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Les processus d'urbanisation des petites villes a la grande périphérie de Tunis

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par Hatem KAHLOUN
 - Doctorat en Urbanisme et Aménagement 2008
  

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5. Comment résumer alors les résultats obtenus ?

L'analyse des petites villes n'a pas été un exercice aisé :

· elle questionne plusieurs domaines de l'organisation territoriale et en conséquence a nécessité de combiner plusieurs approches et méthodes et différentes échelles ;

· elle prend en compte des processus à la fois locaux et régionaux ;

· elle illustre l'interaction de processus complexes ;

· elle nécessite des adaptations méthodologiques permanentes en fonction de la diversité des cas étudiés et de l'hétérogénéité des contextes locaux.

L'analyse démographique a permis d'établir comment les petites villes subissent les effets des comportements migratoires régionaux et comment elles sont les plus affectées par la vulnérabilité démographique. La faible résilience des petites villes, c'est-à-dire leur incapacité à amortir les effets de la métropolisation, ne devrait pas fausser les réalités locales qui montrent qu'une grande partie de ces villes correspond à des localités répulsives à cause de leur faible dynamique économique.

La proximité lorsqu'elle exprime la distanciation géographique des petites villes par rapport à la métropole Tunis, n'apparaît pas comme le seul facteur de différenciation des rythmes d'urbanisation. Les processus d'urbanisation s'expliquent autant par les potentialités économiques et foncières des petites villes que par les distances qui les séparent de Tunis. Ainsi, l'avantage de la proximité métropolitaine recherchée par l'industrie, apparaît comme fortement déterminé par la rente foncière. Celle-ci est valorisée par la situation périphérique des petites villes.

Du fait de la proximité de la capitale, les petites villes sont devenues attractives. Cette attractivité se concrétise par l'appel à la main-d'oeuvre extérieure : les petites villes ont filtré les flux de l'exode rural en direction de Tunis. Elle est concrétisée également par l'accueil de migrants en provenance de Tunis et expulsés lors des opérations de dégourbification et de recasement engagées par les politiques urbaines, plus précisément dans les petites villes de la périphérie tunisoise, durant les années 1980. Ces processus expliquent l'urbanisation rapide des petites villes dont une large cohorte dépasse ainsi la barre des 20.000 habitants.

Malgré la proximité de la capitale, l'influence métropolitaine sur les transformations des emprises urbaines et sur l'espace bâti semble évoluer fréquemment de manière quasi-autarcique et l'intégration des petites villes dans l'aire de la métropole tunisoise paraît faible.

Le renforcement progressif et discontinu du niveau d'équipement des petites villes présente une forte sélectivité territoriale commandée par les disponibilités foncières locales le plus souvent contrôlées par l'Etat. L'émergence d'activités du tertiaire public est rare. Quand elle existe, elle traduit la diffusion de la métropolisation par une nouvelle distribution des activités sur les aires périphériques. En aucun cas elle ne constitue un nouvel atout car elle n'est ni une véritable spécialisation périphérique accordée aux petites villes, ni une autonomisation des échelles locales. Elle est l'expression de la domination métropolitaine qui certes profite aux petites villes mais ne facilite pas pour autant leur intégration spatiale.

L'évolution de la centralité des petites villes apparaît comme un bon indicateur de la qualité de l'urbanisation. Le renforcement des activités de commerce et de services a souvent accompagné l'étalement urbain des petites villes et a autorisé les centres locaux à suivre les configurations des tissus et les formes d'extension spatiale. Malgré l'étalement de la centralité locale et la diversification des activités tertiaires dans des petites villes telles que Grombalia et Medjez El Bab, l'appareil commercial local demeure fortement dominé par les activités banales et de proximité qui assurent la desserte de la population locale et rayonnent aussi sur les populations rurales périphériques.

La localisation des petites villes dans la grande périphérie de Tunis ne crée pas, au travers de leurs fonctions urbaines, de leurs dynamismes et de leurs échanges spatiaux et sociaux, des interactions de type petite ville - petite ville dans lesquelles le recours à la ville-mère n'est pas systématique. Les petites villes ne fonctionnent pas en réseau réticulaire et le système d'emploi est fortement dominé par la capitale qui n'assure pas une diffusion périphérique organisée. Les petites villes se présentent comme des localités périphériques fragmentaires dominées mais faiblement polarisées par Tunis. Leur désenclavement spatial suppose souvent un passage obligé par le centre ou par la zone péri-centrale. Bien que leurs dynamismes soient partiellement influencés par la proximité métropolitaine, ces localités périphériques ne peuvent pas s'appuyer sur leur fonction de ville-dortoir, pour prétendre devenir de véritables villes. Elles apparaissent, même si l'expression est exagérée, comme des dépotoirs métropolitains, ou comme l'affirme S. Leroy, "des couloirs d'accélération exclus de la dynamique métropolitaine."

Pour comprendre plus au fond les processus en cours dans les petites villes, l'exploration devait aller plus loin, jusqu'à s'interroger sur le fonctionnement des politiques de l'Etat et sur le jeu des pouvoirs locaux dans la transformation et le développement des petites villes.

Il apparaît que les villes avec leurs différentes tailles et leurs diversités fonctionnelles, morphologiques et économiques ne sont pas institutionnellement reconnues. Dans l'aménagement régional, les politiques de l'Etat ne définissent pas des stratégies spécifiques en fonction des tailles des villes ou de leur proximité métropolitaine.

Les petites villes ne se développent pas sur la base d'une programmation pluriannuelle de logement ou de projets urbains. D'un mandat à l'autre, dans certains cas en faisant appel aux opérateurs publics nationaux, les élus conçoivent leurs propres "stratégies d'habitat" compte tenu de l'intensité de l'offre et de la demande et de la disponibilité des réserves foncières. Ces stratégies, à court terme sont, dans certains cas, dictées ou imposées par l'Etat central ou par le conseil régional du gouverneur selon les objectifs des politiques nationales orientés essentiellement en faveur de la métropole ou des principaux centres secondaires de sa périphérie.

Nous avons relevé que les petites villes étaient peu concernées par les programmes de développement et de réhabilitation. Le choix des territoires éligibles correspond à un mode d'arbitrage politique engendrant des discriminations "positives" en faveur des territoires urbains ou ruraux inclus dans une géographie prioritaire aux dépens des petites villes faiblement dotées de potentialités locales. Dans une logique de "régulation urbaine élargie", le choix est opéré du fait de la nécessité d'intégrer des quartiers populaires, stigmatisés socialement, dans le fonctionnement normal de l'agglomération ou de la région et de leur permettre d'y impulser des processus et une dynamique urbaine. Les politiques publiques n'ont pas changé de perspectives : les modes de régulation demeurent basés sur des arbitrages faisant peu de cas des petites villes dans une approche globale de territoire.

Dans une région métropolisée, les petites villes apparaissent comme des territoires pénalisés par la pseudo-proximité métropolitaine. Les petites villes d'où émanent les doléances des populations locales, constituant la base électorale, sont dépourvues de structures politiques susceptibles de porter un discours responsabilisé et rationnel. La fragilité du pouvoir politique local réduit le rôle du pouvoir formel mais crée un autre type de pouvoir informel. Dans ces conditions, de nouveaux modes de régulation informelle et locale apparaissent. Ils sont basés sur une nouvelle forme de pouvoir local qui n'a pas de forme institutionnalisée. Les petites villes ne sont pas pour autant politiquement passives. S'y développent de nouvelles expressions de pouvoirs tentant de corriger la fragilité du pouvoir municipal.

Grâce à des "pratiques collusives" et à l'émergence de nouveaux réseaux de connivence et d'allégeance, de nouvelles formes de pouvoir apparaissent. Des alliances de circonstance autour des préférences politiques et économiques ou autour des enjeux fonciers entre élus locaux, notables, délégués et gouverneurs, composent ce nouveau mode de régulation parallèle. Ces stratégies locales occultes, circulent indirectement jusque dans les institutions politico-administratives déconcentrées de l'Etat, fortement disséminées dans les petites villes, et y constituent des "boites de résonance" entre l'Etat (le haut) et les petites villes (le bas).

Il apparaît que le surendettement des communes des petites villes est graduellement aggravé par les besoins croissants en infrastructures et en équipements des quartiers périphériques non réglementaires et/ou faiblement densifiés. Face à la déficience des ressources fiscales locales, la domination des dotations entières ou partielles de l'Etat prend le dessus sur toute tentative d'autarcie financière ou d'autonomisation des processus d'urbanisation.

Cette approche relativise grandement la notion de proximité appliquée aux petites villes de la région de Tunis. Leurs ressources et l'organisation des pouvoirs locaux ne les distinguent en rien des autres petites villes tunisiennes. Pour toutes, l'Etat, au travers des dotations permettant de réaliser les actions ponctuelles d'investissement, est omnipotent : il est l'unique pourvoyeur-régulateur de l'urbanisation à l'échelle locale. La question de la capacité des petites villes à financer leurs projets locaux, ne semble pas constituer un objectif au sein des politiques de l'aménagement urbain.

Au terme de cette recherche les processus d'urbanisation apparaissent lors de l'étude des petites villes comme étant un continuum chronologique de périodes et d'étapes d'évolution, de transition et de repli. Ils s'inscrivent dans un mouvement d'évolution dans l'espace et dans le temps. Ces processus locaux sont influencés par le processus de métropolisation qui se caractérise par une tendance, d'une part vers la concentration, et d'autre part vers la diffusion. Néanmoins, cette diffusion qui dépasse les limites régionales et administratives, est loin d'atteindre avec autant d'intensité les processus d'urbanisation des petites villes. Malgré la proximité de Tunis, la diffusion métropolitaine affecte d'une façon hétérogène les petites villes et débouche sur une occupation discontinue en fonction de la spécificité des contextes locaux et de la faible articulation entre les fragments désarticulés du système urbain tunisois.

La connaissance des processus d'urbanisation des petites villes apparaît comme essentielle pour comprendre les mutations socio-démographiques et économiques. Cependant, dans ces localités, l'importance des processus stratégiques commandés par les politiques publiques et par les pouvoirs locaux formels et informels ressort avec évidence. Est-ce un effet de taille ? D'échelle d'observation ? Quoi qu'il en soit, l'inscription de leurs actions et leurs pratiques dans l'espace et dans le temps doit être connue ne serait-ce que parce qu'elle explique les rythmes d'urbanisation, leur irrégularité et leur discontinuité qui se traduisent dans l'hétérogénéité des formes urbaines locales et la disparité des niveaux d'urbanisation.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon