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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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3.2 La formation de la Confédération de Sénégambie :

La Gambie est une enclave au sein du Sénégal, exceptée sur sa façade atlantique, large d'une cinquantaine de kilomètres. Ancienne colonie britannique jusqu'en 1965, elle est peuplée en 1981 d'environ 600 000 habitants. Sa population est semblable à celle du Sénégal, puisque outre les mandingues, on compte de nombreux wolof. Sur le plan économique, les similitudes sont aussi frappantes, les Gambiens vivant eux-aussi quasi exclusivement de l'arachide. Les rapports entre les deux pays sont donc forcément très étroits.

Après une première intervention militaire en novembre 1980, le Sénégal franchit de nouveau la frontière le 30 juillet 1981 pour remettre au pouvoir le Président Dawda Jawara, présent à la tête de l'Etat depuis 1974. Kukoï Samba Sanyang, diola de 28 ans, formé de longues années en URSS, a renversé le Président gambien alors que celui-ci était en visite officielle en Angleterre à l'occasion... du mariage de Charles et Diana. Aidé par la seule force militaire du pays, les Fields Forces, le chef des putschistes crée dans la foulée un Conseil suprême de la révolution pour instaurer en Gambie un socialisme révolutionnaire.

Respectant l'accord bilatéral de sécurité et de défense signé le 18 février 1965 à Banjul, et sur demande du Président Jawara, Abdou Diouf ordonne à son armée d'entrer à Banjul. Dans cette opération, le Sénégal perd 24 hommes et compte une quarantaine de blessés. Après avoir pacifié le pays, les militaires sénégalais retrouvent des armes et des véhicules importés du bloc soviétique. La filiation entre les putschistes et Moscou apparaît de ce fait possible 14 . Ceci explique la vive réaction de l'opposition marxiste sénégalaise, qui condamne unanimement l'ingérence du Sénégal chez son voisin. Abdou Diouf, dans une allocution radiotélévisée adressée à la nation le 2 août 1981, déclare ne pas prendre en compte les remarques "d'une certaine opposition" et affirme que "l'action militaire était légitime et nécessaire " , la menace marxiste et le respect des engagements pris auprès de Jawara étant pour lui des motifs suffisants pour s'immiscer dans les affaires gambiennes 15.

Un rapprochement entre les deux nations s'opère alors. On remarque que c'est Jawara qui prend l'initiative d'entamer les négociations avec Abdou Diouf, voulant garantir le maintien de l'armée sénégalaise dans son pays. Après avoir annoncé le 10 août 1981 une intégration des services de sécurité des deux pays, il demande solennellement le 20 août 1981 la formation d'une Confédération. Si le PDS ne l'approuve qu'à demi mot, le RND, par la voix de Cheikh Anta Diop, se félicite de ce dénouement : "nous pensons également que l'avenir bien compris de la Gambie réside dans une fédération avec le Sénégal" 16. Quant à la France, par l'intermédiaire de Pierre Bérégovoy, secrétaire général de l'Elysée, elle déclare "qu 'entre la France attachée au progrès et à la démocratie et le Sénégal qui construit une société moderne, il ne peut y avoir l'ombre d'un nuage" 17 . Paris approuve ainsi l'entreprise commune de Diouf et Jawara, tout comme Londres.

Dès le 14 novembre 1981, un accord est trouvé. La Confédération comprend une union militaire,

14 La plus grande crainte du Sénégal est que l'armée cubaine, stationnée en Guinée-Bissau, s'immisce très rapidement dans les affaires du nouveau pouvoir gambien. Habib Thiam, Par devoir et amitié, pp.73, Paris, Rocher, 2001.

15 "Abdou Diouf : Notre action est légitime, elle était nécessaire", Le soleil, 4 août 1981 et "Que font les Sénégalais en Gambie ?", Jeune Afrique, n° 1076, 19 août 1981.

16 "Conférence de presse de Cheikh Anta Diop", Le Soleil, 12 août 1981.

17 "La Confédération de Sénégambie est entrée en vigueur le 1er février", Le Monde, 2 février.

économique et monétaire. Les relations extérieures et la communication sont également jumelées. La Sénégambie souhaite s'inspirer de la réussite tanzanienne - qui a vu la fusion rapide du Tanganyika et de l'archipel de Zanzibar - et au contraire éviter l'échec que connu Senghor avec la Fédération du Mali. De nombreux projets sont envisagés, mais les deux protagonistes choisissent d'opérer de façon graduelle, de manière à ne pas heurter les "sensibilités nationalistes" des deux populations. En décidant de mettre fin à une absurdité géographique causée par les intérêts coloniaux, Diouf et Jawara veulent "oeuvrer à l'unité africaine" et espèrent être imités par d'autres Etats africains dans un futur proche. Le traité définitif est signé à Dakar le 17 décembre 1981, avant d'être ratifié par les deux parlements le 29 décembre de la même année. Après une première expérience "sénégambienne" de 1763 à 1783, la Sénégambie redevient une réalité.

Le Sénégal, pays beaucoup plus riche et peuplé que la Gambie (6 millions d'habitants contre 600 000), a une certaine prééminence dans la Confédération mise en place. Le Président de l'organisation est Abdou Diouf, tandis que Jawara est nommé Vice-Président. De surcroît, l'Assemblée confédérale comprend deux tiers de députés sénégalais, choisis parmi les membres de l'hémicycle de Dakar. Il est prévu qu'elle soit rassemblée tous les deux ans ou sur demande du Président sénégalais ou gambien. Le premier cabinet confédéral, formé le 4 novembre 1982, est constitué quant à lui de cinq sénégalais et quatre gambiens. Les postes clés sont cependant équitablement répartis, comme on peut le constater ci-dessous 18 :

- Président de la Confédération : Abdou Diouf (Sénégal)

- Vice-Président de la Confédération : Dawda Jawara (Gambie)

- Ministre confédéral des Relations extérieures : Moustapha Niasse (Sénégal)

- Ministre confédéral délégué auprès du Ministre confédéral des Relations extérieures : Lamin Kiti Jabang (Gambie)

- Ministre confédéral de la Défense : Daouda Sow (Sénégal) - Ministre confédéral de la Sécurité : Medoune Fall (Sénégal)

- Ministre confédéral délégué auprès du Ministre confédéral de la Sécurité : Alieu E.W. Badji (Gambie)

- Ministre confédéral des Finances : Sherif Saikula Sisay (Gambie)

- Ministre confédéral des Affaires étrangères : Momodou S.K. Manney (Gambie)

- Ministre confédéral des Transports : Assane Seck (Sénégal)

- Ministre confédéral de l'Information et des Télécommunications : Djibo Kâ (Sénégal)

A cette liste, on rajoute le rôle important de Pierre Diouf. Il cumule les fonctions de secrétaire exécutif du comité sénégalo-gambien et secrétaire général de la Confédération sénégambienne. Il est considéré comme l'homme fort de la coordination entre les deux pays.

La formation de cette institution - oeuvre de paix - contribue grandement à la renommée de Diouf, aussi bien en Afrique qu'en Occident. Concernant Jawara, elle lui permet - par la présence de troupes sénégalaises sur le sol gambien - d'assurer la pérennité de son pouvoir. Les deux pays doivent également tirer des bénéfices économiques, puisque divers accords sont trouvés pour mettre en valeur les fleuves Sénégal et Gambie. Abdou Diouf est au summum de sa popularité. Il a offert à son peuple l'image d'un chef des armées efficace et d'un Président responsable. Toutefois, les problèmes en Basse-Casamance, qui émergent à partir de 1982, viennent ternir ce tableau idyllique.

18 "Sénégambie : Neuf ministres dans le cabinet confédéral", Le Soleil, 5 novembre 1982.

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