Université de Paris 8
U. F. R. de Psychologie
Pratiques Cliniques et Sociales
MÉMOIRE DE MASTER 1
Etude de Psychologie Clinique et
Pathologique
Approche ethnopsychiatrique du malade
réanimé :
Réhabiliter l'esprit dans les pratiques de
soins
Présenté par :
Véronique DI MERCURIO
Sous la direction de
Françoise Sironi Session de février
2007TABLE DES MATIERES
RÉSUMÉ 4
INTRODUCTION 5
IELABORATION THEORIQUE DU PROBLEME 6
I.1ETAT DES LIEUX DES RECHERCHES EN PSYCHOLOGIE SUR LA
RÉANIMATION 6
I.1.aApproches athéoriques
épidémiologiques 6
I.1.bApproches cognitives « Health
Psychology » 6
I.1.cApproche psychobiologique : notion de ROPA de H.
Laborit 6
I.1.dApproches cliniques d'inspiration psychanalytique en
France 7
I.1.eApproches sociales : l'anthropologie
médicale 7
I.1.fQue retenir de ces recherches ? 8
I.2LA RÉANIMATION MÉDICALE AUJOURD'HUI 8
I.2.aDescription des pratiques et des malades dans un service
représentatif 8
I.2.bLa réanimation comme événement
traumatique : un point de départ 8
I.2.cFacteurs traumatogènes de la réanimation
médicale 10
Facteurs environnementaux 10
Facteurs d'agression corporelle 10
Un facteur particulièrement saillant : l'intubation
trachéale 10
I.3LA REANIMATION COMME PRATIQUE DANS SON CONTEXTE CULTUREL
11
I.3.aLa relation entre mutation d'une culture et psychologie
individuelle 11
Intégrer un regard culturel à l'étude des
souffrances psychiques 11
La notion de défenses culturelles 11
I.3.bSources historiques de la réanimation comme
pratique 11
Antiquité et Moyen-âge 11
De la renaissance au début du 20e siècle 11
Début de l'institutionnalisation de la réanimation
11
I.3.cOrigine du terme de
« réanimation » 12
Le concept de « réanimation » 12
I.3.dLa réanimation comme moment de transformation
psychique 12
Rappel sur la notion de rite de passage 12
I.3.eDe la réanimation médicale au concept de
« Souffle Vital » 13
I.4LA NOTION DE SOUFFLE VITAL 13
I.4.aOrigines des théories du vivant 13
I.4.bConception des sociétés traditionnelles
13
Afrique noire 13
Religions et médecines traditionnelles d'Asie (VALLET,
1999 ; ELIADE, 1958) 13
I.4.cConceptions du « Souffle Vital »
dans les fondements des cultures occidentales 14
Les Babyloniens 14
Egypte ancienne 14
La Bible 14
Les Grecs : coexistence des conceptions dualistes et
monistes 14
IIENONCE DES HYPOTHESES 16
II.1ELABORATION DES HYPOTHÈSES 16
II.1.aSur les pratiques de soins médicaux 16
II.1.bSur les théories pour interpréter le
vécu des malades réanimés 16
II.1.cSur la méthode psychothérapeutique
16
IIIMETHODOLOGIE 16
III.1SPÉCIFICATION DES HYPOTHÈSES EN CRITERES
D'ANALYSE 16
III.1.aHypothèse 1 : Une plus grande
technicité médicale génèrerait des souffrances
psychiques plus profondes 16
III.1.bHypothèse 2 : Le vécu des malades
de réanimation correspondrait à une transformation psychique qui
peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de passage.
17
III.1.cHypothèse 3 : La position de
patient-expert permettrait de terminer le processus de transformation psychique
par une restructuration psychique. 17
III.2CONSTITUTION DES GROUPES DE SUJETS 17
III.3LES SUJETS 18
III.4LA MÉTHODE D'ENTRETIEN 21
Phase préliminaire sur le lieu de recherche 21
Méthode d'entretien ou méthode
thérapeutique ? 21
Guide d'entretien semi-dirigé 21
Vérification des critères de scientificité
21
IVCOMPTE-RENDU DES RÉSULTATS 22
IV.1.aHypothèse 1 : Une plus grande
technicité médicale génèrerait des souffrances
psychiques plus profondes 22
Analyses des signes cliniques 22
Comparaison intergroupe des signes cliniques : 44
Commentaire sur les comparaisons intergroupe des
mécanismes de défense : 44
Comparaison des analyses thématiques d'entretiens 44
IV.1.bHypothèse 2 : Le vécu des malades
de réanimation correspondrait à une transformation psychique qui
peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de passage.
45
IV.1.cHypothèse 3 : La position de patient-expert
permettrait de terminer le processus de transformation psychique par une
restructuration psychique. 48
VINTERPRETATION DES RESULATS 51
V.1HYPOTHÈSE 1 : UNE PLUS GRANDE TECHNICITÉ
MÉDICALE GÉNÈRERAIT DES SOUFFRANCES PSYCHIQUES PLUS
PROFONDES 51
V.2HYPOTHÈSE 2 : LE VÉCU DES MALADES DE
RÉANIMATION CORRESPONDRAIT À UNE TRANSFORMATION PSYCHIQUE QUI
PEUT SE CONCEPTUALISER PAR LA NOTION ANTHROPOLOGIQUE DE RITE DE PASSAGE. 51
V.3HYPOTHÈSE 3 : LA POSITION DE PATIENT-EXPERT
PERMETTRAIT DE TERMINER LE PROCESSUS DE TRANSFORMATION PSYCHIQUE PAR UNE
RESTRUCTURATION PSYCHIQUE. 52
LEXIQUE DES TERMES MEDICAUX 54
BIBLIOGRAPHIE 56
ANNEXES 60
résumé
La réanimation médicale, à la fois
pratique et lieu de soins, s'adresse aux malades qui se trouvent en situation
de défaillance des fonctions vitales. C'est une pratique récente,
apparue dans la seconde moitié du XXe siècle et qui s'inscrit
dans l'évolution économique et technologique des pays
Occidentaux. Une étude de la psychologie des malades hospitalisés
en réanimation médicale, au-delà des aspects cliniques,
concerne aussi les aspects culturels et sociaux, ce que permet l'approche
ethnopsychiatrique.
Le contexte d'urgence vitale et le danger de mort justifient
de centrer l'étude sur les effets psychologiques produits par la
situation plutôt que d'étudier le lien entre personnalité
et maladie comme le font les approches classiques en psychologie de la
santé.
Le modèle du traumatisme psychique est employé
dans l'étude comme un présupposé.
La problématique du vécu des malades de
réanimation y est étudiée selon 3 aspects avec 3
hypothèses correspondantes :
1) Concernant les pratiques de soins de réanimation,
celles-ci sont-elles associées et impliquées dans des souffrances
psychiques de type traumatique ?
2) Concernant les théories d'interprétation,
est-ce que les notions de « rite de passage » et de
« conflits culturels » rendent mieux compte de la
psychologie des malades de réanimation que les théories
classiquement employées en psychologie clinique ?
3) Concernant la méthode de soutien au niveau
psychologique des malades, est-ce qu'une approche qui positionne le malade en
situation d'expert procure un bénéfice psychique ?
L'étude s'appuie sur les observations et l'analyse des
entretiens de 14 sujets. Tous ont été suivis lors de
l'événement de défaillance vitale et 11 ont pu participer
à des entretiens de recherche après leur prise en charge en
réanimation médicale.
Les sujets : un groupe de recherche de 9 patients qui ont
été réanimés au moyen des techniques invasives avec
ventilation mécanique et intubation trachéale et un groupe
contrôle de 5 patients qui ont été réanimés
avec une technique non invasive dont un masque pour la part respiratoire.
Les résultats ont montré que les 3
hypothèses sont bien vérifiées.
1) Parmi les malades réanimés par techniques
invasives, 8 sujets sur 9 ont bien vécu un événement
traumatique et ont montré des signes de stress aigu lors de cet
événement, contre seulement 2 sujets sur 5 parmi des malades du
groupe contrôle.
2) La notion anthropologique de « rite de
passage » explique le phénomène de transformation
psychique mis en évidence dans les entretiens. Le conflit se situe entre
un individu qui tente de défendre son intégrité psychique
contre des techniques produisant du traumatisme psychique.
3) La position de patient-expert favorise la restructuration
psychique grâce à l'activation de la capacité narrative
propre à toute identité.
L'interprétation des résultats d'un point de vue
socioculturel a soulevé les réflexions suivantes :
- L'état confusionnel peut s'expliquer d'un point de
vue psychogène car les effractions corporelles sont intimement
reliées aux effractions psychiques,
- La réanimation génère une situation
paradoxale qui s'appuie sur une conception dualiste et clivée des
relations corps et esprit. L'élimination de l'esprit des pratiques
produit une souffrance psychique.
- La notion de rite de passage permet de décrire et
comprendre le traumatisme psychique comme une transformation, avec une phase de
déstructuration et une phase de restructuration.
- Bien que ressemblant à un rite, la pratique de soin
de réanimation ne s'inscrit pas dans une tradition culturelle mais dans
une institution, avec laquelle les individus soignés peuvent entrer en
conflit.
- La forme d'entretien qui place le malade en position
d'expert qui favorise le récit et la transmission de savoir permet
d'activer une capacité d'auto guérison liée à la
spécificité de l'identité narrative.
Des suggestions concernant les pratiques de soins ont
été proposées :
- La réflexion éthique commune sur la mort entre
équipes de réanimation et équipes de soins palliatifs.
- La formation des équipes soignantes à une
relation d'aide dégagée de toute théorie psychologique
inadaptée à la situation et centrée sur une vision du
malade-expert.
INTRODUCTION
"L'existence est rare. Nous sommes constamment, mais nous
n'existons que quelquefois, lorsqu'un véritable événement
nous transforme."
Henri Maldiney
La réanimation médicale concerne les personnes
dont la vie est en danger et risque de s'achever à la suite d'une
défaillance soudaine d'une de leurs fonctions vitales. Elle
s'intègre dans une politique de la gestion de la santé publique
dans nos sociétés occidentales et modernes où depuis un
peu plus de 50 ans les moments limites de début et de fin de vie, des
périodes de la vie qui appartenaient au domaine privé, sont
désormais pris en charge de manière collective par les
institutions de santé publique. Une enquête Nationale (SAR-Samu,
1994) révèle ainsi que 2 personnes sur 3 décèdent
dans un établissement hospitalier, dont notamment 3 personnes sur 4 sans
la présence de la famille. Cette situation a été
dénoncée comme une désocialisation des mourants (L. V.
THOMAS, 1978) liée à une interdiction et un escamotage de la mort
de nos proches dans nos sociétés occidentales (ARIES, 1975)
depuis le début du 20e siècle.
Depuis environ 20 ans, de nombreux débats montrent que
les questions de la fin de vie, des états critiques de santé et
la manière dont ils sont pris en charge sont devenues un sujet de
préoccupation de plus en plus présent dans l'opinion publique. En
témoigne notamment l'intérêt populaire pour les
séries télé (« Urgences »), la
médiatisation à outrance des événements touchant
à la mort brutale (épidémie, maladies nosocomiales et
canicule), mais également la multiplication de procédures
judiciaires contre le corps médical auquel on demande de plus ainsi
d'assumer la responsabilité des conséquences irréversibles
ou de l'issue tragique lors des hospitalisations.
Or, le système de soins dont chacun
bénéficie est aussi celui que la société s'est
choisie. Mais ce choix s'est-il effectué en tenant compte de toutes les
conséquences que cela impliquait sur la condition humaine de
l'homme moderne ?
Moment de la naissance et moment de la mort sont ainsi
actuellement traités comme des maladies, d'un point de vue
médical. Des aménagements ont certes permis de restaurer un
certain confort privé dans les maternités et des associations
revendiquant la réhabilitation de l'individu en fin de vie ont
été à l'origine de la création d'unités de
soins palliatifs.
Il reste pourtant dans les unités d'urgence et de
réanimation des situations de maladie aigue et d'urgence où la
prise en charge de la survie biologique prime sur le souci de l'état et
du confort psychologique du patient. A la brutalité de la
défaillance vitale peut s'ajouter celle de l'agression des soins
très lourds de restauration des fonctions vitales.
Le personnel médical dédit ses ressources
techniques et ses compétences à un combat au nom du patient,
voire malgré le patient pour repousser le moment de la mort. La Loi sur
les Droits des Malades en fin de vie (Loi Léonetti, 2005) a en effet
établi que la situation d'urgence constitue une exception au droit de
choix du malade à accepter ou renoncer au traitement, le
déclarant en l'occurrence incapable. Auparavant, des
aménagements favorisant le confort psychique du malade en
réanimation ont été introduits dans les décrets en
2002. On peut néanmoins s'interroger sur les réactions brutales
et agressives lorsqu'on observe en réanimation médicale une
proportion significative de tentatives d'auto-extubation (arrachement du
dispositif d'assistance respiratoire), parfois répétées,
aux conséquences souvent mortelles et dont les soignants portent la
responsabilité. Ce genre d'accident représente la cause directe
d'une part importante de la mortalité dans ces services.
Des discours multiples et contradictoires de la part des
médecins, soignants, malades et familles se rencontrent et
s'entrechoquent dans des paradoxes insolvables. La situation de
réanimation est décrite par les familles à la fois comme
une « renaissance » et une « torture »,
un « passage obligé » et une
« prison » subie contre sa volonté, les
médecins réanimateurs, les soignants eux-mêmes se
représentent comme « sauveurs » ou
« meurtriers », et l'observateur hésite entre une
situation de fin de vie ou de vie préservée - il n'existe
d'ailleurs aucune statistique officielle concernant le devenir des malades de
réanimation pour trancher cette dernière question.
Afin de ne pas rester piégés dans ces paradoxes,
ce mémoire propose d'aborder la clinique des malades de
réanimation avec une approche ethnopsychiatrique qui permet un recul
supplémentaire du chercheur par rapport à ses propres conceptions
théoriques et culturelles. Habituellement appliquée dans les
champs qui confrontent les psychologues à l'altérité, la
même démarche peut s'appliquer à des situations sociales
nouvelles par rapport à l'histoire d'une culture, confrontant tout une
population à de nouvelles formes de deuils.
Elle permet également, plutôt que de porter le
regard sur la pathologie, le remède, ou la prévention qui ne fait
qu'additionner de nouveaux facteurs et de complexifier le problème, de
repenser les pratiques et les théories. (SIRONI, 1997)
La réanimation sera donc vue, dans notre point de vue,
considérée comme une pratique de soins en mutation technique
permanente, propre à une culture elle-même en mutation, impliquant
des transformations profondes à la fois dans la société,
par l'attitude face à la mort qu'elle induit et des transformations
psychiques profondes des acteurs, soignants, malades et familles avec le risque
de nouvelles formes de souffrance que notre culture n'a pas encore appris
à gérer.
Cette étude portera sur la manière
d'aborder cliniquement les malades de la réanimation eux-mêmes
pris dans un paradoxe extrêmement angoissant d'une situation à
l'extrême de la vie et de la mort.
I ELABORATION THEORIQUE DU PROBLEME
I.1 ETAT DES LIEUX DES
RECHERCHES EN PSYCHOLOGIE SUR LA RÉANIMATION
I.1.a Approches athéoriques
épidémiologiques
Depuis environ 20 ans, différentes études
épidémiologiques ont mis en évidence la prévalence
importante de séquelles psychologiques à la suite
d'hospitalisations en réanimation. Ces études évaluent
l'état psychologique des malades à partir des
critères diagnostics du DSM-IV : anxiété,
dépression, troubles dissociatifs, syndrome de stress
post-traumatique.
Tableau récapitulatif des études récentes
en Europe
Etudes sur les patients
|
Pays
|
Sujets
|
Anxiété
|
Dépression
|
Délire
|
Stress post-traumatique
|
STOLL et col. 1999
|
Allemagne
|
Intubés, ventilés, coma
|
|
|
|
Après 2 ans :
40 % après choc septique
14 % après opération cardiaque
|
POCHARD et col., 1999
|
France
|
43 malades
Intubés, ventilés.
|
50%
|
100%
|
70%
|
|
SWAISS et col. 2004
|
Jordanie
|
55 malades intubés, ventilés
|
68 %
|
|
|
|
CUTHBERSTON et col. 2004
|
Royaume-Unis
|
Tout malade
|
|
|
|
22 % après 3 mois
|
GRANBERG et al. 2002
|
Suède
|
19 Malades ventilés, chute d'hémoglobine
|
|
|
100%
|
|
CAPUZZO et col., 2005
|
Italie
|
Tout malade
|
|
|
|
5 %
|
Toutes les études (sauf une) montrent une
prévalence importante d'anxiété, de dépression, de
délire et de syndrome de stress post-traumatique. Ces troubles
entraînent des séquelles à long terme qui se mesurent par
la diminution de la qualité de vie, du sommeil, de la capacité
à travailler, ou de prendre du plaisir dans des activités
(PATTISON, 2005).
De nombreuses études complémentaires
auprès des familles, (AZOULAY et groupe FAMIREA, 2001 à 2005,
POCHARD, 1995) ont permis de proposer des améliorations concernant le
confort psychique des malades et des familles recommandant une attitude de soin
plus globale. Les efforts portent par exemple sur la communication entre
familles et soignants. (POTTECHER, 2001).En France, la juridiction (DECRETS,
2002) prévoient d'intégrer un psychologue aux équipes
soignantes, ainsi que l'aménagement d'heures de visite, d'une salle
d'attente et d'un lieu de réunion familles et médecins.
Quelques études de ce courant poussent encore plus loin
les recherches, car elles portent directement sur des transformations des
pratiques pour améliorer le confort psychique des malades, malgré
les rigidités des systèmes (sécurité,
responsabilités) et des mentalités culturelles (croyance de
l'existence de la famille anxiogène):
· La participation de la famille aux tournées des
médecins aurait pour effet de diminuer le stress, l'hostilité des
familles envers les soignants, et d'augmenter le sentiment de satisfaction des
familles, surtout des parents. De plus, l'auteur souligne le succès de
l'étude auprès de l'équipe soignante car non seulement
elle a pu être menée, surmontant les réticences des
équipes soignantes, mais celles-ci ont modifié leurs attitudes
face aux familles. (SCHILLER et coll., 2003).
· Les visites non-restrictives de la famille ont
été tentées en Italie, et il a été
montré que les complications cardio-circulatoires diminuaient depuis que
la famille peut visiter le malade à son gré. Ceci s'explique par
une réduction de l'anxiété confirmée par une
augmentation réduite de l'hormone stimulant la glande thyroïde
à la sortie. (FUMAGALLI et coll. 2006)
I.1.b Approches cognitives « Health
Psychology »
Concernant les malades, des études centrées sur
la réduction de l'angoisse par le soutien des stratégies de
coping ou la réduction des agents stresseurs maîtrisables
(BRUCHON-SCHWEITZER, 2002) ont démontré que les
informations préparatoires sont les plus importantes pour réduire
l'angoisse des malades. (SCOTT, 2004)
A la suite du constat de souffrance psychique des soignants
par surmenage (« Burning-Out ») de nombreuses
études cliniques ont été menées ces
dernières années, faisant de ce thème un classique de la
psychologie du travail dans le domaine de la santé. Elles ont abouti
à de nombreuses mesures d'aménagement de l'organisation du
travail des soignants. (CALDWELL, 1981, WALLYMAHMED, 1993) et
particulièrement pour la réanimation à mettre en
évidence un type de personnalité dite résistante
(« hardiness ») chez certains soignants qui au contraire
des autres, passent la plupart de leur carrière dans le même type
de service sans envie d'en changer. (DAINES, 2000)
I.1.c Approche psychobiologique : notion de ROPA de H.
Laborit
Pour H. Laborit, la réanimation consiste à
rétablir la situation écologique en sacrifiant si
nécessaire l'homéostasie. La réanimation est alors un
moment transitoire où le thérapeute doit régler le
traitement en fonction du besoin de l'organisme, plutôt que d'agresser
l'organisme et risquer de provoquer une réaction mortelle. (Encyclopedia
Universalis)
Les travaux de H. Laborit sur la ROPA (réaction
organique post-agressive) ont été lentement pris en compte dans
l'anesthésie et la réanimation françaises. En 1960, H.
Laborit se heurte à des difficultés de publication de ses travaux
en physiologie sur les situations d'urgence menaçant à court
terme les fonctions vitales et crée le journal Agressologie.
La ROPA est basée sur le principe d'une réaction
de l'organisme à une lésion, ou une agression chirurgicale qui
peut provoquer un état de choc qui mène à la mort. Elle
déclenche une irrigation préférentielle du cerveau, du
coeur et des muscles pour une préparation à l'action de lutte ou
à la fuite impossible, au détriment des autres parties du corps
qui peuvent manquer d'oxygène. Elle serait liée à l'axe
hypothalamo-cortico-surrénalien et au système nerveux
végétatif sympathique et la sécrétion
corticosurrénalienne. Lors d'une intervention thérapeutique
agressive, l'inhibition de ce mécanisme par neuroleptique permet
d'éviter l'état de choc mortel.
Le concept de ROPA est à différencier de celui
de Stress de Selye, car il concerne une agression brutale et subite, auquel le
sujet ne s'attend pas, tandis que le concept de Stress concerne les impacts des
changements courants de la vie quotidienne mais qui peuvent poser
problème par leur intensité ou leur fréquence.
Dans le cas de la réanimation, la ROPA peut expliquer
les vulnérabilités aux infections par la défaillance du
système immunitaire ou l'aggravation des défaillances
malgré les soins de maintient des fonctions vitales, ainsi que les
agitations de type agressive en réveil toujours concomitantes avec des
aggravations de l'état fonctionnel global.
I.1.d Approches cliniques d'inspiration psychanalytique en
France
Fondé en 1990, le REIRPR (Réseau Européen
Interdisciplinaire de Recherche sur la Psychologie et la Réanimation)
à la suite d'un Colloque INSERM publié dans la revue
Agressologie, a pour vocation de favoriser les échanges entre
psychologie et réanimation, et publie des recherches en psychologie sur
la réanimation.
Ces études proposent une compréhension du
vécu du malade comme un état semblable à la névrose
traumatique s'accompagnant de troubles dissociatifs avec déformation de
la réalité, sentiment de persécution, délires et
interprétations erronés des paroles de soignants,
accentuée par le caractère psychopathogène de
l'environnement et des soins. (GROSCLAUDE, 2002) Les approches des chercheurs
de ce groupe font référence aux développements
théoriques concernant la constitution précoce du Moi : le
stade archaïque schizo-paranoïde postulé par Mélanie
Klein, la notion de Moi-Peau (ANZIEU, 1997), les agonies primitives
étudiées par Winnicott, les états originaires de Bion ou
la potentialité psychotique d'Aulagnier (DE MIJOLLA-MELLOR, 1998,
AULAGNIER, 1975) pouvant mener à la mort mais contenant aussi un statut
d'autoréparation (SPOLJAR, 2002, 2004).
Une autre approche psychanalytique, inspirée par les
travaux de Lacan et de Freud est développée par Philippe
GAZENGEL, co-président d'AML (Association pour le Maintien du Lien
psychique en soins intensifs). Cette association soutient des actions de
psychothérapeutes de formation analytique dans des services de
réanimation, auprès des malades. Dans son ouvrage, P. Gazengel
soutient que des causes environnementales sont en cause en jeu
réanimation et peuvent provoquer le désespoir, qui entraîne
la folie et la mort chez le malade. « La technique
impérieuse et lourde des soins nécessaires à conserver la
vie expose le malade que nous serons peut-être à disparaître
comme sujet». (GAZENGEL, 2002, page 9) Les modèles
théoriques retenus s'inspirent de la relecture des textes de S. Freud
par J. Lacan, et concernent la régression psychique vers un état
de jouissance qui peut être mortelle. Elle se rapproche des états
psychotiques avec des états de conscience fragmentés et des
réactivations de souvenirs de persécutions. Celles-ci sont
supposées se passer dans la toute petite enfance au moment de la
structuration du Moi par les expériences corporelles et visuelles. Le
coma est comparé à « un univers qui réactive
aussi bien l'imago de la mère primitive pleine et toute-puissante, et
donc persécutive. » (GAZENGEL, 2002, page 75)
I.1.e Approches sociales : l'anthropologie
médicale
L'anthropologie médicale repose sur le postulat que la
maladie est un fait universel mais qui est gérée et
traitée suivant des modalités différentes selon les
sociétés, elles-mêmes liées à des
systèmes de croyances et de représentations propres à leur
culture.
La théorie des rites de passage en
réanimation a été étudiée sur le
terrain avec une méthode ethnologique demandant l'implication du
chercheur sur une longue période de temps afin de comprendre les
théories sous-jacentes aux pratiques comme la possibilité de
pouvoir guérir les malades par la maîtrise scientifique des
aspects purement biologiques de la vie. Ces théories négligent
souvent l'aspect psychologique du malade, ce qui fait de la réanimation
une « désanimation » (POUCHELLE, 1996). Elles
révèlent une logique du sacrifice, de la punition, du silence, de
la lutte contre la maladie, la nécessité de la violence qui
entraîne l'abandon du malade à l'institution, traumatisante pour
le malade comme pour les familles. (POUCHELLE, 2003)
I.1.f Que retenir de ces recherches ?
Concernant la théorie choisie pour
étudier les effets psychiques de la réanimation
Toutes les études sont unanimes pour associer le
vécu des malades de réanimation à une expérience
traumatique qui va entraîner des séquelles psychiques et d'origine
psychique, se superposant aux séquelles neurologiques d'origine
lésionnelle.
Seules les études d'orientation psychanalytiques
s'intéressent aux facteurs personnels de résistance ou de
résilience au traumatisme psychique, et insistent sur la relation entre
le corps et l'esprit, dont les expériences sont intimement liées.
Néanmoins, ces modèles
théoriques psychanalytiques possèdent une limitation
culturelle : le postulat d'une Pulsion de Mort qui s'oppose à une
Pulsion de Vie est sous-tendu par une vision de la vie comme activité en
termes d'opposition avec un état de stase, d'immobilité, à
la fois dans les pulsions à l'origine de la vie psychique comme de la
vie biologique (FREUD, 1920). Cette vision s'appuie sur une philosophie
dualiste et manichéenne du rapport entre la vie et la mort par analogie
à l'opposition Bien et Mal, « où l'Ange de la vie
et l'Ange de la mort enlacés l'un à l'autre luttent corps
à corps l'un contre l'autre et pour l'éternité dans le
moindre brin de matière comme dans les plus sophistiquées des
créations humaines » et « cette cosmogonie
freudienne est présentée par son auteur comme la théorie
même de la clinique psychanalytique ... vient se substituer aux
théories précédentes. » (MENDEL, 1998, p.
48)
Ce choix philosophique est un des sujets de débat
épistémologique au sein même des écoles de
psychanalyse qui tentent chacune à leurs manières de faire
évoluer les concepts métapsychologiques tout en maintenant une
base commune à la psychanalyse.
L'emploi des théories psychanalytiques demande donc de
bien connaître ces questions et c'est la raison pour laquelle nous
n'avons pas retenu la théorie psychanalytique pour cette
étude.
Toutefois, parmi les travaux récents, nous pouvons
citer le concept de « Violence défensive primitive »
(BERGERET, 1994) dont l'objet est indifférencié et la
finalité ni bonne, ni mauvaise, mais défensive afin de
protéger un narcissisme primaire. Ce concept répondrait mieux aux
observations cliniques des situations de violence chez l'enfant et
l'adolescent. Il semble également proche de la situation du malade de
réanimation.
Nous verrons dans la partie I.2 comment une démarche
ethnopsychiatrique, inspirée des démarches ethnologiques et
anthropologiques, permet aussi de surmonter les a priori contenus dans les
théories.
Concernant la population
étudiée
Les études citées précédemment se
sont intéressées surtout aux cas de comas prolongés
liés à des traumatismes crâniens et ou à la
neurochirurgie. Les malades passent par des états lents et progressifs
de récupération de la conscience qui laissent des traces
témoignant d'un fonctionnement psychique proche de celui supposé
à la part inconsciente du psychisme par les théories
psychanalytiques, avec des états proches de ceux de la régression
psychique observée dans certaines psychoses.
Dans le service de réanimation médicale sur
lequel s'appuie la présente étude, les malades ne souffrent pas
de lésions neurologiques, ni de traumatismes physiques d'origine
accidentelles et les malades survivants ne restent pas longtemps dans le coma
(pas plus de quelques jours). Ils reprennent conscience relativement vite et
restent conscients pendant tout le séjour en réanimation,
témoins de tous les soins. Ils sont en mesure, une fois la
capacité de parole restaurée, de témoigner, d'expliquer
leur vécu, et parfois même, avec beaucoup d'efforts,
réussissent à communiquer par gestes ou en écrivant sur
une ardoise, quand la parole est impossible pour eux. Pourtant, nous avons
relevés dans un premier temps d'observation des réactions
agressives, des vécus de persécution, des refus de soin et actes
de retraits des éléments de soins nécessaires à la
survie, des attitudes apathiques, des états extrêmes d'angoisse,
des délires, etc... Toutes ces observations évoquent des
états traumatiques liés à des situations extrêmes.
La partie suivante approfondira la situation de réanimation
observée.
I.2 LA
RÉANIMATION MÉDICALE AUJOURD'HUI
I.2.a Description des pratiques et des malades dans un service
représentatif
La réanimation est une technique institutionnelle
récente et se définit comme une « discipline
médicale nouvelle qui comporte l'ensemble des gestes
thérapeutiques destinés à conserver un équilibre
humoral aussi proche que possible de la normale au cours des états
morbides aigus, qu'elle qu'en soit la nature. » (HAMBURGER,
1954) Aujourd'hui, après plus de 50 ans d'expérience, les
règles de pratiques sont relativement standardisées et
stabilisées grâce aux nombreuses recherches et échanges en
occident.
Les médecins de réanimation médicale
actuels sont les mieux rémunérés des médecins
hospitaliers, aux compétences à la fois les plus
générales et les plus approfondies. Leur formation est la plus
longue car elle dure 5 ans en complément d'une première
spécialité.
Les malades admis dans un service de réanimation
médicale sont « recrutés » selon des
critères précis définis par les sociétés de
réanimation (SFAR : Société Française
d'Anesthésie et de Réanimation, SFRL : Société
de Réanimation de Langue Française, GFRUP : Groupe
Francophone de Réanimation et Urgences Pédiatriques, SFMU :
Société Française de Médecine d'Urgence), à
la fois pour lui permettre une récupération optimale et
éviter l'acharnement thérapeutique inutile. Concernant la
réanimation médicale, elle n'admet que des malades ayant subi des
défaillances vitales d'origine fonctionnelle et non-traumatiques, ne
nécessitant ni chirurgie générale, ni chirurgie
neurologique. (Pathologies prises en charge en Annexe A1)
Pour le malade de réanimation, tout est mis en oeuvre
pour le faire survivre et son admission sous-tend cette possibilité, ce
qui explique la réticence devant une pratique des soins palliatifs en
réanimation. Il arrive en urgence, a déjà subi les actes
de premiers secours avec succès mais son état est toujours
instable. Il faudra encore 20 minutes à un infirmier et un
médecin pour installer le malade dans son lieu de soin, relier ses
fonctions vitales aux machines de maintien cardio-respiratoire et tenter de
stabiliser son état physiologique. Les malades de la réanimation
médicale qui survivent ne restent pas longtemps dans le coma, et
arrivent souvent conscients dans le service. Ils se souviennent des impressions
de mort imminente et de défaillances vitales malgré des
états confusionnels temporaires qui s'accompagnent de délires,
cauchemars ou hallucinations.
Nous avons remarqué que le critère essentiel de
sortie, une fois toutes les autres fonctions stabilisées, repose sur
l'autonomisation de la fonction respiratoire, dit
« sevrage » ventilatoire. Pendant toute la période
de sevrage, le malade est soumis tous les matins aux tests de ventilation
spontanée et à l'inconfort d'une respiration déficiente en
cas d'échec du test. Dans le cas d'un échec de sevrage, le malade
peut survivre avec un soutien ventilatoire permanent nécessitant une
trachéotomie, ou partielle par masque, une fois adapté à
un ventilateur mécanique de petite taille, celui-ci pouvant être
installé dans une chambre en hôpital ou au domicile. Selon
l'espérance de survie et la qualité de survie, le malade
stabilisé et l'urgence vitale passée, il sera alors
considéré comme capable de décider d'une limitation de
soins.
A sa sortie du service, le malade survivant aura reçu
un diagnostic et selon celui-ci, sera orienté vers un service de soins
spécialisé, de rééducation ou au domicile.
I.2.b La réanimation comme événement
traumatique : un point de départ
Description de l'expérience de mort
imminente des malades de réanimation
Pour les malades qui restent conscients pendant tout le
processus qui précède l'admission en réanimation, la
défaillance des fonctions vitales a été perçue avec
une vive douleur au niveau de la fonction défaillante, le plus souvent
au niveau du thorax. Le malade conscient a alors la conviction de sa mort
prochaine. La possibilité d'être sauvé oriente les
conséquences de cette conviction vers une réaction psychique sans
doute différente depuis que les secours d'urgence existent. Elle
entraîne un espoir d'avoir la possibilité avec un état de
doute et d'attente angoissante: l'attente de l'arrivée des secours,
doutes sur l'issue des secours lors du transport du malade dans un service
d'urgence et de réanimation. A l'arrivée en service de soins, le
malade est brutalement confronté à un monde inhabituel et
étranger avec des soins agressifs réduisant son corps à
ses fonctions vitales. La récupération d'une conscience claire,
avec ou sans perte de conscience, toujours qualifiée
d' « éveil », mais avec la privation de parole,
de mouvement, la sensation de faiblesse est souvent vécue comme une
expérience d'extrême souffrance psychique.
Cette expérience est semblable à celle
décrite dans la clinique du traumatisme psychique dont le critère
essentiel est la confrontation au « Réel de la
Mort » :
« La rencontre avec le réel ne se fait
jamais parce qu'à sa place se présente une réalité
élaborée dans le réseau des représentations et
subissant ses lois. » « Ce n'est pas ce qui se
passe avec l'image traumatique. Celle-ci pénètre telle quelle
dans l'appareil psychique et ne trouve dans l'inconscient aucune
représentation pour l'accueillir, la lier, la
transformer. » ((LEBIGOT, 2001, page 94)
Mais tandis que les névroses traumatiques sont
provoquées par des événements extérieurs,
marqués par un effondrement du monde environnant, suivi d'un
effondrement psychique puis parfois d'un effondrement biologique, pour les
malades de réanimation, le processus suivrait une logique
inversée : une défaillance vitale interne et biologique est
perçue et s'accompagne de la confrontation avec le danger de mort pour
être suivi de l'effondrement des relations au monde habituel (voir
schéma ci-après) :
Temporalité du
« traumatisme » de réanimation
Nous proposons donc de faire débuter
l'événement traumatique au moment de l'espoir d'être
secouru puis de le prolonger tout au long du doute sur la survie. Il est
également possible de faire un rapprochement entre le vécu des
malades de réanimation et la description phénoménologique
du traumatisme psychique tel que décrit par CROCQ (1999).
Description phénoménologique du
traumatisme psychique de Crocq (1999)
Spécificité de
l'événement
|
Observations et témoignages des
malades
|
Sentiments de frayeur, d'horreur
|
Horreur devant la sensation de mort imminente (asphyxie,
douleur thoracique) « Je peux pas dire. C'est trop ... » et
la conviction de mourir, puis devant les machines de maintien des fonctions
vitales. « machines maudites »
|
Sentiment d'impuissance
|
Impuissance devant la défaillance vitale,
prolongée par l'incapacité de mouvement des soins. « je
ne pouvais rien faire »
|
Absence de secours lors de la confrontation soudaine à
la réalité de la mort pour soi-même ou pour autrui.
|
Doutes sur les secours possibles puis doutes sur le pronostic,
maintien du danger. « ils me disent que tout va bien, mais moi je
sais que c'est pas vrai »
|
La pensée ne peut mobiliser des attributions de
significations à l'expérience
|
La pensée est perturbée pendant tout le temps de
l'hospitalisation avec moments d'absences, interprétation
persécutive, difficultés de concentration. « Tout est
allé très vite, je ne me souviens plus très
bien »
|
Phénoménologie du vécu
traumatique
|
Observations et témoignage des
malades
|
Impression d'avoir changé, d'intrusion d'un
étranger en soi, nostalgie de n'être plus comme avant,
expérience d'être-au-monde contraints et inauthentique
|
Des sentiments de ne plus se reconnaître dans
l'état de malade en réanimation. « on se
reconnaît même plus », « ce n'est pas moi
ça »
|
Bouleversement de la temporalité, temps suspendu
|
Les malades ne savent plus combien de jours s'écoulent,
ne cherchent pas toujours à le savoir, vivent dans le présent.
« le temps est long quand on souffre »
|
Expérience de non-sens avec effondrement de 3
convictions narcissiques : invulnérabilité, protection de
l'environnement, autrui secourable
|
Les malades ne pensaient pas en arriver là, peur de
rentrer chez soi ou de sortir de la réa, secours ressenti quand le
malade accepte les soins et se plie aux exigences des soins.
« tant qu'on est là, la faucheuse
guette »
|
Le concept de « Stress adapté »,
issu du « syndrome général d'adaptation »
(SELYE, 1946), est un état de tension anxieuse modérée qui
permet l'adaptation à la situation (LEBIGOT, 2001, page 95). Il est
largement employé pour modéliser les troubles anxieux en
psychologie de la santé. Pour le vécu des malades de
réanimation, nous préférerons celui de « Stress
dépassé » (CROCQ, 1999) ou « Stress
aigu » (DSM-IV TR) qui représente une angoisse qui submerge
l'individu et peut déboucher sur une psychose délirante
aiguë dans le cas d'un débordement des défenses psychiques
face à la frayeur liée à un événement.
Les observations de l'état psychique des malades peu
après leur arrivée en réanimation et à la fin de
l'état de confusion est comparable à la réaction au Stress
dépassé :
Stress dépassé
|
Observations et témoignages des
malades
|
Sidération, stupeur, aboulie et immobilité,
inhibition motrice, trouble de l'attention, de la mémoire et de la
concentration.
|
Regards de sidération, détournement des yeux,
regards fixes, immobilité complète.
|
Ou Agitation désordonnées
|
Agitation et mouvement désordonnés des mains sur
les draps, vêtements.
|
Ou Fuite panique
|
En impossibilité de mouvement, refus de soins ou
retraits des sondes et tubes par mouvements des mains.
|
Ou Action automatique
Impression de rêver
Déréalisation.
Etats conversifs et psychosomatiques (ulcères
gastro-duodénaux, hypertension)
|
Agrippements aux personnes, draps ou barreaux, tics,
mâchonnements des sondes, tripotements des sondes.
« ce n'est pas vrai, ce n'est pas moi »
Ulcères de stress, réactions dermatologiques,
infections, démangeaisons, crampes.
|
I.2.c Facteurs traumatogènes de la réanimation
médicale
Les études présentées en I.1
suggèrent que les malades subissent un risque traumatique
renforcé par des facteurs environnementaux lors de leur hospitalisation
en réanimation.
Facteurs
environnementaux
Nous avons constaté par l'observation et les premiers
entretiens dont nous avons extrait certaines paroles reprises ci-après
entre guillemets, les facteurs suivants :
· la mortalité élevée de plus de 30
% et le temps moyen de séjour de 12 jours nous font déduire qu'un
patient survivant qui reste environ une semaine verra un de ses voisins de
chambre « sortir les pieds devant ».
· la surveillance permanente (24h sur 24) pendant toute
la durée du séjour montre que le danger de mort n'est pas
éliminé tant que dure l'hospitalisation (métaphore de
« l'épée de Damoclès » souvent
exprimée par les soignants et les malades). Les contraintes de
sécurité liées aux assurances accentuent cette
surveillance car tout accident est attribué au personnel
médical.
· l'air soucieux des soignants et des médecins,
leurs gestes rapides et précis, leur concentration à suivre
scrupuleusement les procédures sont remarquées par les malades
qui en déduisent la gravité de leur état, même s'ils
sont en partie rassurés par les paroles de réassurance et la
réalité du secours, « ils me disent que tout va bien
mais moi je vois bien que ce n'est pas vrai ».
· le bruit est permanent : les machines de
surveillance émettent des signaux sonores, les discussions des soignants
dont le poste de travail n'est pas vitré sont parfaitement audibles,
ainsi que les passages dans l'unité de machines de soins, d'examen, des
lits, et les plaintes des malades voisins.
· la lumière : bien que la lumière des
chambres puissent être réduite la nuit, les voyants lumineux des
appareils de surveillance et les lumières de poste de travail des
soignants sont maintenus la nuit.
· En plus d'être en permanence séparé
de son cadre habituel de vie, le malade est privé des moyens de
maintenir un lien avec l'extérieur. Il ne dispose pas de la
télévision, ni du téléphone et la réception
de la radio par antenne est de très mauvaise qualité. La plupart
des malades s'en plaignent.
· Les appels sont reçus par les soignants qui
transmettent les messages et les familles sont contactées par les
soignants en cas d'aggravation de l'état du malade. Les visites sont
alors acceptées en dehors des heures réglementaires, mais bien
souvent, la famille n'a pas le temps d'arriver au chevet du malade avant son
décès et nous avons alors été témoins de
leur profonde déception s'exprimant souvent par une grande
détresse. Il est alors légitime de se demander si le travail de
deuil n'en sera pas perturbé.
· L'isolement physique: les chambres se trouvent
dans un local inaccessible à toute personne étrangère au
service et les familles ne sont pas admises pendant les soins et hors des
heures de visite de 18 heures à 22 heures. Ces horaires ont
été choisis pour permettre aux proches actifs de rendre visite au
malade en fin de journée. Néanmoins, ils ne conviennent pas aux
personnes âgées. La possibilité de visite est une
amélioration récente car jusque dans les années 80-90, la
réanimation était un lieu totalement fermé aux familles.
Toutefois, des malades ressentent l'enfermement comparable à
l'emprisonnement.
· L'impossibilité d'intimité : les
chambres sont vitrées et les portes restent ouvertes pour permettre la
surveillance et l'intervention en urgence. Les malades sont donc exposés
en permanence aux regards. Pour les malades qui pourraient procéder
eux-mêmes à leur toilette ou soins intimes, il n'y a pas de
cabinet de toilettes dans les chambres et la situation peut être
humiliante, voire inhumaine (« On vit comme des sauvages
ici », « On n'est pas des animaux »). Les
soignants, conscients de la gêne occasionnée chez les malades
autonomes proposent, quand ils en ont le temps accompagnent un malade valide
aux douches ou aux toilettes des parties communes du service.
· Le rythme de repos et de repas est
perturbé : les examens et les soins peuvent avoir lieu la nuit, les
visites de médecins très tôt le matin, des soins pendant
des moments de visite, les repas à des heures inhabituelles par rapport
à la vie courante. Le sommeil, la digestion et la faim sont
perturbés et les malades se plaignent souvent de manquer de repos.
Récemment, des prescriptions sur la prise en compte de
l'environnement familial et psychologique du malade en service de
réanimation ont été introduites par la Loi, mais ces
améliorations s'avèrent minimes car les contraintes de
sécurité tendent à rigidifier les règles :
a. Décret n° 2002-465 : salle s'attente pour
la famille et les visiteurs, salle réservée aux entretiens
particuliers avec les familles, sas d'accès à la zone
d'hospitalisation, chambre à un seul lit.
b. Décret n° 2002-466 : « Art. D.
712-110. - L'établissement de santé doit être en mesure de
faire intervenir en permanence un masseur kinésithérapeute
justifiant d'une expérience attestée en réanimation et
doit disposer, en tant que de besoin, d'un psychologue ou d'un psychiatre et de
personnel à compétence biomédicale. » (Loi,
2002)
c. Désignation d'une personne de confiance
(« surrogate ») comme représentant du
malade et interlocuteur des médecins quand le malade n'est pas en
état d'exprimer lui-même ses choix. La consultation de la personne
de confiance n'étant pas possible en situations d'urgence, celles-ci
font exception.
Les accès ne peuvent effectivement être libres
car les soignants sont peu disponibles pour guider et orienter les visiteurs
toutes la journée, doivent avoir l'accès aux chambres libres et
limiter les apports extérieurs de microbes.
Toute mesure en faveur du confort environnemental perturbe des
règles de travail extrêmement rigoureuses pour des raisons de
sécurité, d'efficacité et d'hygiène.
Facteurs d'agression
corporelle
Les soins et examens du malade en réanimation sont
particulièrement douloureux, intrusifs et invalidants et produisent des
effets sur le psychisme (Cf. Annexe A). Les médicaments atténuant
la douleur sont peu employés car ils inhibent les fonctions vitales et
perturbent la récupération.
Les zones corporelles invalidées concernent la parole,
l'alimentation, la motricité, les zones intimes. Le malade se retrouve
donc totalement immobilisé et dépendant pour tout ce qui concerne
sa survie et ses relations. Une rééducation avec l'aide d'un
kinésithérapeute débute pendant l'hospitalisation en
réanimation afin d'atténuer les séquelles futures,
d'activer le tonus musculaire et améliorer le sevrage ventilatoire,
rééduquer les actes nécessaires de marche, de
déglutition et de parole, et quand c'est possible de mobiliser le malade
dans un espace plus vaste que sa chambre pour « prendre
l'air » et rompre l'isolement.
Un facteur
particulièrement saillant : l'intubation trachéale
Nous avons remarqué que la ventilation mécanique
par intubation trachéale était particulièrement
invalidante pour les malades conscients car elle les prive des capacités
de communication. De plus, le sevrage à ce soutien respiratoire
représentait le critère essentiel vers une amélioration.
La crainte essentielle des soignants concerne le retrait par le malade
lui-même du tube trachéal ou « auto
extubation ». Les malades expriment souvent avec des gestes ou des
regards la demande de retrait de ce tube, qui les oblige à maintenir la
bouche grande ouverte, desséchée et les prive de parole et de
voix. D'autre part, la ventilation mécanique est très douloureuse
et oblige les malades conscients à régler les mouvements de leur
diaphragme consciemment sur le rythme du respirateur. Ce moment est vécu
avec un fort sentiment de violence subie, « une lutte contre
soi-même ».
Tandis que les études se sont surtout focalisées
sur la perte de conscience des malades et ont mis sur le même plan les
différentes effractions corporelles, nous avons surtout travaillé
avec des malades conscients et anxieux quant à leur autonomie
respiratoire pour lesquels ce soin semble lié à la souffrance
psychique extrême exprimée.
C'est donc sur le plan de la respiration que nous allons
porter notre intérêt et tenter une étude des relations
psychosomatiques entre la fonction respiratoire, l'agression des voies orales
et le traumatisme psychique.
I.3 LA REANIMATION
COMME PRATIQUE DANS SON CONTEXTE CULTUREL
I.3.a La relation entre mutation d'une culture et psychologie
individuelle
Intégrer un regard culturel à l'étude des souffrances
psychiques
L'approche ethnopsychiatrique permet de prendre en compte une
dimension culturelle pour mieux comprendre les origines des souffrances
psychiques des individus. Elle intègre des travaux en anthropologie et
ethnologie dans sa démarche de recherche clinique. Habituellement mis en
application dans les contextes de migration ou de sous-groupes culturels, nous
proposons d'étudier la mutation des techniques de soins de
réanimation propre à notre culture occidentale afin de mieux
comprendre le vécu des malades de réanimation. La
réanimation est une invention du 20e siècle, un
« outil » et « une institution » qui a
changé le rapport à la mort dans notre culture et entraîne
aussi un changement profond de l' « espèce ».
(LEROI-GOURHAN, 1964).
Nous pourrions alors classer notre civilisation comme celle
qui a réussi le rêve des civilisations passées, consistant
à repousser les limites naturelles de la mort car « Outils
et instruments sont si bien objets-du-monde qu'ils peuvent servir de
critères pour classer des civilisations
entières » (ARENDT, 1958, p. 196). La
caractéristique de notre société est bien la
suivante : « Pendant des millions d'années, un
être vivant qu'on appelle l'homme a vécu sa finitude et sa
capacité d'anticiper sa propre mort comme une lutte contre la
toute-puissance de la Nature, identifiable à la toute-puissance de Dieu.
Depuis quelques siècles, cette puissance est passée entre les
mains de l'homme. » (STIEGLER B. in SHEPS R. &
Coll. ;1998, page 197)
Les changements culturels se sont opérés
très vite car en quelques décennies après l'invention de
la réanimation dans les années 50, celle-ci devint
institutionnelle et s'est étendue aux pays occidentaux. La
définition de la mort a changé : alors que celle-ci se
définissait pas l'arrêt de la respiration et du coeur,
aujourd'hui, il est possible de suspendre le processus de mort biologique au
niveau des organes lorsque les fonctions respiratoires et cardiaques ne sont
plus autonomes en les maintenant artificiellement, alors que le cerveau ne
fonctionne plus. La déclaration en état de mort clinique permet
le prélèvement d'organe car le processus de mort biologique n'est
pas encore entamé. La personne vivante ou la famille peut faire don de
ses organes à la collectivité et le corps passe du statut
privé à un statut de propriété publique. De plus,
il est largement admis aujourd'hui que la mort est un moment qui peut
être repoussé par des moyens thérapeutiques agressifs et
douloureux sur le corps. La mort qui était irrévocable,
gérée de manière privée avec des rites
traditionnels est maintenant vue comme une maladie dont on peut repousser
l'échéance, gérée de manière
institutionnelle et déritualisée.
La notion de
défenses culturelles
Nous avons vu que la réanimation semble produire une
situation traumatique où les défenses psychiques habituelles sont
débordées et inopérantes. Ces défenses sont
liées au groupe d'appartenance du sujet traumatisé :
« Dans notre conception, le traumatisme psychique,
corrélat conscient et inconscient de la rupture et/ou de la crise, se
manifeste sous des modalités pathologiques, quand le sujet n'est pas en
mesure d'échafauder une formation de suture dans son groupe
social » (BARROIS, 1998, page 161)
Afin d'interpréter la relation entre défense
psychique et culture d'appartenance, nous emprunterons la notion de
défenses culturelles qui est associée au
« segment inconscient de la personnalité
ethnique » (DEVEREUX, 1970, page 4),
« composé de tout ce que, conformément aux
exigences fondamentales de sa culture, chaque génération apprend
elle-même à refouler puis, à son tour, force la
génération suivante à refouler. Il change comme change la
culture et se transmet comme se transmet la culture. » (ibid. ,
page 5)
« Dans les situations humaines-
c'est-à-dire culturelles - le stress sera traumatisant seulement s'il
est atypique ou si, bien que typique de par sa nature, il est
exceptionnellement intense ou encore prématuré. Un stress
est atypique si la culture ne dispose d'aucune défense
préétablie.» (ibid. , page 8)
La réanimation fait partie des situations humaines
d'une culture dont les comportements face à la maladie aigue a
récemment changé. On peut poser alors la question de
l'atypicité de cette situation si de nouvelles défenses ne se
sont pas encore constituées. Nous tenterons de déterminer ces
aspects défensifs culturels à travers les discours des
différents sujets, en portant notre attention sur l'expression du
bien-fondé des soins.
Les défenses culturelles peuvent se lire à
travers les théories sous-jacentes aux discours des malades et de
l'équipe médicale.
Quand la culture évolue, les moyens de défenses
habituels qui sont fournis par le groupe d'appartenance ne sont plus
disponibles et d'autres défenses peuvent alors se développer mais
ils ne sont peut-être pas accessibles à tous les individus du
groupe car ils n'auraient pas encore pu, par leur expérience de vie,
internaliser ce nouveau discours et avec eux les nouveaux moyens de
défense. D'autre part, notre culture entretient une attitude de
déni face à la mort qui a pu également faire
disparaître les rituels et accompagnement des mourants (ARIES, 1975).
Malgré les efforts des associations soutenant la réintroduction
du mourant dans la société, les soins palliatifs sont encore
très peu développés. (mettre une donnée)
Dans ces conditions, toute personne serait susceptible de
souffrir d'une défaillance de ses ressources défensives dans une
situation de danger vital. Nous avons observé que des malades
âgés et souffrant de multiples maladies fonctionnelles ont
exprimé le sentiment d'avoir transgressé une règle
naturelle : « ce n'est pas de mon âge tout
ça », « « à quoi cela sert, je suis
trop vieux » ou exprimait le souhait de ne plus être
réanimés contre leur volonté.
I.3.b Sources historiques de la
réanimation comme pratique
C'est à la suite de plusieurs siècles de
tentatives et de progrès dans les connaissances en physiologie et en
chimie que la réanimation a pu débuter comme pratique
médicale hospitalière dans les années 30. Les 2 facteurs
principaux qui ont permis de développer la réanimation comme
technique est la possibilité d'étudier le fonctionnement
vital à partir du 16e siècle et la maîtrise de
la pratique d'insufflation
Antiquité et
Moyen-âge
Les pratiques de réanimation sont aussi anciennes que
le souci d'assistance à autrui, car nous trouvons des traces de ces
pratiques dans les sources écrites des premières civilisations
utilisant l'écriture comme l'Egypte ou la Grèce. Les sages-femmes
d'Egypte pratiquaient une réanimation néo-natale en soufflant
dans la bouche des bébés tout en leur comprimant la poitrine par
massage. Hippocrate préconisait l'introduction d'une flûte de
berger dans la gorge afin d'insuffler de l'air pour des cas d'asphyxie par
obstruction des voies respiratoires causées par des maladies comme la
diphtérie.
De la renaissance au
début du 20e siècle
En Occident, après une longue période de
conservatisme des connaissances Antiques dans la médecine, et
d'interdictions religieuses de dissection des cadavres humains, c'est à
la Renaissance que débutent des expériences médicales pour
comprendre le fonctionnement des organes vitaux. Au 16e
siècle, Vésale étudie les organes vitaux sur des animaux
vivants dont le thorax a été ouvert et découvre comment
réanimer par la stimulation du coeur ou l'insufflation d'air dans les
poumons. La relation entre les poumons, qui reçoivent l'air et le sang
qui le transporte est comprise au cours du 17e siècle, et
permet alors d'élaborer des solutions thérapeutiques de
respiration artificielle à la réanimation des noyés au
18e siècle. Des effets iatrogènes, comme des
déchirures pulmonaires par insufflation trop brutale d'air expliquent
que ces méthodes restent longtemps des tentatives isolées de
médecins privés, mais ne sont pas employées à
grande échelle dans les hôpitaux avant le 20e
siècle. Par exemple, dès 1833, Armand Trousseau pratique la
trachéotomie pour la diphtérie, avec 25% de succès, qu'on
pourrait soit juger comme insuffisant car causant directement la mort par
hémorragie des 75% de malades subissant l'échec de la tentative,
ou comme déjà très performante car permettant de sauver 1
malade sur 4 qui est condamné à une mort par étouffement.
Cette pratique restera controversée et ne se généralisera
pas. Une méthode mécanique à pression externe de
respiration artificielle, moins iatrogène est développée
à la fin du 19e siècle et aboutira aux poumons d'acier
au début du 20e siècle, dont les hôpitaux se
munissent pour les cas de paralysie respiratoire liés au tétanos.
Peu performante car ne sauvant qu'une proportion faible de malades, elle posera
aussi des problèmes de sevrage respiratoire, vouant les survivants
à passer le reste de leurs jours dans une dépendance totale,
enfermées dans un caisson en milieu hospitalier, sous surveillance
constante.
Début de
l'institutionnalisation de la réanimation
C'est seulement en 1952, au Danemark, lors de la
pandémie importante en Europe de poliomyélite que la ventilation
interne à pression positive avec trachéotomie est
développée et pratiquée à grande échelle
avec succès. Tout d'abord par ballon manuel, puis par appareil
mécanique. Les décès tombent de 90% à 40% avec le
respirateur manuel, puis stagnent entre 20 et 30% de mortalité avec le
respirateur mécanique. La technique se développe en France en
1954, quand l'épidémie atteint le pays. Jusqu'en 1960,
début de la vaccination de poliomyélite des malades survivront
grâce au respiratoire artificiel, certains d'entre eux, toujours
ventilés par échec de sevrage, encore aujourd'hui (depuis 40
ans).
A partir de là, la réanimation devient
institutionnelle. Tout d'abord développée pour faire face
à l'épidémie de poliomyélite, puis à
d'autres maladies comme la diphtérie ou aux chocs infectieux liés
aux avortements illégaux, elle va répondre à toutes les
sortes de situation où la vie est en danger. Elle se développe
comme un service spécialisé, puis comme une
spécialité médicale, et conjointement au
développement de l'urgence médicale sur le plan national.
Quelques dates importantes
1946 : Mise en place de la Sécurité
sociale.
1954 : Création du premier service de
réanimation médicale à l'hôpital Claude Bernard au
cours de la pandémie de poliomyélite.
1956 : Création des SMUR et services
d'urgence: service mobile de réanimation en 1956 à
l'hôpital Necker pour porter secours aux malades en stades aigus de
poliomyélites, équipés de ventilateurs mécaniques
après l'abandon des cuirasses thoraco-abdominales.
1965 : développement du SMUR sur le plan national
en SAMU.
1978 : numéro d'appel en urgence médical
gratuit, le 15. Efficacité recherchée d'intervenir dans les 10
minutes qui suivent l'appel.
I.3.c Origine du terme de
« réanimation »
De même que les techniques sont des indicateurs des
transformations d'une culture, le langage est le témoin de ces
changements que nous pouvons retrouver à travers l'histoire
sémantique de mots médicaux. D'autre part les expressions sur la
mort révélant une représentation ancienne
révèlent que les théories anciennes persistent chez les
individus d'une culture en mutation. Des expressions comme « perdre
l'âme, l'esprit ou la tête » au sens de
« devenir fou », « rendre son dernier
soupir» au sens de mourir, « perdre le souffle» au sens de
ne plus pouvoir suffisamment respirer, etc... ont été souvent
entendus chez malades et soignants.
Le concept de
« réanimation »
Le terme de réanimation possède
aujourd'hui un sens qui correspond à la définition
médicale donnée en en 1954 mais il existait déjà au
sens de « ressusciter », et en anglais resuscitation
est employé pour désigner les gestes de
réanimation.
Cette signification culturelle comporte un sens magique ,
s'opposant au sens rationnel donné par la médecine
contemporaine :
· Aujourd'hui, nous comprenons que la réanimation
suspend un processus morbide et maintient un état de vie organique.
· Au sens traditionnel, la réanimation restaurer
la vie, réintègre l'âme dans le corps, sur un état
de mort avérée, de cadavre privé de son principe vital.
La possibilité de survie en état de coma
n'était pas envisageable, c'est pourquoi, les réveils de comateux
étaient interprétés comme des résurrections
miraculeuses.
Les mots réanimer ou ranimer sont
employés au 16e siècle, au sens de « rendre
la vie, ressusciter », « redonner courage à
quelqu'un », « rendre plus vif »,
« ranimer le feu », au moment de l'Humanisme d'une plus
grande liberté par rapport à la religion.
Ces termes proviennent eux-mêmes du verbe
animer apparu en 1358, emprunté au latin
animare, verbe dérivé de anima
« souffle vital ». Il désigne dans un sens
religieux l'acte divin d'« insuffler la vie » et
dans un sens psychologique l'acte « d'encourager,
d'exciter ». Employé comme adjectif,
« animé » s'est dit des animaux, des
personnes et s'est étendu aux choses non-vivantes.
Il est également intéressant de noter que le mot
« coeur » apparaît aussi au 12e
siècle, provenant du latin cor au sens « organe
central de la circulation sanguine ».
Il s'emploie aussi bien pour la région de la poitrine
que pour la région épigastrique de l'estomac. On dit encore
aujourd'hui « mal au coeur », « dire tout ce
qu'on a sur le coeur », « fendre le coeur » pour
évoquer des sentiments de souffrance,, « de tout mon
coeur » pour les sentiments d'affection, « avoir à
coeur » pour les sentiments de volonté, « apprendre
par coeur » pour la mémorisation. D'autre part, les
émotions intenses provoquent des réactions de douleurs au lieu
latin du « cor ». Rien d'étonnant à ce que le
coeur ait longtemps été considéré comme le
siège des émotions dès l'Antiquité.
Le coeur possède aussi un rapport avec le principe
vital ou « Souffle vital ». Pour les Grecs (Hippocrate,
Platon) il permet sa circulation avec le sang dans l'organisme par le biais de
conduits d'air, les artères. Les Grecs croyaient qu'après la
mort, les artères se vidaient de leur sang mais contenaient encore
l'esprit vital, sous forme d'air.
Le cerveau est un organe à part, car il est
nécessaire à la conscience et la pensée, bien que ne
faisant pas partie des fonctions vitales dans les conceptions
traditionnelles.
Les intuitions qui ont mené aux études
physiologiques sur la fonction respiratoire sont bien des
héritières des intuitions traditionnelles plaçant le
principe vital dans le coeur.
La différence porte sur le psychisme :
· aujourd'hui, nous savons que le siège du
psychisme est situé dans le cerveau et que le coeur peut continuer
à battre alors que le cerveau ne fonctionne plus.
· Avant le 16e siècle, corps et
psychisme n'étaient pas conçus comme fonctionnant de
manière séparé, à la fois pour les conceptions
monistes ou dualistes.
C'est au moment de la période philosophique des
Lumières qu'une rupture épistémologique apparaît
permettant une pensée biologique de la vie indépendante de son
aspect spirituel : le « corps-machine » de Descartes
que les scientifiques s'approprient, reléguant l'esprit à
d'autres domaines.
I.3.d La réanimation comme moment
de transformation psychique
Selon les études anthropologiques sur de nombreuses
sociétés, il a été constaté que les rites de
passage possèdent une fonction psychologique essentielle qui est de
transformer l'individu au plus profond de son identité.
« Le traumatisme est systématiquement utilisé dans
les rites d'initiation des sociétés traditionnelles à des
fins de transformation et de renaissance de l'individu, tous ces
mécanismes étant culturellement
déterminés » (ZAJDE, 1998)
La notion de rite d'initiation a été
étendue aux sociétés modernes car bien que notre culture
défende l'ethos d'un individu autonome et libre, les pratiques
des sociétés comportent toujours un aspect de modelage social des
individus selon une norme, c'est pourquoi, la démarche d'étude
ethnologique est récemment appliquée à des comportements
de culture occidentale.
Rappel sur la notion de
rite de passage
Selon Van Gennep (1909), les rites de passage possèdent
une symbolique qui simule la mort et la résurrection, le passage de la
non-vie au monde des vivants lors de la naissance. En réanimation, la
représentation de la renaissance est présente chez les soignants
(« quand on travaille ici, c'est un peu comme les accoucheurs, on
tente une renaissance », « je me sens parfois comme une petite
mère pour cette malade » qui était bien plus
âgée que son aide-soignante). Dans la même idée, le
terme de « sevrage » est utilisé pour la phase de
préparation à l'arrêt du respirateur mécanique.
Les rites de passage comportent presque toujours 3
phases :
a. Préliminaires : une séparation
afin de retirer à l'individu son statut social habituel. L'état
de malade de réanimation comporte bien, avec l'isolement et la
limitation des visites des familles, la séparation de l'individu par
rapport à son lieu de vie et à son groupe social et familial.
D'ailleurs, les malades ne manquent pas de remarquer qu'ils ne se reconnaissent
plus eux-mêmes.
b. Liminaires : une marginalisation,
période de transition avec suspension des contacts sociaux normaux. En
réanimation, l'état de malade produit souvent la sensation de se
retrouver étranger à soi-même avec un corps
dénudé et objet de soins, la parole empêchée, les
mouvements impossibles, les effets personnels réduits, la disparition de
la pudeur, etc... Cet état a été parfois associé
à une « prison ».
c. Post-liminaires : une incorporation,
période de réintégration dans la structure sociale, avec
un nouveau statut. On pourrait associer à cette phase celle de
« récupération » avec la reprise de la
capacité de communication, la remobilisation, la réalimentation
et la rééducation à la station debout et à la
marche. Nous verrons ultérieurement que l'entretien de recherche
lui-même, qui place le malade en tant que patient-expert, permet
d'engager le patient à un effort de pensée, à la
construction d'un discours propre.
D'autres aspects propres aux rites de passage ont
été relevés :
· le rythme de vie est propre à la
réanimation et imposé par les procédures de soins, les
gestes tellement ritualisés que les malades les observent avec
hypervigilance, et les attendent car ils leur permettent de rompre leur
solitude,
· les inversions sont nombreuses : Inversion des
âges car les infirmiers sont jeunes et maternent des personnes bien plus
âgées en état d'incapacité associée à
l'infans, inversion du jour et de la nuit pour le sommeil,
· Les gardiens du rituels : les médecins, les
exécuteurs : les soignants. « il a été
comme mon fils » montre le lien très particulier et
très fort entre malades et médecins , soignants.
· La transformation est marquée par le
passage de l'état de « presque mort » à
vivant, mais le problème pour le malade sera de ne pas rester prisonnier
dans l'état liminaire, cet entre-deux d'attente corporelle et psychique
toujours mortelle. Les soignants sont conscients de ce danger et font tout pour
réveiller les malades, parlent assez fort, marchent vite, toujours en
alerte et en éveil. Une grande sensibilité perceptive de
l'émotion du malade est présente avec leur attitude de
« Dureté » (voir I.1.b).
I.3.e De la réanimation
médicale au concept de « Souffle Vital »
Les sociétés modernes et occidentales fondent
leurs pratiques médicales sur une étude du corps biologique
s'appuyant sur les sciences biologiques pures conformément à une
conception dite « cartésienne » du corps-machine.
Plus précisément, le malade de réanimation médicale
voit son corps scindé et hiérarchisé en 2 parties :
le crâne et le haut du visage, partie noble et préservée
par les effractions et contenant le cerveau, centre de la conscience, et le
reste du corps, partie vulgaire et malade, sur lequel sont pratiqués les
actes de soins.
Pourtant, les recherches sur les fonctions vitales se sont
bien concentrées sur la partie vulgaire du corps en partant des
intuitions des théories traditionnelles, localisant l'âme dans le
« cor » et non pas dans le cerveau. Sur un plan psychique,
ce centre vital correspondait au centre des sentiments, du courage et de la
colère, à l'âme irascible, différente des pulsions
vitales de reproduction et de l'âme désirante.
Nous avons vu qu'en réanimation médicale, le
soin invasif d'intubation correspond aussi à la situation biologiquement
la plus critique et aux techniques les plus importantes.
Nous allons tenter de comprendre si la réhabilitation
psychique du « cor » grâce à
l'introduction du concept de « Souffle Vital » pourrait
permettre de mieux comprendre les impacts psychiques de cet acte de soin.
I.4 LA NOTION DE
SOUFFLE VITAL
I.4.a Origines des théories du
vivant
C'est à partir d'une brève synthèse des
études en anthropologie de la religion que l'on peut retrouver les
théories sous-jacentes aux concepts étymologiques. (DUBUISSON,
2004)
Tout d'abord, les théories sur la vie sont en rapport
avec les théories sur la mort, car la vie ne prend sens que lorsque la
mort peut être représentée. Les premiers témoignages
de l'existence de théories sur la vie et la mort sont les traces
laissées par les rites funéraires se trouvent chez l'homme de
Neandertal, et remontent à 200 000 ans, à l'époque du
paléolithique moyen, puis se sont surtout développés, il y
a 50 000 ans avec l'Homo Sapiens. La vie est représentée comme
étant liée aux rites de chasse et l'esprit vital est souvent
relié à l'animal, d'où l'étymologie d'animal
à partir de anima. C'est la partie
« vitalité » du concept de « souffle
vital ». (LENOIR et MASQUELIER, 1997)
Dans les sociétés traditionnelles, on trouve
l'association de l'air et du feu dans la notion de souffle vital remontant
à la préhistoire car elle est présente très
tôt dans le langage. Dans toutes les cultures traditionnelles, l'air
symbolise la vie. L'énergie vitale circule sous forme d'air à
l'intérieur du corps, mais doit être recherchée à
l'extérieur pour respirer. C'est la partie
« souffle » du concept de « souffle
vital ».
A chaque époque de l'histoire de l'humanité,
ainsi que dans chaque continent, on peut retrouver la notion de
« souffle vital » dans les rites religieux et les
théories sur la vie et la mort.
I.4.b Conception des
sociétés traditionnelles
Afrique noire
On y retrouve des traits généraux avec une
conception générale de l'Univers, de la vie et de l'homme ainsi
qu'une Sagesse postulant qu'une harmonie est préétablie dans
l'Univers mais qu'elle est sans cesse troublée et
réordonnée, et que chaque partie de l'Univers est une partie d'un
tout. La pensée se transmet par tradition orale, sous la forme de mythes
narrant la vie de héros ancêtres, mi-hommes, mi-animaux. Ces
traditions comportent aussi le totémisme, qui est le culte d'une
espèce animal ou végétale. L'ensemble de ces principes
permet de relier l'homme à la nature et les vivants aux morts. Par
exemple, chez les Bambara du Mali, on pense que le souffle vital passe par le
nez. On désigne celui qui vient de mourir comme celui qui a
« perdu son nez ». La maladie est causée par un
mauvais vent, sec et chaud, souffle des êtres nuisibles, sorciers et
djinns. Les guérisseurs Sereers de Sénégal utilisent la
fumigation comme remède. L'extraction du vent chaud du corps du malade
se fait à condition de rétablir la paix et l'entente familiale.
Le guérisseur utilise aussi son souffle dans l'oreille du malade pour
chasser les esprits nuisibles. L'oreille est un réceptacle car il
reçoit les paroles mauvaises qui peuvent perturber le rythme de la
respiration. Les maladies sont dues soit à des morts-vivants (xon-faaf),
trépassés sans sépulture, qui viennent perturber les
vivants, à des mauvais enfants (ciit a paaxeer), morts dès leur
naissance, à des pangols qui sont des génies ou des dieux
protecteurs. La frontière est ténue entre vie et mort,
équilibre et déséquilibre. (LAFFON, 2002)
Religions et
médecines traditionnelles d'Asie (VALLET, 1999 ; ELIADE, 1958)
Que ce soit en Inde ou en Chine, les religions et
médecines traditionnelles ont survécu à la modernisation
et l'introduction de l'Islam et du christianisme. Les patients consultent
toujours les guérisseurs, divinateurs et médecins traditionnels,
qui cohabitent avec la médecine moderne.
La notion de « souffle vital » est un
élément essentiel de ces traditions dans toute l'Asie, puisque
les techniques sont reliées à la notion de respiration et de
circulation d'énergie.
Le Taoïsme chinois utilise le terme
chi qui signifie souffle vital et est relié à la
respiration. Le Chi est au centre de tous les arts traditionnels
chinois : peinture, poésie, arts martiaux, médecine,
architecture, calligraphie, etc... Son apprentissage se transmet de
maître à élève par la pratique quotidienne. Une
mauvaise respiration entraîne le déséquilibre
énergétique de l'organisme. L'éveil de la conscience est
lié à une bonne respiration en aspirant les énergies du
ciel et expirant les énergies impures.
L'hindouisme est une tradition qui mêle philosophie et
religion, ainsi que science et magie. Il est à l'origine du Yoga, qui a
influencé le taoïsme chinois.
Le Yoga (union) est une technique de contrôle
de la respiration et de pratique de règles psychologiques et morales.
Elle s'emploie comme thérapie, mesure d'hygiène et permet obtenir
des pouvoirs supra normaux. L'état de concentration ultime est un
état de fusion entre la pensée et les objets. Le Yoga s'appuie
sur la théorie du souffle, considéré comme le mode de
l'âme universelle.
De même, la vie humaine est conçue en 4
parties impliquant le souffle :
· âtman ou « souffle
vital » qui correspond à la connaissance de Soi et aux
sensations, à l'âme,
· Le manas qui correspond aux
facultés mentales,
· Le corps grossier qui est lié à
l'âme par le souffle (prana)
· Le corps subtil comprenant les sens de la perception,
le sens interne et les souffles animant les fonctions organiques.
A la mort, le corps subtil suit l'âme, alors que le
corps grossier est détruit. Le souffle, principe de la vie, est
présent à la fois dans le matériel et le spirituel, et est
relié à l'air ainsi qu'à la respiration. Il peut survivre
sans le corps grossier. La délivrance de l'âme peut se faire aussi
tout en préservant la vie du corps grossier, par la pratique du Yoga.
Avec le tantrisme, le Yoga se développe au centre de
cette religion, où la méthode de délivrance est
considérée comme accessible à tous et ne
nécessitant pas de préparation spéciale. L'état de
délivrance est caractérisé par l'annulation des
désirs et donc des souffrances, l'impression que plus rien n'a de
réalité. C'est un état d'union à Dieu. La mort
produit le même état que la délivrance. Cette vision de la
mort comme délivrance comporte un effet rassurant sur le mourant.
I.4.c Conceptions du « Souffle
Vital » dans les fondements des cultures occidentales
Les pensées ont été fortement
influencées par les cultures grecques et latines, puis
judéo-chrétiennes. (FAIVRE, 2000)
Elles-mêmes ont puisé leurs croyances dans les 2
grandes civilisations anciennes de culture écrite, Babyloniennes et
Egyptiennes.
Les Babyloniens
La mort est un long sommeil, accompagné d'une paralysie
totale et d'un arrêt du coeur. Le souffle correspond au principe vital,
qui quitte le corps et provoque alors la mort. Les maladies sont
soignées par des exorcistes qui chassent les esprits possesseurs,
esprits ou fantômes qui errent dans les ruines ou les déserts,
morts sans sépulture ou filles mortes sans époux.
Egypte ancienne
L'âme est constituée de 3 parties :
· le ka : manifestation des
énergies vitales comme fonction créatrice et conservatrice.
Une métaphore de « mourir » : penser
à son ka. Les énergies vitales entrent par le
nez, passent par le coeur et les poumons, reliées au sang. La bonne
santé se définit par le libre passage, sans obstruction de cette
énergie vitale. Le coeur est pesé au moment du jugement dernier.
Plus il y aura eu de mauvaises pensées, plus il sera lourd.
· l'akh : il appartient au ciel, et de
même racine que « briller ».
· le ba : partie spirituelle de
l'âme.
Idée d'énergie vitale, fluide, qui entre par le
nez et circule, mais n'est pas associée à l'air.
La Bible
La Ruah est le Souffle vital que Dieu insuffle
par le nez pour créer l'homme. En rapport avec l'élément
du vent, principe essentiel à la vie sur terre. C'est une
réalité invisible et impalpable.
Les Grecs :
coexistence des conceptions dualistes et monistes
Tous les philosophies grecs se réfèrent aux
principes fondamentaux de la Psyché qui veut dire
« âme » désigne le principe vital, ou
« Souffle vital », qui s'oppose au Sôma, qui
veut dire « cadavre ». Le Souffle lui-même est
considéré comme un air chaud apporté par la respiration et
qui coule dans les veines avec le sang sous forme de Pneuma. On se
servait d'un miroir placé devant la bouche et le nez pour voir si une
personne était encore vivante. La respiration déposait de la
buée sur le miroir. Pour « mourir » on emploie
encore l'expression « rendre le dernier soupir ». La
Psyché réside dans le Sôma et maintient
la permanence et l'identité et a donné le terme de
« psychologie ». Le mouvement réside dans le
Démos (corps construit et vivant) qui se différencie du
Sôma.
Le médecin grec Hippocrate a
développé une théorie tripartite de l'âme,
étroitement liée au corps qu'elle construit également en 3
régions : la tête qui contient la partie immortelle de
l'âme et siège de la raison, la zone centrale avec le coeur qui
contient le siège du courage, et le niveau de l'abdomen qui contient les
désirs et l'ardeur.
Cette conception est analogue à la conception
tripartite de l'âme immatérielle de Platon : le
noûs correspondant à la raison, le thumos ou
âme irascible, correspondant aux sentiments de colère ou de
courage et l'epithumia ou âme concupiscente, correspondant aux
appétits et désir et étroitement reliée aux
sensations du corps. L'âme irascible n'est ni bonne, ni mauvaise. Elle
peut se ranger du côté de la raison ou du désir selon les
situations.
Pour Aristote, l'âme est de même essence que le
corps, matérielle, avec une structure tripartite : l'âme
rationnelle, l'âme sensitive correspondant à l'imagination et aux
5 sens et l'âme végétative correspondant à la survie
biologique.
Pour Epicure, philosophe matérialiste, l'âme est
composée de 2 parties : l'animus qui réside dans la
poitrine et l'anima, principe vital plus léger qui circule
partout.
Que ce soit dans la conception dualiste-idéaliste ou
matérialiste-moniste de l'âme, celle-ci donne forme au corps car
elle réalise les fonctions vitales qui animent les corps et cause ses
activités.
La santé consistera en un équilibre entre corps
et âme et entre les 3 parties de l'âme.
II ENONCE DES HYPOTHESES
II.1 ELABORATION DES HYPOTHÈSES
La question de départ, « comment
aborder le malade de réanimation médicale ? »,
amène à étudier 3 aspects d'investigation : les
pratiques médicales en situations de danger vital, les théories
pour penser le vécu des malades dans ces conditions et les
méthodes d'entretien adaptées à ces malades.
II.1.a Sur les
pratiques de soins médicaux
Le concept de « Souffle Vital » permet
d'envisager une relation étroite entre le corps, lieu de l'âme et
le psychisme, entre traumatisme corporel et traumatisme psychique, en d'autres
termes, est-ce que ce qui est invasif pour le corps, au niveau des fonctions
cardiorespiratoires peut aussi faire effraction au psychisme.
Hypothèse 1 : Une plus grande
technicité médicale génèrerait des souffrances
psychiques plus profondes
II.1.b Sur les
théories pour interpréter le vécu des malades
réanimés
La notion de rite de passage permet d'enrichir la
compréhension du traumatisme psychique en l'élargissant à
un processus de transformation psychique de déstructuration et
restructuration psychique. La déstructuration psychique ou liminaire des
rites de passage correspond à l'état de « ... celui
qui revient transfiguré des bords de l'abîme, traînant avec
lui les réminiscences horrifiantes de l'au-delà
entrevu. » (CROCQ, 1999, page 276), tandis que la
restructuration psychique pourra être associée à un
processus de réintégration de l'événement dans
l'historicité de l'identité narrative, et « la
thérapeutique consistera ... à transformer cette
malédiction en épreuve initiatique lui permettant d'assumer son
destin. » (CROCQ, 1999, page 276)
De plus, la notion de conflit psychique soulevée par
les théories psychanalytiques à un niveau intrapsychique sera
revue d'un point de vue clinique et culturel. Le conflit pourra alors se
concevoir entre une personne et une institution, c'est-à-dire entre les
théories personnelle qui fondent l'identité d'une personne malade
menacée d'anéantissement et celles de l'équipe soignante
imposant un état de malade et des soins très invasifs. La part de
l'identité personnelle qui réagit pourra s'interpréter par
la notion d'âme irascible.
Hypothèse 2 : Le vécu des malades
de réanimation peut s'interpréter comme une transformation
psychique qui peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de
passage et activant des conflits psychiques à la fois profonds et
d'ordre culturel.
II.1.c Sur la
méthode psychothérapeutique
Dans les méthodes classiques de soutien psychologique
dans le domaine de la santé, on propose au malade des entretiens
cliniques où le psychologue possède une théorie
sous-jacente (psychanalytique ou cognitive) à un malade, demandeur d'une
aide à la suite de difficultés rencontrées lors de sa
maladie biologique. Bien que la situation soit fortement à l'origine des
difficultés, il y a toujours une théorie psychosomatique qui
suppose un lien réciproque de causes à effets entre
personnalité et maladie biologique.
Nous proposons de mettre en place avec la méthode un
dispositif d'entretiens cliniques inspiré de ceux de
l'éthnopsychiatrie qui consiste à placer le malade en tant
qu'expert de son propre vécu avec un chercheur-étudiant demandeur
de matériel de recherche sur la psychologie du malade en
réanimation. La théorie sous-jacente non exprimée est
la suivante: la réanimation est un événement
potentiellement traumatique, quelque soit la personnalité, car c'est un
lieu de passage. Cette méthode ne postule pas de théorie sur la
personnalité du malade.
Conformément à l'approche ethnopsychiatrique,
des théories inspirées de la notion d'identité narrative
(RICOEUR, 1983, 1996) comme la « Constructivist Narrative
Perspective » soutiennent que « les être humains
construisent activement leurs réalités personnelles et
créent leurs propres modèles pour se représenter le
monde » (MEICHENBAUM,1995).
D'autre part, les cliniciens qui interviennent auprès
des victimes de traumatisme psychique constatent que le discours narratif est
un agent qui contribue à la construction du monde et de soi (MORMONT,
2001).
Une certaine forme d'entretien orienté sur la
co-construction d'un récit, centré sur les mots du patient aurait
un effet thérapeutique
Hypothèse 3 : La position de
patient-expert permettrait de terminer le processus de transformation psychique
par une restructuration psychique.
III
METHODOLOGIE
III.1 SPÉCIFICATION DES
HYPOTHÈSES EN CRITERES D'ANALYSE
Nous avons repris une méthode développée
pour la psychologie de la santé distinguant 3 niveaux d'observation et
d'analyse (SANTIAGO-DELEFOSSE, 2002 ; FISCHER, 2002) qui
correspondent à:
Niveau 1 : l'observable et le manifeste,
Niveau 2 : le subjectif conscient,
Niveau 3 : les mécanismes inconscients.
Pour cette étude, nous utiliserons les 3 niveaux avec
relevé des signes cliniques pour l'observable et le manifeste, des
thématiques de discours pour le niveau subjectif et conscient et des
mécanismes de défense portant sur l'angoisse de mort pour les
mécanismes inconscients.
III.1.a Hypothèse 1 : Une plus grande
technicité médicale génèrerait des souffrances
psychiques plus profondes
La technicité la plus importante correspond au soin
d'intubation trachéale avec la ventilation mécanique car elle
s'accompagne aussi des autres soins les plus intrusifs sur le plan corporel.
Nous choisirons donc le critère d'intubation trachéale et
ventilation mécanique comme critère d'effraction corporelle.
Les souffrances psychiques les plus profondes correspondent
aux signes d'effraction psychique mise en évidence cliniquement par
l'état de stress aigu parmi les autres troubles anxieux, ainsi que par
les récits des troubles psychiques faits par les malades. Les
critères d'effraction psychique sont présentés dans le
tableau suivant :
Signes cliniques issus d'observations
|
Signes cliniques relevés dans les
discours
|
Etat de stress aigu (vécu de mort imminente, torpeur,
déréalisation, dépersonnalisation, amnésie,
réviviscences, évitement)
Etat de stress dépassé (torpeur, agitation,
fuite panique, déréalisation, onirisme)
Confusion mentale (torpeur, désorientation,
amnésie, onirisme, déséquilibre biologique)
Signes neurovégétatifs
d'anxiété
Effraction corporelle
|
Etat de stress aigu (vécu de mort imminente, torpeur,
déréalisation, dépersonnalisation, amnésie,
réviviscences, évitement)
Etat de stress dépassé (torpeur, agitation,
fuite panique, déréalisation, onirisme)
Confusion mentale (torpeur, désorientation,
amnésie, onirisme, déséquilibre biologique)
Plaintes sur signes neurovégétatifs
Mécanismes de défense contre l'angoisse de mort
(voir Annexe 3)
Thématique de la déstructuration psychique
Effraction corporelle
|
III.1.b Hypothèse 2 : Le vécu des malades
de réanimation correspondrait à une transformation psychique qui
peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de passage.
Les thématiques analysées porteront sur les 2
aspects interprétatifs de cette hypothèse :
· les thèmes en lien avec le rite de
passage : les différentes phases du processus de transformation
psychique
· les thèmes en lien avec le conflit des
théories : théories des malades sur les soins,
théories médicales acceptées ou non par les malades,
défenses culturelles possibles et défaillantes, sentiment de
persécution ou manifestation de l'irascibilité comme
défense.
III.1.c Hypothèse 3 : La position de
patient-expert permettrait de terminer le processus de transformation psychique
par une restructuration psychique.
Rappelons que l'identité narrative définie par
Paul Ricoeur (1996) correspond à une structure narrative qui
opère au cours des aléas de l'existence une opération de
médiation entre discordance et concordance, et à la fois une
permanence dans le temps et la possibilité d'intégrer les
changements d'identité.
Cette hypothèse sera étudiée grâce
aux indicateurs suivants :
· l'identité narrative : temporalité
du récit, intégration de l'événement de rupture
dans le cours du récit personnel, dynamique vers le futur
· la position de patient-expert : transmission d'un
savoir
· Sens du rite de passage
· Expressions d'un apaisement pendant l'entretien
III.2 CONSTITUTION DES GROUPES DE
SUJETS
Critères d'inclusion : patients
d'un même service de réanimation médicale avec une
défaillance de la fonction respiratoire et des soins de
rétablissement de cette fonction.
Langue française maîtrisée et
utilisée comme langue courante et au même niveau que la langue
maternelle si celle-ci n'est pas française, et mode de vie correspondant
à la culture occidentale.
Critères d'exclusion : les
patients n'étant pas en mesure de participer à un entretien (par
ex. signes d'évitement manifestes à respecter), les patients
ayant des antécédents psychiatriques, ayant fait une tentative de
suicide ou ayant des troubles neurologiques connus ou manifestes, les patients
montrant une déstructuration sociale.
Hypothèse 1
Observations et témoignages des signes cliniques lors
de la défaillance vitale
Un groupe de 9 patients réanimés avec
ventilation mécanique et intubation trachéale, groupe A.
Un groupe contrôle de 7 patients réanimés
avec ventilation spontanée et masque, groupe B.
Analyses des mécanismes de défense et analyse
thématique des entretiens en fin d'hospitalisation.
Un sous-groupe de 6 patients réanimés avec
ventilation mécanique et intubation trachéale, groupe A1.
Le groupe contrôle de 7 patients réanimés
avec ventilation spontanée et masque, groupe B.
Hypothèses 2 et 3
Analyses thématiques des entretiens en fin
d'hospitalisation.
Un sous-groupe 6 de patients réanimés avec
ventilation mécanique et intubation trachéale, groupe A1 et un
patient du groupe B.
III.3 LES SUJETS
Sujets
|
Age
|
Sexe
|
Groupes
Observations
|
Groupes Entretiens
|
1
|
71 ans
|
H
|
A
|
|
2
|
79 ans
|
H
|
A
|
|
3
|
49 ans
|
H
|
A
|
A1
|
4
|
32 ans
|
H
|
A
|
A1
|
5
|
66 ans
|
H
|
A
|
|
6
|
78 ans
|
F
|
A
|
A1
|
7
|
56 ans
|
H
|
A
|
A1
|
8
|
70 ans
|
H
|
A
|
A1
|
9
|
54 ans
|
H
|
A
|
A1
|
10
|
75 ans
|
F
|
B
|
B
|
11
|
53 ans
|
H
|
B
|
B
|
12
|
58 ans
|
F
|
B
|
B
|
13
|
83 ans
|
F
|
B
|
B
|
14
|
83 ans
|
H
|
B
|
B et A1
|
15
|
75 ans
|
H
|
B
|
B
|
16
|
80 ans
|
F
|
B
|
B
|
GROUPE A : malades ventilés
mécaniquement avec intubation trachéale
|
|
|
Indice de gravité maximum
|
Indice de gravité moyen
|
|
|
Sujet 1
|
Sujet 2
|
Sujet 3
|
Sujet 4
|
Sujet 5
|
Sujet 6
|
Sujet 7
|
Sujet 8
|
Sujet 9
|
Soins intrusifs et causes médicales
|
Durée tot.
|
27 jours
|
32 jours
|
36 jours
|
23 jours
|
41 jours
|
22 jours
|
22 jours
|
20 jours
|
23 jours
|
Ventilation
Intubation
Trachéo.
Durée VM
Durée intub.
Réintubation
|
VM
oui
non
27 jours
27 jours
Oui
|
VM
Oui
Non
5 jours
7 jours
Non
|
VM
Oui
Non
17 jours
17 jours
Oui
|
VM
Oui
Oui
4 jours
4 jours
Non
|
VM
Oui
Oui
38 jours
3 jours
Oui
|
VM
oui
Non
2 jours
2 jours
Non
|
VM
Oui
Non
1 jours
1 jours
Non
|
VM
Oui
Non
2 jours
2 jours
Non
|
VM
Oui
Oui
1 jours
1 jours
Non
|
Soins invasifs
|
Cathéter veineux + artériel
Dopa
remplissages
Alim entérale.
|
Cathéter veineux + artériel
Dopa
remplissages
alim entérale
|
Cathéter veineux + artériel
Dopa
Alim. entérale
|
Cathéter artériel
Dopa
rempliss
Alim. entérale
|
Cathéter veineux
Alim. entérale
|
Cathéter veineux
4 drain thoraciques
|
Cathéter veineux
6 drains thoraciques
|
Cathéter veineux
Drains thoraciques
|
Cathéter veineux
Transfusion
dialyse
|
Causes réa
|
Coeur, BPCO
Choc septique
|
Coeur, BPCO
Choc septique
|
Coeur, BPCO
Choc septique
|
BPCO
Choc septique
|
BPCO
Choc septique
|
Choc septique
|
Choc septique
|
Choc septique
|
Choc septique
|
Evénément vital
|
Chirurgie
|
|
Coeur
|
Coeur
|
Poumon
|
|
Coeur
|
Coeur
|
Coeur
|
Coeur
|
Etat psychique
|
Confusion,
Tb conscience
|
Confusion, agitation,
Tb conscience
|
Confusion, agitation,
Tb conscience
|
Agitation
|
Tb conscience
|
Confusion
|
Tb conscience
|
Confusion
|
Tb conscience
|
Secours
|
SAMU
|
Equipe soignante
|
Equipe soignante
|
Equipe soignante
|
SAMU et proches
|
SAMU
|
Equipe soignante
|
Fille, Equipe soignante
|
Equipe soignante
|
Lieu
|
Domicile
|
Hôpital
|
Hôpital
|
Hôpital
|
Domicile
|
Consultation
|
Hôpital
|
Hôpital
|
Hôpital
|
Avant
|
Antécédents médicaux
|
Diabète II, tabagie pb respiratoire et cardiaque
|
Diabète II, insuf cardiaque, rénale, pb
artériels
|
Cardiopathie
Pb artérielles
|
Cancer du poumon
|
Cancer, cardiopathie, pb respiratoire, tabac
|
Diabète II, tabagie, cardiopathie
|
Tabac, hypertension, cardiopathie
|
Cardiopathie
|
Diabète I, insuf rénale, pb artères
|
GROUPE B : malades ventilés en rythme
spontané avec masque
Indice de gravité le plus bas pour la
réanimation
|
|
|
Sujet 10
|
Sujet 11
|
Sujet 12
|
Sujet 13
|
Sujet 14
|
Sujet 15
|
Sujet 16
|
Soins intrusifs et causes médicales
|
Durée tot.
|
11 jours
|
5 jours
|
19 jours
|
8 jours
|
15 jours
|
5 jours
|
3 jours
|
Ventilation
Durée Ventil.
Durée Masque
|
VNI
2 jours
2 jours
|
VNI
3 jours
3 jours
|
VNI
19 jours
19 jours
|
VNI
4 jours
4 jours
|
VNI
10 jours
10 jours
|
VNI
1 jours
1 jours
|
VNI
1 jours
1 jours
|
Soins invasifs
|
Cathéter veineux
Dopa, adré
remplissage
|
Cathéter veineux
Dopa, adré
|
Cathéter veineux
|
Cathéter veineux
|
Cathéter veineux
|
Cathéter veineux
|
Cathéter veineux
|
Causes réa
|
Coeur, BPCO
Choc septique
|
Coeur, BPCO
Choc septique
|
Poumon
Choc septique
|
Poumon
|
Choc septique
|
Coeur
|
Poumon
|
Evénément vital
|
Cause défaillance
|
Cancer sang
|
Cancer
|
Apnée sommeil
|
Pneumopathie
|
Infarctus
|
Cardiopathie
|
Poumon
|
Etat psychique
|
OK
|
Confusion, agitation,
Tb conscience
|
OK
|
Tb conscience
|
Tb conscience
|
Agitation
|
Tb conscience
|
Secours
|
Equipe soignante
|
SAMU
|
SAMU
|
SAMU
|
SAMU
|
Equipe soignante
|
SAMU
|
Lieu
|
Hôpital
|
Domicile
|
Consultation
|
Domicile
|
Domicile
|
Urgences
|
Domicile
|
Avant
|
Antécédents médicaux
|
Pb cardiaque, tabac
|
Pb cardiaque, cancer
|
Pb cardiaque, obésité
|
Maladie de Paget, glaucome
|
Hypertension, cardiopathie
|
|
Pb cardiaque, tabac
|
III.4 LA MÉTHODE D'ENTRETIEN
Phase
préliminaire sur le lieu de recherche
Avant d'aborder les entretiens de recherche, une immersion sur
le lieu de stage a été nécessaire, avec prise de notes du
maximum d'informations et d'impressions de terrain. Des entretiens courts au
lit du malade de soutien psychologique ont commencé dès le
début du stage, tout d'abord avec la présence de la
référent de stage, puis de manière autonome. Ces
entretiens ont pu servir d'observations préliminaires pour
définir les hypothèses les plus pertinentes et adapter la
méthodologie à l'état des malades.
Méthode d'entretien
ou méthode thérapeutique ?
La 3e hypothèse propose la mise au point
d'une méthode d'entretien clinique qui positionne le malade en tant
qu'expert de son vécu inspirée du dispositif thérapeutique
de l'ethnopsychiatrie basé sur 4 principes : la mutualité,
la déconstruction des théories classiquement employés par
les professionnels, l'affranchissement du malade des groupes
carcinogènes et l'étude des émotions
déclenchées par des groupes qui discréditent les malades
(SIRONI, 2006). Lors des entretiens de recherche menés pour cette
étude, nous avons tenté d'appliquer le principe de
mutualité et orienté l'entretien sur l'écoute la plus
théorique possible et intéressée par les théories
propres aux malades sur leurs émotions. Une formation et une pratique de
l'écoute de 5 ans en ONG ont été une expérience
précieuse pour mener les entretiens de recherche. Cette
expérience contient la prise de conscience des mécanismes
d'inférence inhérents à tout entretien de recherche afin
de les minimiser.
Les méthodes basées sur des questionnaires,
très employées pour les enquêtes auprès des familles
ou des soignants, et intéressantes pour l'aspect quantitatif, n'ont pas
pu être retenues pour les malades de réanimation. Ceux-ci ont des
difficultés pour écrire, ou pour se concentrer sur la lecture. De
plus, certaines questions pourraient induire des angoisses car toute question
peut être une assertion imposée à celui à qui elle
s'adresse (JACOBI, 2006). La méthode retenue consiste en un entretien
semi-dirigé, dont le rythme et le feed-back émotionnel
s'adaptent au malade. Les questions sont ouvertes afin de respecter les
défenses du malade qui s'expriment par des stratégies discursives
d'évitement, notamment devant l'angoisse de mort.
Guide d'entretien
semi-dirigé
« Je suis étudiante en psychologie et fait
une recherche sur la réanimation, plus particulièrement sur le
point de vue des personnes prises en charge en réanimation
médicales. Pourrais-je dans ce cadre recueillir votre
témoignage ? »
Questions structurants l'entretien posées de
manière indirectes, sous formes de relances dans le discours :
· Cause de l'hospitalisation en réanimation.
· Durée du séjour.
· Déroulement de ce séjour sur le plan
personnel (émotions pensées).
· Déroulement de ce séjour sur le plan
relationnel (soignants, familles et environnement)
· Opinion sur le déroulement du séjour.
· Si le vécu est difficile, est-il
comparable à un autre vécu similaire ?
· Troubles cliniques anxieux, traumatiques.
· Nature de l'angoisse.
· Vie hors de l'hôpital (professionnel, social,
familial)
· Projets après la sortie.
|
Vérification des critères de
scientificité
Critères de scientificité de l'étude
(Drapeau, 2004)
|
Validité interne
|
Pour tous les sujets, les observations retenues ont
été réévaluées par les feed-backs
des acteurs de soins. Cette participation active de nombreux acteurs de
soins a permis d'établir une relation de confiance et crée un
intérêt pour l'aspect psychologique du soin des malades.
|
Validité externe
|
Le facteur d'intubation a été
préalablement confronté à d'autres facteurs (coma,
sédation, état général, âge) et a
été retenu pour sa pertinence. L'avis des acteurs du soin a
été également retenu.
|
Fidélité
|
Vérification des données par la
référente de stage pour la plupart des sujets, présence
régulière sur le terrain de 2,5 jours par semaine sur toute une
année scolaire
|
Objectivité
|
Prise en compte de l'ensemble du phénomène et de
l'impact de la présence du chercheur. 3 années
d'expérience à la Croix-Rouge Ecoute, au téléphone,
ainsi qu'en face à face dans d'autres associations humanitaires, a
permis de travailler la prise de conscience des phénomènes de
transfert propres à toute relation, de centrer un entretien sur
l'interviewé, de favoriser les reformulations les moins inductrices
possibles.
|
Contre-transfert
|
Groupe de parole comme écoutante et suivi
thérapeutique personnel afin de prendre conscience des
réactivations d'événements de vie avec la rencontre avec
la souffrance de l'autre et éviter les biais d'identification et de
projection.
Possibilités régulières d'entretien avec
la référente de stage, et confrontation avec les points de vue
des soignants et d'autres psychologues du service.
|
IV COMPTE-RENDU DES RÉSULTATS
IV.1.a
Hypothèse 1 : Une plus grande technicité médicale
génèrerait des souffrances psychiques plus profondes
Analyses des signes cliniques
Groupe A : Sujet 1 à 5
Malades réanimés mécaniquement
avec intubation trachéale
|
Sujet 1
|
Sujet 2
|
Sujet 3
|
Sujet 4
|
Sujet 5
|
Bilan
|
Signes végétatifs
|
x
|
x
|
x
|
x
|
x
|
5/5
|
tremblements, sursauts
|
|
Oui
|
|
Oui
|
|
|
douleur thoracique
|
|
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
nausée
|
|
|
|
|
|
|
vertige
|
|
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
frissons ou chaleur
|
|
|
|
|
|
|
troubles du sommeil
|
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
troubles concentration
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
|
|
troubles mémoire
|
Oui
|
|
|
|
|
|
hypervigilance
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
irritabilité
|
Oui
|
|
Oui
|
|
Oui
|
|
Confusion mentale
|
x
|
x
|
x
|
x
|
x
|
4/5
|
désorientation espace
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
|
|
désorientation temps
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
Oui
|
|
agitation
|
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
|
onirisme et hallucinations
|
|
|
Oui
|
|
Oui
|
|
amnésie
|
Oui
|
|
|
|
|
|
diminution vigilance
|
Oui
|
|
|
|
|
|
Etat de stress aigu
|
x
|
x
|
x
|
x
|
x
|
5/5
|
A1. Exposition à menace vitale
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
A2. Frayeur
|
Terreur
|
Terreur
|
Terreur
|
Horreur
|
Horreur
|
|
B1. Torpeur, détachement
|
Torpeur
|
Torpeur
|
Torpeur
|
Détachement
|
Torpeur
|
|
B2. Réduction de conscience de l'environnement
|
Oui
|
|
Oui
|
|
|
|
B3. Dépersonnalisation
|
|
|
|
|
|
|
B4. Amnésie dissociative
|
Oui
|
|
|
|
|
|
C. Réminiscences
|
|
Oui
|
Oui
|
|
Oui
|
|
D. Evitement
|
|
Oui
|
Oui
|
|
Oui
|
|
E. activation neurovég.
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
F. détresse significative
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
G. 2 jours mini
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
Etat de stress dépassé
|
x
|
x
|
x
|
|
x
|
4/5
|
1. Sidération
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
Oui
|
|
2. Agitation
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
|
3. Fuite
|
|
Autoextubation
|
Autoextubation
|
|
|
|
4. Automatismes
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
|
|
Pour ce groupe, presque tous les malades montrent des signes
de « Stress aigu ».
Groupe A : Sujet 6 à 9
Malades ventilés mécaniquement avec
intubation trachéale
|
Sujet 6
|
Sujet 7
|
Sujet 8
|
Sujet 9
|
Bilan
|
Signes végétatifs
|
x
|
x
|
x
|
x
|
4/4
|
tremblements, sursauts
|
Des mains
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
douleur thoracique
|
|
|
|
Oui
|
|
nausée
|
|
|
|
|
|
vertige
|
|
|
|
|
|
frissons ou chaleur
|
|
|
|
|
|
troubles du sommeil
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
troubles concentration
|
Oui
|
|
|
|
|
troubles mémoire
|
Oui
|
|
Oui
|
Oui
|
|
hypervigilance
|
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
irritabilité
|
|
|
Oui
|
|
|
Confusion mentale
|
x
|
|
x
|
x
|
3/4
|
désorientation espace
|
Oui
|
|
Oui
|
Oui
|
|
désorientation temps
|
Oui
|
|
Oui
|
Oui
|
|
agitation
|
Oui
|
|
|
|
|
rêves et hallucinations
|
Délires
|
|
|
|
|
amnésie
|
Oui
|
|
Oui
|
Oui
|
|
diminution vigilance
|
|
Oui
|
Oui
|
|
|
Etat de stress aigu
|
x
|
|
x
|
x
|
3/4
|
A1. Exposition à menace vitale
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
A2. Peur intense, impuissance, horreur
|
Horreur
|
Peur
|
Oui
|
Terreur
|
|
B1. Torpeur, détachement
|
Torpeur
|
Détachement
|
|
|
|
B2. Réduction conscience env
|
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
B3. Dépersonnalisation
|
|
|
|
|
|
B4. Amnésie dissociative
|
|
|
Oui
|
Oui
|
|
C. Réminiscences
|
|
|
Cauchemars
|
Cauchemars
|
|
D. Evitement
|
|
|
Oui
|
Oui
|
|
E. activation neurovég.
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
|
F. détresse significative
|
Tristesse
|
|
|
Oui
|
|
G. 2 jours mini
|
Oui
|
|
Oui
|
Oui
|
|
Etat de stress dépassé
|
x
|
|
|
x
|
2/4
|
1. Sidération
|
Oui
|
|
|
Oui
|
|
2. Agitation
|
|
|
|
Oui
|
|
3. Fuite
|
Autoextub.
|
Hyperactivité
|
|
Désir
|
|
4. Automatismes
|
|
Marcher
|
|
|
|
Ce groupe de sujets dont la défaillance vitale a
été de gravité moyenne montre des signes de «
stress aigu » de durée plus courte pour presque tous les
sujets.
Les troubles anxieux sont présents et persistants. On
constate que le vécu traumatique de ces sujets est mieux décrit
par les critères d'Etat de Stress Aigu, correspondant à tout type
d'exposition à une menace vitale extérieure ou ressentie (DSM),
que par l'Etat de stress dépassé, correspondant aux
évènements traumatiques des contextes de catastrophes.
Groupe B : Sujets 10 à 16 - malades non
ventilés mécaniquement
Lors de la phase critique : Observations et
témoignages
Sujet 10
Sujet 11
Sujet 12
Sujet 13
Sujet 14
Sujet 15
Sujet 16
Bilan
Signes végétatifs
x
x
x
x
X
x
x
7/7
tremblements, sursauts
Mains
Mains, jambes
Mains
douleur thoracique
Non
Oppression
Essoufflement
Essoufflement
« mal à la poitrine »
Nausée
Pb manger
Vertige ou fatigue ?
« tourne »
En station debout
« la tête qui me tourne
frissons ou chaleur
Frissons
« sueur froide »
« surchauffé ici »
troubles du sommeil
Oui
« impossible »
« Bruyant «
« pas dormi »
« s'endormir »
« pas dormir »
troubles concentration
Peut lire
Perd le fil
Perd le fil discours
troubles mémoire
Non
Manque du mot
hypervigilance
Oui
Regards furtifs
Regards
Observe tout
Observe tout
Irritabilité
Non
Oui
Oui
Confusion mentale
x
x
x
2/7
désorientation espace
X
X
désorientation temps
X
X
agitation
X
X
Rêves et hallucinations
Eviter de penser
mari défunt
amnésie
diminution vigilance
X
X
X
X
Etat de stress aigu
x
x
2/7
A1. Menace vitale
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
A2. Frayeur
Inquiétude
Terreur
Peur
Peur
Peur
Peur
Peur
B1. Torpeur, détaché
Non
Torpeur
Non
Torpeur
Non
Non
Détachement
B2. Réduction conscience env
Non
Oui
Non
Oui
Oui
Non
Oui
B3. Dépersonnalisation
Non
Oui
Non
Non
Non
Non
Non
B4. Amnésie diss.
Non
Non
C. Réminiscences
Non
Cauchemars
Cauchemars
Deuil récent
D. Evitement
Positive
En échec
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
E. activation neurovég.
Diminue
Persiste
Diminue
Persiste
Diminue
Diminue
Diminue
F. détresse significative
Anxiété
X
Non
X
Non
Non
Non
G. 2 jours mini
Non
2 jours
Non
2 jours
Non
Non
Non
Les sujets présentent tous des signes de troubles
anxieux, mais seulement deux d'entre eux ont vécu la défaillance
vitale comme un évènement traumatique.
GROUPE A : mécanismes de défense et
discours sur la Mort
Malades réanimés mécaniquement -
A la fin de l'hospitalisation en réanimation ou après un mois
(Sujets 3 et 4)
|
Sujet 3
|
Sujet 4
|
Sujet 6
|
Sujet 7
|
Sujet 8
|
Sujet 9
|
Bilan
|
Défenses contre angoisse de mort
|
|
|
|
x
|
|
|
1/6
|
Déni
|
Non
|
Non
|
Non
|
Oui
|
Non
|
Non
|
|
Evitement
|
Non
|
Oui
|
Non
|
Evidence, humour
|
Echec de l'oubli
|
Non
|
|
Rationalisation
|
Oui
|
Non
|
Non
|
Volonté
|
Non
|
Non
|
|
Métaphores de la Mort de Soi
|
Oui
|
Non
|
La nuit, partir
|
Par l'humour
« croque-mort »
|
se perdre
partir
le noir
le sommeil éternel
|
La faucheuse
|
|
GROUPE B : mécanismes de défense et
discours sur la Mort
Malades non-ventilés mécaniquement - A la
fin de l'hospitalisation en réanimation
|
Sujet 10
|
Sujet 11
|
Sujet 12
|
Sujet 13
|
Sujet 14
|
Sujet 15
|
Sujet 16
|
Bilan
|
Défenses contre angoisse de mort
|
x
|
x
|
X
|
|
x
|
x
|
x
|
6/7
|
Déni
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Porte sur la peur d'aggravation du cancer
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« je devrais pas être là »
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Mort acceptée sans peur
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« je devrais pas être là »
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« je devrais pas être là »
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4/7
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Evitement
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Occupe son temps
pas de description
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Echec de l'évitement
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Occupe le temps
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Non
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Musique
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« rien à faire ici »
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rationalisation
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positive
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Incendies Portugal
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Non
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Courage, chance
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Plaintes
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Erreur médicament
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4/7
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Métaphores de la mort
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Associée à la maladie
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Associée à la maladie grave
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Au-delà et partir
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Un pari.
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2/7
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Comparaison intergroupe
des signes cliniques :
Les malades ventilés par l'intubation trachéale
sont ceux qui présentent des signes d'effraction psychique,
contrairement à ceux qui sont réanimés au masque.
Plus le soin de réanimation est invasif et dure, plus
le malade montre des signes de traumatisme psychique.
Tous les malades présentent des troubles anxieux, ce
qui confirme une angoisse.
Commentaire sur les
comparaisons intergroupe des mécanismes de défense :
Les sujets qui ont été soumis à la
ventilation mécanique par intubation trachéale montrent une
confrontation au Réel du danger de Mort : ils n'emploient pas de
stratégies d'évitement et évoque leur propre mort par
métaphore, contrairement aux sujets réanimés par soins non
invasifs, qui pour la plupart, dénient le danger vital, tentent
d'éviter d'y penser ou en donnent des justifications qui semblent
rationnelles. Ces dernières défenses correspondent aux
défenses les plus largement employées face à la maladie
dont le déni, acquis de manière culturelle. (ADAM, HERZLICH,
2004). Toutes ces stratégies leur permettent d'éviter d'admettre
consciemment le danger vital, bien qu'il ait été réel
puisqu'il a justifié leur admission en service de réanimation
médicale. Il s'agit de défenses qui ont été
respectées lors des entretiens par l'évitement des questions
directes et l'emploi de questions ouvertes et indirectes. La souplesse
d'adaptation que permettent les entretiens semi-directifs n'est pas toujours
possible avec des questionnaires.
Nous pouvons remarquer que les métaphores du
vécu en danger vital sont souvent associées à la peur de
la folie qui se juxtapose à la peur de mourir.
GROUPE A1
Vécu de mort imminente : 2/6
Sujet 6 : « je peux pas dire, c'est
trop... »
Sujet 9 : « j'ai failli crever cette
nuit-là »« ceux qui partent, on voit
tout »
Déstructuration - Effraction psychique :
5/6
Sujet 3 : « délires »,
«j'ai vu ma famille, les morts et les vivants », « je
n'avais plus le courage » (onirisme de l'état de stress
dépassé)
Sujet 4 : « sans parler, sans bouger, on se
sent perdu », « le temps passe lentement, c'est
très angoissant », « on se reconnaît
même plus » (dépersonnalisation pour l'état de
stress dépassé)
Sujet 6 : « perdre la tête »,
« me retrouver comme ça » « ce n'est pas
moi ça » (dépersonnalisation), « je voyais ma
chambre en Martinique », « tout s'est éteint d'un
coup, je ne me souviens plus de rien » (déréalisation
pour l'état de stress aigu et onirisme pour l'état de stress
dépassé et la confusion mentale, amnésie)
Sujet 8 : « sans ma fille, j'étais
perdu » (torpeur) reviviscences d'un traumatisme passé
« j'ai revu tout ça et ça revient encore »
(onirisme pour l'état de stress aigu et dépassé)
Sujet 9 : « On ne vit pas d'ailleurs, car on
est intubé, on ne sait pas comment on vit », « cela
fait souffrir », « on perd les pédales »
(torpeur de l'état de stress aigu)
Réactivation d'un traumatisme
passé : 2/6
Sujet 6 : évocation de conflits dans le
passé
Sujet 7 : rupture familiale et infanticide symbolique
Effractions corporelles gênantes : 3/6
Sujet 3 : « regardez ça (il montre sa
peau découpée) ... les oedèmes »
Sujet 6 : « grande coupure », «
Ils m'ont toute ouverte »
Sujet 9 : « percé de
partout », « machine maudite »
« ça vous impose le rythme et ça vous souffle dans les
poumons » « on ne vit pas car on est
intubé »: le respirateur
Corps-Machine et étrangeté de son
propre corps
Sujet 4 : « on se reconnaît même
plus »
Sujet 6 : « me retrouver comme
ça »
GROUPE B
Vécu de mort imminente : 3/6
Sujet 10 : par sous-entendu-« j'ai
haleté, cela ne s'arrêtait pas » (silence)
« il faut de la réanimation »
Sujet 11 : non évoqué et même
dénié, « être là »,
« penser à autres choses »
Sujet 12 : « je ne savais plus où j'en
étais. », « c'était vraiment
grave », « je me suis sentie mieux de suite »
Sujet 13 :
Déstructuration - Effraction psychique :
Sujet 11 : « c'était... je
préfère ne plus y penser »
Sujet 13 : « des moments très
durs », « vraiment très... »
Réactivation d'un traumatisme
passé : 2/6
Sujet 13 : Deuil récent de son mari
Effractions corporelles gênantes : 3/6
Sujet 12 : masque serré
Sujet 14 : masque serré, empêchement de
parler
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Comparaison des analyses
thématiques d'entretiens
L'analyse et l'observation des sujets du groupe A1, qui sont
des malades en phase de récupération biologique lors des
entretiens, confirment :
a. Avoir vécu la confrontation au réel de la
mort décrite comme un état de frayeur, propre aux
événements traumatiques lors de la défaillance vitale et
pendant la durée du danger vital,
b. Avoir vécu une phase de déstructuration
psychique lors des soins de soutien vital,
c. Que la durée du moment traumatique commence au
moment de la défaillance et se continue pendant le soutien
respiratoire,
d. l'échec des défenses habituelles contre
l'angoisse,
e. la mise en oeuvre de peu de mécanismes de
défense.
Nous notons également un processus de restructuration
psychique avec la possibilité de mise en mots de la confrontation
à la mort par métaphores lors des entretiens.
IV.1.b
Hypothèse 2 : Le vécu des malades de réanimation
correspondrait à une transformation psychique qui peut se conceptualiser
par la notion anthropologique de rite de passage.
Sujets du GROUPE A1 et sujet 13
Phase liminaire du rite de passage : la
marginalisation et la déstructuration psychique :
5/6
Etrangeté d'un lieu
« entre-deux » ou liminaire
Sujet 3 : « je suis allé beaucoup plus
loin, jusqu'à haïr les autres »
Sujet 6 : « je voyais des gens passer, des
étrangers », « comme si je n'allais pas
revenir »
Sujet 8 : « Sans parler, sans bouger, on est
perdu », « sans ma fille, j'étais
perdu »
Sujet 9 : « On ne vit pas d'ailleurs, on ne
sait pas comment on vit »
Le terme général « ici »
(Sujet 6, 7, 8, 9) qui sous-tend un sentiment de rester étranger au
lieu, un sentiment de distance, voulu ou non, est souvent employé alors
les termes plus précis montrant une appropriation du lieu comme
« la chambre de .. », « ma chambre à
... » (Sujet 6), « dans le service de ...»,
« la maison de repos » (Sujet 6), « mon centre de
rééducation » (Sujet 6), etc... sera employé
concernant les services de soins spécialisés et de soins
courants. « C'est un peu particulier ici. Ils ont des drôles de
façon de travailler » (sujet 9)
L'équipe soignante :
« gardiens » du rite
La remarque précédente est valable pour les
soignants désignés par « eux »,
« on » (Sujet 9) « des gens » (Sujet 6,
sujet 8), « ils » (Sujet 8, 9) « des
étrangers » (Sujet 6)
« le chef »,
« l'infirmier » (Sujet 7), « le
docteur » opposé à « mon
médecin » (Sujet 6, 8), « mon
infirmière » pour les soignants des services de soins
courants, « celle qui est gentille » (sujet 6). Sujet 3.
Les 2 aspects peuvent apparaître dans un même
discours : Sujet 7 qui dit à la fois « eux »,
« ici », « ils » et « les
infirmières » par distance et rapprochement. En fait la
différence dans ce cas-là n'est pas persécutive mais
identificatoire, avec un sujet qui se démarque des autres personnes, et
donc à qui un lieu remarquable convient.
Marginalisation
Sujet 4 : « la télé, c'est un
contact avec l'extérieur »
Sujet 6 : « je ne suis plus bonne à
rien », pas de téléphone pour contacter sa famille.
Sujet 7 : métaphore de la prison
Sujet 8 : Remarque sur le téléphone
Sujet 9 : « on vit comme des sauvages, sans
télé, sans téléphone », nombreuses
plaintes sur les privations.
Sur les rythmes
Sujet 7 : connaît toutes procédures et les
anticipe.
Sujet 9 : « ça n'arrête
pas », « j'ai eu des problèmes de sucre
ici »
Corps-Machine et étrangeté de son
propre corps
Sujet 4 : « on se reconnaît même
plus »
Sujet 6 : « me retrouver comme
ça »
Sujet 9 : «branché de partout »
Phase de réincorporation du rite de
passage ou post liminaire : la restructuration psychique:
4/6
Renaissance et réapprentissages
Sujet 3 : « j'ai vu que je pouvais pas me lever
seul »
Sujet 6 : « je dois tout
réapprendre », « On me fait remarcher depuis ce
matin. Des petits pas, c'est dur », « j'espère bien
revenir chez moi sur mes 2 pieds »
Sujet 7 : « la volonté, c'est ce qui
fait tout, tout se passe là-dedans », compare les drains
à des cordons ombilicaux.
Sujet 9 : « j'ai peiné plus qu'un peu
pour reprendre le dessus », « quand on reprend la
possibilité de manger, c'est important que ce soit bon,
non ? », « Maintenant, douche, repos,
sommeil ».
Réactivation d'un traumatisme
passé et de questionnements sur le sens de sa vie: 2/6 +
1
Sujet 6 : évocation de conflits dans le
passé
Sujet 7 : rupture familiale et infanticide symbolique
Ajouter des exemples... de
« pourquoi ? »
Sujet 14 : réactivation du deuil de son mari et
activation de réflexions personnelles philosophiques sur la vie et la
mort.
Les rapports entre théories des malades,
théories de l'équipe soignante : 6/6
Conflit des théories : 6/6
Sujet 3 : « comme un bébé ,
attaché pour ne pas tomber du lit», « je suis allé
beaucoup plus loin, jusqu'à haïr les autres », et
autoextubation
Sujet 4 : aurait souhaité plus de présence
de sa femme, pas de colère
Sujet 6 : « on me lave au lit comme un
bébé » , « on ne m'aurait pas parlé
comme ça chez moi », « je ne pouvais rien
faire », « je suis trop vieille pour tout
ça » et autoextubation, avec colère
Sujet 7 : il nomme un des docteur « M.
pète-sec », « il me prend pour un
mito »
Sujet 8 : « on est pas des animaux quand
même », « Il y a des gens qui vous font
mal » avec colère
Sujet 9 : « c'est une machine maudite
ça », « j'ai attrapé cette
saloperie-là à l'hôpital », « j'ai fait
un peu cobaye quoi », « quand on reprend la
possibilité de manger, c'est important que ce soit bon,
non ? », plaintes sur les nombreuses nuisances avec
colère
Acceptation de la théorie
médicale : 4/6
Sujet 3 : « on m'a toujours
respecté », « ce sont des gens bien en
réa »
Sujet 4 : « c'est comme ça »,
« ils font attention à vous »
Sujet 7 : « il faut être
rationnel », « je me sens un homme neuf »
Sujet 8 : « ici, on est très bien
soigné »
Défenses culturelles :
6/6
le lien familial : 5/6
Sujet 3 : les hallucinations protecteur porte sur le
pays, la famille, les enfants
Sujet 4 : la présence de l'épouse a
manqué dans les moments les plus angoissants
Sujet 6 : appel quotidien des enfants de Martinique
Sujet 8 : « mon meilleur docteur, mon
conseiller, c'est ma fille »
Sujet 9 : « ils sont venus chacun son tour,
heureusement » (les proches)
Sujet 14 : enfants
La religion, la philosophie : 1/6 + 1
Sujet 6 : croyance en Dieu, référence
à la Bible (histoire de Job)
Sujet 14 : référence à un
au-delà, au Souffle qui fonde la vie humaine.
Le lien social : 1/6
Sujet 7
Sujet 14 : la relation a été possible avec
l'équipe soignante dans les moments critiques.
Identité propre (notion de
personnalité)
L'affirmation de soi :
Sujet 6 : en tant que personne qui choisit où elle
veut mourir
Sujet 7 : en tant que personne rationnelle et qui
possède une expertise
Sujet 8 : dans la revendication en tant que personne
humaine qui a droit à du respect « un sourire »
Sujet 9 : dans les plaintes
Nous relevons une ambivalence de sentiment des malades par
rapport à la réanimation :
Les malades dont l'effraction psychique et corporelle est la
plus sévère donnent une description détaillée des
effractions corporelles comme des agressions subies, tout en exprimant la
satisfaction d'avoir été bien soignés.
Une expérience de dissociation psychique liée
à des agressions réelles de l'environnement a
été observée. Les moments de déstructuration
psychique sont également décrits. Les malades expriment avoir
préservé un certain niveau de jugement pendant les moments
marqués par les signes dissociatifs, ou dans le cas du sujet 3, avoir pu
distinguer spontanément la différence entre les
événements réels des hallucinations. Ce malade est
d'ailleurs revenu sur les lieux de réanimation plusieurs fois, afin de
revoir les lieux et vérifier dans ses souvenirs la part qui
correspondait à la réalité. Il a aussi tenu à
revoir chaque soignant, les remercier et à leur montrer sa
récupération physique et psychique.
IV.1.c
Hypothèse 3 : La position de patient-expert permettrait de terminer
le processus de transformation psychique par une restructuration psychique.
Identité narrative :
5/6
Récit structuré dans le temps :
5/6
Sujet 3 : récit spontané
Sujet 4 : questions nécessaires
Sujet 6 : commence spontanément le récit
détaillé
Sujet 7 : beaucoup de stratégies
d'évitements, relances nécessaires
Sujet 8 : récit spontané
Sujet 9 : récit spontané
Insertion de l'événement dans le cours
de la vie (ipséité) : 5/6
Sujet 3 : rapport avec les enseignements de son
grand-père
Sujet 4 : évocation de son métier
Sujet 6 : valeurs personnelles, récit de sa vie
avant la maladie
Sujet 7 : récit de sa vie sociale,
gênée par accident et maladie, rupture familiale
Sujet 8 : récit de sa vie active et familiale
Sujet 9 : récit de sa vie active et avec les
maladies chroniques
Réactivation d'un traumatisme
passé et de questionnements sur le sens de sa vie: 2/6 +
1
Sujet 6 : évocation de conflits dans le
passé
Sujet 7 : rupture familiale et infanticide symbolique
Ajouter des exemples... de
« pourquoi ? »
Sujet 14 : réactivation du deuil de son mari et
activation de réflexions personnelles philosophiques sur la vie et la
mort.
Evocation du futur : 6/6
Optimiste pour tous
Sujet 3 : retour au pays
Sujet 4 : revoir ses enfants
Sujet 6 : retour au pays
Sujet 7 : faire une fête avec tous ses amis
Sujet 8 : retour au pays
Sujet 9 : reprendre son quotidien, fêter le mariage
de sa fille
Identité propre : 4/6
L'affirmation de soi :
Sujet 6 : en tant que personne qui choisit où elle
veut mourir, en tant qu'ancêtre d'une nombreuse descendance
Sujet 7 : en tant que personne rationnelle et qui
possède une expertise, une volonté qui permet de guérir
Sujet 8 : dans la revendication en tant que personne
humaine qui a droit à du respect « un sourire »
Sujet 9 : dans les plaintes, dans les relations de
couple, dans l'importance de la place de père
Patient-Expert : 5/6 + 1
Position d'initié qui transmet son
expérience : 4/6
Sujet 3 : transmet un message, une morale
Sujet 7 : transmission d'une expertise
Sujet 9 : transmet les plaintes pour des
améliorations futures
Sujet 14 : transmission d'un enseignement
Motivation à faire le récit du
vécu : 3/6
Sujet 6 : désir de se confier
Sujet 8 : désir de faire connaître les
aspects négatifs par empathie pour les autres malades
Sujet 9 : désir de relation humaine
Phase finale du rite de passage
Transmission : 3/6
Sujet 3 : « la maladie c'est une épreuve
qu'on nous donne à passer », « Moi, j'ai fait une
faute », « cette épreuve c'était le
châtiment », « c'est une épreuve dure, on est
plus pareil après »
Sujet 6 : théorie du mauvais-oeil, guérison
par la grâce donnée à son plus jeune et
arrière-petit-fils, espoir de retour « sur mes 2
pieds »
Sujet 7 : « je me suis
rééduqué moi-même, avec de la
volonté », (récupération de sa maîtrise
sur soi)
Remarques supplémentaire :
Pour tous les sujets, une détente est apparue au cours
de l'entretien, et peu à peu, une satisfaction à
témoigner, des remerciements, des remarques sur le fait de
témoigner.
Ces personnes avaient demandé des
« psys » pour parler avec quelqu'un de leur ressenti, mais
pas pour « guérir » d'une pathologie qu'ils
ressentaient en eux.
Les problèmes psychiques sont toujours associés
à la situation, réactionnels.
Les malades qui ont subi la déstructuration psychique
sont aussi ceux dont les récits sont les plus spontanées et les
plus riches.
V INTERPRETATION DES RESULATS
V.1
HYPOTHÈSE 1 : UNE PLUS GRANDE TECHNICITÉ MÉDICALE
GÉNÈRERAIT DES SOUFFRANCES PSYCHIQUES PLUS PROFONDES
Nous avons bien vérifié que plus la
défaillance des fonctions vitales organiques était grave, plus
invasives étaient les techniques de soutien vital et de soins, et plus
profonde était la souffrance psychique correspondante. Le moment
d'effraction corporelle correspond à une période de souffrance
qui relève d'un processus traumatique de déstructuration
psychique. Il est décrit par les signes cliniques de l'état de
stress aigu et expliqué par la mise en échec des défenses
psychiques habituelles contre l'angoisse.
L'état confusionnel peut donc s'expliquer à deux
niveaux :
· Au niveau biologique, les défaillances des
fonctions cardiorespiratoires entraînent une diminution du taux
d'oxygène dans le sang et par conséquent dans toutes les cellules
de l'organisme, notamment celles du système cérébral.
· Au niveau psychique, l'angoisse extrême au moment
de l'événement de mort imminente et de danger vital,
prolongé lors des soins de soutien, dépasse les capacités
psychiques de défense. Les sujets vivent une « double
angoisse » liée à la fois à la crainte de mourir
et de devenir fou. Cette « double angoisse »
d'anéantissement, se situe sur le plan de l'existence au monde et sur le
plan du sentiment d'intégrité personnelle. L'état
confusionnel est aussi le témoin du débordement de cette
« double angoisse », avec laquelle débute le
processus traumatique.
La réanimation comporte un paradoxe inhérent aux
pratiques de soins même : alors qu'elle tente de pallier la
défaillance des fonctions vitales, elle supporte aussi un processus
traumatique sur le plan psychique. Ce paradoxe exprime un clivage entre les
pratiques des équipes de soins du corps et les professionnels du soin
psychique, entre théories médicales centrées uniquement
sur le corps et théories psychiques reléguées à
l'étude de l'esprit. L'origine de ce clivage remonte à
l'application et à la diffusion en Occident d'un certain esprit
cartésien, notamment le dualisme corps-esprit qui localise le psychisme
dans le cerveau et place la raison au-dessus des émotions et des
perceptions provenant du corps.
La limite de cette vision a été soulevée
en neurologie (DAMASIO, 1994) par des recherches qui démontrent que le
corps, plus particulièrement toutes les sensations corporelles,
traitées au niveau du lobe frontal, sont essentielles aux
capacités de jugement.
Le courant de la psychosomatie s'intéresse
également aux relations entre certaines maladies du corps et le
psychisme du malade.
Si on applique un raisonnement réunissant les processus
biologiques et psychiques, pour les sujets de cette étude, il semble que
le soin de soutien de la fonction respiratoire, fait effraction dans un lieu
corporel qui correspond au lieu du Souffle Vital. S'appuyant sur l'étude
de cette notion vue en partie théorique, l'effraction de ce lieu, non
seulement perturberait la part sensible du psychisme, mais également la
part fondatrice du sentiment d'appartenance au monde de l'humanité,
condition de la vie humaine. Cette effraction augmente chez ces malades, le
risque mortel.
Il semble donc que le fait d'éliminer la part psychique
dans la logique purement rationnelle et scientifique de la médecine,
produise le paradoxe de la réanimation.
V.2
HYPOTHÈSE 2 : LE VÉCU DES MALADES DE RÉANIMATION
CORRESPONDRAIT À UNE TRANSFORMATION PSYCHIQUE QUI PEUT SE CONCEPTUALISER
PAR LA NOTION ANTHROPOLOGIQUE DE RITE DE PASSAGE.
A travers les analyses d'entretien des sujets engagés
dans un processus traumatique, nous avons vu qu'ils témoignaient
également lors de la phase de récupération biologique
d'une restructuration psychique et montraient dans la description de leur
expérience de la réanimation les particularités d'une
situation de rite de passage.
Leur expérience a mis en acte et en vécu la mort
et la renaissance que symbolisent les rites de passage. Cet aspect est bien
présent dans la représentation que des membres de l'équipe
soignante ont de leur pratique. La réanimation est une pratique qui
s'est développée au niveau national dans tous les pays d'Occident
et fait partie des fondements de la culture moderne, avec une forte influence
de l'aspect médical sur les modes de vie et la politique.
(hygiène, prévention de santé, prise en charge des
déviances, etc...)
Néanmoins, le rite de passage, bien que présent
dans les pratiques et les représentations, n'est pas tout à fait
comparable aux rites des sociétés traditionnelles. En effet, dans
ces sociétés, les rites sont intégrés aux parcours
de vie de chaque individu et aux règles sociales. Ils impliquent les
membres du groupe culturel, initiés ou non. Les responsables du rituel,
dont le savoir est réservé aux initiés, pratiquent
publiquement. Les rites de guérison impliquent des aspects corporels,
psychiques et culturels. (NATHAN, 2001)
La pratique de la réanimation
médicale possède les différences suivantes avec les
rites traditionnels :
· Elle n'a pas culturellement été
conçue comme un passage obligé dans un parcours de vie, bien que
l'institutionnalisation de la fin de vie semble montrer qu'elle le soit
devenue.
· La pratique différencie les
« étrangers au service » qui sont exclus des
pratiques et les « membres du personnel » tous admis
à circuler librement dans les lieux. Récemment, les proches des
malades sont admis comme « visiteurs », mais leur
participation à la « vie de la réa » est
négligeable.
· Bien que les savoirs médicaux soient largement
diffusés, les pratiques se déroulent à huis clos.
· La pratique, uniquement axée sur la survie
biologique, ne prend pas en compte les aspects culturels et psychiques.
Ce dernier point peut expliquer les paradoxes, ambivalences et
conflits relevés sur le lieu de soin et dans les discours des
malades.
La représentation de la relation entre malade et
équipe soignante correspond à une théorie qui
réduit le malade intubé, en incapacité de parler,
angoissé et souvent en état de confusion à une personne en
régression psychique. Cette même représentation touche
souvent les handicapés physiques dans les sociétés
modernes (GOFFMAN, 1963), et c'est par des actions de réhabilitation
identitaire au niveau politique que certains pays occidentaux ont pu surmonter
les comportements d'exclusion que ces préjugés
entraînaient.
Cette vision entraîne aussi des attitudes
infantilisantes qui piège souvent les malades dans des comportements
infantiles en retour. La dépendance totale des malades, et la
communication non verbale imposée favorisent cette situation. Elle
semble également influencer le regard clinique sur le malade : en
effet, invoquer la notion de « sentiment de
persécution », alors que la souffrance psychique est
causée par des faits réels d'effractions corporelles douloureuses
et invalidantes consiste à faire une interprétation, qui s'appuie
sur l'association de la déstructuration psychique à la
théorie structurelle des troubles dissociatifs, dont la notion de
conflit intrapsychique.
Les discours des sujets montrent bien des conflits, mais
à d'autres niveaux que ceux classiquement
étudiés :
- au moment de la défaillance vitale, le malade qui est
pris en charge pour être sauvé subit aussi des effractions
traumatiques corporelles et psychiques. On peut dire qu'il se retrouve dans une
situation paradoxale.
- Par la suite, les discours montrent des ambivalences
d'attitudes vis-à-vis de l'équipe soignante, comme un sentiment
de reconnaissance mêlé à une attitude défensive.
- Des désaccords et des plaintes concernant les
règles du service et l'affirmation de sa personnalité expriment
une lutte contre l'image de « bon malade » s'abandonnant
aux soins, soumis et passif. Cette attitude est conforme à celle
relevée dans une étude de la survie à la maladie grave.
(FISCHER, 1994)
- Des actes auto agressifs chez des malades qui par la suite
s'engagent dans un processus de récupération avec toute
l'énergie dont ils sont capables.
Le conflit se situe au-delà du psychisme interne du
malade. Il reflète une opposition entre la pratique d'une institution de
soin centrée sur la préservation de la vie biologique et des
réactions individuelles de préservation de
l`intégrité psychique. Dans les situations de rites
traditionnels, les actes agressifs qui peuvent être employés comme
les scarifications, le sont toujours avec le consentement des sujets, car ils
font partie des traditions et les individus trouvent dans la communauté
le soutien pour surmonter l'épreuve du rite. Il ne semble pas y avoir de
conflit entre la volonté de l'individu et les pratiques, ni de lutte.
Les sujets savent que leur isolement et leur marginalisation seront temporaires
et aboutiront à la réintégration dans leur groupe. En
fait, ils ne se sentent jamais totalement désaffiliés. En
réanimation, le malade est brutalement séparé de son
milieu social et culturel. Le moment qui correspondrait à la phase
liminaire fait plus que marginaliser l'individu, elle le sépare aussi de
ses attaches sociales, avec la crainte de ne pas pouvoir y revenir. Ce constat
est conforme aux représentations sociales de la maladie des
sociétés occidentales : la maladie est vécue comme
menaçant l'identité et elle engage un conflit entre le malade et
la société, tandis que dans les sociétés
traditionnelles, le malade est en conflit avec des forces nuisibles. (ADAM,
HERTZLICH, 2004)
Nous pouvons donc avancer que les pratiques de soin, en plus
de s'appuyer sur des théories qui éliminent
l'intérêt sur le psychisme, sont mises en oeuvre d'une
manière qui désaffilie le malade et le prive de ses
défenses culturelles, notamment son affiliation sociale, familiale,
culturelle, seules possibilités de défenses dans les moments
critiques. Il s'agirait d'une forme de maltraitance théorique non
intentionnelle à laquelle toute personne est susceptible d'être
soumise en cas de vulnérabilité : « Ce
phénomène apparaît lorsque les théories
sous-jacentes à des pratiques sont plaquées sur une
réalité clinique qu'elles recouvrent, qu'elles redécoupent
ou qu'elles ignorent » (SIRONI, 2003, page 5).
La maltraitance que subissaient les mourants a
déjà été dénoncée et a pu aboutir
à la mise en place des cellules de soins palliatifs et à la
reconnaissance juridique des « Droit des malade en fin de
vie ». Il reste de nombreux efforts à faire car les pratiques
en place sont difficiles à modifier pour que la situation n'en reste
à celle décrite par L. V. Thomas en 1978 :
« services d'urgences pour les morts rapides et inconscientes,
service de médecine générale ou spécialisée
pour les morts lentes et inconscientes, mouroirs pour ceux qui n'en finissent
pas de mourir. » (THOMAS, 1978, page 83)
Concernant les malades qui sont
« recrutés » (terme employé par les
médecins réanimateurs) pour une réanimation selon leurs
probabilités de survie, il est essentiel de réfléchir
à l'aspect maltraitant des pratiques afin de favoriser au maximum ses
chances de survie.
V.3
HYPOTHÈSE 3 : LA POSITION DE PATIENT-EXPERT PERMETTRAIT DE TERMINER
LE PROCESSUS DE TRANSFORMATION PSYCHIQUE PAR UNE RESTRUCTURATION PSYCHIQUE.
Les entretiens des sujets qui montrent un processus de
transformation psychique et qui ont eu lieu lors de la phase de restructuration
montrent bien une activation de la part narrative de l'identité avec
l'affirmation de sa propre identité et une temporalité à
la fois dans le récit des événements et dans
l'évocation des éléments biographiques. L'évocation
de projets futurs aussi bien que la réactivation des souvenirs
d'événements traumatiques passés, peuvent
s'interpréter comme les réponses à des questionnements
personnels qui aboutissent à des décisions importantes sur
l'orientation du mode de vie futur. L'événement de
défaillance vitale a donc eu une influence profonde sur
l'identité des personnes.
Il a été observé des améliorations
des troubles anxieux au cours des entretiens. Les sujets ont fait souvent des
remarques positives sur le fait de pouvoir transmettre à la
manière d'un expert leur expérience. On peut donc soutenir qu'un
entretien qui place le sujet en position d'expert possède un pouvoir
thérapeutique inhérent à la méthode, car il
favorise le travail de l'identité narrative, aidant le malade à
réactiver des ressources personnelles et relationnelles pour surmonter
son épreuve.
Concernant l'équipe soignante, au cours de
l'année de stage et des interventions successives un changement s'est
produit : les premières attitudes semblaient sceptiques quant
à la présence d'un psychologie stagiaire et d'une étude
sur la psychologie des malades, puis, des demandes d'interventions ont
été exprimées, pour enfin entendre différents
soignants soulever des réflexions sur l'influence psychologique
causées par leurs pratiques. Un groupe de réflexion sur les
pratiques a été débuté, ainsi que l'acceptation
d'une équipe de bénévole d'une association de soins
palliatifs pour un accompagnement des familles.
La méthode d'entretien mise en oeuvre correspond
à une approche « centrée sur la personne »
classiquement enseignée à toute intervenant en relation d'aide
dans le domaine social (MUCHIELLI, 2004).
De nombreux membres de l'équipe soignante font preuve
d'une réelle compassion, mais se retrouvent souvent démunis face
à la détresse des malades, qu'ils ne savent pas toujours comment
aborder autrement que de façon maternante pour les infirmières,
autoritaire pour les médecins, ou filiale pour certains jeunes
médecins. Cette forme d'empathie spontanée a pour
inconvénient d'engager fortement les émotions des équipes
soignantes, menant à un épuisement et parfois à des
réactions de défenses contre-productives.
La méthode d'entretien employée demande une
formation assez courte, de la réflexion personnelle et de la pratique
régulière. Elle permet de concilier empathie et distance avec
cohérence et authenticité. Il serait intéressant de
réfléchir à une mise en oeuvre de ce type relation lors
des échanges informels entre soignants et malades. Ainsi les
équipes soignantes, véritable « gardiennes du
rites » seraient en mesure de répondre elles-mêmes aux
besoins psychiques des malades et le risque de perpétuer le clivage
corps-esprit en intégrant des intervenants extérieurs,
psychologues ou bénévoles, serait diminué.
CONCLUSION
La réhabilitation de l'aspect psychique dans les
pratiques de soins est actuellement discutée par certains
médecins réanimateurs qui prennent conscience des ressemblances
entre leur population de malades et celle des soins palliatifs, que seul le
caractère d'urgence différencie. Ce caractère d'urgence
qui oriente le soin sur la préservation de la vie entraîne une
négligence du soulagement de la douleur. Une proposition consiste
à organiser des réflexions éthiques sur la mort en service
de réanimation, tout comme cela se fait en soins palliatifs (KERGUEN
& RICHARD, 1999).
La famille est également concernée par le
traumatisme psychique. Bien que cette étude n'ait pas mis en avant le
vécu des familles, elle a donné des pistes de réflexions
sur les causes traumatiques chez les familles, notamment dans les cas de
décès. Sachant que les mourants de réanimation subissent
les mêmes soins agressifs que les survivants, car c'est ainsi qu'ils
seront tout d'abord considérés, on peut comprendre en quoi des
deuils peuvent devenir pathologiques car les familles se retrouvent aussi
confrontées à une situation paradoxale : se conformer
à l'usage social qui isole le mourant et culpabilise la famille ou se
conformer à l'ancien usage qui consiste à accompagner le mourant
et renoncer à toute faire pour le sauver ?
Le développement des pratiques de soins de
réanimation s'intègre dans une période de mutation sociale
qui est dominée par le déni de la mort (ARIES, 1975) et un mode
de vie qui favorise une logique de consommation amenant les comportements
de soins à ressembler à des techniques de torture.
« Aucune violence humaine, sauf celle de la torture, n'est
comparable à la force de contrainte de la
nécessité. » (ARENDT, 1958, p. 179). Le soin est
ainsi devenu un produit de consommation accessible à tous mais aussi une
contrainte qui change les rapports à la mort.
Le paradoxe serait donc relié à cette attitude
de déni social de la mort qui produit un clivage vie et mort, similaire
au clivage entre corps et esprit (THOMAS, 1978). Réintégrer le
psychisme dans la logique médical consisterait donc bien aussi à
réintroduire la mort dans la réflexion sur la vie plutôt
que de les opposer. « Vivre pleinement, c'est s'offrir le luxe de
donner sa vie pour quelque chose ou pour quelqu'un sans jamais perdre de vue la
mort, et justement parce que je vais mourir. » (THOMAS, 1978,
page 203)
LEXIQUE DES TERMES
MEDICAUX
BPCO ou Broncho-pneumopathies chronique
obstructive n. f.
Terme générique sous lequel on regroupe un
ensemble d'affections respiratoires touchant les bronches et les poumons
(bronchite chronique, asthme, emphysème), pouvant coexister chez un
même sujet, qui déterminent chez ce dernier une insuffisance
ventilatoire obstructive.
La bronchopneumopathie chronique obstructive est une affection
à développement lent, dont les symptômes n'apparaissent que
vers la quarantaine ou la cinquantaine, et dont l'une des causes principales
est le tabagisme. Elle touche autant les hommes que les femmes.
Cyanose n. f.
Coloration bleuâtre de la peau causée par un
trouble de la circulation, par une altération de l'oxyhémoglobine
ou par un trouble de l'hématose.
Défibrillation n. f.
Méthode utilisée dans le traitement d'arythmies
cardiaques, notamment la fibrillation ventriculaire qui peut être
responsable d'un arrêt cardiaque, et qui consiste à redonner au
coeur un rythme normal à l'aide d'une forte mais brève
décharge électrique asynchrone.
Défibrillateur implantable n. m.
Appareil destiné à être implanté
sous la peau pour surveiller le rythme cardiaque et, en présence d'une
arythmie (fibrillation ou tachycardie ventriculaires, bradycardie), pour
rétablir électriquement le rythme normal du coeur.
Dyspnée n. f.
Difficulté à respirer d'origine cardiaque ou
respiratoire, s'accompagnant d'une sensation de gêne et d'oppression, et
se traduisant par une augmentation de la fréquence ou de l'amplitude des
mouvements respiratoires.
Iatrogénie n. f.
Pathogénie d'origine médicale.
Infarctus n. m.
Foyer limité d'infiltration sanguine au niveau d'un
viscère (Laënnec).
En fait, par suite de l'évolution des conceptions
pathogéniques, le terme d'« infarctus » définit
actuellement un foyer circonscrit de nécrose ischémique (avec ou
sans infiltration sanguine) déterminée par une
oblitération artérielle au niveau d'un viscère.
On distingue classiquement les infarctus blancs (infarctus
anémiques ou ischémiques, comme l'infarctus du rein) et les
infarctus rouges (infarctus apoplectiques ou hémorragiques, comme
l'infarctus pulmonaire).
Médiastin n. m.
Région médiane du thorax, située entre
les régions pleuropulmonaires, le plastron sternal et le rachis dorsal,
contenant le coeur et les gros vaisseaux, la trachée et les bronches
extrapulmonaires, l'oesophage, de nombreux lymphatiques et le thymus ou ses
reliquats.
Médiastinite n. f.
Nom générique donné aux inflammations du
tissu cellulaire du médiastin.
Nosocomial adj.
Se dit d'une infection, d'une maladie contractée en
milieu hospitalier.
OAP ou oedème pulmonaire aigu n. f.
Brusque inondation des alvéoles et du tissu
interstitiel des poumons provoquée par la sérosité
non-coagulable du plasma sanguin provenant par transsudation, des capillaires
pulmonaires. La grippe espagnole se compliquait de cette manière en
1918.
Pace maker ou Stimulateur cardiaque n. m.
Stimulateur électrique intracorporel utilisé en
cas de bloc auriculo-ventriculaire permanent ou paroxystique, et destiné
à déclencher des contractions cardiaques au moyen d'impulsions
électriques rythmées, transmises au myocarde auriculaire ou
ventriculaire par des électrodes fixées à la surface ou
à l'intérieur du coeur.
Poliomyélite
Cette maladie mène à la paralysie de l'appareil
respiratoire et la mort par asphyxie. Les paralysies ont tendance à
régresser spontanément.
Pneumothorax n. m.
Épanchement gazeux, spontané ou provoqué,
occupant tout ou partie de l'espace habituellement virtuel compris entre la
plèvre viscérale et la plèvre pariétale.
SDRA ou syndrome de détresse respiratoire
aiguë de l'adulte
OEdème pulmonaire lié à des causes
variées : sepsis, inhalation de contenu gastrique, contusion
pulmonaire, transfusion massive, polyfractures, pancréatite,
hypotension, noyade.
Ventilation assistée n. f.
Amélioration des conditions ventilatoires à
l'aide d'un appareil (type Bird) dont les paramètres (volume courant et
fréquence) sont déterminés par le malade lui-même.
La ventilation assistée est généralement
une technique de rééducation respiratoire utilisée chez
les insuffisants respiratoires chroniques.
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ANNEXES
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