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Les reporters photographes professionnels du Sénégal. Une corporation sous-valorisée.

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par Amadou BA
CESTI-Université Cheikh Anta Diop - Maîtrise Sciences et Techniques Information et Communication 2011
  

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Section 2 : Les « petits soldats du journalisme»172(*)

Difficiles conditions de travail et faiblesse de moyens matériels et financiers : « les photographes de presse africains sont rarement considérés comme des journalistes à part entière. Encore aujourd'hui, ils doivent se cantonner au rôle d'illustrateur, sans même pouvoir signer leurs clichés. »173(*) Ce constat d'Erika Nimis est caractéristique de la situation qui prévaut dans la presse sénégalaise. Parents pauvres d'une presse pauvre, les reporters photographes sénégalais, qui relatent l'information par les images, manquent presque de tout. Dans notre étude, 70% des reporters déplorent leur insatisfaction par rapport à leurs conditions et outils de travail. Le matériel coûte cher et les innovations, à cette époque du numérique, sont fulgurantes. A titre d'exemple, le matériel de travail de Cellou Diallo, reporter photographe de l'Agence France Presse se chiffre à 18 millions de francs CFA. Un investissement inimaginable pour une agence de presse sénégalaise, même si la comparaison n'est pas tenable avec le géant français de l'information filaire. Le problème est que les rédactions dakaroises ne veulent pas débourser beaucoup d'argent pour acquérir un bon matériel photographique. « Les patrons de presse préfèrent se payer une belle voiture à 20 millions de francs CFA plutôt que doter leur organe d'un bon matériel photographique »,174(*) pense savoir Boubacar Touré « Mandémory », membre fondateur du service photo de la Panapress, de Dakar Soir qui ne paraît plus. Ce professionnel talentueux et aguerri sait de quoi il parle. Souvent d'ailleurs, les reporters photographes travaillent avec leur matériel. 50% de notre échantillon sont propriétaires de leur appareil photographique

En dépit de toutes ces difficultés qui étreignent cette corporation, nous remarquons qu'aujourd'hui la pratique de la photographie de presse n'a jamais été aussi forte chez les jeunes.  La relative facilité à posséder un appareil, la simplicité de l'acte photographique sans oublier le chômage qui empoisonne le climat social, sont autant de facteurs qui rendent le métier de photographe accessible à tous.175(*) Cette situation a rencontré un contexte favorable caractérisé par la multiplication des titres à partir des années 1990.

Depuis quelques années, le numérique s'est imposé comme principal outil de travail des reporters photographes sénégalais. Ceux que nous avons interrogés travaillent avec un appareil numérique, devenu beaucoup plus accessible que l'argentique. « Maintenant, le numérique est devenu une banalité à tel point qu'il y a pas mal de photoreporters qui, à l'inverse, n'ont jamais travaillé en argentique »176(*), explique Héric Libong dans un entretien accordé à l'historienne Erika Nimis. Même si les reporters photographes déplorent l'obsolescence de leur matériel, la rapidité que nécessite le traitement de l'information quotidienne ne leur offre pas beaucoup de choix.

Si pour les reporters photographes sénégalais, avoir un matériel de travail adéquat est une chose improbable, c'est qu'en réalité les organes de presse ne comprennent pas les exigences de la profession. Très souvent, la logistique (véhicule pour le reportage, piles pour les appareils, cartes mémoire, ordinateurs pour stocker les images etc.) pose problème. Outre des problèmes d'équipement (le matériel coûte cher et son entretien difficile), le potentiel des reporters photographes est sous-exploité ou tout simplement ignoré.177(*)

Les reporters photographes rencontrent également des difficultés pour accéder à l'information. Un peu plus de 50% des personnes interrogées déplorent l'obstacle que constituent les forces de police, gardes du corps et autres agents de sécurité qui leur rendent le travail difficile. Les déplacements du Chef de l'Etat sont les manifestations qu'ils appréhendent le plus. « Tous les reporters photographes te diront qu'ils n'aiment pas couvrir les activités et déplacements à l'intérieur du pays du président de la République », explique Aliou Mbaye, secrétaire général de l'Union Nationale des photojournalistes du Sénégal (UNPJ) et reporter photographe à la Panapress.

Face à ces difficultés, leurs organes ne font presque rien pour les y aider. Pis, il arrive parfois que l'employeur ne daigne même pas intervenir pour tirer d'affaire son reporter photographe ayant maille à partir avec la police dans l'exercice de sa profession. « Une fois, la police avait confisqué mon appareil. Une autre fois, un videur d'une boîte de nuit dakaroise a cassé mon appareil. Je me suis fait voler mon ordinateur et mon appareil. Dans tous ces cas, mon patron s'en est lavé les mains. J'ai fini par partir, puisqu'aucun contrat écrit ne nous liait », témoigne sous couvert de l'anonymat un de nos enquêtés aujourd'hui reporter photographe d'un magazine people dakarois. Inutile de dire que dans de telles conditions, le reporter photographe ne dispose d'aucune assurance liée aux risques de l'exercice de sa profession. Ils représentent 60% de notre échantillon à être dans ce cas. Comme le note Erika Nimis, peu de photographes bénéficient d'un contexte favorable  à l'exercice de leur profession. Beaucoup manquent de moyens et de soutien.178(*)

Et sur le plan informatif, nombre d'entre eux déclarent se sentir éloignés de la démarche informative et souffrir de voir parfois leurs photos insuffisamment prises en compte ou mal cadrées. Ils en ont assez d'être les parents pauvres de l'information, et souhaitent une meilleure intégration aux services rédactionnels. Voeu pieux car la photographie est trop tenue pour partie négligeable dans l'information. « Très souvent, lorsqu'un article est décidé, la question de son illustration n'intervient qu'une fois le reportage effectué. Divers cas de figure se présentent alors : soit l'on arrive à obtenir pendant ou après le reportage une illustration gracieusement offerte, soit on demande à un photographe s'il n'aurait pas dans ses archives une photo pouvant faire l'affaire. Des recherches dans la photothèque du journal, si elle est suffisamment fournie, sont un autre recours. »179(*) La situation n'est guère différente au Sénégal où les reporters photographes voient leurs images reprises et reproduites à longueur de colonnes sans qu'ils touchent le moindre droit d'auteur. Et les photographies ne sont presque jamais signées dans les journaux, contrairement aux articles des rédacteurs.

* 172 En référence au titre de l'ouvrage de F. Ruffin, Les petits soldats du journalisme. Paris : Edition : Les Arènes, 2003, 278 p.

* 173 E. Nimis, « La photographie de presse sur le continent : Un potentiel sous-exploité. » www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=7115) consulté en avril 2010.

* 174 Entretien avec lui à Dakar le 7 avril 2010.

* 175 H. Libong, « Etre photographe à Dakar », (www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609) consulté le 27 avril 2010)

* 176 E. Nimis (entretien avec Héric Libong), « Quels marchés pour la photographie de presse en Afrique » ( www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820) consulté le 27 avril 2010.

* 177E. Nimis, « La photographie de presse sur le continent : Un potentiel sous-exploité. » www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=7115) consulté en avril 2010.

* 178E. Nimis, « Photographie : un combat pour plus d'équité »  www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=5804) consulté le 30 avril 2010

* 179 M. Phoba, « Photographes de presse au Bénin », Africultures n° 39, juin 2001, p. 12.

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