WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Analyse des causes et consequences de la pauvrete rurale Etude de cas de la Republique d'Haiti

( Télécharger le fichier original )
par Onan JULES
Universite d'Etat d'Haiti - Licence en Science Economique 2006
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

UNIVERSITE D'ETAT D'HAITI

FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES

GONAIVES

DEPARTEMENT DES SCIENCES ECONOMIQUES

 ANALYSE DES CAUSES ET CONSEQUENCES DE LA PAUVRETE RURALE

« ETUDE DE CAS DE LA REPUBLIQUE D'HAITI »

Mémoire de sortie présenté par l'étudiant :

ONAN JULES

En vue de l'obtention de la Licence ès Sciences Economiques

Sous la direction du professeur :

ALEX JULIEN

Maître ès Sciences Economiques

Promotion : 1995-1999

Avril, 2005

Remerciements

Tout d'abord, j'aimerais remercier le Grand Dieu de l'Univers qui est pourvu de toutes connaissances, de m'avoir donné la capacité nécessaire de faire ce travail de mémoire.

Ensuite, mes remerciements vont à mon père et ma mère qui ont consenti de grand sacrifice en vue de me permettre de commencer et d'achever ce cycle d'études universitaires.

Mes remerciements vont aussi à tous les professeurs de la Faculté, particulièrement à ceux qui ont travaillé au département des Sciences Economiques. En effet, nous avons vraiment profité des quatre années d'études avec eux. Plus encore, le professeur Alex Julien, pour m'avoir si patiemment guidé dans ce travail et qui ne m'a pas marchandé ses services, a droit à ma profonde reconnaissance.

Enfin, nos amis, pour nous avoir passé des ouvrages, des documents pour nous avoir encouragé si complaisamment, méritent notre reconnaissance.

Avant-propos

La situation dans laquelle se trouve le paysan haïtien a toujours été pour nous un élément d'intrigue. En effet, originaire natif natal d'une communauté rurale, Bassin Bleu, nous nous sentons touché et concerné par les problèmes du monde rural haïtien.

C'est ainsi que, après nos quatre années d'études en Sciences Economiques de l'Ecole de Droit et des Sciences Economiques des Gonaïves, notre choix a été porté sur la recherche de conditions de vie des ruraux et les conséquences immédiates qui en découlent ; d'où le titre du mémoire de sortie : Analyse des causes et conséquences de la pauvreté rurale : études de cas de la République d'Haïti.

Toutefois, nous tenons à signaler que ce travail a été réalisé dans des conditions difficiles surtout sur ce de trouver des documents haïtiens relatifs à ce sujet. Ainsi, notre travail n'a nulle prétention de cerner tous les aspects de la pauvreté rurale en Haïti, vu que cette dernière est multiforme.

TABLE DES MATIERE

Remerciements....................................................................................................................2

Avant - propos....................................................................................................................3

PARTIE INTRODUCTIVE............................................................................4

I.1-Justification du choix de recherche.......................................................................................5

I.2-Objectifs du travail de recherche...........................................................................................7

I.3-Hypothèses de travail.......................................................................................................8

I.4-Approche méthodologie utilisée...........................................................................................8

PARIE II: APPROCHE THEORIQUE ...........................................................10

II.1-Critères d'identification des pauvres...................................................................................11

II.2-La notion de sécurité alimentaire.......................................................................................13

II.3-Détérioration de l'agriculture et Pauvreté rurale .....................................................................15

II.4-Approche de la thèse du développement endogène...................................................................17

PARTIE III: LA PAUVRETE RURALE DANS LE MONDE...............................21

III.1-La pauvreté rurale dans les zones rurales des pays moins avances................................................21

III.1.1-Caractéristiques des pauvres des zones rurales....................................................................21

III.1.2-Avoirs des pauvres ruraux............................................................................................23

III.1.3-Quelques conséquences de la pauvreté rurale......................................................................25

III.1.3.a-Dégradation des ressources naturelles............................................................................25

III.1.3.b-Exode rural...........................................................................................................26

III.2-Etat de la question dans la région Amérique latine et Caraïbes...................................................29

III.2.1-Formes de la pauvreté rurale en Amérique latine et dans les Caraïbes.........................................30

III.2.2-Ampleur et tendances récentes de la pauvreté rurale.............................................................30

III.2.3-Classification des pauvres ruraux de la région.....................................................................31

PARTIE IV: LA PAUVRETE DANS LES MILIEUX RURAUX HAITIENS............35

IV.1-Généralités................................................................................................................35

IV.2-Situation et caractéristiques de l'agriculture haïtienne..............................................................41

IV.3-Les facteurs déterminants de la pauvreté rurale en Haïti...........................................................47

L'instabilité politique et les conflits civils...........................................................................47

Une tenure foncière mal définie ou inadéquate en milieu rural Haïtien.........................................48

La corruption et la recherche de l'avantage personnel parmi les dirigeants et

dans la fonction publique..............................................................................................53

Les politiques économiques discriminatoires a l'égard des pauvres ruraux.....................................54

Les chocs extérieurs d'origine naturelle ou lies a la situation économique internationale....................55

Les déséquilibres des politiques économiques et sociales.........................................................56

IV.4-Les conséquences de la pauvreté rurale en Haïti....................................................................57

PARTIE V: CONCLUSION ETRECOMMANDATIONS....................................62

Bibliographie...................................................................................................................72

Partie Introductive

La pauvreté dans le monde est de plus en plus perçue non seulement comme un fléau économique et social grave pour ceux qu'elle touche directement, mais, également, un facteur potentiel majeur de déstabilisation politique à l'échelle d'un pays voire du monde.

De nos jours, près de 1.2 milliard d'habitants sur notre planète vivent dans une situation de pauvreté extrême, avec moins de 1 dollar par jour1(*). Les profils sur la pauvreté qui servent de base aux multiples documents écrits sur le sujet jusqu'à date, conduisent pour la plupart à des constats semblables : quelques quatre-vingt-dix pour cent (90%) des pauvres sont des ruraux, quatre-vingt pour cent (80%) des agriculteurs sont pauvres, nombre d'entre eux sont trop pauvres pour se nourrir convenablement, et la plupart des pauvres urbains sont des immigrants récents. Dans son rapport 2001 sur la pauvreté rurale, le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) fait constater  qu'environ « 60% des pauvres de la planète continueront à vivre et à travailler dans les campagnes en 2020, et 50% en 2035 »2(*).

Ces chiffres font constater que la pauvreté rurale continue à gagner de jour en jour du terrain et constitue un problème majeur sur lequel les autorités étatiques mondiales, surtout celles des pays en développement, ont à se pencher sérieusement. En effet, il convient de signaler que la recherche de tout développement passerait avant tout par la réduction, sinon à l'éradication, de la pauvreté rurale.

I.1.- Justification du choix de recherche

La pauvreté en son essence est un fléau. En fait, elle détruit les aspirations légitimes de milliers de personnes en limitant leurs capacités à prendre une part active au développement d'une communauté, que ce soit au niveau local, régional, provincial, national ou international.

Cependant, bien que l'atténuation de la pauvreté et surtout la lutte contre la faim dans le monde restent des enjeux majeurs de l'époque actuelle, force est de constater que, les progrès accomplis jusqu'à présent restent nettement inférieurs à ce qui serait nécessaire pour atteindre ces objectifs, notamment dans les régions les plus pauvres de l'Afrique subsaharienne et dans certains pays des Caraïbes.

Toutefois, pour certains observateurs, quoique la pauvreté aboutisse au même résultat tant dans les zones rurales que dans les agglomérations urbaines, elle est plus prononcée dans les zones dites rurales que dans les milieux urbains. Comprendre les mécanismes d'existence de cet état de chose reste un premier pas dans les actions à entreprendre dans la recherche de toute stratégie de lutte contre la pauvreté rurale.

La République d'Haïti est considérée comme étant le pays le plus pauvre de l'hémisphère Nord et, avec un Indicateur de développement Humain (IDH) de inférieur à 0,5 (1999 - 2005) , l'un des plus pauvres du monde3(*). De larges couches de la population rurale vivent encore dans des conditions extrêmes de pauvreté, et se retrouvent, jour après jour, confrontées à la faim, à l'ignorance, au dénuement et à la maladie. Dans certains cas, il s'agit même d'une situation pratiquement sans issue de détresse et de privation où toute l'espérance humaine se borne au renouvellement toujours aléatoire du miracle. Déjà en 1998, une étude publiée par la Banque Mondiale estimait que 80% de la population rurale haïtienne vivait au-dessous du seuil minimal de pauvreté établi à 220 $US4(*).

Cette situation de pauvreté s'est accentuée par la crise structurelle multiforme que connaît le pays depuis plus d'une décennie entraînant ainsi l'exacerbation du phénomène d'exclusion sociale. Aujourd'hui, selon Patrick Develtere et Bénédicte Fonteneau5(*), moins de 3% de la population haïtienne bénéficient d'une couverture partielle en termes de protection sociale. De plus, 63% de la population n'a pas accès à l'eau potable et 55% n'a pas accès aux soins de santé. L'Etat haïtien est dans l'impossibilité d'assurer de façon continue une politique de satisfaction des besoins sociaux.

Selon les données les plus récentes de l'Institut Haïtienne de Statistiques et d'Informatique (IHSI), la population haïtienne est à 72% rurale6(*). Or, de tout temps, il est généralement reconnu qu'Haïti est un pays essentiellement agricole ; ainsi, cette prédominance marquée du secteur agricole pourrait laisser entendre que ce dernier constituerait l'objet d'une préoccupation soutenue de la part des autorités concernées par la politique agricole.

Malheureusement, de nombreuses études, publiées au cours des dix dernières années, mettent à nu l'ampleur de la misère dans laquelle vivent les ruraux haïtiens. Les nombreux efforts consentis tant par les instances locales à travers les divers plans quinquennaux ou biennaux que par les institutions internationales en vu d'un relèvement socio-économique dans différentes régions du pays n'ont pas pu atteindre jusqu'ici les résultats escomptés. Au contraire, les conditions de vie de la population rurale haïtienne ne cessent de s'empirer. La mise en évidence des principales causes et surtout des conséquences de ces contradictions permettrait sans nul doute de trouver des éléments de sortie de crise fiables face à cette situation.

I.2.- Objectifs du travail de recherche

Ce travail de recherche entend répondre à quatre (4) grands objectifs :

a) Identifier et analyser les différents aspects de la pauvreté dans les zones rurales.

b) Présenter la pauvreté rurale dans la région Amérique latine et les Caraïbes.

c) Identifier et analyser les causes de la pauvreté rurale en Haïti prise comme cadre spécifique d'étude ainsi que les conséquences de ce phénomène.

d) Indiquer des pistes de réflexion propres à conduire vers une politique visant l'amélioration de la situation socio-économique des pauvres ruraux Haïtiens.

I.3.- Hypothèses de travail

Les considérations théoriques qui ont été retenues et analysées conduisent à la formulation des hypothèses suivantes :

· La paupérisation du monde rural est préjudiciable à tout processus fiable de développement socio-économique d'Haïti;

· La détérioration de la production agricole en Haïti constitue l'un des facteurs clés de la paupérisation rurale ;

I.4.- Approche méthodologique utilisée

La documentation existante servira de base pour atteindre les différents objectifs de travail. Cette approche tient compte de certaines considérations théoriques sur le phénomène de pauvreté rurale dans les pays en voie de développement ; ceci permettra de faire un survol sur la pauvreté rurale en général afin d'y mieux saisir certains aspects pertinents.

Dans le cadre de ce travail de recherche, nous avons spécifiquement fait choix d'Haïti comme sujet d'études. En effet, des observations immédiates confirment l'incontestabilité de la dégradation effrénée des conditions socio-économiques dans les milieux ruraux. Ainsi, certaines familles qui jadis menaient une vie économiquement stable se trouvent aujourd'hui cruellement tourmentées par le spectre de la faim, et surtout par l'incapacité de satisfaire certains de leurs besoins essentiels. Notre travail de recherche tentera de mettre à jour les raisons de ce revirement.

Pour y arriver, nous allons exploiter les données de l'IHSI et de la BRH, les écrits de certains auteurs haïtiens, ainsi que les rapports techniques de certaines institutions internationales spécialisées.

Du reste, sur la base de cette documentation, nous avons engagé une approche inductive.

Dans son ensemble, ce travail de recherche comportera quatre (5) parties essentielles :

Dans la partie introductive sont exposés la problématique de recherche, la justification du choix du sujet, les différents objectifs et hypothèses de travail ;

La deuxième partie présentera les approches théorique et conceptuelle de l'étude ;

La troisième partie exposera les différentes causes, conséquences et caractéristiques de la pauvreté rurale dans le monde plus particulièrement dans les pays en développement (PVD) ;

Le cas haïtien sera analysé dans la quatrième partie ; et finalement,

Certaines pistes de solutions seront jetées dans la partie finale.

Partie II

Cadre théorique

Dans son sens le plus large, la notion de pauvreté est liée au non couverture des « coûts de l'homme »7(*). En ce sens, la pauvreté englobe tous ceux qui, dans leur vie de tous les jours, ne peuvent satisfaire le minimum de leurs besoins.

Selon Alberto Valdès8(*),  « On peur parler de pauvreté dans une société donnée lorsqu'une personne au moins ne possède pas le niveau de bien-être considéré comme un minimum raisonnable selon les standards de cette société ». Pour être plus précis, une communauté est considérée comme pauvre si deux (2) des éléments suivants lui font défaut : un système d'approvisionnement en eau, des installations d'évacuation des déchets au niveau familial, des routes accessibles pendant toute l'année, des écoles et des centres médico-sociaux accessibles à moins d'une heure de marche et des logements adéquats.

Si l'on entre dans la logique de cette définition de la pauvreté, on peut parler de pauvreté rurale quand dans une société rurale donnée la population se trouve confrontée à toute une série de problèmes socio-économiques structurels et conjoncturels qui menacent sa survie. Ainsi, la pauvreté rurale est un problème complexe constitué de nombreux éléments : les bas revenus, la faible consommation à cause de la faible productivité, l'inégalité dans la propriété et l'accès aux moyens de production, la précarité à la santé et à l'éducation, la dégradation des ressources naturelles, ainsi que le manque de pouvoir politique.

II.1.- Critères d'identification des pauvres

Pour identifier les pauvres, trois (3) approches sont généralement proposées : l'approche de la méthode directe, celle de la méthode basée sur le revenu, la troisième une combinaison de ces deux premières approches.

La méthode directe consiste à identifier tous ceux-là dont la consommation effective laisse insatisfaites quelques nécessités basiques.

La méthode des revenus consiste à calculer un revenu minimum nécessaire pour satisfaire les besoins primaires. Ce revenu une fois déterminé constituera ce qu'il convient d'appeler  un seuil de pauvreté.

Le seuil de pauvreté est l'instrument de mesure utilisé pour évaluer le bien-être et déterminer qui est pauvre et qui ne l'est pas. Les individus sont considérés comme pauvres lorsque leur niveau de vie tel qu'il a été mesuré est inférieur à un plancher acceptable. Le seuil de pauvreté est essentiellement défini comme la valeur du revenu ou de la consommation nécessaire pour assurer le niveau minimum d'alimentation et d'autres besoins.

Les seuils de pauvreté peuvent être définis de manière absolue ou relative.

Jeanne Baillargeon9(*) définit la pauvreté absolue comme une insuffisance de biens de première nécessité qui menace la survie de l'individu. Pour Valdès et Johan10(*), la pauvreté absolue correspond à la situation d'un individu ou d'un ménage par rapport à un seuil de pauvreté dont la valeur réelle est établie dans le temps.

Ainsi, la pauvreté absolue définit, pour le MPCE11(*)un modèle de subsistance minimale en termes de nutrition, logement, santé, habillement et autres nécessités considérées comme basiques. Le revenu considéré comme nécessaire pour soutenir ce mode de vie constitue le seuil de pauvreté absolue.

Valdès et Johan12(*) présentent une approche de la pauvreté relative qui correspond à la situation d'un individu vis-à-vis du revenu moyen du pays. Pour le MPCE13(*), la pauvreté relative considère de manière explicite l'interdépendance existant entre les seuils de pauvreté et la distribution de revenu. L'application la plus simple et la plus connue de cette approche consiste à retenir comme seuil de pauvreté le niveau de revenu qui sépare les 20 ou 40 % les plus pauvres du reste de la population.

Différentes mesures permettent une certaine comptabilisation de la pauvreté :

· le taux d'indigence de la pauvreté qui est défini comme étant le pourcentage de population dont le niveau de vie mesuré est inférieur au seuil de pauvreté. Cependant, cet indice ne saisit pas les différences entre les pauvres et ne donne qu'une première impression quant à l'ampleur du problème de la pauvreté.

· L'indice d'écart de pauvreté apporte, quant à lui, une bonne indication sur la gravité de la pauvreté à savoir, la différence existant entre le seuil de pauvreté et le revenu des pauvres exprimé en tant que pourcentage du seuil de pauvreté. Cependant, ce type de mesure ne tient pas compte de la distribution du revenu entre les pauvres.

Actuellement, l'une des notions les plus employées pour cerner l'état de la pauvreté dans un pays est la sécurité alimentaire.

II. 2.- La notion de sécurité alimentaire

Le premier effort à faire pour bien appréhender la notion de sécurité alimentaire est d'éviter de l'assimiler à celle de la vulnérabilité alimentaire. Alors que la première se réfère à la performance économique, la seconde correspond à la fragilité ou au manque de résistance face aux contraintes du système alimentaire. Toutefois, les deux se définissent basiquement autour d'un même concept qui est celui de « besoins alimentaires ».

D'après l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'Agriculture (FAO) et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les besoins individuels en aliments varient avec l'âge, le sexe, le poids corporel et le niveau d'activité physique. Par exemple, ils sont de 1900 calories pour une femme de 18 à 30 ans, pesant 50 kg et d'activité physique légère ; ils s'élèvent à 3700 calories pour un homme de 70 kg, dans la même fourchette d'âge mais d'activité physique lourde. Malgré tout, on peut parvenir à déterminer une moyenne individuelle pour un pays.

C'est ainsi qu'en 1990, la FAO a indiqué que le besoin moyen pour Haïti est de 2130 calories pour un niveau d'activité modéré.14(*)

Comme définie dans certaines études sur développement rural intégré, la sécurité alimentaire correspond à la capacité d'un pays à approvisionner régulièrement sa population en aliments nécessaires. Ceci peut être fait à partir de la production nationale et/ou d'importation de l'étranger. Dans certains cas, la sécurité alimentaire n'est assurée que quand le pays a la capacité financière d'acheter sur le marché international ce qui manque à la production nationale en aliment de base requis par la population. Une famille a de la sécurité alimentaire quand elle a accès aux aliments nécessaires à une vie saine pour tous ses membres (aliments culturellement acceptables et adéquats en termes de quantité, qualité et garantie).

Les objectifs de sécurité alimentaire consistent à assurer la production alimentaire adéquate, à atteindre le maximum de stabilité dans le flux de tels aliments et à garantir à tous l'accès aux aliments disponibles. En ce sens, la disponibilité des aliments et l'accès à ceux - ci sont deux déterminants essentiels de la sécurité alimentaire. Le premier n'implique pas automatiquement le second ; l'aliment peut être disponible, mais une famille, pour des raisons d'ordre économique peut ne pas y avoir accès.

Quant à la notion de vulnérabilité alimentaire, elle est un peu complexe. Ce n'est pas parce qu'une personne a plus d'aliments à sa disposition qu'elle est alimentairement moins vulnérable. Si elle reçoit ses aliments sous forme d'aide venant d'un autre pays, elle peut d'un jour à l'autre perdre le privilège d'en acquérir.

En ce sens, la vulnérabilité n'est pas forcement en relation directe avec le niveau de pauvreté ou de prospérité d'une personne, d'une famille, d'un groupe social ou d'un pays. Elle traduit la fragilité ou le manque de résistance vis-à-vis des forces naturelles, politiques, économiques, sociales et culturelles, capables de se manifester tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'espace géographique considéré15(*)

II.3.-Détérioration de l'Agriculture et Pauvreté rurale

L'agriculture est l'ensemble des opérations ou des travaux de culture du sol poursuivis dans un but de production des végétaux et des animaux utiles à l'homme. Elle est donc une activité économique, puisqu'elle emploie des ressources rares en vue de satisfaire les besoins alimentaires humains.

Dans l'histoire de la pensée économique, nombreux sont les économistes qui s'accordent à reconnaître l'importance de l'agriculture comme branche d'activité économique. Tout d'abord, pour l'école des physiocrates avec François Quesnay comme chef de file, toute richesse vient de la terre. Au 19e siècle, David RICARDO donna à l'agriculture une place privilégiée par rapport aux autres secteurs d'activités économiques.

Dans la majorité des pays moins avancés, les pauvres vivent essentiellement en milieu rural et sont tributaires pour leur survie de l'agriculture ainsi que du commerce, des services et des activités de transformation qui y sont liées. Ce qui sous entend que, la plus grande partie des revenus des pauvres vivant dans les zones rurales proviennent d'activités liées à l'agriculture.

En définitive, pour certains observateurs, la pauvreté rurale est en grande partie liée à la médiocrité de l'agriculture des pays moins avancés bien qu'elle ne soit pas le seul, toute détérioration dans la production agricole aura des incidences négatives sur les ruraux puisqu'ils tirent essentiellement leurs revenus et leurs possibilités d'emplois des activités agricoles.

L'existence de mécanismes de causes à effets entre l'agriculture et la pauvreté rurale entraîne que la pauvreté dans les zones rurales peut aussi causer la détérioration de l'agriculture. En effet, les agriculteurs pauvres, ne pouvant adopter des techniques de production plus intensives par insuffisances de revenus nécessaires pour acheter, hors de l'économie rurale, les intrants indispensables, en vue d'accroître leur production et leurs revenus. Donc, le seul moyen selon eux d'échapper à ce fléau est de fuir le milieu rural. Ce qui va entraîner une pénurie de bras pour produire plus de denrées alimentaires. C'est dans ce sens que, M. MICHAEL L., directeur de l'unité de recherche sur la pauvreté rurale de l'Université du SUSSEX (Royaume Uni) dans un rapport publié par le Fond International pour le Développement Agricole (FIDA)16(*) affirme que : « les programmes de réduction de la pauvreté doivent être réorientés en direction de l'agriculture et des populations des zones rurales ».

Le rapport indique notamment que, pour réduire la pauvreté dans les campagnes, il faudra encourager la production des denrées de base indispensables à la subsistance des populations pauvres des zones rurales. En conséquence, le développement de l'agriculture a un rôle direct à jouer dans l'atténuation de la pauvreté rurale.

Tout cela est pour démontrer la complexité de la pauvreté rurale. Sa réduction, tout au moins sa limitation, passe par l'élaboration d'un ensemble de stratégies inter- reliées qui doit aboutir à un développement rural harmonieux s'appuyant sur la participation effective de la population et les ressources du milieu.

II.4.- Approche de la thèse du Développement Endogène

Au cours de ces dernières années, certains changements au niveau du développement économique ont pu être observés. Ces changements témoignent de l'émergence d'un nouveau paradigme du développement, qui met désormais l'accent sur la prise en charge du développement par les milieux locaux eux- mêmes.

Dès lors, la problématique du développement endogène, apparaît au terme d'un long processus historique qui souligne sa pertinence dans la phase actuelle de mutation des structures et de l'organisation de l'économie.

C'est ainsi que, considéré comme stratégie de développement, le développement économique local a été expérimenté en France au début des années soixante-dix dans les zones rurales en difficulté. Il s'agissait, en fait, de mobiliser réseaux et potentiels individuels autour de l'idée de « pays », espace identitaire culturellement et économique.

Généralement, le concept Développement implique un mécanisme de changement. Ce changement repose essentiellement sur deux facteurs que sont l'innovation et la conservation. L'innovation comme générateur d'une création et la conservation comme processus de perpétuation des éléments dynamiques pour le maintien de l'identité culturelle. Ainsi, le développement est :

« Le processus par lequel une société se donne les moyens de mobiliser ses forces productives sans la transformation de son milieu en vue d'améliorer les conditions de vie et de bien-être de ses membres. Bref, un processus global incluant l'ensemble des aspects de la vie e impliquant la participation des collectivités locales tout autant à la prise de décision qu'à la réalisation des activités de développement. Ainsi envisagé, le développement réside moins dans un résultat atteint que dans un ensemble d'activités réalisées selon les attentes des collectivités concernées avec leur accord et leur participation ». (Bernier ,1984).

Dès lors, le développement endogène, désigne tout processus de mobilisation d'acteurs qui aboutirait à 'élaboration de stratégies d'adaptation aux contraintes extérieures, sur la base d'une indentification collective à une culture et à un territoire.

Le développement endogène ne peut être repéré de manière statique ; il s'agit essentiellement d'une dynamique. Les acteurs sont divers et ont des intérêts non nécessairement concordants, mais peuvent être en mesure de coordonner leur action sur des projets communs. Une elle dynamique se traduit concrètement par une stratégie, c'est-à-dire, une coordination implicite ou au contraire, concertée des actions des acteurs.

De ce fait, on peut dire que le développement endogène est celui qui émerge des initiatives et du dynamisme des communautés locales, il valorise les ressources humaines, financières et matérielles locales et suscite des comportements innovateurs axés sur la prise en charge, la créativité et l'esprit d'entreprise. Et l'on rejoint BERNARD Pecqueur pour qui « le développement endogène est une dynamique qui met en évidence l'efficacité des relations non exclusivement marchandes entre les hommes pour valoriser les ressources dont ils disposent ».

Dans un article publié en 1998 au journal « Le Nouvelliste »17(*) , selon l'Agronome-Economiste André Yves Cribb, l'expression développement endogène sert à designer le processus à travers lequel les efforts d'une population se joignent à ceux de son gouvernement pour améliorer les conditions économiques, sociales et culturelles des communautés, intégrer celles-ci dans la vie du pays et leur permettre de contribuer pleinement au progrès national. L'essence de la politique de développement endogène est : organisation pour l'action.

Dans ses principes, cette politique admet l'idée que toute population est à même d'initier le processus d'amélioration de ses propres conditions de vie. En d'autres termes, elle reconnaît que chaque communauté humaine est pourvue de grandes potentialités pour s'organiser et faire face avec des appuis ponctuels, aux problèmes basiques du développement.

En définitive, le développement endogène est une pratique de développent et non une nouvelle théorie qui complèterait celles déjà proposées, mais une méthode qui permet d'engager des processus à partir des propositions de la population tout en prenant en compte les contraintes macro-économiques.

Le développement endogène vise à recréer un espace structuré par des pôles, relativement autonomes, capables de négocier avec l'extérieur. L'objectif du développement endogène est de créer ou de faire exister à nouveau, un partenaire avec des rondes de négociation dans le jeu économique, social et culturel de la société globale.

Le développement endogène n'est ni un modèle exhaustif et exclusif d'autres trajectoires de développement ni une collection de recettes et de techniques pour le traitement de l'emploi au niveau local. Il s'agit plus sûrement d'un changement de regard sur les éléments constitutifs des tissus économiques, d'une méthode de mobilisation de potentiels humains et d'une appréciation du temps de développement à long terme.

Dans le cadre de ce travail de mémoire, face aux divers problèmes que confronte la population rurale haïtienne, prise comme cadre spécifique d'études, c'est l'approche du développement endogène qui est préconisée comme un des éléments de sortie de la paupérisation.

Partie III

III.1.- La pauvreté dans les zones rurales des Pays Moins Avancés (PMA)

III.1.1.- Caractéristiques des pauvres des zones rurales

La caractérisation de la pauvreté est un instrument analytique qui permet d'obtenir une vision générale des pauvres dans leur contexte économique, géographique, institutionnel et social.

Les pauvres ruraux vivent généralement de l'agriculture, de la pêche de la sylviculture et des petites industries et services apparentés. Pour comprendre comment la pauvreté affecte ces individus et ménages, et pour identifier les moyens de l'atténuer, il faut d'abord savoir qui sont les pauvres ruraux.

Les pauvres ruraux ne constituent pas un groupe homogène. Certains auteurs décrivent le caractère multidimensionnel de la pauvreté rurale qui comprend des revenus bas, un accès inéquitable aux biens de production, des connaissances insuffisantes en matière d'hygiène et de nutrition, une dégradation des ressources naturelles, ainsi que vulnérabilité et faible pouvoir politique. L'accès aux terres agricoles est un critère important de classification des pauvres ruraux qui amène à distinguer les cultivateurs, qui ont accès à la terre en tant que petits propriétaires ou fermiers, des non-cultivateurs ou travailleurs sans terre, non qualifiés. Il y a toutefois des chevauchements fonctionnels considérables entre ces groupes, dus aux stratégies que les pauvres emploient pour atténuer leur misère face aux changements économiques et sociaux.

Les cultivateurs, qui constituent la majorité des pauvres ruraux dans les pays en développement, travaillent directement à la production et à la gestion des cultures et du bétail. Etant donné que les petites parcelles dont ils sont propriétaires ou qu'ils ont en fermage ne suffisent pas pour assurer la subsistance de leur famille, ils prennent d'autres emplois, agricoles ou non, dans leur village et ailleurs. Certains membres de la famille migrent vers les villes, par alternance ou à plus long terme. Dans bien des pays, les petits propriétaires comme les fermiers sont de plus en plus poussés à quitter le secteur agricole. Cet abandon de l'agriculture est sous-tendu par les forces du marché et par les mesures prises par les pouvoirs publics influant sur les baux, les loyers, les prix, le crédit, les intrants et l'investissement public dans les infrastructures sociales et physiques.

Les non-cultivateurs sont peut-être les membres les plus pauvres de la population rurale. Leur nombre a crû rapidement en raison de l'augmentation naturelle de la population et de la déruralisation. Ces travailleurs dépendent de la demande saisonnière de main-d'oeuvre dans l'agriculture et dans les petites industries et services ruraux informels. Les travailleurs sans terre sont vulnérables face aux fluctuations de la demande de main-d'oeuvre, des salaires et des prix alimentaires. Il leur est encore plus difficile qu'aux petits propriétaires et aux fermiers d'avoir accès aux infrastructures et services publics. En outre, à la différence de leurs homologues des zones urbaines, ils sont souvent exclus des dispositifs publics de protection.

Les femmes, dans les populations rurales, tendent à souffrir beaucoup plus que les hommes. Leur dénuement et leur statut social inférieur dans la plupart des sociétés sont l'une des principales raisons de la pauvreté chronique.

III.1.2.- Avoirs des pauvres ruraux

La situation économique des pauvres ruraux est influencée par les différents actifs (et leur rendement) détenus au niveau des ménages et de la communauté et à l'échelon supra communautaire.

Les actifs physiques des pauvres comprennent le capital naturel (les droits à la propriété privée ou commune de la terre, des pâturages, des forêts et de l'eau), les machines, outils et bâtiments, le cheptel vif et les stocks de nourriture, et le capital financier (bijoux, assurances, épargne et accès au crédit).

Leurs actifs humains sont la force de travail des ménages et des communautés (qui est constituée de travailleurs différant par l'âge, le sexe, les compétences et l'état de santé).

Leurs actifs infrastructurels sont les transports et les communications, l'accès aux écoles et aux centres de soins, les installations de stockage, l'eau potable et l'assainissement, que ces services soient fournis par le secteur public ou par le secteur privé.

Leurs actifs institutionnels comprennent leurs droits et libertés protégés par la loi et leur participation au processus de décision dans la famille et la communauté, ainsi qu'au niveau supra communautaire.

Les deux premières catégories d'actifs sont largement réglementées de manière formelle et informelle par les individus et les communautés. La plupart des ruraux, et en particulier les femmes et les ménages sans terre, sont fortement désavantagés par le caractère inadéquat de leurs actifs et les rendements faibles et irréguliers qu'ils en tirent.

Les différences entre les groupes de pauvres ruraux apparaissent plus clairement dans leurs rapports à l'économie, qui déterminent la façon dont ils utilisent leurs actifs et participent à la production. Dans leur ensemble, les pauvres ruraux participent à la production de biens et de services destinés à l'exportation ou à la consommation locale. Les artisans et les travailleurs non qualifiés fournissent de nombreux services et des produits de consommation locale (comme les denrées alimentaires de base) que les petits cultivateurs produisent également. Toutefois, seuls les cultivateurs ont accès à de petites parcelles de terre par la propriété ou le fermage. Ils forment aussi le seul groupe de pauvres qui possèdent ou louent du capital physique, c'est-à-dire des outils, du matériel ou des machines. Les artisans et petits agriculteurs ne disposent que de quantités limitées de capital physique. Ils n'ont aussi qu'un accès limité au capital financier qu'ils acquièrent en grande partie par l'intermédiaire d'agents ou d'institutions informelles, à l'exception des fermiers qui peuvent accéder au crédit formel par l'intermédiaire des propriétaires de leurs terres. Les capitaux empruntés sont souvent coûteux et servent à maintenir la consommation pendant les périodes difficiles ou à acheter les fournitures et l'équipement nécessaire au travail agricole. La main-d'oeuvre familiale est employée à la fois au sein du ménage - sans rémunération - et en dehors, à des travaux rémunérés non qualifiés, agricoles ou autres.

Tous les groupes de pauvres ruraux sont très vulnérables face aux aléas du climat, de leur santé, des marchés, des investissements et des politiques publiques. Il en résulte des fluctuations des prix et des volumes de leurs actifs et de leur production qui peuvent soit aggraver leur pauvreté, soit leur donner la possibilité d'en sortir. Cela tient surtout au fait que les pauvres ruraux n'ont guère les moyens d'absorber les chocs financiers brutaux. En outre, les crises économiques et les catastrophes naturelles peuvent fortement aggraver la pauvreté, et les pauvres auront alors encore plus de mal à en sortir.

III.1.3.- Conséquences de la pauvreté dans les zones rurales

Les conséquences de la pauvreté dans les zones rurales sont multiples. Mais, dans ce travail de recherche, nous allons considérer celles que nous pensons les plus pertinentes, soient la dégradation des ressources naturelles et l'exode rural, chacune entraînant des mécanismes de causes à effets.

III.1.3.a.- Dégradation des ressources naturelles

Il existe un lien étroit entre la pauvreté rurale et la dégradation de l'environnement. En effet, la dégradation des ressources comme les terres et les forêts et le phénomène comme la pénurie d'eau douce privent la population des ressources fondamentales pour le développement.

En Amérique latine, la plupart des pauvres des zones rurales cultivent des terres particulièrement vulnérables à l'érosion. En effet, sans en être la cause principale, la pauvreté rurale conduit fréquemment à une dégradation des ressources. A cet effet, dans leur étude du cercle vicieux qui frappe les agriculteurs les plus pauvres, Lopez et Valdès tirent les conclusions suivantes: «A mesure qu'augmente la population, en particulier dans les zones où existent peu de possibilités d'emploi non agricole, se produit un processus d'intensification des cultures. Cette intensification dans le contexte de fragilité des sols conduit généralement à une dégradation rapide des sols, à moins que de lourds investissements soient consentis pour les protéger».18(*)

La pauvreté compromet la capacité d'assumer la gestion de la dégradation des sols car elle limite la possibilité d'économiser pour investir dans la protection des terres cultivées. Ainsi, promouvoir une gestion durable des ressources naturelles est un domaine qui doit faire partie intégrante de la politique communautaire vis-à-vis des pauvres des zones rurales.

III.1.3.b.- Exode rural

Le phénomène de l'exode rural est aussi lié à la pauvreté dans les zones rurales.

En effet, le terme d'exode rural, souvent employé dans le passé, est plus une expression destinée à émouvoir qu'une réalité. Exode au sens strict, signifie un départ en masse. Sous cette appellation, on désigne le plus souvent la migration des ruraux vers les villes, dès lors que celle-ci est relativement importante et continue.

De nos jours, les migrations massives de ruraux vers les villes concernent avant tout les pays en voie de développement. Pour l'ensemble des pays en voie de développement, on peut estimer que le flux net en direction des villes est de 18 à 20 millions de personnes chaque année. En Inde, c'est le cas pour près de 3 millions de personnes19(*).

En effet, c'est moins la misère des ruraux qui est à l'origine des mouvements que la différence du niveau de vie entre la campagne et la ville. Pour François Latortue20(*), le phénomène d'exode rural exprime la tendance à l'équilibre des revenus et de productivité dans tous les secteurs de la production. En fait, c'est l'un des grands problèmes de l'agriculture. Le phénomène d'exode rural s'explique par les difficultés inhérentes à l'exploitation agricole et les conditions particulièrement défavorables du travail agricole.

Les causes principales de l'exode rural découlent de plusieurs facteurs qui couvrent à peu près tous les aspects de la vie économique et sociale. Ce sont essentiellement les difficultés de la vie paysanne qui se traduisent par une faiblesse de revenus, l'insuffisance et l'inadéquation des services offerts en milieu rural et parallèlement l'attrait de la ville.

Certes, d'autres facteurs peuvent occasionner les mouvements des populations rurales, tels que: le facteur psychologique, la politique, les contraintes culturelles etc. ..., mais les causes les plus puissantes demeurent la situation socio-économique précaire des paysans. Car, assez généralement, c'est sous l'aiguillon de la faim, de la misère que se produisent les mouvements des populations. Les ruraux ne se résignant plus de leurs situations intolérables, attirés par le mirage dans les villes ou dans l'autre monde, s'émigrent puisqu'obligés à chercher autre part de nouvelles conditions de vie.

Cependant, si l'exode rural est l'une des conséquences de la pauvreté rurale, il est aussi une cause de la paupérisation rurale entraînant des conséquences graves dans les centres urbains. Ainsi, face aux situations de pauvreté et de malnutrition liées aux problèmes de dégradations de l'activité agricole devenant chaque jour de plus en plus alarmantes, les marges de manoeuvres des paysans demeurent fort réduites. Pour bon nombre d'entre eux, l'unique voie envisageable demeure l'exode rural. Ainsi, chaque année, un nombre élevé d'émigrants laissent les campagnes, se dirigeant, pour la plupart, vers la capitale et les autres villes de province nourrissant l'espoir illusoire d'emplois dans le milieu urbain. Mais, en réalité, ces infortunés ne font que changer leur misère de pôle dans la mesure où ils ne contribuent qu'à alimenter les bidonvilles, lieux de référence de la pauvreté urbaine. Ce qui va entraîner une élévation de la délinquance juvénile, dans le niveau de prostitution, de banditisme etc.

Dans son livre « L'Espace rural haïtien », Ernst Bernardin explique que « Ce phénomène traduit nettement le rejet d'une société inapte à garantir le droit à l'existence et la volonté de survivre sur des cieux plus clément même en bravant les plus graves dangers.21(*) Ainsi, cette situation d'abandon des zones rurales va affecter considérablement la production agricole puisque ceux qui pourraient travailler la terre l'abandonnent et la population aura tendance à s'appauvrir d'avantage puisqu'elle est constituée de vieillards, incapables de travailler.

Ce survol a permis d'identifier certaines causes et conséquences de la pauvreté rurale dans les PVD. Comme déjà signalé, le cas de la République d'Haïti sera étudié spécifiquement.

III.2.- Etat de la situation dans la région Amérique Latine et Caraïbes

La pauvreté, et plus particulièrement la pauvreté rurale, demeure l'un des principaux problèmes de la région globale formée par l'Amérique Latine et les Caraïbes, où 44% de la population totale et 64% de la population rurale vivent en dessous du seuil de pauvreté. La situation des pauvres est généralement plus critique dans les campagnes que dans les villes.

Dans les campagnes d'Amérique latine et des Caraïbes, la pauvreté et la pauvreté extrême constituent un phénomène pluridimensionnel, conditionné par des facteurs culturels, sociaux, et économiques. Elles y revêtent les caractéristiques suivantes :

1. l'exclusion sociale et économique et la discrimination fondée sur l'ethnie et le sexe ;

2. l'absence de services répondant aux besoins essentiels de familles rurales (santé, éducation, logement) ou l'accès limité à ces services. En raison des valeurs sociales et de médiocre développement des organisations rurales, les ruraux pauvres ont du mal à accéder dans des conditions d'équité aux ressources politiques et économiques ; et

3. les revenus sont inférieurs au minimum nécessaire pour permettre à la famille de se procurer les biens et services essentiels dont elle a besoin, y compris la nourriture.

III.2.1.- Formes de la pauvreté rurale en Amérique Latine et dans les Caraïbes

La pauvreté se présente sous deux formes principales dans la région : une forme structurelle et une forme transitoire. La pauvreté structurelle se rencontre principalement au sein des communautés indigènes parmi les femmes rurales et les minorités ethniques. Les victimes de cette forme de pauvreté sont généralement pénalisées par leur insuffisance ou leur manque d'instruction et de moyens de production, par leurs connaissances limitées en matière de production, par leur faible qualification professionnelle et par le manque d'accès aux services essentiels.

La pauvreté transitoire frappe les familles d'agriculteurs et les ménages ruraux qui n'ont que peu ou pas de terre et qui sont particulièrement vulnérables aux changements issus de la reforme structurelle, de l'évolution cyclique de l'économie et de l'instabilité sociale et économique. Tout changement soudain de politique économique ou toute crise a des répercussions sur les revenus agricoles ou non agricoles, et est pratiquement la cause de baises des revenus et de dégradation des conditions de vie.

III.2.2.- Ampleur et tendances récentes de la pauvreté rurale

Selon la commission économique des Nations Unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALAC), la région comptait, en 1999, 211.4 millions de pauvres (soit 7.6 millions de plus qu'en 1997), dont plus de 89 millions en situation de pauvreté extrême. Les taux de pauvreté demeurent beaucoup plus élevés dans les campanes que dans les agglomérations urbaines.

Toujours en citant les chiffres de la CEPALAC, pour une population rurale représentant au total 121 millions d'habitants, on dénombrait, en 1999, plus de 77 millions de pauvres dans les campagnes de la région, dont 7 millions se trouvaient en situation d'extrême pauvreté. La comparaison avec les chiffres de 1980 montre que dans l'ensemble, la proportion des ruraux pauvres est passée de 59.9 % cette année-là à 63.7 % en 1999. En chiffres absolus, le nombre des pauvres vivant en zone rurale était de 73 millions en 1980, tandis que celui des ruraux en situation de pauvreté extrême est passe de 39.9 millions à 46.4 millions en l'espace de deux décennies. Dans ces conditions, les progrès accomplis durant les années 90 en matière de réduction de la pauvreté n'apparaissent pas suffisants pour contrebalancer l'accroissement de la pauvreté observé au cours des années 80.

Source : CEPALC, in, Social Panorama of Latin America, 2000 - 2001

Quelques 8 à 10 millions de ménages ruraux sont dirigés par une femme ; 2 à 3 millions de femmes exercent une activité saisonnière dans l'agriculture ou l'agro-industrie ; et 30 à 40 millions de femmes ayant un partenaire masculin assument la responsabilité partielle ou totale de la production agricole et de petites entreprises rurales. Par suite des conflits intérieurs, de la migration des hommes à l'intérieur du pays et à l'étranger, des catastrophes naturelles et des répercussions de l'ajustement structurel, les femmes rurales sont devenues l'un des groupes les plus pauvres de la population.

III.2.3.- Classification des pauvres ruraux de la région

Selon le rapport 2000/2001 «Attacking Poverty » de la Banque Mondiale, la population rurale pauvre de la région Amérique latine et les Caraïbes comprend : les communautés paysannes indigènes, les pasteurs, les petits agriculteurs, les agriculteurs de subsistance et les paysans sans terre les salaries ruraux, les indigents de l'Amazonie et de la foret dense humide et les petits pêcheurs.

En valeur absolue, le groupe le plus nombreux au sein de la population rurale pauvre de la région est celui des populations rurales indigènes de la région andine, les nombreuses communautés indigènes et ejidos du Mexique, les populations Maya du Guatemala et les Mapuche de la région Sud du Chili. La majorité des familles appartenant à ce groupe vivent dans une extrême pauvreté et constituent les pauvres « structurels » ou le « noyau dur » de la population pauvre de la région. On estime que 24 millions de personnes, soit le tiers des ruraux pauvres de la région, appartient à cette catégorie.

Viennent ensuite les petits agriculteurs, qui représentent 27% de la population rurale pauvre d'Amérique latine et des Caraïbes et comprennent environ 4.6 millions de petits éleveurs, 8.5 millions d'agriculteurs et 11.3 millions d'exploitants qui se consacrent à la fois à l'agriculture et à l'élevage. Le principal trait distinctif de ce groupe est la possession de petites parcelles situées dans des régions arides ou semi-arides, à flanc de collines ou sur les versants de vallées irriguées. La production agricole exploite des terres écologiquement fragiles et est sujette aux caprices du climat.

Le troisième groupe comprend les agriculteurs de subsistance et les paysans sans terre (qui sont de 19.3 millions et 9.3 millions, respectivement). Les premiers sont des petits exploitants tandis que les seconds n'ont qu'un accès saisonnier ou annuel à la terre, qu'ils prennent à bail. Les familles de ces deux catégories d'agriculteurs sont parmi les plus pauvres de la population rurale, avec des revenus qui les placent bien en dessous de la limite de la pauvreté extrême en raison de leur base extrêmement limitée de production agricole et de leur dépendance à l'égard de la demande saisonnière sur les marches du travail ruraux et urbains.

La population rurale pauvre d'Amérique latine et des Caraïbes est concentrée à plus de 90% dans quatre grandes zones écologiques :

a) les versants des montagnes en zone subtropicale et les plateaux arides et semi-arides ;

b) les zones tropicales humides et semi-humides ; 

c) les vallées subtropicales ;

d) les plaines côtières.

Trente deux pour cent (32%) de la population rurale pauvre totale de la région vivent dans les zones subtropicales arides et semi-arides, qui couvrent plus de 9 millions de kilomètres carrés.

Les tendances de la pauvreté en Amérique latine et dans les Caraïbes se sont ressenties de l'absence d'améliorations dans la répartition des revenus. Les dernières estimations faites par la CEPALAC indiquent que, dans la plupart des pays, pendant les années 90, la situation ne s'est pas améliorée et elle s'est même aggravée dans certains pays. Dans des pays tels que la Bolivie, le Brésil et le Nicaragua, le revenu par habitant du quintile le plus riche (20% de l'ensemble des ménages) est plus de 30 fois supérieurs à celui du quantile le plus pauvre. Bien que plusieurs pays aient réussi à développer leur économie et à augmenter leurs dépenses sociales, et malgré les préoccupations croissantes que suscitent les inégalités, la disparité des revenus reste l'une des principales caractéristiques des politiques gouvernementales et l'un des principaux défis auxquels elles doivent faire face.

PARTIE IV

IV. LA PAUVRETE DANS LES MILIEUX RURAUX HAITIENS

IV.1.- Généralités

Haïti est un pays des Grandes Antilles occupant près de 27 750 km2 sur l'île d'Hispaniola qu'il partage avec la République Dominicaine.

Parmi les explications courantes de la pauvreté en Haïti, la rareté des ressources naturelles est souvent citée : superficie du territoire limité terre arable en quantité faible limitée, forte pente avec les ¾ du pays montagneux, peu ou pas de ressources minières connues etc. Une telle raison ne paraît pas cependant suffisante quand on compare la superficie d'Haïti à d'autres pays développés mais à faibles ressources aussi, voir Taiwan, la Hollande ou même quelques minuscules pays faisant partie du chapelet d'îles de la Caraïbes, Barbade par exemple qui est un petit pays doté de faibles ressources mais où le taux de pauvreté est faible.

Selon la Banque Mondiale, le seuil de pauvreté pour l'année 1992 en Haïti était de 2099 gourdes ; toujours selon cette même source, dans un rapport publié en 1998 sur les conditions des ménages ruraux haïtiens, le seuil de pauvreté a été estimé à 3321 gourdes en mars 1996, soit environ $220US au taux de 15gdes pour $1US. Bien que les chiffres paraissent montrer une amélioration dans les conditions de vie de la population rurale haïtienne, il ne faut point oublier que, parallèlement à cette amélioration, le taux d'inflation dans l'ensemble du pays affichait des augmentations graduelles qui éliminaient systématiquement les effets réparateurs de ce changement à la hausse du seuil de pauvreté.

L'enquête budget consommation des ménages réalisée par l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique pour la période 1999-2000, a pu recueillir les informations suivantes pour le seuil de pauvreté en Haïti, chiffres établis selon l'aire géographique à laquelle la population appartient :
Tableau 2

Le graphique 1 est beaucoup plus explicite ; il démontre les disparités économiques qui existent dans le pays. L'aire métropolitaine, du fait qu'elle constitue un réservoir où vient s'engouffrer la majeure partie immigrante de la population rurale, population jeune en soit et qui s'adonne surtout à des activités informelles pour sa subsistance, a un seuil de pauvreté double de celui de l'autre urbain en général et représente près de sept (7) fois celui de la population rurale. On peut aisément comprendre l'exode rural qui subsiste dans le pays.

Graphique 1 : seuil de pauvreté en Haïti (en gourdes)

D'après divers auteurs et études, c'est le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental et l'un des pays les plus pauvres du monde en développement pour beaucoup de chercheurs. Selon les données recueillies par la Banque Mondiale et le PNUD en 1997, son revenu par habitant de $US 250 est inférieur par rapport à celui de bon nombre de pays Africains et est loin inférieur à la moyenne de l'Amérique latine de $US 3320 (voir le tableau 3).

Tableau 3 : Indicateurs sociaux comparatifs en Amérique latine et dans les Caraïbes, 1996

Source : Banque Mondiale et PNUD 1997

Le graphique 2 illustre les disparités criardes existant entre diverses nations des Caraïbes et la République d'Haïti.

Graphique 2 :Evolution du PNB/Hab en Haïti en comparaison avec celui de quelques pays en Amérique Latine et dans les Caraïbes, 1996.

Ainsi, le phénomène de la pauvreté en Haïti se reflète dans ces indicateurs sociaux, qui sont nettement inférieurs à ceux d'autres pays de la région pris en comparaison.

L'espérance de vie n'est que de 57 ans par rapport à la moyenne de 69 ans en Amérique latine. Le taux de fécondité est de 4.8 pour cent comparé à une moyenne régionale de 2.8 pour cent, alors que le taux de mortalité infantile de 72 pour mille naissances vivantes, est à peu près le double de la moyenne régionale. La mortalité maternelle, à 6 pour mille, est une des plus élevées au monde. La malnutrition affecte environ la moitié des enfants de moins de 5 ans, et près de la moitié des Haïtiens adultes est analphabète.

Deux tiers (2/3) environ de la population haïtienne, soit 4.8 sur 7.2 millions, vivent en milieu rural où 80 pour cent d'entre elle vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Ces quelques variables représentatives qui suivent, présentées dans les statistiques de la Banque Mondiale du PNUD en 1997, indiquent que la pauvreté dans les zones rurales est plus prononcée que celle des milieux urbains.

Le taux de malnutrition chronique parmi les moins de 5 ans est de 35 pour cent en milieu rural, 30 pour cent en milieu urbain en dehors de Port-au-Prince, et 20 pour cent dans la métropole de Port-au-Prince. De même, la mortalité infantile est de 144 décès pour mille naissances vivantes en milieu rural, 135 en milieu urbain à l'exclusion de Port-au-Prince, et de 131 à Port-au-Prince22(*). Le tableau 2 présente un aspect récapitulatif de quelques postes de consommation du pays selon les deux milieux en 2002.

Tableau 4 : Quelques postes de consommation du pays par milieu en 2002

Source : IHSI

Cependant, il faut faire remarquer que la pauvreté rurale en Haïti, comme dans beaucoup de pays en développement, n'est pas homogène et varie de région en région. En effet, il n'y a pas matière de comparaison entre un pauvre rural vivant dans le Sud ou la Grande Anse et un pauvre rural du Haut Artibonite ou du Nord ouest. Tandis que pour le premier, le manque de liquidités financières pour faire prospérer un lopin de terre, l'insuffisance des centres et soins de santé ou des écoles pour une éducation adéquate constituent ses problèmes de tous les jours, pour le second, en plus des indices ci-dessus, l'insécurité alimentaire le guette toujours au tournant surtout que toute sa production dépend en grande partie des saisons de pluie. En effet, le progrès technique en matière d'augmentation de production ne l'a pas atteint.

Tableau 5 : Estimation de la Pauvreté Rurale par région (en %)

Source : Banque Mondiale, Enquête sur les conditions de vie en milieu rural, 1995

Ce graphique présente l'estimation en pourcentage selon la Banque Mondiale de la pauvreté rurale par région en 1995

Si l'on s'en tient aux chiffres des diverses institutions spécialisées sur la question, depuis la fin des années quatre-vingt, les conditions de vie de la population rurale haïtienne ne cessent de s'empirer. Selon les indices calculés par la FAO en fonction de la période (1989-1991) choisie comme référence, l'agriculture, la principale activité du milieu rural, est en déclin. L'indice de production agricole est passé de 104.4% en 1988 à 90.5 % en 1997. En ce qui concerne particulièrement la production alimentaire per capita, la tendance négative se révèle beaucoup plus accentuée. L'indice de production alimentaire per capita a chuté de 108.6% en 1988 à 80.4% en 1997.

Cette situation d'extrême pauvreté dans laquelle végète le paysan haïtien constitue un signe évident des conditions léthargiques de l'agriculture haïtienne, la principale source de revenus de plus de la moitié de la population. Une étude détaillée du secteur agricole haïtien est nécessaire pour pouvoir mieux cerner ces diverses statistiques élaborées par la Banque Mondiale, le PNUD et les centres de statistiques nationaux tels la BRH et l'IHSI.

IV.2.- Situation et Caractéristiques de l'agriculture haïtienne

« Haïti, un pays essentiellement agricole », telle est la définition que l'on trouve dans tous les manuels scolaires du pays. Pour corroborer cette assertion, les écrivains et auteurs se sont appuyés et s'appuient toujours sur les chiffres tirés des quelques recensements effectués dans le pays à travers son histoire. En effet, dans les périodes (1975-1976), (1981-1983), le secteur agricole en dépit de ses faibles performances, a contribué plus largement que les autres secteurs à la formation du PIB du pays. En 1989, la majorité de la population haïtienne était constituée de ruraux, soit 72%; ce qui laisse entendre qu'une large proportion de la population haïtienne s'adonne aux travaux agricoles.

Cette prédominance marquée du secteur agricole pourrait laisser entendre que ce dernier constitue l'objet d'une préoccupation soutenue de la part de toutes les couches sociales de la nation; préoccupation qui devrait se matérialiser par un effort constant et systématique d'organisation scientifique de l'agriculture afin de développer, d'améliorer, de perfectionner et de rationaliser le plus possible le travail de la terre.

Toutefois, la réalité nous force à constater le contraire. En dépit de son importance, déjà en 1969, pour répéter G. Pierre Charles, « l'agriculture  ne s'est caractérisée ni par sa productivité, ni par son dynamisme, ni par une tendance à se dépasser»23(*). Aujourd'hui encore, on est unanime à reconnaître que l'agriculture haïtienne est en train de faire face à une période très difficile de son histoire. Et, les différentes études et observations immédiates voient dans cette agriculture pratiquée par le paysan haïtien les causes les plus importantes de sa pauvreté.

L'analyse de l'évolution de la production agricole durant ces dernières années permet de constater en effet, de manière éloquente, la situation de crise dans laquelle s'enclise le secteur agricole. Presque toutes les rubriques de production agricole dénotent, en effet, cette tendance à la baisse. Au niveau de certains produits de base (riz, maïs, pois, petit-mil) occupant la plus grande partie de la superficie cultivée, la régression est quasi-totale. Comme l'indique le tableau suivant, de 1970 à 1974, la production des grains de base était de 562.2 milliers de tonnes métriques, alors que dans la période de (1980-86), elle était passée à 498 milliers de tonnes. Le déclin du petit-mil et du maïs a été tel qu'en dépit de la relative croissance du et du haricot, la tendance globale de la production pour les quatre produits évoluait vers la baisse.

Tableau 6 : Évolution de la production des grains de base de 1960 à 1986 en millier de T.M.

Source : Calculés à partir des données de  BRH, MARNDR, 1987

Cette situation a valu le recours à un niveau de plus en plus élevé d'importations de produits alimentaires qui passèrent ainsi de 37053.3 millions de gourdes en 1970-71 à 409.5 millions en 1980-81. En 1984-85, la valeur de nos importations alimentaires s'élevait à 429.4 millions de gourdes, selon les statistiques de la BRH.

Pour certains observateurs, l'agriculture haïtienne, de par ses caractéristiques est d'une part traditionnelle, d'autre part de subsistance, mais surtout dominée par la petite exploitation.

L'agriculture haïtienne est dite traditionnelle parce qu'elle n'utilise que les mêmes outils de nos ancêtres, c'est-à-dire, le paysan haïtien cultive son lopin de terre, en recourant aux méthodes archaïques les plus empiriques : la houe et la machette sont pratiquement ses seuls outils agricoles.24(*) De plus, il ne peut pas améliorer ses techniques de productions à cause de sa pauvreté, en vue d'accroître le rendement de ses exploitations d'autant plus qu'il est rarement encadré et s'adonne quotidienne aux procédés routiniers les plus désuets. Il plante sur sa terre, tous les ans, les mêmes espèces de produits. Ses semences sont médiocres et le rendement est faible. Il n'utilise pratiquement pas d'intrants dans sa production et le défrichage s'accompagne généralement de brûlis. Dans ces conditions, le sol s'épuise facilement pour ne produire à la longue que des denrées de qualité fort douteuse et dont la valeur nutritive, selon certains spécialistes25(*), est probablement réduite.

Pour enfouir ses semences dans le sol, le paysan haïtien y creuse des trous, soit à la main, soit à la machette, les sillonneuses n'existant pas en Haïti. Ce travail une fois accompli, il s'en remet à la nature et se livre rarement au sarclage systématique de son jardin. Ainsi, dans une certaine mesure, on peut attribuer ce traditionalisme de l'agriculture haïtienne à une acceptation pure et simple par le paysan haïtien, de son incapacité d'améliorer ses techniques de production.

L'agriculture haïtienne est dominée par le modèle de la petite exploitation. En effet, selon le recensement de 1982, sur un total de 616,710 propriétés, plus de 81.7% représentaient des petites exploitations allant de 0.01 à 1.55 carreau et 14.5% étaient compris entre 1.56 et 3.87 carreaux. Seulement 3.8% des exploitations étaient des propriétés entre 4 et 20 carreaux comptant pour un total de 150,350 carreaux sur 669,395 disponibles. Ce qui sous-entend que 96.2% des exploitations partageaient les 419,045 carreaux restant.

Cette répartition n'explique pas nécessairement que les 96.2% des petits exploitants soient des propriétaires. Pour la grande majorité, ils sont des petits fermiers et, pour la plupart, des métayers. Mais, l'une des caractéristiques importantes à souligner est le fait que les petites exploitations de plus de 0.5 carreau ne sont généralement pas regroupées sur une seule surface géographique; elles sont éparpillées à quelques lieux les unes des autres. Ce qui cause au métayer une baisse de productivité due à de longs déplacements fastidieux.

Si on effectue une analyse comparative avec le reste du continent, la production agricole haïtienne est reléguée à l'arrière plan au niveau de l'Amérique latine compte tenu du fait que la petite exploitation fait très peu ou presque pas appel aux intrants et aux procédés mécaniques. Le tableau suivant montre comment l'agriculture haïtienne fait la queue au niveau de l'Amérique latine avec 7kg d'engrais pour 982 hectares de terres cultivables par tracteurs comparé à 337kg d'engrais pour 46 hectares par tracteur au Costa Rica. Cependant, les engins lourds ne sont pas les seuls à être absents dans l'agriculture. Vers la fin de la décade 70, on y dénombrait seulement 1000 charrues à traction animale26(*). Si nous faisons l'hypothèse que celle-ci sont utilisées principalement sur les moyennes exploitations de 3.01 à 10 carreaux, nous trouvons à un moment déterminé qu'en moyenne, il y a une charrue pour chaque 146 carreaux de terres cultivables. Dans de telles conditions, la croissance de la production per capita ne sera pas facile à obtenir.

Le tableau 6 donne une estimation de la superficie moyenne cultivée par tracteur et consommation de fertilisant dans quelques pays de l'Amérique Latine en 1985.

Tableau 6 : Superficie moyenne cultivée par tracteur et consommation de fertilisant dans quelques pays de l'Amérique latine, 1985

Source : CEPAL

L'agriculture haïtienne est une agriculture basée sur la main d'oeuvre familiale. En effet, si les grandes et moyennes plantations facilitent la production à grande échelle en particulier celles des denrées d'exportation, le système de la petite exploitation sied bien à la production vivrière. Dans le premier cas, la production d'échelle exige, en effet, l'investissement d'un capital considérable vu que l'organisation du travail sur une base capitaliste est nécessaire si l'on recherche à obtenir le moindre rendement. Dans le second cas, l'exiguïté de la parcelle à cultiver rend inutile l'organisation de type capitaliste et par conséquent nécessite très peu de capitaux et de bras pour effectuer la besogne productive. Ainsi, Paul Moral a montré que dans l'agriculture haïtienne, la production est essentiellement basée sur le travail de la cellule familiale : « La famille restreinte, l'homme, la femme et leurs enfants, cinq à six personnes en moyenne, forment désormais la communauté la plus typique, dans laquelle le rôle de chacun est régi par les nécessités de l'exploitation ».27(*) Celle-ci se trouve donc contrainte de produire des biens de subsistance qui lui permettront non seulement de répondre à ses besoins alimentaires mais également de pouvoir se rendre sur le marché local pour l'échange d'un quelconque surplus, ce, pour assurer l'achat des biens qu'elle ne peut pas produire tels que : sucre, huile, gaz, savon, sel, allumette etc.

IV.3.- Les facteurs déterminants de la pauvreté rurale en Haïti

Diverses conditions tant intérieures qu'extérieures à la République d'Haïti engendrent et perpétuent la pauvreté rurale :

o L'instabilité politique et les conflits civils 

Depuis son indépendance en 1804, la République d'Haïti n'a jamais eu vraiment une période de stabilité assez longue propre à encourager les investissements dans le monde rural et à permettre aux ruraux d'acquérir certains actifs économiques. En effet, l'histoire du pays est une suite de guerres civiles, de conflits terriens où les principaux perdants ont toujours été ceux qui ne possèdent déjà rien, vu que ces derniers sont dans l'incapacité de défendre le peu qu'ils ont. N'ayant rien à perdre, ils font le jeu des grands propriétaires terriens qui les utilisent comme des pions pour la destruction en cas de conflits. Les conséquences immédiates de cet état de chose sont tout d'abord une absence de continuité dans le processus de relèvement des communautés rurales, à laquelle s'ajoutent des processus d'expropriation à chaque fois qu'il y a un changement de gouvernement ; ainsi, le paysan haïtien s'appauvrit de plus en plus à chaque période d'instabilité politique qui a des répercussions terribles sur l'économique. Rappelons-nous par exemple les conflits de Jean-Rabel et de Piatt à Saint Marc qui firent des centaines de morts et d'immigrés, pour ne citer que ceux-là.

o Une tenure foncière mal définie ou inadéquate en milieu rural haïtien

En Haïti, la terre n'a jamais été perçue comme un moyen pouvant permettre de créer des richesses, mais comme la richesse elle - même. Et le rôle de l'Etat semblait se résumer aux fonctions de distribution de cette richesse. C'est ainsi qu'on a assisté, au lendemain de l'indépendance et sous de nombreux gouvernements qui se sont succédés, à des mouvements de distribution des terres fertiles du pays aux grands dignitaires du régime sans se soucier aucunement de l'utilisation qui en sera faite.

Ce mode de tenure a contribué à aggraver la situation déjà précaire d'un nombre important de petits exploitants agricoles. Une analyse de ce système foncier et de ses caractéristiques permettra de conclure si effectivement la tenure foncière en milieu rural haïtien bloque la modernisation de l'agriculture et en conséquence contribue à la dégradation des conditions de vie des paysans.

La plupart des petits agriculteurs sont propriétaires des terres qu'ils cultivent ; mais ce droit de propriété s'insère souvent dans le droit coutumier et peut être contesté à tout moment. En général, ils n'ont pas les moyens de payer les frais juridiques pour faire préparer ou valider leurs titres de propriété. De plus, les biens fonciers se partagent entre héritiers. De ce fait, les exploitations se morcellent, et en un point tel qu'elles deviennent trop petites pour faire vivre une famille.

En effet, de génération en génération, l'exploitation agricole haïtienne s'est émiettée au gré des divisions successorales et de la démographie galopante (4 Million en 71, 8 million en 2000) pour atteindre des niveaux de seuil critique. Des chiffres officiels des recensements de 1950 parlaient d'une taille moyenne d'exploitation de 1ha 10, de 1ha 40 en 1971 (IHS, 73) si on considère que les agriculteurs à cette période cultivaient de moins en moins de bonnes terres dans les pentes et gagnaient sur les forêts, de 1ha 13 en 1995 (Word Bank, 1995). Selon des enquêtes partielles émanant d'autres organismes versées en la matière, la taille moyenne d'une exploitation agricole est estimée à 0,50ha environ.

Dans la réalité, selon IHSI, les terroirs agricoles sont atomisés en « des parcelles minuscules de 0.16ha en moyenne dans le Sud, atomisation due aux principes légaux d'égalité des Haïtiens dans le partage et de l'imprescriptibilité de ce partage, l'un et l'autre source majeure des conflits terriens »28(*). En plus, toujours selon IHSI, « le statut des terres marqué par l'indivision légale et une dissociation coutumière de droits sur la terre (droit de culture, droit de pâture, droit d'abattage d'arbres) vient compliquer la situation d'atomisation pour rendre presque impossible tout investissement à long terre avec les conséquences sur le déboisement et la baisse de fertilité des sols »29(*). Ce qui signifie que la superficie déjà faible en valeur absolue doit être pondérée négativement par la dispersion (atomisation des parcelles le constituant) et par le niveau de fertilité somme toute faible des sols. Selon des enquêtes de la FAO, 70% des terres seraient mises en valeur selon des conditions non sécuritaires : autrement dit 70% des exploitants d'aujourd'hui ne sont pas sûrs d'être sur la même parcelle demain.

L'étendue des terres cultivées en Haïti est divisée en celles du domaine privé de l'Etat, celles en faire-valoir direct et celles en faire-valoir indirect.

L'étendue du domaine de l'Etat n'est pas connue avec précision. On l'estime à 30% du territoire national soit environ 360 mille hectares, comme reproduit au tableau suivant.

Tableau 8 : Estimation des terres relevant du domaine de l'Etat en Haïti

Source : Jean André Victor, Sur la piste de la réforme agraire page 166

Les terres en propriété et les terres en indivision sont très répandues dans le pays. En effet, beaucoup de paysans agriculteurs sont impliqués dans des rapports de faire - valoir direct. En effet, dans le cadre de la première forme d'occupation des terres, l'exploitant cultive lui-même sa terre, avançant l'argent nécessaire à l'achat des intrants, recrutant des travailleurs salariés s'il ne veut pas travailler lui-même, et en recevant tous les fruits, bons ou mauvais. Cette forme d'occupation des terres est prédominante dans les montagnes où, selon chiffres du Ministère de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), 60% des terrains sont occupés dans le cadre de propriété coutumière et où les agriculteurs sans terres représentent 5% de la population30(*). Les terres en indivision communément appelées « biens mineurs » ne font pas l'objet d'investissement sérieux.

Le mode de faire valoir indirect, c'est à dire la mise en valeur de terres appartenant à des tiers atteint aujourd'hui un taux élevé avoisinant dans certaines régions les 47 % selon la FAO en 1997. Bon nombre de paysans aisés ne cultivent plus directement mais s'en remettent le plus souvent à des métayers, parfois à des fermiers pour recevoir une rente foncière. Ils diminuent ainsi les risques liés à la hausse des coûts de production ou les risques de marché (baisse des prix et mévente) dans un contexte d'ouverture de l'économie.

Fermage et métayage sont des pratiques très répandues en Haïti. On peut estimer que 90% des agriculteurs sont impliqués dans des rapports de faire - valoir indirect soit comme propriétaires, soit comme exploitants, ou les deux à la fois31(*). Le MARNDR signale que les surfaces faisant l'objet de tels rapports représentent probablement autour du tiers de la surface cultivée ; il est par contre difficile de donner une estimation nationale des proportions respectives du métayage et de fermage, dans la mesure où celles-ci peuvent varier d'une région à l'autre.

Le métayage (deux - moitié) est une tenure foncière dans laquelle l'exploitant paie au propriétaire une rente en nature sous forme d'un pourcentage de récolte. Il est très important de noter que le paiement de rente ne peut s'effectuer qu'après la récolte. De plus, les risques sont réduits pour l'exploitant : si la récolte est mauvaise, la rente à payer diminue en proportion, si la récolte est bonne, le montant de la rente sera plus important.

Les statistiques du MARNDR avancent que, en 1997, ce mode de tenure représente une superficie de 63.845 ha, soit 9% des terres. Le département du Centre compte 25% des terres en métayage tandis que le département du Nord - Ouest en a 2.081 ha soit 3.2%. Ordinairement, le contrat est un contrat oral ; il n'a effet que pour une saison de culture et sa durée dépend de la longueur du cycle végétatif.

Le fermage est sans nul doute un peu mois fréquent que le métayage, mais reste très répandu. C'est la location de la terre pour une durée et un montant déterminés par un bail. Dans le fermage en Haïti, il convient de souligner que la rente ou loyer de la terre est fixée et payable d'avance. Cette formule a des conséquences sociales très importantes, car le preneur doit être en mesure de débourser dès la signature du bail. Plus la durée du bail est importante plus grande est l'avance à consentir. Le preneur supporte un certain risque dans la mesure où ce qu'il doit payer est constant même si la récolte est mauvaise.

En 1987, les terres en fermage représentaient 96.656 ha, soit 12.5% des surfaces cultivables. Le département de l'Artibonite comptait une part considérable des terres en fermage soit 32% du fait que ces surfaces présentent beaucoup d'intérêt pour les ménages agricoles. Quant aux départements de la Grande - anse et du Sud, ils occupaient respectivement 17% et 9% du total des terres en fermage.

Tableau 9 : Répartition de superficies exploitées en hectares, suivant le mode de faire valoir par département géographique, année 1987

Sources : résultats préliminaires de l'enquête agricole national réalisés par ADS-II Saison agricole 1987. Haïti en chiffres

En définitive, la tenure foncière en milieu rural haïtien constitue un facteur de blocage pour le développement de l'agriculture. D'un côté, il y a la masse des petits fermiers qui travaillent la terre dans des conditions extrêmement difficiles soit comme fermiers, soit comme métayers associés ou comme main-d'oeuvre tout simplement. D'un autre côté se dressent une minorité de grands propriétaires parfois absentéistes qui occupent les terres les plus fertiles des différentes aires agro écologiques du pays. La situation de pauvreté dans laquelle vit les paysans encourage l'accumulation foncière au bénéfice de grands propriétaires tandis que le processus de paupérisation se développe.

o La corruption et la recherche de l'avantage personnel parmi les dirigeants et dans la fonction publique 

Comme nous l'avons déjà signalé, en Haïti, la corruption et la recherche de l'avantage personnel parmi ceux qui devraient faire progresser les choses représentent des facteurs de blocage pour tout processus de relèvement économique et du même coup retardent tout amélioration des conditions socio-économique des pauvres ruraux. En effet, dans l'administration Publique haïtienne, on retrouve beaucoup de fonctionnaires qui ne se préoccupent d'un projet de développement que si, et seulement si, ils peuvent en tirer quelque avantage financier. De ce fait, il y a toujours un retard au processus d'implantation de ce projet, retard préjudiciable au milieu dans lequel il devrait s'implanter vu que ce projet devait répondre à un besoin du milieu.

o Les politiques économiques qui sont discriminatoires à l'égard des pauvres ruraux ou qui les excluent du processus de développement et accentuent les effets d'autres facteurs générateurs de la pauvreté

Jusqu'ici, les diverses politiques économiques mises en place par les différents gouvernements dans le pays n'ont eu que des effets positifs mitigés sur le monde rural du fait que, le plus souvent, cette dernière n'est pas prise en compte. Ces politiques cherchent souvent une amélioration du bien-être général bien que les actions entreprises n'ont d'autres finalités que de diminuer la pauvreté urbaine, surtout dans l'aire métropolitaine. Que de projets, de séminaires, de plans ont été élaborés à travers le temps pour l'atténuation de la pauvreté en Haïti dont les résultats sont concluants : la paupérisation du monde rural gagne de plus en plus de terrain bien que, parfois, on constate une légère amélioration dans le monde urbain.

Il n'est point nécessaire de rappeler que l'agriculture a constitué et constitue encore pour la grande majorité des Haïtiens l'activité principale génératrice d'entrées financières ; en ce sens, diverses actions ont été entreprises afin de pallier à sa dégradation à travers différents plans quinquennaux ou biennaux. Cependant, chacun peut constater que les divers plans et surtout les objectifs poursuivis n'ont pas amené à des résultats concluants, n'ayant pas pu arriver à baisser le niveau de la pauvreté tant urbaine que rurale en Haïti.

o Les chocs extérieurs d'origine naturelle ou liés à la situation économique internationale.

La République d'Haïti, en tant que « petit pays » à l'échelle économique mondiale, subit les contrecoups de tout ordre venant de ses principaux partenaires commerciaux. Un changement de gouvernement aux Etats-Unis ou en république Dominicaine, un changement de politique extérieure du ministère des Affaires étrangères en France, etc., ..., ont des conséquences directes sur la vie économique nationale, les plus démunis étant les premiers touchés. Qui ne se souvient pas de la libre entrée du riz de Miami sur le marché local entre 1987 et 1990 ? Aujourd'hui encore, l'agriculture haïtienne ne s'est pas encore relevée de la perte de production qui s'en était suivie.

De plus en plus, la population haïtienne vit au rythme de la vie économique de ses partenaires, surtout des Etats-Unis et de la République Dominicaine, les deux étant ses principaux déversoirs de population. Cette situation se retrouve dans tout le pays notamment dans le Plateau Central, Le Nord Est, le Sud Est et le Nord Ouest.

En outre, n'importe quel ouragan, sécheresse ou autre catastrophe naturel qui aurait amené une baisse de la production tant agricole qu'industrielle dans ces pays précités, amènerait irrémédiablement des répercussions désastreuses considérables sur la vie des pauvres ruraux en particulier, vu la forte dépendance de ces derniers aux transferts d'argent ou de nourriture y provenant.

o Les déséquilibres des politiques économique et sociale

En Haïti, les déséquilibres des politiques économique et sociale ont contribué et continuent à contribuer à la pauvreté rurale en privant les ruraux des avantages du développement et en amplifiant les effets des autres facteurs de paupérisation. Les déséquilibres de la politique gouvernementale qui défavorisent généralement les pauvres ruraux haïtiens sont notamment les suivants :

· L'infléchissement systématique des investissements publics en infrastructures et des dispositifs de protection sociale en faveur des zones urbaines ; en effet, le plus souvent en Haïti, tout se fait par et pour la République de Port-au-Prince et ses environs immédiats, Pétion-Ville et Carrefour.

· Les mesures favorisant la culture d'exportation au détriment des cultures vivrières ; pratique qui depuis le temps de la colonie conduit le pays à cultiver en outrance deux (2) ou trois (3) produits d'exportation qui bénéficient de toutes les attentions que ce soient en traction animale ou mécanique (le peu que le pays utilise, bien sûr). Cependant, ces genres de culture n'ont pas toujours été profitables pour le pays vu qu'elles ne répondaient qu'aux aspirations des grandes nations importatrices de produits tropicaux, et cela, pour un temps. A cet effet, souvenons-nous des grandes plantations de sisal dans le Nord Est qui, après qu'elles ne furent plus nécessaires, ont laissé cette région aride, quasi inapte aux cultures, hostile à ses habitants.

· Les avantages accordés aux grands propriétaires terriens et producteurs commerciaux en ce qui concerne les droits de propriété et d'occupation des sols, les services publics de vulgarisation et l'accès au crédit ; nul n'est besoin de rappeler que les grands propriétaires terriens, depuis l'Indépendance, ont toujours bénéficié de tous les avantages possibles et imaginables dans le pays : crédits plus ou moins illimités basés tout sur la confiance, justice, meilleures opportunités d'investissement. Le système de crédit présente tellement de contraintes aux petits paysans que ces derniers se trouvent le plus souvent dans l'obligation de s'en abstenir : les garanties ou les intérêts sur prêts sont exorbitants d'où une exclusion systématique des petits paysans qui ne possédaient rien déjà.

o Ces politiques ont des conséquences directes tant à court terme qu'à long terme sur la pauvreté rurale vu qu'elles ne font que la renforcer.

IV.4.- Les conséquences de la pauvreté rurale en Haïti

Outre la dégradation des ressources naturelles qui par le fait que les paysans déboisent les forets protecteurs des sommets des montagnes et des pentes abruptes pour la fabrication de charbon de bois, l'exode rural représente un problème sérieux entraîné par la pauvreté dans les zones rurales.

En effet, face aux situations de pauvreté et de malnutrition liées aux problèmes de dégradation de l'activité agricole devenant chaque jour de plus en plus alarmantes, les marges de manoeuvres des paysans demeurent fort réduites. Pour bon nombre d'entre eux, l'unique voie envisageable demeure l'exode rural. Ainsi, chaque année, un nombre élevas de migrants laissent les campagnes, se dirigeant, pour la plupart, vers Port-au-Prince et les autres villes de provinces nourrissant l'espoir illusoire d'emplois dans les milieux urbains, mais, en réalité, ces infortunes ne font que changer leur misère de pôle. Cette alternative s'accompagne d'une dégradation de l'environnement, de la bidonvilisation, d'un chômage chronique, pour aboutir enfin à la dégénérescence de la macrocéphalie de la capitale et de certaines grandes villes du pays. Cet état de chose entraîne tout naturellement l'apparition d'un secteur informel dont l'apport à l'économie nationale ne peut être comptabilisé ... faute d'informations.

Un nombre beaucoup plus imposant de migrants constitués de gens des régions urbaines et d'une partie de ceux laissant les campagnes se dirigent également vers les États-Unis, la République Dominicaine, et d'autres îles de la Caraïbe; et souvent, ces voyages vers l'Amérique du Nord et les Caraïbes se réalisent dans des conditions d'absence de sécurité quasi-totale pour les démunis sur les frêles embarcations. L'aspect tragique de cette initiative est bien mise en évidence par de nombreuses pertes en vie humaines enregistrées en haute mer, lors de la traversée, les mauvaises traitements subis par les Haïtiens dans les nombreux camps de concentration où ils sont détenus et le refoulement pur et simple de ceux captés en pleine mer ou aux larges des côtes étrangères.

Les conséquences de la pauvreté rurale en Haïti étant les mêmes que celles déjà constatées pour l'Amérique Latine et les Caraïbes à un degré prêt32(*), il serait superflu de les répéter. Cependant, il s'avère nécessaire de présenter un ensemble de mesures adoptées par les paysans les plus pauvres, dans l'urgence, lesquelles mesures qui aggravent leur dénuement et leur pauvreté sur long terme : 

o interruption des études des enfants : ces derniers sont les premiers touchés par la pauvreté rurale: pas d'argent, pas d'école ; le peu qu'il y a est utilisé pour la survie de tous les jours. Ainsi, les enfants délaissent le système scolaire avec une éducation, somme toute, déjà bâclée. Plus tard, ils vont perpétuer la pauvreté de leurs parents.

o vente ou hypothèque de biens pour migration sans succès : Nassau, Etats-Unis, France, ..., pour ne citer que ceux-là constituent les « eldorado » de prédilection des paysans pauvres du pays dans leur recherche de vie meilleure. Ce phénomène est surtout courant dans le Nord Ouest (Bahamas, Miami), le Nord, le Nord Est, le Plateau Central et le Sud Est (Providence, Nassau, République Dominicaine). Cependant, rien ne garantit qu'ils aillent réussir dans leur entreprise ; dans la majorité des cas, ils perdent leur argent, parfois même leur vie. Ceux qui ont de la chance de parvenir à leur fin sont refoulés sur Haïti, plus pauvres qu'auparavant.

o escompte ou prêt à très court terme à des taux usuraires : le « ponya » est pratiqué dans toutes les régions du pays où ceux qui possèdent quelques sous les prêtent aux plus démunis à des taux exorbitants. Il faut dire que les paysans pauvres sont obligés d'entrer dans ce jeu macabre du fait que, pour le système de crédit formel, ils ne sont point éligibles, ne remplissant pas toutes les conditions requises. Ils auront à payer à court terme presque deux (2) à trois (3) fois ce qu'ils avaient emprunté, le plus souvent avec une somme une nouvelle fois prêtée encore à des taux usuraires. Ils s'engouffrent ainsi dans un dédale qui les enfonce de plus en plus dans la pauvreté.

o investissement dans des taudis sur des terres de l'Etat ou des terres squattérisées et souvent perte sèche des investissements : faute de moyens financiers pour se procurer un espace pour se loger, les petits paysans, surtout depuis la chute de Jean-Claude Duvalier en 1986, s'emparent de certains lopins de terre appartenant à l'Etat et construisent des petites maisonnettes, des « kounouk », construites avec des matériaux disparates. Ce phénomène assez courant sur toute l'étendue du territoire, occasionne souvent des heurts sur les terrains squattérisés appartenant à des particuliers et la perte des investissements consentis pour la construction. Les paysans pauvres peuvent à la fois et leur vie et leur argent.

o hypothèque d'équipements ou instruments de travail ou biens fonciers selon des conditions en dessous de leurs valeurs : pour se procurer un peu d'argent, les paysans pauvres font appel à la « plane », soit l'hypothèque de quelques objets de valeur ou de leurs outils de travail. Cette pratique, plus ou moins proche du « ponya », est assez répandue dans le monde rural. Le plus souvent, les petits paysans ne peuvent plus récupérer ces objets et les perdent pour des modiques sommes prêtées par des individus dénués de toutes scrupules.

o fabrication de charbon après destruction d'arbres et même de fruitiers : cette situation très répandue dans le temps dans le Nord Ouest, le Nord Est, et une partie du Plateau Central, touche de nos jours la quasi-totalité de la République d'Haïti ; ce qui démontre l'expansion de la pauvreté rurale dans le pays. Ce phénomène conduit cons à la déforestation totale du pays33(*).

o vente sur pied de récolte : nécessitant de l'argent frais dans l'immédiat pour se tirer d'affaire, le petit paysan vend sa récolte sur pied pour une modique somme perdant ainsi tout espoir de soutirer un bénéfice de tout le mal qu'il s'était donné au moment de la semence. Une semaine après, il va se retrouver dans la même situation de manque et de besoin avec, toutefois, aucun produit de troc ou de vente, sa misère et sa pauvreté s'étant accentuées.

PARTIE V

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Une analyse récapitulative de tout ce qui précède amène à ces différentes conclusions:

§ la pauvreté rurale dans les pays en développement gagne de plus en plus de terrain puisque près de trois (3) pauvres sur quatre (4) à l'échelon mondiale vivent dans des zones rurales;

§ la majeure partie des revenus de ces pauvres provient d'activités liées à l'agriculture ;

§ une large proportion d'agriculteurs se trouve plongée dans une pauvreté absolue ;

§ dans le cas de la République d'Haïti, la réalité de la pauvreté dans les zones rurales prend aujourd'hui des proportions manifestement dramatiques.

En effet, il est partout reconnu que la population d'Haïti est la plus pauvre de l'hémisphère occidental, les deux tiers environ de cette population vivent en milieu rural où la pauvreté est aigue ; quelque 80% de la population rurale vit en dessous du seuil de pauvreté. Ce qui est encore plus déconcertant, c'est que depuis la fin des années quatre-vingt, les conditions de vie de la population rurale haïtienne ne cessent de s'empirer. Selon des indices calculés par la FAO en fonction de la période 1989-1991 choisie comme référence, l'agriculture, principale activité du milieu rural, est en déclin. L'indice de production agricole est passé de 104.4% en 1988 à 90.5% en 1997.

Aussi, les observateurs sont unanimes à reconnaître que cette situation d'extrême pauvreté dans laquelle se trouve la population rurale haïtienne est sans nul doute le résultat des conditions dégradantes de l'agriculture haïtienne.

En effet, les conditions techniques de la production demeurent très défavorables à une politique de dynamisation du secteur primaire. La production agricole, en Haïti, comme on l'a déjà démontré, repose essentiellement sur l'emploi des techniques traditionnelles et primitives à savoir, la machette, la houe coloniale, celle à angle droit et accompagnée parfois de la pioche.

L'utilisation de la traction animale pour le travail du sol demeure très limitée. L'emploi d'intrants chimiques et biologiques est très rare. Selon un rapport de la FAO, Haïti utilise près de 4.1 kgs d'engrais/ha et possède ½ tracteur pour 1000 has.

Les conditions d'extrême pauvreté dans lesquelles végètent les paysans haïtiens, rendent impossible tout effort d'amélioration de leurs techniques de production visant à accroître le rendement du secteur à des fins de développement. Dépourvus de tout encadrement, ils se confinent dans l'utilisation des procédés routiniers les plus désuets.

L'analyse approfondie de la situation dans laquelle végète la population rurale et les caractéristiques de l'agriculture haïtienne donnent lieu de découvrir que des problèmes sérieux empêchent le développement de la production agricole et l'amélioration des conditions de vie en milieu rural.

Ainsi, ces faits nous autorisent à dire que la détérioration de la production agricole en Haïti constitue l'un des facteurs clés de la paupérisation rurale. Car, comme on ne cesse de le répéter, l'agriculture est la principale activité économique du monde rural. Une large proportion des ruraux, surtout les pauvres y tirent leurs possibilités de revenus. Par conséquent, toute détérioration dans la production aura des répercussions négatives sur la population rurale en particulier.

Pourtant, nous savons que des efforts énormes ont été consentis tant par des organismes internationaux, nationaux non gouvernementaux que par des organismes nationaux gouvernementaux en vue d'améliorer les conditions de vie des ruraux qui végètent dans une pauvreté absolue. Cependant, malgré tout, force est de constater que la population rurale n'arrive point à satisfaire ses besoins alimentaires voire les besoins non alimentaires. Les cultivateurs ont perdu le pouvoir de donner à la population rurale un panier de vivres alimentaires. On a là une agriculture qui n'arrive pas à nourrir même ceux qui la travaillent.

Face à cette situation effarante, des mesures urgentes passant par des politiques structurelles doivent être prises en vue de renverser la situation des pauvres des zones rurales.

Cependant, pour mettre au point des politiques qui aient une chance d'aider effectivement les pauvres ruraux, les pouvoirs publics devraient cibler les quatre (4) groupes principaux suivants :

· Les petits propriétaires qui cultivent leur terre ;

· Les fermiers non propriétaires qui cultivent la terre des autres ;

· Les ouvriers sans terre, employés à la tâche ou à long terme dans le secteur agricole ou non agricole ;

· Les femmes, qui peuvent aussi appartenir à l'un des trois groupes précédents.

Tous ces groupes profiteront des avantages d'une bonne gestion macroéconomique - qui aide à maîtriser l'inflation et maintienne des prix non subventionnés - propice à une croissance économique durable entraînée par l'investissement privé et la concurrence sur les marchés. Il est inutile de dire que des lois inéquitables ou l'application déficiente des lois en vigueur, l'exclusion des pauvres du processus de décision et la corruption généralisée dans le secteur public ne sont pas moins nuisibles au bien-être des pauvres qu'à la croissance économique globale du pays.

La lutte contre la pauvreté rurale passe notamment par une expansion agricole fondée sur l'application de techniques nouvelles. Cependant, l'effet de telles initiatives sur les pauvres ruraux dépend des conditions initiales, de la structure des institutions et des incitations. On sait que la stagnation de l'agriculture en Haïti a porté préjudice aux pauvres ruraux en créant des pénuries alimentaires surtout dans le Nord Ouest et le Haut Artibonite et en faisant monter les prix, ce qui réduit leur capacité d'acheter de quoi se nourrir et de trouver du travail.

On peut supposer qu'une hausse du rendement des cultures réduit à la fois le nombre des pauvres ruraux et la gravité de leur condition. Mais ces effets ne sont substantiels que si certaines conditions sont remplies d'après plusieurs économistes:

· Les marchés des biens fonciers et des capitaux ne sont pas faussés par une forte concentration de la propriété des ressources naturelles (terres agricoles), qui se manifeste notamment par des contrats d'occupation des sols inéquitables et par l'exclusion sur les marchés des capitaux (limitant l'accès aux financements) ;

· L'investissement public dans l'éducation et les soins de santé de base est important et utilisé de façon rationnelle ; le niveau d'instruction et l'état de santé des agriculteurs influent beaucoup sur la productivité agricole ;

· La recherche agricole bénéficie d'un appui important et efficace du secteur public et les petits exploitants profitent des améliorations qui en résultent ;

· Le capital physique, comme par exemple les réseaux d'irrigation et les routes d'accès, est suffisamment entretenu ;

· Des dispositifs de protection et d'aide sociales existent pour les très pauvres, en particulier les travailleurs (intermittents) sans terre et les femmes rurales, sous forme de programmes de travaux publics, de micro financements et de subventions alimentaires ;

· Les pauvres ruraux participent directement à l'identification, à la conception et à l'exécution des programmes, pour parvenir à une utilisation efficace des ressources et à une répartition équitable des prestations.

Là encore, bien que ces conditions seraient optimales, les acteurs doivent se concerter pour trouver des moyens différents de lutter contre la pauvreté rurale dans le cadre de stratégies nationales qui font intervenir les administrations publiques, le secteur privé à but lucratif et la société civile, soient :

· La collecte de l'information : les pauvres ruraux sont aux prises avec de nombreux problèmes différents et ils ne constituent pas un groupe homogène. Aussi convient-il de faire un effort durable pour rassembler des informations à propos des problèmes spécifiques qui se posent, afin de pouvoir y remédier comme il convient.

· La priorité au développement des ressources : le gouvernement doit évaluer quels sont les actifs dont les pauvres ont le plus besoin, pour les aider à gagner davantage. Il peut s'agir des terres agricoles ou d'autres ressources, de l'accès au crédit ou d'améliorations dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Si l'on compte exclusivement sur la main-d'oeuvre, sans se préoccuper de mettre en valeur les autres ressources, on laisse intacte la principale cause de la pauvreté persistante.

· Un droit d'accès adéquat à la terre et à l'eau : un vaste programme de reforme agraire - comprenant l'attribution de titres de propriété foncière, la redistribution de terres et un régime des baux agricoles équitable et applicable - peut accroître l'efficience des petits propriétaires - exploitants et fermiers et rehausser leur niveau de vie.

· Des soins de santé de base et alphabétisation : les pauvres ruraux ont besoin de développer leur capital humain pour pouvoir sortir de la pauvreté et contribuer davantage à l'économie et à la société. Les soins de santé de base (vaccination, accès à l'eau salubre et planning familial) et l'éducation (alphabétisation, scolarisation et formation technique) - en particulier pour les femmes et les enfants - sont des conditions fondamentales et devraient être accessibles à un coût raisonnable.

· La participation des intéressés : la meilleure façon de financier et d'entretenir l'infrastructure et les services de santé et d'éducation est de faire participer les groupes ciblés à leur conception, à leur emploi et à leur suivi.

· La mise en place de l'infrastructure : les pauvres ruraux ne peuvent pas faire le meilleur usage de leurs ressources, notamment humaines, si certaines des principales composantes des infrastructures physiques du pays (irrigation, transports et communications) et des services de soutien (recherche et vulgarisation) sont inadéquates, en qualité et en quantité. La meilleure façon de financer et d'entretenir les infrastructures sociales et physiques et les services - pour qu'ils soient efficaces par rapport aux coûts et d'une qualité raisonnable - est de faire participer les groupes ciblés à leur conception, à leur emploi et à leur suivi, et de responsabiliser les administrations publiques compétences.

· Un crédit ciblé : les sources de crédit informel et formel sont souvent trop coûteuses ou inaccessibles pour les pauvres. Les programmes publics ciblés rural, en particulier s'ils sont subventionnés, bénéficient beaucoup plus aux non-pauvres qu'aux pauvres. Ceux-ci veulent pouvoir obtenir des crédits à des conditions acceptables quand ils en ont besoin. Les récentes expériences de programmes de crédit centrés sur les collectivités, qui font appel à la participation active des pauvres dans les décisions en matière de prêts et les responsabilisent, ont permis de servir les groupes ciblés pour un coût raisonnable.

· Les travaux publics : une proportion forte et croissante des pauvres ruraux dépend du travail salarié, parce qu'ils n'ont pas d'autre actif que leur force de travail ou qu'ils ont par ailleurs des actifs très limités sous forme de terres et d'animaux domestiques. Un programme souple de travaux publics peut grandement aider ceux qui n'ont pas ou presque pas de terre à lisser les fluctuations des ressources du ménage et à faire face aux périodes de disette. Si ces programmes sont établis sur des bases durables, ils peuvent aussi renforcer le pouvoir de négociation des pauvres dans les zones rurales.

· Des programmes décentralisés d'aide alimentaire à l'exemple de l'Organisation CARE dans le Nord Ouest: certains pauvres ruraux vivent dans un état de malnutrition presque constant. Le soutien dont ils ont besoin diffère selon les circonstances, et peut leur être procuré sous forme de complément alimentaire, d'aide alimentaire fournie par les écoles, les centres de soins et les centres communautaires, ou de transferts monétaires. Les programmes d'aide décentralisés et ciblés semblent les plus efficaces.

Cependant, aucune de ces mesures n'aura d'impact positif sur le monde rural si elles sont prises sans la concertation des paysans. Aussi, proposons nous que ces mesures soient prises dans une perspective de développement endogène qui, dans son essence, admet l'idée que toute population est à même d'initier le processus d'amélioration de ses propres conditions de vie. Car, le développement endogène comme on le dit tantôt, a pour objectif :

- d'aider les gens à trouver des moyens d'organiser des programmes d'effort personnel ;

- de fournir des techniques d'action coopérative dans le cadre de plans que la population locale élabore et exécute pour améliorer son propre niveau de vie.

Aujourd'hui, le développement rural ne doit pas être considéré comme une oeuvre de bienfaisance sociale mais plutôt comme un investissement socialement rentable dans cadre d'une stratégie globale de relance de l'économie nationale. Les financements, consentie pour le réaliser, peuvent favoriser à la fois une croissance évidente de l'offre de produits agricoles et artisanaux ainsi qu'une augmentation considérable de la demande de ceux-ci. La clé du succès d'un tel processus de reprise économique réside dans le choix et l'agencement de mesures et actions définies dans le cadre d'une perspective de freinage de l'exode rural.

D'ailleurs, ne coûterait-il pas plus cher d'établir des migrants ruraux en ville que d'améliorer leurs conditions de vie à la campagne ? En fait, une simple observation des rues de la zone métropolitaine de Port-au-Prince permet de constater l'incapacité actuelle du secteur urbano-industriel d'accueillir les migrants ruraux. Les possibilités de redressement d'une telle situation à court et moyen terme sont très minces.

Une telle perspective exige une nouvelle conception de la ruralité de la part de ceux qui s'engagent dans le développement rural en Haïti. Le rural ne peut plus se réduire à l'espace agro-sylvo- pastoral. Sa dynamique est actionnée par son composant humain. Dans le cas d'Haïti, la réduction de la pauvreté rurale ne peut être assurée sans la prise en compte des questions suivantes : organisation des milieux résidentiels, insertion professionnelle des jeunes ruraux et réorientation des femmes-chefs de famille.

Par conséquent, le développement rural en Haïti exige une politique destinée à combattre non seulement des problèmes liés aux techniques de production agricole ou forestière mais aussi ceux relatifs à d'autres aspects économiques et sociaux. Une telle politique ne peut être conçue et menée à bonne fin qu'avec la participation active d'une équipe de cadres professionnels, choisis non sur la base du clientélisme ou de militantisme mais en fonction de leurs compétences. C'est seulement à ce modeste prix qu'on pourra mettre fin à la culture de la pauvreté rurale en Haïti.

BIBLIOGRAPHIE

LIVRES

Badouin Robert, Économie rurale, Paris éd. Armand Collin, 1971.

Bernardin Ernst A, L'Espace rural Haïtien, éd. Des Antilles, P- au -P 1991.

Georges Anglade, L'Espace Haïtien, éd. Des Alizés, Montréal 1981.

Gérard P. Charles, Économie Haïtienne et sa voie de développement, Paris

Maisonneuve, Larose, 1969.

Jacques Brasseul, Introduction à l'économie du développement, éd. Armand

Colin, Paris 1989,1993.

Jeanne B, Les Agents Économiques, éd. Gaétan Morin, 1986.

Jean Pierre Bibeau, Introduction à l'économie Internationale, 2 e éd. Gaétan Morin, Québec, 1993.

Louverture François, État de droit, développement et communautés, « Haïti solidarité Internationale », 1994, vol.1

Robert J. Gravel, Guide méthodologique de la recherché, Presse de l'Université du Québec,1993

Documents Officiels

Banque Mondiale : Haïti : Les défis de la lutte contre la pauvreté.

Rapport # 17242HA, volume I&II

IHSI : Enquête budget consommation, 1999-2000

IHSI, Étude sur les relations entre l'exode rural et la Planification urbaine en Haïti, 1989.

Agence Canadienne de Développement rural intégré, Le développement rural intégré, 1982-1983.

Mission Américaine de AID, Développement communautaire, dé finitions et Principes. Volume I, avril 1962

Revues

ECOSOF, La crise de la petite exploitation agricole en Haïti.

Volume I # 2, septembre 1996.

CEE, Lutte contre la pauvreté rurale (communication de La commission du 25 juillet 2003

David Satterthwaite, Les facettes de la pauvreté dans les zones rurales in, www.usinfo.state.htm

PNUD, Lutte contre la pauvreté. In, www.ci.undp.org/pauvreté2.htm

André Yves Cribb, Comment cesser de cultiver la pauvreté rurale en Haïti. In, http://www.aycribb.topcities.com

Lopez et Valdès, Pauvreté rurale en Amérique latine. In, www.fao.org

FIDA ,Journée sur la réduction de la pauvreté rurale dans Le monde. Communiqué mars 2002, www.ifad.org

DUFURMIER Marc, Quelles options pour l'agriculture en Haïti?

Conférence prononcée le 11 juillet 1986 à L'Institut Français d'Haïti.

* 1 FIDA : Journée sur la réduction de la pauvreté rurale dans le monde, communiqué mars 2002

* 2 FIDA, opcit.

* 3 Patrick Develtere et Bénédicte Fonteneau in Economie Sociale, Emploi et Protection Sociale dans un Etat faible : le cas d'Haïti, 2003

* 4 Wiens et Sobrado pour la Banque Mondiale, 1998

* 5 Patrick Develtere et Bénédicte Fonteneau, op. cit.

* 6 IHSI et Banque de la République d'Haïti (BRH), 2001

* 7 Jeanne B. : Les Agents Economiques, Ed. Gaétan Morin, Paris, 1988. P258

* 8 Alberto Valdès : Pauvreté rurale en Amérique latine, in www.fao.org

* 9 Jeanne B. Les Agents Economiques, éd. Gaétan Morin, 1988. P 258

* 10 Valdès et Johan : Pauvreté rurale en Amérique latine, in www.fao.org

* 11 MPCE, Stratégie de lutte contre la Pauvreté, 1995

* 12 Valdès et Johan, op. cit.

* 13 MPCE, Op. citatus

* 14 Braun et Al. 1990, cité par Yves André Cribb in Comment cesser la pauvreté rurale en Haïti, le Nouvelliste, 28 juillet 1998

* 15 Braun, et AL. 1992, cité par YVES ANDRE CRIBB, in Le Nouvelliste, 25 juillet 1998...

* 16 Afrique Relance, vol. 15 # 1-2 (juin 2001) p.37

* 17 Le Nouvelliste, # 35475- 35477, 1998

* 18 Lopez et Valdès: Pauvreté rurale en Amérique Latine in, www.fao.org

* 19 Données encyclopédiques, 2001 Hachette Multimédia/ hachette Livre

* 20 François Latortue, L'économie rurale et les problèmes de développement en Haïti

* 21 Ernst Bernadin, L'Espace rural haïtien, Avril 1991 ; p 316

* 22 Banque Mondiale et PNUD, 1997

* 23 Gérard Pierre-Charles : Economie Haïtienne et sa voie de développement, p. 45, Ed. Larose, 1969

* 24 Mission en Haïti, ONU, Lake Succes 1949, p 98

* 25 Mission en Haïti, Op. citatus

* 26 Capital Consult, Promotion des investissements en Haïti (Tome I) P-au-P, 1982

* 27 Paul Moral, Le Paysan haïtien, op.cit.

* 28 IHSI, op.cit

* 29 IHSI, op.cit.

* 30 MARNDR et Manuel d'Agronomie Tropicale, 1990 p 96

* 31 SACAD, Paysan Système et crise, 1999, p. 101

* 32 il faudrait cependant ajouter dans le cas d'Haïti la vulnérabilité alimentaire surtout dans le Nord Ouest

* 33 notez que Haïti est couverte à seulement 2% de sa superficie






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius