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L'incidence des quatre libertés communautaires sur la fiscalité : étude de la jurisprudence récente de la CJCE

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par Mouna EL HIH
Université Toulouse 1 Capitole - Juriste international 2009
  

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    L'incidence des quatre libertés communautaires sur la fiscalité :

    Etude de la jurisprudence récente de la CJCE

    Mémoire présenté pour l'obtention du

    MASTER II Droit international et européen

    Spécialité : Juriste international

    Par

    Mouna EL HIH

    Sous la direction de

    Monsieur Bernard Plagnet

    Professeur à l'Université Toulouse I CAPITOLE

    Année universitaire

    2008-2009

    Aux termes, de ce travail, je tiens à exprimer mes sentiments envers tous ceux et toutes celles qui ont contribué de loin ou de prêt à son aboutissement ;

    Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à mon Directeur de mémoire, Monsieur le Professeur Bernard Plagnet, que je remercie vivement de m'avoir fait confiance et d'avoir bien voulu m'encadrer.

    Je remercie les responsables du Master II Juriste international, Messieurs les Professeurs Jean-Pierre Marty et Hugues Kenfack, qui m'ont offert la chance de participer à cette formation.

    J'adresse un grand merci à tous les étudiants de ma promotion, ainsi qu'à mes plus proches amis de m'avoir permis de passer une très belle année universitaire, au sein d'un groupe cosmopolite et d'une grande richesse humaine.

    A mes parents, Ahmed et Najoua, qui ont su croire en moi pendant toutes ses années, et qui n'ont eu de cesse de me témoigner de leur soutien et de leur affection.

    SOMMAIRE

    Remerciements :..........................................................................................p.1

    Introduction générale : ..................................................................................p.5

    Première partie

    L'EXAMEN PAR LE JUGE COMMUNAUTAIRE DE LA COMPATIBILITE DE LA LEGISLATION FISCALE NATIONALE AVEC LES QUATRE LIBERTES

    Chapitre I : L'identification par la CJCE de l'atteinte fiscale à l'aune des libertés fondamentales et des principes proclamés par le Traité...............................................p.8

    Section 1 : La consécration par la Cour de la portée fiscale des libertés et des principes de discrimination et d'égalité..............................................................................p.9

    §1 Des libertés fondamentales dont la portée a pleinement été consacrée par la Cour sur le terrain fiscalité..............................................................................................p.9

    A) Des libertés limitées par leur nature économique et l'aspect transfrontalier de la circulation à protéger.........................................................................................................p.9

    B) La libre circulation des travailleurs, le droit d'établissement et la libre circulation des services....................................................................................................p.11 C) Le cas particulier de la libre circulation des capitaux...........................................p.13

    §2 Les principes de non-discrimination et d'égalité mis au service de la protection des libertés en matière fiscale.......................................................................................p.14

    A) La portée du principe de non-discrimination à raison de la nationalité à travers la jurisprudence communautaire..........................................................................p.15

    B) Le principe d'égalité comme remède aux discriminations déguisées........................p.17

    Section 2 : Identification de l'atteinte fiscale en principe incompatible avec le traité : l'évolution de la jurisprudence récente de la Cour.................................................p.18

    §1L'étape de l'examen de la comparabilité des situations............................................p.19

    A) Résidence et comparabilité : véritable critère ou simple point de départ dans l'examen de la comparaison des situations ?..............................................................................................p.19

    B) Les nouveaux critères appliqués à l'examen de la comparabilité : critères factuels, et objectif de la loi de l'Etat d'imposition.............................................................p.20

    C) L'éviction de l'étape de la comparaison..........................................................p.23

    §2 L'Examen de l'existence de la contrariété de la mesure nationale à l'une des libertés du Traité.......................................................................................................p.24

    A) La sélection des dispositions communautaires pertinentes ou la question de l'articulation des libertés...............................................................................................p.24

    B) Le choix de la qualification : discrimination ou entrave ?................................................p.28

    Chapitre II : L'évolution des justifications des mesures fiscales contraires aux libertés et l'aménagement du test de proportionnalité...........................................................p.34

    Section I : Une recevabilité assouplie des justifications aux restrictions fiscales nationales................................................................................................p.35

    §1 L'évolution des justifications « traditionnelles » : entre confirmation et mutation..................................................................................................p.36 A) La confirmation de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale et de la nécessité d'assurer l'efficacité des contrôles fiscaux.....................................................................p.36

    B) Le retour de la cohérence du système fiscal et la mutation du principe de territorialité...............................................................................................p.38

    §2 L'apparition de justification nouvelles...........................................................p.40

    A) La sauvegarde d'une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition et le risque de double déduction des pertes des filiales étrangères dans l'Etat de la filiale..................................p.40

    B) De nouvelles justifications potentiellement admises par la Cour..............................p.43

    Section II : L'évolution du contrôle de proportionnalité..........................................p.44

    §1 Le critère de proportionnalité......................................................................p.45

    A) Le contrôle d'adéquation entre la mesure nationale et l'objectif qu'elle poursuit.........p.45

    B) La possibilité d'atteindre l'objectif poursuivi par des mesures moins contraignantes...........................................................................................p.47

    §2 Le vacillement du test de proportionnalité entre l'examen de la finalité de la mesure le contrôle d'opportunité..................................................................................p.48

    A) L'examen de l'objectif de la mesure litigieuse.................................................p.48

    B) Le basculement vers un contrôle d'opportunité................................................p.49

    Deuxième partie

    L'IMPACT DU CONTROLE DE LA CJCE

    Chapitre I : L'affectation de l'ordre normatif interne par le contrôle exercé par la Cour.......................................................................................................p.51

    Section 1 : La volonté de respecter la jurisprudence communautaire, corolaire d'une « harmonisation forcée ».................................................................................p.52

    §1 Le « dédoublement forcé » du juge national, juge de droit commun du droit fiscal communautaire..........................................................................................p.52

    A) L'assimilation par le juge national de la jurisprudence de la CJCE.........................p.52

    B) Les difficultés rencontrées par le juge national face à la jurisprudence communautaire...........................................................................................p.56

    §2 La réaction de l'administration et du législateur face à la Jurisprudence de la Cour.......................................................................................................p.59

    A) La réaction de l'administration...................................................................p.59

    B) La réaction du législateur...........................................................................p.60

    Section 2 : Les procédures permettant l'exercice d'un contrôle juridictionnel communautaire en matière de fiscalité

    §1 L'exercice d'un contrôle indirect à travers la procédure de demande de décision préjudicielle.............................................................................................p.62

    A) Le renvoi préjudiciel, technique de collaboration inter-juridictionnelle et outil d'uniformisation en matière de fiscalité.............................................................p.62

    B) L'incidence d'une telle procédure sur les dispositifs fiscaux nationaux et l'utilisation parfois discutable de celle-ci par le juge national..................................................p.64

    §2 L'exercice du contrôle direct en matière de fiscalité à travers le recours en manquement.............................................................................................p.65

    A) Les dispositions applicables en la matière......................................................p.65

    B) L'application du recours en manquement en matière de fiscalité............................p.67

    Chapitre II : L'affectation des relations internationales par la logique téléologique de la CJCE.....................................................................................................p.69

    Section1 : Les relations internationales des Etats membres incontestablement affectées par la jurisprudence de la CJCE..............................................................................p.70

    §1 L'intervention de la Cour dans les rapports conventionnels entre Etats membres.........p.71

    A) Une primauté incontestée du Droit communautaire sur les conventions antérieures au Traité CE................................................................................................p.71

    B) La prééminence du droit communautaire sur les Conventions postérieures au TCE......p.72

    §2 Droit communautaire et Etats tiers...............................................................p.74

    A) Le respect des engagements conventionnels antérieurs au traité et le principe de traitement national appliqué aux conventions postérieures....................................................p.74

    B) L'extension possible de la jurisprudence de la Cour aux Etats tiers.........................p.76

    C) L'impact de la libre circulation des capitaux dans les relations avec les pays tiers........p.77

    Section 2 : Le recul de la souveraineté fiscale des Etats..........................................p.78

    §1  La cohérence fiscale inversée et l'absence de prise en considération des intérêts financiers des Etats.................................................................................................p.78

    A) La cohérence fiscale inversée et mise au service des libertés.................................p.78

    B) Des Etats non considérés comme parties à part entière au litige : le motif des pertes fiscales systématiquement rejeté par la Cour.................................................................p.82

    §2 : Une situation antinomique entre la logique fiscale et celle du juge communautaire.....p.84

    A) Une logique fiscale quasi-inexistante dans la jurisprudence du Juge du Luxembourg.............................................................................................p.84B) Un juge guidé par une logique téléologique tendant à assurer une application uniforme du droit communautaire...................................................................................p.86

    CONCLUSION

    BIBILIOGRAPHIE.....................................................................................p.90

    LISTE DES ABREVIATIONS.......................................................................p.95

    ANNEXE................................................................................................p.96

    INTRODUCTION GENERALE

    Si nous tentions de saisir la fiscalité telle qu'elle se manifeste au sein de l'Union européenne, nous nous pourrions nous contenter de l'aborder selon une définition mono conceptuelle. En effet, celle-ci-ci procèderait plutôt d'un triptyque, tel que celui proposé par le professeur Patrick Dibout, qui la présente comme :

    - « la fiscalité construite, celle des textes adoptés par le Conseil ;

    - la fiscalité contrainte, celle des arrêts de la CJCE ;

    - la fiscalité induite, celle provenant de l'influence des divers régimes nationaux les uns sur les autres. »1(*)

    C'est donc une fiscalité à multiples facettes que l'on découvre, similaire à un prisme dont les contours surgiraient selon l'éclairage que l'on adopterait. Pour notre part, nous orienterons notre petite lanterne vers l'aspect contraint de celle-ci, tel qu'il découle de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (ci-après, la CJCE).

    Mais avant toute chose, une rapide présentation des termes du sujet nous paraît opportune, en vue de nous permettre de mieux saisir les tenants et aboutissants de l'oeuvre prétorienne en matière de fiscalité.

    En effet, et lorsque l'on s'aventure à parcourir le Traité instituant la Communauté européenne (ci-après TCE), notre esprit ne peut qu'être frappé par la carence des dispositions relatives à la fiscalité. Il semblerait que celle-ci n'était pas au coeur des préoccupations des l'époque, qui consistaient plutôt en la volonté d'établir un marché commun et de rapprocher progressivement les politiques économiques des États membres, ainsi que de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie, et des relations plus étroites entre les États qu'elle réunit2(*)

    Certes quelques dispositions visent de manière expresse les problèmes de nature fiscale, inhérents à la construction d'un marché économique intégré. Elles sont essentiellement concentrées dans la troisième partie du Traité, relative aux politiques de la Communauté au chapitre 2 du titre IV, intitulé « dispositions fiscales ». On trouvera ainsi en matière de fiscalité indirecte des prohibitions posées aux articles 23 TCE et 90 TCE, ou encore une disposition particulière relative à l'harmonisation des impôts à l'article 93 TCE.

    Nonobstant, la fiscalité ne semble avoir été abordée qu'en tant qu'outil complémentaire dans la réalisation des objectifs du Traité, dont fait partie la politique de concurrence, puisque « les auteurs du traité ont été conscients, dés le départ, de la nécessité de prévoir quelques dispositions dans cette matière, en raison notamment de l'influence que celle-ci peut avoir pour assurer la libre concurrence dans les échanges dans la Communauté »3(*). Cela explique dés lors le caractère minimaliste de la démarche des rédacteurs du Traité, qui se sont bornés à ne prévoir que les règles nécessaires au bon fonctionnement du Marché commun.

    La simple coordination des politiques économiques étant souhaitée, la question de la création d'une politique fiscale, dont les modalités techniques auraient découragé dés le départ le processus de construction européenne a rapidement été évacuée par les Etats, soucieux de ne pas entraver la bonne marche de leur principal projet, et surtout de na pas voir leurs souveraineté fiscale et budgétaire menacées.

    La souveraineté fiscale est en effet un attribut de la souveraineté nationale, symbole suprême de l'indépendance d'une puissance étatique qui implique le transfert du pouvoir fiscal aux représentants du peuple4(*) et a contrario, l'interdiction d'un tel transfert vers des entités supra-étatiques. A cet égard, les modifications successives du Traité de Rome, la mise en place de l'Union économique et monétaire et la finalisation du Marché unique européen procèdent d'une logique contraire à ces principes par la remise en cause des compétences originellement réservées au pouvoir législatif interne, et au-delà, par  le risque croissant de voir les Etats dépossédés de leur pouvoir budgétaire au profit des instances communautaires.

    Ces éléments de réflexion nous permettent de mieux comprendre la prudence dont fait montre certaines autorités de la Communauté, pleinement conscientes de ces difficultés d'ordre politiques, qui viennent s'ajouter à celles de nature économique et technique, liées à la disparité des fiscalités nationales et à la diversité structurelle des prélèvements obligatoires.5(*) Néanmoins, et si certaines de ces autorités font preuve de timidité, telle que la Commission qui dans sa communication du 23 juillet 1975, fait état de multiples contraintes qui « imposent des limites à l'harmonisation fiscale et préconise de limiter la tâche à `l'essentiel et donc de limiter l'action de la Communauté aux mesures absolument indispensables' »6(*), d'autres comme la CJCE se sont révélées être plus téméraires. En témoigne l'évolution dont a été l'objet sa jurisprudence.

    Certes les débuts furent difficiles, puisque la Cour a notamment estimé que le « le droit communautaire, ne restreint pas, en l'état actuel de son évolution la liberté de chaque Etat membre d'établir un système de taxation différencié pour certains produits en fonction de critères objectifs »7(*), leur laissant ainsi une marge de manoeuvre dans l'élaboration des systèmes nationaux d'imposition.

    Toutefois, sa quête d'un équilibre entre le respect des compétences fiscales appartenant aux Etats membres et la protection des objectifs du Traité la conduite à développer un raisonnement particulier, basé sur des dispositions générales du Traité, dont elle a habilement su étendre la portée. Il s'agit en l'occurrence des libertés proclamées par le Traité, et la Cour a affirmé que : « Les articles du Traité relatifs à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux constituent des dispositions fondamentales pour la Communauté et toute entrave, même d'importance mineure, à ces libertés est prohibée »8(*).

    Néanmoins, c'est dans le cadre des articles relatifs aux personnes, aux services et aux capitaux que l'intervention de la Cour a été la plus remarquée, et notamment en matière de fiscalité directe, où l'harmonisation des législations nationales se limite à quelques directives, relatives aux groupements de sociétés, aux fusions, à la coopération administrative ou encore à l'épargne9(*). En effet, s'il est un domaine où la réglementation européenne peine à prospérer, c'est assurément celui des impôts directs.

    Il n'est guère étonnant alors de voir la Cour intervenir en cette matière, certains la qualifiant à cet égard « de rempart des droits du citoyen contre les États trop gourmands », d'autres voyant en elle l'outil d'une harmonisation « forcée » de la fiscalité directe en Europe, visant à combler le vide laissé par un Conseil des ministres trop craintif et inopérant.

    En tant qu'institution juridictionnelle de la Communauté européenne, celle-ci doit veiller à garantir le respect du droit communautaire, et ce notamment en matière fiscale, par tous les justiciables, ainsi que l'unité de son interprétation et de son application.

    La CJCE a posé à cet effet le principe selon lequel si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, ces derniers doivent exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire10(*), notamment des dispositions du Traité sur les libertés de circulation.

    Telle est la clef de voûte de la construction jurisprudentielle que nous nous donnons pour tâche d'étudier dans le présent mémoire. Nous verrons à cette occasion « L'examen par la CJCE de la compatibilité de la législation fiscale nationale avec les quatre libertés » et ce dans la première partie.

    Il s'agira pour nous de présenter dans un chapitre premier le raisonnement adopté par le juge de Luxembourg dans sa recherche d'une violation par un Etat membre des obligations qui lui incombent en vertu des libertés et des principes communautaires. Celle-ci passe par la reconnaissance d'une portée fiscale aux libertés de circulation et par l'application des principes d'égalité et de non-discrimination. S'en suit un examen de la comparabilité des situations des contribuables ainsi qu'une sélection de la base légale en vue du prononcé de la sanction, qui se verra à cette occasion qualifiée de simple entrave ou discrimination.

    Nous nous intéresserons dans un second chapitre aux justifications des mesures fiscales contraires aux libertés susceptibles d'être avancées par un Etat membre. Nous relèveront d'ailleurs une évolution récente dans la recevabilité de ces justifications et qu'une diversification de leurs natures, ainsi qu'un aménagement du test de proportionnalité auquel a recours le juge au dernier stade de son analyse.

    La seconde partie nous permettra de nous focaliser sur « l'impact du contrôle de la CJCE » sur la fiscalité des Etats membres. Nous en verrons les conséquences sur l'ordre juridique interne des Etats membres dans un premier chapitre, où il sera notamment question de la réaction des pouvoirs juridictionnels et législatifs que nous illustrerons à travers l'exemple de la France, de même que nous présenterons les modalités d'exercice de ce contrôle en mettant en exergue son caractère aussi bien direct qu'indirect.

    Le chapitre deuxième aura quant à lui trait à l'incidence du raisonnement jurisprudentiel sur les rapports des Etats avec les pays tiers. Nous découvrirons à cet effet que la logique téléologique retenue par le juge de l'Union n'est pas sans effet sur la souveraineté fiscale des Etats.

    PREMIERE PARTIE

    L'EXAMEN PAR LE JUGE COMMUNAUTAIRE DE LA COMPATIBILITE DE LA LEGISLATION FISCALE NATIONALE AVEC LES QUATRE LIBERTES

    CHAPITRE I : L'identification par la CJCE de l'atteinte fiscale à l'aune des libertés fondamentales et des principes proclamés par le Traité.

    L'intervention de la Cour de Justice en tant que gardienne du Traité dans le domaine de la fiscalité des Etats ne s'est pas faite de manière aisée. En effet, le droit primaire est avare en ce domaine et rares sont les dispositions qui y sont relatives.

    Dés lors, la première étape consista pour le juge communautaire en la consécration des libertés fondamentales du Traité sur le terrain de la fiscalité, dont le caractère essentiellement économique et transfrontalier en limitait la portée. Ces dispositions aménagées, le juge se tourna vers les principes communautaires de discrimination et d'égalité. Appliqués de manière classique dans sa jurisprudence générale, l'impact de ces notions s'est tout naturellement vu étendu à la matière fiscale.

    C'est ainsi que le juge y a recours dans son examen de la législation nationale en tant qu'outils de recherche de la contrariété au droit communautaire. Cette étape de l'identification de l'atteinte fiscale, qui est au cours du processus intellectuel prétorien, est elle-même scindée en plusieurs stades.

    L'examen de la comparabilité de la situation des contribuables en est le premier. A cet effet la Cour prendra appui sur différents critères, des plus classiques comme la résidence, aux plus innovants comme l'étude du but poursuivi par la législation litigieuse. Toutefois, ne relèverons non point sans étonnement que la comparabilité peut être tout simplement éludée dans le raisonnement de la Cour, celle-ci préférant directement passé au prochain stade sa réflexion. Il s'agit concrètement du choix de la base légale par la Cour, qui répond à une certaine casuistique, puisque différents critères devront être remplis en vue de la sélection de telle ou telle liberté. Néanmoins, le cumul de celles-ci n'en est pas pour autant exclu.

    Les dispositions pertinentes finalement choisies, il ne restera plus qu'à qualifier l'infraction. Mais la encore, la jurisprudence de la Cour, de par son caractère fluctuant et créatif, est source de nouveautés et d'ambiguïtés, comme nous le démontreront les développements suivants.

    Section 1 : La consécration par la Cour de la portée fiscale des libertés et des principes de discrimination et d'égalité

    Véritables piliers du marché intérieur, les libertés de circulation sont proclamées par le titre III de la troisième partie du TCE, sans pour autant que les règles les régissant prévoient de dispositions particulières en matière fiscale. Il n'est guère étonnant alors que la CJCE ait progressivement dégagé leur portée fiscale afin de corriger les faiblesses du Marché intérieur, dues à la diversité des impôts nationaux et en particulier des impôts directs, qui demeurent encore aujourd'hui très peu harmonisés.

    C'est donc tout logiquement que le contrôle de comptabilité communautaire des dispositifs fiscaux nationaux s'est fait à la lumière des articles pertinents du droit primaire, visant à protéger une liberté communautaire, et non pas à la lumière du droit dérivé, outil de prédilection en matière d'harmonisation des normes au sein de l'Union.

    Le juge de Luxembourg a développé à cet effet des principes de réflexion en vue d'identifier les éventuelles violations de ces libertés, qui s'articulent essentiellement autour des notions de non-discrimination et d'égalité.

    En outre, l'idée de comparabilité des situations, le choix de la base juridique et l'identification de la nature de la contrariété à la norme communautaire sont d'autant d'étapes par lesquelles le raisonnement de la Cour suit son cheminement, en vue de mettre à jour la violation recherchée.

    §1 : Des libertés fondamentales dont la portée a pleinement été consacrée par la Cour sur le terrain fiscalité

    A) Des libertés limitées par leur nature économique et l'aspect transfrontalier de la circulation à protéger

    Les libertés fondamentales ont dés l'origine de la création des Communautés eu pour fonction première la réalisation du Marché commun, devenu par la suite le Marché intérieur. Dés lors, elles sont caractérisées par leur nature purement économique, ce qui les distingue des grandes libertés publiques qui nous sont familières en droit français, telles que la liberté d'expression ou la liberté de réunion.

    En effet, elles ont essentiellement trait à la circulation entre Etats membres et doivent à cet effet, faire échec aux restrictions opposées par un Etat à des agents économiques souhaitant bénéficier de leur exercice.

    Aussi l'article 39 du Traité dispose t-il que la libre circulation des travailleurs suppose l'abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité. L'article 43 TCE prohibe quant à lui toutes restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre. Les articles relatifs à la libre circulation des capitaux et des services recherchent eux aussi les mêmes objectifs.

    Par conséquent, les libertés du Traité apparaissent prima facie sous des traits essentiellement économiques, visant à protéger les étrangers souhaitant se déplacer dans un autre Etat membre que le leurs et ne concernant par conséquent que les relations transfrontalières. Il faut d'ores et déjà noter que la protection du Traité ne s'étend pas aux situations purement internes.11(*)

    Toutefois, limiter la fonction des libertés à la simple protection des ressortissants des Etats membres contre un traitement discriminatoire serait réducteur. En effet, elles ont pour autre finalité de garantir la fluidité du Marché intérieur, et ne résument donc pas à de simples clauses de non-discrimination insérées dans le TCE. Ainsi, un contribuable qui souhaite faire exercice d'une liberté de circulation peut, en cas de besoin, bénéficier de la protection du Traité à l'encontre l'Administration fiscale de l'Etat dont il a la nationalité.

    Nous pouvons citer à titre d'exemple des espèces concernant la liberté d'établissement. La CJCE a jugé que celle-ci est invocable contre le fisc néerlandais par un ressortissant néerlandais qui a fait usage de cette liberté, en créant une activité en Belgique à partir des Pays-Bas, puis en exerçant une double activité aux Pays-Bas et en Belgique. Le juge communautaire, pour parvenir à cette conclusion, a tout simplement assimilé le contribuable national à un contribuable étranger.12(*)

    De plus, il ressort d'une jurisprudence bien établie de la Cour que cette liberté peut être invoquée par un contribuable à l'encontre de son fisc national à raison de mesures fiscales pénalisant l'établissement de ce contribuable dans d'autres Etats membres de la Communauté. C'est en effet ce qui a été jugé dans les arrêts ICI13(*), X AB et Y AB14(*), et Baars15(*), où la Cour a affirmé qu'il y'a bien mise en cause d'une liberté de circulation en cas de restrictions « à la sortie ».

    S'agissant de la liberté de circulation des capitaux, la Cour a reconnu son invocabilité à l'encontre du fisc national par un contribuable ayant investi ses capitaux dans les actions de sociétés résidentes d'autres Etats membres, et qui est soumis de ce fait à un régime fiscal moins avantageux que celui applicable aux investissements en actions nationales.16(*)

    Aussi, et si la nature économique et l'aspect international limitent le champ d'intervention de ces libertés, il n'en est pas moins sûr que leur degré de protection demeure élevé. En effet, la simple existence d'une restriction, de quelque nature elle puisse être, suffit à enclencher le mécanisme de protection communautaire, et cela eu égard à la clarté avec laquelle les articles relatifs à la libre circulation des services, des personnes et des capitaux, interdisent les restrictions.

    Il convient d'examiner de plus prés ces libertés, notamment de voir quelle portée leur a été accordée par la Cour en matière fiscale.

    B) La libre circulation des travailleurs, le droit d'établissement et la libre circulation des services

    L'obligation de respecter ces trois libertés est posée de manière claire et inconditionnelle par le TCE, ce qui n'est pas sans conséquence sur la pleine reconnaissance de leur caractère fondamental, et ce qui explique aussi notre choix de les étudier ensemble.

    C'est ainsi que l'article 39 du TCE prévoit que  « 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté.

    2. Elle implique l'abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les conditions de travail(...) »17(*)

    L'article 43 du TCE énonce quant à lui : « Dans le cadre de dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre.

    La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariales et leur exercice, ainsi que la Constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. »18(*)

    Enfin, l'article 49 TCE envisage la libre prestation de services en ces termes : « Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.»19(*)

    A la lecture de ces trois articles, on s'aperçoit que la norme qui y est exposée se résume pour l'essentiel à l'affirmation d'une liberté et à l'interdiction des restrictions à son exercice. Afin de garantir leur efficience, la Cour les a reconnus d'effet direct dés 1974. De manière plus précise, et concernant la libre circulation des travailleurs salariés, celle-ci a été reconnue d'effet directe par la CJCE depuis la fin de la période de transition, dans son arrêt Walrave20(*). Il en est de même pour la liberté d'établissement depuis l'arrêt Reyners21(*), et pour la libre circulation des services depuis l'arrêt Van Binsbergen22(*).

    Dés lors, et grâce à l'oeuvre prétorienne communautaire, les articles 39 TCE, 43 TCE et 49 TCE peuvent être invoqués par les contribuables devant le juge national et ce notamment en matière fiscale, alors même que ces libertés ne la concernent pas directement.

    En effet, la portée de ces dispositions a été dégagée par la Cour, qui a ainsi pu se prononcer sur les questions de discriminations fiscales résultant de la différence de traitement au niveau national entre résidents et non-résidents.

    L'arrêt du 8 mai 199023(*) est d'ailleurs celui qui a permis de donner une teneur à l'incidence que peut avoir l'article 39 TCE en matière de fiscalité, le juge communautaire ayant estimé que « l'article 48-2 (actuel article 39 TCE) du Traité fait obstacle à ce que la législation fiscale d'un Etat membre prévoit que les retenues d'impôt sur les traitements et salaires opérées à charge d'un salarié ressortissant d'un Etat membre, qui est contribuable résident pendant une partie de l'année seulement parce qu'il s'établit au pays ou parce qu'il quitte le pays au courant de l'année fiscale, restent acquises au Trésor et ne puissent pas être sujettes à restitution ».

    S'agissant de la portée fiscale de l'article 43 TCE, celle-ci a été dégagée dans un arrêt en date du 28 février 198624(*). La Commission avait introduit un recours un manquement à l'égard de l'Etat français pour non-conformité du régime fiscal issu de l'article 158 du Code général des Impôts et de l'article 15 de la loi de finance pour 1978 à la liberté d'établissement.

    La Cour avait considéré qu' « en n'accordant pas aux succursales et agences en France de sociétés d'assurances ayant leur siège social dans un autre Etat membre, dans les mêmes conditions qu'aux sociétés d'assurance dont le siège est situé en France, le bénéfice de l'avoir fiscal pour les dividendes de sociétés françaises que ces succursales et agences perçoivent, la République Française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 52 (actuel 43 TCE) du Traité CEE ».

    Quant à la portée fiscale de l'article 49 TCE, celle-ci a tout d'abord été exprimée de manière implicite par la Cour dans l'affaire Van Eycke25(*). En l'espèce, il était question d'une réglementation belge qui réservait l'octroi d'avantages fiscaux sous forme d'exonérations seulement aux dépôts d'épargne constitués en monnaie nationale auprès d'établissements financiers dont le siège social se situe en Belgique. Le juge national avait donc demandé au juge communautaire si cette réglementation n'était pas contraire aux articles 49 et 90 du Traité de Rome. La Cour a considéré en l'espèce que les fonds d'épargnes déposés auprès d'établissements financiers ne constituaient pas de produits au sens de l'article 90 TCE, ce qui en excluait l'application. Toutefois, l'opération visée entrait dans le champ d'application de l'article 51 TCE, relatif à la libéralisation des services bancaires, qui prévoit en son deuxième paragraphe que « La libération des services des banques et des assurances qui sont liées à des mouvements de capitaux doit être réalisée en harmonie avec la libération de la circulation des capitaux »26(*).

    Même si la Cour n'a pas condamné la réglementation belge, sur la base du lien existant entre liberté de prestation bancaire et liberté de circulation des capitaux, cette dernière n'étant pas totalement réalisée au moment des faits, celle-ci a toutefois procédé à un contrôle de conformité de la norme nationale avec l'article 49 TCE.

    L'appréciation de la conformité de la règlementation fiscale d'un Etat membre avec la libre prestation de services a été réitérée à maintes reprises depuis cet arrêt, confirmant la portée fiscale de cette liberté, notamment dans l'arrêt Safir du 28 avril 199827(*). C'est ainsi que certaines règles de la fiscalité suédoise relatives à l'assurance-vie en capital ont été condamnées par la Cour au titre de la libre prestation de services dans la mesure où la législation en question avait instauré des régimes d'imposition distincts selon le lieu d'établissement de la prestation.

    La libre circulation des capitaux présente quant à elle certaines spécificités, et a qui plus est connu une récente évolution qui mérite que l'on s'y intéresse de plus prés et de manière isolée.

    C) Le cas particulier de la libre circulation des capitaux

    La libre circulation des capitaux présente certaines particularités, tenant tant à la manière dont elle est proclamée par le Traité, qu'à l'évolution propre qu'elle a connue dans la jurisprudence de la CJCE.

    En effet, avant l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht, la libéralisation des capitaux était prévue de façon progressive et conditionnelle par le Traité de Rome, puisque selon l'ancien article 67 (devenu l'article 56 §1 TCE), les Etats membres devaient supprimer « progressivement entre eux, pendant le période de transition et dans la mesure nécessaire au fonctionnement du Marché commun, les restrictions aux mouvements de capitaux appartenant à des personnes résident dans les Etats membres, ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité et la résidence des parties, ou sur la localisation du placement ».

    Ce caractère conditionnel de l'article 67, qui n'existait pas dans les articles relatifs aux autres libertés, ne permettait pas à la Cour de reconnaître à la libre circulation des capitaux un effet direct28(*).

    Toutefois, et pour permettre une mise en oeuvre effective de cette liberté, la Conseil a adopté par application de l'ancien article 69 du Traité de Rome, une succession de directives. La dernière fut la Directive 88/361 du 24 juin 198829(*), dont l'article premier a forcé les Etats membres à enlever toutes « restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les Etats membres ».

    Or, la clarté et le caractère inconditionnel sont les conditions requises pour octroyer un effet direct à une disposition communautaire. Ainsi, et dés lors que l'obligation énoncée par l'article premier de la Directive de 1988 revêtait ces critères, la CJCE a accepté de reconnaître l'effet direct de la libre circulation des capitaux, et ce notamment aux points 41 et 47 dans l'arrêt Sanz de Lera 30(*).

    Ce n'est donc qu'à partir de cette reconnaissance de l'invocabilité de la liberté des mouvements des capitaux devant le juge interne, que s'est réellement affirmée cette dernière en tant que véritable liberté fondamentale.

    L'article 73 B (devenu 56§1, CE), qui a été substitué à l'ancien article 67 par le Traité de Maastricht, a affirmé de manière sûre et complète cette évolution en « constitutionnalisant » au coeur même du Traité, la règle de principe posée par le texte de la Directive de 1988 précitée. Les capitaux et les paiements sont dorénavant abordés par les dispositions des articles 56 et 58 du TCE, qui présentent une rédaction différente de celle des articles dédiés autres libertés, puisque les règles qui y sont proclamées sont décomposées en trois parties complémentaires :

    « - interdiction de toutes les restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements,

    - possibilité pour les Etats membres d'une part de distinguer les contribuables selon leur résidence ou le lieu d'investissement des capitaux et d'autre part de prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à la loi fiscale,

    - interdiction d'utiliser ces dérogations pour pratiquer une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements. » 31(*)

    Ainsi, l'affirmation générale de cette liberté se fait plus nette grâce à ces dispositions. De plus, plusieurs affaires avaient déjà soulevé la confrontation de mesures nationales non fiscales avec la liberté de circulation de capitaux, telle que par exemple l'affaire Svensson et Gustavsson32(*).

    Toutefois la consécration de sa portée en matière de fiscalité s'est faite beaucoup plus tardivement que celle des autres libertés de circulation. Il faudra attendre l'arrêt Verkooijen33(*), rendu par la Cour le 6 juin 2000, pour que la Cour affirme précisément sa position sur le terrain fiscal.

    En l'espèce, le litige opposait M. Verkooijen, ressortissant néerlandais à l'Administration fiscale des Pays-Bas, qui refusait de lui accorder le bénéfice d'une exonération de l'impôt sur le revenu pour les dividendes d'actions perçus d'une société établie dans un Etat membre autre que les Pays-Bas.

    L'intéressé avait donc contesté la position de l'Administration fiscale, et la juridiction saisie du litige avait posé deux questions préjudicielles à la CJCE, tenant à la conformité de la disposition fiscale limitant l'exonération aux dividendes d'actions de sociétés établies aux Pays-Bas, tout d'abord, aux dispositions de l'article 1er, de la Directive n°88/36134(*) portant l'achèvement de la libre circulation des capitaux, puis, à la liberté d'établissement.

    La Cour de Luxembourg, statuant sur les conclusions de M. l'avocat général La Pergola, avait décidé que les dispositions de ladite directive, et donc la liberté de circulation des capitaux, s'opposent à une législation telle que celle de l'espèce.

    Ce faisant, la Cour a enfin accordé à la libre circulation des capitaux une totale reconnaissance en tant que véritable liberté de circulation pouvant intervenir, au même titre que les autres en matière de fiscalité.

    La portée fiscale des libertés ayant ainsi été consacrée en matière de fiscalité, il ne restait plus au juge communautaire qu'à dégager la teneur des principes de non-discrimination et d'égalité en vue de compléter son arsenal de principes prétoriens.

    §2 : Les principes de non-discrimination et d'égalité mis au service de la protection des libertés en matière fiscale

    A) La portée du principe de non-discrimination à raison de la nationalité à travers la jurisprudence communautaire

    Les libertés de circulation, comme nous l'avons déjà fait remarquer, interviennent sur le plan transfrontalier et doivent par conséquent être protégées contre les mesures nationales qui viendraient entraver leur exercice. Concrètement, les mesures que Cour communautaire juge contraire aux dispositions du Traité sont essentiellement celles qui opèrent une discrimination au profit des nationaux et au détriment des ressortissants des autres Etats membres. Cela signifie a contrario, que toute mesure nationale qui peut restreindre l'exercice d'une liberté de circulation, n'est pas obligatoirement condamnable si elle n'a pas de caractère discriminatoire.

    En fait, le Traité sur la Communauté ne condamne expressis verbis la notion de discrmination fondée sur la nationalité que dans l'article 39 TCE, relatif à libre circulation des travailleurs. Certes l'article 58 TCE ayant trait à la libre circulation des capitaux fait-il lui aussi référence à la notion de « discrimination arbitraire ». Toutefois, les autres dispositions relatives aux autres libertés ne traitent que de restrictions. Ainsi, les articles 43 TCE et 49 TCE, relatifs à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services garantissent l'exercice d'une activité dans le pays de l'établissement, ou de la prestation, dans les mêmes conditions que celles appliquées par ce pays à ses propres ressortissants.

    Nonobstant, ces articles sont tout de même appliquées par la Cour en tant que conditions de non-discrimination selon la nationalité ce qui n'est pas sans rappeler les clauses de non-discrimination fiscale incluses dans les conventions fiscales bilatérales. Ce premier rapprochement démontre d'ores et déjà l'importance de l'oeuvre créatrice de la Cour sur le terrain fiscal. Celle-ci a en effet spécifié la portée de la non-discrimination au fil de ses arrêts.

    Une définition fut d'abord dégagée, puisqu'il ressort de sa jurisprudence que deux catégories de discriminations sont susceptibles d'être condamnées. En effet, le point 30 de l'arrêt Schumacker35(*) dispose qu'« en vertu d'une jurisprudence constante, une discrimination ne peut consister que dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l'application de la même règle à des situations différentes ».

    D'autre part, et de manière plus spécifique, la Cour a déclaré dans son arrêt Commission c/ France36(*) relatif à l'avoir fiscal, que les libertés de circulation, et notamment la liberté d'établissement, garantissent le bénéfice du traitement national à tout ressortissant d'un autre Etat membre.

    Toutefois, elles se distinguent d'une égalité généralisée dans la mesure où une discrimination à rebours demeure possible.37(*) Parfois, c'est la jurisprudence même de la Cour qui peut à aboutir à des situations de discrimination à rebours. Ainsi la Cour a-t-elle jugée conforme au droit communautaire le refus du fisc allemand d'accorder à un contribuable de nationalité allemande, qui travaillait en Allemagne tout en résidant au Pays-Bas, le bénéfice du régime fiscal des couples mariés pour l'impôts sur le revenu allemand, au motif que la situation de l'espèce était purement interne38(*).Or, la Cour a jugé que le refus du même régime fiscal était contraire à la libre circulation des travailleurs dans le cas d'un contribuable de nationalité belge, résidant en Belgique mais travaillant en Allemagne où il percevait la quasi-totalité de ses revenus39(*).

    Dés lors il apparaît à travers ses deux espèces, qui mettent en cause le droit fiscal allemand, que l'application du droit communautaire par la CJCE conduit à créer une discrimination à rebours notamment en traitant un non-résident non national plus favorablement qu'un non-résident national.

    Cela prouve que la notion de non-discrimination communautaire, fondée sur le critère de la nationalité, est distincte d'une clause d'égalité généralisée. Néanmoins, le principe d'égalité a également su trouver sa place dans la jurisprudence de la Cour.

    B) Le principe d'égalité comme remède aux discriminations déguisées

    La notion de discrimination selon la nationalité suppose une appréciation de la différence ou de la similitude des situations. Ainsi, si un national est un non-national ne se trouvent pas dans la même situation, la discrimination ne peut être pas avérée. C'est tout du moins la logique adoptée dans les clauses de non-discrimination, insérées dans les conventions fiscales bilatérales. L'article 24 de la Convention modèle OCDE en matière d'impôts sur le revenu prévoit d'ailleurs à cet effet une interdiction pour l'Etat signataire de traiter défavorablement les nationaux de l'autre Etat contractant, qui se trouvent dans la même situation que ses propres nationaux, par exemple au regard du critère de la résidence.

    Néanmoins, la jurisprudence de la CJCE a su dépasser ce critère de nationalité, en assimilant à des discriminations en raison de la nationalité, des discriminations en apparence fondées sur d'autres critères, en vue de donner une pleine efficience au principe d'égalité.

    En effet, elle considère les discriminations fondées sur la résidence comme des discriminations selon la nationalité, puisque celles-ci sont potentiellement plus défavorables aux ressortissants des autres Etats membres, et peuvent de ce fait constituer des discriminations déguisées. Tel a été le cas dans les arrêts Biehl40(*) et Bachmann41(*).

    Le juge de Luxembourg a d'ailleurs eu l'occasion d'affiner son raisonnement dans l'arrêt Schumacker42(*). Il a en effet recherché si la différence de résidence fiscale est une différence de situation et a reconnu à cette occasion que de manière générale, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont pas comparables en matière d'impôts sur le revenu, ce qui implique qu'une distinction entre ces deux catégories de personnes ne devrait pas être discriminatoire.

    Toutefois, le Cour considéré qu'il n'y avait pas de différence de situation objective entre un résident en Allemagne et un non-résident qui ne perçoit pas de revenus significatifs dans son Etat de résidence, et qui de plus est tire l'essentiel de ses ressources imposables d'une activité imposable en Allemagne. Le critère qui avait été donc retenu en l'espèce était celui pourcentage de revenu provenant de l'Etat de source et était lié à l'objet de la fiscalité en cause. Il s'agissait dans cette affaire de prendre en compte, et ce de manière équitable, la situation de la famille du contribuable pour l'imposition de son revenu global. Or la situation familiale de M. Schumacker ne pouvait être fiscalement prise en compte en Allemagne, dés lors qu'il y percevait ses revenus taxables sans y être résident, et encore moins en Belgique, puisqu'il n'y était pas imposé.

    Néanmoins, la Cour a utilisé une toute autre logique dans l'affaire Asscher43(*), en vue d'exclure l'existence d'une différence de traitement entre résidents et non-résidents. Il s'agissait ici de la législation fiscale néerlandaise dont l'objet était d'augmenter la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu pour certains-non résidents, en l'occurrence ceux qui recevaient moins de 90% de leurs revenus de source néerlandaise, dans le but de compenser une moindre progressivité de la fiscalité pour les non-résidents, résultant de leur obligation fiscale limitée aux Pays-Bas et de l'absence de perte de la déduction fiscale des cotisations sociales néerlandaises, déduction perdue par les résidents après réforme fiscale sans incidence sur les non-résidents, lesquels n'étaient pas assujettis à ces cotisations44(*).

    Le juge de Luxembourg a estimé qu'en l'espèce un résident et un non-résident sont dans une situation comparable au regard de la progressivité de l'impôt sur le revenu, car la Convention fiscale conclue entre la Belgique, Etat de résidence de M. Asscher, et les Pays-Bas, Etat de la source, prévoyait une règle de taux effectif dans l'Etat de résidence.

    Il apparaît donc que la similitude des situations a été appréciée en fonction des règles concernant le problème fiscal en cause, c'est-à-dire la progressivité de l'impôt sur le revenu, et non pas en fonction du critère de pourcentage des revenus qui aurait pu tourner à l'avantage des Pays-Bas, motivés par la volonté de sauvegarder la situation des « quasi-résidents ».

    Ce faisant, la Cour semble évoluer vers une recherche de la pertinence de la distinction entre résident et non-résident, à la lumière de l'objet de la mesure fiscale nationale en cause.

    Section 2 : Identification de l'atteinte fiscale en principe incompatible avec le traité : l'évolution de la jurisprudence récente de la Cour

    Préalable à toute condamnation, l'établissement d'une discrimination ne paraît plus aujourd'hui aussi indispensable que par le passé.

    La logique dicterait que l'appréciation de ces discriminations, qu'elles soient directes ou indirectes, se fasse au sein d'un même ordre juridique puisque les deux situations à comparer ont cours dans le même Etat. La comparabilité est en effet l'instrument traditionnel qui permet au juge de déceler la discrimination. Toutefois, ce principe n'est pas toujours appliqué avec clarté, et il apparait que la Cour est encore hésitante entre un raisonnement appartenant à la simple mise en lumière d'entraves, et une logique tendant à l'établissement d'une discrimination, que la Cour n'utilise que lorsque cela lui est possible.

    Les Etats membres ont en effet su s'adapter à l'inflexibilité de la Cour quant à la prohibition des discriminations directes. C'est tout naturellement qu'ils ont recours à des méthodes plus discrètes, leur permettant de discriminer indirectement, les non-nationaux se trouvant dans situation comparable à celle de leurs ressortissants. Il ressort ainsi de la jurisprudence récente de la Cour que celle-ci fait une application de plus en plus rare du critère de nationalité, pour comparer la situation mise en cause au litige, ayant plutôt recours à la notion de résidence, et allant même à la recherche de nouveaux critères de comparabilité.

    Cette étape franchie, le juge de Luxembourg devra mettre à jour la contrariété d'une mesure fiscale à une de libertés fondamentales. Il examinera pour ce faire sa licéité communautaire à l'aune d'un des articles du Traité. Apparaît alors la question de la pertinence du choix de la base juridique, qui d'ailleurs peut concerner plusieurs libertés à la fois. Une fois les règles adéquates sélectionnées, la Cour n'aura plus qu'à qualifier la contrariété, mais là encore, les choses ne sont pas si simples. La violation recherchée peut avoir différents visages.

    §1 : L'étape de l'examen de la comparabilité des situations

    A) Résidence et comparabilité : véritable critère ou simple point de départ dans l'examen de la comparaison des situations ?

    La notion de résidence est particulièrement utilisée par la Cour en matière de fiscalité des personnes physiques. S'agissant de la différence de situation de ces contribuables, le point de départ du raisonnement de la Cour repose sur la jurisprudence Schumacker45(*) de la Cour selon laquelle le non-résident et le résident, personnes physiques, ne sont pas en principe dans des situations comparables.

    En effet, lorsqu'il s'agit de taxation de revenus de personnes physiques, le raisonnement de la Cour débute par l'affirmation que les situations de résidents et des non-résidents dans un Etat membre se trouvent dans des situations différentes.

    Les faits tiennent une place majeure et éclipsent l'appréciation de la situation juridique de chacun des contribuables concernés. La Cour considèrera ainsi que ces différences factuelles objectives, tant pour ce qui est de la situation personnelle et familiale46(*), que pour la source du revenu ou encore de la capacité contributive personnelle, créent une présomption initiale de l'incomparabilité des situations des résidents et des non-résidents.

    Néanmoins, il ne s'agit que d'une présomption simple, la comparabilité des situations pouvant ressurgir dans des circonstances particulières. L'arrêt Meindl47(*) du 25 janvier 2007 a permis de mesurer la pertinence de la distinction entre la situation du non-résident et celle de résident. En l'espèce, M. Meindl ainsi que son épouse sont de nationalité autrichienne. Celui-ci réside et travaille en Allemagne alors que sa femme réside en Autriche. M. Meindl avait demandé aux autorités fiscales allemandes de pouvoir bénéficier, pour l'année 1997, d'une imposition commune avec son épouse. A noter d'ailleurs que ce régime fiscal, dit de tarif splitting, était à la base de la jurisprudence Schumacker. Toutefois, sa demande fut rejetée, car les deux seuils qui conditionnent cette imposition conjointe étaient dépassés. Par conséquent, le Bundesfinanzhof demanda à la CJCE si ces deux seuils étaient compatibles avec la liberté d'établissement.

    Le juge de Luxembourg procéda d'abord par un rappel de sa formule jurisprudentielle dégagée dans l'arrêt Schumacker selon laquelle « la situation des résidents et des non résidents n'est, en matière de fiscalité directe, pas comparable...mais tout dépend des éléments comparés et du point de vue de la comparaison. »

    Puis, il examina la situation du couple en Allemagne, comme il l'avait fait dans l'arrêt Schumacker. La Cour constata qu'un couple de contribuables résidant en Allemagne, et percevant les mêmes revenus que le couple Meindl, peut bénéficier de l'imposition commune alors que le couple Meindl ne le peut pas, malgré le fait qu'ils soient dans la même situation selon la Cour au regard de la loi fiscale allemande. L'élément décisif de cette législation réside effectivement dans le fait que les revenus imposables du ménage proviennent de l'activité d'un seul des conjoints. Or, tel était le cas pour les époux Meindl.

    Cependant, la Cour s'est écartée de sa jurisprudence Schumacker en ce sens que si les revenus provenaient de l'activité d'un seul des deux conjoints, contribuable résidant, M. Schumacker lui n'était en aucun cas un résident allemand. Qui plus est, et contrairement à la même jurisprudence, la Cour n'a pas pris en considération la situation de non-résident, et de celle de l'épouse Meindl dans son Etat de résidence.

    La notion de résidence dans sa fonction d'élément de comparaison de situations en cause parait dés lors beaucoup plus difficile à saisir. On peine en effet à en dégager le rôle précis qu'elle peut jouer, certains allant même jusqu'à déduire qu'elle ne serait en fait que le point de départ de la comparaison des situations48(*).

    En effet, le Cour avait déjà jugé dans son arrêt Bachmann49(*) que M. Bachmann était victime d'une discrimination en raison de la nationalité par rapport aux résidents belges, alors qu'il était lui-même résident en Belgique et qu'il se trouvait donc dans une situation comparable au regard de ce critère aux nationaux belges, du moins pour l'application de l'article 39 TCE.

    Ainsi, le critère de la résidence serait plus un prétexte avancé par le juge dans sa recherche d'autres facteurs, un point de départ objectif, en vue de mettre en exergue la comparabilité effective des situations à travers d'autres critères complémentaires.

    B) Les nouveaux critères appliqués à l'examen de la comparabilité : critères factuels, et objectif de la loi de l'Etat d'imposition

    La présomption d'incomparabilité de la situation des résidents et des non-résidents personnes physiques, cède assez facilement devant la manifestation de la comparabilité concrète de leurs conditions. En effet, la Commission proposait dés 199350(*) un nouveau critère, d'ordre quantitatif, reposant sur le montant des revenus perçus par le non-résident dans l'Etat d'emploi. Dés lors qu'un non-résident percevait la majorité de ses revenus dans l'Etat membre d'imposition, celui-ci devait être considéré comme se trouvant dans la même situation que le résident dudit Etat.

    Ce critère a d'ailleurs été retenu dans l'arrêt Schumacker, la Cour ayant considéré que dans un tel cas, un résident et un non-résident étaient dans des situations comparables. Le récent arrêt Lakebrink51(*) n'a pas manqué de confirmer ce raisonnement. La Cour y a en effet dépassé le simple fondement de la résidence pour apprécier la comparabilité effective de situations au vu de la quantité de revenus perçus dans l'Etat d'emploi.

    Toutefois ce critère quantitatif connaît des limites : d'une part il n'est pas clairement défini52(*) ce qui est facteur d'insécurité juridique, et d'autre part il n'est pas pertinent lorsque des personnes morales sont en jeu. La filiale ou l'établissement stable ne se déplace en effet pas d'un Etat membre à un autre, et qui plus est, perçoit obligatoirement l'intégralité de son revenu dans l'Etat d'établissement.

    De plus, si on fait une comparaison entre une société résidente et une succursale de société étrangère, la distinction fondée sur la résidence conduirait dans tous les cas à constater une différence de situation entre elles. A l'inverse, si on compare une société résidente avec une filiale nationale d'une société résidente, le seul critère de résidence permettra de toujours constater l'identité des situations, les deux entités concernées étant résidentes.

    Autre élément perturbateur, la comparabilité des situations est examinée de manière changeante par la Cour, dont l'évaluation des situations peut manquer de prévisibilité. En effet, la CJCE se contentera dans certaines hypothèses de constater que le résident et le non-résident sont dans des situations non comparables, et approfondira dans d'autres cas son analyse des faits, en prenant en compte le critère quantitatif, sans que l'on sache vraiment pourquoi elle s'oriente vers tel ou tel raisonnement. De plus, il apparaîtrait pour certains que dés que la Cour s'engage vers une appréciation factuelle des situations, c'est pour en déduire immanquablement à leur comparabilité53(*).

    Outre le critère d'ordre quantitatif, le juge de Luxembourg s'attache parfois à un autre critère tiré de la loi de l'Etat d'imposition, celle là même qui est objet du litige, en prévoyant un traitement différent entre résident et non-résident54(*). C'est à l'aune de l'objet ou du but de cette législation que le Juge fera son appréciation des situations du résident et du non-résident qui, si elles s'avèrent similaires, conduiront certainement la Cour à sanctionner tout traitement différent.

    L'arrêt Oy AA55(*) en fournit une parfaite illustration : en l'espèce, une législation finlandaise limitait le droit à déduction de transferts financiers d'une filiale finlandaise vers sa mère, au seul cas où cette dernière est établie sur le territoire finlandais. Les Etats membres intervenant dans la procédure soutenaient que les mères finlandaises et celles qui ne l'étaient pas, étaient dans des situations incomparables, puisque les premières peuvent être imposées en Finlande, à l'inverse des secondes. Ils en concluaient que l'Etat finlandais pouvait de ce fait différencier le régime fiscal de leurs filiales.

    Mais la Cour ne l'entendait pas ainsi : elle rejeta ce raisonnement et estima par une double négation que « le seul fait que les sociétés mères ayant leur siège dans un autre Etat membre ne sont pas soumises à l'impôt en Finlande ne différencie pas, au regard de l'objectif poursuivi par le régime des transferts finlandais intragroupe finlandais, les filiales de ces sociéts mères des sociétés mères dont le siège se trouve en Finlande et ne rend pas incomparables les situations de ces deux catégories de filiales. »

    C'est comme à son habitude donc que la Cour ramène l'exercice de comparaison à l'intérieur des frontières l'Etat d'imposition. Elle indique à cet effet que le but de la législation litigieuse étant de favoriser le développement des groupes, la distinction entre groupes dont la mère est établie en Finlande et ceux dont la mère est établie dans un autre Etat n'a pas lieu d'être, puisque les situations sont comparables au regard de l'objectif poursuivi par la règle finlandaise.

    En adoptant un raisonnement aussi redoutable que celui-ci, la Cour parvient à opposer à l'Etat d'imposition l'objectif poursuivi par sa propre législation, dont il tentait de dissimuler l'aspect discriminatoire derrière l'excuse de la territorialité. C'est en usant d'une logique similaire à celle de l'estoppel56(*) que la Cour met l'Etat face à sa propre turpitude, et cela apparaît aussi à travers l'arrêt Talotta57(*), où il était question de la réglementation belge qui calculait différemment l'impôt dû en cas de déclaration tardive, selon que l'assujetti résidait ou non en Belgique.

    Le juge fit remarquer que les revenus perçus par les résidents et les non-résidents étaient rangés dans la même catégorie de revenu selon la loi en question, ce qui tendait à prouver que cette dernière les considérait comme étant dans des situations comparables, et démontrait qu'il n'avait aucune raison de les traiter différemment en cas de déclaration tardive.

    Il n'eut donc aucun mal à invalider ce dispositif, qui traitait de manière générale les résidents et les non-résidents sur un pied d'égalité lorsqu'il s'agissait de les imposer, et qui au moment de leur accorder des avantages fiscaux opérait une distinction injustifiée.

    Il apparaît en définitive que ce dernier critère de comparabilité possède de multiples avantages par rapport au précédent : en effet, la comparaison est faite dans un seul ordre juridique. De plus, elle permet d'échapper à l'imprécision des éléments factuels. Enfin, elle est aussi applicable aux personnes. Toutefois, il ressort de certains arrêts que cette étape de la comparabilité est tout simplement éludée par le juge de Luxembourg. Il est alors opportun de s'attarder quelques instants sur ce phénomène et de tenter de l'expliquer.

    C) L'éviction de l'étape de la comparaison

    Il arrive parfois que la CJCE passe outre cette étape, ce qui peut surprendre, notamment lorsqu'il est question d'examiner le caractère discriminatoire d'une réglementation fiscale nationale. Cette ellipse dans le raisonnement de la Cour ne peut qu'indubitablement avoir des conséquences sur son résultat.

    Concrètement, il s'avère que le juge communautaire ne prenne le risque de ne pas établir la similitude des situations que dans les hypothèses où une telle similitude semble aller de soi, bien que l'un des deux contribuables subisse un traitement différent à cause des liens qu'il entretient avec un autre Etat membre.

    Cette manière d'éluder la question de la comparabilité se retrouve aisément dans des arrêts impliquant des personnes physiques comme par exemple l'arrêt Commission c/ Suède58(*) où il était question du report d'impôt lors de la vente d'une maison habitée pour le rachat d'une nouvelle résidence, limité au cas où l'ancienne et la nouvelle résidence de trouvent sur le territoire de l'Etat membre. L'arrêt Meilicke59(*), concernant des résidents investissant dans des entreprises établies dans leur état membre mieux traités que s'ils investissaient dans des entreprises établies ailleurs dans la Communauté, procède lui aussi de la même logique.

    En matière de fiscalité des personnes morales, l'arrêt Test Claimants60(*) relatif à la sous-capitalisation permet aussi d'illustrer le raccourci fait dans le raisonnement de la Cour. En vertu de la loi britannique, les intérêts versés par des sociétés résidentes au Royaume-Uni, en rémunération de fonds empruntés, à une société appartenant au même groupe mais établie dans un autre Etat membre, ne peuvent faire l'objet d'une déduction, alors que cette déduction est possible lorsque les sociétés prêteuses sont elles aussi résidentes au Royaume-Uni.

    La Cour évince l'étape de la comparabilité pour ne s'appuyer que sur le critère de la résidence, qui lui suffit à établir que les sociétés emprunteuses se trouvent dans la même situation selon qu'elles empruntent à des sociétés résidentes ou non au Royaume-Uni. En effet, le fait d'avoir ou non des telles relations avec l'étranger ne peut en aucun cas être considéré comme un élément d'incomparabilité dans le cadre de la liberté d'établissement, qui par définition renvoit à une circulation transfrontalière.

    Il ressort de ces arrêts que de manière globale, la Cour se refuse à considérer que le lien entretenu par le résident moins favorablement traité, avec d'autres Etats membres, est un élément de comparaison approprié. Certains Etats membres désapprouvent d'ailleurs un tel raisonnement et cela transparait notamment dans les justifications qu'ils avancent au juge communautaire.

    Or le traité en son article 58 TCE relatif à la libre circulation des capitaux semble leur donner raison puisque, si toute mesure constituant une restriction à la liberté de circulation est prohibée par l'article 56 TCE, cette dernière disposition ne saurait porter atteinte au droit des Etats membres d'adopter une législation traitant différemment, sur le fondement de la résidence ou du lieu où les capitaux sont investis, des situations considérées comme différentes, à la condition toutefois qu'il ne s'agisse pas de discriminations arbitraires.

    S'agissant de cette dernière liberté, il semblerait que la question de la comparabilité ait été dégagée de la première étape du raisonnement prétorien, relative à la constatation d'une restriction, pour réapparaître au moment d'apprécier les justifications apportées à la constatation de l'existence d'une restriction à la liberté de circulation des capitaux61(*). Il s'avérerait aussi que si la Cour opte pour l'éviction de la comparabilité, c'est pour mieux tourner les difficultés inhérentes à cette analyse en matière de fiscalité directe.

    D'ailleurs, force est de constater que cette inversion dans la démarche de la Cour ne se limite pas à la liberté de circulation des capitaux et tend à se retrouver dans le cadre des autres libertés, ce qui ne peut qu'évidemment avoir des incidences sur l'examen de la contrariété d'une mesure à la liberté en cause.

    §2 : L'Examen de l'existence de la contrariété de la mesure nationale à l'une des libertés du Traité

    A) La sélection des dispositions communautaires pertinentes ou la question de l'articulation des libertés

    Il est possible que plusieurs dispositions du Traité soient invoquées a l'encontre d'une même mesure fiscale nationale. C'est alors que plusieurs questions préliminaires devront être résolues par le juge communautaire.

    La première est certainement celle relative à l'application cumulative de ces normes. En effet, une illicéité communautaire suffit à condamnée une mesure, nulle besoin que sa contrariété soit démontrée à l'encontre de toutes les dispositions. En revanche, la compatibilité communautaire de la règle fiscale nationale à l'ensemble des articles pertinents du Traité est une condition sine qua non à sa licéité62(*). Dés lors, une application cumulative se révèle possible63(*).

    Toutefois, lorsqu'une telle hypothèse ne peut se vérifier, c'est-à-dire lorsque les articles invoqués ne peuvent voir leurs champs d'intervention se recouper de façon à ce qu'une application cumulative soit possible, un choix devra être fait quant à la base juridique que l'on souhaite retenir, pour procéder à l'examen de la compatibilité de la mesure nationale avec le droit communautaire.

    Il faudra alors se référer aux critères posés respectivement dans chaque article. Il serait logique de penser que ces critères se révèleront distincts, et qu'en vertu du principe exposé plus haut, qui veut qu'une mesure nationale se doive de respecter l'ensemble des dispositions du Traité pour ne pas être déclarée illicite, la règle nationale sous examen qui n'entrerait pas dans le champ d'application d'un article devrait toutefois respecter les obligations posées par d'autres articles dont elle satisferait les conditions d'application.

    Nonobstant, la récente jurisprudence de la Cour semble-nous inviter à tempérer ce raisonnement. En effet, plusieurs arrêts récents, et malgré le fait qu'ils ne s'inscrivent pas dans une jurisprudence constante de la Cour, posaient la question de savoir si une législation nationale ayant une incidence sur l'exercice par une société résidente de ses droits de société emprunteuse filiale d'une société d'Etat tiers64(*), ou par un investisseur de ses droits d'actionnaire percevant des dividendes de filiales établies dans un Etat tiers65(*), tombait sous l'empire du seul article sur la liberté d'établissement ou pouvait être aussi examinée à l'aune de la libre circulation des capitaux. La question pour être pertinente présume évidemment que les critères définis par les articles en cause sont remplis.

    Il convient de noter la particularité de la problématique posée dans ces arrêts, puisque seule la liberté de circulation des capitaux couvre les relations entre les Etats tiers ce qui n'est pas le cas de la liberté d'établissement.

    S'agissant des investissements dans les sociétés, qui sont suceptibles de concerner aussi bien l'article 56 TCE que 43 TCE, la Cour relève dans l'arrêt Holbôck que l'acquisition de parts sociales dans le capital social d'une société répond à la définition de l'«investissement direct » telle que retenue par la nomenclature de la directive 88/361/CEE66(*), qui détermine le champ de l'article 56 TCE.

    Néanmoins, le juge communautaire avait déjà considéré que l'acquisition d'actions d'une société permettant d'exercer une influence certaine sur les décisions de cette dernière est l'un des modes d'exercice de la liberté d'établissement67(*)

    Ainsi, plusieurs idées peuvent être déduites de cette jurisprudence : dés lors que l'acquisition de parts sociales ne permettrait pas d'exercer une influence sur les décisions de l'entreprise en question, la liberté d'établissement serait évacuée au profit de la libre circulation des capitaux. A l'inverse, lorsque l'investissement en actions permettrait d'exercer une telle influence, les deux articles seraient a priori applicables.

    La Cour se contenterait alors d'appliquer la liberté d'établissement du moment qu'elle suffirait à révéler la contrariété de la règle nationale, et se passerait aisément de la libre circulation des capitaux dés lors qu'une seule base légale est suffisante pour sa démonstration.

    L'arrêt Lasertec68(*) permet d'illustrer cette dernière idée, notamment dans ses points 23 et 24 : « 23.  En outre il ressort de la décision de renvoi que Lasertec, société prêteuse, détient les deux tiers du capital social de la requérante, société emprunteuse. Une telle participation confère incontestablement à Lasertec une influence déterminante sur les décisions et les activités de la requérante (V., par analogie, arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, préc., pt 32.)

    24. Il s'ensuit que la présente affaire relève du champ d'application matériel des seules dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement ».

    Pour certains, une telle affirmation par la Cour est plus que contestable.69(*) Elle serait tout d'abord contraire à l'article 56 §1 TCE, tel qu'interprété à la lumière de la Directive 88/361/CEE précitée, puisque celle-ci comporte dans son champ d'application tous les investissements directs qu'ils confèrent ou non une influence déterminante sur les décisions de l'entreprise.

    De plus, l'argument qu'elle avancerait dans son arrêt ne serait pas pertinent. La Cour précise en effet qu'« à supposer que la mesure nationale en cause au principal ait, comme le soutient la requérante, des effets restrictifs à la libre circulation des capitaux, de tels effets seraient la conséquence inéluctable de l'entrave à la liberté d'établissement telle que constatée par la Cour dans l'arrêt du 12 décembre 2002, Lankhorst-Hohorst (aff. C-324/00, Rec. I-1179), et ils ne justifient pas un examen de ladite mesure au regard des articles 56 CE à 58 CE. »

    Néanmoins, il apparaîtrait que cette assertion n'est nullement confirmée par l'arrêt Lankhorst-Hohorst, où la question de la libre circulation des capitaux ne serait d'ailleurs pas étudiée. Certes la jurisprudence citée par la Cour indique-t-elle que le fait qu'une législation nationale tombe sous le coup de la liberté d'établissement ne justifie pas l'examen indépendant de celle-ci au regard de la libre circulation des capitaux.

    Cependant, affirmer que les effets sur la libre circulation ne peuvent être que « la conséquence inéluctable » de la contrariété à la liberté d'établissement revient simplement à dire, d'une façon que certains commentateurs qualifient de « maladroite»70(*), que lorsqu'une législation nationale cause effectivement une entrave à la liberté d'établissement, nul besoin de l'examiner une nouvelle fois au regard d e la libre circulation des capitaux.

    Qui plus est, considérer que l'entrave à la libre circulation des capitaux n'est que la conséquence de la contrariété opposée à la liberté d'établissement serait erroné. Si en effet la mesure nationale est source d'un désavantage fiscal pour les investissements en provenance d'autre Etats membres, l'incidence principale portera sur le mouvement de capital lui-même. Quant à la conséquence sur l'objectif d'un tel investissement, qui serait par exemple d'obtenir un pouvoir de contrôle sur l'entreprise dans laquelle cet investissement est réalisé, elle ne saurait être que la résultante de la conséquence principale, qui est la dissuasion des investissements étrangers dans l'Etat membre d'imposition.

    A l'inverse, si on considère qu'il n'y'a pas d'entrave à la liberté d'établissement, l'éventuelle incidence de la réglementation fiscale nationale ne pourrait être la « conséquence inéluctable » de quelque chose qui n'existe pas. Or le raisonnement adopté par la Cour dans l'affaire Lasertec n'a pas manqué d'en surprendre plus d'un : alors qu'elle avait admis que l'application de la liberté d'établissement évinçait celle de l'article 56 TCE, puis relevé que la loi nationale ne constituait pas en l'espèce une entrave, on pouvait espérer qu'elle réintroduise l'examen de la libre circulation des capitaux dans son raisonnement, au moins pour vérifier si la loi nationale entre dans son champ d'application. Le juge communautaire retiendra finalement la solution inverse71(*), pour ensuite la tempérer quelques jours plus tard dans l'arrêt Holbôck.

    Il s'agissait ici d'une question similaire : un actionnaire d'une société établie dans un pays tiers se voyait refuser l'avantage fiscal accordé aux actionnaires de société résidentes qui se trouvaient dans la même situation. Après avoir jugé, comme dans les cas précédents, que la liberté d'établissement, malgré quelle soit applicable, ne condamne pas les restrictions concernant l'établissement dans un pays tiers, le juge communautaire n'en a pas pour autant exclu l'examen de la législation litigieuse au regard de la libre circulation des capitaux.

    Certes, il n'a pas admis de manière claire que l'article 56 TCE était applicable, après avoir évacué l'article 43 TCE de son analyse. Toutefois il a décidé de raisonner comme s'il pouvait s'appliquer, et a justifié son choix par le fait que la loi en cause n'avait pas « vocation à s'appliquer aux seules participations permettant d'exercer une influence certaine sur les décisions d'une société et de déterminer les activités de celle-ci ».

    Néanmoins, et même si la législation en cause ne visait pas spécialement un montant de participation pour accorder l'avantage fiscal, c'est la situation de la société Lasertec elle-même qui par le montant de sa participation, la faisait tomber sous le coup de l'article 43 TCE.

    En tout état de cause, le champ d'application de l'article 56 § 1 TCE éclairé par les dispositions de la Directive 88/361/CEE précitée, inclut aussi bien la prise de participations (de quelque montant que ce soit) dans des entreprises nouvelles ou existantes, que le paiement des dividendes qui en découle. D'autre part, il est opportun de relever que la Cour admet que selon les notes explicatives de ladite Directive, les investissements visés par l'article 56 §1 TCE sont ceux qui permettent de créer ou de maintenir des relations durables entre la société et l'actionnaire. Cela présupposerait que les actions que détient l'associé lui donnent la possibilité de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle72(*).

    Or, si les prises de participations qui relèvent de l'article 56 TCE sont de nature à conférer à leur titulaire un pouvoir de gestion ou de contrôle sur la société, pourquoi seraient-elles différentes de celles qui relèvent de la liberté d'établissement ? En effet, il serait peut être plus simple d'admettre que l'article 56 TCE est applicable à tous les investissements qui n'entrent pas dans le champ de l'article 43 TCE.

    Certes une telle solution aurait des conséquences importantes, comme la réintégration des relations Etat membre/Etat tiers dans le cadre de l'examen de la compatibilité communautaire de la règle nationale, mais cela n'aurait pas automatiquement pour incidence le constat de l'existence d'une entrave. Ainsi dans l'affaire Holbôck, la CJCE avait affirmé que l'article 57 §1 TCE permettait à la législation litigieuse d'échapper à toute condamnation. Ce dernier dispose « L'article ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, de restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs... ».

    En l'espèce la Cour a pu juger que la législation autrichienne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par l'article 57 TCE, dés lors que la mesure fiscale tirait son origine d'une loi de 1988, modifiée en 1993 puis en 1996.

    Il convient tout de même d'apporter deux réserves. S'agissant d'abord de la clause de stand still73(*) de l'article 57 § 1 TCE, celle-ci n'exonère que les législations nationales antérieures au 31 décembre 1993 de la condamnation de l'article 56 TCE. En tant que mesure dérogatoire à une interdiction, elle ne peut faire l'objet que d'une interprétation stricte.

    Or, dans l'affaire Holbôck la législation autrichienne de 1988, avait était modifiée en 1996. La Cour a considéré qu'il ne s'agissait en l'espèce que d' « adaptations structurelles » et que « toute mesure adoptée postérieurement à une date ainsi fixée, n'est pas, de ce seul fait, automatiquement exclue du régime dérogatoire instauré par l'acte communautaire en cause. En effet, une disposition qui est, dans sa substance, identique à la législation antérieure ou qui se borne à réduire ou supprimer un obstacle à l'exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure bénéficie de la dérogation. En revanche une législation qui repose sur une logique différente de celle du droit antérieur et met en place des procédures nouvelles ne peut être assimilée à la législation existante à la date retenue par l'acte communautaire en cause (V. arrêts préc. Konle, pts 52 et 53, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, pt 192) »74(*)

    Enfin, toutes les réglementations des Etats membres ne remontant évidemment pas à 1993, les dispositifs fiscaux prévoyant un régime discriminatoire en défaveur des placements et de leurs revenus dans des Etats tiers, seront probablement les prochaines à entrer dans la ligne de mire de la Cour.

    Le choix de la base juridiques effectué, la prochaine étape dans l'approche prétorienne est la qualification de la contrariété au droit communautaire.

    B) Le choix de la qualification : discrimination ou entrave ?

    Le choix de la qualification est l'étape suivante dans le cheminement intellectuel que suit la CJCE dans sa jurisprudence. En effet, après avoir comparé les situations en cause et sélectionné la norme pertinente, le juge communautaire procèdera à la qualification de l'infraction et déterminera en quoi le dispositif national contrevient aux exigences communautaires. Pour ce faire, il prendra appui sur les constations faites lors des deux précédentes étapes. La qualification se fait en effet au regard du contenu de la base juridique retenue ainsi que de la comparaison des situations en cause.

    Malgré l'apparente simplicité d'une telle démarche, l'analyse du raisonnement de la Cour n'est pas sans susciter quelques interrogations.

    Tout d'abord, il convient de noter que la Cour fait une appréciation différente selon liberté concernée, et selon que la personne soit de nature physique ou morale, ce qui nous conduit inéluctablement à identifier différentes situations.

    Ainsi on relèvera une particularité en matière de libre prestation de services. Celle-ci se distingue de part ses modalités d'exercice puisqu'elle est souvent combinée avec les autres libertés du Traité75(*).Qui plus est, le choix du vocabulaire de la Cour varie lui-même dans le cadre de cette liberté, puisque les clients seront considérés comme victimes de discrimination, alors que les prestataires seront considérés comme subissant une entrave à l'exercice de leur activité.

    La libre circulation des capitaux se distingue elle aussi non pas par la singularité de son mode d'exercice, mais plutôt pour des raisons juridiques. Elle a en effet une histoire prétorienne plus récente que celle des autres libertés, et le juge communautaire s'est pendant longtemps abstenu d'y recourir dans l'examen de la conformité d'une mesure nationale, la liberté d'établissement étant un outil suffisamment efficace pour atteindre la solution recherchée.

    Ce n'est qu'après la consécration de la portée fiscale de cette liberté76(*) que le juge communautaire s'est tourné vers elle, pour en faire application lorsque la situation le permettait.

    Outre la différenciation que l'on peut faire entre les libertés, la distinction entre personne physique et personne morale semble elle aussi jouer un rôle dans la qualification de l'infraction. En effet, on ne peut déterminer le moment à partir duquel la mesure a un impact sur la situation du contribuable personne physique ou morale, en adoptant le même raisonnement.

    Ainsi, la discrimination fiscale à l'entrée est-elle interdite en vertu du principe du traitement national consacré par la jurisprudence de la Cour, que cette discrimination soit d'ailleurs fondée directement ou indirectement sur la nationalité. Toutefois, ce principe est inapplicable aux situations purement internes, et ce notamment lorsque la liberté d'établissement est concernée77(*). Celle-ci permet en effet aux particuliers de jouir aussi bien du droit d'accès aux activités non salariées que de leur exercice.

    La Cour interdit à travers sa jurisprudence aussi bien l'application de règles différentes à des situations comparable que l'application de la même règle à des situations différentes. Elle estime en effet qu'il y'a une différence de traitement lorsque l'Etat d'établissement applique des bases minimales d'imposition, uniquement à l'égard des contribuables non-résidents du seul fait de leur résidence dans un autre Etat membre et juge une telle mesure discriminatoire à l'encontre du non-résident78(*). De même, une discrimination est avérée lorsqu'une mesure nationale refuse à un contribuable résident dans un autre Etat membre que son Etat d'origine, une imposition commune avec son conjoint qui réside dans un autre Etat membre et dont il n'est pas séparé79(*).

    Il convient tout de même de remarquer que la Cour, saisie au regard de l'article 43 TCE, ne raisonnera pas tout à fait de la même manière que si elle était saisie sur le fondement de l'article 39 TCE. Le fait que les contribuables concernés par les dispositions en cause soient des travailleurs faisant appel à une liberté leur permettant d'exercer une activité dans un autre Etat que le leurs la conduira toutefois au même résultat. En effet, clef tient ici au type de discrimination constaté. La discrimination visée aussi bien par l'article 43 TCE que l'article 39 TCE ne peut être directement fondée sur la nationalité.

    La Cour estime d'autre part que le fait pour une administration fiscale de refuser de prendre en considération des revenus locatifs négatifs relatifs à des biens immobiliers d'un contribuable situés à l'étranger, est constitutif d'une discrimination interdite par l'article 39 TCE. On constate donc que dans l'arrêt Lakebrink80(*) la Cour confirme, dans une approche restrictive, la jurisprudence Shumacker et sanctionne la norme fiscale en l'espèce discriminante à l'égard des non-résidents.

    S'agissant maintenant de la libre circulation des capitaux, la Cour a jugé dans une affaire où, la législation instituait des règles d'imposition différentes selon que les assujettis résidaient ou non dans l'Etat membre en cause, que celle-ci constituait une restriction à la libre circulation des capitaux, alors que l'article 56 TCE n'évoque que la notion d'entrave. Certes, l'article 58 TCE autorise les Etats à distinguer selon la résidence, toutefois une telle loi nationale ne peut avoir pour effet de rendre moins attrayante l'opération en capital pour les non-résidents. En effet, la Cour a déjà jugé que cette apparente marge de manoeuvre laissée aux Etats membres doit être combinée avec le dernier alinéa de l'article 58 TCE qui interdit les discriminations arbitraires81(*). Dés lors, lorsqu'une législation nationale aboutit à dissuader des non-résidents d'effectuer des investissements dans l'Etat membre de la législation, cette dernière crée une différence de traitement que la Cour qualifiera d'arbitraire, la conduisant à refuser de ce fait toute justification.

    Une fois l'infraction avérée, le juge communautaire prononce la condamnation. Du moment que les situations sont jugées comparables, une simple différence au préjudice du non-résident devrait inéluctablement conduire à une condamnation. Or le juge ne considère pas les mesures remplissant ces critères comme étant obligatoirement discriminatoires, et les qualifie selon le cas d'entrave ou de discrimination.

    Certes les dispositions du Traité ne prohibent pas toutes de manière expresse les discriminations, comme par exemple la libre circulation des capitaux qui n'interdit que les entraves. Ainsi, une différence de traitement qui ne serait pas discriminante du fait que les situations auxquelles elle s'applique ne sont pas vraiment comparables serait donc une entrave.

    Mais en quoi constituerait-elle une entrave ? Pour la Cour, le simple effet dissuasif de la loi fiscale nationale suffit à conclure au caractère restrictif de la disposition en cause.

    Cet effet dissuasif est d'ailleurs semble t-il présumé par la Cour, qui ne prend pas la peine de le définir ou même de le prouver. Il serait plutôt attaché à restriction elle-même, puisque « Les mesures interdites par l'article 56§1, en tant que restrictions aux mouvements des capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents à faire des investissements dans un Etat membre (...)»82(*).

    Pour certains, il est regrettable que le critère de « dissuasion » soit suffisant à la constatation de la violation d'une disposition du Traité par une réglementation nationale. Les termes « dissuasion » et « restriction » n'ont en effet pas été suffisamment explicités par la Cour, qui tend d'ailleurs à faire de l'existence de la dissuasion une présomption générale. Ainsi, une législation fiscale peut être sanctionnée en tant qu'entrave, sans que le juge communautaire ait à démontrer son effet dissuasif. A noter que la notion d'entrave est aussi utilisée lorsqu'il s'agit de condamner une restriction à la sortie, causée par la réglementation non plus de l'Etat de la source mais cette fois-ci de l'Etat de résidence.

    A noter que le juge communautaire a une nette préférence pour la notion de restriction dans les cas de discrimination à la sortie. Cela s'explique d'ailleurs assez aisément puisqu'à la sortie, il n'y'a pas de discrimination sur le territoire même de l'Etat, qui serait faite en fonction de la nationalité ou de la résidence. Généralement, seul un ou eux résidents seront concernés, et si la législation nationale opère une distinction entre ces deux contribuables, celle-ci aura pour critère la relation qu'entretien l'un d'entre eux avec un autre Etat membre. D'où le caractère inadapté de la notion de discrimination.

    Les libertés fondamentales proclamées par le Traité s'opposent, rappelons-le, aux lois nationales qui pourraient défavoriser un ressortissant communautaire qui souhaite exercer une activité économique ailleurs que dans son Etat de résidence. De ce fait, et malgré qu'elles ne constituent pas de discriminations en raison de la nationalité, les restrictions ou les entraves dissuadant un ressortissant de quitter son Etat d'origine sont sanctionnées par le juge communautaire.

    C'est dans le fil de cette idée que s'inscrit l'arrêt Commission c/ Suède83(*). Il s'agissait d'une législation fiscale qui prévoyait le report d'impôt sur les plus-values réalisées lors de la cession d'une résidence habitée par son propriétaire lorsque celui-ci faisait acquisition d'une nouvelle résidence. Le juge fit encore un amalgame délibéré entre effet dissuasif et restriction : il considéra qu'en l'espèce, le contribuable qui souhaitait vendre un immeuble pour acquérir un nouveau domicile dans un autre Etat membre, était désavantagé par rapport au résidant qui maintenait son domicile en Suède, ce qui était constitutif d'une différence de traitement de nature à dissuader le contribuable de faire usage de ses droits à la libre circulation et au libre établissement.

    L'analyse de la restriction par le juge varie d'ailleurs selon que les contribuables considérés soient personne physiques ou morales, puisque ces dernières ne se déplacent pas. Le contentieux relatif aux personnes morales s'est d'ailleurs concentré ces dernières années sur les législations ayant trait à la déduction des frais professionnels, aux régimes d'imposition des transferts intra-groupes ou encore à la taxe sur la valeur vénale des immeubles.

    En matière de régime d'imposition des transferts financiers intra-groupe, la jurisprudence récente de la Cour a été riche en apports. Celle ci constata dans l'arrêt Thin Cap Group84(*) que la différence de traitement à laquelle étaient soumises les filiales de sociétés mères non-résidentes par rapport aux filiales de sociétés mères résidentes était susceptible de restreindre la liberté d'établissement. Elle qualifia la différence de traitement issue de la réglementation britannique relative à la sous capitalisation qui était en cause comme étant une entrave.

    De même, la Cour jugea que la différence de traitement qui découlait de la réglementation allemande dans l'arrêt Rewe Zentralfinanz85(*) au préjudice des sociétés mères résidant en Allemagne et qui ont des filiales dans un autre Etat membre, est de nature à entraver la liberté d'établissement. Cette différence de traitement conduit en effet à dissuader ces sociétés de créer, d'acquérir ou de maintenir une filiale dans u autre Etat membre.

    Dorénavant, la restriction apportée aux possibilités de déduction fiscale des pertes subies par une société mère résidente au titre d'amortissements réalisés sur la valeur de ses participations dans des filiales établies dans d'autres Etats membres est jugée incompatible avec la liberté d'établissement, ce qui supprime le doute semé par l'arrêt Mark & Spencer86(*). En effet, la législation discriminatoire dans l'arrêt Rewe Zentralfinanz a été condamnée en tant qu'entrave à la liberté d'établissement.

    On s'aperçoit au final que toute discrimination constitue une restriction. Mais l'inverse n'est pas vrai, puisque la seule constatation d'une restriction en matière de liberté d'établissement ne mène pas forcément à l'identification d'une entrave.

    L'arrêt Elisa87(*) intervient quant à lui en matière de libre circulation des capitaux. La Cour y jugea que l'article 990 D du Code général des impôts imposant une taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés directement ou indirectement en France par des personnes morales, rendait l'investissement immobilier en France moins attrayant pur les sociétés non résidentes, puisque l'exonération de la taxe était plus difficile à obtenir pour ces dernières.

    Le juge communautaire fera remarquer que l'article 73B du traité (devenu 56 TCE) doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale, qui exonère les sociétés établies en France de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales, alors qu'elle subordonne cette exonération, pour les sociétés établies dans un autre Etat membre, à l'existence d'une convention conclue entre la France et cet Etat, ou à la circonstance que, par application d'une convention comportant une clause de non-discrimination selon la nationalité, ces sociétés ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde que celle à laquelle sont assujetties les sociétés établies en France.

    La Cour constata l'existence d'une entrave à la libre circulation des capitaux puisque une différence de traitement existait entre les deux types de sociétés. La question de la discrimination a été évacuée, puisque la France n'avait pas invoqué telle qu'elle la non comparabilité des situations. Or il aurait été difficile pour la Cour de comparer la situation de la société résidente avec celle de la société non résidente dans son Etat de résidence.

    Même si une discrimination ou une entrave venaient à être constatées par la Cour, l'Etat de la législation litigieuse aurait la possibilité de la justifier par les exceptions prévues par le traité et/ou la jurisprudence lorsque tous les critères nécessaires sont remplis.

    A cet égard, la jurisprudence récente de la Cour abonde en nouveautés qui coulent étonnamment dans le sens des Etats membres, toute en conservant un certain classicisme dans l'approche faite à une catégorie de justifications. De plus, une évolution notable semble affecter le test de proportionnalité auquel se livre la Cour, qui mérite qu'on lui accorde notre plus grande attention.

    Chapitre II : L'évolution des justifications des mesures fiscales contraires aux libertés et l'aménagement du test de proportionnalité

    La jurisprudence communautaire, relative aux justifications des restrictions fiscales aux libertés de circulation a connu une évolution des plus remarquables puisqu'en l'espace de quelques années seulement, la Cour semble avoir mis fin au cycle de refus quasi-systématique des justifications invoquées par les Etats membres, instauré depuis son premier arrêt rendu en matière fiscale en 198688(*).Alors qu'elles étaient habituellement admises de façon restrictive, les justifications fiscales des restrictions étatiques aux libertés communautaires tendent à se diversifier, voir même à être différemment modulées par la CJCE. De plus, de nouvelles justifications semblent se faire jour : il s'agit notamment de la préservation d'une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition, de la protection de l'environnement, ou encore de la promotion de la recherche et du développement. Il semblerait en outre que la justification tirée de la cohérence du régime fiscal que l'on pensait mort-née vient de renaître de ses cendres dans la récente décision Kankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimsttat GmbH du 23 octobre 200889(*), ce qui n'est pas sans apporter son lot de surprises en la matière.

    Pour certains, si la Cour tend à se montrer plus réceptive à l'égard des justifications invoquées par les Etats membres, les motifs d'un tel changement peuvent être décelés dans sa jurisprudence passée. En effet, soucieuse d'affirmer son autorité en matière de fiscalité directe, la Cour a su faire montre d'une grande sévérité à l'égard des Etats membres, en n'admettant les justifications des restrictions fiscales aux libertés que de manière exceptionnelle. Pendant cette période qui s'étend jusqu'à l'arrêt Manninen90(*) de 2004, le juge communautaire s'est borné a donné de la consistance au principe selon lequel «  si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire »91(*). Dés lors les justifications avancées par les Etats ne faisaient que freiner les rouages de la machine prétorienne dans la construction de son oeuvre fiscale communautaire, d'où la détermination du juge dans son rejet des justifications aux restrictions apportées aux libertés fondamentales

    Ce n'est qu'après avoir bâti des bases suffisamment solides que la Cour s'est décidée à partir de 2004 à s'ouvrir à la recevabilité des justifications apportées par les Etat membres, éreintés par tant d'années de contrôle communautaire.

    Il convient donc d'étudier cette récente ouverture de la Cour, dont les effets doivent toutefois être modérés à la lumière de l'évolution de l'examen de proportionnalité de la mesure fiscale nationale à l'objectif poursuivi.

    Section I : Une recevabilité assouplie des justifications aux restrictions fiscales nationales.

    En vertu du TCE, des mesures discriminatoires peuvent trouver à se justifier par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, ou de santé publique. Toutefois ces dernières n'ont pas d'intérêt réel en matière de fiscalité. C'est pour cela que la Cour a libéralement admis au fil de sa jurisprudence, des « raisons impérieuses d'intérêt général » en tant que des justifications des restrictions aux libertés. Depuis quelques années, la recevabilité de ces justifications semble s'être assouplie.

    Dans cette optique, les arrêts rendus depuis Manninen et de manière plus nette encore depuis Mark & Spencer92(*) sont d'autant d'indices du relâchement de la jurisprudence fiscale de la Cour en matière de justifications des restrictions aux libertés. Celle-ci semble avoir délaissé son approche limitative pour adopter une logique plus évolutive des justifications des restrictions étatiques, ce qui n'est certainement pas pour déplaire aux Etats membres. Toutefois, une telle constatation doit être tempérée puisque que la Cour ne compte pas pour autant accepter tous les motifs avancés. Ainsi, nombre des justifications habituellement exclues par le juge de la Communauté le restent, puisque l'argument tiré de la compensation financière entre le traitement fiscal défavorable subi par le contribuable du fait d'une restriction fiscale, et l'existence d'autres avantages fiscaux dont il bénéficie, sans qu'il n'existe aucun lien entre eux, est toujours exclu93(*).De même, la poursuite d'un objectif purement économique comme la promotion de l'économie d'un secteur94(*), ou le défaut d'harmonisation communautaire95(*) ainsi que la règle de minimis96(*) sont toujours rejetés par la Cour. Quant à l'argument tiré de la perte de recettes fiscales, il demeure lui aussi irrecevable, les Etats ne pouvant utilement invoquer la prévention de l'érosion de la base d'imposition, afin d'éviter que les contribuables ne puissent tirer avantage des différences existants entre les régimes fiscaux des Etats membres97(*). Il est en effet impensable pour la Cour d'admettre que l'on retreigne l'exercice d'une liberté pour limiter la perte que pourrait engendrer son exercice.

    Nonobstant, la recevabilité d'une justification n'induit pas que celle-ci soit automatiquement reconnue par la Cour comme fondée. En effet, si le juge estime qu'une restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, il devra néanmoins procéder à l'examen de la proportionnalité de la mesure par rapport à l'objectif qu'elle poursuit. Ainsi, l'admissibilité d'une justification, n'emporte pas sa finale admission par la Cour.

    Les récents arrêts de la Cour sont assez intéressant de ce point de vue, puisque l'on voit émerger un double mouvement a priori antinomique : en effet, la recevabilité des justifications tend à s'infléchir, et les justifications admises voit leur nombre aller croissant.

    D'autre part, le bien-fondé de ces justifications tend à être de plus en plus souvent évincé par le juge, prenant appui sur l'absence de proportionnalité de la mesure avec les objectifs qu'elle poursuit. Serait-ce une nouvelle stratégie adoptée par la Cour, consistant à annuler au stade de la proportionnalité, son illusoire infléchissement au stade la recevabilité ? Il apparaît donc opportun d'approfondir cette idée, et de voir si le juge communautaire, habile tacticien, n'a pas finalement compensé l'élargissement de conditions de recevabilité par un resserrement du contrôle de proportionnalité.

    §1 : L'évolution des justifications « traditionnelles » : entre confirmation et mutation

    A) La confirmation de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale et de la nécessité d'assurer l'efficacité des contrôles fiscaux

    Il s'agit ici de deux raisons impérieuses d'intérêt général qui n'ont reçu que des confirmations au courant de ces dernières années et auxquelles les Etats ont systématiquement recours.

    1- La lutte contre la fraude et l'évasion fiscale

    La lutte contre la fraude constitue assurément l'une des plus anciennes raisons impérieuses d'intérêt général invoquées par les Etats98(*). La fraude fiscale consiste en un évitement illicite de l'impôt, et s'élève dans les Etats membres de l'Union à presque 2,5% du PIB, avoisinant dés lors les 250 000 milliards d'euros99(*). Véritable « tumeur » pour les finances publiques nationales, la fraude affecte aussi le bon fonctionnement du marché intérieur dans la mesure où elle crée des distorsions de concurrence entre les contribuables. La communauté souffre en effet d'une carence d'instrument commun de lutte contre ce phénomène, ce dont témoigne la communication récente de la Commission « sur la nécessité de développer une stratégie coordonnée en vue d'améliorer la lutte contre la fraude fiscale »100(*).

    Cette absence d'harmonisation est donc une raison plus que nécessaire à l'intervention du juge de la Communauté en la matière. Il reconnaît à cet effet aux Etat membres la possibilité d'invoquer, et ce de manière légitime, la lutte contre la fraude fiscale pour justifier l'adoption de mesures restrictives. En effet, le droit communautaire ne peut être un prétexte pour violer le droit national. Or la fraude fiscale constituant bien une violation de la loi, il apparaît logique que les mesures nationales poursuivant l'objectif de lutte contre un tel acte illicite soient admises. Cependant, cette solution est valable que dans la mesure où le droit national ignoré par la fraude, soit lui-même compatible avec le droit communautaire.

    Tout comme la lutte contre la fraude fiscale, la prévention de l'évasion fiscale fait partie des « traditionnelles » raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de justifier une mesure nationale contraire à une liberté proclamée par le Traité. Elle se distingue de la fraude fiscale par le fait qu'elle soit en principe légale. Toutefois la pratique démontre qu'il est souvent difficile de distinguer entre les deux, ce qui peut être lourd de conséquences, compte tenu du fait que les deux comportements appellent à des mesures de prévention différentes.

    Théoriquement, l'évasion fiscale consiste en l'adoption d'un comportement ayant pour unique finalité de diminuer la charge fiscale d'un contribuable, sans que ce comportement ne viole la loi. Il s'agit donc d'un évitement de l'impôt que l'on qualifie aussi d'optimisation fiscale.

    Cette possibilité offerte aux contribuables de la Communauté de se livrer à un shopping fiscal en localisant leurs placements dans les Etats ayant les fiscalités les plus avantageuses est sans aucun doute source de concurrence fiscale entre les Etats membres, qui à défaut de tempérament peut leur être préjudiciable. C'est sans doute la raison pour laquelle la Cour, malgré son indifférence aux conséquences de la concurrence fiscale101(*), tolère que soit invoquée devant elle la lutte contre l'évasion fiscale en tant que justification à une réglementation restrictive.

    2- La nécessité d'assurer l'efficacité des contrôles fiscaux

    Il d'agit là aussi, de l'une des plus anciennes justifications, faisant partie des raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de réhabiliter des réglementations de nature à restreindre l'exercice d'une des libertés fondamentales garanties par le TCE102(*).

    Ce statut particulier provient du célèbre arrêt Cassis de Dijon103(*) qui a élevé cet objectif au rang d'exigence impérative d'intérêt général, c'est-à-dire l'équivalent en matière de libre circulation des marchandises d'une raison impérieuse d'intérêt général.

    Ainsi, un Etat est autorisé à appliquer des mesures qui permettent la vérification, de façon claire et précise, du montant tant des revenus imposables dans cet Etat que des pertes susceptibles d'y être rapportées104(*).

    Ce motif renvoie de manière assez générale au pouvoir régalien des Etats membres de prendre des mesures visant à l'établissement précis des assiettes d'imposition de leurs contribuables. Il apparaît d'ailleurs que la jurisprudence de la CJCE ne fasse pas de distinction claire entre lutte contre l'évasion fiscale et efficacité des contrôles fiscaux. En effet, en continuant à les considérer comme des raisons impérieuses d'intérêt général, le juge de la Communauté donne l'impression d'une certaine équivalence entre ces deux notions. Cette impression est en outre consolidée par le fait que ces deux justifications sont habituellement invoquées ensemble par les Etats membres105(*). Cette réunion des deux critères peut notamment s'expliquer par le fait que la lutte contre l'évasion fiscale implique l'existence de contrôles fiscaux efficaces. On peut s'interroger sur le réel intérêt pour les Etats membres, d'avoir à leur disposition deux justifications aussi similaires.

    Cet intérêt peut être démontré lorsque l'on se trouve dans l'hypothèse où, la liberté à laquelle la mesure nationale contrevient est la liberté de circulation des capitaux entre Etats membres et Etats tiers. En effet, la Cour considère dans l'arrêt A qu'en ce qui concerne les relations avec les pays tiers, la jurisprudence qui considère, dans le cadre des relations entre Etats membres, comme non proportionnée la restriction fondée sur l'efficacité des contrôles fiscaux et « qui porte sur des restrictions à l'exercice des libertés de circulation au sein de la Communauté ne saurait être intégralement transposée aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers, de tels mouvements s'inscrivant dans un contexte juridique différent de celui des affaires ayant donné lieu aux arrêts 106(*)» relatifs aux relations entre Etats membres.

    Cela s'explique par le fait que les pays tiers ne sont pas liés par les dispositions de la Directive 77/799107(*) en matière de coopération administrative, et encore moins par les obligations en matière de comptabilité posées par le droit communautaire et utilisées par les entreprises établies dans la Communauté en vue d'apporter des informations fiables, pouvant être vérifiées par l'administration fiscale de l'Etat membre concerné. En effet, lorsque de telles dispositions n'existent pas, un Etat membre peut être autorisé à subordonner l'octroi d'un avantage fiscal aux sociétés d'un Etat tiers à la conclusion, avec ledit Etat, d'une convention bilatérale lui permettant d'être convaincu que l'efficacité d'un contrôle fiscal dans ce cadre sera équivalente à celle prévue en droit communautaire. Dés lors la distinction entre l'intérêt de recourir à la justification tirée de la nécessité d'assurer les contrôles fiscaux plutôt qu'à celle relative à la lutte contre l'évasion fiscale est plus claire.

    B) Le retour de la cohérence du système fiscal et la mutation du principe de territorialité

    1- La réapparition de la notion de cohérence du régime fiscal

    La justification tirée de la cohérence du régime fiscal a été dégagée dans l'arrêt Bachmann108(*) de 1992, et n'a depuis plus été utilisée jusqu'en 2008. La Cour avait jugé à l'époque que la législation d'un Etat membre qui soumettait le droit à déduction de certaines cotisations d'assurance, à la condition que ces cotisations aient été versées dans cet Etat, constituait une restriction susceptible d'être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal en cause. Cette entrave était en l'occurrence justifiée car la législation belge ne donnait le choix qu'en ce qui concerne le moment où l'impôt devait être acquitté. Or le gouvernement belge arguait que son système n'aurait plus été cohérent s'il n'était plus sûr de pouvoir imposer les sommes versées par les assureurs, ce qui aurait été le cas si les primes étaient effectivement versées à l'étranger.

    Le juge ayant constaté l'existence d'un lien entre la déductibilité des cotisations et l'imposition des sommes dues par les assureurs, il décida d'accepter cette justification, l'idée étant que si la mesure n'avait pas été édictée, alors c'est toute la logique du système de fiscalité nationale qui aurait été ignoré.

    Les Etats ont dés lors continué à régulièrement invoquer cette justification et ce des années durant, sans que la Cour ne se montre disposée à l'accepter. Cependant, une décision récente mis fin à ce phénomène. Il s'agit notamment de l'arrêt Krankenheim109(*) du 28 octobre 2008, qui n'est donc que le deuxième cas d'application de la jurisprudence Bachmann, enfin réactivée positivement après seize ans d'absence. Le juge communautaire a considéré en l'espèce que le régime fiscal allemand qui, après avoir admis la prise en compte de pertes subies par un établissement stable se trouvant dans un autre Etat membre que celui dans lequel est établie la société dont cet établissement dépend, prévoit une réintégration fiscale desdites pertes au moment où l'établissement stable dégage des bénéfices aux fins de calcul de l'impôt sur le revenu de cette société, es constitutif d'une restriction à la liberté d'établissement.

    Cet arrêt a en outre permis de systématiser les trois critères tirés de la cohérence fiscale et donc de préciser les conditions d'application de la jurisprudence Bachmann : ainsi, un lien direct doit obligatoirement exister entre l'avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé. De même, un lien personnel, qui suppose qu'un seul et même contribuable bénéficie de l'avantage et fasse l'objet de la compensation est aussi exigé. Enfin, un lien matériel qui suppose qu'une seule et même imposition soit concernée par l'avantage et sa compensation est également nécessaire.

    2- le principe de territorialité fiscale

    Le principe de territorialité en tant que justification a été pour la première fois dégagé dans l'arrêt Futura Participation110(*), et a d'ailleurs lui aussi été longuement éclipsé du prétoire. Ce principe exige que les contribuables soient imposés en raison de leur bénéfice mondial dans l'Etat sur le territoire duquel ils résident, et que les non-résidents ne soient imposables que sur le territoire de l'Etat dans lequel ils disposent d'un établissement stable, et qu'à concurrence des bénéfices réalisés sur ce territoire. Il s'agissait en dans l'arrêt précité d'une réglementation luxembourgeoise, en vertu de laquelle le report des pertes antérieures demandé par un contribuable non-résident ayant une succursale au Luxembourg était subordonné à la condition que les pertes soient en relation économique avec des revenus réalisées au Luxembourg. Selon le juge communautaire, le régime en cause ne comportait aucune discrimination et était qui plus est conforme au principe de territorialité. Cette justification ne retrouva depuis plus sa place au sein de la jurisprudence de la Cour, et connu le même destin que celle tirée de la cohérence du régime fiscal.

    Ce n'est que dans l'arrêt Mark & Spencer111(*) qu'elle est réapparue. Le juge avait en effet considéré au point 40 de l'arrêt que « la circonstance que le Royaume-Uni n'impose pas les bénéfices des filiales non-résidentes d'une société mère établie sur son territoire ne justifie pas, en soi, une limitation du dégrèvement de groupe aux pertes subies par les sociétés résidentes » et ce après avoir constaté que le Royaume-Uni s'était conformé au principe de territorialité. Le juge a d'ailleurs régulièrement continué à se montrer récalcitrant à cette justification au travers de sa jurisprudence112(*).

    Pour certains, l'abandon du principe de territorialité en tant que justification s'est trouvé compensé par l'apparition de la nouvelle justification tirée de la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition notamment dans l'arrêt Mark & Spencer précité, qui ne serait finalement que la reformulation de l'ancienne notion sous un nom différent.

    En effet, l'avocat général Kokott semblait indiquer dans ses conclusions relatives à l'arrêt N, que la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition avait pris le relais de la territorialité : « dans sont arrêt Mark & Spencer, la Cour a constaté que la préservation de la répartition du pouvoir d'imposition entre les Etats membres est un objectif légitime, qui peut justifier de restreindre la liberté d'établissement. Le principe de territorialité peut à cet égard servir de principe directeur, sur lequel les Etats membres doivent se fonder dans le cadre de la répartition équilibrée des pouvoirs d'imposition 113(*)».

    La désuétude apparente du principe de territorialité n'est donc en fait qu'un changement de fonction et de sémantique, puisque dorénavant il sert plus de fondement à la justification tirée de la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre Etats membres que de justification propre.

    §2 : L'apparition de justification nouvelles

    A) La sauvegarde d'une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition et le risque de double déduction des pertes des filiales étrangères dans l'Etat de la filiale

    L'arrêt Mark & Spencer rendu en 2005 fait partie de ceux qui ont bouleversé le paysage habituel des justifications aux restrictions. Etait en cause la législation britannique dite « group relief », selon laquelle seules les filiales résidentes au Royaume-Uni, ou y possédant une succursale, ont le droit de transférer leurs pertes à leur société mère imposée au Royaume-Uni.

    La Cour y a admis, au côté du risque d'évasion fiscale, deux nouvelles justifications. Tout d'abord, la préservation équilibrée du pouvoir d'imposition entre les Etats membres, que l'on peut qualifier d'une justification d'ordre général.

    Il s'agissait en l'espèce d'une entreprise qui souhaitait déduire les pertes d'une filiale non-résidente, ce que la Grande Bretagne refusait au motif qu'il lui était nécessaire de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre les Etats membres de la Communauté. Le juge communautaire considéra toutefois que l'interdiction de déductibilité des pertes d'une filiale non-résidente ne pouvait être accueillie que s'il y'avait, entre autre, un risque de double usage des pertes. Il nous parait opportun de noter que cette justification paraît étroitement liée avec celle de la nécessité de lutter contre l'évasion fiscale, qui compte quant à elle déjà plusieurs années d'existence, en tant que raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier une mesure fiscale restrictive d'une liberté fondamentale. Le juge communautaire reconnaît expressis verbis dans le point 49114(*) de l'arrêt que l'Etat peut valablement se fonder sur cette justification traditionnelle, en vue d'empêcher que des transferts de pertes soient organisés au sein d'un groupe de sociétés établies dans les Etats membres appliquant les taux d'imposition les plus élevés et dans lesquels la valeur fiscale des pertes est donc la plus importante.

    L'arrêt rendu a ainsi permis d'éclairer la question de la déductibilité des pertes entre sociétés d'un même groupe lorsque les entreprises ne sont pas établies sur le même territoire national. La Cour a en effet implicitement affirmé qu'exclure de manière générale, la possibilité pour une société mère résidente de déduire de son bénéfice imposable des pertes subies dans un autre Etat membre, par une filiale établie sur le territoire de celui-ci est contraire aux dispositions du Traité dans le cas où la société résidente a d'une part épuisé les possibilités de prise en compte des pertes qui existe dans son Etat membre, et où d'autre part, il n'existe pas de possibilités pour que ces pertes puissent être prises en compte dans son Etat de résidence.

    En outre, la Cour a admis en tant que principe qu'un Etat membre pouvait refuser cette déductibilité, puisque « donner aux sociétés la faculté d'opter pour la prise en compte de leurs pertes dans l'Etat membre de leur établissement ou dans un autre Etat membre compromettrait sensiblement une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre les Etats membres, l'assiette d'imposition se trouverait augmentée dans le premier Etat et diminuée dans le second, à concurrence des pertes transférées. »115(*)

    Ainsi la préservation d'une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition a été érigée en nouvelle justification. Néanmoins, l'Etat en cause doit démontrer que sa législation permet de lutter contre l'évasion fiscale en cas de risque de double emploi des pertes ou d'évasion, mais aussi apporter la preuve de l'existence de ce risque.

    Autres jurisprudence marquante, l'affaire Thin Cap Group116(*) a permis de dégager les grandes lignes de la notion, même si la Cour n'y'a pas directement abordé la question de la répartition équilibrée des pouvoirs d'imposition des Etats membres. En effet, le juge communautaire y fait une démonstration de sa volonté de lier les justifications telles que la cohérence fiscale, ou la répartition équilibrée des pouvoirs d'imposition, à la nécessité de lutter contre les abus de droit. Le gouvernement britannique invoquait en l'espèce la nécessité de lutter contre les pratiques abusives et spécifiquement les montages purement artificiels, argument rappelons-le déjà accepté dans les arrêts Mark & Spencer et Cadbury117(*).

    La Cour a en outre accepté cette justification dans le récent arrêt Rewe118(*), à la condition qu'il y'avait en l'espèce trafic de pertes ou abus de droit, confirmant sa volonté de lier l'éventuelle acceptation des justifications à la preuve du risque d'évasion ou de fraude fiscale. Ainsi, il apparaît que le juge communautaire fait une application très restrictive des justifications tenant à la répartition équilibrée des pouvoirs d'imposition et de la cohérence, en conditionnant leur pertinence à la nécessité de lutter spécialement contre les montages purement artificiels, et utilisant d'ailleurs le contrôle de proportionnalité d'une manière très rigide dans les arrêts Rewe et Thin Cap Group.

    L'autre nouvelle justification est celle du risque de double déduction des pertes des filiales étrangères dans l'Etat de la filiale, et concerne donc le cas particulier des groupes de sociétés.

    Pour certains, le fait de l'ériger en justification de restriction fiscale est discutable, puisque tout double usage des pertes est également interdit pour les filiales résidentes119(*), ce qui induit l'absence d'entrave.

    L'arrêt Oy AA120(*) rendu récemment par la Cour n'a pas manqué d'apporter son lot de confusions. En effet, le raisonnement adopté y est tout simplement déconcertant lorsque l'on sa base sur sa jurisprudence antérieure, puisqu'elle a accueilli la justification tirée de la sauvegarde de la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition, et a accordé un traitement étonnant au critère de l'abus de droit, en procédant au test de proportionnalité avec beaucoup moins de rigueur qu'à l'accoutumée. Il s'agissait en l'espèce d'une filiale finlandaise, qui avait fait un transfert financier au profit de sa société mère britannique sujet à d'importantes difficultés financières. L'administration fiscale avait refusé de considérer ce transfert en tant que dépenses déductibles des revenus imposables de la filiale. Or, la Cour jugea que la législation finlandaise conditionnant la déductibilité des transferts financiers intragroupe à l'établissement sur le territoire finlandais des sociétés émettrices et bénéficiaires du transfert financier est compatible avec les dispositions du Traité.

    Ainsi, l'admission de la justification consistant en la sauvegarde d'une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition des Etats membres conduit à se poser des questions quant à l'implication de ce nouveau régime. En effet, peut-on valablement en déduire que le juge de la Communauté se refuse à reconnaître le droit pour un contribuable de tirer profiter des différences de pression fiscale entre les Etats membres ?

    Nul n'est besoin d'arriver à une conclusion si radicale. Sans vouloir nier l'importance de cet arrêt, il tient à relever qu'il s'inscrit dans un sujet délicat qu'est le transfert intragroupe qui requiert assurément que lui soit consacré un régime propre, autorisant éventuellement un traitement plus favorable. L'incidence de cet arrêt ne doit donc pas être exagérée outre mesure, la solution devant être limitée au seul régime des groupes de société et ce du fait de la particularité des questions soulevées.

    Se posait en outre la question de savoir si les éléments de justifications retenus dans l'arrêt Mark & Spencer doivent appliqués de manière cumulative, ou si l'existence d'un seul de ces éléments suffisait à ce que le régime fiscal examiné soit justifié. La Cour a apporté une réponse à cette interrogation dans l'arrêt Lidl Belgium121(*), où elle a considéré qu'en raison de la diversité des situations desquelles un Etat membre peut avancer des justifications, il ne peut être exigé que l'ensemble des justifications dégagées par l'arrêt Mark & Spencer soit réuni pour qu'une réglementation fiscale nationale restreignant la liberté d'établissement puisse être justifiée.

    B) De nouvelles justifications potentiellement admises par la Cour

    Ces nouvelles justifications avancées par les Etats membres ont vu leur recevabilité potentiellement admise par la Cour de justice, malgré qu'elles n'aient pas été jugées comme fondées dans les espèces concernées.

    Cet état du droit en évolution mérite toutefois qu'il y soit prêté attention, et nous pouvons à cet effet en proposer trois illustrations.

    L'arrêt De Coster122(*) s'inscrit dans cette veine. Il a en effet permis au juge communautaire de considérer l'éventuelle recevabilité de la protection de l'environnement en tant que justification, « en admettant même que la poursuite de l'objectif de protection invoqué par la commune de Watermael-Boisfort soit de nature à justifier une entrave à la libre prestation de service... ».

    La Cour a en outre admis dans son arrêt Laboratoires Fournier123(*) la justification basée sur la promotion de la recherche et du développement. Il s'agissait en l'espèce d'une règlementation nationale réservant le bénéfice du crédit d'impôt aux seules opérations de recherche réalisées dans l'Etat membre concerné. Le fait qu'elle ait été constitutive d'une restriction à la libre prestation de services, et qu'elle ait aussi été contraire à la politique communautaire en matière de recherche, n'a apparemment influencé la Cour qui a su garder une ouverture d'esprit certaine en accueillant cette justification.

    D'autre part la Cour a eu l'occasion de juger dans l'arrêt Jundt124(*), qu'une réglementation nationale qui réserve le bénéfice d'une exonération d'impôt sur le revenu aux seules indemnités pour frais professionnels versés par les établissements d'enseignements nationaux constituait une restriction à la libre prestation de service et que de plus, cette réglementation contrevenait à la politique communautaire dont l'objectif est de faciliter la mobilité des enseignants et des étudiants. Toutefois, elle n'en a pas pour autant exclu que l'objectif de promotion de l'enseignement puisse constituer une raison impérieuse d'intérêt général.

    Malgré leur apparente fragilité, ces justifications sont d'autant de manifestations de la progressive ouverture du juge communautaire à des justifications nouvelles, inhérentes à l'évolution de la situation de la Communauté européenne et des Etats qui la composent.

    De plus, l'arrêt Jâger125(*) intervenu dans le cadre de la libre prestation des capitaux offre un autre exemple de ces justifications « nouvelle génération ». Le juge communautaire a en effet jugé que les objectifs tenant à la poursuite de l'activité des exploitations agricoles et forestières ainsi qu'au maintien de l'emploi peuvent présenter en eux-mêmes, dans certaines circonstances et sous certaines conditions, un caractère d'intérêt général pouvant justifier des restrictions à la liberté de circulation des capitaux.

    Section II : L'évolution du contrôle de proportionnalité

    Invoquer une des raisons impérieuses d'intérêt général recevables par le juge communautaire en vue de justifier une mesure fiscale nationale, non discriminatoire, mais toutefois susceptible d'entraver l'une des libertés de circulation proclamées par le traité, se révèle infructueux si l'étape du contrôle de proportionnalité n'est pas franchie. En effet, l'application de ces raisons impérieuses d'intérêt général doit permettre de garantir la réalisation de l'objectif poursuivi par la mesure en cause, et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci126(*). La proportionnalité est, rappelons-le, l'un des principes classiques su droit communautaire, qui permet au juge d'examiner une mesure édictée en vue de jauger le rapport qui existe entre ses apports et ses résultantes. Il trouve donc tout naturellement application en matière fiscale.

    Or, le critère de proportionnalité n'est examiné que si la recevabilité de la justification en cause a été admise. Compte tenu de la jurisprudence restrictive de la Cour en matière de fiscalité directe concernant la recevabilité des justifications aux restrictions étatiques, cette question n'a été que peu développée par le juge de la Communauté. Toutefois, le récent assouplissement de la recevabilité des justifications vient apporter un éclairage nouveau sur l'examen de proportionnalité. Au fil des de ces dernières années, un constat peut être dores et déjà dégagé. Un durcissement du juge en la matière est notable, et il se manifeste en l'occurrence à travers un resserrement du contrôle de proportionnalité.

    Nonobstant, cela suscite de nombreuses interrogations quant à la valeur même du critère de proportionnalité. En effet, l'appréciation de la proportionnalité de la mesure aux objectifs qu'elle poursuit peut sans conteste comporter le risque de basculer vers un contrôle opéré par opportunité, notamment en matière de fiscalité, d'où la nécessité pour le juge de garder à l'esprit le but de la mesure en cause, à ce stade de son raisonnement.

    §1 : Le critère de proportionnalité.

    A) Le contrôle d'adéquation entre la mesure nationale et l'objectif qu'elle poursuit 

    L'affaire X et Y127(*), relative à la libre circulation des capitaux, permet d'illustrer la jurisprudence de la Cour selon laquelle la restriction doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit.

    La Cour avait en l'espèce jugée que le Traité s'oppose à une législation suédoise qui, en cas de cession à pertes d'actions de sociétés, exclut le cédant du bénéfice d'un report de l'impôt sur les plus-values réalisées sur ces actions, lorsque ladite cession est faite en faveur d'une personne morale étrangère, dans laquelle le cédant possède, de manière directe ou indirecte, une participation qui n'est pas de nature à lui conférer une influence certaine sur les décisions de cette personne morale étrangère et à lui permettre d'en déterminer les activités. En effet, « en tout état de cause, la mesure mise en oeuvre par le royaume de Suède n'est pas à même d'atteindre l'objectif qu'elle est censée poursuivre, à savoir l'imposition effective en Suède du cédant sur les plus-values réalisées sur les actions cédées ».

    Cette décision est apparemment demeurée la seule où un contrôle de proportionnalité a été opéré, et certains regrettent que le juge ne recoure pas plus souvent à cette argumentation, la dédaignant au profit de celle tirée de la possibilité d'atteindre l'objectif poursuivi par des mesures moins contraignantes. En effet, celle-ci devrait être systématisée, puisque « quelle que soit la justification avancée, les Etats membres qui portent atteinte à l'exercice effectif d'une liberté de circulation doivent donc toujours montrer que la mesure contestée respecte le principe de proportionnalité »128(*).

    L'une des explications possibles est la difficulté de mener un tel contrôle d'efficacité, reposant sur la vérification que l'objectif poursuivi est impossible à atteindre, plutôt que d'opérer un contrôle d'efficience reposant sur la possibilité d'atteindre le dit objectif grâce à des mesures moins contraignantes.

    Ce contrôle d'efficacité est aussi qualifié par contrôle d'adéquation, à savoir du caractère « approprié à l'objectif poursuivi » de la mesure en cause. Ce dernier est d'ailleurs parfois utilisé de manière assez souple par la Cour : ainsi, le juge a pu apprécier dans l'arrêt Elisa129(*), l'adéquation de certaines dispositions du code général des impôts français à l'objectif de lutte contre la fraude fiscale. Celles-ci soumettaient les personnes détentrices d'actifs mobiliers en France à une taxe de 3% assise sur la valeur vénale des biens immeubles considérés. Cependant, certaines personnes étaient exonérées, notamment les personnes morales, qui avaient leurs sièges dans un pays ayant conclu une convention d'assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

    La Cour a considéré que le critère d'exonération est constitué par «  l'assurance que l'administration fiscale française puisse demander directement des autorités fiscales étrangères toutes les informations nécessaires afin de recouper les déclarations faites » par les sociétés concernées ou leurs associés.

    Ainsi, la mesure en cause, en faisant application de critère, aboutirait-elle à taxer « les immeubles détenus par des sociétés utilisées comme « écran » par des personnes physiques qui, en l'absence de telles sociétés, seraient soumises à l'impôt sur la fortune ». La Cour a donc considéré qu'il y'avait adéquation en l'espèce entre la mesure et l'objectif qu'elle poursuit, et ce malgré son champ très large, susceptible d'englober aussi bien les montages artificiels que les opérations ayant une réalité économique.

    Ainsi, et même s'il se dégage de la doctrine une impression selon laquelle il ne s'agirait pas d'une composante du contrôle de proportionnalité, d'autres commentateurs affirment que vérifier qu'une mesure déterminée, permet d'atteindre un certain objectif, relève bien du registre du contrôle de proportionnalité130(*). Un ordre d'examen devrait en effet être établi dans les questions analysées par la Cour, aussi bien sur le plan théorique que pratique. Celle-ci devrait d'abord examiner sur l'objectif poursuivi peut être atteint par le mesure en cause, et ne devrait vérifier que cet objectif aurait pu être atteint par une mesure moins restrictive que le cas échéant. Le juge aurait alors la possibilité de sanctionner la mesure à l'un des deux stades de son analyse. Mais il apparaîtrait que le juge fasse parfois abstraction de la première de ces deux étapes.

    Tel est le cas dans les arrêts Talotta131(*) et Commission c/ Danemark132(*), où le juge n'a pas du tout procédé à l'examen de l'adéquation entre la mesure fiscale considérée et l'objectif recherché. Cela s'explique certainement par le fait que les justifications invoquées, à savoir la lutte contre l'évasion fiscale pour le deuxième arrêt, et la lutte contre la fraude fiscale pour le premier, ont dés le départ été écartées par le juge, à cause notamment de la Directive 77/799 précitée, relative à l'assistance mutuelle des autorités compétentes dans le domaine des impôts directs.

    Les Etats membres dont la mesure fiscale est soumise à l'examen de la Cour invoquent souvent l'absence d'application de celle-ci ou son application limitée en l'espèce, puisque cette dernière n'impose pas d'obligation générale et objective de transmission d'information d'une Etat requis à un Etat demandeur. Tel en a ainsi été le cas dans l'arrêt Commission c/ Danemark, où cet argument a pu servir d'appui à la justification tirée de la lutte contre l'évasion fiscale et l'efficacité des contrôles fiscaux. La Cour n'a dés lors fait que procéder comme à son habitude, puisque elle évacue de manière systématique l'argument tiré de l'absence d'obligation de coopération sous le régime de la directive en relevant que les informations pertinentes peuvent être recueillies directement auprès de l'intéressé.

    Dans d'autres cas encore, le juge passe outre le contrôle d'adéquation, pour directement s'intéresser à la possibilité d'atteindre l'objectif poursuivi par des mesures moins contraignantes.

    B) La possibilité d'atteindre l'objectif poursuivi par des mesures moins contraignantes

    C'est dans l'affaire Futura participation133(*) que cet argument a été pour la première fois décisif, la Cour estimant qu'il n'était pas « indispensable que les moyens par lesquels le contribuable non-résident est autorisé à démontrer le montant des pertes dont il demande le report soient limités à ceux prévus par la législation luxembourgeoise ».

    Dans l'arrêt De Coster134(*), le juge estimait que d'autres moyens que la taxe en cause sont envisageables pour atteindre l'objectif la protection de l'environnement urbanistique. Aussi, dans l'affaire Leur-Bloem135(*), le juge a considéré que « l'institution d'une règle revêtant une portée générale excluant automatiquement certaines catégories d'opérations de l'avantage fiscal, qu'il y ait ou non effectivement fraude ou évasion fiscale, irait au-delà de ce qui est nécessaire pour éviter une telle fraude ou une telle évasion fiscale ».

    En effet, elle estime que « l'objectif envisagé (...) peut être atteint par des mesures moins contraignantes ou moins restrictives de la liberté d'établissement », et ce notamment au point 67 de son arrêt M. de Lasteyrie du Saillant136(*). La Cour y aura notamment constaté que les autorités françaises pouvaient prévoir la taxation d'un contribuable qui, après un bref séjour dans un autre Etat membre, reviendrait en France après avoir réalisé ses plus-values, ce qui éviterait d'affecter la situation des contribuables n'ayant pas d'autres objectifs que d'exercer leur liberté d'établissement de bonne foi.

    En effet, le juge communautaire propose selon les arrêts, de manière plus ou moins précise, une description des mesures qui auraient pu être prises à la place de celles retenues par les Etats, et qu'elle aurait considérées comme recevable. Il en est notamment ainsi dans l'arrêt Centros137(*), où la Cour a estimé au point 37 que « des mesures moins contraignantes ou moins attentatoires pour les libertés fondamentales, donnant par exemple la possibilité légale aux créanciers publics de prendre les garanties nécessaires, pourraient être prises ».

    Le recours par le juge communautaire au test de proportionnalité a d'autre part considérablement augmenté en matière de groupe de sociétés, et ce notamment depuis l'arrêt Mark & Spencer138(*), où avait été jugé comme exagérée l'interdiction de toute remontée des pertes des filiales étrangères. La Cour a en effet estimé qu'une mesure moins restrictive aurait été possible, à savoir n'interdire la remontée des pertes que dans le cas où la perte ne peut plus être utilisée, par report sur bénéfices antérieurs ou futurs, dans l'Etat de résidence de la filiale.

    Quant à l'arrêt Papillon139(*), le juge y a considéré que la justification avancée par la France, tirée de la difficulté de vérifier l'existence d'un double emploi des pertes ne pouvait être acceptée, puisque la cohérence du système fiscal de l'intégration peut être préservée par un moyen moins contraignant que le refus pur et simple d'intégrer une sous-filiale détenue par l'intermédiaire d'une filiale établie dans un autre Etat membre. En effet, des moyens d'information suffisants sont accessibles aux autorités françaises, notamment la directive du 19 décembre 1977 relative à l'assistance mutuelle interétatique précitée.

    Il est à noter que le juge communautaire rejette de manière assez générale les arguments tirés de la difficulté de mettre en oeuvre une mesure moins restrictive, et qui tendraient à justifier a contrario le choix de la mesure contestée.

    Toutefois, la Cour a admis dans l'arrêt Lidl Belgium140(*) que le régime fiscal en cause n'allait pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis et a accueilli les justifications avancées par l'Etat allemand. On a d'autre part pu lire dans les conclusions de l'avocat général sur l'affaire OY AA141(*)qu'«il ne serait pas possible de parvenir à la préservation de la répartition du pouvoir d'imposition entre les Etats membres à laquelle sont directement liées les deux autres éléments de justification par une réglementation nationale correspondante moins restrictive ».

    Ceci tend à prouver que la proportionnalité n'est pas systématiquement refusée aux dispositifs fiscaux nationaux, du moins dans les hypothèses où il apparaît qu'une réglementation moins restrictive n'aurait pas permis d'atteindre l'objectif visé.

    §2 : Le vacillement du test de proportionnalité entre l'examen de la finalité de la mesure le contrôle d'opportunité

    A) L'examen de l'objectif de la mesure litigieuse

    L'examen de la proportionnalité repose sur des éléments objectifs, permettant de comparer le but que poursuit une mesure litigieuse, et les effets qu'elle produit, un certain équilibre devant être dégagé de cette relation, en vue de la voir qualifiée par le juge de « proportionnelle ».

    Cette analyse est aussi vraie en matière de fiscalité directe, de même que le critère essentiel à ce que ce raisonnement puisse garder toute sa pertinence est la finalité de la mesure en cause. En effet, la jurisprudence récente de la Cour nous donne à voir un ensemble de justifications crées par l'esprit prétorien au fil des années, et qui en apparence semblent très diversifiée. Toutefois, et si l'on y regarde à deux fois, on peut déceler une certaine constante dans cette équation jurisprudentielle : il s'agit en effet du critère de l'objectif de la réglementation en cause, qui en outre constitue l'un des maillons les plus importants à la chaîne relationnelle existant entre libertés du Traité et fiscalité directe.

    Cette perspective a notamment été adoptée dans les affaires Manninen142(*) et Mark & Spencer143(*) par les avocats généraux Kokott et Poiares Maduro, qui proposaient à travers leurs conclusions de se baser sur le critère de l'objectif de la législation en cause à l'aune de laquelle devrait être jugée la justification avancée par l'Etat membre.

    Le récent arrêt N. V. Lammers & Van Cleef144(*), fait semble-t-il lui aussi la démonstration d'un contrôle de la proportionnalité de la mesure par un examen de sa finalité. En l'espèce, le juge communautaire refuse de considérer que la restriction découlant de la loi anti-sous-capitalisation est justifiée par la lutte contre la fraude fiscale. La seule circonstance qu'une société résidente se voit accorder un prêt par une société apparentée, établie ailleurs dans la Communauté, ne saurait fonder une présomption générale de pratiques abusives et justifier une mesure portant atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale à l'exercice d'une liberté fondamentale. En effet, pour qu'elle puisse être justifiée par des motifs de lutte contre les pratiques abusives, une telle restriction doit avoir pour objectif de s'opposer à des comportements, consistant en la création de montages purement artificiels, dépourvus de toute réalité économique, dans le but d'éluder l'impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national145(*).

    En adoptant le critère de la finalité comme fondement au principe de proportionnalité, le juge communautaire évince les dérives inhérentes au contrôle d'opportunité. Ces dérives peuvent apparaître sous les traits d'un basculement vers un contrôle d'opportunité.

    B) Le basculement vers un contrôle d'opportunité

    Le domaine d'intervention du juge communautaire va croissant avec les années, ce qui le conduit à se prononcer dans des domaines où l'harmonisation communautaire est peu avancée, comme en matière de fiscalité directe.

    En effet, il se prononce de plus en plus fréquemment sur la compatibilité des mesures fiscales nationales en la matière, avec les dispositions relatives aux quatre libertés fondamentales proclamées par le Traité. En jugeant ainsi de la pertinence de telles mesures, le contrôle de la Cour glisse progressivement du champ de la légalité vers un contrôle d'opportunité, et ce notamment à l'étape du test de proportionnalité.

    Le risque que la Cour s'approprie une fonction de réformation a posteriori des dispositifs fiscaux nationaux existe pour certains commentateurs. Ainsi, cela lui permettrait de compenser ce qu'elle n'a pas obtenu au stade de la légalité. Ce qui peut être lourd de conséquences pour les Etats puisqu'aucun recours n'est possible à l'encontre d'un tel contrôle. Ainsi, l'utilisation de ce test rendrait la jurisprudence de la Cour imprévisible, puisqu'elle serait caractérisée par une certaine casuistique qui l'entacherait de subjectivité.

    De manière plus globale, cette méthode peut avoir une certaine incidence sur la fonction même du juge de la Communauté en matière de fiscalité directe. En effet, « la construction d'une fiscalité à l'échelle communautaire se faisant davantage à Luxembourg qu'à Bruxelles », l'insécurité juridique serait augmentée en la matière, et ce notamment à cause du caractère jurisprudentiel des uniques justifications admises et contrôlées par la Cour, qui malgré qu'elles soient inspirées par l'esprit du Traité, demeurent des créations purement prétoriennes. Les évolutions de la jurisprudence, au gré de l'humeur du juge, fluctuant entre sévérité et ouverture, sont de nature à perturber le contribuable et surtout les Etats, ne sachant plus ou s'arrête la compétence de la Cour qui intervient même en matière de fiscalité directe, sans pour autant que le Traité Ce ne prévoit une telle compétence.

    Ces inquiétudes, exprimées par la doctrine146(*), doivent toutefois être nuancées. La démarche de la CJCE demeure malgré tout prudente, et s'apparente assez à celle du droit public français en matière de sauvegarde des libertés, tout en s'en distinguant par plus de précision, notamment en ce qui concerné le contrôle d'adéquation opéré par le juge administratif français sur la légalité d'une mesure de police portant atteinte à une liberté fondamentale147(*).

    Ce contrôle opéré par la Cour n'est somme toute que la dernière étape dans son cheminement rationnel visant à assurer une protection efficace des libertés du Traité. Si la justification de la restriction fiscale à la liberté du Traité échoue au test de proportionnalité, alors la mesure nationale sera jugée incompatible avec le Droit communautaire.

    Cette condamnation emportera différentes conséquences, que l'on se propose de développer dans la deuxième partie de notre étude.

    DEUXIEME PARTIE 

    L'IMPACT DU CONTROLE DE LA CJCE

    Chapitre I : L'affectation de l'ordre normatif interne par le contrôle exercé par la Cour

    Nous avons fait le choix d'illustrer l'incidence de la jurisprudence européenne sur la fiscalité des Etats membres à travers l'exemple français. En effet, il nous a paru plus qu'opportun de nous intéresser à l'évolution de l'ordre normatif interne, sous l'impulsion de l'oeuvre jurisprudentielle communautaire, et cela passe notamment par un examen de l'action du juge national, du législateur et de l'administration fiscale.

    Une volonté générale de mise en conformité avec le droit communautaire tend à se dégager de cette analyse. Néanmoins, celle-ci ne se fait pas sans difficulté, et le juge français se trouve parfois face à des problématiques, tenant à la fois à la réception des concepts jurisprudentiels dégagés par la Cour, mais aussi aux enjeux inhérents à la matière fiscale et à son rôle de juge communautaire de droit commun. En effet, il se doit d'écarter les règles nationales contraires au droit communautaire et ce du fait du principe de primauté. De même, il doit substituer les normes communautaires d'effet direct, au titre desquelles se trouvent les quatre grandes libertés du TCE, au droit national contraire ou défaillant. De plus, il doit interpréter les règles nationales conformément au droit communautaire148(*), puisqu'il « appartient à la juridiction nationale de donner à la loi interne, dans toute la mesure où une marge d'appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences communautaires et de laisser, pour autant qu'une telle appréciation conforme n'est pas possible, inappliquée toute règle nationale contraire »149(*). Enfin, le juge national doit assurer la réparation financière des violations du droit communautaire, le droit de remboursement des sommes ayant été perçues en application d'une mesure nationale contraire à une norme communautaire, ou l'indemnisation des dommages subis par la violation du droit communautaire par un Etat membre, résultant de la combinaison des principes de primauté et d'effet direct caractérisant le droit de l'UE150(*).

    Quant au législateur, celui-ci voit en quelque sorte son pouvoir se dérober au profit de la Cour, qui par l'exercice d'un mode de contrôle aussi bien indirect, à travers le renvoi préjudiciel, que direct, par le biais du recours en manquement, procède à une sorte d' « harmonisation forcée » de la fiscalité directe des Etats membres.

    Section 1 : La volonté de respecter la jurisprudence communautaire, corolaire d'une « harmonisation forcée »

    Le « dédoublement forcé » du juge national est l'une des manifestations les plus caractéristiques de l'impact de la jurisprudence de la Cour sur la production jurisprudentielle interne.

    Cette expression que nous empruntons à M. le Philippe Martin, conseiller d'Etat, président adjoint de la section du contentieux du Conseil d'Etat et vice-président du Tribunal des Conflits, dépeint parfaitement la situation dans la quelle se trouve le juge national, confronté à la jurisprudence communautaire.

    Le juge national ne peut en effet se refuser à développer une opinion propre sur la jurisprudence de la Cour au regard des textes pertinents, et ce du fait de la responsabilité juridique qu'il supporte. Toutefois, cela ne doit pas le détourner de sa mission, à savoir de garantir au justiciable une application effective du droit communautaire dans le respect de la hiérarchie des normes, et ce même si les principes proclamés par le juge de la Communauté peuvent être difficiles à appréhender.

    Saisir la logique d'un système fiscal et apprécier sa validité en droit interne, pour se demander ensuite de quelle manière la Cour de Luxembourg résoudrait le problème, telle est la manifestation de la « schizophrénie » du juge national.

    Lorsque l'adhésion à la jurisprudence de la Cour est évidente du fait de la similitude des concepts, la manifestation de ce dédoublement se fait paisiblement. Toutefois, lorsque le cas de d'espèce est source de contradictions entre les conceptions du juge national et celles du juge communautaire, nul doute alors que l'exercice devient plus ardu pour les membres de la juridiction nationale.

    L'administration fiscale ainsi que le législateur national répondent eux aussi à une logique de mise en conformité avec le droit communautaire tel que produit par la CJCE, qui n'est pas dépourvue de conséquences. L'hégémonie de la jurisprudence du juge de Luxembourg a des répercussions importantes sur la liberté de choix du régime fiscale, et cela est d'autant plus vrai en matière de fiscalité directe, puisque la loi nationale jugée incompatible devra être supprimée ou adaptée aux exigences communautaires, ce qui n'est pas sans poser des problèmes pécuniaires, et au-delà, de mettre en échec le principe de souveraineté des Etats.

    §1 : Le « dédoublement forcé » du juge national, juge de droit commun du droit fiscal communautaire

    A) L'assimilation par le juge national de la jurisprudence de la CJCE

    Persuadé de la légitimité de l'intervention de la Cour dans le domaine des impôts directs, tout comme de la pertinence des notions utilisées par la Cour de justice, le juge national se montre réceptif à la jurisprudence dégagée par son homologue communautaire.

    En effet, le Conseil d'Etat adhère sans réticence à l'idée selon laquelle les libertés fondamentales établies par le Traité CE sont des règles de portée générale qui s'imposent en tous domaines au législateur d'un Etat membre, même dans le cadre d'une compétence aussi fortement liée à la souveraineté nationale que la fiscalité. Peut-être est-il influencé par sa position de juge administratif à compétence large et dont la fiscalité n'est qu'un champ d'action parmi d'autres151(*).

    Ainsi que le principe posé par le point 21 de l'arrêt Schumacker, qui dispose que « si en l'état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de la Communauté, il n'en reste pas moins que les Etats membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du Droit communautaire »152(*) n'a trouvé aucune difficulté à être accueilli par le Conseil d'Etat.

    D'autre part, la similitude des concepts utilisés par la CJCE lors du contrôle qu'elle opère des impôts directs à l'aune des libertés communautaires avec ceux utilisés par le Conseil d'Etat, facilite l'adhésion de ce dernier au mode de raisonnement communautaire, ce qui n'est pas sans importance lorsque l'on connaît l'impact retentissant que peut avoir un arrêt de la Cour sur la loi fiscale votée par le Parlement.

    Nous pouvons prendre à titre d'exemple les concepts fondamentaux que sont la non-discrimination  et l'appréciation des atteintes à la liberté. Une part conséquente du débat sur l'atteinte aux libertés fondamentales porte sur l'existence d'une discrimination en raison de la nationalité ou selon un critère de même effet, alors même que les articles 43 TCE, 49 TCE et 56 TCE ne font nulle mention du critère de discrimination, se contentant de prohiber de manière expresse les « restrictions » aux libertés.

    A cet égard, le Conseil d'Etat acquiesce à la conception développée par le juge communautaire de la discrimination qui suppose l'existence de situations objectivement comparables153(*), tout comme il accepte l'idée selon laquelle la distinction entre contribuables résidents et non-résidents n'est pas toujours pertinente lorsque ces deux catégories ne sont pas en réalité dans une situation différente au regard de l'objet de la mesure fiscale en cause.

    Cependant, la conception d'égalité est appréciée différemment par le Conseil d'Etat. La définition actuelle de cette notion peut être dégagée de l'arrêt du Conseil d'Etat du 25 juillet 2007154(*) selon lequel «  Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. »

    Contrairement à la Cour de justice, le juge français ne considère pas comme discriminatoire le fait d'appliquer un traitement identique à des personnes se trouvant dans des situations différentes.155(*) Par conséquent, et en présence d'un arrêt de la CJCE tel que Futura Participation SA et Singer156(*), condamnant l'application uniforme par le juge de Luxembourg des mêmes règles aux entreprises résidentes et aux établissements stables d'entreprises non-résidentes, le juge national passera outre ses conceptions propres, en faisant application de cette décision au titre de la spécificité communautaire.157(*)Il en est de même pour l'interdiction des entraves ne constituant pas une véritable discrimination, qui n'est autre qu'un principe reconnu par la jurisprudence communautaire, se référant aux stipulations du Traité relatives aux libertés de circulation interdisant de manière expresse toute forme de « restriction ».

    Cette proclamation faite par le Traité des libertés n'est pas sans rappeler la problématique interne en matière de sauvegarde des libertés. En effet, les libertés fondamentales peuvent, au regard du droit public interne, être limitées par les pouvoirs publics dans un but d'ordre public, et les libertés économiques telle que la liberté d'entreprise peuvent être restreintes dans un but d'intérêt général à condition de ne pas en dénaturer la portée.158(*)

    De plus, et depuis le célèbre arrêt Benjamin159(*), un contrôle de proportionnalité est fait par le Conseil d'Etat sous forme de contrôle d'adéquation, en matière de police administrative. Il n'est guère étonnant alors que la trilogie de la CJCE ait facilement acquis sa légitimité devant le Conseil d'Etat.

    La logique juridique communautaire a donc trouvé une place de choix auprès du Conseil d'Etat. C'est ainsi que dans les affaires de fiscalité directe mettant en jeu les libertés de circulation, le juge de la Haute Assemblée se permet de censurer directement la législation nationale jugée incompatible avec les principes du TCE, certainement dans le but de ne pas encombrer inutilement la Cour de questions préjudicielles inutiles. Cette adhésion aux principes dégagés par le Juge de Luxembourg à travers sa jurisprudence prend donc la forme d'une prise de responsabilité de la part du juge français, qui accepte d'écarter lui-même la loi fiscale nationale contraire.

    Ce phénomène est d'ailleurs perceptible depuis prés d'une dizaine d'années. En effet, le juge national a eu à traiter depuis l'an 2000 cinq affaires sérieuses ayant trait à des libertés circulations. Même si trois d'entre elles ont fait l'objet de questions préjudicielles, à savoir de Lasteyrie du Saillant160(*), Denkavit international et Denkavit France161(*)et Sté Papillon162(*), deux de ces affaires ont directement réglées par le juge national.

    C'est ainsi que dans la décision du 30 décembre 2003 SARL Coréal Gestion163(*), le Conseil d'Etat a censuré à la lumière de la liberté d'établissment l'ancien régime français de sous-capitalisation, qui reposait sur un ratio fixe entre les sommes prêtées par les associés et le capital social, auquel échappaient les filiales françaises de sociétés mères bénéficiant d'un régime de groupe. Le juge national s'est tout simplement référé au précédent de la CJCE Lankhorst-Hohorst GmbH164(*), en procédant par extension et en gardant à l'esprit qu'il « concernait l'ancien régime allemand comportant requalification des intérêts en dividendes, alors que le régime français ne comportait que le refus de déductions des intérêts. »165(*).

    L'affaire Chauderlot du 2 juin 2006166(*), constitue elle aussi une illustration de l'adhésion du juge national aux principes proclamés par la Cour en matière de fiscalité directe : la législation en cause a été censurée pour violation de la liberté d'établissement : il s'agissait en l'espèce du régime législatif du plan d'épargne en actions (PEA) dont le talon d'Achille était la clôture automatique du PEA en cas d'expatriation, et par conséquent la taxation des plus-values latentes, alors que les contributions sociales sur le revenu ne sont normalement dues qu'à la clôture du compte.

    Enfin, les articles 167, 1 bis et 167 bis du Code Général des Impôts qui instituaient une forme de taxe à la sortie, dite aussi « exit tax » ont eux aussi été censurés par le juge de l'impôt français pour incompatibilité avec les libertés du Traité. Ils étaient issus de l'article 24 de la loi de finances pour 1999167(*) et permettaient d'imposer immédiatement les personnes transférant leur domicile fiscal hors de France, au titre des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux qu'ils détenaient à la date de ce transfert ( CGI, art. 167 bis) et de leurs plus-values en report d'imposition ( CGI, art. 167, 1 bis).Ce mécanisme de taxation fut à l'origine d'un débat soutenu qui semble être clos depuis l'abrogation de ces articles par la loi de finances pour 2005. En effet, le Conseil d'Etat a rendu une décision qui a partiellement annulé le décret n° 99-590 du 6 juillet 1999, portant application de la l'article 24 de loi de finances pour 1999 relatif aux modalités d'imposition de certaines plus-values de valeurs mobilières en cas de transfert de domicile fiscal hors de France168(*). Les dispositions de l'article 167 bis avaient été jugées comme « inapplicables à ceux des contribuables qu'elles visent qui, exerçant la liberté d'établissement, transfèrent dans un autre État membre de la Communauté européenne leur domicile fiscal »169(*).

    Cette décision de la Haute Assemblée intervient quelques mois après l'arrêt rendu par la CJCE selon le quel « Le principe de la liberté d'établissement posé par l'article 52 du Traité CE (devenu, après modification, article 43 TCE) doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre institue, à des fins de prévention d'un risque d'évasion fiscale, un mécanisme d'imposition des plus-values non encore réalisées, tel que celui prévu à l'article 167 bis du Code général des impôts français, en cas de transfert du domicile fiscal d'un contribuable hors de cet État »170(*).

    Il est intéressant de relever que le Conseil d'Etat a fait une application à minima de l'arrêt rendu par la CJCE alors qu'il l'avait lui-même réclamé.171(*) C'est ainsi qu'il a évité de s'exprimer sur la situation des contribuables transférant leur domicile dans un Etat non-membre de la Communauté européenne, mais aussi sur celle des contribuables qui restent dans l'Union en recourant à l'exercice d'une liberté autre que la liberté d'établissement. Cette nuance qui apparaît clairement dans le texte de la décision du juge national est loin d'être neutre. Certes le souci de se conformer à la jurisprudence de la CJCE doit demeurer central dans l'esprit du Conseil d'Etat. Toutefois, les conséquences sur le régime national étant notables, il est tout à fait compréhensible que la juridiction nationale ne se limite qu'à ce qui est nécessaire, ce qui n'est pas sans mettre en exergue la pression que subi cette dernière, déchirée entre le souci de se conformer à la hiérarchie normative, et celui de ne pas bouleverser le paysage fiscal national.

    C'est ainsi donc ainsi que procède le juge français dans son action de juge fiscal de droit commun : tantôt sanctionnant les règles nationales contraires, tantôt substituant les normes communautaires d'effet direct au droit national défaillant, et se bornant toujours à interpréter les règles nationales conformément à ce droit. L'impact de la jurisprudence de la Cour n'en est de ce fait que plus révélé. Toutefois, et lorsque cela lui est possible, il demeure tenté par une limitation de l'impact des décisions communautaires sur l'ordre législatif interne, lorsqu'elle ne dénature pas le droit communautaire. En effet, et malgré la volonté affirmée du juge national de se conformer à la jurisprudence de la Cour, celui-ci peut parfois rencontrer des difficultés à l'assimiler.

    B) Les difficultés rencontrées par le juge national face à la jurisprudence communautaire

    Lorsque le juge national exerce sa mission juridictionnelle, nul doute qu'il le fasse dans le respect de la hiérarchie des normes, donc du droit communautaire. A cette occasion, il peut être interpellé par les similitudes et les différences de concepts utilisés par le juge de Luxembourg. Tel est le cas en matière d'impôts directs.

    Dés lors lorsqu'il s'agit pour lui d'appliquer à la fiscalité les principes découlant des dispositions relatives aux libertés du Traité, il se trouve souvent confronté à un exercice de conciliation ou de conflit entre normes de niveau supérieur. Même s'il pratique régulièrement cet exercice dans la limite de ses compétences dans les relations entre Constitution, traités internationaux, lois nationales et actes réglementaires, le Conseil d'Etat peut éprouver quelques appréhensions devant le maniement que fait la CJCE dans le domaine des libertés de circulation, des justifications tirées de raisons impérieuses d'intérêt général et du principe de proportionnalité.

    En effet, il convient de rappeler qu'en droit français, une liberté peut être restreinte au nom d'un principe de niveau élevé. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a en effet dégagé la notion de principes à valeur constitutionnelle, déduits de certaines règles constitutionnelles, et pouvant prévaloir sur des droits fondamentaux, notamment lors de la recherche d'une conciliation par le juge.

    Plus précisément, et en ce qui concerne la matière fiscale, le Conseil constitutionnel a déduit de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789172(*), selon les termes duquel « une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », un objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale173(*).

    Le nombre de justifications admises par la Cour de Justice, longtemps limité à la cohérence fiscale, la lutte contre l'évasion fiscale, l'efficacité des contrôles fiscaux et au principe de territorialité, a dés lors de quoi surprendre les membres du Conseil d'Etat, qui n'a guère de difficulté à imaginer des principes de valeur constitutionnelle venant en conciliation avec les libertés de circulation, que l'on soit en matière fiscale ou autre.

    Le principe de souveraineté nationale découlant de l'article 3 de la Déclaration de 1789, avec pour corollaire la territorialité, mais aussi le principe de l'égale répartition de l'impôt entre les citoyens en fonction de leurs facultés contributives, proclamé à l'article 13 de ladite Déclaration, sont des principes que le Juge français fait facilement emporter sur les autres libertés. Or il s'agit là de notions de base du droit fiscal, attachées à son identité profonde, mais constituant également une condition essentielle à son développement.174(*)

    Il est dés lors aisé de penser que ces principes peuvent être également reconnus dans les règles constitutionnelles des autres Etats membres, la notion de souveraineté absolue étant un grand principe général du Droit international, déjà affirmée par la Cour Internationale de Justice.

    Ainsi, si l'on tente d'incorporer ces deux grands principes aux trois nouvelles justifications dégagées par l'arrêt Mark & Spencer175(*), on peut relier au principe de souveraineté nationale celui de la répartition équilibrée des pouvoirs d'imposition, en tant que résultat inévitable du frottement des souverainetés fiscales. Quant au principe d'égalité de répartition de l'impôt, il est peut être rattaché aux justifications de prévention des doubles déductions et de l'évasion fiscale.176(*)

    Or, il ne faut pas perdre de vue que les libertés de nature communautaire ont des objectifs divergents de celles proclamées dans le droit interne, à savoir la réalisation d'un marché intérieur exempt de toutes frontières, et non le financement des finances publiques. Par conséquent, et contrairement à la CJCE, le Conseil d'Etat admet facilement que les raisons impérieuses d'intérêt général puissent être opposées aux libertés de circulation aussi bien pour les simples entraves que pour les discriminations directes. A cet égard, de nombreuses interrogations se sont faites jours depuis peu, notamment dans les conclusions des Avocats généraux de la Juridiction de Luxembourg, rouvrant alors le débat que l'on croyait clos depuis l'arrêt Bachmann177(*).En effet, le Conseil d'Etat aborde la question de la portée générale des justifications à travers le prisme de l'habituelle problématique de conciliation entre normes de niveau élevé. Cependant, la conception de la CJCE s'éloigne indéniablement de celle du Conseil d'Etat qui priviligie une approche plus extensive des justifications d'intérêt général en matière de conflit de normes supérieures.

    D'autres divergences entre les deux juges se rencontrent également au stade du contrôle de proportionnalité. En effet, la juridiction communautaire suggère parfois des solutions moins restrictives que la mesure fiscale incriminée, qui laissent les Etats membres perplexes quant au réalisme et surtout aux obstacles juridiques faisant frein à l'adoption de telles propositions.

    De plus, le Juge national peut être plus enclin à préférer une balance entre le caractère parfois limité d'une restriction fiscale à une liberté de circulation, et les inconvénients éventuels de solutions alternatives, en apparence réalisables et moins limitatives, mais potentiellement source de coûts exorbitants pour les contribuables et la collectivité.

    De manière plus globale, la coopération judiciaire peut s'avérer elle aussi problématique, non pas à cause des dispositions du TCE, mais du problème de champ d'application que pose les directives relatives aux impôts directs.178(*) Ces directives ont pour vocation de régir des situations transfrontalières. Toutefois, et depuis un arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem179(*), la Cour dans le but de collaborer efficacement avec le Juge national, accepte d'interpréter la directive « fusion » du 23 juillet 1990 dans un cas d'opération purement interne lorsque la loi nationale a choisi d'aligner le régime des opérations internes sur celui des opérations transfrontalières régies par la directive.

    Même si le Juge du Conseil d'Etat a déjà pratiqué, dans le domaine de la fiscalité, l'interprétation du droit communautaire rendu applicable par simple renvoi du droit national180(*), il est plus réservé lorsqu'il lui est demandé non pas d'interpréter la norme nationale à la lumière de la règle communautaire, mais d'évincer la règle nationale comme contraire à la norme communautaire.

    La question de sa légitimité pour écarter une loi nationale au nom d'une directive qui, juridiquement ne s'applique pas, se fait alors plus pressante181(*).

    L'affaire Banque fédérative du Crédit Mutuel renvoyée par le Conseil d'Etat et jugée par la Cour le 3 avril 2008182(*) a été révélatrice de ce problème. Le Conseil d'Etat, qui était ici concerné par la directive « mère-filiale » du 23 juillet 1990, n'avait renvoyé que la question des crédits d'impôts transfrontaliers, alors que le contribuable était essentiellement intéressé par le crédit d'impôt interne, à savoir l'avoir fiscal. La lecture extensive de la jurisprudence Leur-Bloem ayant cours chez les contribuables, la distinction a du être expliquée à l'intéressé à la fois au fond mais aussi lors de la question préjudicielle, illustrant ainsi un cas ou la volonté de collaboration a été source de difficulté.

    Parallèlement à l'action du juge interne, le législateur et l'administration fiscale jouent eux aussi un rôle dans la réception des arrêts de la CJCE.

    §2 : La réaction de l'administration et du législateur face à la Jurisprudence de la Cour

    A) La réaction de l'administration

    En acceptant d'intégrer les communautés européennes, les Etats membres se sont dés le départ liés par les règles inhérentes au droit communautaire. Cela inclut bien évidemment l'acceptation d'un ordre communautaire intégré aux droits nationaux.

    La CJCE, gardienne du TCE, a d'ailleurs dés le départ posé les règles du jeu : un Etat membre ne peut en effet exciper, pour se soustraire à ses obligations d'application ou de transposition de droit communautaire dans les délais prescrits par les actes communautaires, ni de ses règles législatives et réglementaires, ni même de son droit constitutionnel183(*).

    Les Etats membres doivent donc transposer dans leur droit interne l'ensemble des textes du droit fiscal communautaire. Il en est de même s'agissant de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. C'est ainsi que les arrêts rendus par cette dernière trouvent un écho jusque dans la doctrine administrative des Etats membres.

    Nous pouvons prendre à titre exemple le Conseil d'Etat, qui a jugé, en matière de lutte contre la fraude carrousel de TVA que l'Administration peut remettre en cause le bénéfice de l'exonération d'une livraison intracommunautaire lorsque le fournisseur savait, ou ne pouvait ignorer, que le destinataire n'avait pas d'activité réelle.184(*) Certes cet exemple concerne la fiscalité indirecte. Néanmoins la logique dont il procède peut être étendue à la matière fiscale directe.

    La CJCE avait en effet précisé que le droit à déduction pouvait être remis en cause s'il est établi que l'acquéreur savait ou aurait dû savoir, qu'il participait à une fraude à la TVA185(*).

    Or dorénavant, le nouvel article 262 ter-I-1° du CGI, issu de la loi de finances rectificative pour 2006186(*) dispose pour le cas de livraison intracommunautaire « l'exonération ne s'applique pas lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait, ou ne pouvait ignorer, que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle».

    La doctrine administrative ne se contentera d'ailleurs pas de commenter le nouveau dispositif, allant même jusqu'à citer expressément les arrêts du Conseil d'Etat et de la Cour de Luxembourg dans une instruction du 30 novembre 2007187(*), spécifiant d'ailleurs qu'elle entend appliquer les règles répressives à toutes les fraudes TVA et non seulement aux fraudes carrousel, et intégrant de ce fait la jurisprudence communautaire à la doctrine administrative.188(*)

    B) La réaction du législateur

    Lorsqu'un arrêt de la CJCE intervient et prononce l'incompatibilité d'une législation nationale avec l'une des grandes libertés communautaires, le législateur national doit savoir « tirer les conséquences d'une décision de justice ».189(*) C'est dans ces termes que s'exprimait le sénateur Marini, qui lors de la séance du 29 novembre 2004 a présenté son amendement visant à l'abrogation de l'article 167 bis du CGI à la suite l'arrêt de Lasteyrie du Saillant, selon lequel la CJCE avait jugé le mécanisme d'imposition des plus-values non encore réalisée prévu par l'article litigieux comme contraire au principe de la liberté d'établissement prévu à l'article 43 TCE.190(*)

    Pour certains commentateurs, la réaction du Parlement était excessive191(*). La décision rendue par le CE le 10 novembre 2004, dans l'affaire de Lasteyrie du Saillant, à la suite de l'arrêt de la CJCE intervenu quelques mois plus tôt, suggérait de par son application a minima une solution beaucoup moins radicale que l'abrogation pure et simple de l'article.

    En effet, le législateur disposait de différentes possibilités pour régler le sort de l'article 167 bis :

    - « Exclure de son champ d'application les États de la Communauté européenne, lorsque la liberté d'établissement est en cause ;

     

    - exclure de son champ d'application les États de la Communauté européenne, sans restriction quant aux motifs du départ de France ;

     

    - exclure de son champ d'application les États de la Communauté européenne ainsi que ceux qui sont liés à celle-ci par un accord de libre circulation (Suisse, Islande, Norvège et Liechtenstein) ;

    - exclure de son champ d'application, outre les précédents, les États liés à la France par une convention fiscale bilatérale ;

    - abroger l'article. »192(*)

    En retenant la dernière alternative, la volonté du législateur français, de se conformer de manière totale au droit communautaire a été clairement exprimée vis-à-vis de la Cour. Qui plus est, l'amendement a été adopté sans autre débat, l'avis du gouvernement y étant favorable. Cette réaction positive, qui n'est autre que l'expression d'un choix politique, aussi bien du gouvernement que du parlement ne fait que mettre en exergue la soumission d'un Etat membre aux règles dictées par l'organe juridictionnel de la Communauté.

    Cependant, cette affirmation se doit d'être tempérée. En effet, dans son rapport devant la Commission des finances, le sénateur Marini s'insurgeait contre le dispositif même de l'article 167 bis qu'il qualifiait de « herse fiscale », exposant qu'il n'a en aucune manière gêné « les délocalisations de contribuables pour des raisons fiscales », qu'il a procuré des recettes extrêmement faibles au budget de l'État et qu'il était possible de s'en passer « en retenant l'hypothèse (...) d'un réaménagement substantiel de la fiscalité du patrimoine et en envisageant ainsi une politique fiscale n'incitant plus à la délocalisation des contribuables ».193(*)

    Se pose alors la question de savoir si l'abrogation de cette article avait pour unique motivation la mise en conformité du droit fiscal interne avec les exigences découlant des grandes libertés communautaires, et en l'espèce de la liberté d'établissement, ou alors si l'arrêt de la CJCE n'avait été que l'occasion d'une mise à plat d'un dispositif inefficient que le Parlement n'a eu guère de peine à supprimer. En effet, créé en 1999 par M. Strauss-Kahn, ministre des finances et du Budget, il essuyait déjà de nombreuses critiques, beaucoup ne voyant en lui qu'un moyen de gêner voir empêcher la délocalisation des résidents.

    Mais en tout état de cause, l'impact de la jurisprudence communautaire à travers l'exemple de l'affaire de Lasteyrie du Saillant ne fait aucun doute.

    Que cela se fasse un travers un contrôle direct ou indirect, la jurisprudence de la CJCE a su se frayer un chemin jusqu'au coeur de la fiscalité interne. A cet, effet, deux procédures communautaires sont privilégiées dans cette recherche de mise en compatibilité avec le droit de l'Union. Il s'agit en l'occurrence du renvoi préjudiciel et du recours en manquement.

    Section 2 : Les procédures permettant l'exercice d'un contrôle juridictionnel communautaire en matière de fiscalité

    La nature et l'ambition du Droit communautaire imposait que soit mis en place une juridiction communautaire afin que puisse être garantie l'unité d'interprétation et d'application de ce droit, ainsi que son respect par tous les justiciables.

    Dans cette perspective, l'action du juge de Luxembourg se manifeste de deux manières : la première que l'on peut qualifier de « méthode douce », s'inscrit dans une relation de coopération mutuelle à travers le recours au renvoi préjudiciel, qui peut aussi bien concerner l'appréciation de validité que l'interprétation. Nous nous attacherons ici à étudier la seconde catégorie de renvoi, qui en matière fiscale, connaît un essor des plus notables. Il s'agira ici pour la Cour d'éclairer son confrère national sur le sens exact de l'une des dispositions du Traité, en vue de garantir une application uniforme du droit communautaire. C'est ainsi que la portée des quatre libertés peut être précisée en matière de fiscalité.

    Néanmoins, lorsque la « méthode douce » n'a pas suffit à garantir le respect des dispositions du TCE, c'est vers une méthode « plus musclée » que se tourne le juge de Luxembourg. Les Etats membres ont en effet pour obligation d'appliquer le droit communautaire et de le transposer sans le respect des délais prescrits par l'acte communautaire, de même qu'ils doivent faire montre de la même diligence eu égard à la jurisprudence de la CJCE.

    Toutefois, il peut arriver que certains Etats rechignent à remplir leurs obligations, pour des raisons pour le moins compréhensibles : impact budgétaire des arrêts rendus, modification des dispositifs fiscaux en vigueur, difficultés à apprécier la portée de certaines décisions. Nonobstant, et si la mauvaise volonté des Etats à s'exécuter peut se comprendre, elle n'en est pas pour autant excusable.

    A cet égard, la CJCE dispose d'une procédure qui lui permet de se montrer très persuasive à l'égard des Etats. Il s'agit notamment du recours de manquement, dont le succès n'a pas décru durant ces dernières années, et qui implique une coopération cette fois-ci entre le Commission et le juge de la Communauté.

    §1 : L'exercice d'un contrôle indirect à travers la procédure de demande de décision préjudicielle.

    A) Le renvoi préjudiciel, technique de collaboration inter-juridictionnelle et outil d'uniformisation en matière de fiscalité.

    La juridiction nationale et la juridiction communautaire se trouvent dans une situation de coopération mutuelle par le bisais du mécanisme de la question préjudicielle. Cette relation qui lie les deux juges est inscrite à l'article 234 du TCE194(*).

    Le juge national joue le rôle de juge de droit commun du droit communautaire et participe de ce fait lui aussi au système juridictionnel de la Communauté. Véritable acteur et non pas simple observateur extérieur, il intègre la jurisprudence de la CJCE dans son oeuvre normative quotidienne.

    L'article 177 du TCE195(*) dispose que la Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation du Traité ainsi que sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté.

    Il prévoit en outre que « Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question.

    Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice.196(*)»

    Lors cette procédure, la juge national se doit d'exposer les raisons qui motivent sa demande, et démontrer la nécessité d'une réponse de la CJCE à pour la résolution du litige au fond. C'est ainsi qu'en s'efforçant de donner au droit fiscal interne une intérprétation conforme aux dispositions du TCE, rempli sa fonction de juge de droit commun du droit communautaire, en tirant des enseignements de la jurisprudence foisonnante de la Cour, et lorsqu'il en proie en doute, en procédant à un renvoi préjudiciel en interprétation. Cette procédure est source de nombreuses interrogations, l'une d'entre elles étant liée à la capacité de la CJCE à interpréter les dispositions au-delà des limites du renvoi préjudiciel.197(*)

    Si les juridictions françaises tâtonnaient sur cette question, la Cour constitutionnelle allemande a depuis longtemps reconnu à la CJCE un « monopole juridictionnel » en matière d'interprétation, de même que la Cour constitutionnelle italienne, qui voit en la Cour un « interprète qualifié » qui apprécie les traités et les actes dérivés « avec une autorité » et « en définitive ».198(*)

    Le Conseil d'Etat a compte à lui fait montre de beaucoup moins d'enthousiasme, en considérant que la décision de La Cour de justice ne s'imposait pas dés lors qu'elle excédait les limites de la question posée par le juge du fond199(*).

    La technique du renvoi préjudiciel en interprétation est donc source d'inquiétudes pour le juge français. Celui-ci y a certes recours dans le but de faire une application du droit conforme aux dispositions du TCE, sous l'éclairage du juge de Luxembourg. Toutefois, lorsque la mise en lumière dépasse les limites de la question posait, c'est la logique de la procédure qui semble évoluer, d'un simple aiguillage en matière d'interprétation, vers une uniformisation de la jurisprudence, sous l'autorité de la CJCE, et ce notamment en matière fiscale.

    La juridiction communautaire a d'ores et déjà élargie ses compétences, en procédant à la reformulation de la question posée par le juge du fond200(*), ou encore en interprétant des normes communautaires auxquelles le juge n'avait pas fait référence dans son renvoi préjudiciel201(*). Elle interprète non seulement le TCE, mais va parfois jusqu'à qualifier les faits voir, à examiner la validité d'un acte interne202(*).

    Ce n'est que depuis l'arrêt De Groot203(*) du 11 décembre2006 que le Conseil d'Etat, admet finalement que la CJCE peut interpréter les normes communautaires au-delà des limites du renvoi préjudiciel, mais il reconnaît néanmoins une compétence exclusive au juge national pour qualifier les faits.

    B) L'incidence d'une telle procédure sur les dispositifs fiscaux nationaux et l'utilisation parfois discutable de celle-ci par le juge national.

    La solution proposée par la Cour peut avoir une incidence sur les régimes fiscaux nationaux. C'est ainsi qu'elle peut remettre en question les dispositifs inventés par les Etats pour lutter contre la fraude, ou l'évasion fiscale.

    Tel est par exemple le cas de la taxe de 3%, créée en 1983 pour lutter contre l'évasion fiscale en matière d'imposition sur la fortune, applicables aux immeubles détenus en France par des personnes morales. Elle était codifiée aux articles 990 D et 990 E du CGI et visait les entités françaises ou étrangères, qui achetaient des propriétés immobilières en France, directement ou par divers participations.

    Il était à l'époque question de lutter contre les schémas qui prévoyaient l'acquisition d'immeubles en France, en passant par le truchement de personnes morales établies dans des paradis fiscaux. Toutefois, la pratique tendait à démontrer que les exonérations prévues à l'article 990 E ne profitaient aux sociétés françaises. Jugé discriminatoire par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 décembre 1990, SA Royal204(*), le législateur a été contraint de l'étendre en 1993 aux sociétés françaises, cette extension demeurant pour le moins théorique.205(*) La Cour de cassation finit toutefois par poser une question préjudicielle à la CJCE, qui dans l'arrêt ELISA du 11 octobre 2007206(*), a estimé que les dispositions litigieuses portaient atteinte de façon disproportionnée à la liberté de circulation des capitaux, et a exclu les justifications de présomption de fraude ou d'évasion fiscale, condamnant de ce fait le dispositif en cause.

    D'autre part, certains commentateurs se sont posé la question de l'utilisation abusive du renvoi préjudiciel, notamment s'agissant de celui fait par le Conseil d'Etat à propos de l'article 167 bis du CGI, dans l'affaire M. de Lasteyrie du Saillant207(*). Le dispositif prévu par cet article avait pour conséquence l'imposition des plus-values latentes dés lors qu'il y'avait eu un transfert de domicile. La Haute Assemblée avait posé une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 52 du TCE (devenu article 43 TCE) relatif à la liberté d'établissement.

    Mais déjà le commissaire du Gouvernement se déclarait « à peu prés convaincu que les dispositions de l'article 167 bis sont incompatibles avec la liberté d'établissement telle qu'elle est définie dans la jurisprudence actuelle de la Cour de justice »208(*). La Cour de Luxembourg n'a pas manqué de lui donner raison par l'arrêt du 11 mars 2004209(*), et le Conseil d'Etat a su en tirer les conséquences en annulant le dispositif incriminé.210(*)

    Or le principe de la question préjudicielle est d'éclairer le juge national lorsque la jurisprudence de la Cour n'est pas suffisamment claire pour le faire. Quel serait donc l'intérêt de recourir à un renvoi préjudiciel en interprétation alors même que la contrariété du dispositif au droit communautaire semble établie ?

    Certains pensent que le Conseil d'Etat rechigne à s'approprier la jurisprudence de la CJCE, et à en apprécier la portée.211(*) Or il se doit de remplir son rôle de juge de droit communautaire en matière de droit fiscal communautaire.

    Les hésitations rencontrées par les juridictions des pays récemment membres sont à l'inverse tout à fait compréhensibles. Par exemple, deux juridictions hongroises ont demandé à la Cour de les éclairer sur la comptabilité d'un impôt local sur les entreprises (HIPA) avec la directive TVA, et avec l'interdiction faite aux Etats membres d'introduire ou de maintenir des systèmes fiscaux qui ont un caractère de taxe sur le chiffre d'affaires212(*).

    Après examen de l'impôt hongrois au regard des caractéristiques traditionnelles en matière de TVA et conformément à sa jurisprudence Banca Popolare di Cremona213(*), la Cour de Luxembourg avait affirmé que l'impôt litigieux n'était pas proportionnel au prix des biens ou des services fournis, et qu'il n'était pas conçu pour être répercuté sur le consommateur de la même manière que pour la TVA. Toutefois, la CJCE a jugé le dispositif tout de même compatible avec les textes communautaires.214(*)

    La question étant tout à fait nouvelle pour la Hongrie, l'opportunité d'un renvoi préjudiciel était toute trouvée. Cependant, la pertinence d'un tel renvoi par les membres du Conseil d'Etat dans une affaire où l'application de la jurisprudence antérieure de la Cour semble aisée est plus sujette à discussion.

    §2 : L'exercice du contrôle direct en matière de fiscalité à travers le recours en manquement.

    A) Les dispositions applicables en la matière

    Le Traité sur la Communauté européenne a établi un recours destiné à s'assurer que les Etats membres respectent les obligations mises à leur charge par le droit communautaire. Il s'agit en l'occurrence du recours en manquement, prévu à l'article 226 TCE215(*) qui dispose : « Si la Commission estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations.

    Si l'État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. »

    L'article 227 CE216(*) prévoit quant à lui que « Chacun des États membres peut saisir la Cour de justice s'il estime qu'un autre État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité.

    Avant qu'un État membre n'introduise, contre un autre État membre, un recours fondé sur une prétendue violation des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, il doit en saisir la Commission. 

    La Commission émet un avis motivé après que les États intéressés ont été mis en mesure de présenter contradictoirement leurs observations écrites et orales. »

    Si la Commission n'a pas émis l'avis dans un délai de trois mois à compter de la demande, l'absence d'avis ne fait pas obstacle à la saisine de la Cour de justice.

    Ainsi il apparaît à travers ces dispositions que le manquement consiste en une véritable infraction commise par l'Etat membre, que la Commission, dotée de pouvoirs très étendues en la matière a pour fonction de faire cesser, la Cour de Justice n'intervenant qu'au dernier stade en vue de la condamnation de l'Etat membre. Celle-ci a d'ailleurs défini l'objet du manquement de manière très large, puisqu'elle considère que l'ensemble du corpus communautaire est susceptible d'une telle violation, ce qui inclut non seulement les libertés communautaires proclamées par le Traité, que sont la libre prestation de service, la liberté d'établissement, la libre circulation des travailleurs ainsi que la libre circulation des capitaux, mais aussi la jurisprudence elle-même de la Cour de Justice.

    Le juge communautaire, saisi d'un tel recours, procède soit au rejet de celui-ci, soit constate le manquement de l'Etat dans un arrêt, qui n'est pas sans conséquences. En effet, L'article 228 CE217(*) prévoit que « 1.   Si la Cour de justice reconnaît qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, cet État est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice.

    2.   Si la Commission estime que l'État membre concerné n'a pas pris ces mesures, elle émet, après avoir donné à cet État la possibilité de présenter ses observations, un avis motivé précisant les points sur lesquels l'État membre concerné ne s'est pas conformé à l'arrêt de la Cour de justice.

    Si l'État membre concerné n'a pas pris les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour dans le délai fixé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'État membre concerné qu'elle estime adapté aux circonstances.

    Si la Cour de justice reconnaît que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

    Cette procédure est sans préjudice de l'article 227. »

    Ainsi, l'Etat en manquement est tenu de faire disparaître la législation ou la réglementation en cause par les moyens qu'il jugera approprié. Cette obligation incombe aussi bien au législateur national qu'aux autorités administratives et juridictionnelles qui devront tirer les conséquences de la constatation d'un tel manquement. Eventuellement, et s'il ne se conforme pas à l'arrêt, l'Etat membre est susceptible de voir sa responsabilité engagée, et de se voir infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

    Cette procédure est largement utilisée par le juge communautaire, et ce notamment en matière fiscale.

    B) L'application du recours en manquement en matière de fiscalité.

    Plusieurs arrêts en manquement ont été rendus par la Cour au courant de ces dernières années en matière de fiscalité. Ces recours ont été introduits par la Commission européenne sur le fondement de l'article 226 TCE, et nous pouvons en citer quelques uns à titre d'exemples.

    La Cour a ainsi jugé que la Suède avait enfreint les dispositions du TCE sur la libre circulation des citoyens dans l'Union européenne (article 18 TCE), sur la libre circulation des salariés (article 39 TCE) et sur la liberté d'établissement (article 43 TCE)218(*). Il était reproché à la Suède d'avoir adopté une réglementation subordonnant le bénéfice du report d'imposition de la plus-value issue de la cession d'un immeuble résidentiel privé ou d'un droit d'habitation portant sur un immeuble coopératif privé à la condition que la résidence nouvellement acquise se trouve également sur le territoire suédois.

    Le Danemark a lui aussi été condamné dans une affaire en manquement pour violation des articles 39 TCE et 43 TCE ainsi que de l'article 49 TCE, pour avoir adopté un régime d'assurances-vie et de retraite prévoyant que le droit de déduire les cotisations n'était accordé que pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des institutions de retraite établies au Danemark. En revanche, aucun allègement fiscal de cette nature n'était accordé pour les cotisations versées en vertu des contrats conclus avec des institutions de retraite établies dans d'autres Etats membres219(*).

    Le juge communautaire a également été amené à apprécier la validité de mesures fiscales nationales dans le cadre du recours en manquement dans l'arrêt Commission c/ Belgique du 5 juillet 2007220(*). Il a en effet jugé que la Belgique avait enfreint les dispositions du TCE sur la libre circulation des salariés (article 39 TCE), sur la liberté d'établissement (article 43 TCE), sur la libre prestation de services (article 49 TCE), sur la libre circulation des citoyens dans l'Union européenne (article 18 TCE), ainsi que sur les dispositions de l'accord EEE correspondantes, en maintenant une réglementation fiscale constituant une discrimination à l'égard des organismes d'assurances établis dans un autre Etat membre et une entrave aux libertés de circulation pour les éventuels résidant cotisant en Belgique.

    Il relève de noter que sur les trois exemples de recours en manquement cités, le juge de la Communauté a constaté le manquement de l'Etat membre en cause aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions du Traité. Cette procédure apparaît à l'inverse de celle du renvoi préjudiciel, comme un instrument de coopération interinstitutionnel communautaire, entre la Commission des Communautés européennes introduisant la requête, et le juge constatant le manquement. Ce n'est dés lors plus dans un rapport de coopération qui lie la juridiction communautaire à l'Etat membre, mais plutôt une relation de domination, d'hégémonie du juge de Luxembourg.

    Ainsi, l'impact du contrôle exercé par le juge de la Communauté à travers les procédures de renvoi préjudiciel et de recours en manquement sur la fiscalité des Etats membres peut être décelé aussi bien au niveau juridictionnel que législatif. Les régimes nationaux se trouvent totalement soumis à la modulation communautaire, et cela s'explique par la spécificité de la logique communautaire. La souveraineté fiscale des Etats est donc grandement mise en danger par l'oeuvre prétorienne, et cela aussi bien sur le plan interne que sur le plan international.

    Chapitre 2 : L'affectation des relations internationales par la logique téléologique de la CJCE

    Les intérêts des différents Etats et leur besoin de se doter de ressources suffisantes les poussent à établir des conventions bilatérales internationales. Ces instruments de mise en cohérence des fiscalités bénéficient d'une place particulière dans l'ordre juridique interne des Etats. Ainsi, l'article 55 de la Constitution française dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiées ou approuvés ont, dés leur publication, une autorité supérieure à celle des lois »221(*).

    Toutefois, la Constitution réserve un accueil particulier au TCE. En effet l'article 88-1 mentionne la participation de la République française à l'Union européenne depuis la loi constitutionnelle du 25 juin 1992. De ces dispositions découle une obligation institutionnelle de transposition des directives, mais aussi de respect des règles posées par le TCE, en particulier des libertés de circulation. Cette intégration du Traité le fait bénéficier d'un rang juridique très élevé. Il a en effet été jugé par le Conseil d'Etat comme étant seulement inférieur à la constitution française, et ce notamment dans l'arrêt Sarran Levacher222(*) et a du 30 octobre 1998. Il a en outre accueilli l'idée selon laquelle l'ordre juridique communautaire est «intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international. »223(*).

    Quant à la Cour de Cassation, celle-ci avait déjà rendu un arrêt de principe en 1975 dans lequel elle considérait que le Traité instituant la Communauté économique européenne avait une autorité supérieure à celle de la loi interne, et instituait un ordre juridique propre et intégré à celui des Etats membres224(*).C'est du fait de cette spécificité que les normes communautaires sont directement applicables aux ressortissants des Etats membres, et s'imposent à leurs juridictions.

    Dés lors, se pose la question de l'articulation entre normes internationales et normes communautaires en matière de fiscalité. La jurisprudence de la CJCE est foisonnante en ce domaine et propose un certain nombre de réponses à cette interrogation.

    De plus, on y décèle une logique tout à fait particulière, que l'on peut qualifier de « finaliste » et qui distingue très clairement le juge de Luxembourg de ses homologues nationaux. Les conséquences qui en découlent sur la souveraineté fiscale des Etats membres n'est dés lors pas à négliger.

    Section1 : Les relations internationales des Etats membres incontestablement affectées par la jurisprudence de la CJCE.

    Le droit communautaire permet aux Etats membres d'adopter des conventions fiscales internationales en vue d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur mais aussi d'aménager leurs relations avec les Etats tiers.

    C'est ainsi que l'article 293 CE225(*) dispose : « Les États membres engageront entre eux, en tant que de besoin, des négociations en vue d'assurer, en faveur de leurs ressortissants:

    -la protection des personnes, ainsi que la jouissance et la protection des droits dans les conditions accordées par chaque État à ses propres ressortissants,

    -l'élimination de la double imposition à l'intérieur de la Communauté,

    -la reconnaissance mutuelle des sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert du siège de pays en pays et la possibilité de fusion de sociétés relevant de législations nationales différentes,

    -la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires ainsi que des sentences arbitrales. »

    Il prévoit ainsi un mécanisme général selon lequel, lorsque les autorités communautaires n'ont pas légiféré dans certains qui se trouvent domaines énumérés à l'article 293 TCE, les Etats membres sont compétents à titre subsidiaire pour régler ces questions par voie conventionnelle et ce dés que le fonctionnement du Marché commun est en cause.226(*)

    En matière fiscale, cela signifie que les Etats membres peuvent avoir recours aux conventions pour éliminer les doubles impositions dans la Communauté. Toutefois, de tels accords étant négociés entre les Etats membres, il convient de se poser la question de savoir quelle est la place respective de ces conventions et du droit communautaire dans la hiérarchie des normes telle que perçue par la jurisprudence de la CJCE.

    D'autre part, et toujours dans la même optique, l'on ne peut ne pas s'interroger sur l'autre volet des relations interétatiques, et qui concerne en l'occurrence les Etats membres et les Etats tiers.

    Il convient d'éclairer cette problématique en ayant recours à une étude synthétique de la jurisprudence de la Cour de Justice.

    §1: L'intervention de la Cour dans les rapports conventionnels entre Etats membres.

    A) Une primauté incontestée du Droit communautaire sur les conventions antérieures au Traité CE.

    Lorsque la matière n'est pas régie par un texte fiscal communautaire, il y a lieu, du moins a priori, de laisser une marge de manoeuvre suffisante aux Etats dans la conclusion de conventions bilatérales. En effet, Il parait évident qu'il n'appartient pas au juge de se substituer à deux volontés étatiques qui ont passé un accord de partage de l'imposition ayant pour but d'éviter au mieux les doubles impositions, conformément aux normes internationales telles que définies par l'OCDE.

    La convention fiscale, rappelons-le, n'est autre qu'un traité signé entre deux États juridiquement égaux, un texte de compromis destiné à organiser de la manière la meilleure les intérêts des deux parties ainsi qu'à régler les questions transfrontalières. Sont dés lors concernés par ces textes les deux États mais aussi leurs résidents (entreprises, particuliers...).Les négociations se caractérisent souvent par leur longueur, et le résultat est un accord conclu pour servir au mieux les intérêts réciproques, et parfois contradictoires, des deux parties.

    Ces dispositifs internationaux sont fondés sur la réciprocité et sur leur respect mutuel de la souveraineté fiscale des Etats, aménagée selon la volonté et les intérêts de chacun. Ils relèvent de la liberté de négociation des Etats, du moins pour les domaines non traités par le TCE.

    Dés lors, lorsque la CJCE intervient dans les litiges où une convention est en jeu, pour décider que tel ou tel de ses dispositifs est contraire au Traité, c'est toute la faculté de l'Etat membre à s'engager sur le plan international par le biais des conventions fiscales qui est remise en jeu. En effet, c'est comme si la Cour se substituait à lui pour lui indiquer la manière adéquate de défendre ses résidents, et une condamnation de l'Etat dans un litige de cette nature revient finalement à un constat de l'incapacité de ce dernier à correctement servir leurs intérêts.

    Pour certains commentateurs, « la complexité d'une convention fiscale et son caractère de compromis entre deux puissances rendent difficilement pertinentes des décisions de justice sur un élément isolé du contexte et du reste d'un texte fondé sur la réciprocité et le compromis. »227(*). Or, il semblerait que la CJCE ignore ces réflexions, au regard de la jurisprudence abondante qu'elle a rendu à ce sujet.

    En effet, elle avait déjà posé comme principe dans son arrêt Commission c/ Italie du 27 févier 1962228(*) que le traité CEE prime, dans les matières qu'il règle, les conventions conclues avant son entrée entre les Etats membres. Ce principe a d'ailleurs été confirmé dans l'arrêt Matteucci du 27 septembre 1988229(*).

    La Cour de justice a entre autre affirmé le caractère inconditionnel des droits découlant pour les bénéficiaires de l'article 43 du TCE en précisant qu'un Etat membre ne saurait faire dépendre leur respect du contenu d'une convention conclue avec un autre Etat membre.230(*) En effet, si une convention signée entre les Etats membres avant l'entrée en vigueur du Traité entre en conflit avec ce dernier, la CJCE estime que les Etats membres doivent respecter leurs engagements communautaires, et les faire prévaloir sur la convention contraire au nom de la primauté du droit communautaire.

    L'arrêt Gilly 231(*) coule d'ailleurs lui aussi dans ce sens : il portait sur la compatibilité entre les stipulations de la convention franco-allemande et les dispositions de l'article 48 du TCE, relatif à la libre circulation des travailleurs. A cet égard, la Cour avait refusé tout effet direct à l'article 220, devenu 293 TCE qui dispose que les États membres engageront entre eux des négociations en vue d'assurer l'élimination de la double imposition à l'intérieur de la Communauté.

    Considérant qu'il ne se borne qu'à tracer le cadre des négociations que les Etats membres engagerons entre eux « en tant que de besoin », la CJCE avait aussi considéré que même si l'élimination de la double imposition à l'intérieur de la Communauté figure parmi les objectifs du traité, il résulte du texte de la disposition que celle-ci ne saurait conférer à des particuliers des droits susceptibles d'êtres invoqués devant les juridictions nationales. La CJCE avait en outre relevé que les dispositions communautaires ne s'opposaient pas aux articles de la convention fiscale bilatérale invoqués par l'Etat en cause. Elle a donc jugé a contrario, qu'elle aurait fait prévaloir les règles du traité en cas d'incompatibilité.

    B) La prééminence du droit communautaire sur les Conventions postérieures au TCE

    S'agissant des conventions conclues postérieurement, l'article 10 du Traité CE  dispose que

    « Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa mission.

    Ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité. »232(*)

    Cette disposition a notamment pour objet de dissuader les Etats membres de conclure entre eux des conventions comportant des dispositions contraires au droit communautaire. Si une telle confrontation inter-normative venait à se faire jour, la primauté du droit communautaire l'emporterait, une priorité qui a été expressément énoncée dans les Convention du Luxembourg du 15 décembre 1975 et de Rome du 19 juin 1980, négociées sur la base de l'article 293 TCE.

    De ce fait, même si les Etats membres peuvent avoir recours en matière de fiscalité directe et en l'absence d'harmonisation des règles nationales, à des conventions fiscales pour régir leurs relations, ils doivent respecter le droit communautaire en évitant toute forme de discrimination233(*).

    A cet effet, il s'avère que la Cour prenne aussi en compte les conventions fiscales bilatérales pour l'application des libertés de circulation prévues par le Traité. Elle a ainsi jugé qu'une convention bilatérale entre Etats membres peut être contestée comme facteur de restriction à une liberté communautaire234(*).

    L'arrêt Denkavit international235(*)témoigne lui aussi de l'intrusion de la CJCE dans l'appréciation des relations conventionnelles des Etats membres. Elle a en effet jugé que les stipulations d'une convention fiscale bilatérale entre Etats membres peuvent et doivent être prises en compte pour apprécier l'état réel du droit applicable, avec pour conséquence que les règles de la convention peuvent éventuellement corriger l'effet restrictif produit par la règle nationale sur la liberté de circulation. Celle-ci considère en l'espèce qu'une retenue à la source (ci-après RAS), prélevée par l'administration fiscale française, à raison des dividendes versés par une filiale française à sa mère néerlandaise est contraire aux articles 43 TCE et 48 TCE. Cette décision porte d'ailleurs sur une période antérieure à la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 (dite « mère-fille ») d'où le choix des articles du Traité comme base légale par le juge communautaire.236(*)

    La Cour de Luxembourg avait d'autre part rappelé que l'existence d'une convention de double imposition qui «  fait partie du cadre juridique applicable à l'affaire au principal » n'affecte en rien cette discrimination puisque la société mère ne peut effectuer l'imputation de la RAS dans l'Etat de la résidence, comme le prévoit la convention d'élimination des doubles impositions.

    Or, en statuant ainsi, la Cour juge le dispositif de la convention comme contraire au TCE et aux principes fondamentaux de liberté. Ceci revient en somme à ignorer le caractère bilatéral et négocié des conventions fiscales, et par conséquent la souveraineté même des Etats.

    D'autre part, le juge de la Communauté a également apporté des précisions sur la relation entre le droit communautaire et la clause de la nation la plus favorisée. Ainsi, a été jugé dans une affaire de 2005237(*) qu'un résident allemand, propriétaire d'un immeuble aux Pays-Bas, ne peut revendiquer, pour son imposition à l'impôt sur la fortune aux Pays-Bas, les stipulations de la convention belgo-néerlandaise contre les doubles impositions qui prévoient, contrairement à celle de la convention fiscale germano-néerlandaise, qu'un résident belge peut bénéficier aux Pays-Bas d'un abattement personnel sur sa fortune imposable.

    En effet, le fait que les droits et obligations réciproques prévus par la convention belgo-néerlandaise ne s'appliquent qu'à des personnes résidentes de l'un des deux Etats membres contractuels est une conséquence inhérente aux conventions bilatérales préventives de la double imposition. Il en découle qu'un assujetti résident de la Belgique ne se trouve pas dans la même situation qu'un assujetti résident en dehors de la Belgique en ce qui concerne l'impôt sur la fortune établi à raison des biens immobiliers situés aux Pays-Bas.

    L'extension aux résidents belges de l'abattement sur la fortune pour l'impôt néerlandais ne saurait être analysée comme un avantage détachable du reste de la convention, mais en fait partie intégrante et contribue à son équilibre général.

    C'est ainsi que la Cour étend sa toile jurisprudentielle, intervenant dans la sphère conventionnelle des Etats membres et ce toujours dans le souci de faire primer les libertés communautaires sur les autres normes qu'elles pourraient rencontrer.

    Ce phénomène s'observe aussi dans le cas des rapports entre Etats membres et Etats tiers.

    §2 : Droit communautaire et Etats tiers.

    A) Le respect des engagements conventionnels antérieurs au traité et le principe de traitement national appliqué aux conventions postérieures.

    Si une convention signée entre un Etat membre et un Etat tiers avant l'entrée en vigueur du Traité de Rome entre en conflit avec ce dernier, l'Etat membre doit se conformer aux règles posées à l'article 307 TCE. Le premier alinéa de cette disposition énonce que les Etats membres doivent respecter leurs engagements conventionnels antérieurs à l'entrée en vigueur du traité, même si, selon le juge de la Communauté, ces engagements sont en conflits avec une norme communautaire.238(*)

    En outre, la Cour, toujours soucieuse de préserver les libertés de circulation, a consacré dans sa jurisprudence le principe du traitement national, et a étendu son bénéfice aux relations conventionnelles des Etats, de sorte que les avantages prévus par les conventions internationales bilatérales soient aussi accordés aux autres ressortissants de la Communauté ayant fait usage de leur liberté, notamment la liberté d'établissement.

    Ainsi, et en ce qui concerne les conventions bilatérales de double imposition signées entre un Etat membre et un Etat tiers postérieurement au traité de Rome, « le principe du traitement national impose à l'état membre partie à la convention d'accorder aux établissements stables des sociétés non-résidentes les avantages prévus par la convention aux mêmes conditions que celles qui s'appliquent aux sociétés résidentes ». Cette extension n'affecte en rien le droit des Etats tiers résultant de la Convention et permet aux Etats membres de se conformer aux exigences du droit communautaire, en s'abstenant de pendre des mesures contraires à ses engagements résultant de l'article 10 TCE précité.

    C'est en effet ce qui été jugé dans l'arrêt Saint Gobain239(*), où il était également question de l'articulation entre conventions fiscales et les dispositions de l'article 43 relatif à la liberté d'établissement. La CJCE rappelle en effet qu'en l'absence de mesures d'unification ou d'harmonisation communautaire, Les Etats membres demeurent compétents pour déterminer les critères d'imposition des revenus et de la fortune en vue d'éliminer, le cas échéant par la voie conventionnelle, les doubles impositions. Elle en a déduit que les Etats membres étaient libres de fixer, dans le cadre des conventions bilatérales conclues afin d'éviter la double imposition, les facteurs de rattachement aux fins de la répartition de la compétence fiscale. Elle a toutefois précisé qu'en ce qui concerne l'exercice du pouvoir d'imposition ainsi réparti, les Etats membres ne pouvaient s'affranchir du respect des règles communautaires de même que la possibilité octroyée aux Etats membres d'appliquer les stipulations des protocoles annexés aux conventions n'affecte pas l'obligation de respecter le TCE.

    L'arrêt de la Cour du 5 novembre 2002, Commission c/ Royaume-Uni240(*) a d'ailleurs confirmé la jurisprudence précédente :

    « 44. En ce qui concerne la question de savoir si le Royaume-Uni a enfreint l'article 52 du traité (devenu 43 TCE), il convient de rappeler que, aux termes de cet article, la liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises et notamment de sociétés au sens de l'article 58, second alinéa, du traité CE (devenu 48, second alinéa, TCE) dans les conditions définies par la législation de l'Etat membre d'établissement pour ses propres ressortissant.

    45. Les articles 52 (devenu 43 TCE) et 58 du traité (devenu 48 TCE) assurent ainsi aux ressortissants ayant exercé leur liberté d'établissement ainsi qu'aux sociétés qui y sont assimilés le bénéfice du traitement national dans l'Etat membre d'accueil (V. arrêt Saint-Gobain ZN, préc., point 35) et cela tant en ce qui concerne l'accès à une activité professionnelle lors d'un premier établissement qu'en ce qui concerne l'exercice de cette activité par la personne établie dans l'Etat membre d'accueil.

     46. La Cour a ainsi jugé que le principe du traitement national impose à l'Etat membre partie à une convention internationale bilatérale conclue avec un pays tiers afin d'éviter la double imposition d'accorder aux établissements stables de sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre les avantages prévus par la même convention aux mêmes conditions que celles qui d'appliquent aux sociétés ayant leur siège dans l'Etat membre partie à la convention ( V. arrêt Saint-Gobain ZN préc., point 59 et 15 janv. 2002, Gottardo, C-55/00 : Rec. CJCE, p. I-413, point 32). »

    B) L'extension possible de la jurisprudence de la Cour aux Etats tiers.

    La CJCE se reconnaît compétente pour statuer sur l'interprétation des accords internationaux conclus par l'Union européenne avec des États tiers, dès lors que de tels accords sont selon elle au nombre des « actes pris par les institutions de la Communauté » au sens de l'article 234 (ex-art. 177) du TCE. Cet article définit la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel sur les questions qui lui sont soumises par les juridictions des États membres241(*).

    En outre, ces conventions internationales relèvent du reste des dispositions du dernier alinéa de cet article, selon lequel : « Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice. »242(*)

    Cette soumission à l'interprétation de la Cour témoigne de l'intrusion de la jurisprudence de celle-ci dans le champ conventionnel des Etats membres, et dans les relations qu'ils entretiennent avec les Etats tiers. Ainsi, les conventions bilatérales conclues en matière fiscale pour résoudre le problème des doubles impositions sont elles aussi soumise à l'appréciation de la CJCE.

    Autre manifestation de l'étendue de l'impact de la jurisprudence communautaire, le bénéfice de celle-ci peut aussi être demandé par un contribuable ayant transféré son domicile fiscal en Suisse. La Suisse a en effet conclu avec l'Union européenne l'accord de Luxembourg du 21 juin 1999, entré en vigueur le 1er juin 2002, dont l'article 1er prévoit un droit au séjour réciproque pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée ou indépendante, ainsi que pour les personnes n'exerçant pas d'activité professionnelle, dans des conditions similaires à celles que l'on retrouve dans l'Union européenne.

    D'autre part, cette convention renvoi expressément au droit communautaire dans l'article 16, qui dispose que « (1) Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations ».

    La référence à la jurisprudence de la CJCE fait quant à elle l'objet de stipulations particulières au (2) du même article : « Dans la mesure où l'application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des communautés européennes antérieure à la date de signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d'assurer le bon fonctionnement de l'accord, à la demande d'une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence »243(*).

    En outre, la CJCE entretient des relations tout à fait particulières avec les trois États parties à l'accord du 2 mai 1992 sur l'Espace économique européen (EEE) : l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein.

    En effet, l'accord de Porto de 1992, entré en vigueur le 1er janvier 1994, étend à ces trois États le principe de liberté de circulation des personnes, tel qu'il s'appliquait déjà dans la Communauté économique européenne, notamment la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés (art. 28) et la liberté d'établissement (art. 31).

    C'est ainsi que la Cour compétente pour l'Espace Economique Européen applique les jurisprudences de la CJCE qu'elle cite abondamment dans ces décisions, comme c'est le cas dans l'arrêt Fokus Bank 244(*) où elle fait référence au célèbre l'arrêt Manninen245(*).

    C) L'impact de la libre circulation des capitaux dans les relations avec les pays tiers

    Le régime applicable à la libre circulation des capitaux en provenance ou à destination des Etats tiers a été récemment clarifié par la Cour de justice, et ce notamment dans l'arrêt A du 18 décembre 2007246(*), où elle statua en formation plénière.

    En effet, la particularité de cette liberté, que l'on décèle aisément dans la rédaction de l'article 56 TCE tend à la confronter, lorsqu'elle se trouve à s'appliquer à des relations avec les Etats tiers, à un certain nombre de limitations et de restrictions prévues par les articles suivants du Traité, ou justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.

    La Cour s'est d'abord livrée à un travail de conciliation des dispositions applicables, en distinguant l'effet direct attaché à l'article 56 §1 du traité et les restrictions pouvant être valablement apportées à ce principe. Ainsi a-t-elle affirmé que la libéralisation des capitaux, consacrée par l'article 56 §1, entré en vigueur le 1er janvier 1994, ne se limite pas aux seules relations entre Etats membres, puisque toutes les restrictions apportées aux mouvements de capitaux dans les relations entre Etats membres ainsi que dans les relations entre Etats membres et Etats tiers sont interdites247(*).

    Concernant les justifications des restrictions découlant des législations nationales, la Cour a jugé que les raisons impérieuses d'intérêt général doivent être interprétées différemment lorsque la libre circulation implique des Etats tiers, et ce dans le récent arrêt A. Concrètement, cette interprétation se fera de manière plus restrictive que dans le cadre de l'espace communautaire, où les restrictions doivent êtres admises beaucoup plus limitativement entre Etats membres. Ainsi, le juge de la Communauté a-t-il pu décider qu'une législation en vertu de laquelle l'exonération de l'impôt sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d'actions d'une filiale ne peut être accordée que si la société mère distributrice est établie dans un pays de l'espace économique européen ou dans un Etat avec lequel l'Etat membre a conclu une convention fiscale, contenant une disposition prévoyant l'échange de renseignements, constitue une restrictions à un mouvement de capitaux. Une telle restriction est justifiée par la nécessité de garantir l'efficacité des contrôle fiscaux si l'exonération est soumise à des conditions qui ne peuvent pas être vérifiées par les autorités fiscales nationales par leurs moyens propres et qui nécessitent des informations que seules les autorités compétentes du pays d'établissement de la société distributrice sont en mesure d'obtenir.

    La capacité de la Cour à étendre l'effet de sa jurisprudence jusqu'à dans les relations qu'entretiennent les Etats membres avec les pays tiers va croissante au fil des années, et n'est pas sans poser la question de l'affectation de la souveraineté fiscale des Etats.

    Section 2 : Le recul de la souveraineté fiscale des Etats.

    Ce recul de la souveraineté fiscale passe notamment par le raisonnement qu'adopte la Cour dans ses arrêts. Celle-ci a en effet une fâcheuse tendance à retourner les justifications avancées par les Etats contre eux-mêmes, ce que l'on peut observer notamment à travers sa jurisprudence récente.

    En outre, certains commentateurs estiment que les intérêts étatiques ne sont pas pris en compte par le juge de Luxembourg, qui se borne à faire prévaloir la protection des libertés de circulation et à rejeter systématiquement le motif des pertes fiscales.

    Dés lors la logique avec laquelle procède ce dernier semble l'éloigner du rôle d'un juge fiscal ordinaire, soucieux de préserver les intérêts pécuniaires de son Etat. Le caractère a-fiscal de cette juridiction semble toutefois s'expliquer par le raisonnement finaliste qu'elle adopte, qui la guide à n'être attentif qu'aux intérêts du Marché commun.

    §1 : La cohérence fiscale inversée et l'absence de prise en considération des intérêts financiers des Etats.

    A) La cohérence fiscale inversée et mise au service des libertés

    Depuis l'arrêt Bachmann248(*), l'histoire de la cohérence du régime fiscal considérée comme motif de justification d'une discrimination fiscale semblait révolue. Néanmoins, elle a connu une récente évolution et est réapparue sur la scène prétorienne.

    Toutefois, la CJCE a su faire preuve d'ingéniosité en manipulant cette justification au gré de ses intérêts puisque la cohérence invoquée par les Etats membres est examinée à la lumière des objectifs poursuivis par les mesures fiscales nationales. Or les Etats ne l'invoquent qu'à travers le prisme de leurs recettes et des impôts dont ils ont la responsabilité. Dés lors cette justification devient aux mains du juge communautaire, une arme redoutable pour condamner les régimes discriminatoires. En effet, en ne prenant en considération que la finalité de la loi interne, le juge arrive à tourner l'argument en la faveur de la liberté à protéger en considérant qu'étendre cet objectif (par exemple éviter la double imposition) à des non-résidents ,ou à un investissement à l'étranger n'affecte d'aucune manière la cohérence même du dispositif fiscal national.

    Les arrêts Manninen249(*) et Mark & Spencer250(*) fournissent une bonne illustration en la matière, le premier relativement au problème des doubles impositions et de l'avoir fiscal, le second à celui des pertes.

    Dans l'affaire Manninen, se posait la question de savoir ce que l'Etat finlandais devait faire lorsque, corrigeant la double imposition interne, il en existait toujours une, résultant de deux impositions établies par les deux États suédois et finlandais. Ce dernier estimait qu'aucune obligation ne lui incombait. La Cour quant à elle a considéré qu'il y'avait discrimination contraire à la libre circulation des capitaux. Se posait dés lors une seconde question : quel Etat avait pour responsabilité de faire disparaître la double imposition : l'État de la résidence ou l'État de la source ?

    L'arrêt Manninen répond clairement au point 49 que c'est à l'État de la résidence, en l'espèce la Finlande, que revient cette responsabilité : « Certes, l'octroi d'un avoir fiscal au titre de l'impôt sur les sociétés dû dans un autre État membre entraînerait, pour la république de Finlande, une réduction de ses recettes fiscales relatives aux dividendes versés par des sociétés établies dans d'autres États membres. Toutefois, il ressort d'une jurisprudence constante que la réduction de recettes fiscales ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d'intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale ».

    Or, La cohérence fiscale ne dicte-t-elle pas à l'Etat concerné de n'annuler que la double imposition dont il est entièrement responsable, en tant que contrepartie de son droit d'imposer, qui se borne aux frontières fiscales et dont l'unique objectif est l'encaissement des recettes ?

    La logique veut en effet que l'on rembourse un impôt perçu, car on a une contrepartie dans l'imposition du revenu qui avait déjà subi cet impôt. Mais pour un non-résident ou un investissement étranger, tel n'est pas le cas. Dés lors, même s'il supprime la double imposition pour ses propres résidents, un Etat ne peut être tenu de le faire pour des non-résidents, ou des investissements externes de ses résidents.

    Qui plus est, certains se plaisent à penser qu'il serait plus opportun, d'un point de vue aussi bien économique que fiscal, que ce soit à l'État du lieu de l'investissement de compenser la double imposition plutôt qu'à l'État de résidence 251(*) : « En effet, pour le premier État l'apport de l'actionnaire étranger permet à l'entreprise de se développer (payer des salaires, acheter des biens, régler divers impôts...) ce qui comporte des contreparties. En revanche, l'État de la résidence de l'investisseur n'a que le dividende à imposer. Notons aussi que la compensation serait plus exactement calculée puisque égale à l'IS perçu sur l'entreprise distributrice. »

    Or la Cour en invoquant la discrimination contraire à la libre circulation des capitaux, semble faire prévaloir les objectifs que poursuit cette liberté fondamentale ainsi que les intérêts du contribuable sur ceux des Etats membres. Ainsi, la cohérence fiscale n'a pas la même teneur selon que l'on se place du point de vu du juge ou de celui d'un Etat membre.

    En effet, l'objectif premier de la Cour est la protection des libertés fondamentales, condition sine qua non à la réalisation d'un Marché intérieur ou libre cours est donné à la concurrence fiscale, alors que l'Etat ne se souci que de son Trésor. Des intérêts opposés ne peuvent que déboucher sur une vision divergente du concept de la cohérence. Or les conséquences ne sont défavorables qu'au dernier de ces deux acteurs, résolument soumis à l'hégémonie de la parole prétorienne de la Communauté.

    L'affaire Mark & Spencer avait quant à elle trait aux pertes. Elle a été l'occasion pour la Cour de parvenir au nom de la cohérence fiscale à admettre une imputation, même limitée, de pertes fiscales survenues dans une filiale établie dans un Etat membre, sur les résultats de la société mère située dans un autre membre.

    C'est ce qui ressort en effet des points 32 à 34 dudit arrêt : « 32. Un dégrèvement de groupe tel que celui en cause dans l'affaire au principal constitue un avantage fiscal pour les sociétés concernées. En accélérant l'apurement des pertes des sociétés déficitaires au moyen de leur imputation immédiate sur les bénéfices d'autres sociétés du groupe, il confère à celui-ci un avantage de trésorerie. »

    « 33. L'exclusion d'un tel avantage en ce qui concerne des pertes subies par une filiale établie dans un autre État membre et qui ne se livre à aucune autre activité économique dans l'État membre de la société mère est de nature à entraver l'exercice par celle-ci de sa liberté d'établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d'autres États membres. »

    « 34. Elle constitue ainsi une restriction à la liberté d'établissement au sens des articles 43 CE et 48 CE, en tant qu'elle opère une différence de traitement fiscal entre des pertes subies par une filiale résidente et des pertes subies par une filiale non résidente. »

    Or il est clair qu'en vertu du principe de fiscalité territoriale, les bénéfices antérieurs de la filiale non résidente n'ont jamais été imposés dans le pays de résidence de la société mère, et que ses bénéfices futurs éventuels ne le seront jamais non plus.

    Certes, les aléas de l'économie ont une année sur l'autre des conséquences plus ou moins favorables sur les résultats d'une entreprise. Telle est d'ailleurs l'une des raisons qui a conduit les Etats à admettre la déduction des pertes, dans l'objectif de ne pas noyer le contribuable en attendant de partager avec lui les bénéfices des années suivantes. Toutefois, mélanger les assiettes nationales et nier les frontières fiscales lorsqu'il s'agit de dépenses supplémentaires pour l'Etat répond-t-il vraiment à l'objectif de cohérence fiscale ?

    Le contenu donné à la cohérence par la Cour dans ces décisions, alors qu'elle se trouve en présence de cas impliquant des impositions ou des régimes fiscaux de plusieurs pays distincts, tend en effet à faire confondre les assiettes des Etats, et par conséquent à vider de tout sens le principe assidûment rappelé par le juge dans l'ensemble des arrêts : « la fiscalité directe relève de la compétence des États membres ».

    En ne mesurant la cohérence qu'au niveau du dispositif en cause, la Cour retourne cette justification contre les Etats ce qui pour certains, « relève du tour de passe-passe et -la Cour- s'égare dangereusement dans la zone de la mauvaise foi sauf à dénier à la fiscalité son but premier qui est financier. »252(*)

    L'opinion exprimée à la fin du paragraphe 60 par l'avocat général dans l'affaire Marks & Spencer est elle aussi riche en enseignements : « Or, il n'est ni de l'intention ni de la vocation du droit communautaire de remettre en cause les limites inhérentes à tout pouvoir fiscal ou de troubler l'ordre de répartition des compétences fiscales entre États membres. Rappelons que, faute d'harmonisation communautaire, la cour n'a pas compétence pour s'ingérer dans la conception et l'organisation des systèmes fiscaux des États membres. » 

    Toutefois, elle laisse quelque peu perplexe quand on lit deux paragraphes plus loin : « Dans ces conditions, le Royaume-Uni ne saurait soutenir que l'octroi d'un avantage fiscal est soumis à l'existence d'un pouvoir d'imposition correspondant et à la possibilité d'en retirer un bénéfice ». 253(*)

    De plus, et lorsqu'on se penche sur le paragraphe 76 en fin des conclusions sous Marks & Spencer, et que l'on y lit qu'« Une justification tirée de la cohérence du régime de dégrèvement ne saurait être admise que si les pertes étrangères peuvent faire l'objet d'un traitement équivalent dans l'État de source de ces pertes », on ne peut que constater le mélange total qui est fait entre cohérence et transfrontaliérité, le traitement fiscal des pertes dans un pays donné pouvant dépendre de celui plus restrictif établi dans un autre et ce, pour respecter la cohérence du régime plus favorable établi dans le premier pays.

    C'est à se demander si l'existence de la frontière fiscale n'est pas soumise à l'humeur de la Cour...

    Il nous semble in fine logique de reconnaître la cohérence fiscale à un régime national qui ne souhaite pas prendre en charge, déduire, rembourser ou compenser une imposition perçue par un autre État. En effet, si une différence de traitement fiscal peut en résulter par rapport à celui des résidents ou des investissements réalisés dans le pays, celle-ci n'est aucunement le fruit d'un acte unilatéral et volontaire dans le but de discriminer. Il ne s'agit que de l'effet mécanique du principe fiscal de territorialité, à savoir d'un pouvoir fiscal national, limité à un territoire tout comme les dépenses publiques qu'il se doit de financer.

    Il apparaît dés lors contestable que cette différence soit condamnée au nom d'une liberté fondamentale, sauf à modifier les limites des territoires et du pouvoir fiscaux et d'entraîner des transferts de charges fiscales entre États membres, ce qui n'est guère prévu pour l'instant par les normes communautaires.

    B) Des Etats non considérés comme parties à part entière au litige : le motif des pertes fiscales systématiquement rejeté par la Cour.

    Il est établit une jurisprudence constante de la CJCE selon laquelle le motif des pertes des recettes fiscales, avancé par un Etat membre en vue de justifier un régime fiscal jugé incompatible avec les exigences des libertés fondamentales n'est pas recevable.

    En témoigne le point 49 de l'arrêt Manninen : « Certes, l'octroi d'un avoir fiscal au titre de l'impôt sur les sociétés dû dans un autre État membre entraînerait, pour la république de Finlande, une réduction de ses recettes fiscales relatives aux dividendes versés par des sociétés établies dans d'autres États membres. Toutefois, il ressort d'une jurisprudence constante que la réduction de recettes fiscales ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d'intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale »254(*).

    La lettre de l'arrêt ne saurait être plus explicite. L'argument de la réduction des recettes fiscales est écarté de manière péremptoire par la CJCE qui ne semble définitivement pas se préoccuper des intérêts financiers des Trésors publics dans les litiges auxquels les Etats sont parties. Il est indéniable que l'indépendance du Juge communautaire lui interdit toute adaptation de sa décision selon la situation pécuniaire dans laquelle se trouve l'Etat condamné.

    Néanmoins, la nature même de la fiscalité supposerait une logique différente à adopter par le juge communautaire lorsqu'il doit connaître de litiges en ce domaine. En effet, le droit fiscal n'en en aucun cas un droit neutre. Son unique but étant d'assurer le financement des dépenses publiques, la relation qui en découle entre les parties concernées, à avoir le contribuable face à l'Etat ne saurait être placée sous le signe de l'égalité. Les prérogatives de la puissance publique font en effet pencher la balance juridique en faveur de l'acteur étatique.

    Dés lors, ce déséquilibre inhérent à la nature de la fiscalité devrait peut être demeuré dans l'esprit du Juge communautaire, du moins pour certains255(*). Il faut préciser qu'il n'est aucunement suggéré au juge communautaire d'accepter a priori l'argument « réduction de recettes fiscales ». Toutefois, un examen de cette justification, visant à déterminer l'origine de la différence, à savoir la double-imposition ou la perte fiscale qui serait subie en cas de condamnation, ne saurait pas de refus pour la plupart des Etats, si ce n'est pour tous.

    Cette différence résulterait-elle d'une mesure nationale jugée non-conforme ? Si c'est le cas, nul doute qu'une condamnation par la Cour serait légitime. Mais si cette différence provenait d'une charge fiscale née en dehors du pays en cause, ou de la taxation d'un élément sortant de son territoire, un examen plus poussé par le juge serait indispensable.

    Or, la Cour de Luxembourg semble ne jamais y procéder256(*), alors que cela pourrait affecter le sens de la décision rendue. Toutefois, et même si la CJCE s'emploi à faire une analyse très approfondie de deux situations, par exemple celle du résident et du non-résident, ou de l'investissement fait sans le pays et celui fait hors du pays, elle ne prend pas en compte la situation de l'Etat membre en cause, qui apparaît dés lors inexistant du moins à ce stade du raisonnement.

    Cette exclusion de la prise en compte de l'Etat apparaît qui plus est au point 45 de l'arrêt Manninen précité ou la Cour ne semble vouloir appliquer les principes de libertés du Traité de Rome que du point de vue du contribuable : « La seule différence consiste en ceci que la double imposition résulte, dans un cas, de l'imposition par le même État, alors que, en cas de versement transfrontalier de dividendes, elle résulte de l'imposition par deux États. Mais cette différence n'a d'importance ni du point de vue de l'investisseur ni du point de vue de l'entreprise qui souhaite collecter des capitaux ».

    Quant au point 29 du même arrêt, il semble que le paragraphe 3 de l'article 58 TCE relatif à la libre circulation des capitaux vide, aux yeux de la Cour, de tout effet le paragraphe 1-: « Il y a donc lieu de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l'article 58, paragraphe 1, sous a), CE des discriminations arbitraires interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu'une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal, qui, dans le chef d'une personne assujettie à l'impôt à titre principal dans l'État membre concerné, opère une distinction entre les revenus de dividendes nationaux et ceux de dividendes étrangers, puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du Traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, telle que la nécessité de sauvegarder la cohérence du régime fiscal. En outre, pour être justifiée, la différence de traitement entre différentes catégories de dividendes ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour que l'objectif poursuivi par la réglementation en cause soit atteint ».

    L'appréciation de la situation fiscale se fait ici sans la prise en compte de l'Etat ou des Etats responsables. Considéré que la situation des contribuables est comparable est tout à fait envisageable. Toutefois, envisager que la correction de la double imposition revienne au même dans les deux cas est quelque peu exagéré. La situation n'est pas tout à fait la même quand la double imposition naît dans le même Etat et quand elle résulte d'impositions établies par deux Etats membres différents.

    Il apparaît donc que la mise à l'écart de l'Etat dans les considérations faites par la Cour des situations fiscales soit avérée. Les effets qui en découlent sont importants pour les Etats puisque que cela les conduit à essuyer des pertes de recettes.

    §2 : Une situation antinomique entre la logique fiscale et celle du juge communautaire.

    A) Une logique fiscale quasi-inexistante dans la jurisprudence du Juge du Luxembourg.

    Le caractère de juge suprême de la CJCE a des conséquences d'une importance capitale sur la fiscalité des Etats membres, du fait du caractère intégré du droit communautaire dans le corps normatif national, mais aussi en vertu du principe de primauté si caractéristique du droit de la Communauté.

    En effet, la fiscalité, qui est le réceptacle de la mutation des éléments affectant une société (l'économie, les moeurs, les autres droits...) et dont les principes fondateurs évoluent au contact des fiscalités des autres Etats, ne peut que difficilement obéir à des principes immuables et absolus tels que les libertés fondamentales proclamées par le Traité CE.

    Le dynamisme de la fiscalité, et le statisme des principes communautaires sont par essence antinomiques. Nul doute alors que l'application de ce droit à une matière aussi spécifique que la fiscalité écarte le juge de Luxembourg d'un juge fiscal traditionnel.

    Il est bien établi dans le droit français que lorsqu'une décision d'un tribunal fiscal tranche un cas individuel, « le législateur adapte le dispositif législatif soit pour s'aligner sur la décision du juge, soit pour établir une rédaction des textes contraire à celle-ci, soit enfin pour retenir une formule intermédiaire. »257(*)Seuls les textes dits lois interprétatives, qui consistent en la réécriture d'un texte, en affirmant qu'il a dès son origine voulu dire ce que l'on lui fait dire aujourd'hui sont condamnables. Mais aujourd'hui ils n'ont presque plus cours.

    Or le juge de la Communauté limite la marge de manoeuvre des États membres et ne leur laisse en général le choix qu'entre deux solutions : supprimer le dispositif condamné, ou étendre aux situations ou contribuables discriminés le dispositif national favorable. Cela s'explique simplement par le fait qu'il « n'existe pas, en pratique, de législateur pouvant établir un dispositif autre, s'inspirant de la décision CJCE ou la modifiant. »258(*)

    Certains estiment qu'en la situation actuelle du droit fiscal européen, mais aussi au regard de sa qualité de juge suprême, la Cour devrait « pondérer » ses décisions, qui peuvent présenter plus d'inconvénients que d'avantages aux Etats membres.

    Le raisonnement adopté par la Cour dans ses arrêts est illustratif de ce constat : elle d'abord constate une situation. Puis elle l'analyse, et si elle la trouve discriminatoire, elle prononce la condamnation de l'État du fait de la contrariété de son régime avec les libertés fondamentales. Toutefois, elle ne dit pas à l'État ce qu'il doit faire.

    Ces derniers n'ont alors guère le choix : soit ils font disparaître la mesure pour l'avenir, et indemnisent s'il y a lieu pour le passé, soit ils étendent ou modifient leur régime national pour qu'il soit profitable aussi aux non-résidents, aux investissements ou entités étrangers. Cet état des choses pousse certains à qualifier alors la Cour d'« a-fiscale » dans ses décisions, de même que la méfiance qu'elle témoigne vis-à-vis des conventions fiscales, instrument de progrès dans les relations internationales qui en substituant le droit au pouvoir discrétionnaire, éliminent nombre de doubles impositions et concourent à une certaine harmonisation mondiale.

    Autre élément qui permet de déceler en la Cour, une volonté de protection prépondérante des les libertés communautaires au détriment de la fiscalité des Etats, est sa préoccupation de comparer des situations pour y déceler ou non de la discrimination, qui parfois, au regard de certains, lui fait faire des « sorties de route fiscale »259(*). L'arrêt Cadbury Schweppes du 12 septembre 2006260(*) en fournit une illustration. Ici la Cour a condamner les règles CFC britanniques unilatérales en jugeant qu'elles étaient clairement contraires à la liberté d'établissement et discriminatoires.

    Toutefois, elle semble avoir attaché une importance capitale à un argument exposé aux points 44 et 45 de l'arrêt, qui nous laisse certains, pour ainsi dire « pantois » :

    « En effet, lorsque la société résidente a constitué une SEC [société étrangère contrôlée] dans un État membre dans lequel celle-ci est soumise à un niveau inférieur d'imposition au sens de la législation sur les SEC, les bénéfices réalisés par une telle société contrôlée, sont, en vertu de cette législation, attribués à la société résidente, qui est imposée sur ces bénéfices. En revanche, lorsque la société contrôlée a été constituée et est imposée au Royaume-Uni ou dans un État dans lequel elle n'est pas soumise à un niveau inférieur d'imposition au sens de ladite législation, cette dernière n'est pas applicable et, conformément à la législation du Royaume-Uni relative à l'impôt sur les sociétés, la société résidente n'est pas, dans de telles circonstances, imposée sur les bénéfices de la société contrôlée ».

    « Cette différence de traitement crée un désavantage fiscal pour la société résidente à laquelle la législation sur les SEC est applicable... il n'en demeure pas moins que, en application d'une telle législation, cette société résidente est imposée sur des bénéfices d'une autre personne morale. Or, tel n'est pas le cas d'une société résidente ayant une filiale imposée au Royaume-Uni ou dont la filiale établie en dehors de cet État membre n'est pas soumise à un niveau inférieur d'imposition ».261(*)

    Cet argument a été source de perplexité pour différentes raisons : Tout d'abord, remonter un résultat étranger sous-imposé pour le taxer au taux britannique constitue certes un désavantage. Toutefois, la même remontée au sein d'un même pays, entre sociétés-mères et filiales, constitue non pas un désavantage mais bien un avantage, ne serait-ce que par la compensation des bénéficies et des déficits. Le fait que la quasi-totalité des entreprises sollicitent la mise en place d'un régime de fiscalité de groupe, que les États membres soit refusent, soit soumettent ces régimes uniquement nationaux d'ailleurs, à des conditions élevées de participation (95 % en France, 50 à 75 % dans d'autres États tels que l'Allemagne ou le Royaume-Uni) ne fait que conforter cette analyse.

    Dés lors, on se demande si l'arrêt avait besoin d'un tel argument formel, alors que la privation de l'avantage fiscal dû au choix de la localisation portait clairement atteinte à la liberté d'établissement.

    Pour certains, « la CJCE cherche si assidûment à démontrer l'existence de différences de traitement entre résidents et non-résidents établies par une loi nationale et qui ne peuvent donc, par définition, qu'être discriminatoires qu'elle finit par en voir même là où il n'y en a pas! » Elle ne peut dés lors « faire plus parfait contresens fiscal en prenant l'apparence pour la réalité. »263(*)

    B) Un juge guidé par une logique téléologique tendant à assurer une application uniforme du droit communautaire.

    Le juge communautaire est avant tout le gardien institutionnel des traités. Son action est de ce fait indifférente quant au rendement de l'impôt, aux conséquences budgétaires ou techniques de sa jurisprudence.

    Ainsi, la logique qu'adopte la CJCE dans certaines de ses décisions, et qui la pousse à raisonner comme si la Communauté formait une seule zone fiscale au sein de laquelle les transferts seraient cohérents et neutres, la mène à faire en quelque sorte « du fédéralisme avec des impôts nationaux ». Toutefois, elle ne pourrait agir ainsi que pour un impôt communautaire. Or, le temps ne semble pas encore venu pour une telle avancée, comme en témoigne le rapport du Parlement européen de mars 2007 sur l'avenir des ressources propres de l'Union européenne264(*).

    Les méthodes d'interprétation spécifiques adoptées par la Cour de Justice, demeurent de puis sa création essentiellement les mêmes.

    En effet, elle analyse les textes à interpréter dans leur contexte, sans faire référence aux textes préparatoires ni s'intéresser à la situation particulière des Etats. Cela s'explique car seul l'ordre juridique communautaire est sa préoccupation. Dés lors la méthode de raisonnement qu'elle s'est choisie est celle de l'analyse finaliste265(*), à savoir la recherche des buts des dispositions du TCE, et notamment celles relatives aux libertés de circulation.

    L'arrêt Van Gend en Loos de 1963266(*) a été l'occasion pour le juge de Luxembourg de dégager

    La théorie de l'effet utile, et de poser le principe de l'effet direct des traités fondateurs. En effet, « l'objectif du traité CEE étant d'instaurer un marché commun dont le fonctionnement intéresse directement les justiciables de la Communauté, le droit communautaire est notamment destiné à engendrer des droits qui entrent dans le patrimoine juridique des particuliers de sorte que ses dispositions (ou certaines d'entre elles) produisent des effets immédiats et engendrent des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder. »267(*)

    La CJCE déduit donc du traité des principes généraux de l'ordre juridique communautaire, ayant la même force juridique que ces derniers. On peut citer à titre d'exemple les principes de proportionnalité, de sécurité juridique, d'égalité et de non-discrimination, que l'on retrouve dans l'ensemble de la jurisprudence communautaire, notamment celle ayant trait à la fiscalité.

    En élaborant des notions autonomes de droit communautaire, l'objectif de la Cour de Luxembourg est clairement de permettre une application uniforme de ce droit, mais aussi de « limiter le pouvoir d'appréciation des Etats membres pour la mise en oeuvre des conditions prévues par »268(*) la norme communautaire.

    Tel est par exemple le cas en matière de TVA, qui est un impôt largement encadré par le droit communautaire, et pour lequel la CJCE a malgré tout développé une jurisprudence riche et régulière, estimant que « l'assujettissement à la TVA d'une opération déterminée ou son exonération ne sauraient dépendre de sa qualification en droit national »269(*).

    En effet, la Cour a affirmé dans un arrêt de principe du 26 mai 2005 que les notions employées dans la 6ème directive du 17 mai 1977, remplacée depuis par la directive 2006/112 du 28 novembre 2006, sont des « notions autonomes de droit communautaire et non des notions de droit interne »270(*), ayant pour but d' « éviter les divergences dans l'application du régime de la TVA d'un Etat membre à l'autre 271(*)».

    Qui plus est, lorsque la CJCE se trouve face à une carence de notion autonome, celle-ci se borne à faire application de sa méthode finaliste, et à interpréter la disposition communautaire ayant trait à la TVA « à la lumière du contexte dans lequel elle s'inscrit, des finalités et de l'économie de cette directive, en tenant particulièrement compte de la ratio legis de l'exonération qu'elle prévoit »272(*).

    Cette action menée par la Cour en vue d'assurer une application uniforme de la règle communautaire peut dés lors heurter les conceptions retenues par les juridictions des Etats membres273(*). Tel est le cas pour le Conseil d'Etat en France, notamment en ce qui concerne les sociétés concessionnaires de construction et d'exploitation d'autoroutes. Ce dernier a affirmé dans un avis en date du 6 juillet 1994274(*) que les dites sociétés, étant chargées de l'exécution d'un service public, sont soumises au règles de droit public et n'exercent pas de profession de nature commerciale.

    Or, la CJCE a donné à la notion de la location un contenu autonome, sans daigner tenir compte de la qualification retenue par les parties, faisant prévaloir une nouvelle fois encore la logique téléologique puisque « faute de définition, expresse dans la directive, la Cour se réfère à la finalité de l'exonération pour définir la location ».275(*)

    Dés lors, et si l'action de la CJCE est aussi importante dans un domaine harmonisé tel que la TVA, nul doute que la fiscalité directe, dont l'encadrement est organisé à partir des quatre libertés communautaires, soit elle aussi impactée par des notions autonomes du juge de Luxembourg.

    L'hégémonie de la CJCE tend donc aussi à influencer les relations internationales des Etats membres, et non seulement leurs ordres juridiques internes. Cela est notamment du à la logique purement finaliste adopté par le juge, mué par la volonté de faire respecter les quatre libertés, et non pas par celle de préserver les fiscalités des Etats membres, dont la souveraineté fiscale semble se réduire au fil des années comme une peau de chagrin.

    CONCLUSION

    La décision fiscale, qui consiste en fait dans le pouvoir d'élaborer les lois en matière fiscale revient en principe au Parlement, investi du pouvoir législatif, avec certaines restrictions notamment liées au pouvoir réglementaire. Ce processus décisionnel répond à une structure unitaire de l'Etat, et on peut se demander si elle ne risque pas d'être remise en cause par l'Union européenne.

    Se pose en fait la question du partage et de la spécialisation de l'impôt, que l'on trouve exprimée, certes de manière encore timide, dans les relations entre les Etats membres et l'Union. Toutefois, si l'on ne peut en apercevoir aujourd'hui que les prémices, il paraît clair que si la logique européenne devait se poursuivre, c'est toute la réorganisation générale du processus de décision fiscale qui devrait être envisagée. Ainsi, et eu égard à la diversification croissante de la société qui en encourage sans cesse la complexification, la perspective d'un fédéralisme fiscal devrait dessiner les contours d'un réaménagement des pouvoirs. Le fédéralisme semble en effet s'inscrire en filigrane du processus de construction de l'Union européenne. C'est donc l'autonomie fiscale qui se trouve en jeu, « entendue comme l'autre face de l'autonomie des pouvoirs de dépense »276(*), et en somme du pouvoir politique des Etats.

    Toutefois, les difficultés liées à la mise en place d'un tel système sont gargantuesques, et les évolutions en la matière se font à tâtons. Nul doute alors que l'oeuvre de la Cour permette de faire avancer le processus.

    Néanmoins, certains estiment qu' « il ne faudrait pas que la Cour, même sous le prétexte de l'échec de la fiscalité européenne construite, ajoute un concept de fiscalité détruite. Ce ne serait de l'intérêt ni des États membres, ni de la Communauté européenne ni même de la cour qui doit se garder de tomber dans le « gouvernement des juges » »277(*).

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    Bulletin de l'Union européenne (ex- Bulletin de la CE), OPOCE, Luxembourg.

    Journal officiel des Communautés européennes (de l'Union depuis le Traité de Nice), série législation, débats du Parlement européen, OPOCE, Luxembourg.

    Recueil de Jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance, Luxembourg, OPOCE.

    V. Sources informatiques :

    Lexbase hebdo édition fiscale : http://www5.lexbase.fr/

    Lextenso.fr : http://www.lextenso.com/

    Périodiques électroniques en texte intégral des bibliothèques de l'université Toulouse I : http://atoz.ebsco.com/

    LexisNexis JurisClasseur : http://www.lexisnexis.fr/

    Lamyline reflex : http://www.lamylinereflex.fr/acces.jsp

    LISTE DES ABREVIATIONS

    Aff. : Affaire

    Art. : Article

    BD : Banque et Droit

    BOI : Bulletin officiel des impôts

    BFFL : Bulletin fiscal Francis Lefebvre

    BM : Banque Magazine

    Cass. : Cassation

    CE : Conseil d'Etat

    CEE : Communautés économiques européennes

    CGI : Code Général des Impôts

    CJCE : Cour de justice des Communautés européennes

    COM : Communication

    Comm. : Commentaire

    DC : Décision constitutionnelle

    Dir. : Directive

    RFFP : Revue française des Finances publiques

    EUR : Revue Europe (Revue Mensuelle Lexisnexis Jurisclasseur).

    JOCE : Journal officiel des Communautés européennes

    L.fin : Loi de finances

    LNF : Les nouvelles fiscales

    OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

    Ord. : Ordonnance

    RDF : Revue de Droit fiscal

    Rec. : Recueil

    RJF : Revue de Jurisprudence fiscale

    RMC : Revue du marché commun et de l'Union européenne

    RTDE : Revue trimestrielle de droit européen

    RTDF : Revue trimestrielle de droit européen

    TCE : Traité instituant la Communauté européenne

    ANNEXE

    TABLE CHRONOLOGIQUE DES ARRETS DE LA CJCE ETUDIES DANS LE PRESENT MEMOIRE

    - CJCE, 5 février 1963, aff 26/62, Van Gend en Loos ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 4.

    - CJCE, 27 fev. 1962, Commission c/Italie, aff. 10/61 ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 41.

    - Ord. de la Cour de justice du 22 juin 1965, Aciéries San Michele, aff. 9/65 et 58/65, Recueil 1967, p.35.

    - CJCE, 4 avr. 1968, aff. 31/67, August Stier c/ Hauptzollamt Hamburg, Rec. p.347.

    - CJCE, 20 mai 1973, aff. 111/75, Mazzalai, Rec., I-657.

    - CJCE, 30 avr. 1974, aff. 181/73, Haegemann, Rec., p. 449.

    - CJCE, 21 juin 1974, aff. 2/74, Reyners, Rec., p. 631.

    - CJCE, 3 déc. 1974, aff. 33/74, Van Binsbergen, Rec., p. 1299.

    - CJCE, 12 déc. 1974, aff. 36/76 Walrave, Rec., p. 1420

    - CJCE, 21 mai 1976, aff C-26/74, Roquette, Rec., p. 677.

    - CJCE, 22 juin 1976, aff. 127/75, Bobie, Rec., p.1088.

    - CJCE, 6 oct. 1976, aff 12/76, Tessili, rec., p. 1473.

    - CJCE, 29 novembre 1978, Pigs Marketing Broad, Rec., p.2347.

    - CJCE, 20 fév. 1979, aff. 120/78, Rewe Zentral, Rec., p.649

    - CJCE, 11 nov. 1981, aff. 203/80, Casati : Rec., CJCE, p. 2595.

    - CJCE, 7 mai 1985, aff 18/84, Commission c/ France, Rec. p.1344.

    - CJCE, 28 fév. 1986, aff. 270/83, Commission c/ France, Rec., p 285.

    - CJCE, 8 déc. 1987, aff. 20/87, Gauchard : Rec. p. 4879.

    - CJCE, 4 fév. 1988, aff. 157/86, Murphy, Rec., p. 673.

    - CJCE, 21 sept. 1988, aff. 267/86, Van Eycke, Rec., p. 4769.

    - CJCE, 27 sept. 1988, aff. 235/87, Matteucci, Rec., p. 5589.

    - CJCE, 8 mai 1990, aff. C-175/88 K. Biehl, Rec., I-1779.

    - CJCE, 23 avr.1991, C-41/90, Klaus Hôfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH, Rec., I-1979.

    - CJCE, 28 janv. 1992, C-204/90, Bachmann; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 162

    - CJCE, Plén., 26 janv. 1993, aff. C-112/91, Werner ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 62.

    - CJCE, 28 mars 1995, aff. C-324/93, The Queen and Secretary of state for the Home department, Rec. I, p. 595.

    - CJCE, 11 août 1995, aff. C-80/94, Wielockx ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 209.

    - CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumacker ; Rec., I. p. 1306.

    - CJCE, 14 nov. 1995, aff. C-484/93, Svensson et Gustavsson ; Rec., p. 3955.

    - CJCE, 14 déc. 1995, aff. 163/94, 165/94 et 250/94, Sanz de Lera, Rec. p I-4821.

    - CJCE, 27 juin 1996, aff. C-104/94, Asscher : Rec. p. 3089.

    - CJCE, 15 mai 1997, aff. 250/95, Futura Participations SA et Singer ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 234. 

    - CJCE, plén., 17 juill. 1997, aff. C-28/95, A. Leur-Bloem ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 66.

    - CJCE, 28 avril 1998, aff. 118/96, Jessica Safir ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 436.

    - CJCE, 12 mai 1998, aff. 336/96, époux Gilly; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 41.

    - CJCE, 16 juil. 1998, aff. C-264/96, ICI ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 339.

    - CJCE, 9 mars 1999, aff. C-212/97, Centros Ltd, Rec., I, p. 1459.

    - CJCE, 21 sept. 1999, aff. 307/97, Cie de Saint Gobain ZN ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 240.

    - CJCE, 29 avr. 1999, aff C- 311/97, Royal Bank of Scotland PLC ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 239.

    - CJCE, 8 juill. 1999, aff. C-254/97, Sté Baxter SA ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 250.

    - CJCE, 12 sept. 1999, aff. C-307/97, Compagnie de Saint Gobain : Rec. I, p. 6161.

    - CJCE, 18 nov. 1999, aff. C-200/98, X AB et Y AB ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 344.

    - CJCE, plén., 15 févr. 2000, aff. C-34/98, Commission c/ France ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 23.

    - CJCE, 13 avr. 2000, aff. C-251/98, Baars ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p 195. 

    - CJCE, 6 juin 2000, C-35/98, Verkooijen ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 530.

    - CJCE, 29 nov. 2001, aff. C-17/00, De Coster : JurisData n°2001-188906 ; Rec. CJCE 2000, I, p. 9445.

    - CJCE, 5 nov. 2002, Commission c/ Royaume-Uni, accords de « ciel ouvert », C 466/98 ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 50.

    - CJCE, 21 nov. 2002, aff C-436/00, X et Y, Rec., I, p.10829.

    - CJCE, 12 déc. 2002, aff. C-324/00, Lankhorst-Hohorst GmbH ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p 279. 

    - CJCE, 12 déc. 2002, aff. C-385/00, De Groot : Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 181.

    - CJCE, 16 janv. 2003, Cipra et Kvaniscka, Rec., p.I-00745.

    - CJCE, 23 juin 2003, aff. C-422/01, Skandia et Ramstedt, Rec., I.6817.

    - CJCE, 4 mars 2004, C-334/02, Commission c/ France ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 525.

    - CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, M. de Lasteyrie du Saillant. ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 315.

    - CJCE, 7 sept. 2004, aff. C-319/02, Manninen ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 859.

    - CJCE, 3 mars 2005, aff. 428/02, Fonden Marseliborg Lystadehavn, Revue de jurisprudence fiscale, 2005, 5 comm. 517.

    - CJCE, 10 mars 2005, aff. C-39/04, Laboratoires Fournier / Rec. I, p.2057.

    - CJCE, 26 mai 2005, Kingrest Associates Ltd c/ Commissioners of Customs & Excise, Revue de Jurisprudence fiscale, 2005, 8-9, comm. 984.

    - CJCE, 5 juill. 2005, aff. C-376/03, D. ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 49.

    - CJCE, 13 déc. 2005, aff. C-446/03, Mark & Spencer PLC; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 368.

    - 278 CJCE, 23 fév. 2006, aff. C-513/03, Héritiers van Hilten-van der heidjen ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 489.

    - CJCE, 6 juill. 2006, aff. C-493/04 et C-439/04, Kittel ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 802.

    - CJCE 7 sept. 2006, aff. C-470/04, N, Rec., I. p.7409, pt.92.

    - CJCE, 12 sept. 2006, aff. C-196/04, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 386.

    - CJCE, 3 oct. 2006, aff. 475/03, Banca Popolare di Cremona ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 817.

    - CJCE, 1ère ch., 14 déc. 2006, aff. C-170/05, Denkavit international et Denkavit France ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 272.

    - CJCE, 18 janv. 2007, aff. C-104/06, Commission c/ Suède ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p.193.

    - CJCE, 30 janv. 2007, C-150/04, Commission c/ Danemark ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p.455. 

    - CJCE, 6 mars 2007, aff. C-292/04, Meilicke ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 553.

    - CJCE, 13 mars 2007, aff. C-524/04, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 285.

    - CJCE, 22 mars 2007, C-383/05, Talotta ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 221.

    - CJCE, 29 mars 2007, C-347/04, Rewe Zentralfinanz eG ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 375. 

    - CJCE ord., 10 mai 2007, aff. C- 492/04, Lasertec ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 200.

    - CJCE, ord., 10mai 2007, aff. C-A02/05, Skatterverket c/ A et B, Rec. p I-3871

    - CJCE, ord., 24 mai 2007, C-157/05, Holbôck ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 505. 

    - CJCE, 5 juill. 2007, C-522/04, Commission c/Belgique ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 465. 

    - CJCE, 18 juill. 2007, aff. C-231/05, Oy AA ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 302.

    - CJCE, 18 juill. 2007, aff C-182/06, Lakebrink ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 178.

    - CJCE, 11 oct. 2007, aff. C-45/05, Européenne et Luxembourgeoise d'Investissement SA (ELISA) ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 600.

    - CJCE, 11 oct. 2007, aff. 283/06, Kogaz et aff. 312/06, Otp Garancia Biztosito, DF, 18 octobre, 2007, 42, p.6.

    - CJCE, 11 oct. 2007, aff. C-443/06, Hollmann ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 600.

    - CJCE, 18 déc. 2007, C-101/05, A ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 505.

    - CJCE, 18 déc. 2007, aff. C-281/06, Jundt ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 488.

    - CJCE, 17 janv. 2008, aff. C-256/06, Jâger ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 613.

    - CJCE, 17 janv. 2008, aff. C-105/07, N. V. Lammers & Van Cleef ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 302.

    - CJCE, 4e ch., 3 avr. 2008, aff. C-27/07, Banque fédérative du Crédit Mutuel ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 882.

    - CJCE, 4ème ch., 15 mai 2008, aff. C-414/06, Lidl Belgium GmbH : DF, 2008, n°39, comm. 512, note M. Ch. Bergerès.

    - CJCE, 4ème ch., 23 oct. 2008, C-157/07, Kankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimsttat GmbH : DF, 2008, n°50, comm. 616, note J.-Ch. Garcia.

    - CJCE, 27 nov. 2008, C-418/07, Sté Papillon ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p 349. 

    * 1 P. de FREMINET, « La communauté européenne dispose-t-elle d'un véritable juge fiscal? », Revue de Droit fiscal 2007, 21 juin 2007, n°25, pp. 6-12.

    * 2 http://www.touteleurope.fr/fr/organisation/droit-communautaire/les-traites/presentation/les-traites-de-rome-1957.html

    * 3 D. CALLEJA, D. VIGNES, R. WAGENBAUR, Dispositions fiscales-rapprochement des législations, comm. Megret, le droit de la CEE, édition de l'ULB, 2ème ed., 1993, p-3.

    * 4 M. BOUVIER, Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l'impôt, Paris, Systèmes Fiscalité, L.G.D.J, Lextenso éditions, 9ème édition, 2008, p-13.

    * 5 J. M COMMUNIER, Droit fiscal communautaire, Bruxelles, Bruylant, 2001, p-5.

    * 6 COM (75) 391 final.

    * 7 CJCE, 22 juin 1976, aff. 127/75, Bobie, Rec., p.1088.

    * 8 CJCE, plén., 15 févr. 2000, aff. C-34/98, Commission c/ France ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 23.

    * 9 L. BERNARDEAU, « Jurisprudence de la CJCE : fiscalité directe », Revue de Droit fiscal 2007, juillet-septembre 2007, n°46, étude 995.

    * 10 CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumacker; Rec., I. p. 1306.

    * 11 CJCE, Plén., 26 janv. 1993, aff. C-112/91, Werner ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 62.

    * 12 CJCE, 27 juin 1996, aff. C-104/94, Asscher : Rec. p. 3089.

    * 13 CJCE, 16 juil. 1998, aff. C-264/96, ICI ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 339.

    * 14 CJCE, 18 nov. 1999, aff. C-200/98, X AB et Y AB ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 344.

    * 15 CJCE, 13 avr. 2000, aff. C-251/98, Baars ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p 195. 

    * 16 CJCE, 6 juin 2000, C-35/98, Verkooijen ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 530.

    * 17 http://europa.eu/eur-lex/fr/treaties/dat/C_2002325FR.003301.html

    * 18 Ibid.

    * 19 Ibid.

    * 20CJCE, 12 décembre 1974, aff. 36/76 Walrave, Rec., p. 1420

    * 21CJCE, 21 juin 1974, aff. 2/74, Reyners, Rec., p. 631.

    * 22CJCE, 3 décembre 1974, aff. 33/74, Van Binsbergen, Rec., p. 1299.

    * 23 CJCE, 8 mai 1990, aff. C-175/88 K. Biehl, Rec., I-1779.

    * 24 CJCE, 28 février 1986, aff. 270/83, Commission c/ France, Rec., p 285.

    * 25 CJCE, 21 septembre 1988, aff. 267/86, Van Eycke, Rec., p. 4769.

    * 26 Cf. Note 12.

    * 27 CJCE, 28 avril 1998, aff. 118/96, Jessica Safir ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 436.

    * 28 CJCE, 11 nov. 1981, aff. 203/80, Casati : Rec., CJCE, p. 2595.

    * 29 Dir. 88/361/CEE du Conseil du 24 juin 1988 pour la mise en oeuvre de l'art. 67 TCE (abrogé par le Traité d'Amsterdam), remplacé aujourd'hui par l'art. 56.TCE, JOCE, n° L 178, p. 5.

    * 30CJCE, 14 déc. 1995, aff. 163/94, 165/94 et 250/94, Sanz de Lera, Rec. p I-4821.

    * 31Ph. MARTIN, « La portée fiscale des libertés communautaires de circulation (travailleurs, établissement, prestations de services, capitaux) : Réflexions au regard du droit interne.», Revue de Droit fiscale 2000, n°44, pp. 1444-1448.

    * 32 CJCE, 14 novembre 1995, aff. C-484/93, Svensson et Gustavsson ; Rec., p. 3955.

    * 33 CJCE, 6juin 2000, C-35/98, Verkooijen, préc.

    * 34 Cf. Note 24.

    * 35 CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumacker; Rec., I. p. 1306.

    * 36 CJCE, plén., 15 févr. 2000, aff. C-34/98, Commission c/ France, préc.

    * 37 CJCE, 8 déc. 1987, aff. 20/87, Gauchard : Rec. p. 4879.

    * 38 CJCE, Plén., 26 janv. 1993, aff. C-112/91, Werner, préc.

    * 39CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumacker, préc.

    * 40 CJCE, 8 mai 1990, aff. C-175/88 K. Biehl, préc.

    * 41 CJCE, 28 janv. 1992, C-204/90, Bachmann; Rec. I, p.276.

    * 42 CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumacker, préc.

    * 43 CJCE, 27 juin 1996, aff. C-104/94, Asscher, préc.

    * 44 Cf. Note 26.

    * 45CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumacker, préc.

    * 46CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumcker, préc.

    * 47CJCE, 25 janv. 2007, C-329/05, Meindl ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 326.

    * 48 D. BERLIN, « Jurisprudence fiscale européenne (1er janvier 2007- 31 décembre 2007) », chroniques, RTDE 2008, janvier-mars 2008, n°44, pp.125-170.

    * 49 CJCE, 28 janv. 1992, C-204/90, Bachmann, préc.

    * 50 Recommandation de la Commission 94/79/CE du 21 déc. 1993, relative à l'imposition de certains revenus obtenus par les non-résidents dans un Etat membre autre que celui de leur résidence, JOCE L39, 10 fév. 1994, p.22.

    * 51 CJCE, 18 juill. 2007, aff. C-182/06, Lakebrink ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 178.

    * 52 Malgré le fait que la Commission avait proposé un seuil de 75% dans sa recommandation du 21 déc. 1993, il n'en demeure pas moins que la jurisprudence de la Cour est loin d'avoir fixé le seuil à partir duquel un non-résident et un résident doivent être considérés comme étant dans une situation comparable.

    * 53 Cf. Note 43.

    * 54 CJCE, 27 juin 1996, aff. C-104/94, Asscher, préc.

    * 55 CJCE, 18 juill. 2007, aff. C-231/05, Oy AA ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 302.

    * 56 Cf. Note 43.

    * 57 CJCE, 22 mars 2007, C-383/05, Talotta ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 221.

    * 58 CJCE, 18 janv. 2007, aff. C-104/06, Commission c/ Suède ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p.193.

    * 59 CJCE, 6 mars 2007, aff. C-292/04, Meilicke ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 553.

    * 60 CJCE, 13 mars 2007, aff. C-524/04, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 285.

    * 61 CJCE, 11 octobre 2007, aff. C-443/06, Hollmann ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 600.

    * 62 CJCE, 4 avr. 1968, aff. 31/67, August Stier c/ Hauptzollamt Hamburg, Rec. p.347.

    * 63 CJCE, 7 mai 1985, aff 18/84, Commission c/ France, Rec. p.1344.

    * 64 CJCE ord., 10 mai 2007, aff. C- 492/04, Lasertec ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 200.

    * 65 CJCE, ord., 24 mai 2007, C-157/05, Holbôck ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 505 ; CJCE, ord., 10mai 2007, aff. C-A02/05, Skatterverket c/ A et B, Rec. p I-3871

    * 66Cf. Note 24.

    * 67 CJCE, 13 avr. 2000, aff. C-251/98, Baars, préc. ; CJCE, 12 sept. 2006, aff. C-196/04, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 386; CJCE, 13 mars 2007, aff. C-524/04, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, préc.

    * 68 CJCE ord., 10 mai 2007, aff. C- 492/04, Lasertec, préc.

    * 69 Cf. Note 43.

    * 70 Cf. Note 43.

    * 71 Cf. §26 de l'arrêt Lasertec préc. et §28 de l'arrêt Skatterverket c/ A et B préc.

    * 72 CJCE, ord., 24 mai 2007, C-157/05, Holbôck, préc.

    * 73 Cf. Note 43.

    * 74 Cf. § 41 de l'arrêt Holbôck, préc.

    * 75 CJCE, 5 juill. 2007, C-522/04, Commission c/Belgique ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 465. 

    * 76 Arrêt Verkooijen, préc. 

    * 77 CJCE, 23 avr.1991, C-41/90, Klaus Hôfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH, Rec., I-1979, §37.

    * 78 Arrêt Talotta préc.

    * 79 Arrêt Meindl préc.

    * 80 Arrêt Lakebrink préc.

    * 81 Arrêt Skatterverket c/A et B, préc.

    * 82 Ibid.

    * 83 Arrêt Commission c/Suède, préc.

    * 84 Arrêt Thin Cap Group Litigation, préc.

    * 85 CJCE, 29 mars 2007, C-347/04, Rewe Zentralfinanz eG ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 375. 

    * 86 CJCE, 13 déc. 2005, aff. C-446/03, Mark & Spencer PLC; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 368.

    * 87 CJCE, 11 octobre 2007, aff. C-45/05, Européenne et Luxembourgeoise d'Investissement SA (ELISA) ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 600.

    * 88 CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission c/ France, préc.

    * 89CJCE, 4ème ch., 23 oct. 2008, C-157/07, Kankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimsttat GmbH : Dr. Fisc. 2008, n°50, comm. 616, note J.-Ch. Garcia.

    * 90 CJCE, 7 sept. 2004, aff. C-319/02, Manninen ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 859.

    * 91 CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumacker, préc.

    * 92 Arrêt Mark & Spencer PLC, préc.

    * 93CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission c/ France, préc. ; CJCE, 12 sept. 1999, aff. C-307/97, Compagnie de Saint Gobain : Rec. I, p. 6161.

    * 94 Arrêt Verkooijen, préc.

    * 95 CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission c/ France, préc.; Arrêt Compagnie de Saint Gobain

    * 96CJCE, plén., 15 févr. 2000, aff. C-34/98, Commission c/ France, préc.

    * 97 Arrêt ICI  préc.

    * 98 Arrêt ELISA, préc.

    * 99 Cf. Note 43.

    * 100 Com. de la Commission, du 31 mai 2006, au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social européen sur la nécessité de développer une stratégie coordonnée en vue d'améliorer la lutte contre la fraude fiscale.

    * 101 CJCE, 23 juin 2003, aff. C-422/01, Skandia et Ramstedt, Rec., I.6817.

    * 102 V., not. CJCE, 15 mai 1997, aff. 250/95, Futura Participations SA et Singer ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 234 ; CJCE, 8 juill. 1999, aff. C-254/97, Sté Baxter SA ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 250.

    * 103 CJCE, 20 fév. 1979, aff. 120/78, Rewe Zentral, Rec., p.649.

    * 104 Arrêt Futura Participations SA et Singer, préc.

    * 105 V., not. Arrêt ICI préc. . CJCE, 30 janv. 2007, C-150/04, Commission c/ Danemark ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p.455 ; CJCE, 4 mars 2004, C-334/02, Commission c/ France ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 525.

    * 106 CJCE, 18 déc. 2007, C-101/05, A ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 505.

    * 107 D. 77/799/CEE du Conseil du 19 déc. 1977 concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres, JOCE, n° L 36 du 27 déc. 1977, p.5.

    * 108 CJCE, 28 janv. 1992, C-204/90, Bachmann; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 162.

    * 109Arrêt Kankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimsttat GmbH, préc.

    * 110Arrêt Futura Participations SA et Singer, préc.

    * 111Arrêt Mark & Spencer PLC, préc.

    * 112 Arrêt Rewe Zentralfinanz eG, préc.

    * 113 Concl. sur CJCE 7 sept. 2006, aff. C-470/04, N, Rec., I. p.7409, pt.92.

    * 114 Arrêt Mark & Spencer.

    * 115 Ibid.

    * 116 Arrêt Thin Cap Group Litigation, préc. 

    * 117 Arrêt Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, préc.

    * 118 Arrêt Rewe Zentralfinanz eG, préc.

    * 119 M. WATHELET, « Souveraineté fiscale des Etats membres et Cour de Justice : nouvelles tendances ou confirmation », Revue de Jurisprudence fiscale 2008, février 2008, pp. 90-102.

    * 120 Arrêt Oy AA, préc.

    * 121 CJCE, 4ème ch., 15 mai 2008, aff. C-414/06, Lidl Belgium GmbH : Dr. Fisc. 2008, n°39, comm. 512, note M. Ch. Bergerès.

    * 122 CJCE, 29 nov. 2001, aff. C-17/00, De Coster : JurisData n°2001-188906 ; Rec. CJCE 2000, I, p. 9445.

    * 123 CJCE, 10 mars 2005, aff. C-39/04, Laboratoire Fournier / Rec. I, p.2057.

    * 124 CJCE, 18 déc. 2007, aff. C-281/06, Jundt ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 488.

    * 125 CJCE, 17 janv. 2008, aff. C-256/06, Jâger ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 613.

    * 126 V., en ce sens, arrêt Cadbury, §47 ; arrêt Thin Cap Group, §64 ; Mark & Spencer §35.

    * 127 CJCE, 21 nov. 2002, aff C-436/00, X et Y, Rec., I, p.10829, pt. 91.

    * 128 A. Maitrot de la Motte, Souveraineté fiscale et construction communautaire. Recherche sur les impôts directs : LGDJ, 2005, p.135.

    * 129 Arrêt ELISA, préc.

    * 130 B. DELAUNAY, « L'évolution de la jurisprudence relative aux justifications des restrictions fiscales aux libertés communautaires », Revue de Droit Fiscal 2009, mars 2009, n°12-13, comm. 248, pp.10-16.

    * 131 Arrêt Talotta, préc.

    * 132 CJCE, 30 janv. 2007, C-150/04, Commission c/ Danemark, préc.

    * 133 Arrêt Futura Participation SA et Singer, préc.

    * 134 Arrêt De Coster, préc.

    * 135 CJCE, plén., 17 juill. 1997, aff. C-28/95, A. Leur-Bloem ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 66

    * 136 CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, M. de Lasteyrie du Saillant. ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 315.

    * 137 CJCE, 9 mars 1999, aff. C-212/97, Centros Ltd, Rec., I, p. 1459.

    * 138Arrêt Mark & Spencer PLC, préc.

    * 139 CJCE, 27 nov. 2008, C-418/07, Sté Papillon ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p 349. 

    * 140 Arrêt Lidl Belgium GmbH, préc.

    * 141 Arrêt Oy AA, préc.

    * 142 Arrêt Manninen préc.

    * 143 Arrêt Mark & Spencer préc.

    * 144 CJCE, 17 janv. 2008, aff. C-105/07, N. V. Lammers & Van Cleef ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 302.

    * 145 Arrêt Test Claimant in the Thin Cap Group, préc.

    * 146 V. Notes 114 et 125.

    * 147 Cf. Note 26.

    * 148 CJCE, 20 mai 1973, aff. 111/75, Mazzalai, Rec., I-657.

    * 149 CJCE, 4 fév. 1988, aff. 157/86, Murphy, Rec., p. 673.

    * 150 CJCE, 21 mai 1976, aff C-26/74, Roquette, Rec., p. 677.

    * 151 Ph. MARTIN « La jurisprudence fiscale de la CJCE du point de vue du Conseil d'Etat (France) », Revue de Droit fiscal 2009, mars 2009, n°12-13, comm. 247, pp.6-9.

    * 152 Arrêt Schumacker, préc.

    * 153 CJCE, 29 avr. 1999, aff C- 311/97, Royal Bank of Scotland PLC ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 239.

    * 154 CE, sect., 25 juill. 2007, n°288720, Syndicat des avocats de France : JurisData n°2007-072213.

    * 155 CE, 28 mars 1997, n° 179049, n°179050 et n° 179054, Sté Baxter et a : JurisData n° 19976050046.

    * 156 Arrêt Futura Participation SA et Singer, préc.

    * 157 Cf. Note 146.

    * 158 Ibid.

    * 159 CE, 19 mai 1933, Rec., CE 1933, p. 514.

    * 160 Arrêt M. de Lasteyrie du Saillant, Préc.

    * 161 CJCE, 1ère ch., 14 déc. 2006, aff. C-170/05, Denkavit international et Denkavit France ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 272.

    * 162 Arrêt Sté Papillon, préc.

    * 163 CE, sect., 30 déc. 2003, n°249047, SARL Coréal Gestion : JurisData n°2003-080473.

    * 164 CJCE, 12 déc. 2002, aff. C-324/00, Lankhorst-Hohorst GmbH ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p 279. 

    * 165 Cf. Note 146.

    * 166CE, 8e et 3e ss-sect., 2 juin 2006, n° 275416, M. Chauderlot : JurisData n°2006-080908.

    * 167 L.fin. 1999, n°98-1266, 30 déc. 1998, art. 24 : Dr. fisc. 1999, n°1 comm. 1.

    * 168 G.GOULARD, « Que reste-t-il de l'exit tax ? », Revue de Droit fiscal 2005, juillet 2005, n° 28, pp.1187.

    * 169 CE, 10 nov. 2004, n° 211341, M. de Lasteyrie du Saillant : Juris-Data n° 2004-080603.

    * 170 CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, M. de Lasteyrie du Saillant. ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 315.

    * 171 CE, ass. 14 déc. 2001, n° 211341, M. de Lasteyrie du Saillant : Juris-Data n° 2001-080063. 

    * 172 http://www.elysee.fr/elysee/francais/les_institutions/les_textes_fondateurs/la_declaration_des_droits_de_l_homme_et_du_citoyen/la_declaration_des_droits_de_l_homme_et_du_citoyen.21056.html

    * 173 Cf. Note 146.

    * 174 M. BOUVIER, Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l'impôt, Paris, Systèmes Fiscalité, L.G.D.J, Lextenso éditions, 9ème édition, 2008, pp. 43.

    * 175Arrêt Mark & Spencer PLC, préc.

    * 176 Cf. Note 146.

    * 177 Arrêt Bachmann, préc.

    * 178 Cf. Note 146.

    * 179Arrêt Leur-Bloem, préc.

    * 180 CE, 8e et 3e ss-sect., 28 nov. 2003, n°246501, Fédération des entreprises de transport et de logistique de France : JurisData n°2003-080463.

    * 181 Cf. Note 146.

    * 182 CJCE, 4e ch., 3 avr. 2008, aff. C-27/07, Banque fédérative du Crédit Mutuel ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 882.

    * 183 Ord. de la Cour de justice du 22 juin 1965, Aciéries San Michele, aff. 9/65 et 58/65, Recueil 1967, p.35.

    * 184 CE, 27 juill. 2005, Req., 273619, Sté Fauba France.

    * 185 CJCE, 6 juill. 2006, aff. C-493/04 et C-439/04, Kittel ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 802.

    * 186 Article 93 de la loi 2006-1771 du 30 décembre 2006.

    * 187 BOI 3 A-7-07 du 30 novembre 2007.

    * 188 T. LAMBERT, « L'influence de la jurisprudence communautaire sur le contentieux fiscal : le cas de France », Revue du Marché commun et de l'Union européenne 2008, juillet-août 2008, n°520, pp. 461-469.

    * 189 Cf. Note 163.

    * 190 CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, M. de Lasteyrie du Saillant, préc.

    * 191 Cf. Note 163.

    * 192 Ibid.

    * 193 Cf. Note 163.

    * 194 Cf. Note 12

    * 195 Ibid.

    * 196 Cf. Note 12.

    * 197 Cf. Note 183.

    * 198 Ibid.

    * 199 CE, 26 juill. 1985, Req., 42204, ONIC.

    * 200 CJCE, 29 nov. 1978, Pigs Marketing Broad, Rec., p.2347.

    * 201 CJCE, 16 janv. 2003, Cipra et Kvaniscka, Rec., p.1-00745.

    * 202 Cf. Note 183.

    * 203 CE, 11 déc. 2006, De Groot et Bejo, n° 234560

    * 204 Cass. Civ., 21 déc. 1990, SA Royal, n°88-15744.

    * 205 Cf. Note 183.

    * 206 Arrêt ELISA, préc.

    * 207 CE, ass. 14 déc. 2001, n° 211341, M. de Lasteyrie du Saillant, préc.

    * 208 Ibidem.

    * 209 CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, M. de Lasteyrie du Saillant, préc.

    * 210 CE, 10 nov. 2004, n° 211341, M. de Lasteyrie du Saillant, préc.

    * 211 Cf. Note183.

    * 212 Ibid.

    * 213 CJCE, 3 oct. 2006, aff. 475/03, Banca Popolare di Cremona ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 817.

    * 214 CJCE, 11 oct. 2007, aff. 283/06, Kogaz et aff. 312/06, Otp Garancia Biztosito, Droit fiscal, 18 octobre, 2007, 42, p.6.

    * 215 Cf. Note 12.

    * 216 Cf. Note 12.

    * 217 Ibid.

    * 218 Arrêt Commission c/ Suède, préc.

    * 219 Arrêt Commission c/ Danemark, préc.

    * 220 Arrêt Commission c/ Belgique, préc.

    * 221 http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/constitution.asp

    * 222 CE, ass., 30 oct. 1998, n°200286 et 299287, Sarran, Levacher et a : JurisData n°1998-0501062.

    * 223 DC 2004-505 du 19 novembre 2004, Rec., p.173 ; CHAMPEIL DESPLATS Véronique, commentaire de la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-505 du 19 novembre 2004 relative au traité établissant une Constitution pour l'Europe, Revue trimestrielle de droit européen, 2005, pp. 557-580.

    * 224 Cass.mixte, 23 mai 1975, Cafés Jacques Vabre, Bull. civ., n°4, p.6.

    * 225 Cf. Note 12.

    * 226 CJCE, 6 oct. 1976, aff 12/76, Tessili, rec., p. 1473, point 9.

    * 227 P. de FREMINET, « La communauté européenne dispose-t-elle d'un véritable juge fiscal? », Revue de Droit fiscal 2007, 21 juin 2007, n°25, pp. 6-12.

    * 228 CJCE, 27 fev. 1962, Commission c/Italie, aff. 10/61 ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 41.

    * 229 CJCE, 27 sept. 1988, aff. 235/87, Matteucci, Rec., p. 5589.

    * 230 CJCE, 26 janv. 1986, aff. 270/83, Commission c/ France, Rec., p. 285.

    * 231 CJCE, 12 mai 1998, aff. 336/96, époux Gilly; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 41.

    * 232Cf. Note 12.

    * 233 CJCE, 11 août 1995, aff. C-80/94, Wielockx ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 209.

    * 234 CJCE, 12 déc. 2002, aff. C-385/00, De Groot : Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 181.

    * 235 Arrêt Denkavit international, préc.

    * 236 C. ACARD, «  Jurisprudence communautaire en matière d'impôts directs », BD 2007, n°115, pp. 74-78.

    * 237 CJCE, 5 juill. 2005, aff. C-376/03, D. ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 49.

    * 238 CJCE, 27 fév. 1962, aff. 10/61, Commission c/ Italie, préc. ; CJCE, 28 mars 1995, aff. C-324/93, The Queen and Secretary of state for the Home department, Rec. I, p. 595.

    * 239 CJCE, 21 septembre 1999, aff. 307/97, Cie de Saint Gobain ZN ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 240.

    * 240 CJCE, 5 nov. 2002, Commission c/ Royaume-Uni, accords de « ciel ouvert », C 466/98 ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 50.

    * 241 CJCE, 30 avr. 1974, aff. 181/73, Haegemann, Rec., p. 449.

    * 242 Cf. Note 12.

    * 243 L. OLLEON,  « Déductibilité des intérêts, traité de Rome et conventions fiscales » Revue de Jurisprudence Fiscale 2003, n°3, p. 191-194.

    * 244 Cour AELE, 23 nov. 2004, aff. E-1/04, Fokus Bank ASA ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 554.

    * 245 Arrêt Manninen, préc.

    * 246 Arrêt A préc.

    * 247 CJCE, 23 fév. 2006, aff. C-513/03, Héritiers van Hilten-van der heidjen ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 489.

    * 248Arrêt Bachmann, préc.

    * 249Arrêt Manninen, préc.

    * 250Arrêt Mark & Spencer PLC, préc.

    * 251 Cf. Note 222.

    * 252 Cf. Note 222.

    * 253 Cf. Note 222.

    * 254Arrêt Manninen, préc.

    * 255 Cf. Note 222.

    * 256 Ibid.

    * 257 Cf. Note 222.

    * 258 Ibid.

    * 259 Ibid.

    * 260 Arrêt Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, préc.

    * 261 Cf. Note 222.

    262 Arrêt Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, préc.

    * 263 Cf. Note 222.

    * 264 Cf. Note 222.

    * 265 T. LAMBERT, « L'influence de la jurisprudence communautaire sur le contentieux fiscal : le cas de France », Revue du Marché commun et de l'Union européenne 2008, juillet-août 2008, n°520, pp. 461-469.

    * 266 CJCE, 5 février 1963, aff 26/62, Van Gend en Loos ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 4.

    * 267 Ibid.

    * 268 D. BLAISE, «  De l'utilité de la ``notion autonome du droit communautaire'' en droit fiscal », Bulletin fiscal Francis Lefebvre, 2007, n°3, pp.214-216.

    * 269 CJCE, 11 janvier 2001, aff. 79/99 Commission c/ France, RJF, 2001, 4, comm. 575.

    * 270 CJCE, 26 mai 2005, Kingrest Associates Ltd c/ Commissioners of Customs & Excise, Revue de Jurisprudence fiscale, 2005, 8-9, comm. 984.

    * 271 Arrêt Skandia, préc.

    * 272 CJCE, 3 mars 2005, aff. 428/02, Fonden Marseliborg Lystadehavn, Revue de jurisprudence fiscale, 2005, 5 comm. 517.

    * 273 Cf. Note 259.

    * 274 CE, avis 6 juillet 1994, req. 156708, Sté des autoroutes du nord et de l'est de la France, Revue de jurisprudence fiscale, 1994, 10, comm. 1084.

    * 275 Cf. Note 260.

    * 276 « Un pouvoir autonome de dépenser implique le pouvoir de prélever les taxes de la façon désirée » : G. BELANGER, « Le fédéralisme fiscal et l'harmonisation », RFFP, n°20, 1987.

    * 277P. de FREMINET, « La communauté européenne dispose-t-elle d'un véritable juge fiscal? », Revue de Droit fiscal 2007, 21 juin 2007, n°25, pp. 6-12.






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