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La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

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par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

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2) L'indifférenciation

Ce procédé nihiliste se répète principalement tout au long du récit de Voyage au bout de la nuit et participe pleinement à réduire les apports des voyages effectués par le narrateur rompant ainsi avec une tradition de ces récits où l'étrangeté anime l'imaginaire du voyageur. Avec Bardamu l'exotisme devient une abstraction, une vue de l'esprit tant le monde miniaturisé sous l'effet de la laideur universelle ou selon les propres termes de Céline de la « vacherie universelle » semble uniformisé. Le premier prisme qui exacerbe l'écoeurement du narrateur au détriment de toute autre considération est la misère et la lourdeur humaine qu'il côtoie depuis toujours et qui constituent à la fois son quotidien et son rapport au monde. L'indifférence si répandue des hommes emmurés dans leur misère mène à un monde indifférencié. Son regard ne parvient plus à distinguer les nuances majeures qui pourraient fonder la variété du monde. Tout le ramène infailliblement à la banlieue parisienne, cet univers autour duquel gravitent les continents lointains. Ainsi lorsqu'il entreprend de décrire la ville de Fort-Gono et le mode de vie de cette colonie, les bassesses et la déliquescence de la population l'amènent à penser que « Seule cette crudité de verdure inouïe empêchait l'endroit de

6Henri Godard, Une grande génération, Paris, Gallimard,2003,p.46.

ressembler tout à fait à La Garenne-Bezons7. ».Comme l'évoque un critique, l'Afrique est une « transplantation de la société occidentale8 ». Un peu plus loin dans le récit, à New York, c'est la même misère qui attire son regard: « Les relents d'une continuelle friture possédaient ces quartiers, les magasins ne faisaient plus d'étalages à cause des vols. Tout me rappelait les environs de mon hôpital à Villejuif[...]9 » Il ne peut se défaire de ce voile épais que les drames successifs et la misère ont développé et qui brouille sa vue ou du moins la singularise. A l'instar du peintre Édouard Manet Bardamu pourrait dire qu'il peint ce qu'il voit. La misère uniformise le monde, partout elle présente le même visage et l'adage employé par le narrateur selon lequel les mêmes effets produisent les mêmes causes: « La lumière du ciel à Rancy, c'est la même qu'à Détroit, du jus de fumée qui trempe la plaine depuis Levallois10. » installe durablement cette indifférenciation. Il est un second prisme dans le récit qui discrédite tout exotisme rompant ainsi avec tout un pan de la littérature de voyage dans laquelle ce dernier submergeait l'oeuvre comme les écrits de Chateaubriand ou Loti, il s'agit de la guerre et du traumatisme qu'elle fait naître. Ainsi que le rappelait Pierre Descaves dans un article paru peu après la publication du roman, le voyage de Bardamu peut se résumer comme « les litanies du cafard né de la guerre11. ».Les échos de la guerre ne cessent de gronder, son traumatisme est lancinant; Bardamu fait des allusions explicites à la guerre comme lorsqu'il est en Afrique évoquant un magasin: « On trouvait de tout dans sa boutique. Ça me rappelait les convois de la guerre12. ». Il fait aussi d'autres allusions plus implicites comme lorsqu'il décrit le fonctionnement de l'usine de Détroit et que cette dernière se structure autour du bruit et de la déshumanisation de l'homme: deux éléments récurrents du passage relatant la guerre. Prenons comme exemple le début du roman lors d'un assaut le narrateur précise: « je croyais bien que c'était fini, que j'étais devenu du feu et du bruit moi-même13. », cet extrait montre combien pour l'auteur le bruit évoque le glas, le tintement du glas de la guerre. Elle est le traumatisme initial, fondateur et l'on peut dire comme Clausewitz cité par Godard dans l'ouvrage évoqué ci-dessus que dans le récit la guerre a continué par d'autres moyens, sous d'autres formes. Ainsi marqué par les drames de la misère et la bassesse de l'homme pénitent Bardamu développe un point de vue reposant sur un double prisme qui hypertrophie la misère au détriment du reste, le fantasme inhérent à l'inconnu et au voyage est vite dissipé; le monde n'est vu que sous un angle, le plus aigu. Sa lecture est empreinte d'obscurcissement.

7 Op. cit.,p.127.

8 Alain Cresciucci, Les territoires céliniens,[s.n.],1989.

9 op.cit.,p.204.

10 ibid.,p.238.

11 André Derval, « Voyage au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline,critiques 1932-1935, Paris, Imec, 2005,

p.29.

12 op.cit.,p.138.

13 ibid.,p.17.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote