Nous avons donc une bonne partie de la scène pour qui
l'utilisation de la langue française dans sa pratique artistique (et
langagière évidemment) n'est absolument pas à remettre en
question. Bien qu'un nombre très important de groupes français
chantent en anglais, ceux qui choisissent le français ne le font pas par
hasard et la langue est pour eux le premier vecteur de leur message. Si
certains ont peur de « l'invasion » de l'anglais dans la langue en
général et dans la culture musicale en particulier, on peut
constater que malgré les apparences le punk rock est un terrain
où le français a sa place et pas seulement pour perpétuer
un éventuel « folklore » de la chanson en français,
mais bien pour évoquer l'actualité, la vie en France et
dénoncer des injustices. Inutile donc d'être
alarmiste par rapport à la situation du
français et à l'utilisation qui en est faite dans ce mouvement
culturel, finalement il est surtout représentatif de la situation du
français par rapport à l'anglais en général.
D'ailleurs, dans « Courrier International » n° 1058 du 10
février 2011, on trouvait l'extrait d'un article d'Andrex Hussey (lui
même professeur de français et doyen de l'Institut de
l'université de Londres à Paris) paru dans le journal anglais
« The Observer » disant que « L'enseignement du français
dans les universités du Royaume-Uni, déjà
sérieusement menacé, semble appelé à
disparaître d'ici quelques années. » et que, « en 2010,
pour la première fois, le français ne figurait plus parmi les dix
matières les plus étudiées par les élèves
britanniques » et enfin et surtout que « beaucoup ont vu dans cette
nouvelle le signe que le monde anglophone avait définitivement assis sa
suprématie culturelle. »
On peut être d'accord ou pas avec cette dernière
affirmation, effrayé ou pas, c'est en tous cas une situation qu'il faut
considérer comme plus ou moins acquise et probablement pour encore
longtemps.
Dans ce contexte, et en refusant toujours pour ma part de
considérer les langues du monde en compétition, voire en «
guerre », que peut on faire pour le français ? Je pense qu'il ne
faut pas prendre des initiatives ayant pour but de « contrer »
l'anglais mais plutôt visant à maintenir l'offre de
français disponible partout, toujours et dans le respect des langues en
présence,
Pour reprendre une image de Louis-Jean Calvet (« Pour
une écologie des langues du monde », Plon 1999), si une langue peut
se comparer à une espèce animale, avoir peur de la disparition du
français et militer pour sa survie équivaudrait à peu
près à s'inquiéter et à se battre pour la survie
des chats ou des pigeons face à la prolifération des rats ou des
moustiques. Il y a clairement dans ce domaine des langues/espèces
prioritaires à défendre de manière plus urgente que le
français. Enfin, pour continuer avec cette analogie, on sait qu'une
espèce qui prolifère trop, court à sa perte : sans
prédateur, les herbivores mangent toute l'herbe et finissent par
disparaître eux aussi. Il ne sert donc à rien de vouloir dominer
sans partage, seul l'échange est bénéfique.