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Solto na cidade - uruguaiana

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par Florence Emberger
ENSAPB - Master 1 2009
  

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    Solto na Cidade* - Uruguaiana

    Etude d'un marché auto-géré en centre ville à Rio de Janeiro

    Florence Emberger

    A mon Pépé

    Remerciements

    Agradecimentos

    Obrigadão a tudos os vendedores e atores do Mercado Popular da Uruguaiana que me ajudaram tanto a entender melhor este mundo. Agradecimentos especiais para o Felipe e o Murra, meus maiores ajudantes,

    Obrigado a Ludmila e Daniel pelo olhar de jovens arquitetos sonhadores sobre este mercado,

    Obrigado à Prefeitura do Rio de Janeiro que agora conheço do primeiro andar até o último,

    Obrigado a Roberto Anderson e Sydney pelo tempo e pelas historias,

    Merci à Janot de l'IPP pour les images et encore bravo pour l'utilisation du scanner,

    Obrigado a Dona Irene por ter-me deixada brincar de paparazzi

    Obrigado ao grande Marvio por sempre ter tentado me fazer desistir

    M erci à Alessia de Biase pour ses relectures et ses conseils.

    Merci à ma petite Marie, sans ton aide je serai probablement devenue une terroriste de l'entreprise Asus. Merci Asus de faire des ordinateurs performants ( Euh... )Merci Nasteho pour le profond soutien moral. Merci à Tigy, source de paix et d'inspiration. Merci à Hélene, Moumoute et Tipon, mes ~ deles relecteurs. Merci a Aline pour ses suggestions subtiles. Merci aux barões d'Aragon,

    Obrigado ao Oscar Niemer e o Wagner Moura

    Obrigado ao bar do Zé

    Merci à tous ceux que j'oublie et qui m'ont aidé de pres ou de loin par leurs soutiens, leurs suggestions Et merci en n à mon Edu, ma Line, Père et Mère pour tout tout tout!

    3

    SOLTO NA CIDADE - URUGUAIANA

    Etude d'un marché auto-géré en centre ville à Rio de Janeiro.

    Florence Emberger

    Maitre de mémoire Alessia de Biase

    Séminaire Architecture et villes face à la mondialisation Ecole Nationnale Supérieure d'Architecture de Paris Belleville

    Sommaire

    Incipit p. 9

    Introduction p. 12

    1 . Comment est apparu le Camelódromo da Uruguaiana? p. 15

    La Cohabitation avec l'informel dans le Centro à Rio de Janeiro p. 17

    Si tu vas au Centro...

    Pourquoi les camelots ont ils investi le centre de Rio de Janeiro?

    Des réponses aux invasions du commerce de rue. p. 40

    Les camelots, une priorité dès les années 80

    Naissance du Mercado Popular da rua Uruguaiana p. 53

    Aujourd'hui le Camelódromo da Uruguaiana en centre ville.

    Dé nition de quelques de termes propres au Camelódromo Situation géographique du Camelódromo

    Evolution du Camelódromo - Qui sont ses architectes? La répartition spontanée suivant la marchandise

    2 . Les coulisses du Camelódromo p. 65

    L'UNIO - Pillier du fonctionnement du Camelódromo. p. 66

    Présentation de l'UN IO ou Association de L'UNIO et la ville de Rio de Janeiro

    Être camelot à Uruguaiana. p. 80

    Qui sont les vendeurs du Camelódromo ? L'occupation de l'espace, entre accords et

    Faire partie du Camelôdromo ou ne pas faire partie Le petit vendeur indépendant existe-t-il?

    p. 105

    Rythmes de vie au Camelôdromo

    Les horaires d'ouverture et fermeture Mouvements et activités au cours de la journée Le Charmelôdromo du vendredi soir

    p. 126

    Uruguaiana, o mercado sem lei?

    3 . Quelle place pour l'informel en centre ville?

    L'estéhtique d'Uruguaiana

    Vivre l'espace d'Uruguaiana

    Quelles notions pour l'architecture de l'informel?

    L'auto-gestion en ville, une solution à prendre au serieux?

    Feintes et potentiels d'Uruguaiana

    Penser la ville à partir de l'exemple d'Uruguaiana

    p. 127
    p. 129

    p. 145

    Conclusion p. 151

    Références p. 158

    Incipit - En immersion

    Rio de Janeiro, Brésil 2007

    - Lapa, Riachuelo, Cruz vermelha, Presidente Vargas, Central, Candelâria!!!!!!!!!!

    - Tu passes par Uruguaiana?

    - Oui, tu montes?

    - C'est combien?

    - 2 reais

    - Ok

    Un petit van, lâché à pleine vitesse à travers la ville. Des rues étroites. Un soleil qui dessine des ombres fortes et sature jusqu'au blanc les tons des murs colorés. Puis l'avenue Presidente Vargas. Bordée de très hauts immeubles aux façades toutes di érentes mais parfaitement alignées entre elles, séparées par douze voies motorisées. Central. Grand terminal de bus, métro et départ des trains pour les banlieues de Rio. Commence a se dessiner la silhouette de l'église de Candelâria...

    - Uruguaiana, tu descends? - Oui, c'est ça merci.

    - Bon après midi, ~ ca com Deus1.

    Et voilà. Maintenant traverser 10 des 16 voies où la place du piéton n'a pas encore été pensée. Un vrai sport carioca. En face une immense structure mi métal-mi plastique se déroule sur tout le long du trottoir. Comme un immense mur opaque, fait de centaines de petites cabines mitoyennes, toutes

    1 - Formule de politesse fréquemment utilisée au Brésil lorsque deux personnes se séparent. Traduit littéralement par « reste avec Dieu ».

    recouvertes de Tee-shirts, lunettes, matériel de pêche, outils en tout genre, la liste est in nie. Il semble créer une limite infranchissable. Impossible d'imaginer ce qu'il y a de l'autre coté. En prêtant attention, on discerne une zone obscure; une brèche, voilà l'entrée... Bienvenue dans le labyrinthe. Il faut quelques secondes aux yeux pour s'habituer à l'obscurité. Un couloir étroit, bordé de part et d'autres par ces petits stands qui, en y regardant de près sont de vraies petites maisons. Mais en premier lieu on perçoit surtout un immense mélange de ~ ls et métal le tout recouvert de matériaux indé~ nissables, et noyé dans une mer de produits en tout genre. Les cheminements sont malgré tout bien tracés, mais il semble impossible de pouvoir se repérer dans ce dédale. Tout non initié se laisse guider par son instinct, pour ~ nalement demander une information à un vendeur qu'il jugera digne de con ance dans ce lieu dit mal fréquenté.

    - Oi amigo, où est ce que je peux trouver un portable pas cher? J'ai que 40 reais.

    - Bon, alors tu peux aller dans la quadra C et tu demandes Murra. C'est les troisième couloir après la place.

    - Euh... Quadra C?

    - Tu connais pas ici?

    - Non c'est la première fois que je viens.

    - Bon, suis-moi

    Commence un genre de course poursuite. Il a l'habitude d'évoluer dans ces couloirs étroits et slalomer entre les corps serrés les uns contre les autres. Pour un baptême c'est une épreuve. Suivre le guide, les yeux sont appelés de tous côtés par les produits présentés, suspendus sur toutes les surfaces imaginables. Il semblerait que ce lieu ne soit dessiné que par la marchandise. Chaque couloir apparaît à la dernière minute. Une place à l'air libre sur laquelle jouent quelques enfants, des gens sont assis sur des bancs alors que la majorité de la masse transite dans toutes les directions possibles. Puis de nouveau une suite de couloirs, cette fois ci plus aérés. Le toit semble plus haut et la lumière pénètre mieux. Un petit couloir caché et derrière un comptoir de verre, Murra.

    - Murra, t'aurais un portable pour quarante reais? - Rhumftf (genre de grognement)

    C'est tout un atelier, contenu dans un peu plus d'un mètre carré. Une petite table en bois, deux étagères, des petits tiroirs remplis de composants en tout genre, des accessoires de portables disposés un peu partout. Murra, sur son tabouret, s'active pour fabriquer un portable en piochant tous les composants dans ses tiroirs. Dix minutes d'attente, immobile au milieu de cette ruche en mouvement. Des hurlements de vendeurs. Un rythme soutenu de funk2. Le dernier ~ lm sorti au cinéma, projeté sur

    2 Le Funk Carioca est un style musical populaire typique de Rio de Janeiro. Genre d'évolution du Hip Hop, issu des des milieux pauvres, le Funk fait dans la plus part des cas une apologie au sexe ou à la violence. Ce style musicale est un réel emblème culturel de la favela.

    une petite télévision, et déjà en vente dans une boutique de ~ lms pirates. Un petit vendeur ambulant qui vend des boissons, poussant une caisse de polystyrène à roulette en éparpillant quelques glaçons sur le sol. Un brouhaha continu. Une nappe incohérente de ~ ls électriques. Et surtout l'impression que rien n'est ~ xe. Le lieu comme les personnes. Murra, s'arrête quelques instants et lève la tête vers son associé avec lequel il partage le périmètre...

    - Hé Rafael!! Tu peux faire un saut chez Tinna pour voir si elle a une micro, celui là ne fonctionne plus!

    Ne s'écoulent que 2 minutes et Rafael est déjà de retour avec un petit sachet transparent contenant du matériel électronique. Murra se remet au travail. Le portable est achevé en peu de temps, on tente toujours de négocier un peu plus, et voilà c'est réglé, et maintenant sortir d'ici. Ça c'est plus facile. Juste se laisser guider par la lumière à travers les couloirs, ça ~ nira bien quelque part...

    Introduction

    Le commerce informel, ou de rue, est un phénomène que connaissent tous les pays à plus ou moins grande échelle. Le Brésil ne fait pas exception, et encore moins Rio de Janeiro, ancienne capitale du pays. En circulant dans les rues de Rio, on est frappé par la quantité de petits vendeurs ambulants qui les arpentent. Du produit du quotidien comme des piles, des rallonges électriques, des torchons, des enveloppes, des cotons tiges, aux produits les plus insolites comme la machine à coudre portable ou la raquette qui électrocute les moustiques, on passe par les vendeurs de nourritures tels les brochettes, gâteaux, hot dog, croque-monsieur, jus de canne, hamburgers... La liste est longue. D'autres travailleurs de rue, d'une quantité non négligeable à mentionner également sont les « hommes sandwich », qui vivent en circulant dans les rues, vêtus de pancartes publicitaires. Suivant de nombreux paramètres, les deux principaux étant les accords passés avec la police et le rythme du quartier (horaires de passages etc.), la nature et les horaires de ces camelots varient. Ce type de commerce est strictement interdit par la ville, quali~ é de « marginal »,mais compte tenu de la quantité de gens vivant de ces emplois, des accords o cieux sont passés a n de les laisser travailler, et suivant le lieux ces accords sont plus ou moins souples. Généralement après 18 heures les camelots sont tranquilles. Avant cette heure, il n'est pas rare de les voir partir en courant avec leurs petits présentoirs, à l'arrivée de la police.

    Étant donné la quantité d'emplois générés par le commerce informel, des tentatives ont été faites pour les intégrer à la ville formelle. C'est ainsi que furent imaginés des espaces, baptisés camelódromos où les camelots seraient habilités à exercer leur activité en toute légalité. Au travers de ce mémoire nous allons à la rencontre de l'un de ces centre; le Camelódromo de la rue Uruguaiana situé en plein centre ville et qui est actuellement le plus développé de Rio.

    A Rio de Janeiro, tout le monde connait le Camelódromo de la rue Uruguaina, réputé pour ses prix attractifs et la diversité de marchandise. On y trouve de tout, Cds, DVD, matériel de pêche, vêtements, outils, matériel électronique, la liste est longue. Il est important de faire la di érence entre ce type de marché et ceux auxquels nous sommes habitués en France, qui se produisent périodiquement. Ces marchés périodiques (généralement hebdomadaires) existent également au Brésil, et sont appelés Feira. De nombreuses tentatives de Camelódromo ont été réalisées dans Rio est sa périphérie et aujourd'hui celui situé dans la rue Uruguaiana (et qui en porte le nom) est l'un des plus abouti. Malgré cela il génère une grande polémique au sein de la ville. Alors que toute une partie de la population l'a entièrement adopté, une autre dénonce le tra~ c de contrebande qu'il tolère et cache. Chaque descente de la police au sein du Camelódromo, est généralement accompagnée de la prise massive de marchandise illégale.

    La première fois que l'on m'a indiqué le Camelódromo da Uruguaiana, j'ai eu le droit à de nombreuses mises en garde, quant à la sécurité du lieu. C'est pour cela que les premières visites se sont faites avec un regard mé~ ant, souhaitant abréger le danger auquel je confrontais ma vie de Gringa3. C'est en y prenant petit à petit mes repères que je me suis rendu compte de du caractère `infondé des avertissements dont on m'avait fait part. Prendre ses repères est d'ailleurs un bien grand mot, car au bout de plusieurs mois je m'y perdais encore allègrement. Cela dit je prenais le temps de me promener, observer, et rester chaque fois un peu plus interrogative face à ce lieu.

    Le centre ville de Rio de Janeiro présente de nombreuses caractéristiques d'un centre ville auquel ma culture occidentale m'avait habituée. Rues pavées, trottoirs, immeubles hauts, bâtiments anciens... Et même si l'ensemble m'étonnait parfois, le tout restait à mes yeux cohérent et le dépaysement n'était pas trop brutal. Mais le fait de tomber dans un espace tel que le Camelódromo était réellement surprenant. Cet ensemble n'avait rien à voir avec ce centre. Comment était-ce arrivé là? Ce lieu paraît à la fois informel, et en même temps présente les marques d'un ensemble souhaitant s'inscrire dans la ville. Je me suis naïvement demandé, dans un premier temps, si les autorités étaient conscientes de son existence, tant le décalage avec le reste du centre était important.

    Alors que je m'accoutumais au Camelódromo, mes questions le concernant étaient croissantes. Il devenait évident que ce lieu faisait o ciellement partie de la ville, mais cette dernière ne semblait pas s'en occuper étant donné l'allure qu'il avait. De plus, de nombreuses rumeurs quand à la provenance des marchandises et à propos d'une main-mise sur le Camelódromo par la ma a chinoise laissaient deviner que l'investissement de la Prefeitura4 quant à sa gestion devait être di cile si ce n'est absent. Ainsi je commençais mes recherches dans les bureaux de la Prefeitura pour me rendre compte que personne ne savait rien, ne pouvait rien pour moi à part me donner un plan cadastral et un vieil extrait du journal o ciel municipal5. On m'a malgré tout conseillé quelques contacts qui se sont avérés très utiles par la suite.

    Les premières questions qui ont initialement guidé mon raisonnement furent : Comment est apparu le Camelódromo da Uruguaiana? Qui gère un tel espace? Qui y vient? Qui sont ses vendeurs? Quelle est leur di érence avec les petits commerçants ambulants qui peuplent les rues de Rio? Comment se sont ils organisés dans cet espace? Y a-t-il des clés pour s'y repérer? Comment s'intègre-t-il à la ville? De quelle manière participe-t-il à sa transformation Ainsi, dans un premier temps, au travers de mes recherches,

    3 Appelation initialement inventée par les mexicains qui désignaient les Nord Américains. Un Gringo est au Brésil toute personne qui n'est pas originaire du pays, ou parfois seulement d'Amérique Latine.

    4 Équivalent de la mairie, nous reviendrons sur ce terme dans la première partie.

    5 Diario Ofi cial do Municipio do Rio de Janeiro - N° 223 du 3 février 2000. Il s'agit de la Resolução SMG n°398. Après avoir établie une liste de vendeurs répartis sur plusieurs points de la ville la Prefeitura accepte l'usage des vides occasionnés par les travaux du métro pour le commerce de rue.

    essentiellement de terrain, mon objectif fut de comprendre quel était le processus de formation et de gestion d'un marché autogéré, tel que celui d'Uruguaiana, ainsi que de dé nir les conséquences de son existence à l'échelle de la ville.

    Ce travail est avant tout le fruit de nombreuses rencontres et discutions avec les vendeurs du Camelódromo, les clients, les acteurs principaux qui font fonctionner le lieu et ceux qui en sont à son origine. A ce sujet de nombreuses informations ont été très di ciles à obtenir. Le marché contenant des marchandises illégales, l'association de Camelots (appelée UNIO) ainsi que certains camelots ne se sont pas montrés très coopératifs. Pour obtenir certains éléments il a parfois fallu entrer dans ce jeu de l'illégalité. Le plan réel du Camelódromo par exemple est o ciellement inexistant, le seul consultable est celui dessiné par les architectes de la Prefeitura lors de sa création. Cela dit a n de s'organiser, les camelots ont à leur tour réalisé un plan rudimentaire qui restitue l'organisation réelle du Camelódromo. Ce dernier m'a été strictement refusé, et s'il est aujourd'hui présent dans ce mémoire c'est qu'il a été tout simplement volé, par une aide interne. Cela dit, même si certains ont été parfois soupçonneux et craintifs, la majorité a accepté de coopérer, bien évidemment dans la limite de leurs disponibilités, étant donné que je les dérangeais sur leur lieu de travail. De plus, le fait de s'appuyer sur des témoignages ne me permet parfois pas de conclure sur les a rmations avancées, les versions recueillies n'étant jamais objectives, je ne prendrai aucun parti et me contenterai de répéter et confronter les versions données.

    Ainsi après avoir cherché les réponses aux questions énoncées précédemment nous aborderons en second lieu quelques notions concernant le caractère auto géré du Camelódromo, et ce que cela implique pour le centre de Rio. Qu'il s'agisse de l'esthétique chaotique qui m'a personnellement fascinée, ou encore de la liberté apparente qui semble laisser place à une spontanéité et une capacité de transformation, qu'est ce que cela représente? Quelles en sont les limites? Cela a n de savoir si l'on peut considérer Le Mercado Popular da Uruguaina comme un organe vital de la ville ou on contraire un de ces fardeaux qui nuisent à son développement.

    Ce mémoire veut s'inscrire dans la continuité des ré exions sur l'autogestion et voir comment cette dernière s'insère dans la ville gérée par un système à l'échelle nettement plus importante. Alors que les prises d'initiatives semblent de plus en plus complexes au sein de notre système globalisé, nous chercherons à poser un regard sur un lieu totalement autogéré, dans le but de mieux comprendre ses mécanismes, mettre au clair ses forces et ses faiblesses. Sans vouloir faire une apologie de l'informel, ce qui serait faire l'impasse sur un trop grand nombre de paramètres mon envie fut de constater comment formel et informel cohabitent, et si cette cohabitation est uniquement le résultat d'une hypocrisie entendue, ou si au contraire elle pourrait un jour avoir sa place, donnant naissance à une série de compromis qui nous permettrait de projeter la ville de manière di érente.

    15

    1

    Comment est

    apparu le

    Camelódromo

    da Uruguaiana?

    I. Comment est apparu le Camelódromo da Uruguaiana?

    Depuis le vieux continent nous parviennent de Rio des images variées. Entre les plages, le carnaval mondialement connus et les favelas et leur violence dont les médias nous font part de temps à autre, cette ville nous montre di érents visages dont les compatibilités nous semblent parfois déroutantes. Même si ces représentations sont des caricatures de la ville, laissant sous silence une multitude de facettes de la vie carioca, elles n'en sont pas fausses pour autant. Malgré son statut de première puissance économique d'Amérique Latine1 , le Brésil est un pays ou les inégalités sociales sont les plus importantes2, Rio ne faisant pas exception. Une majorité de la population vit dans la favela, et l'écart se creuse entre une petite élite et la majorité de la population aux faibles revenus, laissant entre elles une petite place aux classes moyennes, en minorité face aux plus démunis.

    C'est pourcette raison quese développent parallèlementdeux industries,quecohabitentquotidiennement deux mondes. D'un coté l'univers formel, inclu dans le système capitaliste mondial, dont la population a rejoint un modèle occidental du premier monde, et se cloitre dans des condominios3, a n de se protéger du second qui peuple les favelas et gagne sa vie par les métiers de l'informel ou à la rigueur occupe le premier niveau de l'échelle du monde du travail. Les di érences ne sont pas qu'économiques, deux cultures se développent parallèlement, sur le plan du mode de vie, des productions artistiques, etc.

    Il arrive cependant que ces populations se mélangent de façon temporaire, autour d'une roda de Samba, ou encore le samedi soir des jeunes des classes aisées partent se mêler aux habitants des favelas pour participer à un baile de funk ou de pagode. Car en e et, si ce milieu est craint, il fascine également. La favela, réputée pour sa dureté de vie, accompagnée d'une forte cohésion devient source de folklore et de fantasmes romantico-sociaux. Cela s'exprime par exemple par le développement du tourisme au sein des favelas (favela tour4 pour n'en citer qu'un), ou encore le succès international de ~ lms tels que la Cité de Dieu, ou plus récemment Troupe d'élite (qui a remporté un ourson d'or à Berlin). Sans nul doute Rio est l'emblème à juste titre d'une cohabitation sociale et culturelle impressionnante...

    1 Burleigh Marc (9 octobre 2008) « L'Amérique Latine injecte des milliards pour affronter la crise fi nancière », Le point, Rubrique économie.

    2 D'après une étude de l'ONU effectuée par Judith Morrison en 2007, 59% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, mais leur participation à l'économie ne représente que 20 % du PIB. Le Brésil se retrouve au rang de 2e pays aux inégalités sociales les plus élevées, derrière la Colombie.

    3 Le condomino est le nom brésilien donné aux gated communities, ces lieux de résidence fermés et surveillés, desquels, idéalement on ne sort jamais car tout y est déjà réuni (services, loisirs...).

    4 Il s'agit d'un organisme qui propose aux touristes de les emmener visiter les favelas cariocas et leur faire découvrir les coins typiques de la vie dans la communauté à bord de bus climatisés. Toutes les informations sur http://www. favelatour.com.br/

    19

    Centro - Arrivée sur le Largo da Carioca

    La Cohabitation avec l'informel dans le Centro à Rio de Janeiro Si tu vas au Centro...

    La ville de Rio est composée de nombreux quartiers aux caractéristiques di érentes, aussi bien sur le plan de l'architecture que celui de l'usage du rythme de vie... Celui sur lequel nous allons nous pencher au cours de ce mémoire, celui dans lequel se situe le Camelódromo de la rue Uruguaiana est le quartier nommé Centro, où littéralement le centre.

    Centro - Rio de Janeiro : A huit heures du matin, un soleil déjà chaud fait briller le verre teinté des gratte-ciels et illumine de grands panneaux publicitaires aux couleurs des banques et des compagnies téléphoniques. Les costumes complets, tailleurs et attachés-case s'agitent, créant des ~ ux à travers les rues pour se diriger vers les hauts buildings sécurisés et emprunter des ascenseurs dans lesquels un homme passera sa journée à demander « quel étage? ». Les avenues sont rythmées par les allées et venues de la société active brésilienne. A milieu de ce ~ ux, de nombreuses interférences. Sur les trottoirs de pierres portugaises, des petits vendeurs de sucreries, de logiciels et ~ lms piratés ou de repas sur le pouce, des hommes sandwichs qui proposent de débloquer des portables, de racheter des bijoux ou encore de gagner de l'argent rapidement par de mystérieux moyens, constituent toute une série d'obstacles mouvants. Et ce n'est pas parce que tout ce petit monde travaille qu'il ne sait pas se détendre. À la sortie du bureau, on pro te de la ~ n de journée pour aller boire une bière à une terrasse de café ou dans un boteco5 suivant la préférence. Pour ceux qui habitent loin se sera un caldo de cana6 acheté en route avec un pastel de queijo7 pris à coté du parc de Santana avant de monter dans un train à Central direction Madureira, Bangu...

    Quelques heures plus tard le schéma est tout autre. Tailleurs et attachés-case sont déjà repartis en bus, train ou voiture pour retrouver leur chez-eux, laissant le terrain libre à l'obscurité8. Restaurants et bars ne tardent pas à fermer: pour se divertir mieux vaut aller à Botafogo, Ipanema ou Gàvea (quartiers de Rio). Les lumières des bureaux allumées 24h/24 et des hôtels viennent dessiner une nouvelle architecture ~ gée à la lumière vaporeuse et prismatique; celle d'un quartier dont toute vie nocturne ne sort pas de ces bâtiments climatisés, et où seul quelques rares voitures circulent. Et alors que les rues du Centro paraissent s'endormir, une nouvelle vie commence. Des ombres furtives se regroupent, et réunissent des cartons-matelas a n de créer des dortoirs collectifs. Des groupes d'enfants trottinent. Ce soir c'est l'anniversaire de Sandro qui, une fois n'est pas coutume, descendra de son kiosque à journaux pour rejoindre d'autres enfants. Ils ont acheté un

    5 Petit bar à l'ambiance populaire et chaleureuse.

    6 Jus de sucre de canne - Boissons fréquemment vendue par les camelots qui se promènent avec un stock de canne à sucre qu'ils broient à l'aide d'une machine sous les yeux du client.

    7 Le pastel est une sorte de chausson frit à la pâte fi ne et garni dans le cas présent de fromage (queijo). Par souci d'honnêteté je tiens à dénoncer l'arnaque du pastel: ce dernier, généreusement gonfl é est en réalité trompeur, et dès la première bouchée on se rend compte de la rareté de la garniture.

    8 Etant proche de l'équateur, le soleil se couhe avant 19h été comme hiver. Centro - La rue Uruguaiana

    menu à Bob's et se le partageront en cette soirée spéciale9. Des familles se regroupent pour dormir pendant que d'autres armées de savons partent à la fontaine de Candelària pour y prendre un bain. Mais pendant que certains dorment, d'autres surveillent les lieux, et les travailleurs commencent à s'activer. Ils arrivent avec leurs charrettes dans lesquelles ils ont rassemblés les sacs d'ordures accumulés autours des poubelles durant la journée. Par dizaines ils viennent étaler ces déchets, fermant la rue, et réalisant une muraille de déchets qui parfois dépasse le mètre de hauteur. Commence alors un tri intensif. Nos collecteurs entament l'ascension du monticule à la recherche d'un quelconque matériau qui pourra être revendu et rapporter ainsi quelques Reais. Après des heures de travail, tout sera nettoyé et remis à sa poubelle d'origine. Demain matin tailleurs et attachés-case noteront à peine le passage de ces communautés, si ce n'est en esquivant sur leur passage quelques dormeurs tardifs...

    Étant donné le caractère fonctionnel de centre d'a~ aires, le rythme du quartier est dicté par cet aspect mono-usager, à savoir qu'en dehors des horaires de bureau il est totalement à l'abandon, vidé de ses travailleurs. Aucun bar, aucun restaurant d'ouvert et il est fortement déconseillé d'y faire des promenades de plaisance en dehors des horaires de fréquentation.

    Ce lieu est à la fois celui des grandes puissances économiques de la ville, et celui du marginal et de l'informel par excellence, celui où suivant les heures les lois ne sont plus du tout les mêmes. Ainsi, nous allons voir quelles sont les raisons qui ont fait que le centre est aujourd'hui un lieu de la ville aussi ambivalent, et ainsi dans quel contexte est apparu le Camelódromo de la rue Uruguaiana

    9 Petit clin d'oeil au fi lm Onibus 174 de José Padilha, où des enfants décrivent la soirée d'anniversaire de Sandro, qui quelques années plus tard sera l'auteur d'une célèbre prise d'otage du bus 174.

    Vue de nuit sur le Centro

    Solto na Cidade - Uruguaiana

    22

    23

    Vue sur le Centro depuis la colline de Santa Teresa

    Pourquoi les camelots ont ils investi le centre de Rio de Janeiro?

    Avant de répondre à cette question, il est important de dé nir ce qu'est le centre exactement, et par cette occasion comprendre de façon simple comment est organisée la ville de Rio ainsi que les processus qui ont fait d'elle cette ville tant divisée.

    Centre et périphéries de Rio de Janeiro.

    Étant donné la super cie de Rio, de 1260 km2 ( A titre comparatif, Paris fait 105 km2), la ville a été divisée en quatre zones: le Centro (centre), la Zona Norte (zone nord), la Zona Sul (zone sud), et la Zona Oeste (zone ouest), comme le montre la carte ci-contre.

    Dans cette classi~ cation, à l'échelle de toute la ville de Rio, est appelé Centro (le centre) la partie la plus ancienne, qui regroupe actuellement de nombreux quartiers (Praça XV, Lapa, Saara/Tiradente/ Uruguaiana, Marechal Floriano/Central do Brasil, alentours de la Rua da Santana, Cruz vermelha/Bairro de Fatima, Cinelândia, Castelo, Aeroporto, Esplanada de Santo Antonio, Quadrilatero Financeiro). Cette partie correspond à ce qu'était Rio dans son intégralité avant son développement intensif au début du XIXe siècle . En e et, à ce moment là, débarque la cour portugaise, ce qui provoque l'abandon du centre par les classes dominantes. L'ancien site consolidé de la ville devint ainsi son centre et apparaissent en périphérie des nouveaux quartiers avec leurs centralités propres. De ce fait, les classes aisées se dirigèrent vers le sud, ce qui ~ t émerger de nouveaux quartiers et naitre ainsi la Zona Sul.(pour ne citer que quelques quartiers; les plus connus: Botafogo, Copacabana, Ipanema, Leblon, etc).

    Figure 1

    Comparaison de la super cie entre la ville de Rio de Janiero et celle de Paris.

    La partie correspondant à la Zona Norte est née un peu plus plus tard, dès le début du XXe siècle. En réalité, cette partie de Rio était déjà occupée depuis l'époque de la création de la ville, mais il s'agissait de fazendas10, qui exploitaient essentiellement la canne à sucre et le café11. Puis cette dernière s'est densi~ ée, et a vu ses fonctions changées, devenant un lieu de résidence pour nombre de familles qui sou raient de la crise du Centre (nous reviendrons sur ce phénomène d'ici peu).

    En n la Zona Oeste quant à elle est apparue bien plus tard. Bien sûr il est di cile de dater précisément l'apparition d'une entité qui se construit au fur et à mesure, mais cependant, en 1974, Lucio Costa propose un plan directeur pour le quartier de Barra da Tijuca, quartier le plus important de la Zona Oeste. On peut considérer cette date comme un coup de départ pour son développement urbain.

    Il existe une forte connotation sociale suivant si une personne vient de la Zona Norte, dite pauvre,

    1 0 La fazenda est un grand domaine généralement dominé par une famille, propriétaire des terre, qui vivent de l'exploitation de la terre, production agricole ou élevage. Il existe encore actuellement des fazenda, mais les esclaves ont été remplacés par des employés dans la majorité du Brésil.

    11 Cf. site http://saibahistoria.blogspot.com/2007/10/os-primeiros-bairros-da-zona-norte-da.html

    N

    Figure 2

    Découpage de la ville de Rio suivant la logique des zones .

    ou de la Zona Sul, dite aisée. Pour malgré tout éviter tout cliché, sur le caractère social de ces deux zones Nord et Sud, il est important d'indiquer que les classes généralement les plus pauvres, vivant dans les favelas, sont mélangées à la ville formelle, contrairement à São Paulo par exemple ou l'on trouve les favelas en périphérie uniquement. La di érence entre Zona Sul et Zona Norte est faite avant tout par la comparaison de ses quartiers formels. Par ailleurs, il s'agit de conséquences de l'histoire, comme nous venons de le voir; ces quartiers ont été formés par la migration de classes sociales bien déterminées.

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    Figure 3

    Les di érents quartiers du centre de Rio de Janeiro

    26

    Pour en revenir au centre, dans la zone appelée Centro, il existe un quartier, lui aussi appelé Centro. Il est très probable que cet abus de langage soit dû au fait qu'un arrêt de métro nommé « Centro », soit situé dans cette zone. Sans limites claires, on pourrait le dé nir regroupant approximativement les deux zones Saara/Tiradente/Uruguaiana et Quadrilatero Financeiro sur la carte générale du centre. Pour éviter toute confusion, lorsque nous parlerons du Centro, le coeur ancien de la ville, je traduirai par centre ou centre ville. Lorsqu'il s'agira du quartier, je conserverai le terme Centro, puisqu'il s'agit dans ce cas d'un nom propre.

    A la suite d'évènements que nous nous apprêtons à évoquer, le Centro s'est transformé en un quartier d'a~ aires où les deux activités principales sont le commerce et le travail de bureau (sièges d'entreprise, ambassades, prestation de services, etc). Il correspond à la partie la plus verticale de Rio. Pour aider à le visualiser et imaginer son fonctionnement, on pourrait établir une relation de comparaison entre le Centro et le complexe de La Défense.

     

    Vue d'hélicoptère sur le centre - Au centre de l'image : Les arcs de Lapa, la cathédrale São Sebastião

    Vue d'hélicoptère sur le centre depuis la plage de Flamengo

    Vue d'hélicoptère sur le centre - Cruz Vermelha

    Vue d'hélicoptère sur le centre - Largo da Carioca

    Des transformations au service de la ville?

    A travers la frise chronologique qui suit, l'objectif est de comprendre comment le centre est devenu ce quartier au rythme particulier où cohabitent formel et informel, et par extension de percevoir dans quel contexte se trouve la ville de Rio aujourd'hui.

    On peut lire di érents évènements importants qui se sont déroulés entre 1900 et 2008, répertoriés sous les thèmes suivants: Les transformations architecturales principales que connu Rio de Janeiro ainsi que ses transformations viaires. Viennent ensuite des faits politiques, des évènements internationaux, et certains évènements de divers ordres qui ont joué un rôle clé dans le développement de Rio de Janeiro.

    La particularité de cette frise est qu'elle présente deux sens de lecture. On peut tout d'abord la lire de gauche à droite, suivant ainsi de façon chronologique le déroulement des évènements. Mais certains de ces évènements ont été associés à d'autres par des tracés de couleur, et ces associations nous amènent à diverses conséquences que l'on peut lire dans la partie basse de la frise. Ainsi pour savoir quels sont les principaux évènements responsables de telle ou telle conséquence, il su t de suivre le cheminement correspondant. Ces quatre conclusions sont développées dans la suite du chapitre, en quatre parties reprenant ainsi la logique de la frise.

    Figure 4

    Expansion urbaine du centre de Rio de Janeiro

    De l'alliance des di érents évènements se dégagent quatre thèmes principaux:

    Alors que les classes aisées continuaient de migrer vers les nouveaux quartiers de la Zona Sul, une série de plans directeurs ont accéléré le vide du centre conduisant à le transformer en ce que l'on appelle une ACN, Area Central de Negocio (soit zone d'a~ aire).

    Le premier fut celui du maire Pereira Passos, aidé de l'hygiéniste Osvaldo Cruz. Il s'agit d'un grand processus de démolition et de reconstruction visant à transformer Rio de Janeiro en un second Paris. Le maire ~ t percer de grandes avenues s'inspirant des célèbres boulevards parisiens et impose des normes de comportement social12. Il poussa même le vice à aller jusqu'à se faire importer des moineaux parisiens13. Il ~ t également raser le Morro do Castelo, considéré comme le berceau de la ville, et appela Alfred Agache, un urbaniste français, a n d'urbaniser la zone laissée vide par la destruction. Agache proposait un découpage de la ville suivant des critères fonctionnels, créant une zone des a aires, une autre pour les ambassades, un centre bancaire, et des zones résidentielles divisées par classes sociales, renforçant ainsi la fonction tertiaire du centre. Ce plan s'accompagnait également « d'oeuvres viaires et d'infrastructures, prévoyant l'ouverture de places monumentales marquées par des colonnes, et de larges avenues édi~ ées ».14 Le plan d'Agache se préoccupait des aspects sanitaires, du transport et proposait des liaisons par voies de métro et de tunnels à travers la ville. Avec la révolution de 1930 au Brésil, de nombreuses idées furent abandonnées, mais ce processus de zonning était déjà entamé. Seulement quelques éléments, comme les galeries couvertes et les zones internes des îlots furent réalisés plus tard.

    Sur le plan architectural, urbain et économique ce fut un grand succès. Des nombreux nouveaux sièges bancaires, de bureaux des principaux établissements de la nouvelle société capitaliste brésilienne vinrent s'installer dans le centre. Par contre ce fut un véritable échec lorsque l'on se penche sur la question du logement. Ces réformes poussèrent de nombreuses personnes à se tourner vers de l'habitat précaire, et l'action municipale de Pereira Passos resta quali~ ée de « bota-abaixo »15 que l'on pourrait traduire par mise à terre.

    1 2 Information donnée sans plus d'explication dans le travail de Roberto Anderson Magalhaes (2001), mais faisant probablement référence à la possibilité pour une élite d'accéder à des loisirs qui font la célébrité des nuits parisiennes, comme le théâtre, opéra, mais également par le contrôle d'une population estimée dangereuse. Le carioca avait la mauvaise réputation d'être feignant au travail et de préférer ce que l'on appelle la malandragem (la magouille, le petit banditisme). Les réformes visaient à faire entrer le carioca dans un système où il occupe une place de travailleur (Cf. Lopes Antonio Herculano, Entre Europa e Africa, a invenção do Carioca, (Rio de Janeiro), Edição casa de Rui Barbosa, 2000

    1 3 Cf. Fessler Vaz Lilian et Berenstein Jacques Paola (2006) « Territorios Culturais na cidade de Rio de Janeiro », in

    Jeudy Henri Pierre et Berenstein Jacques Paola, Corpos e cenarios urbanos, Salvador : EDUFBA, p.78

    1 4 Cf. Anderson Magalães Roberto, A requalifi cação do Centro do Rio de Janeiro na decada de 1990, (2001), Rio de

    Janeiro, Thèse de doctorat à l'UFRJ, 2001, p. 20.

    1 5 Cf. Quelhas paixão Claudia Miriam, a reforma urbana e os moradores do morro do castelo, estratégias e disputas populares no Rio de Janeiro (1904-1922), Rio de Janeiro, Arquivo publico do estadodo Rio de Janeiro, Anpuh Rio de Janeiro, 2006

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    Figure 5

    Plan directeur de Pereira Passos réalisé en 1902

    La présence d'Agache coïncide avec la première venue de Le Corbusier à Rio de Janeiro, pour une série de conférences. Il fait à cette occasion des propositions d'aménagements urbains pour la capitale. Sa vision de la plani~ cation de la ville de Rio correspond dans les deux cas à une volonté de rationalisme: fonctionnalité, salubrité, e cacité, ordre des fonctions urbaines (habiter, circuler, travailler, se détendre) et usage des nouvelles technologies constructives. Le Corbusier dépasse le plan de Agache, en imaginant une verticalisation intensive de le zone des a aires, le futur Centro, avec des gratte-ciel de 60 étages. Même si ces projets n'étaient que proposés lors d'une série de conférence, ils ont indubitablement in uencé le mode de développement futur de la ville de Rio.

    A propos de cette verticalisation, Lilian Fessler Vaz, lors d'une étude de statistique, signale que ce processus s'est produit « au contraire des processus dits « classiques » de verticalisation. A Rio de Janeiro, ce premier essor est constitué pour la majorité d'édif ces résidentiels (et non commerciaux), situés à l'extérieur (et non à l'intérieur) de la zone centrale, certains à proximité et d'autres au contraire bien éloignés (ex: Copacabana) ».16En e et, dès les années 20, les premiers immeubles de grande hauteur étaient ceux des nouveaux quartiers de Copacabana ou Ipanema. Ce n'est que vers les années 60-70, que le centre voit son développement verticale s'accélérer, accueillant des gratte-ciel, qui seront des sièges de banques, d'entreprise, etc.

    De nombreuses réformes du centre se mettent en place, et se basent suivant les préceptes de la Charte d'Athènes, justi~ ant ainsi une destruction et reconstruction massive17 (due à la pression d'investisseurs immobiliers à cause de la concurrence que provoque le développement de la Zona Sul), conduisant à la disparition de nombreux anciens tracés. On cite généralement la destruction en 1970 du Palais Monro, siège o ciel du Senado Fédéral18, a n de créer la station de métro Cinelandia et qui n'avait pas été jugé digne d'être classé monument historique (destruction soutenue par le globo et l'IPHAN19)

    En n en 1974, Lucio Costa propose le plan directeur de Barra da Tijuca. Il s'agit d'un nouveau quartier qui a pour ambition d'être un second centre ville, étant donné l'échelle que commence à prendre Rio.

    Comme on le constate avec le second thème, les quartiers résidentiels formels et informels se développent de plus en plus et de plus en plus loin du centre, qui se vide peu à peu. Les familles aisées abandonnent le centre à la recherche d'un meilleur confort de vie dans la Zona Sul, alors que les classes

    1 6 Cf. Particulariedades do processo inicial de Verticalização na cidade do Rio de Janeiro, de Fessler Vaz Lilian cité par Roberto Anderson Magalhaes dans A requalifi cação do Centro do Rio de Janeiro na decada de 1990, (2001), Rio de Janeiro, Thèse de doctorat à l'UFRJ, 2001, p. 27.

    1 7 Suivant la Charte d'Athènes, les sites ne devraient être préservés seulement lorsqu'ils sont réellement représentatifs de leur période historique, qu'ils ont une fonction éducative, qu'ils ne sont pas néfastes pour la santé des résidents, et ne portent pas préjudice à la circulation et au développement de la ville. (CIAM de 1933)

    1 8 Le Palais Monroe avait été construit lors de l'exposition universelle de 1904 à São Louis, pour être le pavillon du Brésil. Entièrement démontable et remontable il fut amené et construit à Rio en 1906. Jusqu'en 1914 il continue d'être utilisé comme pavillon d'exposition, et devient par la suite la chambre des députés puis, de 1925 à 1930,le siège offi ciel du Sénat. Sa destruction est jusqu'à aujourd'hui fortement contestée; l'ancien maire de Rio Cesar Maia avait même en 1975 envisagé de le reconstruire.

    1 9 Instituto do Patrimônio Historico e Artistico Nacional.

     

    Le Palàcio Monroe détruit en 1970

    plus pauvres, se retrouvent obligées de quitter le centre sous la pression immobilière et migrent vers la Zona Norte ou dans les favelas, laissant la place aux entreprises. Les années 30 sont celles d'un fort développement des favelas,qui explosera dans les années 50, pendant que les quartiers de la Zona Sul s'intensi~ ent jusqu'en 194020.

    Cette migration s'accompagne de la création de nombreuses voies rapides dans le tissu urbain. En premier lieu seule la classe aisée est motorisée, ce qui facilite ses déplacements vers Copacabana, I panema, Leblon. Dans les années 50 et 60, on parle de la febre viaria (~ èvre viaire) qui gagne une grande proportion plus importante de la population. Parallèlement, pour palier aux migrations dans la banlieue de plus en plus reculée, (la Zona Norte en premier lieu), la ville de Rio se voit pourvue de réseaux de chemin de fer....

    Ainsi on voit surgir de terre, dès 1940, d'énormes infrastructures surélevés à des dizaines mètres du sol ou perçant dans le tissu urbain. Là où Pereira Passos avait plani~ é de grandes avenues imitant les boulevards parisiens, commencent à apparaitre de véritables autoroutes avec l'arrivée croissante de l'automobile. Pour créer l'avenue Présidente Vargas, inaugurée en 1944, il a fallu réunir deux rues parallèles et donc supprimer une en lades d'ilots. Aujourd'hui cette avenue est composée de quatre fois quatre voies, et vient créer une véritable ~ ssure dans le Centro. Il est inutile de préciser que la traverser est une aventure humaine...

    Projet de l'avenue Presidente Vargas imaginé par Pereira passos L'avenue Présidente Vargas en 2007

    De nombreux autres projets naissent à cette période également; en 1940, le premièr à apparaître est l'Avenida Brasil, qui relie le centre à toute la banlieue nort. Puis c'est au tour de la périmétrale et la diagonale (entre 1938 et 1948). La première avenue relie le centre à la Zona Sul, en passant par l'aterro21 fraîchement construit.

    Dès le début des années 60, le gouverneur Lacerda invite l'urbaniste Grec Doxiadis pour mettre au point un projet de voies rapides au sein de Rio. Est ainsi lancé le projet Arco Iris (projet Arc-en-ciel), qui prévoyait à l'origine six autoroutes urbaines22 a n de rami er entre eux le centre et les périphéries, en venant se gre~ er sur l'Avenida Brasil (1946) et la Périmétrale (1948). Le nom d'Arco Iris vient du fait que les urbanistes ont dessiné ces voies de couleurs di érentes sur le papier et leur ont donné des noms correspondant à leurs couleurs respectives. Étaient ainsi prévues la Linha Lila, la Linha Amarela, la Linha Marrom, la Linha Verde, la Linha Vermelha et la Linha Azul (Voir carte ci-dessous). La réalisation de ces lignes se ~ t des année plus tard. La Linha Vermelha fut la première, en 1992, pour le premier tronçon, et 1994, pour le second, a n de venir en aide à l'Avenida Brasil qui devenait un réel enfer (accidents, embouteillages, comportements anarchiqes). De ce plan Rio ne compte aujourd'hui que la Linha Vermelha, la Linha Amarela et la Linha Verde rebaptisée RJ-08023.

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    Toutes ces transformations ont ainsi permis une meilleure ~ uidité des populations vers les périphéries conduisant le centre à être peu à peu abandonné, devenant la ACN imaginée par Pereira Passos au début du siècle. Aujourd'hui on constate parfaitement les conséquences de telles infrastructures en milieu urbain, sans aucune transition ou souci d'insertion. Pour ne citer qu'un exemple, la Linha Vermelha, suspendue à une dizaine de mètres du sol vient s'engou~ rer entre les façades du quartier de São Cristovão, séparée de ces dernières par un simple vide d'un mètre tout au plus...

    21 Il s'agit d'extentions de la ville sur la mer. Les anciennes et nouvelles limites de la ville sont représentées sur la cart p.

    22 Lopes Paulo Sérgio Pereira, « Linha Vermelha »: Infl uencia no Bairro de São Cristovão, Rio de Janeiro, Trabalho fi nal de pos-graduação, UFRJ, 1989. pp. 25-27

    23 Ibid. P.24

    Figure 6

    Les tracés du projeto Arco Iris imaginés par l'urbaniste Doxiadis - 1960

    En 1960, le pouvoir public parts'installerà Brasíllia, la nouvellecapitaledessinée parOscar Niemeyer. Cela entraine la délocalisation d'un certain nombre de sièges d'entreprises vers São Paulo, ou même, à moins grande échelle, vers les nouveaux quartiers de Rio. Le centre subit une réelle décentralisation économique. Il tombe peu à peu à l'abandon, délaissé par les classes encore économiquement actives en son sein. La conséquence directe est un phénomène déjà observé dans de nombreuses métropoles, baptisé « décadence du centre ».

    « Le processus couramment appelé « décadence » ou « déterioration » du centre consiste en son abandon par une partie de la classe à hauts revenus et son remplacement par les classes populaires. Cet abandon présente divers symptômes, à divers degrés d'intensité dans les di érentes métropoles:

    - Abandon comme lieu de travail des classes aisées.

    - Abandon comme lieu de diversion, loisir, et activités culturelles

    - Abandon comme lieu d'achat et d'habitat.

    Au sein de toutes les métropoles brésiliennes, l'exemple le moins ~ agrant est Rio de Janeiro et les plus ~ agrants sont São Paulo et Salvador de Bahia »24

    En 1980 le Brésil connait une crise économique sans précédant. De plus, depuis l'inauguration de la voie express Rio/Bahia, la population de Rio considérablement augmenté, et les nouveaux arrivants en quête d'une vie meilleur se retrouvent à peupler les favelas de Rio. Ainsi de nombreuses familles commencent à peupler les rues, et on voit les métiers du marché informel augmenter en ~ èche (commerce de rue particulièrement). Roberto Pompeu de Toledo, qui a étudié les phénomènes de décadence dans de nombreux centres décrit :

     

    « Ce sont des lieux sales, en général, détériores, lieux d'excellence des trombadinhas25 et des mauvaises odeurs, d'urine, des mendiants des drogués et de l'anarchie économique des camelots. Les lieux d'où fuit tout ce qui est bon - les meilleurs commerces, les meilleurs services, le confort, l'argent qui génère des investissements et de l'emploi - et laisse tout ce qu'il y a de plus mauvais - le désordre, la marginalité, la peur »26.

    On commençait déjà à remettre sérieusement en cause les principes modernes qui prônaient le zoning mis en place les décennies antérieures, et de nouvelles formes de projet apparaissent. Entre les années 30 et 50, les ensembles résidentiels représentent les aspirations urbanistes du moment et cherchent à forger de nouvelles formes de sociabilité ainsi qu'à organiser les rapports sociaux en mettant

     
     

    Le projet d'Alfonso Reidy - Le complexe Pedregulho

    24 Cf. Anderson Magalães Roberto, A requalifi cação do Centro do Rio de Janeiro na decada de 1990, (2001), Rio de Janeiro, Thèse de doctorat à l'UFRJ, 2001, p31. Citation de F. Villaça

    25 Jeune mineur sans ressource et sans famille qui se voit obligé de voler pour survivre dans la rue. (Défi nition de http://www.wiktionary.org/)

    26 Pompeu de Toledo Roberto, 1996, Cf. Anderson Magalães Roberto, A requalifi cação do Centro do Rio de Janeiro na decada de 1990, (2001), Rio de Janeiro, Thèse de doctorat à l'UFRJ, 2001, p31-32

    l'accent sur la vie en communauté. Un projet phare à cette époque est l'édi~ ce Pedregulho27, réalisé par Alfonso Reidy et inauguré en 1952. Il s'agissait d'un complexe composé d'espaces résidentiels et d'espaces communautaires (jardin d'enfance, crèche, école primaire, marché, laverie, centre sanitaire, terrains de sport, gymnases, piscine, vestiaires et centre commercial)

    En 1956, lors du 10e CIAM, le Team 10 propose de nouvelles façons de projeter la ville, avec des préoccupations sociologiques, comme l'identité, les relations de voisinage, alors qu'en 1920, seul comptait le bien être physique et matériel.

    À partir des années 60, avec l'apparition du mouvement des Situationnistes, de nouveaux projets baptisés Projetos Urbanos, commencent à apparaître. Ils prétendent avoir « une vision plus préoccupée par la complexité de la ville et par les particularités des espaces urbains, et cherchent une nouvelle échelle d'intervention physique de la ville »28. Les urbanistes cherchent à recréer des lieux de rencontres que la pensée moderne avait fait disparaître, revenir à des schémas traditionnels de placettes, et c'est à ce moment là que l'on commence à regretter tout un patrimoine détruit par les transformations radicales de 1920. En 1965 est inauguré le parc de Flamengo, pensé par Alfonso Reidy pour l'architecture et le paysagiste Burle Marx. Cet immense parc en bord de mer permet de relier par un coulée verte, dont les dessins au sol s'inspirent de la culture Tupi-tupi, le centre jusqu'à Botafogo, un quartier de la zona Sul. Sur son parcours on trouve quelques lieux de rencontres et de culture, notamment le MAM (muséum d'art moderne). Par ce projet cohabitent une volonté d'allier les preceptes modernes à un retour aux racines et à la déambulation.

    A ce moment là également, on souhaitait résoudre le problème des favelas par leur destruction. Les premières en 1969 à être supprimées furent la favela da Ilha das Dagras et la favela do Pinto, situées à Lagoa (quartier d'Ipanema), puis, par la suite la favela du Morro do Baiano et la favela de Catumba29. Les habitants de ces favelas se voyaient alors relogés dans des lotissements d'habitations fournis par l'état tels que la Cidade de Deus, Vila Kennedy ou Guaporé-Quitungo30

    Ces modes de pensée évoluent et on commence à vouloir intégrer la favela à la ville comme si elle était un quartier à part entière. Le premier programme lancé en 1979 est le projet Promorar ou Projeto Rio.

    27 Bien qu'il représente l'une des expériences les plus connues en matière d'habitation populaire de l'architecture moderne brésilienne, le Pedregulho n'est pas une oeuvre isolée, mais se trouve au centre d'une série d'initiatives sur l'habitat fi nancées par les Institutos de Aposentadorias e Pensões - IAPs (Institut de retraites et de pensions)

    28 Anderson Magalães Roberto, A requalifi cação do Centro do Rio de Janeiro na decada de 1990, (2001), Rio de Janeiro, Thèse de doctorat à l'UFRJ, 2001, p. 47-48

    29 Almirante Marcelo, Cronologia da Evolução Urbana, (2007), Rio de Janeiro, Memória do Transporte Público.

    30 Il s'agissait d'ensembles précaires d'habitations situés dans la périphérie (ouest pour la Cidade de Deus, nord pour Guaporé Quinungo et Vila Kennedy). Laissés aux mains des habitants, ils se transformèrent au fi l du temps en favelas. Cela dit, leur éloignement du centre permet à la ville de considérer leur problème de moindre ampleur face aux favelas du centre qui viennent ternir l'image de la ville.

    L'objectif était de délocaliser les habitants d'une communauté le temps de rendre leurs habitats salubres. Un des principes clés, était la consultation des habitants lors de la réhabilitation. Ainsi la démarche allait au delà d'un simple travail d'aménagement urbain. « Désormais urbaniser ne signi~ ait plus assainir, nettoyer ou installer des services , mais aussi régulariser la propriété et surtout favoriser une vie sociale »31.

    Parallèlement, en 1984, la Prefeitura de Rio lance le corredor cultural. Un programme qui vise à redorer l'image du centre et y créer une dynamique culturelle. Au total, neuf centres culturels seront créés et de nombreuses subventions prévues pour aider les propriétaires situés dans les zones touchées par l'opération à refaire améliorer extérieur de leurs biens immobiliers.

    Alors que nous nous apprêtons à aborder le sujet des camelódromos à proprement parler, nous avons visualisé comment les diverses transformations du centre ont amené ce dernier à devenir un quartier à plusieurs faces si divisées. En souhaitant intégrer à la ville un commerce jusque là déclaré informel, la notion de camelódromo s'inscrit dans une double dynamique; celle de la revalorisation du centre, et celle d'un nouveau regard sur l'habitat spontané, l'architecture participative, ainsi, par extension de celui porté sur ce qui touche à l'informel...

    Des réponses aux invasions du commerce de rue Les camelots, une priorité dès les années 80

    Apparition des premiers camelódromos à Rio de Janeiro

    Vers le milieu des années 70, le commerce de rue prend des proportions telles, que la ville de Rio se voit dans l'obligation de prendre des mesure draconiennes. Commence alors une grande opération de répression qui vise à déloger les camelots de la rue, exactement suivant le même processus évoqué pour les favelas. L'absurdité d'une telle mesure étant donné la quantité de travailleurs sans emplois qu'elle génère, force les autorités a revoir leurs positions. Ils imaginent alors légaliser le commerce de rue.

    C'est à partir de 1984 que l'on peut lire dans les journaux des articles annonçant les mesures prises par le maire Marcelo Alencar, pour résoudre le problème du commerce ambulant, sans supprimer les emplois ou du moins en tentant de le minimiser. L'idée était alors de déterminer des points dans la

    31 Goirand Camille, La politique des favelas, Edition Karthala, 2000, p.96

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    Figure 7

    Les dix camelodromos projetés par le maire Cesar Maia (en rouge).

    En vert sont signalés les camelodromos qui n'ont fait qu'une brève apparition

    ville dans lesquels les camelots de Rio pourraient exercer en toute légalité. En contre partie il fallait que le camelot aille s'enregistrer à la Prefeitura ou dans un des points spéci~ és suivant la zone où le camelot désirait exercer. Il se voyait alors attribuer un emplacement, et en échange devait payer une taxe. Le principe de camelódromo voyait ainsi le jour dans la ville de Rio32.

    A cette époque-là, les camelódromos ne présentaient rien de pérenne, et les petits étals des camelots étaient montés chaque matin et démontés chaque soir.

    Selon les médias, la nouvelle de créer ce genre de centre fut très bien accueillie par les vendeurs ambulants qui se précipitèrent dans les points d'enregistrement. Dix « centres de commerces populaires » furent déterminés sur Rio, centre et quartiers de banlieue confondus (le mercado da Uruguaiana n'y ~ gurait pas encore). Dès le départ on constata des déséquilibres. Alors que les emplacements en centre ville étaient pris d'assaut, d'autres en périphérie ne semblaient pas présenter un grand intérêt. Un certain nombre de règles furent mises en place, visant à rééquilibrer la répartition, notamment en attribuant un emplacement en fonction du lieu de résidence du camelot. Cependant, les camelódromos de banlieue, étaient désertés, mis à part quelques uns comme à Madureira, l'un des quartiers le mieux développé de la banlieue nord de Rio. Ainsi le centre de Rio restait bondé car une fois les camelódromos pleins, les camelots préféraient tenter les rues du centre plutôt que les emplacements légaux qu'on leur avait réservé. La raison était bien-sûr l'absence de clients, en e et, les camelódromos avaient été placés dans des espaces vides et bon nombre d'entre eux étaient très peu fréquentés.

    32 Ces informations sont valables concernant la ville de Rio uniquement. En effet, il existe de nombreux camelodromos dans tout le brésil et il n'est pas dit qu'ils soient apparus au par avant.

    Un autre problème qui fut mis en évidence également était lors de l'enregistrement. Il fallait justi~ er d'un lieu de résidence à Rio, ce qui s'est avéré un critère éliminatoire pour une partie des postulants, venant des villes voisines qui avaient l'habitude de venir vendre sur Rio (Duques de Caxias, Nilópolis, Nova Iguaçu) et bien-sûr les sans abris, qui constituent une part non négligeable de ce type de travailleurs.

    Le détail amusant, re~ et de l'ingérence de la Prefeitura face à la situation des vendeurs ambulants est le nombre de camelódromos programmés qui diminue jour après jour. Après en avoir plani~ é dix, en janvier 1984, puis 7 en février et en n 6 en aout de la même année, les médias ne se concentrent plus qu'à ne parler que d'un seul, le camelódromo de la praça XI.

    L'expérience de la Praça XI

    Dès la création des premiers camelódromos, il en est un qui fut baptisé experiencia piloto (expérience pilote). Il s'agissait de celui de la Praça XI (Place XI). En e et, la Prefeitura plaçait tous ses espoirs dans ce camelódromo étant donné sa localisation dans le centre de Rio (située dans la zone appelée Rue des Santana et ses adjacentes sur la carte p...). Elle proposait un centre de 250 baraques, pour lesquelles avait été prévue l'implantation de toilettes destinées à la fois aux acheteurs et aux vendeurs. Avec ces aménagements, la Prefeitura espérait créer un réel centre de vente, qui présentait des prestations di érentes du simple étalage de rue devant lesquelles les passant ne s'arrêtent pas.

    Cela dit, légèrement à l'écart du coeur du centre il a lui aussi sou ert de ce manque de clients dont avait déjà pâti les camelódromos des autres zones. Malgré tout, la Prefeitura n'en démordait pas, convaincue du potentiel de le Praça XI et persuadée qu'une solution était possible. En aout 1984 elle décida de modi~ er le parcours de certaines lignes de bus, du vendredi au dimanche, pour amener l'arrêt ~ nal à la Praça XI. D'autres initiatives furent prises par la suite, telles que tour à tour l'installation d'un parc d'attraction, la mise en place de deux scènes pour accueillir des spectacles en ~ n de semaine, et la création d'une crèche destinée aux enfants des camelots. Mais alors que la Prefeitura tentait d'attirer plus de camelots en augmentant la capacité d'accueil du centre populaire de commerce, rien n'y faisait, clients et camelots se désintéressèrent peu à peu, et en septembre seulement 100 des 800 emplacements étaient occupés.

    Un autre problème n'a pas tardé à surgir. À peine 3 mois après son inauguration, de nombreux échau~ ements commencèrent à éclater entre les camelots eux mêmes, qui ne parvenait pas à dé nir une hiérarchie au sein du camelódromo. En venant vite aux mains, ces derniers ne tardaient pas à se faire séparer et embarquer par la police. Il va de soi que les clients mis au courant par la presse ou assistant aux événements se faisaient de plus en plus rare, ce qui aggravait le problème général.

    En novembre 1984 on pouvait déjà lire que le maire reconnaissait l'échec de ce camelódromo, mais qu'il l'attribuait « aux propres camelots qui n'ont pas souhaité occuper la zone »33. Les camelots ne quittèrent cependant pas immédiatement la place, continuant leur commerce sur un lieu petit à petit à

    33 Auteur inconnu (6 novembre 1984) « Trabalho come çara segunda-feira em 180 de Central do Brasil », Globo

    l'abandon. En février 1985 les 14 000 m2 de la Praça XI comptaient 4 baraques... Pour information, le sujet de l'article qui contenait cette déclaration était sur l'ouverture d'un nouveau camelódromo à Central do Brasil, un terminal de bus, trains et métros. Aujourd'hui ce camelódromo est en plein développement, en voie d'atteindre le niveau de celui de la rue Uruguaiana. Il aurait été très intéressant de l'étudier plus dans le détail, car son évolution a eu lieu très récemment, au début de 2008, et la métamorphose est réellement impressionnante.

    Naissance du Mercado Popular da rua Uruguaiana

    La réalisation de cette partie relève d'un tout autre ordre, les faits étant encore trop récents pour avoir fait l'objet d'écrits ou d'études, hormis de la part d'un étudiant en géographie qui a réalisé une recherche sur la notion de territoire à partir de l'exemple d'Uruguaiana34. J'avais également à ma disposition des coupures de presse, cela dit je n'ai pu obtenir aux archives du Globo aucun article datant de l'époque de la création du marché (1 993-94), ce qui est assez étonnant. La première fois que l'on rencontre l'idée de créer un camelódromo dans la rue Uruguaiana, c'est en 198435, alors que le maire Marcelo Alencar ré échissait à un transfert des camelots de la Praça XI vers une zone plus fréquentée. Le projet attendit donc dix ans a n de voir le jour. Après un grand silence le Camelódromo refait parler de lui en 199936, au sujet de son absence de contrôle.

    Il a donc fallu aller à la rencontre des acteurs, fort heureusement en vie pour la plupart d'entre eux. J'ai eu la chance de rencontrer deux personnages importants; tout d'abord Roberto Anderson, un employé de la Prefeitura, qui a activement participé au projet du Camelódromo da Uruguaiana, et ensuite un ingénieur du métro, qui était à la tête du projet des di érentes lignes (au nombre de deux actuellement), connu par tous sous le nom de Sydney, et que nous appellerons donc ainsi. Ces deux interlocuteurs n'ont pas hésité à me consacrer généreusement de leur temps pour me donner des informations, des images, tout cela bien sûr dans la limite des possibilités admises par la désinvolture Carioca (je me souviens d'un rendez vous que m'avait ~ xé Sydney après notre entretien, a n d'aller fouiller dans les archives pour trouver des photographies de l'époque des travaux de la station de métro Uruguaiana. Malgré les clichés promis, le résultat fut assez limité car nous avons passé l'après midi à essayer quelques centaines de clés stockées dans une boîte de chaussure a n d'ouvrir des tiroirs, qui pour la plupart nous ont résisté).

    34 da Silveira Silva Marcelus, Os camelôs e o mercado popular da ru Uruguaiana: o ordenamento territorial na area central do Rio de Janeiro, Niteroi (RJ), Thèse de doctorat de géographie à l'Universidade federal Fluminense, 2002

    35 Auteur inconnu (25 juillet 1984), Globo, Anexe 4

    36 Werneck Antônio (20 juin 1999) « O mercado sem lei da Uruguaiana », Globo, primeiro caderno, p.12

    Quelques informations nécessaires...

    A ce stade, il est important de préciser quelle est l'organisation hiérarchique des pouvoirs politiques au Brésil, a n de comprendre le contexte de l'apparition du Camelódromo da Uruguaiana et l'état de confusion dans lequel il s'est trouvé dès sa création:

    Depuis le retour à la démocratie en 1983, on trouve à la tête du pays un président, élu par voies directes. Le Brésil est divisé en 26 états dont sont responsables des gouverneurs. Dans les états on rencontre en n des villes gérées par les maires. Sous les maires nous avons également les vereadores qui sont des sortes de chefs de quartiers, leur nombre varie suivant la taille du quartier. Ils sont tous a liés à des partis qui viennent prendre place au conseil municipal. Faire ces transferts vers la logique française reste di cile. En e et, étant donné l'échelle des villes et des quartiers on a parfois tendance à vouloir faire une analogie entre les vereadores et nos maires, tous comme le maire brésilien et nos préfets (d'autant que le mot porte à confusion, on parle du prefeito pour parler du maire). C'est pour cette raison par exemple que je ne traduirai jamais le terme de Prefeitura ni par celui de mairie ni par celui de préfecture, étant donné qu'ils font référence à un fonctionnement français, di érent du schéma brésilien.

    Cesar Maia contre Brizola: naissance du camelódromo da Uruguaiana

    Depuis l'échec du camelódromo de la Praça XI, le problème des camelots resta en suspens durant plusieurs années, et ces derniers recommencèrent à s'installer dans les rues. Entre 1985 et 1992/93, la situation s'aggrava fortement. Dans certaines rues le simple passage devenait impossible. La rue Uruguaiana était l'une des plus touchées au coude à coude avec entre autres l'avenue Rio Branco et l'avenue Nossa Senhora de Copacabana. Comme le montre la carte la ci-contre une grande quantité des rues du Centro étaient envahies. En 1993 Cesar Maia fut élu maire (Prefeito) de la ville de Rio et il se lança dans une politique baptisée Ordem Urbana (ordre urbain), qui visait à enlever les camelots des rues. Ce fut ainsi le retour à une période de forte répression, et la garde municipale s'attelait à déloger les camelots des rues, une à une.

    A la tête de l'état de Rio se trouvait le gouverneur Leonel de Moura Brizola, déjà connu pour ses nombreuses réformes sociales37. Ce dernier était très opposé aux mesures prises par Cesar Maia, ce qui fut à l'origine de nombreuses altercations entre police militaire (au service de l'état) et garde municipale (au service de la ville). Alors que la garde venait déloger les vendeurs ambulants, la police militaire s'y opposait, créant une bataille où régnait la plus grande confusion.

    37 Pour n'en citer qu'une, les cariocas lui doivent la réalisation de 180 CIEPs (Centre Intégral d'Education Publique). Il s'agissait d'écoles publiques dont l'ambition allait bien au-delà du simple enseignement. Souvent accompagnés de complexes sportifs pour les loisirs accessibles en dehors des heures des classes, d'activités culturelles, les

    CIEP offraient également des repas, traitements médicaux et dentaires. Ces bâtiments à l'architecture marquante, dessinés par Niemeyer portent le surnom affectueux de Brizolão.

     
     
     
     
     

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    Figure 8

    Les zones envahies par les camelots en 1993 N

     
     
     
     
     
     
     
     

    Solto na Cidade - Uruguaiana

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    Figure 9

    Les zones occupées par les camelots en 1998

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    « Bon, le gouverneur avait une politique un peu comme ça, dite populiste. Il gagnait beaucoup de votes des pauvres, disait que tout allait bien, que les camelots étaient des travailleurs. Il ne voyait pas que la quantité de camelots dans la rue était très grande, et nuisait au commerce. »

    (Roberto Anderson Magalhaes - Prefeitura- Entretien réalisé en septembre 2008).

    « Ce qui se passe ici, au Brésil, c'est que nous avons certains politiques qui veulent être populaires. L'un d'eux s'appelait Leonel de Moura Brizola. Ce Leonel Brizola pour faire... Tu vois c'est comme quand ils laissent se développer les favelas. Ils laissent aussi les camelots faire ce qu'ils veulent. Alors il a décidé de promouvoir, et pas que dans cette zone, l'invasion de certains espaces par les camelots. »

    (Sydney - Rio Trilhos - Entretien réalisé en décembre 2007)

    Il est bon de savoir que, malgré le caractère informel de ce type de commerce, il y a en réalité toute une organisation sous-entendue. Dans les rues les plus fréquentées, une hiérarchie se crée; une sorte de structure interne avec un système de protection, d'autorisation et d'utilisation de l'espace. Généralement, une personne ou un groupe de personnes se déclare propriétaire de la rue et met en place un système de « taxe » décidant du droit des camelots d'y installer leurs stands ou non.

    Les frères Rapetou

    Un des points principaux était la Rue Uruguaiana. Il y avait une quantité énorme de camelots, gérés par un groupe de trois hommes, appelés « les frères Rapetous », qui récupéraient l'argent des camelots de la rue. En 1994, la Prefeitura décida qu'il était de temps de s'occuper du cas de la rue Uruguaiana, et commença à la vider, ce qui fût à l'origine d'une série d'a~ rontements entre police militaire, garde municipale, camelots, et l'élite intellectuelle de gauche qui venait régulièrement s'interférer au milieu de la confusion. Le groupe des frères Rapetous, responsables o cieux de la rue devint ainsi l'intermédiaire direct entre vendeurs ambulants et forces de l'ordre. Ils réussirent à ouvrir une porte de négociation avec le gouverneur, qui les appuyait, et obtinrent ainsi quatre espaces vides qui faisaient l'angle entre la rue Uruguaiana et l'avenue Presidente Vargas. Il s'agissait de terrains, propriétés de l'état, dont les bâtiment avaient étés détruits lors des travaux de la création du métro, dans le cas présent pour la station Uruguaiana.

    « Ce sont des vides qu'on a dû faire dans la ville, non pas parce qu'on avait besoin de la zone où on créait la station de métro, mais parce qu'on avait besoin d'espace autour pour pouvoir mettre des bungalows de chantier, où on mettait les machines, où on gardait le matériel, et après dans le cas d'Uruguaiana, c'est resté vide. »

    (Sydney - Rio Trilhos - Entretien réalisé en décembre 2007)

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    Solto na Cidade - Uruguaiana

     
     

    Axonométrie centrée sur l'avenue Presidente Vargas et la rue Uruguaiana. On peut observer alors les ilots qui n'avaient pas encore été détruits par les travaux du métro.

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    Les vides laissés en 1974, après les travaux de la station de

    métro Uruguaiana

    A chaque fois qu'une station de métro est créée, une fois terminée on trouve un vide de ce type. Le détail étonnant est qu'il existe une loi qui y interdit toute construction de projet privé (comme des centres commerciaux, complexes de loisirs etc). L'espace est réservé à des projets d'intérêt public comme des crèches, écoles...38 Ainsi cela explique pourquoi les vides créés par le métro perdurent. La plupart du temps ils sont occupés par des vendeurs de rue, qui les occupent de manière plus ou moins légale suivant les cas.

    Cet espace servait à ce moment là de zone de stationnement, sous le contrôle de la CODERTE39, mais il était déjà fortement convoité étant donné sa grande valeur due à sa localisation, en plein centre ville. Pour la première fois les camelots n'allaient pas se retrouver dans une zone isolée comme ce fut le cas de nombreuses fois lors des tentatives de camelódromos antérieures.

    Quatre jours pour s'organiser

    « Alors le maire a dit « Bon, ben super, nous allons donc organiser l'arrivée des camelots là ».Et tout a été fait dans la précipitation, parce qu'on avait un délai très court... ça c'est passé un jeudi, et les camelots allaient arriver le lundi. C'étaient 4 terrains, nous avons tous commencé à travailler, nous, architectes, sous-prefet, les administrateurs régionaux, nos amis, la famille, tout le monde est allé sur le sol pour peindre, démarquer... »

    (Roberto Anderson - Prefeitura- Entretien réalisé en septembre 2008)

    Comme le sous entend la citation ci-dessus, la plani~ cation du Camelódromo s'est faite de façon très sommaire. Étant donné le délai imparti il a fallu passer à l'action le plus rapidement possible. Malgré cela un plan fut dessiné par le sous-préfet de l'époque, un architecte urbaniste nommé Augusto Ivã. La répartition des camelots fut on ne peut plus arbitraire. En e et, chaque espace fût numéroté et les camelots durent se présenter dans le CIEP de la Praça XI où un emplacement leur fut décerné par tirage au sort. Ainsi il n'y eu volontairement aucune logique lors de la plani~ cation à part quelques exceptions.

    Tout d'abord comme le but était de créer un lieu de commerce, Augusto Ivã a souhaité reproduire certains détails de typologie spatiale que l'on trouve dans les shopping-centers à savoir la « Place de l'alimentation ». Au Brésil dans les centres commerciaux on trouve toujours un lieu appelé « Place de l'alimentation », dans lequel sont réunis les restaurants, buvettes, fast food etc. C'est pour cette raison que les vendeurs de sandwichs, boissons et nourriture en tout genre se sont tous retrouvés dans une même zone. Quelque soient les autres types de marchandises vendu, il n'y a pas eu d'autre stratégie de répartition, à part pour les Frères Rapetou à qui l'on avait réservé les emplacements jugés meilleurs dans les quadras A et D (nous expliquerons dans la partie suivante cette logique de fonctionnement par quadras).

    38 Il s'agit de la loi n° 1.458 du 4 octobre 1986

    39 Companhia de Desenvolvimento Rodoviário e Terminais do Estado do Rio de Janeiro (Compagnie de développement des gares routières et terminaux de l'État de Rio de Janeiro)

    Plan du Mercaddo Popular da Uruguaiana dessiné par Augusto Ivã en 1994

     

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    La contribution de la Prefeitura résida également dans la réalisation de quelques équipements tels que des locaux de réunion, dans le but d'accueillir et de reconnaître une potentielle association, ou un ensemble de responsables du camelódromo. Des toilettes furent également réalisées, ainsi que la mise en place d'une sorte d'emblème sur un mur surplombant le camelódromo, annonçant Mercado popular da U ruguaiana, « pour tenter de créer l'illusion que c'était quelque chose de plus ou moins o ciel »40. Par ce symbole le Mercado popular serait reconnu et inclus dans la ville formelle. En n deux locaux clos, d'une trentaine de mètres carrés chacun furent créés a n de servir de dépôt pour le matériel.

    40 Termes utilisés par Roberto Anderson Magalhães lors de notre entretien en septembre 2008.

    Quelques règles de fonctionnement furent établies. Tout d'abord chaque camelot n'avait droit qu'à un seul emplacement, qu'il louait, versant une taxe mensuelle à la Prefeitura. De plus, ce Camelódromo devait être un espace de transition pour les personnes les plus démunies, à savoir essentiellement les chômeurs sans aucun revenu, à la charge de familles, etc. Cette décision n'avait pas été imaginée spécialement pour le Camelódromo. En e et, en 1992, face à une forte croissance du commerce de rue, la chambre des vereadores avait établi ce qui devait dé nir la classe des vendeurs ambulants, a n de limiter la légalisation de cette profession à une catégories de travailleurs en grande di culté. « Les personnes habilitées sont déf nies par trois groupes: les handicapés, ceux qui exerçaient déjà la dite activité avant la promulgation de la loi, et les individus identif és en situation précaire. Cette dernière catégorie inclut toutes les personnes âgées de plus de 45 ans et également les chômeurs qui comptent un temps d'inactivité ininterrompu de plus d'un an, ainsi que les sortants du système pénitencier »41

    On a donc tendance à cataloguer le camelot comme un marginal, en bordure du système dont les revenus servent à peine à assurer la survie. C'est la réalité de certains, mais comme nous le verrons plus amplement par la suite, les camelots peuvent également correspondre à un tout autre type. Ainsi, l'objectif du Camelódromo était de donner l'occasion aux plus démunis d'obtenir un minimum d'argent à travers le commerce de rue en toute légalité. Une fois remis à ~ ot le camelot devait quitter le lieu se servant du tremplin o ert par le Camelódromo pour avoir une réelle activité inscrite dans le système formel. Une place se libérait alors et la Prefeitura pouvait la proposer à une autre personne dans le besoin. Il est bien évident que rien ne s'est produit de cette façon.

    « Mais il y a eu beaucoup de problèmes, avec la garde municipale, la police... Et ce qui s'est passé, c'est que ces quatre quadras, certains disent qu'elles appartiennentt au métro, et d'autres après ont dit qu'elles appartenaient à la Prefeitura, et avec cette bagarre, ils ont foutu les camelots là dedans et ça a fait le Camelódromo. »

    (Evaldo - ex-agent de sécurité du camelódromo- Entretien réalisé en octobre 2008)

    Là ou réside la première ambiguïté est dans le fait que le terrain, propriété de l'Etat s'est vu attribué aux camelots par la Prefeitura. Cette dernière s'est occupée de l'organisation mais entre ces deux responsables, chacun se renvoie la balle quant à la gestion quotidienne du lieu. Selon Roberto Anderson la taxe de droit d'occupation de l'emplacement que les camelots doivent payer à la Prefeitura fut payée uniquement la première année42. C'est ainsi que petit à petit les camelots se retrouvèrent en quelque sorte seuls maîtres à bord.

    41 Extrait de la loi 1876/92 établie le 29 juillet 1992, citée dans la thèse de Silveira Marcelus Silva, Os camelôs e o mercado popular da ru Uruguaiana: o ordenamento territorial na area central do Rio de Janeiro, Niteroi (RJ), Thèse de doctorat de Géographie de l'Universidade Federal Fluminense, 2002, p.82

    42 Déclaration faite lors de notre entretien en septembre 2008.

    Aujourd'hui le Camelódromo da Uruguaiana en centre ville. Dé nition de quelques termes propres au Camelódromo

    Il existe au sein du Camelódromo un certain nombre de termes qu'il est important de dé nir. Pour quelques-uns, il m'a paru plus simple de les conserver en portugais, pour d'autres, moins ambigus nous passerons au français. A chaque fois il sera précisé sous quelle forme nous les retrouverons au long du mémoire. Pour la plupart des mots ce vocabulaire a été instauré par les camelots eux mêmes, n'a rien d'o~ ciel, et est spéci~ que au Camelódromo. Le connaître permet parfois d'éviter des malentendus au cours des entretiens avec les camelots, mais, en ce qui concerne ceux avec les clients, les dénominations sont nombreuses et souvent hasardeuses.

    Tout d'abord à propos de ce type de lieu de vente dans sa globalité, il connaît plusieurs appellations. A propos de celle de Camelódromo, comme déjà dit précédemment ce terme n'existe pas dans le dictionnaire, il est cependant connu et utilisé de tous. Dès la création de ces premiers centres, on peut déjà lire le mot Camelódromo dans les journaux, utilisé entre guillemets. Cela dit à cette époque le terme o ciel était Centro Popular de Comércio (centre populaire de commerce). Cette appellation n'est aujourd'hui plus d'actualité.

    Ainsi de nos jours Camelódromo, et Mercado popular (marché populaire), sont les deux termes les plus couramment utilisés pour parler de ce centre de vente.

    Dans le cas de notre marché étudié, nous parlerons donc du Camelódromo da rua Uruguaiana, de même Mercado Popular da rua Uruguaiana, et même parfois tout simple Uruguaiana. On note ainsi que le simple nom d'Uruguaiana, qui à la base est le nom de la rue ou il se trouve désigne aujourd'hui ce lieu de vente lui même. Cette dernière appellation est bien plus rencontrée lors des discussions avec des clients qu'avec celles avec des vendeurs pour lesquels le nom Uruguaiana est resté avant tout celui de la rue.

    Le Camelódromo est composé de quatre parties, qui étaient originellement des ilots, séparées par des rues. Ces parties sont nommées quadras. C'est un terme général qui désigne un espace rectangulaire. Elles portent chacune une lettre, qui permet de les di érencier, nous avons donc les quadras A, B, C, et D.

    A l'intérieur des quadras, les camelots possèdent chacun leur point de vente, appelé le plus souvent box. Un box généralement est un petit espace d'1,50 mx1,50 m, dans lequel s'organise le vendeur. Il réside une ambiguïté dans le fait que box désigne à la fois la boutique, et à la fois la mesure énoncée ci-dessus (1,50x1,50). Cela complique donc la compréhension lorsque des camelots se sont associés pour faire des boutiques plus grandes, expliquant ainsi « mon box fait trois box ». J'ai choisi de conserver les mots quadra et box ne sachant comment les traduire.

    Ce point de vente est parfois désigné par les termes barraca ou loja. Barraca désigne une petite installation
    précaire (et également une tente) alors que loja est le terme utilisé dans le langage courant pour désigner

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    Solto na Cidade - Uruguaiana

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    une boutique. Ces deux mots sont souvent utilisés par les camelots se référant à leur point de vente et bien que di érents de sens j'ai préféré les traduire tous les deux par le mot boutique, étant donné leur fonction. Cependant pour éviter toute réduction, lors des retranscriptions d'entretiens je préciserai à chaque fois entre parenthèse le terme utilisé en portugais.

    Ces boxes sont regroupés en sortes de petits ilots qui ne portent aucun nom à ma connaissance, par contre le vide qui les sépare est nommé corredor (soit couloir).

    Il existe également de grands vides, que les camelots ont pourvu de quelques plantes et bancs, donnant ainsi au lieu un caractère de place publique. Ces espaces sont d'ailleurs appelés places (praça)

    En ce qui concerne les vendeurs eux mêmes, on discerne deux familles, le camelo ou ambulante, et le vendedor, comerciante ou lojista. La première famille désigne ces vendeurs de rue sans point de vente ~ xe, ou du moins o cialisé. Ils sont considérés comme des personnes en marge du système, à la situation précaire et au revenu très faible. Au cours de ce travail je traduirai ces deux termes par celui de camelot. Avec la sédentarisation des camelots dans les camelódromos, certains de ces camelots se donnent un autre statut avec les termes moins réducteurs de vendedor ou lojista. C'est le nom donné aux vendeurs qui travaillent dans des boutiques formelles. Pour ces deux termes j'utiliserai ainsi en français celui de vendeur. Toutes ces appellations sont avant tout une question de point de vue, comme nous le verrons plus tard. En e et ils varient beaucoup suivant les interlocuteurs rencontrés, et sont le re~ et de l'ambiguïté de la situation.

    Figure 11:
    Vocabulaire du Camelodromo illustré par
    l'exemple de la quadra C

    Vue Aérienne sur le Camelodromo

    Organisation actuelle du Camelodromo - 2008

    Situation géographique du camelódromo

    A l'échelle de la ville, le camelódromo se situe en plein coeur du centre de Rio, dans le quartier nommé Centro, où il y occupe une super cie de 3 000 m2. Pour les raisons qui ont été évoquées plus tôt, le Centro est devenu le grand centre d'a~ aires où les activités principales présentes sont le travail de bureau et le commerce qui rythment le quartier.

    Les limites principales du camelódromo sont dessinées par la Rue Presidente Vargas, et la rue Uruguaiana. Deux rues excessivement fréquentées, la première en raison du tra~ c important (composée de 4 fois 4 voies), déversant chaque jour une quantité impressionnante de travailleurs venant de tous les coins de Rio et des villes voisines, et la seconde par son double rôle de rue commerçante et de liaison directe jusqu'au métro Carioca.

    Les rues autour de la rue Uruguaiana sont elles aussi commerçantes, comme l'indique la carte ci-contre, qui fait état des répartitions fonctionnelles de l'actuel Centro.

    A l'arrière du camelódromo on rencontre un complexe appelé SAARA43 , composé de la rue Alfandega et ses rues voisines, qui ont toutes la même fonction exclusivement commerciale. Depuis la rue Uruguaiana pour l'atteindre, les clients doivent obligatoirement traverser les rues soit Alfandega, soit Buenos Aires, soit Senhor dos Passos, qui en continuant forment le SAARA. Créant ainsi là encore un fort passage quotidien au sein même du camelódromo. Pour information, la population des travailleurs du SAARA est essentiellement immigrante (à la base il s'agissait de la communauté juive et arabe, mais par la suite sont arrivés Coréens et Chinois qui actuellement sont majoritaires dans le SAARA. Cependant, il est très rare de les rencontrer. Généralement ils sont propriétaires des boutiques mais ce sont des brésiliens qui y travaillent44). Nous le verrons plus tard, ceci fut à l'origine de problèmes pour le Camelódromo.

    Il est important de souligner les convoitises et craintes que génèrent le droit d'utilisation d'un terrain ,qui plus est d'une telle super cie, en plein Centro. À la fois d'une valeur marchande très élevée, due à la fonction du Centro car il brasse une grande masse humaine, ce que recherche n'importe quel commerçant, formel ou non. Et d'un autre coté, le vide qu'il génère périodiquement implique une crainte généralisée du Centro en soirée et le dimanche. En e et le samedi les boutiques sont ouvertes mais ferment tôt (vers 18h), et le dimanche, le Centro ressemble à une ville fantôme. Ainsi, les locaux d'entrepôts créés pour la marchandise des camelots furent dévalisés à répétition, si bien que ces derniers furent obligés de s'organiser en conséquence.

    Encore un détail important pour comprendre ce qui fut générateur du développement du Mercado popular da Uruguaiana, fut que dès sa fondation ce dernier était composé d'environ 1500 emplacements, ce qui était largement supérieur à tout ce qui avait été plani~ é lors des expériences antérieures de camelódromo. L'objectif étant de se débarrasser d'un maximum de camelots en une fois.

    43 Nom donné au quartier qui vient en réalité de l'association de commerçants qui y a été fondée, et baptisée Sociedade de Amigos das Adjacências da Rua da Alfândega (Société d'amis des alentours de la rue Alfandega)

    44 Cette analyse brève de la population du SAARA a été faite par Roberto Anderson, mais elle n'a été vérifi ée dans aucun écrit.

    Evolution du camelódromo - Qui sont ses architectes?

    Actuellement, le camelódromo da Uruguaiana, connait un succès chaque jour croissant. En décembre 2007, un article de journal45 mettait en évidence qu'au-delà d'attirer toutes les classes sociales confondues, de plus en plus de touristes passent par le Camelódromo qui devient ainsi un pôle touristique. Cependant, lorsque l'on écoute le discours des camelots, ce succès était loin d'être gagné et une bonne localisation à elle seule ne su sait pas, loin de là. D'après même certains, l'objectif de la Prefeitura était essentiellement de calmer les camelots un moment, mais en aucun cas de faire fonctionner le lieu de vente, ceci dans l'objectif de le voir disparaître à terme.

    « Au départ les clients avaient peur, et à cause de ça beaucoup de gents (camelots) ont abandonné les box, mais aussi les box n'étaient pas comme ça. C'étaient des petits stands, durant la journée, on devait pendre des trucs, des petites cordes pour montrer tous les objets, un peu comme une petite cabane de gardien, tu vois, avec des genres de ~ ls pour suspendre. Et alors la nuit, on devait tout replier , mettre à un endroit et tout était fermé avec un cadenas. »

    (Evaldo - ex-agent de sécurité du camelódromo- Entretien réalisé en octobre 2008)

    A cause de l'aspect précaire qui n'inspirait pas con ance, d'après le camelot cité ci-dessus, les clients ont mis deux ans à pénétrer petit à petit au sein du Camelódromo. Auparavant, seuls les vendeurs situés dans la périphérie, c'est à dire bordant les rues, pouvaient vendre. Camelots et Prefeitura ont tous deux saisi rapidement que pour attirer du monde, des améliorations étaient nécessaires. La Préfeitura a cherché à donner au lieu un caractère de marché, et mis au point une norme d'aspect des petits stands des camelots, comme le montre la photo prise en 1996. Ce fut la seule aide municipale que connut le camelódromo, et c'est probablement pour cette raison que les camelots dénoncent un manque d'investissement de la Prefeitura pour ce lieu, voir même de sabotage. En e et, de nombreuses réformes eurent lieu, et toutes furent faites par les camelots eux même.

    Il est di cile de déterminer exactement dans quel ordre se sont déroulés les évènements, d'autant que tout à été fait petit à petit, mais par logique on imagine que la première amélioration fut celle du sol. Il s'agit d'une grande dalle d'une quarantaine de centimètres, qui marque un seuil, et qui fut carrelée. A cette même occasion les camelots abattirent des murets, anciennes limites du parking, qui conditionnaient les entrées, empêchant ainsi des accès directs pour les clients

    Par la suite, les stands de la Prefeitura furent abandonnés, échangés par des box de métal et une structure métallique également pour venir recevoir une couverture. Ces deux éléments, sont en continuelle mutation. En ce qui concerne la couverture, étant donné le budget limité, elle fut faite petit à petit. Détail amusant, ces périodes de travaux sont même devenues un marqueur temporel dans le

    45 Soler Alessandro (17 décembre 2007) « camelódromo da Uruguaiana vende até cachimbos para fumar crack », Globo, primeiro caderno, p.22

    Solto na Cidade - Uruguaiana

    Transformations du Camelodromo, en 1995, 1996, et 2008

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    vocabulaire des camelots; « ça c'était à l'époque de la deuxième couverture... » . En 2008 on considère qu'il y a déjà eu quatre couvertures. La première était précaire, en bâches plastiques, la seconde en amiante, puis la troisième en fer, jugé plus résistante. Les camelots se rendirent compte à leurs dépends que le fer, conducteur de chaleur produisait un e et de serre infernal, et installèrent une quatrième couverture, d'amiante à nouveau.

    « On n'avait pas d'argent. Si on appelait une entreprise, qu'est ce qui allait se passer? L'entreprise allait nous faire payer très cher, de l'argent qu'on n'avait pas. Du cou on a mis la main à la pâte nous même On a commencé à le faire. Le sol on a commencé à le faire aussi. Et ça a été comme ça. Maintenant ça fait 14 ans et on continue! »

    (Felipe - Coordinateur à l'UNIO - Entretien réalisé en septembre 2008)

    Alors que les camelots avaient très peu de notions de construction pour la majorité, on peut voir clairement qu'ils ont acquis au ~ l du temps une expérience de construction et de gestion de l'espace. Même si tous les travaux se chevauchaient dans le temps, en règle générale, en ce qui concerne la couverture, ils entreprirent les travaux en suivant l'ordre des quardas; la A, puis la B, etc. Je dis en règle générale car certains évènements comme des incendies ont amené certaines quadras à être retraitées avant d'autres dont c'était le tour. Ainsi on observe très nettement par exemple que les camelots ont compris au fur et à mesure que l'espace était plus agréable; plus lumineux et mieux ventilé, lorsque que la couverture était plus haute. Celle de la quadra A, réalisée la première est réellement située à un niveau bas, à environ 3 m du sol. De plus lors de sa réalisation, les camelots ont mis en oeuvre un faux plafond pour des raisons esthétiques, mais ce dernier obscurcit l'ensemble. Cet aménagement ne se retrouve dans aucune quadra. La quadra B a déjà une couverture plus haute, mais l'e~ et attendu n'avait pas encore été atteint (d'après Filipe, coordinateur à l'UNIO). En e et, il n'est pas toujours évident d'appréhender parfaitement ce que l'on s'apprête à créer. Cela dit, la dernière quadra ayant béné~ cié de travaux, à savoir la quadra C, pour des raisons d'incendie, semble avoir atteint un certain niveau de confort. La couverture atteint en son maximum environ 8m et les camelots ont innové avec des plaques de plastiques translucides amenant de la lumière jusqu'au centre de la quadra. La couverture de la quadra D a été commencée mais à l'heure actuelle n'est pas encore achevée. Cela pose d'ailleurs de sérieux problèmes lors des pluies abondantes aux quelles la ville de Rio est confrontée lors des changements de saisons.

    Lassés de devoir démonter et remonter chaque jour leurs stands, ainsi que de ramener la marchandise chez eux, les camelots on ~ ni par pérenniser leur espace de vente, en réalisant des box. Ils sont généralement faits de métal, ou pour le moins leur système de fermeture, par un rideau de fer qui se cadenasse au sol. Les aménagements extérieurs varient suivant le goût et l'activité du camelot. Nous reviendrons plus précisément dessus au cours de la seconde partie. L'important est de noter que dans ce cas encore, la construction a été faite uniquement par les camelots.

    Au niveau de l'organisation en plan, il y a eu peu de transformations. Lorsque que l'on compare le dessin fait par Augusto Ivã et l'actuel implantation des box, on constate que le tracé a été peu changé, juste densi~ é en certaines zones, mais l'organisation des couloirs « en peigne » a été respectée partout mis à part dans la quadra B. On constate l'apparition de nouveaux box qui, en règle générale, viennent s'adosser contre des parois laissées vides, comme des murs pignons (quadra A), des sorties de métro ou les locaux d'entrepots prévus par la Prefeitura (quadras C et D). On comprend aisément que certains espaces n'avaient pas été envisagés par la Prefeitura lors de la ré exion sur le plan, et qu'une fois sur place les camelots l'ont réadapté.

    N

    Figure 12:

    Supperposition du plan projeté par Augusto Ivã (en gris), et du plan actuel du Camelodromo.

    Par contre, un phénomène en matière d'organisation est à noter. Alors que la répartition des camelots avait été faite à peu de choses près totalement au hasard, ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui.

    La répartition spontanée suivant la marchandise

    On remarque ainsi très clairement des regroupements par thématique de vente dans chaque quadra: dans la quadra A, nous allons essentiellement trouver des montres et des accessoires de portables. Dans la quadra B on a là encore beaucoup de matériel électronique, mais également informatique, jeux vidéos, téléphones, etc. C'est également dans cette quadra que l'on va rencontrer le plus de Cds et DVDs à bas prix (piratés). Dans la quadra C on commence à rencontrer des vêtements mêlés à la marchandise précédemment citée, et en n dans la quadra D, l'essentiel de la marchandise est d'ordre vestimentaire (vêtements, chaussures, accessoires de mode, sacs)

    Lors d'une discussion avec Filipe, un coordinateurde l'UNIO, il m'expliqua que cette réorganisation volontaire n'est absolument pas le fruit d'une plani~ cation imposée par qui que ce soit, mais celui d'un arrangement entre les camelots.

    « Par ce qu'il n'y avait pas 1600 personnes qui acceptaient de travailler là à l'intérieur, par ce que nous on vient de la rue. Dans la rue les gens passaient, en le voulant ou sans le vouloir. Là non, les gens doivent aller à l'intérieur à notre recherche. Tu comprends? Alors qu'est ce qui se passe. Petit à petit se sont formés des groupes dans chaque quadra. »

    (Felipe - Coordinateur à l'UNIO - Entretien réalisé en septembre 2008)

    J'ai longtemps cru que cela signi~ ait qu'il y avait eu des échanges d'emplacements entre les vendeurs qui avaient souhaité s'organiser. C'est au cours de discussions que je compris qu'en réalité, suivant les demandes, les tendances par quadras, les camelots réadaptaient totalement leur marchandise. Dit ainsi cela paraît simple, en réalité cela implique une réelle organisation, des alliances entres camelots qui décident de se lancer dans un nouveau type de vente, cela n'a rien de spontané, et surtout d'isolé Et lorsqu'un vendeur souhaite vendre un produit déjà dominant dans la quadra, il doit avant tout intégrer un réseau déjà existant.

    « Si Dieu veut, on va changer tout ça l'année prochaine.

    Avec qui?

    Avec des gens qui vendent, ici la vente est assez mauvaise pour beaucoup d'entre nous, pour des gens qui vendent des cd, des dvd. On va s'allier... Tu sais parfois apparaît quelque chose, tu sais comment c'est. Des fois y a des quadra et il y a quelque chose qui se vend beaucoup. Et le gars vient, il dit « j'ai besoin de ton box. Je vais te payer tant, je vais voir l'association, et je vais vendre là. » C'est un peu comme un loyer. Des fois ça le fait des fois non. (...) Des fois t'as besoin de travail et des fois tu en a mais t'as besoin d'un local. Et hop, c'est bon. Tu t'associes, tu gères... »

    (Adex - vendeur depuis 7 ans dans la quadra D - Entretien réalisé en octobre 2008)

    tu une di érence de style de marchandises entre les quadras? », les réponses sont très variées. En e et, on ne peut pas dire que ce détail ait été remarqué par tous les camelots. Alors que certains répondront sans hésitation quelles sont les principales marchandises rencontrées dans chaque quadra, d'autre ne feront aucune di érence, avec la réponse récurante « é tudo igual » (c'est tout pareil). Le détail encore plus étonnant est que l'ancienneté et l'expérience du lieu ne semblent pas liées directement à ces réponses. Par contre une di érence qu'un certain nombre de camelots savent donner est le potentiel de vente des quadras. La quadra A arrivant en tête et la D en dernier. Cette notion, par contre, est connue par bien plus de camelots que les di érences de marchandises.

    Ainsi, nous avons vu qu'une succession de transformations à savoir un zoning du centre ville ainsi que la forte production de voies rapides ont conduit ce dernier a être totalement déserté, devenant un centre d'a~ aires. Ce phénomène allié à la crise des années 80 lui a fait connaître une période de décadence au cours de laquelle les métiers de l'informel se sont développés, et parallèlement le nombre d'habitants des rues a particulièrement augmenté. Au cours de cette décadence le centre s'est vu envahi par de nombreux mendiants, qui peuplent encore actuellement le centre la nuit, lorsque les bureaux ne sont plus en activité.

    A partir des année 80 on commence à voir surgir des projets qui tentent d'intégrer l'informel à la ville (de façon plus ou moins vicieuse puisque par intégration on souhaite l'éradication de façon douce d'un type d'architecture). Et ainsi apparaissent les premiers projets de camelódromos à Rio de Janeiro. Celui de la rue Uruguaiana ne pointe son nez qu'en 1994, mais est à ce jour un de ceux qui fonctionne le mieux, et il a le mérite de s'être développé par auto-gestion, par la seule participation des camelots. Il est à ce jour intégré à la ville de manière impressionnante.

    Ainsi, nous nous apprêtons à aborder dans la partie suivante, de quelle façon toute cette organisation s'est elle instaurée. Nous allons donc pénétrer dans les coulisses du Camelódromo, a n de savoir qui sont ses acteurs, quels sont les processus d'organisation qui y sont mis en place. Comme j'y ai déjà fait référence auparavant, une association, dénommée l'UNIO est à la tête de ce développement. Qu'est ce que l'UNIO exactement? Quel est son rôle au sein du camelódromo et est elle réellement hors de contrôle comme le stipulent souvent les journaux? A travers les rencontres des acteurs du Camelódromo nous allons donc voir quels y sont les fonctionnements internes, quelles y sont les règles, et quel est l'impact que le Camelódromo a sur le ville.

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    2

    Dans les

    coulisses du

    Camelódromo

    II. Dans les coulisses du Camelódromo

    Ce chapitre cherche à mettre en lumière la façon dont les camelots se sont organisés au sein du Camelódromo, quels processus ont été mis en place pour rendre le lieu fonctionnel à la vente, et quelles en sont les conséquences sur la ville formelle. On dit du Camelódromo qu'il est hors de contrôle des autorités o cielles. Est-ce une réalité? Quelles sont les règles en vigueur à l'intérieur du Camelódromo? Au sein du Mercado Popular on compte plusieurs échelles. Tout d'abord il existe une structure reconnue par tous au sein du marché; l'UN IO. Il s'agit de l'association créée par les camelots qui assure le fonctionnement quotidien du lieu. Ensuite au sein des camelots eux-même, il existe d'autres formes d'organisations, sur lesquelles l'UNIO n'intervient absolument pas. Il s'agit essentiellement d'accords entre camelots qui sont à l'origine de conséquences spatiales importantes, comme par exemple l'organisation des marchandises par thème dont il a été question antérieurement, les appropriations de l'espace,ou encore sur le rythme de vie du Camelódromo.

    Ainsi, nous allons tout d'abord nous pencher sur l'UNIO, a n de savoir comment elle a été créée, sa forme d'action et son rôle au sein de Camelódromo et dans la ville?

    Par la suite nous aborderons les camelots eux même. Qui sont ils? Comment occupent ils ce territoire devenu le leur? Que signi~ e être vendeur du Camelódromo?

    En n notre dernier regard se portera sur le rythme au sein du Camelódromo et celui qu'il impose par voie de conséquence sur le Centro qui, comme nous l'avions déjà noté, possède quant à lui un rythme très spéci~ que.

    L'UNIO - Pillier du fonctionnement du Camelódromo.

    Au fond de la quadra C, derrière un grand mur sur lequel des lettres capitales vertes annoncent « associção - Camelódromo » se trouve le siège de l'association de Camelots, baptisée UNIO par ces derniers. Passé le porche nous nous trouvons alors plongés dans un décor qui pourrait être celui de Mad Max, où sont entreposés divers outils et matériaux de construction, un peu e acés par les rayons d'un soleil puissant tamisés de poussière et d'ombres marquées. Des hommes à la mine peu engageante ne tardent pas à demander ce que vous faites ici. La première fois que je suis entrée je me suis dit qu'il était

    Porche d'entrée de l'UNIO

    peut être encore temps de revenir sur mes pas et de changer de sujet de mémoire, avant de parvenir à retrouver dans mon esprit le nom de la personne que m'avaient indiqués les camelots; Rosalice, alias Alice, la présidente de l'association. On m'amena donc dans son bureau. Rosalice, une femme de 47 ans au visage marqué, m'expliqua entre deux ordres donnés à des hommes de petites tailles qui semblaient courir dans tous les coins, qu'elle ne voyait pas d'objection à ce que je travaille sur le Camelódromo, mais qu'il ne fallait pas que je compte sur son aide. A force de discussions elle accepta de me revoir d'un air agacé pour m'accorder un entretien qui ne durera qu'une dizaine de minutes mais m'apportera quelques éclaircissements sur le fonctionnement et le rôle de l'UNIO. Alors que je m'étais résignée à me satisfaire des informations que j'avais obtenues sur cet organisme, je ~ s un jour la connaissance de Felipe, le ~ ls de Rosalice, qui est également un coordinateur de l'UNIO (j'expliquerai par la suite ce qu'implique ce rôle). A l'inverse de sa mère, Felipe, personnage imposant à l'allure joviale m'a o ert son aide avec plaisir. Il a par contre toujours tenu à ce que nos rencontres se fassent à l'extérieur du Camelódromo, et sa première déclaration fut « Je sais de quelles informations tu as besoins, et je te dirais ce que je sais que je peux te dire ». C'est à lui que je dois l'historique sur les transformations du marché, celui de la création et des transformations de l'UNIO, des explications détaillées sur les rôles de chacun au sein de l'UNIO et du Camelódromo, et également des informations nouvelles que je n'imaginais pas sur les organisations entre les vendeurs de rue de Rio de Janeiro.

    La faiblesse de ce qui s'annonce dans cette partie pourrait venir du fait qu'elle soit essentiellement basée sur les dires d'actifs de l'UNIO, limitant ainsi les points de vues. Des entretiens avec d'autres personnes telles que Roberto Anderson, un ancien travailleur de l'UNIO, les camelots eux-mêmes et des articles de journaux, m'ont permis d'avoir des sons de cloches di érents. J'ai surtout tenté de faire ressortir ce qui m'a paru le plus plausible pour mettre en lumière la force et les failles de ce système, en faisant le tri dans les informations non véri~ ées que l'on trouve notamment dans les journaux. En e et, le Camelódromo fait régulièrement la une à propos de son investissement dans la contrebande, ou encore à propos des accusations régulières des camelots au sujet de l'UNIO qui les exploiterait. Lorsque l'on veut comprendre quelles sont les limites de ce système créé par les camelots on ne peut écarter ces accusations, mais il faut les prendre avec parcimonie. D'autant qu'il m'est arrivé de constater parfois par moi-même l'infondé de certaines accusations écrites dans les journaux comme le Globo. Ainsi cette partie a pour but de décrire des faits, quitte à laisser en suspend certaines interrogations pour lesquelles chacun est libre de son jugement. L'objectif est ainsi de comprendre qui compose l'UNIO, comment fonctionne elle, quel rôle joue-t-elle au sein du Camelódromo, quelles lois la régissent?

    Présentation de l'UNIO ou Association de Camelots

    Alors que la Prefeitura semble s'être désintéressée de l'organisation du Camelódromo de la rue Uruguaiana et de son devenir, les camelots ont décidé d'en prendre en main la gestion. Le résultat est plutôt spectaculaire, et la question est donc, comment cette organisation s'est elle mise en place ?

    Le retour des frères Rapetous. La continuité d'une hiérarchie déjà établie.

    A l'origine du Camelódromo, il existait une association de camelots appelle ACAC-RJ (Association des Commerçants Ambulants du Centre de Rio de Janeiro) qui fut o ciellement reconnue responsable de l'organisation des camelots sur les terrains vidés par les travaux du métro. Cependant, au sein du Camelódromo, un groupe d'actif commença à prendre en main la réalisation des travaux dont il a été question précédemment. A la tête de ce groupe, un dénommé Alexandre Farias, qui était déjà bien connu des camelots puisqu'il était l'un des trois frères Rapetous, le groupe qui régnait auparavant sur la rue Uruguaiana. Il est di cile de savoir si ce groupe s'est imposé comme une évidence étant donné la localisation, ou si des a rontements ont eu lieux comme au sein des précédents Camelódromos. Dixit Rosa Alice, l'actuelle présidente de l'association de camelots, l'UNIO a été fondée 2 ans après la création du Camelódromo, soit en 1996, date qui correspond au début des travaux mis en place par Alexandre Farias. Cela dit, d'après la presse, c'est en 1999 que fut créée l'UN IO, après une dispute entre Alexandre Farias et Antônio Perez, le responsable de l'ACAC-RJ. C'est à ce moment là que le contact a été rompu avec l'association qui était en lien direct avec la Prefeitura.

    Pour la petite histoire, en mars 2007, les forces de l'ordre font une grande ra~ e dans tout le Camelódromo, ainsi que dans la maison du président de l'association. Ce dernier est fait prisonnier, accusé d'être à la tête d'un grand réseau de revente de marchandises dites « pirates ». Il s'agit dans l'ensemble de copies de CD et DVD, ainsi que de vêtements, tennis de marques falsi~ ées. Je n'ai pas retrouvée de traces quand et comment ce dernier sortit de prison, mais le 18 mai 2007, Alexandre Farias se fait tirer dessus et meurt alors qu'il était au volant de sa voiture.

    Peinture réalisée sur un mur du Camelodromo, représentant très certainement Alexandre Farias

    Par la suite, la présidence de l'UNIO fut reprise par Rosalice Rodrigues Oliveira, poste qu'elle occupe encore actuellement.

    Le rôle de l'association au sein du Camelódromo

    Alors que l'on peut considérer que le Mercado popular da Uruguaiana a atteint un premier stade satisfaisant en matière de construction, le rôle de l'UNIO n'en est pas moins limité. Même si à chaque incendie1, l'association est à la tête de la commande des travaux, elle assume quotidiennement un grand nombre d'autres tâches: elle est responsable de la manutention du Camelódromo et notament des toilettes, créées par la Prefeituera. Elle emploie donc une équipe de ménage qui intervient chaque jour. Elle assure la mise en place d'un réseau d'électricité, et son approvisionnement. De plus, depuis que les camelots laissent leurs marchandises dans les boxes qu'ils ont créés, une équipe de sécurité arpente 24h/24 les couloirs du Camelódromo. Pour tous ces services mis en place, les camelots paient à l'UNIO une taxe baptisée contribution sociale. Dans cette taxe sont également compris des services de dentistes et d'avocats auxquels ont droit les camelots. Dans le pratique aucun d'eux ne semble en pro ter, ou pour le moins je n'ai pas trouvé ceux qui en béné~ cient. Mais il semblerait que ce soit par choix, ces derniers

    1 Jusqu'à ce jour, ont déjà eu lieu 3 incendies, le 11 février 2001, le 3 décembre 2001, 18 novembre 2007,

    arguant qu'ils ont leurs habitudes ailleurs. Ils sont cependant conscients que ces services sont à leur disposition.

    Toutes ces équipes (nettoyages, sécurité, dentiste, avocats), que Rosalice nomme les fonctionnaires de l'association représente actuellement 57 personnes. Cependant, lors d'une discussion avec l'un de ces anciens fonctionnaires, ce dernier met en avant certains détails au sujet de ces personnes au service de l'UNIO :

    « Chacun qui participe à l'amélioration ici, le personnel (l'UNIO) lui donne un peu d'argent. Par exemple ici c'était plus bas (le toit), on l'a surélevé. Ils ont fait payé une taxe pour les box.

    A cause des travaux?

    Oui, à cause des travaux. Mais pour les travaux qu'est ce qui se passe? Ce sont leurs « employés », genre...

    Qu'est ce que ça veut dire?

    Comment est ce que je peux te dire ça? C'est un peu comme le tra~ c de drogue, ils ne peuvent que travailler à l'intérieur...

    Mais comment ça, tu veux dire que vous ne pouvez pas venir et proposer des transformations à ceux qui en ont besoin?

    Si bien sur tu peux, tu peux, mais je ne pourrais pas conseiller mon maçon par exemple, je ne peux pas amener qui je veux pour faire quelque chose ici, dans le Camelódromo. » (Evaldo - Un camelot ex-agent de sécurité du Camelódromo - Entretien réalisé en aout 2008)

    Cette conversation met en évidence que toute la structure mise en place pour donner un caractère formel à l'ensemble ne sort en réalité pas du système informel. Cependant, on ne peut nier que l'UN IO fasse preuve d'une certaine volonté sur ce plan, et a réussi depuis peu à faire valoir les emplois des agents de sécurité. Ils sont aujourd'hui sous contrat, employés par l'UNIO, et cotisent ainsi pour leur retraite. Pouvoir dire que l'on est sous contrat (carteira assinada) au Brésil est une ~ erté particulièrement grande, preuve d'une insertion dans le système formel et de réussite sociale.

    Autre détail, cette conversation démysti~ e un peu le système d'entraide concernant les milieux défavorisés. Au Brésil il existe un terme ; le Mutirão. Qui désigne ce que l'on pourrait appeler un travail en coopérative ; un système d'entraide mis en place ou chacun aide son voisin pour se voir aidé à son tour, et qui provoque l'admiration de nombreux corps de métiers aux aspirations utopistes. On attribue le succès du développement de certaines communautés dans l'état de Rio (et probablement ailleurs également) suivant ce principe de fonctionnement. Ce terme de mutirão s'est vu attribué au processus de développement du Camelódromo et par cette ré exion, notre interlocuteur sous entend que le mutirão a fonctionné aidé de certaines motivations. J'imagine que lors du commencement des travaux, l'aide ~ nancière de l'UNIO n'a pas forcément été présente tout de suite, mais on constate que maintenant que le Camelódromo a atteint un certain niveau de développement, des stimulations sont nécessaires.

    Une autre ré exion, en ce qui concerne les fonctionnaires, conserne la sécurité mise en place dans le Camelódromo. Elle est composée de 20 hommes (5 par quadra) et est totalement invisible aux yeux des clients. Moi-même qui ai fréquenté les lieux très régulièrement ai mis beaucoup de temps à les reconnaître. Il sont habillés de façon tout à fait classique, mis à part qu'ils ont un gilet noir sans manche, avec l'inscription Camelódromo, discrète dans le dos. Autant dire que la communication est faible, comparée au personnel de l'UNIO a ublé de T-shirt vert ou orange suivant la fonction (coordinateur vert et directeur orange), avec l'inscription UNIO en grosses lettres.

    On peut se poser la question de l'intérêt d'une telle discrétion. Comme le souligne Thierry Paquot, la sécurité a un double objectif d'intimidation envers les personnes mal intentionnées et de tranquillisation pour les clients qui fréquentent le lieu, qui comme nous l'avions dit, ont mis du temps à investir le Camelódromo. Or, Il a été montré que c'est le sentiment d'insécurité, tout autant que le nombre de crimes et délits commis qui diminuent par l'e~ et de la présence visible des forces de sécurité 2. Et l'invisibilité de cette sécurité induit un sentiment d'insécurité toujours présent dans la tête des clients :

    « Bon, j'en ai seulement entendu parler, moi il ne m'est jamais rien arrivé, mais ici dans le Camelôdromo on dit qu'il y a beaucoup de pickpocket.

    Ah bon?

    Il ne m'est jamais rien arrivé, ni même à quelqu'un que je connais, mais je sais que dans certains blocs3 il y a beaucoup de pickpockets. Mais bon, je n'ai rien vu et rien ne m'est arrivé

    Et tu sais dans lesquelles ça se produit plus?

    Non, je ne sais pas»

    ( Fabiano - un client - Quadra D - Entretien réalisé en septembre 2008)

    L'objectif premier de cette sécurité est de protéger la marchandise. Il va de soit qu'il faut également protéger le client car la réputation du lieu est en cause, mais ce n'est pas une priorité. Grâce à ce service de sécurité d'Uruguaiana, on est plus en sécurité dans le Camelódromo que dans le centre ville lui même, mais un grand nombre de gens l'ignorent. Par la discrétion de cette patrouille, Uruguaiana a che clairement que sur son territoire les lois qui y ont été établies sont mises en pratiques par leurs propres représentants de l'ordre qui sont di érents du système formel, tout comme le sont les lois en vigueur au Camelódromo. Malgré tout, les confrontations avec la police sont fréquentes et inévitables étant donné que nous sommes en plein centre ville. La sécurité d'Uruguaiana reste e cace mais fait pro l bas face à la ville formelle avec laquelle elle est continuellement en contact. Elle est tout à fait à l'image de cette cohabitation entendue entre le Camelódromo, son activité, et la ville de Rio.

    2 Paquot Thierry, Le quotidien urbain. Essai sur les temps des villes, (Paris), Institut des villes, 2001.

    3 Il a utilisé le terme bloco pour désigner ce que nous appelons quadra, suivant le langage établi par les camelots. On note par cette occasion que ce vocabulaire n'a pas encore été acquis par tous.

    Organisation au sein de l'UNIO

    L'UNIO est organisée suivant un schéma hiérarchique simple :

     

    Figure 13

    Le seul contact que les camelots ont avec l'UNIO se fait à travers des coordinateurs qui sont leurs intermédiaires directs. Leur tâche principale est de récolter la fameuse contribution sociale. C'est un travail quotidien car il n'y a pas de jour précis pour son règlement, chaque camelot passe un accord avec l'UNIO. Le coordinateur est également chargé de recueillir toutes les remarques de dysfonctionnements (électricité, matériel défectueux), et en faire part aux directeurs qui s'occupent de les résoudre. En n le grand rôle du coordinateur est celui de la gestion de con its entre camelots, qui d'après Felipe, sont réguliers.

    Le président et le vice président sont responsables du fonctionnement général, essentiellement de la manutention (électricité, ménage, sécurité), et s'attèlent donc à la gestion des équipes hors camelots. Ces deux personnages représentent surtout le pouvoir au sein du Camelódromo et sont les interlocuteurs directs des ou d'un quelconque autre organisme souhaitant intervenir sur le Camelódromo.

    Même si on ne sait pas exactement par quels moyens Alexandre s'est retrouvé à la tête de l'UNIO, on se doute que le réseau préexistant avant la création du Camelódromo a du jouer. Aujourd'hui, on ne sait pas trop comment Rosalice est arrivée au pouvoir ; si elle a été élue ou si cela s'est fait d'un commun accord entre le personnel de l'UNIO. Il est cependant établi que des élections doivent avoir lieu tous

    les 5 ans pour changer le personnel de l'UNIO si les camelots le désirent. Cependant, depuis 15 ans l'équipe n'a jamais changé. Rosalice faisait déjà partie de l'équipe d'Alexandre et était connue de tous, elle occupait un poste de directrice. D'après l'extrait suivant, on semble comprendre que la première équipe de direction s'est faite par auto-proclamation.

    « Premier jour du camelodrome elle (Rosalice) était déjà a l'intérieur, à participer à tout. Donc elle a une voix très active à l'intérieur. Alexandre, qu'est ce qu'il s'est passé? Il savait qu'elle avait beaucoup de connaissances, et il l'a appelée pour être directrice. Parce que là il faut avoir beaucoup de contact, bien dialoguer, entre amis. »

    (Felipe - Coordinateur à l'UNIO - Entretien réalisé en septembre 2008)

    Cetteéquipe ne semble pas près de changer, même si lesjournaux relatent parfois destémoignages de camelots se plaignant de l'attitude d'Alexandre qui exerçait sur eux du chantage. D'après un sondage réalisé par l'UNIO elle-même, cette dernière béné~ cierait de 95% des vois de camelots, ce qui indique que pour l'instant l'équipe ne sera pas modi~ ée.

    On peut malgré tout citer le nom de Periquito, un camelot qui a créé sa propre association4, et qui dénonce des abus que commettrait l'UNIO. A son sujet Felipe sourit et lève les yeux au ciel.

    « Il est fatigant, il ne veut pas reconnaître notre travail. On discute beaucoup avec lui mais bon... De toute façon il n'a l'appui de personne ici tu sais. Alors nous on lui fait comprendre... »

    Les relations entre l'UNIO et les vendeurs du Camelódromo

    Il est assez di cile de statuer sur le regard que portent les camelot sur l'UNIO. Toute une partie des travailleurs n'a pas de contact avec eux, et pour ceux avec lesquels le contact existe, on sent parfois quelques réticences à en parler, des sous entendus, des non-dits, mieux vaut ne pas se mettre l'UN IO à dos.

    Le rôle de l'UNIO n'est pas perçu par tous de la même façon. Il y a tout d'abord toute une catégorie de camelots qui est arrivée après la création du Camelódromo qui reconnaît n'avoir aucun contact avec l'association, et n'est même pas au courant des service que cette dernière leur propose (dentiste notamment).

    « Non, je n'ai pas trop de contact avec eux non. Parce que moi j'arrive ici, je monte le box, puis je ferme les lieux et je m'en vais d'ici. »

    (Tiago, 21 ans- vendeur dans la quadra C depuis 1 an - employé - Entretien réalisé en décembre 2007)

    4 Assocação Legitima Entidade Grupo de Apoio aos comerciantes do Mercado Popular do Centro do Rio. D'après l'article Depois do incêndio, ânimos quentes, par Marcelo Migliaccio, paru dans le Jornal do Brasil le 20 novembre 2007, l'association de Periquito aurait l'appui de 80 box sur les 1500 du Camelódromo.

    Ce style de réponse est assez systématique venant de la part de personnes arrivée depuis encore peu de temps. En règle générale, qui ne paie pas la contribution sociale ne semble pas avoir de contact avec l'UNIO, mais les employés qui sont présents dans le Camelódromo depuis un moment commencent à entrer petit a petit au contact de cette association. Les rapports décrits sont très conviviaux.

    « Et quelle est ta relation avec l'association de camelots? Tu as des contacts avec eux? Oui, des bonnes relations, et nombreuses.

    Nombreuses, et de quel type?

    Des conversations... On discute beaucoup.

    Et tu trouves qu'ils arrivent à améliorer les conditions de travail ici? Ou c'est plutôt des relations amicales que tu as avec eux?

    Oh, plutôt d'amitié, oui d'amitié. »

    (Fernando, 18 ans - vendeur dans la quadra D depuis 4 ans - Entretien réalisé en décembre 2007 )

    En n les camelots qui ont vu naître l'UNIO et savent comment elle fonctionne lui portent un regard di érent. Cela dit, généralement ceux qui semblent éprouver du désaccord avec le fonctionnement de l'UNIO, préfèrent être brefs à ce sujet, et cet extrait d'entretien est le seul qui soit une dénonciation réellement explicite.

    « Par exemple tu bois une bière, tu paies la quantité que tu dois, d'accord? Ben nous on paie la quantité d'électricité qu'on utilise. Et ils prennent de l'argent, ça a un prix. C'est comme dans la maison ou j'habite, il faut bien payer ce qu'on utilise. Et ici certains utilisent et on abusent. Tu comprends?

    Ah oui? Mais s'il y a quelqu'un qui veut se plaindre de quelque chose, comment il fait? Il va à l'association.

    Mais tu ne peux pas te plaindre d'eux même...

    Alors là tu peux prendre des coups, perdre ton point de vente... »

    (Evaldo - Un camelot ex-agent de sécurité du Camelódromo - Entretien réalisé en aout 2008)

    On peut lire de nombreux témoignages dans les journaux, où les camelots accusaient Alexandre Farias de les forcer à entrer dans des réseaux de piraterie etc. Toutes ces accusations sont à prendre avec précaution comme je l'ai déjà signalé, cependant il faut en avoir conscience. L'équilibre du Camelódromo repose sur les épaules de L'UNIO, c'est un fait, et les camelots sont conscients qu'ils lui doivent le bon fonctionnement quotidien du lieu. Cela dit, Roberto Anderson avait fait à juste titre la remarques suivante « Quand tu es hors la loi, dans l'irrégularité, ça donne une marge pour beaucoup d'autre irrégularités, notamment d'exploitation, à l'intérieur même du marché, certains en exploitent d'autres. » . C'est malheureusement ce qui semble e ectivement se passer au sein du Camelódromo.

    75

    L'UN IO et la ville de Rio de Janeiro

    Ainsi, l'organisation du Camelódromo a été prise en main par une association, ce qui a été béné~ que pour toute une série d'éléments, le confort des camelots ainsi que leur sécurité et celle des clients. Cela su t il à apaiser les craintes dont il a été question plus hauts par les usagers de la ville formelle?

    Regard des commerçants de la rue sur le Mercado Popular da Uruguaiana

    En face de l'entrée principale du Camelódromo, dans la rue Uruguaiana se trouvent essentiellement des boutiques de la grande distribution d'électroménager. Des conversations avec leurs vendeurs semblent mettre en lumière qu'ils sont tout à fait satisfait de ce qu'à fait l'UNIO du Camelódromo aujourd'hui. En réalité ils ne sont pas très au courant de qui a fait quoi, attribuant une grande responsabilité à la Prefeitura. Cependant, la situation actuelle, leur semble une parfaite réussite, malgré les accusations qu'ils sont habitués à lire dans les journaux au sujet de la marchandise trouvée dans certains box.

    En premier lieu, ils sont très satisfaits de ne plus sou rir d'une quantité de camelots sur leur trottoir, ce qui empêchait l'entrée des clients dans la boutique. De plus l'e~ et obtenu est double, puisqu'en plus de cela, le Camelódromo amène une quantité indéniable d'acheteurs supplémentaires à leurs magasins. Comme la marchandise proposée au Camelódromo est totalement di érente de la leure, il n'y a pas de concurrence.

    « Il sont attirés par le Camelódromo parce que les prix sont vraiment attractifs. Mais du coup quand ils sortent, ils viennent faire un tour chez nous. Oui, il y a vraiment un ~ ux plus important maintenant. Et le samedi, quand il y a moins de boutiques ouvertes au Camelódromo on sent qu'il vient moins de monde»

    (Ivone - Gérante du Ponto Frio - Entretien réalisé en Janvier 2008)

    Par ailleurs ils savent que pour l'occupation du lieu les camelots paient une taxe à la Prefeitura. Certes ce n'est plus le cas et actuellement la seule taxe qu'ils paient va à l'UNIO mais la sensation d'une justice rétablie a été cependant formulée.

    « Moi je vois ça comme un manque de respect. Ils viennent sur mon trottoir et vendent leur marchandise, alors que moi, faut pas croire, je paie des taxes pour pouvoir vendre. On fait pas ce qu'on veut ! Là comme ça, ils sont régularisés, et pour ça ils paient à la Prefeitura, ça me paraît normal. »

    (Mario - Gérant du Danùbio - Entretien réalisé en Janvier 2008)

    Quelques vues sur la rue Uruguaiana

    Comme ce Camelódromo est une initiative de la Prefeitura, sa légalité n'est absolument pas remise en cause. A ce sujet certains estiment également que le lieu est très stratégique pour que la Prefeitura garde le contrôle sur les camelots, car cette dernière n'en est pas très éloignée. Cela fait probablement référence aux expériences précédentes de Camelódromos où ces derniers étaient placés dans des lieux très éloignés du centre. Après quelques recherches, il n'est pas exclu que ce vendeur pouvait faire allusion à d'autres organismes: le Secrétariat de Sécurité publique de l'Etat situé à à peine 100 mètres du Camelódromo, et le siège administratif du Gouvernement municipal situé à 1 km. Ces deux corps du pouvoir ont été cités lors d'un article paru dans le Globo5, signalant que ces derniers maintenaient une surveillance constante sur le Camelódromo...

    Y a-t-il quelqu'un qui contrôle l'UNIO?

    Les schémas ci-contre montrent pour l'un quel est le système théorique mis en place, censé contrôler le bon fonctionnement du Mercado Popular da Uruguaiana et pour l'autre une approche de la réalité qui se produit.

    Figure 14

    5 Uruguaiana, le marché sans loi ? En référence à l'article de journal écrit dans le Globo le 20 juin 1999 « O mercado sem lei da Uruguaiana criado pela prefeiura » par Antônio Werneck

    Par un simple regard on constate un premier fait : alors que le Camelódromo devrait être au centre de ce schéma, c'est l'UNIO qui a usurpé sa place et a pris le contrôle du Mercado Popular. Même si le terrain est propriété de l'état, c'est la Prefeitura qui en est la responsable o cielle et qui doit prendre en main la mise en place des camelots et assurer le fonctionnement. Ainsi elle doit contrôler la marchandise, avec l'aide de la garde municipale, et la bonne application des règles mises en place, ainsi que le prélèvement de la taxe d'occupation du sol par les camelots. Lorsque l'on regarde le second schéma, tout contact entre le Camelódromo et la Prefeitura semble rompu alors que plusieurs entrées étaient prévues, avec l'ACACRJ6 dont elle avait le contrôle, ou encore la garde municipale qui se fait régulièrement corrompre, mais fait cependant quelques descentes de principe de temps à autres, fermant ainsi le Camelódromo pour la journée et embarquant de la marchandise7. En ce qui concerne le contrôle de l'application des règles ~ xées par la Prefeitura, cette dernière a prévu un secteur à cet e et, nommé Contrôle Urbain, avec à sa tête un dénommé Lucio Costa.

    « Lucio Costa est un personnage très curieux, parce que il était le chef de la ~ scalisation. Au départ il était un contrôleur ~ scal. Et petit à petit il est devenu le chef de la troupe de choc des contrôleurs ~ scaux, qui était un groupe qui devait véri~ er que les ambulants occupaient le lieu de forme régulière. C'est pour ça qu'ils ont créé un groupe uniquement pour ce type d'ambulants, dont Lucio Costa était le coordinateur. Je me souviens de lui, quand il arrivait pour réprimander les camelots, avec une pince gigantesque, comme dans Orange Mécanique, « allons y !! » et il coupait les ~ ls électriques, il jetais dehors ceux qui n'étaient pas à leur place... Mais à partir d'un certain moment il a commencé à créer une alliance avec les vendeurs, et maintenant il est devenu le candidat des camelots pour être vereador8. »

    (Roberto Anderson - Prefeitura- Entretien réalisé en septembre 2008)

    Cette candidature est très récente puisque les élections ont eu lieu début août 2008. Lucio Costa n'a d'ailleurs pas été élu. Pour pouvoir être candidat il avait du abandonner son poste au contrôle Urbain et une remplaçante vient de prendre sa suite. La relation entre l'UNIO et le Contrôle Urbain pourrait évoluer, changeant de responsable. Cependant, Roberto Anderson reste très sceptique, car les autorités supérieures (la Prefeitura) ne semblent pas se préoccuper de la question outre mesure.

    « En vérité je crois que il y a eu une erreur qui fut la suivante. La mairie voulait se débarrasser
    d'un problème, et une fois qu'ils ont réussi à les placer dans le terrain, ils s'en sont lavé les

    6 Associação dos Comerciantes Ambulantes do Centro do Rio de Janeiro. Association des vendeurs ambulants du centre de Rio de Janeiro offi ciellement reconnu par la Prefeitura.

    7 Isabela Kopke (8 janvier 2002) « Blitz no Camelódromo », Globo, p.10

    Leslie Leitão et Mohamed Saigg (14 mars 2006) « Camelódromo é interdito », Globo, p.9

    8 Comme une sorte de chef de quartier. Cf partie I, introduction de « Les architectes et urbanistes de la Préfeitura en action »

    mains et ne voulaient plus trop avoir de contrôle là dessus. »

    « Je crois que la Prefeitura a préféré s'occuper des camelots qui sont dans la rue, et considérer le Camelódromo comme un problème mineur. Ils sont là à l'intérieur, ils se débrouillent. Ça leur donne moins de problème. »

    (Roberto Anderson - Prefeitura- Entretien réalisé en septembre 2008)

    D'après Roberto, cette taxe ne fut payée que la première année, et avec les travaux réalisés par les camelots, ces derniers se sont petit à petit auto-déclarés propriétaires, et il est actuellement impossible de leur réclamer une taxe. Et il est vrai que lorsque le l'on discute avec Rosalice, la taxe de contribution sociale que paient les camelots chaque semaine ne sert o ciellement pas à couvrir un quelconque droit d'occupation. Ce pendant une discussion avec un camelot qui fut agent de sécurité à l'UNIO a sous entendu une autre vérité.

    « Mais la Prefeitura, qu'est ce qu'elle fait ici?

    Rien

    Rien?

    A part rester bien tranquille, prendre sa petite part et se taire. »

    (Evaldo - Un camelot ex-agent de sécurité du Camelódromo - Entretien réalisé en aout 2008)

    Robertoavaitlui aussifaitallusion aufaitqu'en réalité, mêmesi la Prefeitura netouchaito~ ciellement aucun revenu pour le prêt du terrain, il était très probable que certaines personnes responsables touchent des « dédommagements » pour laisser le Camelódromo fonctionner tranquillement. On peut imaginer expliquer ainsi l'attitude de Lucio Costa qui a su voir un intérêt personnel plus important du coté des camelots que du coté de la Prefeitura.

    D'autres organismes pourraient être également susceptibles d'avoir une relation avec l'UNIO. Il existe un Syndicat des Vendeurs Ambulants de Rio de Janeiro. Ce syndicat a un rôle d'intermédiaire entre la Prefeitura et les vendeurs ambulants. La Prefeitura a notament mis à leur disposition des locaux dans tout le centre ville où les ambulants doivent entreposer leurs stands démontables prêtés par la ville. J'avais imaginé qu'un lien aurait pu exister entre eux et le Camelódromo, étant donné l'origine des vendeurs, et la responsable a reconnu qu'il a existé autrefois un contrôle e ectué sur le lieu (je me demande si ce syndicat n'est pas l'ancienne Association des Commerçants Ambulants du Centre). Cependant actuellement, le contact avec l'UNIO est aujourd'hui totalement rompu, et certains détails de la conversation laissent à imaginer qu'elle ne mentait pas...

    « Non, tu sais, nous on ne contrôle absolument pas ce qui se passe là bas. Si tu veux des informations tu y vas et ils ont une association, tu demandes un certain Alexandre... Alexandre je ne sais plus comment, c'est lui qui gère ça.

    Alexandre Farias? Il est mort il y a deux ans.

    Mais non... Ou alors peut être et son remplaçant dans ce cas c'est un autre Alexandre » (Dona Simone - Présidente du Syndicat des Vendeurs Ambulants du Centre de Rio de

    Mars 2006 -Le Camelodromo fermé un jour de
    contrôle de police - Alexandre Farias, déclaré le
    cerveau du plus grand réseau de contrebande à Rio,
    pris par la police

     

    Janeiro - Entretien réalisé en octobre 2008)

    Au même titre que pour certains fonctionnaires de la Prefeitura, il semblerait également que d'autres organismes exercent un contrôle sur le Camelódromo. La proximité avec le SAARA a été, et pourrait être encore un réel problème9. Comme nous l'avons évoqués plus tôt, la population du SAARA est essentiellement immigrante, et compte une grande quantité d'asiatiques. Le Camelódromo est devenu un lieu de revente de marchandise de contrebande (CD et DVD pirates, vêtements de marques falsi~ ées), issue de la ma a chinoise, et l'ancien président Alexandre Farias avait été accusé d'avoir assuré 20% des boxes du Camelódromo pour le stockage et la revente de la marchandise. Par ailleurs, des moyens de pressions peu scrupuleux de la part de cet organisme ont été dénoncés, spécialement les incendies.

    Alors que l'UNIO paraît e ectivement hors de contrôle de tout organisme o ciel, elle est à ce jour reconnu au sein du Camelódromo comme un représentant de la loi au même titre que la Prefeitura, voire encore de plus forte importance, étant donnée l'intérêt manifesté par cette dernière à leur égard. Par contre, c'est à ce moment là que l'on constate qu'en perdant le contrôle des terrains, la Prefeitura a créé un lieu où l'illégalité d'occupation de l'espace est parfaitement tolérée, ce qui a engendré l'ouverture sur des illégalités beaucoup plus importantes, et sur lesquelles la prise de pouvoir semble encore plus délicate.

    9 Silva da Silveira Marcelus, Os camelôs e o mercado popular da rua Uruguaiana: o ordenamento territorial na area central do Rio de Janeiro, Niteroi (RJ), Thèse de doctorat de Géographie à l'Universidade Federal Fluminense, 2002

    Être camelot à Uruguaiana.

    Comme il a été évoqué dans la première partie, le métier de camelot est vu par la majorité de la population comme un métier marginal. Cependant être vendeur au Camelódromo est pour ses travailleurs un symbole de réussite. La situation est assez ambiguë ; à la fois faisant partie de la grande famille des camelots, tout en étant sortis de la rue, ces vendeurs semblent occuper plusieurs statuts. Qui sont donc les vendeurs du Camelódromo ? Se sentent ils di érents des vendeurs ambulants maintenant qu'ils se sont sédentarisés ?Quel est leur quotidien ? Cette sédentarisation ouvre-t-elle une porte vers de nouvelles activités? Toute une série de questionnements qui nous permettront de mieux comprendre ce que signi~ e être vendeur à Uruguaiana.

    Cette partie est les fruit de nombreux entretiens avec les camelots. Les questions posées étaient alors très simple, basées sur le mode d'arrivée dans le Camelódromo, les notions d'identités, d'appartenance et de limites du lieu, et en n la capacité d'orientation des camelots au sein de ce labyrinthe. Ces premiers essais furent concluants uniquement en ce qui concerne la notion d'identité et leur regard sur les vendeurs ambulants qui opèrent aux alentours. J'avais l'espoir que de nouveaux thèmes apparaitraient au cours des entretiens, mais lors de cette première étape les camelots se sont montrés relativement mé~ ants. Avec le recul, je me dis que commencer par des entretiens fut une grosse erreur. En e et, à partir du moment ou j'ai commencé à faire des relevés, ou encore des exercices de cartes mentales, un nouveau type de dialogue s'est instaurés avec les camelots, qui à leur tour ont commencé à me poser leurs propres questions. Une nouvelle forme de relation a vue le jour dans laquelle ces derniers se sont sentis bien plus à l'aise, et m'ont livré de nouvelles informations, notamment en ce qui concerne les associations intra-camelots, ou encore les réticence face à l'intouchable UNIO. En n le simple fait de devenir un élément du quotidien pour les camelots a probablement joué dans le gain de con ance qui s'est opéré un peu plus chaque jour.

    Qui sont les vendeurs du Camelódromo ?

    « Ça n'a jamais été fait, mais si on faisait un recensement de tous les gens qui travaillent aujourd'hui dans le Camelódromo, et qu'on le comparait avec la liste des camelots enregistrés en 94, je pense que l'on ne retrouverait pas beaucoup de monde ».

    (Roberto Anderson - Prefeitura- Entretien réalisé en septembre 2008)

    Pas si sur mon cher Roberto...

    Roberto Anderson n'a pas tout à fait tord en faisant cette a rmation, dans le sens où entre 1994 et aujourd'hui, les travailleurs d'Uruguaiana ne sont plus tout à fait les mêmes. Bien évidemment, je ne me suis pas amusée à demander à chacun des travailleurs des 1600 box depuis combien de temps ils travaillaient dans le Camelódromo, mais la question a été posée au cours de chaque entretien réalisé (soit

    un échantillon de 25 personnes), et je pense qu'il est déjà possible de tirer quelques conclusions.

    Avant toute chose il est important de dé nir exactement ce que veut dire Roberto par « tous le gens qui travaillent aujourd'hui dans le camelódromo ». Si par cette expression il désigne les travailleurs qui peuplent de leur présence ce lieu, c'est e ectivement un fait. Si par contre il fait allusion aux travailleurs qui chaque mois touchent de l'argent par la vente de marchandise dans l'espace qui leur a été attribué, alors je pense pouvoir dire que c'est tout le contraire. La majorité des camelots qui se sont vus attribuer un emplacement à Uruguaiana a su en tirer parti, et rare sont ceux qui n'y sont plus liés. Lorsque Roberto a fait cette supposition, nous parlions du fait que les camelots se soient déclarés propriétaires du lieu (nous reviendrons sur cette notion un peu plus tard dans cette partie), et qu'ils revendaient leurs emplacements pour des sommes astronomiques. En réalité je n'ai personnellement rencontré aucun camelot qui ait pu me dire qu'il avait racheté un boxe, et les chanceux qui ont obtenu un emplacement ne sont pas près de l'abandonner. Au cours des mois passés là bas, j'ai connu un camelot qui avait renoncé à son boxe, Brad, et il n'avait pas quitté le Camelódromo pour autant. Nous reviendrons sur son cas par la suite.

    Les anciens et leurs héritiers

    Quinze ans après la création du Camelódromo, il est normal que sa population ait changé. Cependant, il n'est pas rare de rencontrer quelqu'un qui puisse se vanter d'avoir participé à l'aventure Uruguaiana depuis son origine. Un certain nombre de camelots tirés au sort aujourd'hui sont encore présents, et ont généralement emporté avec eux de la famille. Cela n'a rien de très étonnant car au fur des conversations on réalise qu'être camelot n'est pas qu'un choix face à un manque de travail, c'est aussi une histoire de famille. Aussi bien dans le Camelódromo que dans la rue. Il n'est pas rare que les parents se fassent aider par leurs enfants, quittes à les laisser responsables du point de vente au bout d'un certain temps. On notera au passage que ce fonctionnement familial est général, puisqu'on le constate également au sein de l'UNIO ; rappelons le, Filipe, qui a été mon principal contact avec l'association de camelots, est le ~ ls de Rosalice la présidente.

    « Je travaille ici depuis très longtemps. C'est mon père qui a commencé ici il y a 17 ans. Ici c'est une boutique de famille?

    De mon père oui. Je travaille ici parce que j'aime bien venir ici, et puis mon père m'a appelé pour que je vienne travailler avec lui, et je suis venue l'aider. »

    (Kelly , 17 ans- vendeuse dans la quadra C depuis 14 ans - Entretien réalisé en janvier 2008)

    « C'est ma tante qui été propriétaire du point ici. Elle est décédée, et mon oncle m'a proposé qu'on vienne travailler ici du coup »

    (Deivid, 29 ans- vendeur dans la quadra B depuis 1 an et demi - Entretien réalisé en septembre 2008)

    Un vendeur de la quadra A

    « Non, mais c'est parce que le chef ici, le chef ici c'est mon cousin. Il a déjà une fabrique, la fabrique est à lui. J'ai déjà travaillé pour lui, depuis longtemps »

    (Fernando, 18 ans - vendeur dans la quadra D depuis 4 ans - Entretien réalisé en décembre 2007)

    Dans le Camelódromo où les lois sont bien di érentes de celles du système formel, celle de la relation familiale ou encore amicale est essentielle. Certes on ne peut pas nier que quelque-soit le monde auquel on appartient il existe toujours ces réseaux non dits. Mais à Uruguaiana, il semblerait que ce réseau soit la seule et unique clé d'accès reconnue pour pénétrer dans l'univers de ces vendeurs.

    Couloir de la quadra D

    Les employés ordinaires

    Ces anciens ne travaillent généralement plus tous seuls. Il est courant de rencontrer un camelot qui a sous son aile quelques employés. De plus il n'est pas rare que ces camelots aient généralement plusieurs casquettes, et que le boxe qu'ils possèdent a Uruguaiana soit un point d'entrée d'argent parmi d'autres. Ainsi on rencontre souvent des employés qui donnent l'illusion d'être des vendeurs indépendants alors qu'ils sont employés d'un autre camelot qui exerce ailleurs, parfois dans le Camelódromo mais parfois aussi à l'extérieur. Dans ce cas présent, on ne peut donc pas dire que le camelot qui s'est vu attribuer un emplacement y ait renoncé. Il en pro te pour le rentabiliser de la manière qui lui convient le mieux, en employant une autre personne. Ainsi le camelot devient un patron par le simple fait qu'il se soit vu attribuer un emplacement. Ce cas est très répandu dans Uruguaiana.

    Une fois encore, le réseau famille-amis semble primordiale pour accéder à ce statut d'employé dans le Camelódromo.

    « Ici je suis employé.

    Comment est ce que tu es arrivé ici?

    Ici j'ai été présenté par l'intermédiaire d'un gars qui habite dans ma rue. Il travail déjà depuis un moment ici.

    Vente de vêtements dans la quadra C

    Il travaille ici?

    Non, ici même non. Dans le camélodromo, mais dans une autre boutique qui est dans une autre quadra. Après il m'a présenté le gars, et j'ai commencé à travailler. »

    (Tiago, 21 ans- vendeur dans la quadra C depuis 1 an - Entretien réalisé en décembre 2007)

    « Je suis arrivée ici par contact avec des amis. J'ai rencontré quelqu'un à une fête, il m'a parlé d'ici et il m'a indiqué. Et maintenant je travaille ici.

    Qu'est ce que tu faisais avant?

    J'étais employée au mac donald. »

    (Mikael, 27 ans - vendeuse dans la quadra B depuis 2 ans - Employée - Entretien réalisé en janvier 2008)

    Parmi ces employés il a été très fréquents de rencontrer des étudiants qui travaillent dans le Camelódromo de façon temporaire, le temps de ~ nancer et terminer leurs études, ce qui est le cas de l'interlocutrice ci- dessus.

    A propose de ces patrons, je sous-entends qu'ils sont tous des camelots de la première génération qui a été tirée au sort, car c'est la réponse que j'ai obtenu lors de mes entretiens. Cela dit en 1999 on pouvait lire que les camelots revendaient leurs boxes10, comme y faisait allusion Roberto Anderson... Cette éventualité n'est certes pas exclue mais je n'y ai quasiment jamais été confrontée. Je dis quasiment car une de mes conversations avec un des camelots m'a laissé pensé qu'il pouvait s'agir d'un de ces « nouveaux propriétaires » :

    « Ça fait 7 ans que je suis là

    Tu as acheté ce boxe ?

    Alors là on arrive dans une partie que je ne peux pas te parler.

    Pourquoi ?

    Parce que non. C'est déjà quelque chose de personnel, qui ne regarde que moi. C'est entre guillemets personnel. Moi je veux bien t'aider à faire ton travail, mais pas sur ce qui concerne ma partie personnelle. »

    (Adex- vendeur dans la quadra D depuis 7 an - Entretien réalisé en octobre 2008)

    Le fait qu'il soit ce pendant un des ces « nouveaux acheteurs » n'en est pas pour autant évident, cependant, étant donné que le simple fait de passer un accord de location avec le propriétaire du boxe est déjà vu comme une fraude, ce camelot aurait pu vouloir simplement rester discret sur une situation de locataire similaire à tant d'autre, qui sont ceux que je quali~ e de...

    La nouvelle génération de camelots

    Pour ce dernier cas de camelots, il s'agit de vendeurs, généralement jeunes qui, par manque de travail et/ou simple prise d'initiative personnelle, décident de fonder leur propre entreprise de vente. Ces personnes sont des vendeurs indépendants qui n'ont rien à voir avec les employés évoqués précédemment. Pour des raisons de facilité et de stratégie commerciale, ils choisissent de louer un local dans le Mercado Popular.

    Pour trouver un boxe libre dans le Camelódromo, il faut avoir ses entrées. Et aussi étonnant que cela paraisse, le passage par l'UNIO est une possibilité et non une fatalité. La transaction peut se faire directement avec le « propriétaire » légal du boxe, ce qui explique pourquoi même l'association de camelots ne possède aucun registre des travailleurs du Mercado popular. Mais là encore, attention ! Un camelot ne vend pas son box, il le loue, bien que ce soit interdit par la Prefeitura.

    1 0 Werneck Antônio (20 juin 1999) « O mercado sem lei da Uruguaiana », Globo, primeiro caderno, p.12

    « J'avais un ami qui travaillais ici, et il nous disait tout le temps, pô, allons travailler là, vous allez gagner de l'argent. J'ai un bon plan pour vous si vous voulez gagner vraiment de l'argent. Etc etc. Et de là, on y a cru, on s'est regroupés à trois amis

    Vous êtes trois?

    Oui c'est ça.

    Ça coûte cher d'avoir une boutique ici?

    Non. Tu loues. Tu paies un loyer par mois. Nous on paie 200 reais »

    (Wellington, 21 ans- vendeur dans la quadra D depuis 3 semaines - Entretien réalisé en décembre 2007)

    Quelques chi res sur les travailleurs d'Uruguaiana

    Le tableau ci joint fait un compte rendu des informations tirées de 25 entretiens réalisés, relatant la quadra où le camelot exerce, son ancienneté, à quelle catégorie de camelot il appartient d'après les critères établis ci-dessus, et par quels moyens il est entré dans le Camelódromo. Il faut prendre ces résultats avec précaution car il s'agit d'un très petit échantillon de travailleurs face à la quantité présente. D'autant qu'il y a bien plus de travailleurs que de box, il n'est pas rare de rencontrer un box où travaillent le patron et ses employés, ou encore des associés. Le patron d'ailleurs n'est pas nécessairement présent dans le boxe, et nomme alors un gérant responsable du box. Ainsi, à chaque fois que l'on trouve le mot « employé », il y a fort à parier que le patron soit lui un ancien toujours rattaché de plus ou moins loin à son box.

    Pour faire quelques pourcentages, on note 40% d'« anciens » (soit 10 personnes), 40% également d'employés, et seulement 20% de « nouvelle génération de camelots » auquel j'ai ajouté notre potentiel nouveau propriétaire (soit 4%). On constate qu'il semblerait que les quadras C et D soient plus accessibles aux nouveaux arrivants que les deux autres où l'on va rencontrer une majorité d'anciens et leurs employés. Cette impression peut se con rmer dans la quadra A par le fait que l'on ne rencontre que des camelots d'un âge déjà mur (entre 40 et 50 ans environ), alors que dans les 3 autres quadras le personnel a tendance à être majoritairement plus jeune (constatation personnelle, sans chi re à l'appui...)

    Ainsi ce tableau mettrait en évidence que contrairement à ce que pense Roberto, les camelots enregistrés en 1994 sont toujours présents, la di érence réside dans le fait qu'ils ne sont plus en majorité, étant donné la quantité de personnes qu'ils emploient, ou à qui ils louent leur emplacement.

    Rayon de soleil entre les bâches dans la quadra D

     
     

    85

     

    Figure 15

     

    L'occupation de l'espace, entre accords et négociations

    La notion de propriété

    Comme il a déjà été sous entendu précédemment, il règne une ambiguïté sur le statut des camelots. Ils se déclarent propriétaires du point. La règle leur interdit strictement de louer ou vendre leur espace, mais comme nous pouvons le constater c'est malgré tout monnaie courante.

    « Ils peuvent être propriétaires du box de la façon suivante; Une association a construit tout ça et leur a donné le droit d'utiliser le box en question. Mais ils ne sont pas propriétaires de la terre. La terre est la propriété de l'état. »

    (Sydney - Rio Trilhos - Entretien réalisé en janvier 2008)

    « Il est interdit de louer des box ici. Il est interdit de louer ou de vendre, c'est interdit par la Prefeitura. Nous on ne s'occupe pas de ça, celui qui veut un box il doit voir avec la Prefeitura»

    (Rosa Alice - Actuelle présidente de l'UNIO - Entretien réalisé en décembre 2007)

    Dans son discours la présidente de l'UNIO est très cohérente, consciente des limites des pouvoirs qui leurs sont donnés, et des droits des camelots. Dans la pratique on verra par la suite que l'association s'est elle même autorisée le droit de louer le sol. En ce qui concerne les camelots, l'UNIO se garde d'intervenir sur les locations de box, et comme nous l'avons vu plus haut, pour trouver un lieu de vente il est plus e cace d'avoir des contacts que de passer par l'association qui ne fait pas agence immobilière. La conséquence pour tous les camelots nouveaux arrivants est une confusion générale, il leur parait évident qu'il existe un propriétaire.

    « Mais au départ il a acheté à quelqu'un ou il est arrivé là en étant directement propriétaire ? Il a été directement propriétaire.

    Ah oui ? Comment ça a fonctionné ça ?

    Ah, c'est très di cile je ne sais pas. Il n'y a que lui qui sait. »

    (Kelly , 17 ans- vendeuse dans la quadra C depuis 14 ans - Fille du propriétaire - Entretien réalisé en janvier 2008)

    Les anciens camelots a rment avec aplomb qu'ils sont propriétaire mais on peut malgré tout imaginer qu'ils sont conscient de l'ambiguïté de leur situation, et savent juste en pro ter.

    « C'est le monde semi-marginal tu comprends, ils ont des contrats, mais ne sont maîtres de rien. Ils sont là parce que c'est un politique qui les a laissé faire. Comme les favelas tu vois. »

    (Sydney - Rio Trilhos - Entretien réalisé en janvier 2008)

    En n un tel sentiment est plus que compréhensible, puisque ce sont eux qui ont créé ce lieu et l'ont fait fonctionner. Sydney fait remarquer à juste titre que ce même débat est soulevé concernant les favelas. La di érence réside dans le fait qu'apparaissent des décrets donnant des autorisations de d'occupation de territoire à vie, revenant à un compromis entre informalité et propriété concernant les favelas. Rien n'existe encore à ce sujet concernant les lieux de commerce. Il est vrai que la question ne s'était pas encore posée, jusqu'alors les camelots n'avaient jamais pu revendiquer à un titre de propriété en occupant les rue. Cependant, ce sujet n'est pas à l'ordre du jour et face à l'importance qu'a pris le Camelódromo aujourd'hui dans la ville, il est dans l'intérêt de la majorité de la laisser fonctionner, beaucoup trop d'emplois étant en jeu.

    L'organisation du camelot dans son box, ou l'art de tirer prof t du moindre espace

    Comme on a pu le constater, toutes les constructions ont été faites par les camelots, et il est intéressant de noter que suivant la marchandise proposée, on peut classer les box suivant des typologies spéci~ ques.

    En règle générale, on peut imaginer qu'à l'origine les box devaient être relativement identiques. Suivant leurs localisations les dimensions pouvaient légèrement varier (s'il vient s'adosser à un mur il peux béné~ cier d'une plus grande profondeur), mais le modèle classique reste de 1,50mx1,50m. Par la suite ces dimensions se sont vues modi~ ées suivant les alliances passées, devenant des multiples de 1,50. L'époque de construction in ue aussi, comme nous l'avons vu précédemment, en ce qui concerne les hauteurs sous plafond. On pourrait penser que ce n'est qu'un détail à l'échelle du box, mais en réalité cela in ue directement sur son aménagement interne. Dans la quadra A, la hauteur est très basse et inutilisable, alors que dans les autres elle est nettement supérieure et sert au stockage de marchandises, et à la mise en place de pancarte, venant jouer un grand rôle dans l'aspect des couloirs.

    En matière de matériaux, les boxes sont généralement tous faits de la même manière. Un structure de poteaux métalliques vient encadrer des murs séparatifs généralement en agglomérés recouverts d'un revêtement blanc, ou en plastique fort. Le système de fermeture est identique pour tous; un rideau de fer qui se tire du haut vers le bas et vient se fermer à l'aide d'un cadenas dont l'attache est ~ xée au sol.

    La quadra A, pour avoir une grande quantité de matériel de valeur est la seule qui possède un système de fermeture identique à celui des box au niveau des entrées de chaque couloir donnant sur l'extérieur, assurant ainsi une meilleur protection de la marchandise.

    Une homogénéité des matériaux de construction ne va pas empêcher à ensemble à d'avoir un aspect chaotique, car ce qui dessine avant tout l'architecture d'Uruguaiana, c'est la marchandise. Suivant le type de produits vendus dans le box, l'exploitation de l'espace est di érente, mais ils ont tous le point commun d'une exploitation intensive du moindre espace. C'est ainsi que l'on va di érencier les types auxquels je faisait allusion tout à l'heure.

    On note également une di érence d'utilisation de cet espace pour les clients, qui se font de trois façons,
    représentées par les symboles ci-contre. Dans certains cas le client peut circuler pour observer la marchandise
    par l'extérieur, soit venir fouiller à l'intérieur, ou aborder la marchandise de manière frontale, et le client reste

    Figure 17

    face au comptoir.

    Solto na Cidade - Uruguaiana

    La boutique d'informatique

    Tous les box vendeurs de matériel informatique ou électronique ont opté pour une même stratégie de présentation de marchandises sur de petites étagères qui tapissent les parois séparatrices sur toute la hauteur. On trouve également le traditionnel comptoir de verre qui expose des produits à plus forte valeur marchande (logiciels, téléphones, appareils photos...)

    88

    La boutique atelier

    Très similaire à la précédente, la boutique atelier comporte quand à elle un petit plan de travail, submergée d'outils et de matériaux. Une des caractéristiques est la multiplicité des tiroirs dans lesquels le camelot garde tous ses composants. On notera à l'occasion que la seconde boutique est un des rares cas de box à double orientation, donnant sur deux couloirs, conf guration que l'on ne rencontre que dans la quadra A.

    89

    La boutique vitrine - Stratégie du vendeur de chaussure

    Cette boutique est à mes yeux la plus originale, car elle réinvente l'idée de la boutique dans laquelle on entre, et se sert de tout le volume comme d'un support d'exposition. Toutes les parois se voient utilisées pour poser des étagères autours desquelles les acheteurs tournent et font leurs choix. La partie intérieur devient un lieu de stockage auquel les clients n'ont pas accès. Pour cette raison les vendeurs de chaussures sont généralement placés en angle, multipliant ainsi la surface d'exposition.

    C'est selon moi ce type de vendeur qui gagne la palme de l'usage des surfaces. La structure du boxedisparaîttotalement,tapissée d'unefoultitude de marchandise,jusquesur l'enseigne qui est généralementinexistante. Les paroisintérieuresetlorsquec'estpossibles lesextérieurségalement sont alors recouvertes de marchandises, donnant naissance à une toute autre architecture. Dans le cas suivant, la partie supérieure de la boutique sert d'entrepôt alors que toute la partie basse peut être allègrement fouillée par les clients. Sur ce relevé, le vendeur a de nombreux supports supplémentaires qu'il entrepose la nuit dans le box, et qu'il sort en journée, lui permettant ainsi d'augmenter sa surface de vente. Dans le cas présent, possible uniquement pour les vendeurs situés en bordure du Camelódromo, cette dernière est alors tout simplement doublée.

    Solto na Cidade - Uruguaiana

    Le vendeur accumulateur

    92

    Les possibilités d'extension de son espace de vente

    L'exemple précédent qui est loin d'être un cas isolé est la parfaite illustration de ce qui est monnaie courante dans le Camelódromo, à savoir le déploiement de la zone de vente hors des limites ~ xées initialement par le tracé de la Prefeitura. Lorsque l'on aborde le sujet les camelots aiment à plaisanter sur cet absence de limites, insistant sur les libertés que leur donne le statu de camelot, doublé par le fait qu'ils exercent dans un lieu ou les lois sont faites par eux mêmes, ce qui devient un élément de ~ erté.

    « Je vois que tu as ton box ici et que tu utilises aussi toute la partie de devant. Tu as le droit de faire ça?

    Non.

    Mais il n'y a pas de problème pour que tu fasses ça?

    Non.

    Personne ne fait de remarque?

    C'est que je suis un ancien ici, alors personne ne se plaint. Je m'entends bien avec tout le monde... C'est le Jeitinho Brasileiro! »

    (Luis - Vendeur dans la quadra C depuis 14 ans - Propriétaire - Etretien réalisé en janvier 2008)

    Il existe au Brésil un fait de notoriété publique; le Jeitinho Brasileiro, que l'on pourrait traduire par l'art de la débrouille (brésilien). C'est cet art de la négociation, de détourner les règles, de toujours tirer son épingle du jeu, qui à plus grande échelle vaut la corruption dont le Brésil sou re beaucoup. Même si un stéréotype donne cette capacité de débrouillardise aux latins en règle générale, le terme Jeitinho Brasileiro est o ciellement établi dans la culture et fait la ~ erté de son peuple, ou pour le moins des Cariocas, qui n'hésitent pas à excuser certains de leurs actes par le Jeitinho Brasileiro.

    Ainsi, le jeitinho brasileiro est une des règles primordiales qui a cour au sein du camelodromo. Aussi bien face à la Prefeitura pour l'appropriation des lieux qu'entre les camelots eux même, pour la négociation des espaces.

    Les aerations de metro utilisees comme support de vente

    Marques au sol dans la Quadra D, af n de limiter les expensions des boxes

    L'art de contourner les règles

    L'une des règles principales au sein du Camelódromo est qu'un camelot n'a le droit qu'à un box. En connaissance de cette règle, on est étonné par la quantité de boxes qui ont été joints pour n'en faire qu'un seul. De même, en discutant avec des employés, ils n'est pas rare qu'ils expliquent que leur patron possède en réalité plusieurs boxes au sein du Camelódromo.

    « Cette boutique est la seule de matériel de pêche?

    Non, non, il y a d'autres boutiques ici. Il y en a ici d'autres propriétaires, ils y en a d'autres aussi mais du même propriétaire, mais dans d'autres endroits, dans d'autres rues, dans d'autres quadras »

    (Tiago, 21 ans - vendeur dans la quadra C depuis 1an - Employé - Entretien réalisé en janvier 2008 )

    Dans certains cas les employés sont plus en mesure de donner des informations sur ces multipropriétaires, et on se rend compte qu'elle peut être en réalité le fruit de plusieurs types d'alliances qui détournent habilement cette règle, tout en l'applicant.

    « Il a 3 boutiques. Une là il est associé avec un mec, ici il loue, et là la grande là bas c'est à lui. Il a trois 3 boutiques ici, dans le mercado popular. Deux dans la quadra D et une dans la quadra C. »

    (Fernando, 18 ans - vendeur dans la quadra D depuis 4 ans - Entretien réalisé en décembre 2007)

    « Il y a combien de box ici?

    Trois. Là c'en est un, entre là et là c'en est un autre, et il y en a encore un de l'autre coté. Et donc ce sont les trois frères les trois propriétaires?

    Non, le propriétaire c'est que lui, le grand »

    (André, 20 ans - vendeur dans la quadra C depuis 2 ans, dans la boutique « les trois frères » - Entretien réalisé en janvier 2008)

    On comprend aisément que la règle « un box - un camelot » n'ait pas été très di cile à faire respecter, étant donné que chacun souhaitait pro ter de l'espace qui lui avait été attribué. Bien sur, ce n'est pas le cas de tous les box, mais généralement, ceux qui proposent un même type de marchandise sont rattachés à un réseau commun. On pourrait mettre ce réseau sur le dos de la sédentarisation du camelot dans ce lieu, ce qui lui a permis de s'organiser, de créer toute une structure de commerce. Cependant, nous reviendrons dessus un peu plus tard, le camelot n'a pas attendu d'arriver dans un Camelódromo pour s'organiser...

    Faire partie du Camelôdromo ou ne pas faire partie?

    Il est parfois di cile de dé nir les limites précises du Mercado Popular. Certes, la dalle surélevée qui a été coulée, et la couverture permettent d'établir des limites concrètes très claires, qui sont con rmées par les camelots lorsqu'on leur pose la question. Cependant, toute une catégorie de vendeurs vient troubler ces limites. Ce sont des vendeurs ambulants qui font des aller et retours entre la rue et le Camelódromo, des hommes sandwich, et une quantité très importantes de vendeurs de produits pirates qui pro tent des ~ ux générés par le Camelódromo. Alors, toutes ces personnes mobiles, qui gravitent autours du Camelódromo en font elles partie ? Quels sont leurs liens réels avec le Camelódromo ? Quels sont les éléments qui permettent de dire exactement que quelqu'un fait ou non partie du Camelódromo da Uruguaiana?

    Les vendeurs de rue font ils partie de la nouvelle famille Uruguaiana ?

    A cette question, les réponses obtenues sont assez variées, mais ces dernières permettent de déduire ce qui dé nit les vendeurs faisant partie du Camelódromo.

    « Non, non, ils ne font pas partie du Camelódromo, et puis avec ce qu'ils vendent, quand la police passe ils partent en courant. Ici c'est le Mercado Popular da Uruguaina, nous on n'a pas besoin de partir d'ici. Ici c'est à nous. »

    (Kelly , 17 ans- vendeuse dans la quadra C depuis 14 ans - ~ lle du propriétaire - Entretien réalisé en janvier 2008)

    « Il n'en font pas partie et ils nous posent des problèmes, parce qu'ils travaillent avec de la marchandise illégale, et quand c'est la course parce que la police débarque, ils courent à l'intérieur, et nous ça nous porte préjudice. Ça donne une mauvaise réputation, on parle mal des camelots, qu'ils servent à rien. Nous on est des vrais camelots. Eux ce sont... des pirates, un truc du genre. Ici, on est des vrais vendeurs, avec une boutique (loja). Dehors non! »

    (Tulio, 25 ans - vendeur dans la quadra D depuis 8 mois - Employé - Entretien réalisé en janvier 2008)

    « Non, ils ne font pas partie du Camelódromo, parce qu'ils ne paient aucune taxe. Ici on paie des taxes, pour l'électricité, pour la lumière, ils ne paient rien et ils sont toujours par ici. Et ils créent des tumultes, en fuyant de la garde municipale. Mais bon, je ne suis pas contre personnellement, parce que je trouve que chacun doit gagner sa vie, et malheureusement on vit dans un pays qui ne donne pas la même opportunité à chacun. »

    (Kelly, 27 ans - vendeuse dans la quadra B depuis 2 ans - Employée - Entretien réalisé en janvier 2008)

    « Oui oui, ils font partie.

    Pourquoi?

    Ben parce qu'ils font partie! C'est des vendeurs comme nous.

    Même s'ils n'ont aucun box à l'intérieur?

    C'est des camelots aussi! »

    (Fernando, 18 ans - vendeur dans la quadra D depuis 4 ans - Employé - Entretien réalisé en décembre 2007)

    « Bon, ils sont pas comme nous, mais ils font, partie... C'est un peu comme, je sais pas moi, une sorte de maladie. »

    (André - vendeur dans la quadra C depuis 2 ans - Employé - Entretien réalisé en janvier 2008)

    « Je crois qu'ils font partie, tout n'est qu'une question de contexte. C'est juste qu'ils n'ont pas de box ici à l'intérieur, mais ils font partie quand même »

    (Deivid , 29 ans- vendeur dans la quadra B depuis 1 an et demi - Héritier - Entretien réalisé en septembre 2008 )

    On constate que la question de la légalité de la marchandise est une notion qui caractérise les vendeurs de rue comme ne faisant pas partie du Camelódromo. Il y a cependant de nombreuses boutiques qui vendent exactement le même type de produit à l'intérieur. Le simple fait d'être pourchassé ou non par la police déterminerait l'appartenance au Camelódromo. En réalité, la situation est un petit peu plus complexe. Sans pouvoir une fois de plus tirer une conclusion générale, il semblerait qu'en réalité tous les vendeurs ambulants qui peuplent les rues alentours soient rattachés à Uruguaiana.

    Un vendeur de Cd et DVD pirates, rue da Alfandega

    Dans tout lieu fréquenté on trouve des vendeurs de rue, c'est le principe même de leur activité, d'où le caractère ambulant, puisqu'ils suivent les foules. Dans le cas d'Uruguaiana, la situation est di érente. Les vendeurs de rue travaillent en partenariat avec les vendeurs de la même marchandise qu'eux à l'intérieur du Camelódromo. Le réseau est assez complexe et les cas sont di érents selon les vendeurs. Nous avons ici deux exemples di érents. Le premier est un vendeur de rue qui est rattaché à un box principal. C'est-à-dire qu'il vend sur le trottoir une marchandise qui en réalité provient d'un box à l'intérieur du Camelódromo. Il met en avant le réseau auquel ce box est rattaché, étant ainsi lui-même lié, par l'intermédiaire de ce box, à tous les autres. Même s'il est l'intermédiaire direct du box pour le transfert des marchandises jusque sur la rue, il est en réalité l'employé d'un dénommé Coroa qui a établi l'échange et le couvre avec un point de vente de boissons fraiches.

    « Et ces DVD que tu vends, ils ne viennent que d'un box ou de plusieurs ?

    C'est mélangé, quand il n'y en a plus dans le box on va en chercher dans un autre. Tu es rattaché à combien de box à peu près ?

    Beaucoup, presque tous. Là ou il n'y a pas on prend dans l'autre, puis dans l'autre, puis dans l'autre...

    Et un boxe a plusieurs points de vente dans la rue ?

    Ça dépend du propriétaire du box.

    Et dans le cas de ton box?

    Mon box n'a que ce point ici. Mais il y a d'autres boxes qui ont plusieurs points. Il faut combiner avec les autres, mais de toute façon, tous les espaces libres qu'il y avait, tout le monde les a déjà occupé, il n'y a plus de place. Chaque point maintenant a son chef. » (Kleyton - employé par Coroa, vendeur de DVD et CD piratés dans la rue Senhor dos Passos - Entretien réalisé en octobre 2008)

    Le second cas est un peu di érent. Brad avait été tiré au sort en 1994 et vendait dans son box des CDs et DVDs pirates.

    « J'ai déjà fait de la prison moi! On m'avait pris parce que j'avais des produits pirates dans mon boxe. Alors c'est bon, c'est terminé, là on peut me prendre, je n'ai rien sur moi! »

    (Brad, vendeur ambulant de DVD et CD piratés - Entretien réalisé en octobre 2008)

    Figure 17

    Modes de vente et deplacements de Brad, Kleyton et Coroa

    Brad a abandonné son box mais n'a pas arrêté de vendre du matériel piraté à Uruguaiana. Aussi étonnant que cela paraisse, vendre dans la rue est pour lui avant tout un choix de sécurité. Il existe e ectivement une image du camelot qui est hors la loi dans la rue et reconnu légal dans son box, ou qui du moins possède une situation plus stable. Mais il est vrai qu'en cas de descente de police, il est bien plus simple de se débarrasser d'un sac à dos que de quelques centaines de kilos de Cds accumulés dans un box.

    « La police passe plusieurs fois par jour.

    Et dans ces cas qu'est ce qui se passe ?

    Il faut tout retirer et partir en courant pour tout garder.

    Et tu caches ta marchandise dans le Camelódromo ou dans d'autres endroits ?

    Oh, ça dépend, des fois dans une boutique du Camelódromo, des fois dans un coin de la rue. Il faut cacher dans n'importe quel endroit.»

    (Kleyton - employé par Coroa, vendeur de DVD et CD piratés dans la rue Senhor dos Passos - Entretien réalisé en octobre 2008)

    On comprend ainsi la stratégie de Brad. Il n'a aucun stand ~ xe, mais se promène avec un mini présentoir sur lequel se trouvent les pochettes des dernières parutions dans le monde du DVD pirate (généralement il s'agit de ~ lms qui viennent de sortir au cinéma ou des copies de DVD qui viennent d'apparaître dans le commerce). Il possède les plus vendus dans son sac, mais si le client demande autre chose il va s'approvisionner dans les boxes de CD et DVD du Camelódromo avec lesquels il a bien sûr passé un accord.

    « Demande à tout le monde ici où est Brad, tout le monde le sait. Mais tout le monde te
    le dit pas, parce que moi je vends beaucoup, il y a des jaloux, alors il vont te dire « ah mais
    regarde, moi aussi j'ai ça, ou ça, pas besoin de trouver Brad ». Moi je suis en contact avec

    tous les boxes de CD , DVD, ce que tu veux je le trouve . Pour n'importe quel ~ lm tu retiens un nom : Brad ! »

    (Brad, vendeur de DVD et CD piratés - Entretien réalisé en octobre 2008)

    Il est ainsi di cile de conclure sur le statut de ces vendeurs qui de toute évidence font eux aussi partie de la grande machine d'Uruguaiana, même s'ils n'ont pas de box. A la question fatidique le premier répondra qu'il est un vendeur de rue alors que le second reste un vendeur du Camelódromo. Le fait qu'il ait eu un box et ait vécu les étapes d'évolution d'Uruguaiana est sûrement un élément important, car faire partie du Mercado Popular c'est aussi faire partie de son histoire.

    Di cile de quitter la rue

    En n on se rend compte que certains vendeurs n'ont pas apprécié d'avoir perdu le contact de la rue, et malgré le fait de posséder un box, ils partent toujours à la recherche du client. Ces camelots que l'on a tendance à prendre pour des petits vendeurs ambulants comme il en circule à toutes heures à Rio, passent en réalité leur journée au sein du Camelódromo qu'ils ont leur propre façon d'utiliser.

    « Ils font partie aussi. Parce qu'il y a beaucoup de gens d'ici, de l'intérieur, qui vont à l'extérieur.

    Des gens de dedans qui vont dehors? Pourquoi?

    Parfois quand il y a beaucoup de mouvement il vont dehors. Ils estiment qu'ils vont faire plus d'argent. »

    (Ludmila - vendeuse depuis 4 ans dans la quadra D - Copropriétaire - Entretien réalisé en décembre 2007)

    « J'ai une petite boutique ici (barraquinha)

    Ah tu en as une ? Mais tu t'en sers pour quoi alors ?

    Ben je m'en sers pour garder des trucs, je vais pas ramener tout chez moi c'est très lourd, ça pèse, les boissons c'est très lourd!

    Et tu vends que ici ou aussi dans ton box ?

    Oh ben des fois je vends là bas, mais ici c'est mieux, dans le boxe c'est un peu caché je trouve.

    Il est où ton box ?

    Dans la quadra D »

    Ainsi donc, certains vendeurs ambulants ne le sont pas autant qu'ils n'y paraissent et béné~ cient des critères qui les quali~ ent comme faisant partie du Camelódromo. Ils viennent ainsi étendre les limites de ce dernier, au même titre que les ambulants « pirates », qui, par leur rattachement à un box sont

    également liés à Uruguaiana. Vente de boissons devant le Camelodromo

    (Pedro - vendeur ambulant - Propriétaire d'un box dans la quadra D - Entretien réalisé en octobre 2008)

    L'arrivée des grandes ~rmes dans le Camelódromo

    Le Camelódromo a atteint un tel succès aujourd'hui que des grandes marques internationales cherchent à y avoir leurs entrées. Ce pendant, les procédés utilisés sont réellement amusants, comme nous l'avions signalé plus tôt, n'entre pas qui veut dans le Camelódromo, il faut une clé d'accès.

    Ainsi nous rencontrons en plein milieu de la quadra D (la plus mauvaise sur le plan de la vente selon les camelots) une petite installation constituée d'une table et d'un parasol, aux couleur de la ~ rme international Honda.

    Attablés, deux jeunes vendeurs m'expliquent l'intérêt pour la ~ rme d'avoir un poste dans un lieu hautement fréquenté tel que le Camelódromo. Lorsque nous abordons le sujet de l'intégration à Uruguaiana, les explications sont plus que complexes :

    « Ici c'est LE point stratégique. Nous, on est des vendeurs extérieurs, tu sais, vendeur externe ça veut dire qu'on est de la rue. Alors nous on repère ou est ce qu'il y a beaucoup de passage, c'est ici, donc c'est ici qu'on monte notre point.

    Ce n'est pas Honda qui vous a demandé de mettre une table ici ?

    Non, c'est nous qui avons proposé à Honda d'en mettre une ici. Parce que nous on est des vendeurs de rue. »

    Jusqu'ici tout va bien, ces vendeurs font déjà partie de la famille des vendeurs de rue, et on peut même admirer l'initiative dont ils ont fait preuve. Mais au fur et à mesure de la conversation :

    « Mais comment vous avez obtenu l'autorisation de vous mettre au milieu du chemin

    En réalité ici c'est payé. Ici si tu montes quoi que ce soit, tu sais, il y a une association, cette tente tu paies, ça en face tu paies. Tout ça là, il faut payer pour pouvoir rester ici. Ici c'est un lieu sous le domaine de l'association. Et puis en fait notre entreprise... Parce que nous on fait partie de Honda, tu sais Honda à Barra da Tijuca11. Eh ben elle est partenaire avec motoline de Barra aussi.

    ??

    Bon, ben en fait ce point là avec Moto line les mecs qui étaient venus là ils avaient eu des problèmes, et nous on pense que ça peu marcher. Du coup comme on est partenaire avec l'autre entreprise on a pu récupérer le point »

    A partir de ce moment on ne comprend plus grand-chose... La barrière de la langue peut être.

    « Mais vous aviez déjà travaillé ici dans le Camelódromo?

    Non, moi j'avais toujours travaillé dans l'hôtellerie. Notre entreprise voulait déjà avoir un point ici, sauf qu'il n'y avait pas accès. Alors que l'autre entreprise, c'est plus facile pour eux, parce qu'ils ont déjà des gens à l'intérieur alors... »

    11 Quartier de la Zona Oeste de Rio

    Le stand Honda et ses vendeurs, Quadra D

     

    De pire en pire, mais au fur et à mesure de la conversation, une con ance semble être gagnée pour laisser placer à un autre discours.

    « Nous on se mélange avec les camelots, alors on devient camelots pour quinze jours ou pour un mois. On passe pour des camelots tu comprends ? Cette stratégie tu comprends, pour vaincre notre ennemi, on doit connaître son terrain. Les camelots ici ils cartonnent tout en vente, alors pourquoi est qu'on ne pourrait pas être camelots nous aussi ? On est tout autant capables de faire la même chose que ce qu'ils font. »

    (Kleyton et Tiago - Employés de la ~ rme Honda - Entretien réalisé en septembre 2008)

    Ainsi, la loi du Camelódromo serait elle la plus forte ? Alors que le métier de camelot est souvent dénigré, voilà que le processus inverse apparaît, feindre que l'on est camelot pour avoir une chance d'être accepté dans un type de commerce considéré marginal. On rejoint le raisonnement de Fernando pour qui le simple fait d'être camelot permettait d'être admis à Uruguaiana. Personne cependant ne parait dupe, et certainement pas l'association qui loue à la ~ rme Honda l'emplacement pour trois fois le prix d'un box loué dans la quadra D. Cela représente pour eux une somme relativement faible à l'échelle d'une ~ rme telle que Honda.

    La notion de faire partie du Camelódromo

    A travers les discussions ci-dessus, il est possible d'isoler des éléments qui déterminent si une personne fait partie ou non du Camelódromo, bien que l'on se soit rendu compte que faire partie du Camelódromo c'est une question qui relève aussi bien de détails physiques que du vécu rendant la réponse très personnelle.

    Première notion clef ; avoir un box, ou pour le moins un espace dont on ne se fait pas chasser ; béné~ cier d'un point de vente dans ce lieu qui fut reconnu par la Prefeitura comme territoire o ciel des camelots.

    Par extension, nous avons soulevé la question d'être simplement rattaché à un box. Car dans un sens, le vendeur de rue lié à un box y est employé au même titre qu'un employé classique, mais le type de marchandise implique que cet accord/alliance ne doive pas être reconnu. Seul le caractère illégal de la marchandise l'empêcherait de faire partie du Camelódromo...

    Ensuite, le fait de cotiser à l'association, fut un critère également formulé. On notera cependant que ceux qui ne cotisent pas à l'UNIO, à savoir les employés ou la nouvelle génération de camelots ne sont pas moins que les autres des vendeurs du Camelódromo. Cela dit, par le fait de payer un loyer mensuel, ou de recevoir un salaire, dans un lieu où il existe une structure déjà implantée qui ~ xe ses propres règles, ces nouveaux camelots ont l'impression de faire partie du système formel et non d'un système alternatif. Ils n'ont d'ailleurs aucun contact avec ce système (l'UNIO), étant donné que le propriétaire endosse le rôle d'intermédiaire. En e et, bien qu'il n'exerce plus sur le lieu c'est toujours lui qui règlera la fameuse contribution sociale. Ainsi, l'UNIO devient pour nos nouveaux camelots une donnée relativement abstraite, au même titre que l'est le monde de l'administration dans le système formel.

    Pour de nombreux vendeurs, la légalité du Camelódromo et de son fonctionnement ne sont actuellement plus à prouver. Qu'ils s'agisse des employés ou de la nouvelle génération de camelots, le fait de se retrouver dans un système faisant référence à un fonctionnement reconnu comme étant légal, les forti~ e dans l'idée qu'ils font partie d'un lieu intégré au système formel.

    Ce raisonnement est plus que compréhensible, étant donné que le fonctionnement semble même avoir été accepté par l'ordre public. Rappelons nous de Lucio Costa, du Contrôle Urbain, qui a su si subitement retourner sa veste, défendant corps et âme le sort des camelots. De même, chaque intervention de la Police Municipale vise à démasquer les vendeurs pirates, et non à faire appliquer la stricte législation de la Prefeitura. Bien que certaines règles ~ xées par cette dernière soient toujours en vigueur d'après Rosalice, ce n'est le souci de personne de véri~ er qu'elles soient appliquées.

    C'est ainsi que l'on amène une nouvelle notion, la plus simple de toute qui est être camelot. Faire partie du Camelódromo, c'est comme faire partie d'une famille, les camelots sont ~ ers de le dire, ici règne une grande solidarité.

    « Quand la partie de la quadra C a toute brulée, ils ont pu réparer très vite. Et là chacun a donné ce qu'il voulait, 5 ou 10 reais, pour leur permettre de réparer leur baraque. C'est la solidarité hein ! »

    (Kelly , 17 ans- vendeuse dans la quadra C depuis 14 ans - Entretien réalisé en janvier 2008)

    Arrivé à ce stade, on se rend compte qu'il faut faire la di érence entre faire partie du Camelódromo, et faire partie de la famille du Camelódromo. Cette di érence se fait bien sûr au niveau de l'ancienneté, mais également au niveau de compréhension de sa propre appartenance à un système ou à un autre. C'est assez compréhensible, il est connu que le sentiment de solidarité (qui accompagne la notion de famille mentionnée) naît de l'union de personnes face à une adversité commune.

    Ainsi, derrière le fait de faire partie du Camelódromo se cachent en réalité deux notions. Il y a ceux pour qui travailler à Uruguaiana est une donnée physique, reconnue par un système formalisé (le fait d'avoir un box, cotiser à l'association), et ceux pour lesquels le simple fait d'être un vendeur de la rue prime sur tout le reste, étant donné leurs origines commune (par cette formule on dirait presque que l'on parle de liens consanguins). Suivant les personnes, une seule de ces notions su t parfois pour être admis comme faisant partie du Camelódromo, alors que pour d'autres, les deux sont indissociables, et c'est ce qui ferait la particularité du camelot d'Uruguaiana.

    Le petit vendeur indépendant existe-t-il?

    Après ces découvertes, il semblerait que le petit vendeur indépendant soit juste un mythe et qui plus est bien dépassé. En e et, les personnes auxquelles étaient destinés les emplacements ne semblent plus tout à fait correspondre au pro l de petites gens en situation précaire à qui voulait s'adresser la Prefeitu ra.

    « Moi je loue ici. On est plusieurs à louer à un propriétaire.

    Et ce propriétaire il n'a que ce box ou il en a d'autres?

    Il en a d'autres.

    Ici, dans le camelodromo ou dehors?

    Non, non, ici dans Uruguaiana. »

    (André, 23 ans - Vendeur dans la quadra C depuis 2 ans - Gérant - Entretien réalisé en janvier 2008)

    Mais le camelot est-il réellement ce vendeur isolé en marge du système. Lors d'une discussion avec Felipe, on se rend compte que bien avant le Camelódromo, le système de réseau que l'on a découvert à Uruguaiana existait depuis longtemps.

    « Parce que là ma mère, elle sait déjà comment administrer. Elle a déjà eu de nombreuses boutiques. On travaillait dans la rue, et on avait 10, 15 personnes qui travaillaient pour nous. Alors qu'est ce qu'il se passe? On sait déjà travailler avec un grand nombre de fonctionnaires. Alors c'était... non pas plus facile, mais disons que les choses se sont faites plus tranquillement pour pouvoir organiser »

    (Felipe - Coordinateur à l'UNIO - Entretien réalisé en septembre 2008)

    Figure 18

    Evolution des types de vendeurs de rue suivant la tranche d'âge

    Figure 19

    Evolution des types de vendeurs de rue suivant le niveau d 'étude

    Par ailleurs, au delà de ce constat sur l'organisation en réseau déjà présente avant même l'existence du Camelódromo, qui permet à toute une catégorie de ces vendeurs de devenir de grands directeurs de ~ rmes de vente, multipliant les point de commerce, d'autres faits viennent démontrer qu'une catégorie importante de ces vendeurs de rue ne correspond plus du tout ces personnes au statut précaire décrits par la Prefeitura. Les travaux des chercheurs Jorge Luiz teles et Hildete Pereira de Mello12 mettent en évidence que depuis 1985, la crise que connut le Brésil a contraint de nombreux travailleurs, issus de diverses classes sociales à se tourner vers le commerce informel. Ainsi on constate que c'est la classe jeune de 25 à 35 ans la première concernée par le commerce informel, et non les pères de famille quadragénaires, qui cependant les suivent de près. De plus, d'autres statistiques démontrent que le commerce informel ne touche plus uniquement que les classes peu scolarisées. Le second graphique joint montre que depuis 1993 les « 9-1 1 ans d'études », issus de l'ensino médio (équivalent du collège) ont dépassé ceux de niveau inférieur; les « 1 -4ans d'étude » qui n'ont pas achevé l'ensino fundamental (école primaire). La majorité dominante restant les travailleurs sortis de l'école primaire qui entrent par la suite dans le monde du travail. Le problème de ces données est qu'elles datent de plus d'une dizaine d'années, et la situation a forcément évolué depuis. Cependant j'ai e ectivement rencontré de nombreux cas de vendeurs, généralement employés dans un box, qui travaillaient a n de ~ nancer leurs études. Ce cas semble de plus en plus fréquent et Naercio Aquino Menezes-Filho soulignait lors d'une étude en 200113 que depuis 1988, le pourcentage d'étudiants travaillant et étudiants en même temps était en constante augmentation, arrivant à 41% en 2001 14. On constate alors que les catégories dé nies par la chambre des vereadores en 1992 pour être vendeur de rue sont loin d'être actuellement appliquées.

    Alors que la Prefeitura souhaitait créer un lieu de travail qui ne serait que temporaire, le résultat obtenu est exactement l'inverse, et les camelots ont non seulement créé un système qui les a ancré dans les lieux, mais ont aussi répondu à une demande de la ville formelle, qui dépend maintenant en partie de ce système. Cela dit une telle intention paraissait impossible à appliquer. En e et, elle se basait sur un cliché totalement faussé du camelot, en évolution depuis ces 15 dernières années, et qui en arrivant dans le Camelódromo, a reproduit en tout point un système déjà établi. Le fait de les sédentariser a permis à la ville d'avoir l'impression qu'elle résolvait un problème, et a donné aux camelots un certain confort et une

    1 2 Pereira de Melo Hildete et Teles Jorge Luiz, Serviços e informalidade: o comercio ambulante do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Texto para discussao n°773 publié par l'IPEA, décembre 2000.

    1 3 Aquino Menezes-Filho Naercio, A Evolução da Educação no Brasil e seu Impacto no Mercado de Trabalho, São Paulo, Departamento de Economia - Universidade de São Paulo, mars 2001.

    1 4 Ibidp.38

    sécurité dans leur travail.

    On ne peut cependant s'empêcher de se dire que le succès du Camelódromo n'aurait pas été le même si sa vocation de lieu de passage temporaire avait été appliquée. En e et, l'investissement des camelots n'aurait pas eu lieu de cette façon s'ils n'y voyaient pas un intérêt plus important. Pour que cela fonctionne il aurait fallu un investissement bien plus important de la part de la Prefeitura, qui aurait dans ce cas gardé le contrôle, mais investi bien plus d'argent.

    Rythmes de vie au Camelôdromo

    Les horaires d'ouverture et fermeture. Importance de la localisation

    « Ici je ferme à l'heure que je veux, si je veux fermer maintenant je le fais maintenant. Si je veux le faire à 18h ce sera à 18h.

    Oui mais en général c'est vers quelle heure?

    Mais non, tu comprends pas, c'est quand je veux! »

    (Adex, 20 ans - vendeur dans la quadra D depuis 7 ans - Nouveau propriétaire - Entretien réalisé en octobre 2008)

    Les camelots ont une certaine ~ erté à revendiquer la liberté que leur donne leur statut de travailleur indépendant. Cependant, qu'ils le veuillent ou non, le Camelódromo tend à suivre des horaires bien précis, aligné aux horaires du Centro. On note, suivant la localisation du boxe au sein du Camelódromo, que les horaires varient. On constate que la majorité des box situés en bordure ouvrent dès 7h30, ce qui correspond à un premier ~ ux d'arrivée de travailleurs. Les box situés autours des places (quadras C et D) ouvrent également plus tôt, les places étant des lieux de passage hautement fréquenté. Les box qui ouvrent le plus tard se trouvent au centre, et leur horaire d'ouverture n'excède jamais les 10h.

    En ce qui concerne les horaires de fermeture, étant donné que le SAARA est totalement déserté à partir de 18h, seule la rue Uruguaiana reste animée jusqu'à 19h ou 20h, ce qui correspond aux horaires de fermetures des derniers box qui lui font face.

    Mouvements et activités au cours de la journée

    La série de photos qui suit met en évidence une certaine temporalité que crée le Mercado Popular da Uruguaiana. Le jour où ont été prises ces photos était assez pluvieux, et Uruguaiana en a connu des plus animés. Malgré cela, à travers ces clichés le quotidien d'Uruguaiana transparaît assez bien. De plus, ces photos ont été prises un vendredi, jour assez spécial dans la semaine pour les Cariocas, et par voie de conséquence pour le Camelódromo également, nous verrons par la suite pourquoi.

    La prise de vue a été e ectuée du haut d'un immeuble donnant sur la quadra B et partiellement la C. Cela nous permet d'accéder à une partie de la rue Uruguaiana, face à la quadra B, et également aux deux rues adjacentes, rue Buenos Aires à gauche de la quadra, et rue Senhor dos Passos à droite.

    J'ai cherché à mettre en évidence les di érents mouvements qui s'opèrent autour du marché, qu'il s'agisse de mouvements humains ou d'objets. Dans les mouvements humains j'ai isolé la foule, les vendeurs ambulants et la garde municipale. Dans les objets il s'agit des éléments mobiles du Camelódromo tel que les auvents ou des éléments de vente comme des présentoirs que les vendeurs sortent de temps à autre.

    En ce qui concerne les vendeurs ambulants, on constate que l'on peut les séparer en deux catégories. Les vendeurs ~ xes, présents du début à la ~ n de la journée, et les vendeurs temporaires, qui apparaissent et disparaissent, généralement au gré des foules.

    Dès huit heure du matin, on constate la présence de deux vendeurs ~ xes dans la rue Senhor dos Passos, rejoints environ une heure plus tard par un troisième. Ils formeront le trio inébranlable de la rue Senhor dos Passos.

    Quand aux vendeurs ambulants « temporaires », on observe qu'ils n'arrivent jamais seuls, et à des moments bien déterminés. Alliés à la foule on peut considérer que ce sont eux qui viennent réellement créer cette architecture mouvante qui fait partie du Camelódromo.

    107

    8h00 8h15

    8h30 8h45

    108

    Solto na Cidade - Uruguaiana

    9h00

    9h15

    9h30 9h45

    10h00 10h15

    10h30 10h45

    11h00 11h15

    11h30 11h45

    111

    12h00 12h15

    12h30 12h45

    112

    Solto na Cidade - Uruguaiana

    13h00 13h15

    13h30 13h45

    14h00 14h15

    14h30 14h45

    15h00 15h15

    15h30 15h45

    115

    16h00 16h15

    16h30 16h45

    116

    Solto na Cidade - Uruguaiana

    17h00 17h15

    17h30 17h45

    18h00 18h15

    18h30 18h45

    19h00 19h15

    19h30 19h45

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    20h00 20h15

    20h30 20h45






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand