 656-657, n.3 ; ep. 1189, p. 696 ; CUP, III, ep. 1259, p. 76-77, n. 2 ; ep. 1268, p. 94, n. ; ep. 1270, p. 95-97 ; ep. 1271, p. 98, n. ; ep. 1273, p. 101, n. ; ep. 1274, p. 102 ; ep. 1277, p. 103, n. ; ep. 1281, p. 106, n. ; ep. 1282, p. 106, n. ; ep. 1286, p. 107 ; ep. 1287, p. 108 ; ep. 1289, p. 109 ; ep. 1292, p. 111 ; ep. 1295, p. 112-113 ; ep. 1297, p. 114 ; ep. 1297a, p. 114 ; ep. 1298, p. 114-120 ; ep. 1299, p. 120-122 ; ep. 1300, p. 122-123 ; ep. 1301, p. 124 ; ep. 1303, p. 125-126, n. ; ep. 1314, p. 139 ; ep. 1319, p. 143-148, n. 28 ; ep. 1328, p. 157 ; ep. 1331, p. 158 ; ep. 1343, p. 176 ; ep. 1344, p. 176 ; ep. 1353, p. 186 ; ep. 1355, p. 187 ; ep. 1362, p. 193-194, n. 1, p. 194. AN, LL 106 A, p. 125; LL 107, p. 577; LL 385

GUERARD, B., (Epitaphier) p. 54 ;

MS Aj., f° 116 - 117.

 

21

En ce qui concerne les carrières des différents chanceliers, et notamment les deux retenus ici, nous remarquons que celles-ci posent des difficultés pour un traitement statistique. Mis à part la production littéraire de chacun d'eux, et si nous en restons strictement à leur carrière de chancelier dans le Chartularium40, celle-ci propose pour Grimaud Boniface un ensemble de trente lettres dont dix-sept de l'autorité pontificale pour lesquelles il est destinataire en tant que chancelier, de la part des papes Innocent V puis Urbain V. Aucun de ces courriers ne fait l'objet de réprimandes particulières contre le chancelier. En ce qui concerne Philippe le Chancelier, nous comptons qu'une petite dizaine de lettres, dont deux seulement lui sont adressées directement par les papes Honoré III et Grégoire IX. Les autres sont des demandes d'arbitrages, principalement de Grégoire IX, à des tiers dans le conflit qui oppose Philippe aux maîtres de l'Université de Paris. Contrairement à Grimaud Boniface qui semble s'être toujours tenu en réserve de tous conflits, Philippe fut confronté à des difficultés qui nécessitèrent un arbitrage extérieur. Les principales difficultés auquel un chancelier pouvait être confronté portent généralement autour de la lutte d'influence qui l'opposait au recteur d'une part, et d'autre part, autour des nombreux conflits qui l'opposèrent aux maîtres de l'Université dans leur désir d'autonomie à travers le problème de la collation de la licentia docendi. A ce titre, Philippe est le premier chancelier qui connaît une grave crise avec la corporation des maîtres, même si le problème est soulevé avec son prédécesseur, Etienne de Reims. Ainsi, si l'étude de la carrière de chancelier reste intéressante pour connaître la manière dont était organisé la collation de la licentia docendi, elle est aussi pour connaître à travers les pressions pontificales41 ou royales auxquelles le chancelier pouvait être confronté, dans sa mission d'examen de certaines candidatures, l'histoire sociale du chapitre Notre-Dame, de l'Université et, à travers ces deux institutions, d'une partie de l'élite de la société

40 La collection des lettres du Chartularium ne prétend pas, en outre, à l'exhaustivité de toute la correspondance concernant les chanceliers, et c'est pourquoi il est nécessaire de rechercher d'autres types de sources pour obtenir un ensemble représentatif et cohérent permettant un traitement statistique. Une telle recherche demande qu'on ne néglige aucun des travaux émanant ou portant sur chacun des chanceliers du corpus et une telle recension n'est envisageable que dans le cadre d'une thèse. Cette recension pose la question du nombre d'individus à retenir. En effet, si pour certains chanceliers, comme Grimaud Boniface, la recension est brève, il n'en est pas de même pour des personnages comme Pierre d'Ailly ou Jean Gerson qui, outre une carrière chancelière, connurent une grande notoriété intellectuelle et spirituelle.

41 CUP, [IV], III, ep. 1268, p. 94: « Urbano V supplicat frater Johannes Trisse, baccalareus in theologia et procurator generalis Ord. Fratrum Beatae Mariae de Carmelo, quod, cum ipse habeat ante se plures baccalareos dicti Ordinis in eadem facultate ad gradum magisterii juxta dicti Ordinis statuta et studii Parisiensis consuetudinem promovendos, cancellario Parisiensi [quid est Grimerius Bonifacii] mandare dignetur ut se ipsum infra unum mensem cancellarius licentiare debeat et ad magisterii gradum admittat. [1362, Decembris 7].

42 Notamment ceux contenus dans le MS Ajaccio, [III], et les informations données par N. GOROCHOV, dans son ouvrage sur le collège de Navarre, [20], notamment.

22

médiévale du XIIe au XVe siècle. Ces deux chanceliers proposent des figures sociales bien différentes et surtout des réponses bien différentes à la question qui sous-tend notre base prosopographique et, à travers elle notre étude : quel type de chancelier a-t-il été ?

A partir des informations collationnées dans la base prosopographique, de nos remarques et de quelques commentaires annexes42, il est possible de proposer les notices biographiques suivantes pour Philippe le Chancelier et Grimaud Boniface.

Philippe le Chancelier (1160-1236) était maître en théologie à l'université de Paris en 1206, c'est le fils de Philippe de Grève. En 1211, il devient archidiacre de Noyon, puis chancelier de Notre-Dame en juin 1217. Il cumule les deux bénéfices. Dans le conflit qui oppose les séculiers aux Mendiants pour la gestion de l'Université, il prend parti pour ces derniers. Opposé à l'indépendance universitaire, il se retrouve mêlé à tous les conflits doctrinaux et administratifs possibles, surtout en 1229-1231. Il est convoqué par le pape qui lui exprime son mécontentement. Philippe est certainement né à Paris autour de 1160, mais la date exacte est inconnue. Il est issu d'une famille parisienne influente puisque plusieurs de ses parents ont eu des postes importants auprès de rois français ou de l'Eglise. Il est le fils de Philippe de Grève. Plusieurs membres de sa famille ont été évêques, comme son oncle, Pierre de Nemours, qui était évêque de Paris de 1208 à 1218, et qui a peut être joué un rôle dans la carrière de son neveu. Philippe a étudié à, ce qui à l'époque, était la récente Université de Paris. Il est mort le 26 décembre 1236.

Lorsque Philippe devint chancelier en juin 1218, les maîtres de nombreuses écoles parisiennes avaient commencé à prendre leur autonomie vis-à-vis du chapitre cathédrale et avait obtenu un nombre important de concessions par des décrets pontificaux. En 1215, le légat du pape, Robert de Courçon, établit un certain nombres de statuts, codifiant des pratiques déjà en cours comme les examens concernant la licence d'enseignement, le comportement et la robe admise, le programme d'étude et la discipline des étudiants. Au final, la fonction de chancelier, au moment de l'accession à ce poste de Philippe, tendait à être considérablement réduite, même en ce qui concerne la délivrance de la licence d'enseignement. Ainsi, si le chancelier conservait le pouvoir d'attribution de ces licences et les statuts précisaient qu'il ne pouvait refuser quiconque que les maîtres avaient jugé digne

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d'enseigner. Un long conflit était né entre les maîtres et le chancelier, qui souhaitait préserver son pouvoir, qui continua bien après l'office de Philippe. Mais avec lui, la situation devint critique avec le départ des maîtres sur la rive gauche de la Seine. Philippe, sûr de ses prérogatives, n'admettait pas qu'il puisse être remis en cause dans sa fonction même de chancelier par la corporation des maîtres et des étudiants, aussi il l'attaqua violemment43. Finalement, à la fin des années 1220 et au début des années 1230, Philippe fit la paix avec les maîtres, qui avaient déclenché une grève et s'étaient installés sur la rive gauche de Paris avec plusieurs de leurs étudiants en réponse à l'intransigeance des autorités séculaires. Il ne fait aucun doute qu'un tel départ était dommageable pour le prestige de Paris comme centre d'éducation, et que les autorités pontificales réagirent promptement contre cela ; aussi Philippe travailla dur pour convaincre les dissidents de revenir dans la ville, ce qui fut fait en 1231.

Finalement, c'est tout autant, et peut-être même plus comme philosophe, avec son Summa de bono, que comme chancelier, que Philippe a marqué son époque et l'ensemble du XIIIe siècle. Philippe le Chancelier fut une des grandes figures intellectuelles de la première moitié du XIIIe siècle. S'il eut une longue carrière ecclésiastique, qui fut agitée, il fut renommé pour ses sermons et sa poésie lyrique. Dans le domaine de la philosophie et de la théologie, le Summa de bono, composé dans les années 1220-1230, était l'aboutissement de réflexions qui entraînèrent beaucoup de ruptures. Philippe a été le premier à réaliser une somme autour d'un principe fondamental et central, la notion de bon. La Summa de bono a été beaucoup commentée durant le XIIIe siècle, notamment par Albert le Grand.

Après Philippe, observons maintenant un chancelier qui n'a sans doute pas connu la même célébrité intellectuelle que son illustre prédécesseur.

Grimaud Boniface est originaire de Rouen, en Normandie, et c'est au sein de la nation normande qu'il effectua une grande partie de ses études à l'Université de Paris dont il sortit docteur en théologie, mais aussi ensuite docteur en droit civil et canon. Cela indique qu'il a fait une partie de ses études à Orléans puisque c'est là qu'était enseigner le droit civil et non à l'Université de Paris. Sa date de naissance est inconnue mais on peut supposer qu'il est né entre 1300 et, au plus tard, 1320, puisqu'il faut au vingt-cinq ans pour accéder au poste de chancelier et compte tenu de ses études, et il est mort en octobre 1370. On lui connaît deux

43 Cf. Chapitre III sur les définitions de la fonction de chancelier.

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frères, Bertrand, lui-même chanoine de Notre-Dame, et Matthieu, et un neveu Roland, qu'il a aidé à entrer au collège de Navarre. Il a été le procureur de la Nation normande. En octobre 1356, il a représenté la commune de Rouen aux Etats généraux. Il a été nommé archidiacre de Bourges et chanoine de Notre-Dame de Paris au poste de chancelier le 15 octobre 1360 jusqu'en octobre 1370. Il était curé de Saint-Jean-de-Grève. Il semble qu'il a cumulé les bénéfices ecclésiastiques. Au moment de la réforme des statuts de l'Université de Paris de 1366, il a eu un rôle direct dans la rédaction de ceux-ci puisqu'il en est le coauteur avec le cardinal légat du pape et quelques maîtres de l'Université. Ainsi pour tenter de régler le problème de la compétence dans la collation de la licentia docendi, qui a été la source de nombreux conflits entre l'Université et le chancelier, il propose la création d'une commission de quatre maîtres, choisis par lui, pour l'aider dans l'examen des candidatures44. Il fut ensuite pénitencier avec Gérard de Vervins, lui aussi chanoine à Notre-Dame, en cours pontificales de Rome et d'Avignon pour la réunification de l'Université.

L'exposition des sources et des outils utilisés réalisée, nous pouvons maintenant tenter de définir la fonction de chancelier en commençant par les cadres dans lesquels il exerçait son office, l'université de Paris et le chapitre de Notre-Dame.

44 CUP, [IV], III, ep. 1319, p. 143-148.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon