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Approche ethnopsychiatrique du malade réanimé : Réhabiliter l'esprit dans les pratiques de soins

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par Véronique DI MERCURIO
Université Paris 8 - Master 1 Psychologie Clinique 2007
  

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Université de Paris 8

U. F. R. de Psychologie

Pratiques Cliniques et Sociales

MÉMOIRE DE MASTER 1

Etude de Psychologie Clinique et Pathologique

Approche ethnopsychiatrique du malade réanimé :

Réhabiliter l'esprit dans les pratiques de soins

Présenté par :

Véronique DI MERCURIO

Sous la direction de

Françoise Sironi Session de février 2007TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ 4

INTRODUCTION 5

IELABORATION THEORIQUE DU PROBLEME 6

I.1ETAT DES LIEUX DES RECHERCHES EN PSYCHOLOGIE SUR LA RÉANIMATION 6

I.1.aApproches athéoriques épidémiologiques 6

I.1.bApproches cognitives « Health Psychology » 6

I.1.cApproche psychobiologique : notion de ROPA de H. Laborit 6

I.1.dApproches cliniques d'inspiration psychanalytique en France 7

I.1.eApproches sociales : l'anthropologie médicale 7

I.1.fQue retenir de ces recherches ? 8

I.2LA RÉANIMATION MÉDICALE AUJOURD'HUI  8

I.2.aDescription des pratiques et des malades dans un service représentatif 8

I.2.bLa réanimation comme événement traumatique : un point de départ 8

I.2.cFacteurs traumatogènes de la réanimation médicale 10

Facteurs environnementaux 10

Facteurs d'agression corporelle 10

Un facteur particulièrement saillant : l'intubation trachéale 10

I.3LA REANIMATION COMME PRATIQUE DANS SON CONTEXTE CULTUREL 11

I.3.aLa relation entre mutation d'une culture et psychologie individuelle 11

Intégrer un regard culturel à l'étude des souffrances psychiques 11

La notion de défenses culturelles 11

I.3.bSources historiques de la réanimation comme pratique 11

Antiquité et Moyen-âge 11

De la renaissance au début du 20e siècle 11

Début de l'institutionnalisation de la réanimation 11

I.3.cOrigine du terme de « réanimation » 12

Le concept de « réanimation » 12

I.3.dLa réanimation comme moment de transformation psychique 12

Rappel sur la notion de rite de passage 12

I.3.eDe la réanimation médicale au concept de « Souffle Vital » 13

I.4LA NOTION DE SOUFFLE VITAL  13

I.4.aOrigines des théories du vivant 13

I.4.bConception des sociétés traditionnelles 13

Afrique noire 13

Religions et médecines traditionnelles d'Asie (VALLET, 1999 ; ELIADE, 1958) 13

I.4.cConceptions du « Souffle Vital » dans les fondements des cultures occidentales 14

Les Babyloniens 14

Egypte ancienne 14

La Bible 14

Les Grecs : coexistence des conceptions dualistes et monistes 14

IIENONCE DES HYPOTHESES 16

II.1ELABORATION DES HYPOTHÈSES 16

II.1.aSur les pratiques de soins médicaux 16

II.1.bSur les théories pour interpréter le vécu des malades réanimés 16

II.1.cSur la méthode psychothérapeutique 16

IIIMETHODOLOGIE 16

III.1SPÉCIFICATION DES HYPOTHÈSES EN CRITERES D'ANALYSE 16

III.1.aHypothèse 1 : Une plus grande technicité médicale génèrerait des souffrances psychiques plus profondes 16

III.1.bHypothèse 2 : Le vécu des malades de réanimation correspondrait à une transformation psychique qui peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de passage. 17

III.1.cHypothèse 3 : La position de patient-expert permettrait de terminer le processus de transformation psychique par une restructuration psychique. 17

III.2CONSTITUTION DES GROUPES DE SUJETS 17

III.3LES SUJETS 18

III.4LA MÉTHODE D'ENTRETIEN 21

Phase préliminaire sur le lieu de recherche 21

Méthode d'entretien ou méthode thérapeutique ? 21

Guide d'entretien semi-dirigé 21

Vérification des critères de scientificité 21

IVCOMPTE-RENDU DES RÉSULTATS 22

IV.1.aHypothèse 1 : Une plus grande technicité médicale génèrerait des souffrances psychiques plus profondes 22

Analyses des signes cliniques 22

Comparaison intergroupe des signes cliniques : 44

Commentaire sur les comparaisons intergroupe des mécanismes de défense : 44

Comparaison des analyses thématiques d'entretiens 44

IV.1.bHypothèse 2 : Le vécu des malades de réanimation correspondrait à une transformation psychique qui peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de passage. 45

IV.1.cHypothèse 3 : La position de patient-expert permettrait de terminer le processus de transformation psychique par une restructuration psychique. 48

VINTERPRETATION DES RESULATS 51

V.1HYPOTHÈSE 1 : UNE PLUS GRANDE TECHNICITÉ MÉDICALE GÉNÈRERAIT DES SOUFFRANCES PSYCHIQUES PLUS PROFONDES 51

V.2HYPOTHÈSE 2 : LE VÉCU DES MALADES DE RÉANIMATION CORRESPONDRAIT À UNE TRANSFORMATION PSYCHIQUE QUI PEUT SE CONCEPTUALISER PAR LA NOTION ANTHROPOLOGIQUE DE RITE DE PASSAGE. 51

V.3HYPOTHÈSE 3 : LA POSITION DE PATIENT-EXPERT PERMETTRAIT DE TERMINER LE PROCESSUS DE TRANSFORMATION PSYCHIQUE PAR UNE RESTRUCTURATION PSYCHIQUE. 52

LEXIQUE DES TERMES MEDICAUX 54

BIBLIOGRAPHIE 56

ANNEXES 60

résumé

La réanimation médicale, à la fois pratique et lieu de soins, s'adresse aux malades qui se trouvent en situation de défaillance des fonctions vitales. C'est une pratique récente, apparue dans la seconde moitié du XXe siècle et qui s'inscrit dans l'évolution économique et technologique des pays Occidentaux. Une étude de la psychologie des malades hospitalisés en réanimation médicale, au-delà des aspects cliniques, concerne aussi les aspects culturels et sociaux, ce que permet l'approche ethnopsychiatrique.

Le contexte d'urgence vitale et le danger de mort justifient de centrer l'étude sur les effets psychologiques produits par la situation plutôt que d'étudier le lien entre personnalité et maladie comme le font les approches classiques en psychologie de la santé.

Le modèle du traumatisme psychique est employé dans l'étude comme un présupposé.

La problématique du vécu des malades de réanimation y est étudiée selon 3 aspects avec 3 hypothèses correspondantes :

1) Concernant les pratiques de soins de réanimation, celles-ci sont-elles associées et impliquées dans des souffrances psychiques de type traumatique ?

2) Concernant les théories d'interprétation, est-ce que les notions de « rite de passage » et de « conflits culturels » rendent mieux compte de la psychologie des malades de réanimation que les théories classiquement employées en psychologie clinique ?

3) Concernant la méthode de soutien au niveau psychologique des malades, est-ce qu'une approche qui positionne le malade en situation d'expert procure un bénéfice psychique ?

L'étude s'appuie sur les observations et l'analyse des entretiens de 14 sujets. Tous ont été suivis lors de l'événement de défaillance vitale et 11 ont pu participer à des entretiens de recherche après leur prise en charge en réanimation médicale.

Les sujets : un groupe de recherche de 9 patients qui ont été réanimés au moyen des techniques invasives avec ventilation mécanique et intubation trachéale et un groupe contrôle de 5 patients qui ont été réanimés avec une technique non invasive dont un masque pour la part respiratoire.

Les résultats ont montré que les 3 hypothèses sont bien vérifiées.

1) Parmi les malades réanimés par techniques invasives, 8 sujets sur 9 ont bien vécu un événement traumatique et ont montré des signes de stress aigu lors de cet événement, contre seulement 2 sujets sur 5 parmi des malades du groupe contrôle.

2) La notion anthropologique de « rite de passage » explique le phénomène de transformation psychique mis en évidence dans les entretiens. Le conflit se situe entre un individu qui tente de défendre son intégrité psychique contre des techniques produisant du traumatisme psychique.

3) La position de patient-expert favorise la restructuration psychique grâce à l'activation de la capacité narrative propre à toute identité.

L'interprétation des résultats d'un point de vue socioculturel a soulevé les réflexions suivantes :

- L'état confusionnel peut s'expliquer d'un point de vue psychogène car les effractions corporelles sont intimement reliées aux effractions psychiques,

- La réanimation génère une situation paradoxale qui s'appuie sur une conception dualiste et clivée des relations corps et esprit. L'élimination de l'esprit des pratiques produit une souffrance psychique.

- La notion de rite de passage permet de décrire et comprendre le traumatisme psychique comme une transformation, avec une phase de déstructuration et une phase de restructuration.

- Bien que ressemblant à un rite, la pratique de soin de réanimation ne s'inscrit pas dans une tradition culturelle mais dans une institution, avec laquelle les individus soignés peuvent entrer en conflit.

- La forme d'entretien qui place le malade en position d'expert qui favorise le récit et la transmission de savoir permet d'activer une capacité d'auto guérison liée à la spécificité de l'identité narrative.

Des suggestions concernant les pratiques de soins ont été proposées :

- La réflexion éthique commune sur la mort entre équipes de réanimation et équipes de soins palliatifs.

- La formation des équipes soignantes à une relation d'aide dégagée de toute théorie psychologique inadaptée à la situation et centrée sur une vision du malade-expert.

INTRODUCTION

"L'existence est rare. Nous sommes constamment, mais nous n'existons que quelquefois, lorsqu'un véritable événement nous transforme."

Henri Maldiney

La réanimation médicale concerne les personnes dont la vie est en danger et risque de s'achever à la suite d'une défaillance soudaine d'une de leurs fonctions vitales. Elle s'intègre dans une politique de la gestion de la santé publique dans nos sociétés occidentales et modernes où depuis un peu plus de 50 ans les moments limites de début et de fin de vie, des périodes de la vie qui appartenaient au domaine privé, sont désormais pris en charge de manière collective par les institutions de santé publique. Une enquête Nationale (SAR-Samu, 1994) révèle ainsi que 2 personnes sur 3 décèdent dans un établissement hospitalier, dont notamment 3 personnes sur 4 sans la présence de la famille. Cette situation a été dénoncée comme une désocialisation des mourants (L. V. THOMAS, 1978) liée à une interdiction et un escamotage de la mort de nos proches dans nos sociétés occidentales (ARIES, 1975) depuis le début du 20e siècle.

Depuis environ 20 ans, de nombreux débats montrent que les questions de la fin de vie, des états critiques de santé et la manière dont ils sont pris en charge sont devenues un sujet de préoccupation de plus en plus présent dans l'opinion publique. En témoigne notamment l'intérêt populaire pour les séries télé (« Urgences »), la médiatisation à outrance des événements touchant à la mort brutale (épidémie, maladies nosocomiales et canicule), mais également la multiplication de procédures judiciaires contre le corps médical auquel on demande de plus ainsi d'assumer la responsabilité des conséquences irréversibles ou de l'issue tragique lors des hospitalisations.

Or, le système de soins dont chacun bénéficie est aussi celui que la société s'est choisie. Mais ce choix s'est-il effectué en tenant compte de toutes les conséquences que cela impliquait sur la condition humaine de l'homme moderne ?

Moment de la naissance et moment de la mort sont ainsi actuellement traités comme des maladies, d'un point de vue médical. Des aménagements ont certes permis de restaurer un certain confort privé dans les maternités et des associations revendiquant la réhabilitation de l'individu en fin de vie ont été à l'origine de la création d'unités de soins palliatifs.

Il reste pourtant dans les unités d'urgence et de réanimation des situations de maladie aigue et d'urgence où la prise en charge de la survie biologique prime sur le souci de l'état et du confort psychologique du patient. A la brutalité de la défaillance vitale peut s'ajouter celle de l'agression des soins très lourds de restauration des fonctions vitales.

Le personnel médical dédit ses ressources techniques et ses compétences à un combat au nom du patient, voire malgré le patient pour repousser le moment de la mort. La Loi sur les Droits des Malades en fin de vie (Loi Léonetti, 2005) a en effet établi que la situation d'urgence constitue une exception au droit de choix du malade à accepter ou renoncer au traitement, le déclarant en l'occurrence incapable. Auparavant, des aménagements favorisant le confort psychique du malade en réanimation ont été introduits dans les décrets en 2002. On peut néanmoins s'interroger sur les réactions brutales et agressives lorsqu'on observe en réanimation médicale une proportion significative de tentatives d'auto-extubation (arrachement du dispositif d'assistance respiratoire), parfois répétées, aux conséquences souvent mortelles et dont les soignants portent la responsabilité. Ce genre d'accident représente la cause directe d'une part importante de la mortalité dans ces services.

Des discours multiples et contradictoires de la part des médecins, soignants, malades et familles se rencontrent et s'entrechoquent dans des paradoxes insolvables. La situation de réanimation est décrite par les familles à la fois comme une « renaissance » et une « torture », un « passage obligé » et une « prison » subie contre sa volonté, les médecins réanimateurs, les soignants eux-mêmes se représentent comme « sauveurs » ou « meurtriers », et l'observateur hésite entre une situation de fin de vie ou de vie préservée - il n'existe d'ailleurs aucune statistique officielle concernant le devenir des malades de réanimation pour trancher cette dernière question.

Afin de ne pas rester piégés dans ces paradoxes, ce mémoire propose d'aborder la clinique des malades de réanimation avec une approche ethnopsychiatrique qui permet un recul supplémentaire du chercheur par rapport à ses propres conceptions théoriques et culturelles. Habituellement appliquée dans les champs qui confrontent les psychologues à l'altérité, la même démarche peut s'appliquer à des situations sociales nouvelles par rapport à l'histoire d'une culture, confrontant tout une population à de nouvelles formes de deuils.

Elle permet également, plutôt que de porter le regard sur la pathologie, le remède, ou la prévention qui ne fait qu'additionner de nouveaux facteurs et de complexifier le problème, de repenser les pratiques et les théories. (SIRONI, 1997)

La réanimation sera donc vue, dans notre point de vue, considérée comme une pratique de soins en mutation technique permanente, propre à une culture elle-même en mutation, impliquant des transformations profondes à la fois dans la société, par l'attitude face à la mort qu'elle induit et des transformations psychiques profondes des acteurs, soignants, malades et familles avec le risque de nouvelles formes de souffrance que notre culture n'a pas encore appris à gérer.

Cette étude portera sur la manière d'aborder cliniquement les malades de la réanimation eux-mêmes pris dans un paradoxe extrêmement angoissant d'une situation à l'extrême de la vie et de la mort.

I ELABORATION THEORIQUE DU PROBLEME

I.1 ETAT DES LIEUX DES RECHERCHES EN PSYCHOLOGIE SUR LA RÉANIMATION

I.1.a Approches athéoriques épidémiologiques

Depuis environ 20 ans, différentes études épidémiologiques ont mis en évidence la prévalence importante de séquelles psychologiques à la suite d'hospitalisations en réanimation. Ces études évaluent l'état psychologique des malades à partir des critères diagnostics du DSM-IV : anxiété, dépression, troubles dissociatifs, syndrome de stress post-traumatique.

Tableau récapitulatif des études récentes en Europe

Etudes sur les patients

Pays

Sujets

Anxiété

Dépression

Délire

Stress post-traumatique

STOLL et col. 1999

Allemagne

Intubés, ventilés, coma

 
 
 

Après 2 ans :

40 % après choc septique

14 % après opération cardiaque

POCHARD et col., 1999

France

43 malades

Intubés, ventilés.

50%

100%

70%

 

SWAISS et col. 2004

Jordanie

55 malades intubés, ventilés

68 %

 
 
 

CUTHBERSTON et col. 2004

Royaume-Unis

Tout malade

 
 
 

22 % après 3 mois

GRANBERG et al. 2002

Suède

19 Malades ventilés, chute d'hémoglobine

 
 

100%

 

CAPUZZO et col., 2005

Italie

Tout malade

 
 
 

5 %

Toutes les études (sauf une) montrent une prévalence importante d'anxiété, de dépression, de délire et de syndrome de stress post-traumatique. Ces troubles entraînent des séquelles à long terme qui se mesurent par la diminution de la qualité de vie, du sommeil, de la capacité à travailler, ou de prendre du plaisir dans des activités (PATTISON, 2005).

De nombreuses études complémentaires auprès des familles, (AZOULAY et groupe FAMIREA, 2001 à 2005, POCHARD, 1995) ont permis de proposer des améliorations concernant le confort psychique des malades et des familles recommandant une attitude de soin plus globale. Les efforts portent par exemple sur la communication entre familles et soignants. (POTTECHER, 2001).En France, la juridiction (DECRETS, 2002) prévoient d'intégrer un psychologue aux équipes soignantes, ainsi que l'aménagement d'heures de visite, d'une salle d'attente et d'un lieu de réunion familles et médecins.

Quelques études de ce courant poussent encore plus loin les recherches, car elles portent directement sur des transformations des pratiques pour améliorer le confort psychique des malades, malgré les rigidités des systèmes (sécurité, responsabilités) et des mentalités culturelles (croyance de l'existence de la famille anxiogène):

· La participation de la famille aux tournées des médecins aurait pour effet de diminuer le stress, l'hostilité des familles envers les soignants, et d'augmenter le sentiment de satisfaction des familles, surtout des parents. De plus, l'auteur souligne le succès de l'étude auprès de l'équipe soignante car non seulement elle a pu être menée, surmontant les réticences des équipes soignantes, mais celles-ci ont modifié leurs attitudes face aux familles. (SCHILLER et coll., 2003).

· Les visites non-restrictives de la famille ont été tentées en Italie, et il a été montré que les complications cardio-circulatoires diminuaient depuis que la famille peut visiter le malade à son gré. Ceci s'explique par une réduction de l'anxiété confirmée par une augmentation réduite de l'hormone stimulant la glande thyroïde à la sortie. (FUMAGALLI et coll. 2006)

I.1.b Approches cognitives « Health Psychology »

Concernant les malades, des études centrées sur la réduction de l'angoisse par le soutien des stratégies de coping ou la réduction des agents stresseurs maîtrisables (BRUCHON-SCHWEITZER, 2002)  ont démontré que les informations préparatoires sont les plus importantes pour réduire l'angoisse des malades. (SCOTT, 2004)

A la suite du constat de souffrance psychique des soignants par surmenage (« Burning-Out ») de nombreuses études cliniques ont été menées ces dernières années, faisant de ce thème un classique de la psychologie du travail dans le domaine de la santé. Elles ont abouti à de nombreuses mesures d'aménagement de l'organisation du travail des soignants. (CALDWELL, 1981, WALLYMAHMED, 1993) et particulièrement pour la réanimation à mettre en évidence un type de personnalité dite résistante (« hardiness ») chez certains soignants qui au contraire des autres, passent la plupart de leur carrière dans le même type de service sans envie d'en changer. (DAINES, 2000)

I.1.c Approche psychobiologique : notion de ROPA de H. Laborit

Pour H. Laborit, la réanimation consiste à rétablir la situation écologique en sacrifiant si nécessaire l'homéostasie. La réanimation est alors un moment transitoire où le thérapeute doit régler le traitement en fonction du besoin de l'organisme, plutôt que d'agresser l'organisme et risquer de provoquer une réaction mortelle. (Encyclopedia Universalis)

Les travaux de H. Laborit sur la ROPA (réaction organique post-agressive) ont été lentement pris en compte dans l'anesthésie et la réanimation françaises. En 1960, H. Laborit se heurte à des difficultés de publication de ses travaux en physiologie sur les situations d'urgence menaçant à court terme les fonctions vitales et crée le journal Agressologie.

La ROPA est basée sur le principe d'une réaction de l'organisme à une lésion, ou une agression chirurgicale qui peut provoquer un état de choc qui mène à la mort. Elle déclenche une irrigation préférentielle du cerveau, du coeur et des muscles pour une préparation à l'action de lutte ou à la fuite impossible, au détriment des autres parties du corps qui peuvent manquer d'oxygène. Elle serait liée à l'axe hypothalamo-cortico-surrénalien et au système nerveux végétatif sympathique et la sécrétion corticosurrénalienne. Lors d'une intervention thérapeutique agressive, l'inhibition de ce mécanisme par neuroleptique permet d'éviter l'état de choc mortel.

Le concept de ROPA est à différencier de celui de Stress de Selye, car il concerne une agression brutale et subite, auquel le sujet ne s'attend pas, tandis que le concept de Stress concerne les impacts des changements courants de la vie quotidienne mais qui peuvent poser problème par leur intensité ou leur fréquence.

Dans le cas de la réanimation, la ROPA peut expliquer les vulnérabilités aux infections par la défaillance du système immunitaire ou l'aggravation des défaillances malgré les soins de maintient des fonctions vitales, ainsi que les agitations de type agressive en réveil toujours concomitantes avec des aggravations de l'état fonctionnel global.

I.1.d Approches cliniques d'inspiration psychanalytique en France

Fondé en 1990, le REIRPR (Réseau Européen Interdisciplinaire de Recherche sur la Psychologie et la Réanimation) à la suite d'un Colloque INSERM publié dans la revue Agressologie, a pour vocation de favoriser les échanges entre psychologie et réanimation, et publie des recherches en psychologie sur la réanimation.

Ces études proposent une compréhension du vécu du malade comme un état semblable à la névrose traumatique s'accompagnant de troubles dissociatifs avec déformation de la réalité, sentiment de persécution, délires et interprétations erronés des paroles de soignants, accentuée par le caractère psychopathogène de l'environnement et des soins. (GROSCLAUDE, 2002) Les approches des chercheurs de ce groupe font référence aux développements théoriques concernant la constitution précoce du Moi : le stade archaïque schizo-paranoïde postulé par Mélanie Klein, la notion de Moi-Peau (ANZIEU, 1997), les agonies primitives étudiées par Winnicott, les états originaires de Bion ou la potentialité psychotique d'Aulagnier (DE MIJOLLA-MELLOR, 1998, AULAGNIER, 1975) pouvant mener à la mort mais contenant aussi un statut d'autoréparation (SPOLJAR, 2002, 2004).

Une autre approche psychanalytique, inspirée par les travaux de Lacan et de Freud est développée par Philippe GAZENGEL, co-président d'AML (Association pour le Maintien du Lien psychique en soins intensifs). Cette association soutient des actions de psychothérapeutes de formation analytique dans des services de réanimation, auprès des malades. Dans son ouvrage, P. Gazengel soutient que des causes environnementales sont en cause en jeu réanimation et peuvent provoquer le désespoir, qui entraîne la folie et la mort chez le malade. « La technique impérieuse et lourde des soins nécessaires à conserver la vie expose le malade que nous serons peut-être à disparaître comme sujet». (GAZENGEL, 2002, page 9) Les modèles théoriques retenus s'inspirent de la relecture des textes de S. Freud par J. Lacan, et concernent la régression psychique vers un état de jouissance qui peut être mortelle. Elle se rapproche des états psychotiques avec des états de conscience fragmentés et des réactivations de souvenirs de persécutions. Celles-ci sont supposées se passer dans la toute petite enfance au moment de la structuration du Moi par les expériences corporelles et visuelles. Le coma est comparé à « un univers qui réactive aussi bien l'imago de la mère primitive pleine et toute-puissante, et donc persécutive. » (GAZENGEL, 2002, page 75)

I.1.e Approches sociales : l'anthropologie médicale

L'anthropologie médicale repose sur le postulat que la maladie est un fait universel mais qui est gérée et traitée suivant des modalités différentes selon les sociétés, elles-mêmes liées à des systèmes de croyances et de représentations propres à leur culture.

La théorie des rites de passage en réanimation a été étudiée sur le terrain avec une méthode ethnologique demandant l'implication du chercheur sur une longue période de temps afin de comprendre les théories sous-jacentes aux pratiques comme la possibilité de pouvoir guérir les malades par la maîtrise scientifique des aspects purement biologiques de la vie. Ces théories négligent souvent l'aspect psychologique du malade, ce qui fait de la réanimation une « désanimation » (POUCHELLE, 1996). Elles révèlent une logique du sacrifice, de la punition, du silence, de la lutte contre la maladie, la nécessité de la violence qui entraîne l'abandon du malade à l'institution, traumatisante pour le malade comme pour les familles. (POUCHELLE, 2003)

I.1.f Que retenir de ces recherches ?

Concernant la théorie choisie pour étudier les effets psychiques de la réanimation

Toutes les études sont unanimes pour associer le vécu des malades de réanimation à une expérience traumatique qui va entraîner des séquelles psychiques et d'origine psychique, se superposant aux séquelles neurologiques d'origine lésionnelle.

Seules les études d'orientation psychanalytiques s'intéressent aux facteurs personnels de résistance ou de résilience au traumatisme psychique, et insistent sur la relation entre le corps et l'esprit, dont les expériences sont intimement liées.

Néanmoins, ces modèles théoriques psychanalytiques possèdent une limitation culturelle : le postulat d'une Pulsion de Mort qui s'oppose à une Pulsion de Vie est sous-tendu par une vision de la vie comme activité en termes d'opposition avec un état de stase, d'immobilité, à la fois dans les pulsions à l'origine de la vie psychique comme de la vie biologique (FREUD, 1920). Cette vision s'appuie sur une philosophie dualiste et manichéenne du rapport entre la vie et la mort par analogie à l'opposition Bien et Mal, « où l'Ange de la vie et l'Ange de la mort enlacés l'un à l'autre luttent corps à corps l'un contre l'autre et pour l'éternité dans le moindre brin de matière comme dans les plus sophistiquées des créations humaines » et « cette cosmogonie freudienne est présentée par son auteur comme la théorie même de la clinique psychanalytique ... vient se substituer aux théories précédentes. » (MENDEL, 1998, p. 48)

Ce choix philosophique est un des sujets de débat épistémologique au sein même des écoles de psychanalyse qui tentent chacune à leurs manières de faire évoluer les concepts métapsychologiques tout en maintenant une base commune à la psychanalyse.

L'emploi des théories psychanalytiques demande donc de bien connaître ces questions et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas retenu la théorie psychanalytique pour cette étude.

Toutefois, parmi les travaux récents, nous pouvons citer le concept de « Violence défensive primitive » (BERGERET, 1994) dont l'objet est indifférencié et la finalité ni bonne, ni mauvaise, mais défensive afin de protéger un narcissisme primaire. Ce concept répondrait mieux aux observations cliniques des situations de violence chez l'enfant et l'adolescent. Il semble également proche de la situation du malade de réanimation.

Nous verrons dans la partie I.2 comment une démarche ethnopsychiatrique, inspirée des démarches ethnologiques et anthropologiques, permet aussi de surmonter les a priori contenus dans les théories.

Concernant la population étudiée

Les études citées précédemment se sont intéressées surtout aux cas de comas prolongés liés à des traumatismes crâniens et ou à la neurochirurgie. Les malades passent par des états lents et progressifs de récupération de la conscience qui laissent des traces témoignant d'un fonctionnement psychique proche de celui supposé à la part inconsciente du psychisme par les théories psychanalytiques, avec des états proches de ceux de la régression psychique observée dans certaines psychoses.

Dans le service de réanimation médicale sur lequel s'appuie la présente étude, les malades ne souffrent pas de lésions neurologiques, ni de traumatismes physiques d'origine accidentelles et les malades survivants ne restent pas longtemps dans le coma (pas plus de quelques jours). Ils reprennent conscience relativement vite et restent conscients pendant tout le séjour en réanimation, témoins de tous les soins. Ils sont en mesure, une fois la capacité de parole restaurée, de témoigner, d'expliquer leur vécu, et parfois même, avec beaucoup d'efforts, réussissent à communiquer par gestes ou en écrivant sur une ardoise, quand la parole est impossible pour eux. Pourtant, nous avons relevés dans un premier temps d'observation des réactions agressives, des vécus de persécution, des refus de soin et actes de retraits des éléments de soins nécessaires à la survie, des attitudes apathiques, des états extrêmes d'angoisse, des délires, etc... Toutes ces observations évoquent des états traumatiques liés à des situations extrêmes. La partie suivante approfondira la situation de réanimation observée.

I.2 LA RÉANIMATION MÉDICALE AUJOURD'HUI 

I.2.a Description des pratiques et des malades dans un service représentatif

La réanimation est une technique institutionnelle récente et se définit comme une « discipline médicale nouvelle qui comporte l'ensemble des gestes thérapeutiques destinés à conserver un équilibre humoral aussi proche que possible de la normale au cours des états morbides aigus, qu'elle qu'en soit la nature. » (HAMBURGER, 1954) Aujourd'hui, après plus de 50 ans d'expérience, les règles de pratiques sont relativement standardisées et stabilisées grâce aux nombreuses recherches et échanges en occident.

Les médecins de réanimation médicale actuels sont les mieux rémunérés des médecins hospitaliers, aux compétences à la fois les plus générales et les plus approfondies. Leur formation est la plus longue car elle dure 5 ans en complément d'une première spécialité.

Les malades admis dans un service de réanimation médicale sont « recrutés » selon des critères précis définis par les sociétés de réanimation (SFAR : Société Française d'Anesthésie et de Réanimation, SFRL : Société de Réanimation de Langue Française, GFRUP : Groupe Francophone de Réanimation et Urgences Pédiatriques, SFMU : Société Française de Médecine d'Urgence), à la fois pour lui permettre une récupération optimale et éviter l'acharnement thérapeutique inutile. Concernant la réanimation médicale, elle n'admet que des malades ayant subi des défaillances vitales d'origine fonctionnelle et non-traumatiques, ne nécessitant ni chirurgie générale, ni chirurgie neurologique. (Pathologies prises en charge en Annexe A1)

Pour le malade de réanimation, tout est mis en oeuvre pour le faire survivre et son admission sous-tend cette possibilité, ce qui explique la réticence devant une pratique des soins palliatifs en réanimation. Il arrive en urgence, a déjà subi les actes de premiers secours avec succès mais son état est toujours instable. Il faudra encore 20 minutes à un infirmier et un médecin pour installer le malade dans son lieu de soin, relier ses fonctions vitales aux machines de maintien cardio-respiratoire et tenter de stabiliser son état physiologique. Les malades de la réanimation médicale qui survivent ne restent pas longtemps dans le coma, et arrivent souvent conscients dans le service. Ils se souviennent des impressions de mort imminente et de défaillances vitales malgré des états confusionnels temporaires qui s'accompagnent de délires, cauchemars ou hallucinations.

Nous avons remarqué que le critère essentiel de sortie, une fois toutes les autres fonctions stabilisées, repose sur l'autonomisation de la fonction respiratoire, dit « sevrage » ventilatoire. Pendant toute la période de sevrage, le malade est soumis tous les matins aux tests de ventilation spontanée et à l'inconfort d'une respiration déficiente en cas d'échec du test. Dans le cas d'un échec de sevrage, le malade peut survivre avec un soutien ventilatoire permanent nécessitant une trachéotomie, ou partielle par masque, une fois adapté à un ventilateur mécanique de petite taille, celui-ci pouvant être installé dans une chambre en hôpital ou au domicile. Selon l'espérance de survie et la qualité de survie, le malade stabilisé et l'urgence vitale passée, il sera alors considéré comme capable de décider d'une limitation de soins.

A sa sortie du service, le malade survivant aura reçu un diagnostic et selon celui-ci, sera orienté vers un service de soins spécialisé, de rééducation ou au domicile.

I.2.b La réanimation comme événement traumatique : un point de départ

Description de l'expérience de mort imminente des malades de réanimation

Pour les malades qui restent conscients pendant tout le processus qui précède l'admission en réanimation, la défaillance des fonctions vitales a été perçue avec une vive douleur au niveau de la fonction défaillante, le plus souvent au niveau du thorax. Le malade conscient a alors la conviction de sa mort prochaine. La possibilité d'être sauvé oriente les conséquences de cette conviction vers une réaction psychique sans doute différente depuis que les secours d'urgence existent. Elle entraîne un espoir d'avoir la possibilité avec un état de doute et d'attente angoissante: l'attente de l'arrivée des secours, doutes sur l'issue des secours lors du transport du malade dans un service d'urgence et de réanimation. A l'arrivée en service de soins, le malade est brutalement confronté à un monde inhabituel et étranger avec des soins agressifs réduisant son corps à ses fonctions vitales. La récupération d'une conscience claire, avec ou sans perte de conscience, toujours qualifiée d' « éveil », mais avec la privation de parole, de mouvement, la sensation de faiblesse est souvent vécue comme une expérience d'extrême souffrance psychique.

Cette expérience est semblable à celle décrite dans la clinique du traumatisme psychique dont le critère essentiel est la confrontation au « Réel de la Mort » :

« La rencontre avec le réel ne se fait jamais parce qu'à sa place se présente une réalité élaborée dans le réseau des représentations et subissant ses lois. » « Ce n'est pas ce qui se passe avec l'image traumatique. Celle-ci pénètre telle quelle dans l'appareil psychique et ne trouve dans l'inconscient aucune représentation pour l'accueillir, la lier, la transformer. » ((LEBIGOT, 2001, page 94)

Mais tandis que les névroses traumatiques sont provoquées par des événements extérieurs, marqués par un effondrement du monde environnant, suivi d'un effondrement psychique puis parfois d'un effondrement biologique, pour les malades de réanimation, le processus suivrait une logique inversée : une défaillance vitale interne et biologique est perçue et s'accompagne de la confrontation avec le danger de mort pour être suivi de l'effondrement des relations au monde habituel (voir schéma ci-après) :

Temporalité du « traumatisme » de réanimation

Nous proposons donc de faire débuter l'événement traumatique au moment de l'espoir d'être secouru puis de le prolonger tout au long du doute sur la survie. Il est également possible de faire un rapprochement entre le vécu des malades de réanimation et la description phénoménologique du traumatisme psychique tel que décrit par CROCQ (1999).

Description phénoménologique du traumatisme psychique de Crocq (1999)

Spécificité de l'événement 

Observations et témoignages des malades

Sentiments de frayeur, d'horreur

Horreur devant la sensation de mort imminente (asphyxie, douleur thoracique) « Je peux pas dire. C'est trop ... » et la conviction de mourir, puis devant les machines de maintien des fonctions vitales. « machines maudites »

Sentiment d'impuissance

Impuissance devant la défaillance vitale, prolongée par l'incapacité de mouvement des soins. « je ne pouvais rien faire »

Absence de secours lors de la confrontation soudaine à la réalité de la mort pour soi-même ou pour autrui.

Doutes sur les secours possibles puis doutes sur le pronostic, maintien du danger. « ils me disent que tout va bien, mais moi je sais que c'est pas vrai »

La pensée ne peut mobiliser des attributions de significations à l'expérience

La pensée est perturbée pendant tout le temps de l'hospitalisation avec moments d'absences, interprétation persécutive, difficultés de concentration. « Tout est allé très vite, je ne me souviens plus très bien »

Phénoménologie du vécu traumatique

Observations et témoignage des malades

Impression d'avoir changé, d'intrusion d'un étranger en soi, nostalgie de n'être plus comme avant, expérience d'être-au-monde contraints et inauthentique

Des sentiments de ne plus se reconnaître dans l'état de malade en réanimation. « on se reconnaît même plus », « ce n'est pas moi ça »

Bouleversement de la temporalité, temps suspendu

Les malades ne savent plus combien de jours s'écoulent, ne cherchent pas toujours à le savoir, vivent dans le présent. « le temps est long quand on souffre »

Expérience de non-sens avec effondrement de 3 convictions narcissiques : invulnérabilité, protection de l'environnement, autrui secourable

Les malades ne pensaient pas en arriver là, peur de rentrer chez soi ou de sortir de la réa, secours ressenti quand le malade accepte les soins et se plie aux exigences des soins.

« tant qu'on est là, la faucheuse guette »

Le concept de « Stress adapté », issu du « syndrome général d'adaptation » (SELYE, 1946), est un état de tension anxieuse modérée qui permet l'adaptation à la situation (LEBIGOT, 2001, page 95). Il est largement employé pour modéliser les troubles anxieux en psychologie de la santé. Pour le vécu des malades de réanimation, nous préférerons celui de « Stress dépassé » (CROCQ, 1999) ou « Stress aigu » (DSM-IV TR) qui représente une angoisse qui submerge l'individu et peut déboucher sur une psychose délirante aiguë dans le cas d'un débordement des défenses psychiques face à la frayeur liée à un événement.

Les observations de l'état psychique des malades peu après leur arrivée en réanimation et à la fin de l'état de confusion est comparable à la réaction au Stress dépassé :

Stress dépassé

Observations et témoignages des malades

Sidération, stupeur, aboulie et immobilité, inhibition motrice, trouble de l'attention, de la mémoire et de la concentration.

Regards de sidération, détournement des yeux, regards fixes, immobilité complète.

Ou Agitation désordonnées

Agitation et mouvement désordonnés des mains sur les draps, vêtements.

Ou Fuite panique

En impossibilité de mouvement, refus de soins ou retraits des sondes et tubes par mouvements des mains.

Ou Action automatique

Impression de rêver

Déréalisation.

Etats conversifs et psychosomatiques (ulcères gastro-duodénaux, hypertension)

Agrippements aux personnes, draps ou barreaux, tics, mâchonnements des sondes, tripotements des sondes.

« ce n'est pas vrai, ce n'est pas moi »

Ulcères de stress, réactions dermatologiques, infections, démangeaisons, crampes.

I.2.c Facteurs traumatogènes de la réanimation médicale

Les études présentées en I.1 suggèrent que les malades subissent un risque traumatique renforcé par des facteurs environnementaux lors de leur hospitalisation en réanimation.

Facteurs environnementaux

Nous avons constaté par l'observation et les premiers entretiens dont nous avons extrait certaines paroles reprises ci-après entre guillemets, les facteurs suivants :

· la mortalité élevée de plus de 30 % et le temps moyen de séjour de 12 jours nous font déduire qu'un patient survivant qui reste environ une semaine verra un de ses voisins de chambre « sortir les pieds devant ».

· la surveillance permanente (24h sur 24) pendant toute la durée du séjour montre que le danger de mort n'est pas éliminé tant que dure l'hospitalisation (métaphore de « l'épée de Damoclès » souvent exprimée par les soignants et les malades). Les contraintes de sécurité liées aux assurances accentuent cette surveillance car tout accident est attribué au personnel médical.

· l'air soucieux des soignants et des médecins, leurs gestes rapides et précis, leur concentration à suivre scrupuleusement les procédures sont remarquées par les malades qui en déduisent la gravité de leur état, même s'ils sont en partie rassurés par les paroles de réassurance et la réalité du secours, « ils me disent que tout va bien mais moi je vois bien que ce n'est pas vrai ».

· le bruit est permanent : les machines de surveillance émettent des signaux sonores, les discussions des soignants dont le poste de travail n'est pas vitré sont parfaitement audibles, ainsi que les passages dans l'unité de machines de soins, d'examen, des lits, et les plaintes des malades voisins.

· la lumière : bien que la lumière des chambres puissent être réduite la nuit, les voyants lumineux des appareils de surveillance et les lumières de poste de travail des soignants sont maintenus la nuit.

· En plus d'être en permanence séparé de son cadre habituel de vie, le malade est privé des moyens de maintenir un lien avec l'extérieur. Il ne dispose pas de la télévision, ni du téléphone et la réception de la radio par antenne est de très mauvaise qualité. La plupart des malades s'en plaignent.

· Les appels sont reçus par les soignants qui transmettent les messages et les familles sont contactées par les soignants en cas d'aggravation de l'état du malade. Les visites sont alors acceptées en dehors des heures réglementaires, mais bien souvent, la famille n'a pas le temps d'arriver au chevet du malade avant son décès et nous avons alors été témoins de leur profonde déception s'exprimant souvent par une grande détresse. Il est alors légitime de se demander si le travail de deuil n'en sera pas perturbé.

· L'isolement physique: les chambres se trouvent dans un local inaccessible à toute personne étrangère au service et les familles ne sont pas admises pendant les soins et hors des heures de visite de 18 heures à 22 heures. Ces horaires ont été choisis pour permettre aux proches actifs de rendre visite au malade en fin de journée. Néanmoins, ils ne conviennent pas aux personnes âgées. La possibilité de visite est une amélioration récente car jusque dans les années 80-90, la réanimation était un lieu totalement fermé aux familles. Toutefois, des malades ressentent l'enfermement comparable à l'emprisonnement.

· L'impossibilité d'intimité : les chambres sont vitrées et les portes restent ouvertes pour permettre la surveillance et l'intervention en urgence. Les malades sont donc exposés en permanence aux regards. Pour les malades qui pourraient procéder eux-mêmes à leur toilette ou soins intimes, il n'y a pas de cabinet de toilettes dans les chambres et la situation peut être humiliante, voire inhumaine (« On vit comme des sauvages ici », « On n'est pas des animaux »). Les soignants, conscients de la gêne occasionnée chez les malades autonomes proposent, quand ils en ont le temps accompagnent un malade valide aux douches ou aux toilettes des parties communes du service.

· Le rythme de repos et de repas est perturbé : les examens et les soins peuvent avoir lieu la nuit, les visites de médecins très tôt le matin, des soins pendant des moments de visite, les repas à des heures inhabituelles par rapport à la vie courante. Le sommeil, la digestion et la faim sont perturbés et les malades se plaignent souvent de manquer de repos.

Récemment, des prescriptions sur la prise en compte de l'environnement familial et psychologique du malade en service de réanimation ont été introduites par la Loi, mais ces améliorations s'avèrent minimes car les contraintes de sécurité tendent à rigidifier les règles :

a. Décret n° 2002-465 : salle s'attente pour la famille et les visiteurs, salle réservée aux entretiens particuliers avec les familles, sas d'accès à la zone d'hospitalisation, chambre à un seul lit.

b. Décret n° 2002-466 : « Art. D. 712-110. - L'établissement de santé doit être en mesure de faire intervenir en permanence un masseur kinésithérapeute justifiant d'une expérience attestée en réanimation et doit disposer, en tant que de besoin, d'un psychologue ou d'un psychiatre et de personnel à compétence biomédicale. » (Loi, 2002)

c. Désignation d'une personne de confiance (« surrogate ») comme représentant du malade et interlocuteur des médecins quand le malade n'est pas en état d'exprimer lui-même ses choix. La consultation de la personne de confiance n'étant pas possible en situations d'urgence, celles-ci font exception.

Les accès ne peuvent effectivement être libres car les soignants sont peu disponibles pour guider et orienter les visiteurs toutes la journée, doivent avoir l'accès aux chambres libres et limiter les apports extérieurs de microbes.

Toute mesure en faveur du confort environnemental perturbe des règles de travail extrêmement rigoureuses pour des raisons de sécurité, d'efficacité et d'hygiène.

Facteurs d'agression corporelle

Les soins et examens du malade en réanimation sont particulièrement douloureux, intrusifs et invalidants et produisent des effets sur le psychisme (Cf. Annexe A). Les médicaments atténuant la douleur sont peu employés car ils inhibent les fonctions vitales et perturbent la récupération.

Les zones corporelles invalidées concernent la parole, l'alimentation, la motricité, les zones intimes. Le malade se retrouve donc totalement immobilisé et dépendant pour tout ce qui concerne sa survie et ses relations. Une rééducation avec l'aide d'un kinésithérapeute débute pendant l'hospitalisation en réanimation afin d'atténuer les séquelles futures, d'activer le tonus musculaire et améliorer le sevrage ventilatoire, rééduquer les actes nécessaires de marche, de déglutition et de parole, et quand c'est possible de mobiliser le malade dans un espace plus vaste que sa chambre pour « prendre l'air » et rompre l'isolement.

Un facteur particulièrement saillant : l'intubation trachéale

Nous avons remarqué que la ventilation mécanique par intubation trachéale était particulièrement invalidante pour les malades conscients car elle les prive des capacités de communication. De plus, le sevrage à ce soutien respiratoire représentait le critère essentiel vers une amélioration. La crainte essentielle des soignants concerne le retrait par le malade lui-même du tube trachéal ou « auto extubation ». Les malades expriment souvent avec des gestes ou des regards la demande de retrait de ce tube, qui les oblige à maintenir la bouche grande ouverte, desséchée et les prive de parole et de voix. D'autre part, la ventilation mécanique est très douloureuse et oblige les malades conscients à régler les mouvements de leur diaphragme consciemment sur le rythme du respirateur. Ce moment est vécu avec un fort sentiment de violence subie, « une lutte contre soi-même ».

Tandis que les études se sont surtout focalisées sur la perte de conscience des malades et ont mis sur le même plan les différentes effractions corporelles, nous avons surtout travaillé avec des malades conscients et anxieux quant à leur autonomie respiratoire pour lesquels ce soin semble lié à la souffrance psychique extrême exprimée.

C'est donc sur le plan de la respiration que nous allons porter notre intérêt et tenter une étude des relations psychosomatiques entre la fonction respiratoire, l'agression des voies orales et le traumatisme psychique.

I.3 LA REANIMATION COMME PRATIQUE DANS SON CONTEXTE CULTUREL

I.3.a La relation entre mutation d'une culture et psychologie individuelle

Intégrer un regard culturel à l'étude des souffrances psychiques

L'approche ethnopsychiatrique permet de prendre en compte une dimension culturelle pour mieux comprendre les origines des souffrances psychiques des individus. Elle intègre des travaux en anthropologie et ethnologie dans sa démarche de recherche clinique. Habituellement mis en application dans les contextes de migration ou de sous-groupes culturels, nous proposons d'étudier la mutation des techniques de soins de réanimation propre à notre culture occidentale afin de mieux comprendre le vécu des malades de réanimation. La réanimation est une invention du 20e siècle, un « outil » et « une institution » qui a changé le rapport à la mort dans notre culture et entraîne aussi un changement profond de l' « espèce ». (LEROI-GOURHAN, 1964).

Nous pourrions alors classer notre civilisation comme celle qui a réussi le rêve des civilisations passées, consistant à repousser les limites naturelles de la mort car « Outils et instruments sont si bien objets-du-monde qu'ils peuvent servir de critères pour classer des civilisations entières » (ARENDT, 1958, p. 196). La caractéristique de notre société est bien la suivante : « Pendant des millions d'années, un être vivant qu'on appelle l'homme a vécu sa finitude et sa capacité d'anticiper sa propre mort comme une lutte contre la toute-puissance de la Nature, identifiable à la toute-puissance de Dieu. Depuis quelques siècles, cette puissance est passée entre les mains de l'homme. » (STIEGLER B. in SHEPS R. & Coll. ;1998, page 197)

Les changements culturels se sont opérés très vite car en quelques décennies après l'invention de la réanimation dans les années 50, celle-ci devint institutionnelle et s'est étendue aux pays occidentaux. La définition de la mort a changé : alors que celle-ci se définissait pas l'arrêt de la respiration et du coeur, aujourd'hui, il est possible de suspendre le processus de mort biologique au niveau des organes lorsque les fonctions respiratoires et cardiaques ne sont plus autonomes en les maintenant artificiellement, alors que le cerveau ne fonctionne plus. La déclaration en état de mort clinique permet le prélèvement d'organe car le processus de mort biologique n'est pas encore entamé. La personne vivante ou la famille peut faire don de ses organes à la collectivité et le corps passe du statut privé à un statut de propriété publique. De plus, il est largement admis aujourd'hui que la mort est un moment qui peut être repoussé par des moyens thérapeutiques agressifs et douloureux sur le corps. La mort qui était irrévocable, gérée de manière privée avec des rites traditionnels est maintenant vue comme une maladie dont on peut repousser l'échéance, gérée de manière institutionnelle et déritualisée.

La notion de défenses culturelles

Nous avons vu que la réanimation semble produire une situation traumatique où les défenses psychiques habituelles sont débordées et inopérantes. Ces défenses sont liées au groupe d'appartenance du sujet traumatisé : « Dans notre conception, le traumatisme psychique, corrélat conscient et inconscient de la rupture et/ou de la crise, se manifeste sous des modalités pathologiques, quand le sujet n'est pas en mesure d'échafauder une formation de suture dans son groupe social » (BARROIS, 1998, page 161)

Afin d'interpréter la relation entre défense psychique et culture d'appartenance, nous emprunterons la notion de défenses culturelles qui est associée au « segment inconscient de la personnalité ethnique » (DEVEREUX, 1970, page 4), « composé de tout ce que, conformément aux exigences fondamentales de sa culture, chaque génération apprend elle-même à refouler puis, à son tour, force la génération suivante à refouler. Il change comme change la culture et se transmet comme se transmet la culture. » (ibid. , page 5)

« Dans les situations humaines- c'est-à-dire culturelles - le stress sera traumatisant seulement s'il est atypique ou si, bien que typique de par sa nature, il est exceptionnellement intense ou encore prématuré. Un stress est atypique si la culture ne dispose d'aucune défense préétablie.» (ibid. , page 8)

La réanimation fait partie des situations humaines d'une culture dont les comportements face à la maladie aigue a récemment changé. On peut poser alors la question de l'atypicité de cette situation si de nouvelles défenses ne se sont pas encore constituées. Nous tenterons de déterminer ces aspects défensifs culturels à travers les discours des différents sujets, en portant notre attention sur l'expression du bien-fondé des soins.

Les défenses culturelles peuvent se lire à travers les théories sous-jacentes aux discours des malades et de l'équipe médicale.

Quand la culture évolue, les moyens de défenses habituels qui sont fournis par le groupe d'appartenance ne sont plus disponibles et d'autres défenses peuvent alors se développer mais ils ne sont peut-être pas accessibles à tous les individus du groupe car ils n'auraient pas encore pu, par leur expérience de vie, internaliser ce nouveau discours et avec eux les nouveaux moyens de défense. D'autre part, notre culture entretient une attitude de déni face à la mort qui a pu également faire disparaître les rituels et accompagnement des mourants (ARIES, 1975). Malgré les efforts des associations soutenant la réintroduction du mourant dans la société, les soins palliatifs sont encore très peu développés. (mettre une donnée)

Dans ces conditions, toute personne serait susceptible de souffrir d'une défaillance de ses ressources défensives dans une situation de danger vital. Nous avons observé que des malades âgés et souffrant de multiples maladies fonctionnelles ont exprimé le sentiment d'avoir transgressé une règle naturelle : « ce n'est pas de mon âge tout ça », « « à quoi cela sert, je suis trop vieux » ou exprimait le souhait de ne plus être réanimés contre leur volonté.

I.3.b Sources historiques de la réanimation comme pratique

C'est à la suite de plusieurs siècles de tentatives et de progrès dans les connaissances en physiologie et en chimie que la réanimation a pu débuter comme pratique médicale hospitalière dans les années 30. Les 2 facteurs principaux qui ont permis de développer la réanimation comme technique est la possibilité d'étudier le fonctionnement vital à partir du 16e siècle et la maîtrise de la pratique d'insufflation

Antiquité et Moyen-âge

Les pratiques de réanimation sont aussi anciennes que le souci d'assistance à autrui, car nous trouvons des traces de ces pratiques dans les sources écrites des premières civilisations utilisant l'écriture comme l'Egypte ou la Grèce. Les sages-femmes d'Egypte pratiquaient une réanimation néo-natale en soufflant dans la bouche des bébés tout en leur comprimant la poitrine par massage. Hippocrate préconisait l'introduction d'une flûte de berger dans la gorge afin d'insuffler de l'air pour des cas d'asphyxie par obstruction des voies respiratoires causées par des maladies comme la diphtérie.

De la renaissance au début du 20e siècle

En Occident, après une longue période de conservatisme des connaissances Antiques dans la médecine, et d'interdictions religieuses de dissection des cadavres humains, c'est à la Renaissance que débutent des expériences médicales pour comprendre le fonctionnement des organes vitaux. Au 16e siècle, Vésale étudie les organes vitaux sur des animaux vivants dont le thorax a été ouvert et découvre comment réanimer par la stimulation du coeur ou l'insufflation d'air dans les poumons. La relation entre les poumons, qui reçoivent l'air et le sang qui le transporte est comprise au cours du 17e siècle, et permet alors d'élaborer des solutions thérapeutiques de respiration artificielle à la réanimation des noyés au 18e siècle. Des effets iatrogènes, comme des déchirures pulmonaires par insufflation trop brutale d'air expliquent que ces méthodes restent longtemps des tentatives isolées de médecins privés, mais ne sont pas employées à grande échelle dans les hôpitaux avant le 20e siècle. Par exemple, dès 1833, Armand Trousseau pratique la trachéotomie pour la diphtérie, avec 25% de succès, qu'on pourrait soit juger comme insuffisant car causant directement la mort par hémorragie des 75% de malades subissant l'échec de la tentative, ou comme déjà très performante car permettant de sauver 1 malade sur 4 qui est condamné à une mort par étouffement. Cette pratique restera controversée et ne se généralisera pas. Une méthode mécanique à pression externe de respiration artificielle, moins iatrogène est développée à la fin du 19e siècle et aboutira aux poumons d'acier au début du 20e siècle, dont les hôpitaux se munissent pour les cas de paralysie respiratoire liés au tétanos. Peu performante car ne sauvant qu'une proportion faible de malades, elle posera aussi des problèmes de sevrage respiratoire, vouant les survivants à passer le reste de leurs jours dans une dépendance totale, enfermées dans un caisson en milieu hospitalier, sous surveillance constante.

Début de l'institutionnalisation de la réanimation

C'est seulement en 1952, au Danemark, lors de la pandémie importante en Europe de poliomyélite que la ventilation interne à pression positive avec trachéotomie est développée et pratiquée à grande échelle avec succès. Tout d'abord par ballon manuel, puis par appareil mécanique. Les décès tombent de 90% à 40% avec le respirateur manuel, puis stagnent entre 20 et 30% de mortalité avec le respirateur mécanique. La technique se développe en France en 1954, quand l'épidémie atteint le pays. Jusqu'en 1960, début de la vaccination de poliomyélite des malades survivront grâce au respiratoire artificiel, certains d'entre eux, toujours ventilés par échec de sevrage, encore aujourd'hui (depuis 40 ans).

A partir de là, la réanimation devient institutionnelle. Tout d'abord développée pour faire face à l'épidémie de poliomyélite, puis à d'autres maladies comme la diphtérie ou aux chocs infectieux liés aux avortements illégaux, elle va répondre à toutes les sortes de situation où la vie est en danger. Elle se développe comme un service spécialisé, puis comme une spécialité médicale, et conjointement au développement de l'urgence médicale sur le plan national.

Quelques dates importantes

1946 : Mise en place de la Sécurité sociale.

1954 : Création du premier service de réanimation médicale à l'hôpital Claude Bernard au cours de la pandémie de poliomyélite.

1956 : Création des SMUR et services d'urgence: service mobile de réanimation en 1956 à l'hôpital Necker pour porter secours aux malades en stades aigus de poliomyélites, équipés de ventilateurs mécaniques après l'abandon des cuirasses thoraco-abdominales.

1965 : développement du SMUR sur le plan national en SAMU.

1978 : numéro d'appel en urgence médical gratuit, le 15. Efficacité recherchée d'intervenir dans les 10 minutes qui suivent l'appel.

I.3.c Origine du terme de « réanimation »

De même que les techniques sont des indicateurs des transformations d'une culture, le langage est le témoin de ces changements que nous pouvons retrouver à travers l'histoire sémantique de mots médicaux. D'autre part les expressions sur la mort révélant une représentation ancienne révèlent que les théories anciennes persistent chez les individus d'une culture en mutation. Des expressions comme « perdre l'âme, l'esprit ou la tête » au sens de « devenir fou », « rendre son dernier soupir» au sens de mourir, « perdre le souffle» au sens de ne plus pouvoir suffisamment respirer, etc... ont été souvent entendus chez malades et soignants.

Le concept de « réanimation »

Le terme de réanimation possède aujourd'hui un sens qui correspond à la définition médicale donnée en en 1954 mais il existait déjà au sens de « ressusciter », et en anglais resuscitation est employé pour désigner les gestes de réanimation.

Cette signification culturelle comporte un sens magique , s'opposant au sens rationnel donné par la médecine contemporaine :

· Aujourd'hui, nous comprenons que la réanimation suspend un processus morbide et maintient un état de vie organique.

· Au sens traditionnel, la réanimation restaurer la vie, réintègre l'âme dans le corps, sur un état de mort avérée, de cadavre privé de son principe vital.

La possibilité de survie en état de coma n'était pas envisageable, c'est pourquoi, les réveils de comateux étaient interprétés comme des résurrections miraculeuses.

Les mots réanimer ou ranimer sont employés au 16e siècle, au sens de « rendre la vie, ressusciter », « redonner courage à quelqu'un », « rendre plus vif », « ranimer le feu », au moment de l'Humanisme d'une plus grande liberté par rapport à la religion.

Ces termes proviennent eux-mêmes du verbe animer apparu en 1358, emprunté au latin animare, verbe dérivé de anima « souffle vital ». Il désigne dans un sens religieux l'acte divin d'« insuffler la vie » et dans un sens psychologique l'acte « d'encourager, d'exciter ». Employé comme adjectif, « animé » s'est dit des animaux, des personnes et s'est étendu aux choses non-vivantes.

Il est également intéressant de noter que le mot « coeur » apparaît aussi au 12e siècle, provenant du latin cor au sens « organe central de la circulation sanguine ».

Il s'emploie aussi bien pour la région de la poitrine que pour la région épigastrique de l'estomac. On dit encore aujourd'hui « mal au coeur », « dire tout ce qu'on a sur le coeur », « fendre le coeur » pour évoquer des sentiments de souffrance,, « de tout mon coeur » pour les sentiments d'affection, « avoir à coeur » pour les sentiments de volonté, « apprendre par coeur » pour la mémorisation. D'autre part, les émotions intenses provoquent des réactions de douleurs au lieu latin du « cor ». Rien d'étonnant à ce que le coeur ait longtemps été considéré comme le siège des émotions dès l'Antiquité.

Le coeur possède aussi un rapport avec le principe vital ou « Souffle vital ». Pour les Grecs (Hippocrate, Platon) il permet sa circulation avec le sang dans l'organisme par le biais de conduits d'air, les artères. Les Grecs croyaient qu'après la mort, les artères se vidaient de leur sang mais contenaient encore l'esprit vital, sous forme d'air.

Le cerveau est un organe à part, car il est nécessaire à la conscience et la pensée, bien que ne faisant pas partie des fonctions vitales dans les conceptions traditionnelles.

Les intuitions qui ont mené aux études physiologiques sur la fonction respiratoire sont bien des héritières des intuitions traditionnelles plaçant le principe vital dans le coeur.

La différence porte sur le psychisme :

· aujourd'hui, nous savons que le siège du psychisme est situé dans le cerveau et que le coeur peut continuer à battre alors que le cerveau ne fonctionne plus.

· Avant le 16e siècle, corps et psychisme n'étaient pas conçus comme fonctionnant de manière séparé, à la fois pour les conceptions monistes ou dualistes.

C'est au moment de la période philosophique des Lumières qu'une rupture épistémologique apparaît permettant une pensée biologique de la vie indépendante de son aspect spirituel : le « corps-machine » de Descartes que les scientifiques s'approprient, reléguant l'esprit à d'autres domaines.

I.3.d La réanimation comme moment de transformation psychique

Selon les études anthropologiques sur de nombreuses sociétés, il a été constaté que les rites de passage possèdent une fonction psychologique essentielle qui est de transformer l'individu au plus profond de son identité. « Le traumatisme est systématiquement utilisé dans les rites d'initiation des sociétés traditionnelles à des fins de transformation et de renaissance de l'individu, tous ces mécanismes étant culturellement déterminés » (ZAJDE, 1998)

La notion de rite d'initiation a été étendue aux sociétés modernes car bien que notre culture défende l'ethos d'un individu autonome et libre, les pratiques des sociétés comportent toujours un aspect de modelage social des individus selon une norme, c'est pourquoi, la démarche d'étude ethnologique est récemment appliquée à des comportements de culture occidentale.

Rappel sur la notion de rite de passage

Selon Van Gennep (1909), les rites de passage possèdent une symbolique qui simule la mort et la résurrection, le passage de la non-vie au monde des vivants lors de la naissance. En réanimation, la représentation de la renaissance est présente chez les soignants (« quand on travaille ici, c'est un peu comme les accoucheurs, on tente une renaissance », « je me sens parfois comme une petite mère pour cette malade » qui était bien plus âgée que son aide-soignante). Dans la même idée, le terme de « sevrage » est utilisé pour la phase de préparation à l'arrêt du respirateur mécanique.

Les rites de passage comportent presque toujours 3 phases :

a. Préliminaires : une séparation afin de retirer à l'individu son statut social habituel. L'état de malade de réanimation comporte bien, avec l'isolement et la limitation des visites des familles, la séparation de l'individu par rapport à son lieu de vie et à son groupe social et familial. D'ailleurs, les malades ne manquent pas de remarquer qu'ils ne se reconnaissent plus eux-mêmes.

b. Liminaires : une marginalisation, période de transition avec suspension des contacts sociaux normaux. En réanimation, l'état de malade produit souvent la sensation de se retrouver étranger à soi-même avec un corps dénudé et objet de soins, la parole empêchée, les mouvements impossibles, les effets personnels réduits, la disparition de la pudeur, etc... Cet état a été parfois associé à une « prison ».

c. Post-liminaires : une incorporation, période de réintégration dans la structure sociale, avec un nouveau statut. On pourrait associer à cette phase celle de « récupération » avec la reprise de la capacité de communication, la remobilisation, la réalimentation et la rééducation à la station debout et à la marche. Nous verrons ultérieurement que l'entretien de recherche lui-même, qui place le malade en tant que patient-expert, permet d'engager le patient à un effort de pensée, à la construction d'un discours propre.

D'autres aspects propres aux rites de passage ont été relevés :

· le rythme de vie est propre à la réanimation et imposé par les procédures de soins, les gestes tellement ritualisés que les malades les observent avec hypervigilance, et les attendent car ils leur permettent de rompre leur solitude,

· les inversions sont nombreuses : Inversion des âges car les infirmiers sont jeunes et maternent des personnes bien plus âgées en état d'incapacité associée à l'infans, inversion du jour et de la nuit pour le sommeil,

· Les gardiens du rituels : les médecins, les exécuteurs : les soignants. « il a été comme mon fils » montre le lien très particulier et très fort entre malades et médecins , soignants.

· La transformation est marquée par le passage de l'état de « presque mort » à vivant, mais le problème pour le malade sera de ne pas rester prisonnier dans l'état liminaire, cet entre-deux d'attente corporelle et psychique toujours mortelle. Les soignants sont conscients de ce danger et font tout pour réveiller les malades, parlent assez fort, marchent vite, toujours en alerte et en éveil. Une grande sensibilité perceptive de l'émotion du malade est présente avec leur attitude de « Dureté » (voir I.1.b).

I.3.e De la réanimation médicale au concept de « Souffle Vital »

Les sociétés modernes et occidentales fondent leurs pratiques médicales sur une étude du corps biologique s'appuyant sur les sciences biologiques pures conformément à une conception dite « cartésienne » du corps-machine. Plus précisément, le malade de réanimation médicale voit son corps scindé et hiérarchisé en 2 parties : le crâne et le haut du visage, partie noble et préservée par les effractions et contenant le cerveau, centre de la conscience, et le reste du corps, partie vulgaire et malade, sur lequel sont pratiqués les actes de soins.

Pourtant, les recherches sur les fonctions vitales se sont bien concentrées sur la partie vulgaire du corps en partant des intuitions des théories traditionnelles, localisant l'âme dans le « cor » et non pas dans le cerveau. Sur un plan psychique, ce centre vital correspondait au centre des sentiments, du courage et de la colère, à l'âme irascible, différente des pulsions vitales de reproduction et de l'âme désirante.

Nous avons vu qu'en réanimation médicale, le soin invasif d'intubation correspond aussi à la situation biologiquement la plus critique et aux techniques les plus importantes.

Nous allons tenter de comprendre si la réhabilitation psychique du « cor » grâce à l'introduction du concept de « Souffle Vital » pourrait permettre de mieux comprendre les impacts psychiques de cet acte de soin.

I.4 LA NOTION DE SOUFFLE VITAL 

I.4.a Origines des théories du vivant

C'est à partir d'une brève synthèse des études en anthropologie de la religion que l'on peut retrouver les théories sous-jacentes aux concepts étymologiques. (DUBUISSON, 2004)

Tout d'abord, les théories sur la vie sont en rapport avec les théories sur la mort, car la vie ne prend sens que lorsque la mort peut être représentée. Les premiers témoignages de l'existence de théories sur la vie et la mort sont les traces laissées par les rites funéraires se trouvent chez l'homme de Neandertal, et remontent à 200 000 ans, à l'époque du paléolithique moyen, puis se sont surtout développés, il y a 50 000 ans avec l'Homo Sapiens. La vie est représentée comme étant liée aux rites de chasse et l'esprit vital est souvent relié à l'animal, d'où l'étymologie d'animal à partir de anima. C'est la partie « vitalité » du concept de « souffle vital ». (LENOIR et MASQUELIER, 1997)

Dans les sociétés traditionnelles, on trouve l'association de l'air et du feu dans la notion de souffle vital remontant à la préhistoire car elle est présente très tôt dans le langage. Dans toutes les cultures traditionnelles, l'air symbolise la vie. L'énergie vitale circule sous forme d'air à l'intérieur du corps, mais doit être recherchée à l'extérieur pour respirer. C'est la partie « souffle » du concept de « souffle vital ».

A chaque époque de l'histoire de l'humanité, ainsi que dans chaque continent, on peut retrouver la notion de « souffle vital » dans les rites religieux et les théories sur la vie et la mort.

I.4.b Conception des sociétés traditionnelles

Afrique noire

On y retrouve des traits généraux avec une conception générale de l'Univers, de la vie et de l'homme ainsi qu'une Sagesse postulant qu'une harmonie est préétablie dans l'Univers mais qu'elle est sans cesse troublée et réordonnée, et que chaque partie de l'Univers est une partie d'un tout. La pensée se transmet par tradition orale, sous la forme de mythes narrant la vie de héros ancêtres, mi-hommes, mi-animaux. Ces traditions comportent aussi le totémisme, qui est le culte d'une espèce animal ou végétale. L'ensemble de ces principes permet de relier l'homme à la nature et les vivants aux morts. Par exemple, chez les Bambara du Mali, on pense que le souffle vital passe par le nez. On désigne celui qui vient de mourir comme celui qui a « perdu son nez ». La maladie est causée par un mauvais vent, sec et chaud, souffle des êtres nuisibles, sorciers et djinns. Les guérisseurs Sereers de Sénégal utilisent la fumigation comme remède. L'extraction du vent chaud du corps du malade se fait à condition de rétablir la paix et l'entente familiale. Le guérisseur utilise aussi son souffle dans l'oreille du malade pour chasser les esprits nuisibles. L'oreille est un réceptacle car il reçoit les paroles mauvaises qui peuvent perturber le rythme de la respiration. Les maladies sont dues soit à des morts-vivants (xon-faaf), trépassés sans sépulture, qui viennent perturber les vivants, à des mauvais enfants (ciit a paaxeer), morts dès leur naissance, à des pangols qui sont des génies ou des dieux protecteurs. La frontière est ténue entre vie et mort, équilibre et déséquilibre. (LAFFON, 2002)

Religions et médecines traditionnelles d'Asie (VALLET, 1999 ; ELIADE, 1958)

Que ce soit en Inde ou en Chine, les religions et médecines traditionnelles ont survécu à la modernisation et l'introduction de l'Islam et du christianisme. Les patients consultent toujours les guérisseurs, divinateurs et médecins traditionnels, qui cohabitent avec la médecine moderne.

La notion de « souffle vital » est un élément essentiel de ces traditions dans toute l'Asie, puisque les techniques sont reliées à la notion de respiration et de circulation d'énergie.

Le Taoïsme chinois utilise le terme chi qui signifie souffle vital et est relié à la respiration. Le Chi est au centre de tous les arts traditionnels chinois : peinture, poésie, arts martiaux, médecine, architecture, calligraphie, etc... Son apprentissage se transmet de maître à élève par la pratique quotidienne. Une mauvaise respiration entraîne le déséquilibre énergétique de l'organisme. L'éveil de la conscience est lié à une bonne respiration en aspirant les énergies du ciel et expirant les énergies impures.

L'hindouisme est une tradition qui mêle philosophie et religion, ainsi que science et magie. Il est à l'origine du Yoga, qui a influencé le taoïsme chinois.

Le Yoga (union) est une technique de contrôle de la respiration et de pratique de règles psychologiques et morales. Elle s'emploie comme thérapie, mesure d'hygiène et permet obtenir des pouvoirs supra normaux. L'état de concentration ultime est un état de fusion entre la pensée et les objets. Le Yoga s'appuie sur la théorie du souffle, considéré comme le mode de l'âme universelle.

De même, la vie humaine est conçue en 4 parties impliquant le souffle :

· âtman ou « souffle vital » qui correspond à la connaissance de Soi et aux sensations, à l'âme,

· Le manas qui correspond aux facultés mentales,

· Le corps grossier qui est lié à l'âme par le souffle (prana)

· Le corps subtil comprenant les sens de la perception, le sens interne et les souffles animant les fonctions organiques.

A la mort, le corps subtil suit l'âme, alors que le corps grossier est détruit. Le souffle, principe de la vie, est présent à la fois dans le matériel et le spirituel, et est relié à l'air ainsi qu'à la respiration. Il peut survivre sans le corps grossier. La délivrance de l'âme peut se faire aussi tout en préservant la vie du corps grossier, par la pratique du Yoga.

Avec le tantrisme, le Yoga se développe au centre de cette religion, où la méthode de délivrance est considérée comme accessible à tous et ne nécessitant pas de préparation spéciale. L'état de délivrance est caractérisé par l'annulation des désirs et donc des souffrances, l'impression que plus rien n'a de réalité. C'est un état d'union à Dieu. La mort produit le même état que la délivrance. Cette vision de la mort comme délivrance comporte un effet rassurant sur le mourant.

I.4.c Conceptions du « Souffle Vital » dans les fondements des cultures occidentales

Les pensées ont été fortement influencées par les cultures grecques et latines, puis judéo-chrétiennes. (FAIVRE, 2000)

Elles-mêmes ont puisé leurs croyances dans les 2 grandes civilisations anciennes de culture écrite, Babyloniennes et Egyptiennes.

Les Babyloniens

La mort est un long sommeil, accompagné d'une paralysie totale et d'un arrêt du coeur. Le souffle correspond au principe vital, qui quitte le corps et provoque alors la mort. Les maladies sont soignées par des exorcistes qui chassent les esprits possesseurs, esprits ou fantômes qui errent dans les ruines ou les déserts, morts sans sépulture ou filles mortes sans époux.

Egypte ancienne

L'âme est constituée de 3 parties :

· le ka : manifestation des énergies vitales comme fonction créatrice et conservatrice. Une métaphore de « mourir » : penser à son ka. Les énergies vitales entrent par le nez, passent par le coeur et les poumons, reliées au sang. La bonne santé se définit par le libre passage, sans obstruction de cette énergie vitale. Le coeur est pesé au moment du jugement dernier. Plus il y aura eu de mauvaises pensées, plus il sera lourd.

· l'akh : il appartient au ciel, et de même racine que « briller ».

· le ba : partie spirituelle de l'âme.

Idée d'énergie vitale, fluide, qui entre par le nez et circule, mais n'est pas associée à l'air.

La Bible

La Ruah est le Souffle vital que Dieu insuffle par le nez pour créer l'homme. En rapport avec l'élément du vent, principe essentiel à la vie sur terre. C'est une réalité invisible et impalpable.

Les Grecs : coexistence des conceptions dualistes et monistes

Tous les philosophies grecs se réfèrent aux principes fondamentaux de la Psyché qui veut dire « âme » désigne le principe vital, ou « Souffle vital », qui s'oppose au Sôma, qui veut dire « cadavre ». Le Souffle lui-même est considéré comme un air chaud apporté par la respiration et qui coule dans les veines avec le sang sous forme de Pneuma. On se servait d'un miroir placé devant la bouche et le nez pour voir si une personne était encore vivante. La respiration déposait de la buée sur le miroir. Pour « mourir » on emploie encore l'expression « rendre le dernier soupir ». La Psyché réside dans le Sôma et maintient la permanence et l'identité et a donné le terme de « psychologie ». Le mouvement réside dans le Démos (corps construit et vivant) qui se différencie du Sôma.

Le médecin grec Hippocrate a développé une théorie tripartite de l'âme, étroitement liée au corps qu'elle construit également en 3 régions : la tête qui contient la partie immortelle de l'âme et siège de la raison, la zone centrale avec le coeur qui contient le siège du courage, et le niveau de l'abdomen qui contient les désirs et l'ardeur.

Cette conception est analogue à la conception tripartite de l'âme immatérielle de Platon : le noûs correspondant à la raison, le thumos ou âme irascible, correspondant aux sentiments de colère ou de courage et l'epithumia ou âme concupiscente, correspondant aux appétits et désir et étroitement reliée aux sensations du corps. L'âme irascible n'est ni bonne, ni mauvaise. Elle peut se ranger du côté de la raison ou du désir selon les situations.

Pour Aristote, l'âme est de même essence que le corps, matérielle, avec une structure tripartite : l'âme rationnelle, l'âme sensitive correspondant à l'imagination et aux 5 sens et l'âme végétative correspondant à la survie biologique.

Pour Epicure, philosophe matérialiste, l'âme est composée de 2 parties : l'animus qui réside dans la poitrine et l'anima, principe vital plus léger qui circule partout.

Que ce soit dans la conception dualiste-idéaliste ou matérialiste-moniste de l'âme, celle-ci donne forme au corps car elle réalise les fonctions vitales qui animent les corps et cause ses activités.

La santé consistera en un équilibre entre corps et âme et entre les 3 parties de l'âme.

II ENONCE DES HYPOTHESES

II.1 ELABORATION DES HYPOTHÈSES

La question de départ, «  comment aborder le malade de réanimation médicale ? », amène à étudier 3 aspects d'investigation : les pratiques médicales en situations de danger vital, les théories pour penser le vécu des malades dans ces conditions et les méthodes d'entretien adaptées à ces malades.

II.1.a Sur les pratiques de soins médicaux

Le concept de « Souffle Vital » permet d'envisager une relation étroite entre le corps, lieu de l'âme et le psychisme, entre traumatisme corporel et traumatisme psychique, en d'autres termes, est-ce que ce qui est invasif pour le corps, au niveau des fonctions cardiorespiratoires peut aussi faire effraction au psychisme.

Hypothèse 1 : Une plus grande technicité médicale génèrerait des souffrances psychiques plus profondes

II.1.b Sur les théories pour interpréter le vécu des malades réanimés

La notion de rite de passage permet d'enrichir la compréhension du traumatisme psychique en l'élargissant à un processus de transformation psychique de déstructuration et restructuration psychique. La déstructuration psychique ou liminaire des rites de passage correspond à l'état de « ... celui qui revient transfiguré des bords de l'abîme, traînant avec lui les réminiscences horrifiantes de l'au-delà entrevu. » (CROCQ, 1999, page 276), tandis que la restructuration psychique pourra être associée à un processus de réintégration de l'événement dans l'historicité de l'identité narrative, et « la thérapeutique consistera ... à transformer cette malédiction en épreuve initiatique lui permettant d'assumer son destin. » (CROCQ, 1999, page 276)

De plus, la notion de conflit psychique soulevée par les théories psychanalytiques à un niveau intrapsychique sera revue d'un point de vue clinique et culturel. Le conflit pourra alors se concevoir entre une personne et une institution, c'est-à-dire entre les théories personnelle qui fondent l'identité d'une personne malade menacée d'anéantissement et celles de l'équipe soignante imposant un état de malade et des soins très invasifs. La part de l'identité personnelle qui réagit pourra s'interpréter par la notion d'âme irascible.

Hypothèse 2 : Le vécu des malades de réanimation peut s'interpréter comme une transformation psychique qui peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de passage et activant des conflits psychiques à la fois profonds et d'ordre culturel.

II.1.c Sur la méthode psychothérapeutique

Dans les méthodes classiques de soutien psychologique dans le domaine de la santé, on propose au malade des entretiens cliniques où le psychologue possède une théorie sous-jacente (psychanalytique ou cognitive) à un malade, demandeur d'une aide à la suite de difficultés rencontrées lors de sa maladie biologique. Bien que la situation soit fortement à l'origine des difficultés, il y a toujours une théorie psychosomatique qui suppose un lien réciproque de causes à effets entre personnalité et maladie biologique.

Nous proposons de mettre en place avec la méthode un dispositif d'entretiens cliniques inspiré de ceux de l'éthnopsychiatrie qui consiste à placer le malade en tant qu'expert de son propre vécu avec un chercheur-étudiant demandeur de matériel de recherche sur la psychologie du malade en réanimation. La théorie sous-jacente non exprimée est la suivante: la réanimation est un événement potentiellement traumatique, quelque soit la personnalité, car c'est un lieu de passage. Cette méthode ne postule pas de théorie sur la personnalité du malade.

Conformément à l'approche ethnopsychiatrique, des théories inspirées de la notion d'identité narrative (RICOEUR, 1983, 1996) comme la « Constructivist Narrative Perspective » soutiennent que « les être humains construisent activement leurs réalités personnelles et créent leurs propres modèles pour se représenter le monde » (MEICHENBAUM,1995).

D'autre part, les cliniciens qui interviennent auprès des victimes de traumatisme psychique constatent que le discours narratif est un agent qui contribue à la construction du monde et de soi (MORMONT, 2001).

Une certaine forme d'entretien orienté sur la co-construction d'un récit, centré sur les mots du patient aurait un effet thérapeutique

Hypothèse 3 : La position de patient-expert permettrait de terminer le processus de transformation psychique par une restructuration psychique.

III METHODOLOGIE

III.1 SPÉCIFICATION DES HYPOTHÈSES EN CRITERES D'ANALYSE

Nous avons repris une méthode développée pour la psychologie de la santé distinguant 3 niveaux d'observation et d'analyse  (SANTIAGO-DELEFOSSE, 2002 ; FISCHER, 2002) qui correspondent à:

Niveau 1 : l'observable et le manifeste,

Niveau 2 : le subjectif conscient,

Niveau 3 : les mécanismes inconscients.

Pour cette étude, nous utiliserons les 3 niveaux avec relevé des signes cliniques pour l'observable et le manifeste, des thématiques de discours pour le niveau subjectif et conscient et des mécanismes de défense portant sur l'angoisse de mort pour les mécanismes inconscients.

III.1.a Hypothèse 1 : Une plus grande technicité médicale génèrerait des souffrances psychiques plus profondes

La technicité la plus importante correspond au soin d'intubation trachéale avec la ventilation mécanique car elle s'accompagne aussi des autres soins les plus intrusifs sur le plan corporel. Nous choisirons donc le critère d'intubation trachéale et ventilation mécanique comme critère d'effraction corporelle.

Les souffrances psychiques les plus profondes correspondent aux signes d'effraction psychique mise en évidence cliniquement par l'état de stress aigu parmi les autres troubles anxieux, ainsi que par les récits des troubles psychiques faits par les malades. Les critères d'effraction psychique sont présentés dans le tableau suivant :

Signes cliniques issus d'observations

Signes cliniques relevés dans les discours

Etat de stress aigu (vécu de mort imminente, torpeur, déréalisation, dépersonnalisation, amnésie, réviviscences, évitement)

Etat de stress dépassé (torpeur, agitation, fuite panique, déréalisation, onirisme)

Confusion mentale (torpeur, désorientation, amnésie, onirisme, déséquilibre biologique)

Signes neurovégétatifs d'anxiété

Effraction corporelle

Etat de stress aigu (vécu de mort imminente, torpeur, déréalisation, dépersonnalisation, amnésie, réviviscences, évitement)

Etat de stress dépassé (torpeur, agitation, fuite panique, déréalisation, onirisme)

Confusion mentale (torpeur, désorientation, amnésie, onirisme, déséquilibre biologique)

Plaintes sur signes neurovégétatifs

Mécanismes de défense contre l'angoisse de mort (voir Annexe 3)

Thématique de la déstructuration psychique

Effraction corporelle

III.1.b Hypothèse 2 : Le vécu des malades de réanimation correspondrait à une transformation psychique qui peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de passage.

Les thématiques analysées porteront sur les 2 aspects interprétatifs de cette hypothèse :

· les thèmes en lien avec le rite de passage : les différentes phases du processus de transformation psychique

· les thèmes en lien avec le conflit des théories : théories des malades sur les soins, théories médicales acceptées ou non par les malades, défenses culturelles possibles et défaillantes, sentiment de persécution ou manifestation de l'irascibilité comme défense.

III.1.c Hypothèse 3 : La position de patient-expert permettrait de terminer le processus de transformation psychique par une restructuration psychique.

Rappelons que l'identité narrative définie par Paul Ricoeur (1996) correspond à une structure narrative qui opère au cours des aléas de l'existence une opération de médiation entre discordance et concordance, et à la fois une permanence dans le temps et la possibilité d'intégrer les changements d'identité.

Cette hypothèse sera étudiée grâce aux indicateurs suivants :

· l'identité narrative : temporalité du récit, intégration de l'événement de rupture dans le cours du récit personnel, dynamique vers le futur

· la position de patient-expert : transmission d'un savoir

· Sens du rite de passage

· Expressions d'un apaisement pendant l'entretien

III.2 CONSTITUTION DES GROUPES DE SUJETS

Critères d'inclusion : patients d'un même service de réanimation médicale avec une défaillance de la fonction respiratoire et des soins de rétablissement de cette fonction.

Langue française maîtrisée et utilisée comme langue courante et au même niveau que la langue maternelle si celle-ci n'est pas française, et mode de vie correspondant à la culture occidentale.

Critères d'exclusion : les patients n'étant pas en mesure de participer à un entretien (par ex. signes d'évitement manifestes à respecter), les patients ayant des antécédents psychiatriques, ayant fait une tentative de suicide ou ayant des troubles neurologiques connus ou manifestes, les patients montrant une déstructuration sociale.

Hypothèse 1

Observations et témoignages des signes cliniques lors de la défaillance vitale

Un groupe de 9 patients réanimés avec ventilation mécanique et intubation trachéale, groupe A.

Un groupe contrôle de 7 patients réanimés avec ventilation spontanée et masque, groupe B.

Analyses des mécanismes de défense et analyse thématique des entretiens en fin d'hospitalisation.

Un sous-groupe de 6 patients réanimés avec ventilation mécanique et intubation trachéale, groupe A1.

Le groupe contrôle de 7 patients réanimés avec ventilation spontanée et masque, groupe B.

Hypothèses 2 et 3

Analyses thématiques des entretiens en fin d'hospitalisation.

Un sous-groupe 6 de patients réanimés avec ventilation mécanique et intubation trachéale, groupe A1 et un patient du groupe B.

III.3 LES SUJETS

Sujets

Age

Sexe

Groupes

Observations

Groupes Entretiens

1

71 ans

H

A

 

2

79 ans

H

A

 

3

49 ans

H

A

A1

4

32 ans

H

A

A1

5

66 ans

H

A

 

6

78 ans

F

A

A1

7

56 ans

H

A

A1

8

70 ans

H

A

A1

9

54 ans

H

A

A1

10

75 ans

F

B

B

11

53 ans

H

B

B

12

58 ans

F

B

B

13

83 ans

F

B

B

14

83 ans

H

B

B et A1

15

75 ans

H

B

B

16

80 ans

F

B

B

GROUPE A : malades ventilés mécaniquement avec intubation trachéale

 
 

Indice de gravité maximum

Indice de gravité moyen

 
 

Sujet 1

Sujet 2

Sujet 3

Sujet 4

Sujet 5

Sujet 6

Sujet 7

Sujet 8

Sujet 9

Soins intrusifs et causes médicales

Durée tot.

27 jours

32 jours

36 jours

23 jours

41 jours

22 jours

22 jours

20 jours

23 jours

Ventilation

Intubation

Trachéo.

Durée VM

Durée intub.

Réintubation

VM

oui

non

27 jours

27 jours

Oui

VM

Oui

Non

5 jours

7 jours

Non

VM

Oui

Non

17 jours

17 jours

Oui

VM

Oui

Oui

4 jours

4 jours

Non

VM

Oui

Oui

38 jours

3 jours

Oui

VM

oui

Non

2 jours

2 jours

Non

VM

Oui

Non

1 jours

1 jours

Non

VM

Oui

Non

2 jours

2 jours

Non

VM

Oui

Oui

1 jours

1 jours

Non

Soins invasifs

Cathéter veineux + artériel

Dopa

remplissages

Alim entérale.

Cathéter veineux + artériel

Dopa

remplissages

alim entérale

Cathéter veineux + artériel

Dopa

Alim. entérale

Cathéter artériel

Dopa

rempliss

Alim. entérale

Cathéter veineux

Alim. entérale

Cathéter veineux

4 drain thoraciques

Cathéter veineux

6 drains thoraciques

Cathéter veineux

Drains thoraciques

Cathéter veineux

Transfusion

dialyse

Causes réa

Coeur, BPCO

Choc septique

Coeur, BPCO

Choc septique

Coeur, BPCO

Choc septique

BPCO

Choc septique

BPCO

Choc septique

Choc septique

Choc septique

Choc septique

Choc septique

Evénément vital

Chirurgie

 

Coeur

Coeur

Poumon

 

Coeur

Coeur

Coeur

Coeur

Etat psychique

Confusion,

Tb conscience

Confusion, agitation,

Tb conscience

Confusion, agitation,

Tb conscience

Agitation

Tb conscience

Confusion

Tb conscience

Confusion

Tb conscience

Secours

SAMU

Equipe soignante

Equipe soignante

Equipe soignante

SAMU et proches

SAMU

Equipe soignante

Fille, Equipe soignante

Equipe soignante

Lieu

Domicile

Hôpital

Hôpital

Hôpital

Domicile

Consultation

Hôpital

Hôpital

Hôpital

Avant

Antécédents médicaux

Diabète II, tabagie pb respiratoire et cardiaque

Diabète II, insuf cardiaque, rénale, pb artériels

Cardiopathie

Pb artérielles

Cancer du poumon

Cancer, cardiopathie, pb respiratoire, tabac

Diabète II, tabagie, cardiopathie

Tabac, hypertension, cardiopathie

Cardiopathie

Diabète I, insuf rénale, pb artères

GROUPE B : malades ventilés en rythme spontané avec masque

Indice de gravité le plus bas pour la réanimation

 
 

Sujet 10

Sujet 11

Sujet 12

Sujet 13

Sujet 14

Sujet 15

Sujet 16

Soins intrusifs et causes médicales

Durée tot.

11 jours

5 jours

19 jours

8 jours

15 jours

5 jours

3 jours

Ventilation

Durée Ventil.

Durée Masque

VNI

2 jours

2 jours

VNI

3 jours

3 jours

VNI

19 jours

19 jours

VNI

4 jours

4 jours

VNI

10 jours

10 jours

VNI

1 jours

1 jours

VNI

1 jours

1 jours

Soins invasifs

Cathéter veineux

Dopa, adré

remplissage

Cathéter veineux

Dopa, adré

Cathéter veineux

Cathéter veineux

Cathéter veineux

Cathéter veineux

Cathéter veineux

Causes réa

Coeur, BPCO

Choc septique

Coeur, BPCO

Choc septique

Poumon

Choc septique

Poumon

Choc septique

Coeur

Poumon

Evénément vital

Cause défaillance

Cancer sang

Cancer

Apnée sommeil

Pneumopathie

Infarctus

Cardiopathie

Poumon

Etat psychique

OK

Confusion, agitation,

Tb conscience

OK

Tb conscience

Tb conscience

Agitation

Tb conscience

Secours

Equipe soignante

SAMU

SAMU

SAMU

SAMU

Equipe soignante

SAMU

Lieu

Hôpital

Domicile

Consultation

Domicile

Domicile

Urgences

Domicile

Avant

Antécédents médicaux

Pb cardiaque, tabac

Pb cardiaque, cancer

Pb cardiaque, obésité

Maladie de Paget, glaucome

Hypertension, cardiopathie

 

Pb cardiaque, tabac

III.4 LA MÉTHODE D'ENTRETIEN

Phase préliminaire sur le lieu de recherche

Avant d'aborder les entretiens de recherche, une immersion sur le lieu de stage a été nécessaire, avec prise de notes du maximum d'informations et d'impressions de terrain. Des entretiens courts au lit du malade de soutien psychologique ont commencé dès le début du stage, tout d'abord avec la présence de la référent de stage, puis de manière autonome. Ces entretiens ont pu servir d'observations préliminaires pour définir les hypothèses les plus pertinentes et adapter la méthodologie à l'état des malades.

Méthode d'entretien ou méthode thérapeutique ?

La 3e hypothèse propose la mise au point d'une méthode d'entretien clinique qui positionne le malade en tant qu'expert de son vécu inspirée du dispositif thérapeutique de l'ethnopsychiatrie basé sur 4 principes : la mutualité, la déconstruction des théories classiquement employés par les professionnels, l'affranchissement du malade des groupes carcinogènes et l'étude des émotions déclenchées par des groupes qui discréditent les malades (SIRONI, 2006). Lors des entretiens de recherche menés pour cette étude, nous avons tenté d'appliquer le principe de mutualité et orienté l'entretien sur l'écoute la plus théorique possible et intéressée par les théories propres aux malades sur leurs émotions. Une formation et une pratique de l'écoute de 5 ans en ONG ont été une expérience précieuse pour mener les entretiens de recherche. Cette expérience contient la prise de conscience des mécanismes d'inférence inhérents à tout entretien de recherche afin de les minimiser.

Les méthodes basées sur des questionnaires, très employées pour les enquêtes auprès des familles ou des soignants, et intéressantes pour l'aspect quantitatif, n'ont pas pu être retenues pour les malades de réanimation. Ceux-ci ont des difficultés pour écrire, ou pour se concentrer sur la lecture. De plus, certaines questions pourraient induire des angoisses car toute question peut être une assertion imposée à celui à qui elle s'adresse (JACOBI, 2006). La méthode retenue consiste en un entretien semi-dirigé, dont le rythme et le feed-back émotionnel s'adaptent au malade. Les questions sont ouvertes afin de respecter les défenses du malade qui s'expriment par des stratégies discursives d'évitement, notamment devant l'angoisse de mort.

Guide d'entretien semi-dirigé

« Je suis étudiante en psychologie et fait une recherche sur la réanimation, plus particulièrement sur le point de vue des personnes prises en charge en réanimation médicales. Pourrais-je dans ce cadre recueillir votre témoignage ? »

Questions structurants l'entretien posées de manière indirectes, sous formes de relances dans le discours :

· Cause de l'hospitalisation en réanimation.

· Durée du séjour.

· Déroulement de ce séjour sur le plan personnel (émotions pensées).

· Déroulement de ce séjour sur le plan relationnel (soignants, familles et environnement)

· Opinion sur le déroulement du séjour.

· Si le vécu est difficile,  est-il comparable à un autre vécu similaire ?

· Troubles cliniques anxieux, traumatiques.

· Nature de l'angoisse.

· Vie hors de l'hôpital (professionnel, social, familial)

· Projets après la sortie.

Vérification des critères de scientificité

Critères de scientificité de l'étude (Drapeau, 2004)

Validité interne

Pour tous les sujets, les observations retenues ont été réévaluées par les feed-backs des acteurs de soins. Cette participation active de nombreux acteurs de soins a permis d'établir une relation de confiance et crée un intérêt pour l'aspect psychologique du soin des malades.

Validité externe

Le facteur d'intubation a été préalablement confronté à d'autres facteurs (coma, sédation, état général, âge) et a été retenu pour sa pertinence. L'avis des acteurs du soin a été également retenu.

Fidélité

Vérification des données par la référente de stage pour la plupart des sujets, présence régulière sur le terrain de 2,5 jours par semaine sur toute une année scolaire

Objectivité

Prise en compte de l'ensemble du phénomène et de l'impact de la présence du chercheur. 3 années d'expérience à la Croix-Rouge Ecoute, au téléphone, ainsi qu'en face à face dans d'autres associations humanitaires, a permis de travailler la prise de conscience des phénomènes de transfert propres à toute relation, de centrer un entretien sur l'interviewé, de favoriser les reformulations les moins inductrices possibles.

Contre-transfert

Groupe de parole comme écoutante et suivi thérapeutique personnel afin de prendre conscience des réactivations d'événements de vie avec la rencontre avec la souffrance de l'autre et éviter les biais d'identification et de projection.

Possibilités régulières d'entretien avec la référente de stage, et confrontation avec les points de vue des soignants et d'autres psychologues du service.

IV COMPTE-RENDU DES RÉSULTATS

IV.1.a Hypothèse 1 : Une plus grande technicité médicale génèrerait des souffrances psychiques plus profondes

Analyses des signes cliniques

Groupe A : Sujet 1 à 5

Malades réanimés mécaniquement avec intubation trachéale

 

Sujet 1

Sujet 2

Sujet 3

Sujet 4

Sujet 5

Bilan

Signes végétatifs

x

x

x

x

x

5/5

tremblements, sursauts

 

Oui

 

Oui

 

 

douleur thoracique

 

 

Oui

Oui

Oui

 

nausée

 

 

 

 

 

 

vertige

 

 

Oui

Oui

Oui

 

frissons ou chaleur

 

 

 

 

 

 

troubles du sommeil

 

Oui

Oui

Oui

Oui

 

troubles concentration

Oui

Oui

Oui

 

 

 

troubles mémoire

Oui

 

 

 

 

 

hypervigilance

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

 

irritabilité

Oui

 

Oui

 

Oui

 

Confusion mentale

x

x

x

x

x

4/5

désorientation espace

Oui

Oui

Oui

 

 

 

désorientation temps

Oui

Oui

Oui

 

Oui

 

agitation

 

Oui

Oui

Oui

 

 

onirisme et hallucinations

 

 

Oui

 

Oui

 

amnésie

Oui

 

 

 

 

 

diminution vigilance

Oui

 

 

 

 

 

Etat de stress aigu

x

x

x

x

x

5/5

A1. Exposition à menace vitale

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

 

A2. Frayeur

Terreur

Terreur

Terreur

Horreur

Horreur

 

B1. Torpeur, détachement

Torpeur

Torpeur

Torpeur

Détachement

Torpeur

 

B2. Réduction de conscience de l'environnement

Oui

 

Oui

 

 

 

B3. Dépersonnalisation

 

 

 

 

 

 

B4. Amnésie dissociative

Oui

 

 

 

 

 

C. Réminiscences

 

Oui

Oui

 

Oui

 

D. Evitement

 

Oui

Oui

 

Oui

 

E. activation neurovég.

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

 

F. détresse significative

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

 

G. 2 jours mini

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

 

Etat de stress dépassé

x

x

x

 

x

4/5

1. Sidération

Oui

Oui

Oui

 

Oui

 

2. Agitation

Oui

Oui

Oui

Oui

 

 

3. Fuite

 

Autoextubation

Autoextubation

 

 

 

4. Automatismes

Oui

Oui

Oui

 

 

 

Pour ce groupe, presque tous les malades montrent des signes de « Stress aigu ».

Groupe A : Sujet 6 à 9

Malades ventilés mécaniquement avec intubation trachéale

 

Sujet 6

Sujet 7

Sujet 8

Sujet 9

Bilan

Signes végétatifs

x

x

x

x

4/4

tremblements, sursauts

Des mains

Oui

Oui

Oui

 

douleur thoracique

 

 

 

Oui

 

nausée

 

 

 

 

 

vertige

 

 

 

 

 

frissons ou chaleur

 

 

 

 

 

troubles du sommeil

Oui

Oui

Oui

Oui

 

troubles concentration

Oui

 

 

 

 

troubles mémoire

Oui

 

Oui

Oui

 

hypervigilance

 

Oui

Oui

Oui

 

irritabilité

 

 

Oui

 

 

Confusion mentale

x

 

 x

x

3/4

désorientation espace

Oui

 

 Oui

Oui

 

désorientation temps

Oui

 

 Oui

Oui

 

agitation

Oui

 

 

 

 

rêves et hallucinations

Délires

 

 

 

 

amnésie

Oui

 

Oui

Oui

 

diminution vigilance

 

 Oui

Oui

 

 

Etat de stress aigu

x

 

x

x

3/4

A1. Exposition à menace vitale

Oui

 Oui

Oui

Oui

 

A2. Peur intense, impuissance, horreur

Horreur

Peur

Oui

Terreur

 

B1. Torpeur, détachement

Torpeur

Détachement

 

 

 

B2. Réduction conscience env

 

 Oui

Oui

Oui

 

B3. Dépersonnalisation

 

 

 

 

 

B4. Amnésie dissociative

 

 

Oui

Oui

 

C. Réminiscences

 

 

Cauchemars

Cauchemars

 

D. Evitement

 

 

Oui

Oui

 

E. activation neurovég.

Oui

Oui

Oui

Oui

 

F. détresse significative

Tristesse

 

 

Oui

 

G. 2 jours mini

Oui

 

 Oui

Oui 

 

Etat de stress dépassé

x

 

 

x

2/4

1. Sidération

Oui

 

 

Oui

 

2. Agitation

 

 

 

Oui

 

3. Fuite

Autoextub.

Hyperactivité

 

Désir

 

4. Automatismes

 

Marcher

 

 

 

Ce groupe de sujets dont la défaillance vitale a été de gravité moyenne montre des signes de «  stress aigu » de durée plus courte pour presque tous les sujets.

Les troubles anxieux sont présents et persistants. On constate que le vécu traumatique de ces sujets est mieux décrit par les critères d'Etat de Stress Aigu, correspondant à tout type d'exposition à une menace vitale extérieure ou ressentie (DSM), que par l'Etat de stress dépassé, correspondant aux évènements traumatiques des contextes de catastrophes.

Groupe B : Sujets 10 à 16 - malades non ventilés mécaniquement

Lors de la phase critique : Observations et témoignages

Sujet 10

Sujet 11

Sujet 12

Sujet 13

Sujet 14

Sujet 15

Sujet 16

Bilan

Signes végétatifs

x

x

x

x

X

x

x

7/7

tremblements, sursauts

Mains

Mains, jambes

 

 

Mains

 

 

 

douleur thoracique

 Non

Oppression

Essoufflement

Essoufflement

 

 

« mal à la poitrine »

 

Nausée

Pb manger

 

 

 

 

 

 

 

Vertige ou fatigue ?

« tourne »

En station debout

 

 

 

 

« la tête qui me tourne

 

frissons ou chaleur

Frissons

« sueur froide »

 

 

 

« surchauffé ici »

 

 

troubles du sommeil

Oui

« impossible »

« Bruyant « 

« pas dormi »

« s'endormir »

«  pas dormir »

 

 

troubles concentration

 Peut lire

 

Perd le fil

 

 

 

Perd le fil discours

 

troubles mémoire

 Non

 

 

 

 

 

Manque du mot

 

hypervigilance

Oui

Regards furtifs

 

Regards

Observe tout

Observe tout

 

 

Irritabilité

 Non

Oui

 

 

 

 Oui

 

 

Confusion mentale

x

x

x

2/7

désorientation espace

 

X

 

X

 

 

 

 

désorientation temps

X

X

agitation

 

X

 

 

 

X

 

 

Rêves et hallucinations

 

Eviter de penser

 

mari défunt

 

 

 

 

amnésie

 

 

 

 

 

 

 

 

diminution vigilance

 

X

 

 X

 X

 

 X

 

Etat de stress aigu

 

 x

 

 x

 

 

 

2/7

A1. Menace vitale

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

 

A2. Frayeur

Inquiétude

Terreur

Peur

Peur

Peur

Peur

Peur

 

B1. Torpeur, détaché

Non

Torpeur

Non

Torpeur

Non

Non

Détachement

 

B2. Réduction conscience env

 Non

Oui

Non

Oui

Oui

Non

Oui

 

B3. Dépersonnalisation

 Non

Oui

Non

Non

Non

Non

Non

 

B4. Amnésie diss.

 Non

Non

 

 

 

 

 

C. Réminiscences

 Non

Cauchemars

 

Cauchemars

 

Deuil récent

 

 

D. Evitement

Positive

En échec

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

 

E. activation neurovég.

Diminue

Persiste

Diminue

Persiste

Diminue

Diminue

Diminue

 

F. détresse significative

 Anxiété

X

Non

X

Non

Non

Non

 

G. 2 jours mini

Non

2 jours

Non

2 jours

Non

Non

Non

 

Les sujets présentent tous des signes de troubles anxieux, mais seulement deux d'entre eux ont vécu la défaillance vitale comme un évènement traumatique.

GROUPE A : mécanismes de défense et discours sur la Mort

Malades réanimés mécaniquement - A la fin de l'hospitalisation en réanimation ou après un mois (Sujets 3 et 4)

 

Sujet 3

Sujet 4

Sujet 6

Sujet 7

Sujet 8

Sujet 9

Bilan

Défenses contre angoisse de mort

 
 

 

x

 

 

1/6

Déni

Non

Non

Non

Oui

Non

Non

 

Evitement

Non

Oui

Non

Evidence, humour

Echec de l'oubli

Non

 

Rationalisation

Oui

Non

Non

Volonté

Non

Non

 

Métaphores de la Mort de Soi

Oui

Non

La nuit, partir

Par l'humour

« croque-mort »

se perdre

partir

le noir

le sommeil éternel

La faucheuse

 

GROUPE B : mécanismes de défense et discours sur la Mort

Malades non-ventilés mécaniquement - A la fin de l'hospitalisation en réanimation

 

Sujet 10

Sujet 11

Sujet 12

Sujet 13

Sujet 14

Sujet 15

Sujet 16

Bilan

Défenses contre angoisse de mort

 x

x

 X

 

 x

 x

 x

6/7

Déni

 Porte sur la peur d'aggravation du cancer

« je devrais pas être là »

 

 Mort acceptée sans peur

 

« je devrais pas être là »

« je devrais pas être là »

4/7

Evitement

Occupe son temps

pas de description

Echec de l'évitement

Occupe le temps

Non

Musique 

« rien à faire ici »

 

 

rationalisation

positive

 

Incendies Portugal

Non

Courage, chance

Plaintes

Erreur médicament

4/7

Métaphores de la mort

Associée à la maladie

 

Associée à la maladie grave

Au-delà et partir

Un pari.

 

 

2/7

Comparaison intergroupe des signes cliniques :

Les malades ventilés par l'intubation trachéale sont ceux qui présentent des signes d'effraction psychique, contrairement à ceux qui sont réanimés au masque.

Plus le soin de réanimation est invasif et dure, plus le malade montre des signes de traumatisme psychique.

Tous les malades présentent des troubles anxieux, ce qui confirme une angoisse.

Commentaire sur les comparaisons intergroupe des mécanismes de défense :

Les sujets qui ont été soumis à la ventilation mécanique par intubation trachéale montrent une confrontation au Réel du danger de Mort : ils n'emploient pas de stratégies d'évitement et évoque leur propre mort par métaphore, contrairement aux sujets réanimés par soins non invasifs, qui pour la plupart, dénient le danger vital, tentent d'éviter d'y penser ou en donnent des justifications qui semblent rationnelles. Ces dernières défenses correspondent aux défenses les plus largement employées face à la maladie dont le déni, acquis de manière culturelle. (ADAM, HERZLICH, 2004). Toutes ces stratégies leur permettent d'éviter d'admettre consciemment le danger vital, bien qu'il ait été réel puisqu'il a justifié leur admission en service de réanimation médicale. Il s'agit de défenses qui ont été respectées lors des entretiens par l'évitement des questions directes et l'emploi de questions ouvertes et indirectes. La souplesse d'adaptation que permettent les entretiens semi-directifs n'est pas toujours possible avec des questionnaires.

Nous pouvons remarquer que les métaphores du vécu en danger vital sont souvent associées à la peur de la folie qui se juxtapose à la peur de mourir.

GROUPE A1

Vécu de mort imminente : 2/6

Sujet 6 : « je peux pas dire, c'est trop... »

Sujet 9 : « j'ai failli crever cette nuit-là »« ceux qui partent, on voit tout »

Déstructuration - Effraction psychique : 5/6

Sujet 3 : « délires », «j'ai vu ma famille, les morts et les vivants », « je n'avais plus le courage » (onirisme de l'état de stress dépassé)

Sujet 4 : « sans parler, sans bouger, on se sent perdu », «  le temps passe lentement, c'est très angoissant », « on se reconnaît même plus » (dépersonnalisation pour l'état de stress dépassé)

Sujet 6 : « perdre la tête », « me retrouver comme ça » « ce n'est pas moi ça » (dépersonnalisation), « je voyais ma chambre en Martinique », « tout s'est éteint d'un coup, je ne me souviens plus de rien » (déréalisation pour l'état de stress aigu et onirisme pour l'état de stress dépassé et la confusion mentale, amnésie)

Sujet 8 : « sans ma fille, j'étais perdu » (torpeur) reviviscences d'un traumatisme passé « j'ai revu tout ça et ça revient encore » (onirisme pour l'état de stress aigu et dépassé)

Sujet 9 : « On ne vit pas d'ailleurs, car on est intubé, on ne sait pas comment on vit », « cela fait souffrir », « on perd les pédales » (torpeur de l'état de stress aigu)

Réactivation d'un traumatisme passé : 2/6

Sujet 6 : évocation de conflits dans le passé

Sujet 7 : rupture familiale et infanticide symbolique

Effractions corporelles gênantes : 3/6

Sujet 3 : « regardez ça (il montre sa peau découpée) ... les oedèmes »

Sujet 6 : « grande coupure », « Ils m'ont toute ouverte »

Sujet 9 : « percé de partout », « machine maudite » « ça vous impose le rythme et ça vous souffle dans les poumons » « on ne vit pas car on est intubé »: le respirateur

Corps-Machine et étrangeté de son propre corps

Sujet 4 : « on se reconnaît même plus »

Sujet 6 : « me retrouver comme ça »

GROUPE B

Vécu de mort imminente : 3/6

Sujet 10 : par sous-entendu-« j'ai haleté, cela ne s'arrêtait pas » (silence) « il faut de la réanimation »

Sujet 11 : non évoqué et même dénié, « être là », « penser à autres choses »

Sujet 12 : « je ne savais plus où j'en étais. », « c'était vraiment grave », « je me suis sentie mieux de suite »

Sujet 13 :

Déstructuration - Effraction psychique :

Sujet 11 : « c'était... je préfère ne plus y penser »

Sujet 13 : « des moments très durs », « vraiment très... »

Réactivation d'un traumatisme passé : 2/6

Sujet 13 : Deuil récent de son mari

Effractions corporelles gênantes : 3/6

Sujet 12 : masque serré

Sujet 14 : masque serré, empêchement de parler

 
 
 

Comparaison des analyses thématiques d'entretiens

L'analyse et l'observation des sujets du groupe A1, qui sont des malades en phase de récupération biologique lors des entretiens, confirment :

a. Avoir vécu la confrontation au réel de la mort décrite comme un état de frayeur, propre aux événements traumatiques lors de la défaillance vitale et pendant la durée du danger vital,

b. Avoir vécu une phase de déstructuration psychique lors des soins de soutien vital,

c. Que la durée du moment traumatique commence au moment de la défaillance et se continue pendant le soutien respiratoire,

d. l'échec des défenses habituelles contre l'angoisse,

e. la mise en oeuvre de peu de mécanismes de défense.

Nous notons également un processus de restructuration psychique avec la possibilité de mise en mots de la confrontation à la mort par métaphores lors des entretiens.

IV.1.b Hypothèse 2 : Le vécu des malades de réanimation correspondrait à une transformation psychique qui peut se conceptualiser par la notion anthropologique de rite de passage.

Sujets du GROUPE A1 et sujet 13

Phase liminaire du rite de passage : la marginalisation et la déstructuration psychique : 5/6

Etrangeté d'un lieu « entre-deux » ou liminaire

Sujet 3 : « je suis allé beaucoup plus loin, jusqu'à haïr les autres »

Sujet 6 : « je voyais des gens passer, des étrangers », « comme si je n'allais pas revenir »

Sujet 8 : « Sans parler, sans bouger, on est perdu », « sans ma fille, j'étais perdu »

Sujet 9 : « On ne vit pas d'ailleurs, on ne sait pas comment on vit »

Le terme général « ici » (Sujet 6, 7, 8, 9) qui sous-tend un sentiment de rester étranger au lieu, un sentiment de distance, voulu ou non, est souvent employé alors les termes plus précis montrant une appropriation du lieu comme « la chambre de .. », « ma chambre à ... » (Sujet 6), « dans le service de ...», « la maison de repos » (Sujet 6), « mon centre de rééducation » (Sujet 6), etc... sera employé concernant les services de soins spécialisés et de soins courants. « C'est un peu particulier ici. Ils ont des drôles de façon de travailler » (sujet 9)

L'équipe soignante : « gardiens » du rite

La remarque précédente est valable pour les soignants désignés par « eux », « on » (Sujet 9) « des gens » (Sujet 6, sujet 8), « ils » (Sujet 8, 9) « des étrangers » (Sujet 6)

« le chef », « l'infirmier » (Sujet 7), « le docteur » opposé à « mon médecin » (Sujet 6, 8), « mon infirmière » pour les soignants des services de soins courants, « celle qui est gentille » (sujet 6). Sujet 3.

Les 2 aspects peuvent apparaître dans un même discours : Sujet 7 qui dit à la fois « eux », « ici », « ils » et « les infirmières » par distance et rapprochement. En fait la différence dans ce cas-là n'est pas persécutive mais identificatoire, avec un sujet qui se démarque des autres personnes, et donc à qui un lieu remarquable convient.

Marginalisation

Sujet 4 : « la télé, c'est un contact avec l'extérieur »

Sujet 6 : « je ne suis plus bonne à rien », pas de téléphone pour contacter sa famille.

Sujet 7 : métaphore de la prison

Sujet 8 : Remarque sur le téléphone

Sujet 9 : « on vit comme des sauvages, sans télé, sans téléphone », nombreuses plaintes sur les privations.

Sur les rythmes

Sujet 7 : connaît toutes procédures et les anticipe.

Sujet 9 : « ça n'arrête pas », « j'ai eu des problèmes de sucre ici »

Corps-Machine et étrangeté de son propre corps

Sujet 4 : « on se reconnaît même plus »

Sujet 6 : « me retrouver comme ça »

Sujet 9 : «branché de partout »

Phase de réincorporation du rite de passage ou post liminaire : la restructuration psychique: 4/6

Renaissance et réapprentissages

Sujet 3 : « j'ai vu que je pouvais pas me lever seul »

Sujet 6 : « je dois tout réapprendre », « On me fait remarcher depuis ce matin. Des petits pas, c'est dur », « j'espère bien revenir chez moi sur mes 2 pieds »

Sujet 7 : « la volonté, c'est ce qui fait tout, tout se passe là-dedans », compare les drains à des cordons ombilicaux.

Sujet 9 : « j'ai peiné plus qu'un peu pour reprendre le dessus », « quand on reprend la possibilité de manger, c'est important que ce soit bon, non ? », « Maintenant, douche, repos, sommeil ».

Réactivation d'un traumatisme passé et de questionnements sur le sens de sa vie: 2/6 + 1

Sujet 6 : évocation de conflits dans le passé

Sujet 7 : rupture familiale et infanticide symbolique

Ajouter des exemples... de « pourquoi ? »

Sujet 14 : réactivation du deuil de son mari et activation de réflexions personnelles philosophiques sur la vie et la mort.

Les rapports entre théories des malades, théories de l'équipe soignante : 6/6

Conflit des théories : 6/6

Sujet 3 : « comme un bébé , attaché pour ne pas tomber du lit», « je suis allé beaucoup plus loin, jusqu'à haïr les autres », et autoextubation

Sujet 4 : aurait souhaité plus de présence de sa femme, pas de colère

Sujet 6 : « on me lave au lit comme un bébé » , « on ne m'aurait pas parlé comme ça chez moi », « je ne pouvais rien faire », « je suis trop vieille pour tout ça » et autoextubation, avec colère

Sujet 7 : il nomme un des docteur « M. pète-sec », « il me prend pour un mito »

Sujet 8 : « on est pas des animaux quand même », « Il y a des gens qui vous font mal » avec colère

Sujet 9 : « c'est une machine maudite ça », « j'ai attrapé cette saloperie-là à l'hôpital », « j'ai fait un peu cobaye quoi », « quand on reprend la possibilité de manger, c'est important que ce soit bon, non ? », plaintes sur les nombreuses nuisances avec colère

Acceptation de la théorie médicale : 4/6

Sujet 3 : « on m'a toujours respecté », « ce sont des gens bien en réa »

Sujet 4 : « c'est comme ça », « ils font attention à vous »

Sujet 7 : « il faut être rationnel », « je me sens un homme neuf »

Sujet 8 : « ici, on est très bien soigné »

Défenses culturelles : 6/6

le lien familial : 5/6

Sujet 3 : les hallucinations protecteur porte sur le pays, la famille, les enfants

Sujet 4 : la présence de l'épouse a manqué dans les moments les plus angoissants

Sujet 6 : appel quotidien des enfants de Martinique

Sujet 8 : « mon meilleur docteur, mon conseiller, c'est ma fille »

Sujet 9 : « ils sont venus chacun son tour, heureusement » (les proches)

Sujet 14 : enfants

La religion, la philosophie : 1/6 + 1

Sujet 6 : croyance en Dieu, référence à la Bible (histoire de Job)

Sujet 14 : référence à un au-delà, au Souffle qui fonde la vie humaine.

Le lien social : 1/6

Sujet 7

Sujet 14 : la relation a été possible avec l'équipe soignante dans les moments critiques.

Identité propre (notion de personnalité)

L'affirmation de soi :

Sujet 6 : en tant que personne qui choisit où elle veut mourir

Sujet 7 : en tant que personne rationnelle et qui possède une expertise

Sujet 8 : dans la revendication en tant que personne humaine qui a droit à du respect « un sourire »

Sujet 9 : dans les plaintes

Nous relevons une ambivalence de sentiment des malades par rapport à la réanimation :

Les malades dont l'effraction psychique et corporelle est la plus sévère donnent une description détaillée des effractions corporelles comme des agressions subies, tout en exprimant la satisfaction d'avoir été bien soignés.

Une expérience de dissociation psychique liée à des agressions réelles de l'environnement a été observée. Les moments de déstructuration psychique sont également décrits. Les malades expriment avoir préservé un certain niveau de jugement pendant les moments marqués par les signes dissociatifs, ou dans le cas du sujet 3, avoir pu distinguer spontanément la différence entre les événements réels des hallucinations. Ce malade est d'ailleurs revenu sur les lieux de réanimation plusieurs fois, afin de revoir les lieux et vérifier dans ses souvenirs la part qui correspondait à la réalité. Il a aussi tenu à revoir chaque soignant, les remercier et à leur montrer sa récupération physique et psychique.

IV.1.c Hypothèse 3 : La position de patient-expert permettrait de terminer le processus de transformation psychique par une restructuration psychique.

Identité narrative : 5/6

Récit structuré dans le temps : 5/6

Sujet 3 : récit spontané

Sujet 4 : questions nécessaires

Sujet 6 : commence spontanément le récit détaillé

Sujet 7 : beaucoup de stratégies d'évitements, relances nécessaires

Sujet 8 : récit spontané

Sujet 9 : récit spontané

Insertion de l'événement dans le cours de la vie (ipséité) : 5/6

Sujet 3 : rapport avec les enseignements de son grand-père

Sujet 4 : évocation de son métier

Sujet 6 : valeurs personnelles, récit de sa vie avant la maladie

Sujet 7 : récit de sa vie sociale, gênée par accident et maladie, rupture familiale

Sujet 8 : récit de sa vie active et familiale

Sujet 9 : récit de sa vie active et avec les maladies chroniques

Réactivation d'un traumatisme passé et de questionnements sur le sens de sa vie: 2/6 + 1

Sujet 6 : évocation de conflits dans le passé

Sujet 7 : rupture familiale et infanticide symbolique

Ajouter des exemples... de « pourquoi ? »

Sujet 14 : réactivation du deuil de son mari et activation de réflexions personnelles philosophiques sur la vie et la mort.

Evocation du futur : 6/6

Optimiste pour tous

Sujet 3 : retour au pays

Sujet 4 : revoir ses enfants

Sujet 6 : retour au pays

Sujet 7 : faire une fête avec tous ses amis

Sujet 8 : retour au pays

Sujet 9 : reprendre son quotidien, fêter le mariage de sa fille

Identité propre : 4/6

L'affirmation de soi :

Sujet 6 : en tant que personne qui choisit où elle veut mourir, en tant qu'ancêtre d'une nombreuse descendance

Sujet 7 : en tant que personne rationnelle et qui possède une expertise, une volonté qui permet de guérir

Sujet 8 : dans la revendication en tant que personne humaine qui a droit à du respect « un sourire »

Sujet 9 : dans les plaintes, dans les relations de couple, dans l'importance de la place de père

Patient-Expert : 5/6 + 1

Position d'initié qui transmet son expérience : 4/6

Sujet 3 : transmet un message, une morale

Sujet 7 : transmission d'une expertise

Sujet 9 : transmet les plaintes pour des améliorations futures

Sujet 14 : transmission d'un enseignement

Motivation à faire le récit du vécu : 3/6

Sujet 6 : désir de se confier

Sujet 8 : désir de faire connaître les aspects négatifs par empathie pour les autres malades

Sujet 9 : désir de relation humaine

Phase finale du rite de passage

Transmission : 3/6

Sujet 3 : « la maladie c'est une épreuve qu'on nous donne à passer », « Moi, j'ai fait une faute », « cette épreuve c'était le châtiment », « c'est une épreuve dure, on est plus pareil après »

Sujet 6 : théorie du mauvais-oeil, guérison par la grâce donnée à son plus jeune et arrière-petit-fils, espoir de retour « sur mes 2 pieds »

Sujet 7 : « je me suis rééduqué moi-même, avec de la volonté », (récupération de sa maîtrise sur soi)

Remarques supplémentaire :

Pour tous les sujets, une détente est apparue au cours de l'entretien, et peu à peu, une satisfaction à témoigner, des remerciements, des remarques sur le fait de témoigner.

Ces personnes avaient demandé des « psys » pour parler avec quelqu'un de leur ressenti, mais pas pour « guérir » d'une pathologie qu'ils ressentaient en eux.

Les problèmes psychiques sont toujours associés à la situation, réactionnels.

Les malades qui ont subi la déstructuration psychique sont aussi ceux dont les récits sont les plus spontanées et les plus riches.

V INTERPRETATION DES RESULATS

V.1 HYPOTHÈSE 1 : UNE PLUS GRANDE TECHNICITÉ MÉDICALE GÉNÈRERAIT DES SOUFFRANCES PSYCHIQUES PLUS PROFONDES

Nous avons bien vérifié que plus la défaillance des fonctions vitales organiques était grave, plus invasives étaient les techniques de soutien vital et de soins, et plus profonde était la souffrance psychique correspondante. Le moment d'effraction corporelle correspond à une période de souffrance qui relève d'un processus traumatique de déstructuration psychique. Il est décrit par les signes cliniques de l'état de stress aigu et expliqué par la mise en échec des défenses psychiques habituelles contre l'angoisse.

L'état confusionnel peut donc s'expliquer à deux niveaux :

· Au niveau biologique, les défaillances des fonctions cardiorespiratoires entraînent une diminution du taux d'oxygène dans le sang et par conséquent dans toutes les cellules de l'organisme, notamment celles du système cérébral.

· Au niveau psychique, l'angoisse extrême au moment de l'événement de mort imminente et de danger vital, prolongé lors des soins de soutien, dépasse les capacités psychiques de défense. Les sujets vivent une « double angoisse » liée à la fois à la crainte de mourir et de devenir fou. Cette « double angoisse » d'anéantissement, se situe sur le plan de l'existence au monde et sur le plan du sentiment d'intégrité personnelle. L'état confusionnel est aussi le témoin du débordement de cette « double angoisse », avec laquelle débute le processus traumatique.

La réanimation comporte un paradoxe inhérent aux pratiques de soins même : alors qu'elle tente de pallier la défaillance des fonctions vitales, elle supporte aussi un processus traumatique sur le plan psychique. Ce paradoxe exprime un clivage entre les pratiques des équipes de soins du corps et les professionnels du soin psychique, entre théories médicales centrées uniquement sur le corps et théories psychiques reléguées à l'étude de l'esprit. L'origine de ce clivage remonte à l'application et à la diffusion en Occident d'un certain esprit cartésien, notamment le dualisme corps-esprit qui localise le psychisme dans le cerveau et place la raison au-dessus des émotions et des perceptions provenant du corps.

La limite de cette vision a été soulevée en neurologie (DAMASIO, 1994) par des recherches qui démontrent que le corps, plus particulièrement toutes les sensations corporelles, traitées au niveau du lobe frontal, sont essentielles aux capacités de jugement.

Le courant de la psychosomatie s'intéresse également aux relations entre certaines maladies du corps et le psychisme du malade.

Si on applique un raisonnement réunissant les processus biologiques et psychiques, pour les sujets de cette étude, il semble que le soin de soutien de la fonction respiratoire, fait effraction dans un lieu corporel qui correspond au lieu du Souffle Vital. S'appuyant sur l'étude de cette notion vue en partie théorique, l'effraction de ce lieu, non seulement perturberait la part sensible du psychisme, mais également la part fondatrice du sentiment d'appartenance au monde de l'humanité, condition de la vie humaine. Cette effraction augmente chez ces malades, le risque mortel.

Il semble donc que le fait d'éliminer la part psychique dans la logique purement rationnelle et scientifique de la médecine, produise le paradoxe de la réanimation.

V.2 HYPOTHÈSE 2 : LE VÉCU DES MALADES DE RÉANIMATION CORRESPONDRAIT À UNE TRANSFORMATION PSYCHIQUE QUI PEUT SE CONCEPTUALISER PAR LA NOTION ANTHROPOLOGIQUE DE RITE DE PASSAGE.

A travers les analyses d'entretien des sujets engagés dans un processus traumatique, nous avons vu qu'ils témoignaient également lors de la phase de récupération biologique d'une restructuration psychique et montraient dans la description de leur expérience de la réanimation les particularités d'une situation de rite de passage.

Leur expérience a mis en acte et en vécu la mort et la renaissance que symbolisent les rites de passage. Cet aspect est bien présent dans la représentation que des membres de l'équipe soignante ont de leur pratique. La réanimation est une pratique qui s'est développée au niveau national dans tous les pays d'Occident et fait partie des fondements de la culture moderne, avec une forte influence de l'aspect médical sur les modes de vie et la politique. (hygiène, prévention de santé, prise en charge des déviances, etc...)

Néanmoins, le rite de passage, bien que présent dans les pratiques et les représentations, n'est pas tout à fait comparable aux rites des sociétés traditionnelles. En effet, dans ces sociétés, les rites sont intégrés aux parcours de vie de chaque individu et aux règles sociales. Ils impliquent les membres du groupe culturel, initiés ou non. Les responsables du rituel, dont le savoir est réservé aux initiés, pratiquent publiquement. Les rites de guérison impliquent des aspects corporels, psychiques et culturels. (NATHAN, 2001)

La pratique de la réanimation médicale possède les différences suivantes avec les rites traditionnels :

· Elle n'a pas culturellement été conçue comme un passage obligé dans un parcours de vie, bien que l'institutionnalisation de la fin de vie semble montrer qu'elle le soit devenue.

· La pratique différencie les « étrangers au service » qui sont exclus des pratiques et les « membres du personnel » tous admis à circuler librement dans les lieux. Récemment, les proches des malades sont admis comme « visiteurs », mais leur participation à la « vie de la réa » est négligeable.

· Bien que les savoirs médicaux soient largement diffusés, les pratiques se déroulent à huis clos.

· La pratique, uniquement axée sur la survie biologique, ne prend pas en compte les aspects culturels et psychiques.

Ce dernier point peut expliquer les paradoxes, ambivalences et conflits relevés sur le lieu de soin et dans les discours des malades.

La représentation de la relation entre malade et équipe soignante correspond à une théorie qui réduit le malade intubé, en incapacité de parler, angoissé et souvent en état de confusion à une personne en régression psychique. Cette même représentation touche souvent les handicapés physiques dans les sociétés modernes (GOFFMAN, 1963), et c'est par des actions de réhabilitation identitaire au niveau politique que certains pays occidentaux ont pu surmonter les comportements d'exclusion que ces préjugés entraînaient.

Cette vision entraîne aussi des attitudes infantilisantes qui piège souvent les malades dans des comportements infantiles en retour. La dépendance totale des malades, et la communication non verbale imposée favorisent cette situation. Elle semble également influencer le regard clinique sur le malade : en effet, invoquer la notion de « sentiment de persécution », alors que la souffrance psychique est causée par des faits réels d'effractions corporelles douloureuses et invalidantes consiste à faire une interprétation, qui s'appuie sur l'association de la déstructuration psychique à la théorie structurelle des troubles dissociatifs, dont la notion de conflit intrapsychique.

Les discours des sujets montrent bien des conflits, mais à d'autres niveaux que ceux classiquement étudiés :

- au moment de la défaillance vitale, le malade qui est pris en charge pour être sauvé subit aussi des effractions traumatiques corporelles et psychiques. On peut dire qu'il se retrouve dans une situation paradoxale.

- Par la suite, les discours montrent des ambivalences d'attitudes vis-à-vis de l'équipe soignante, comme un sentiment de reconnaissance mêlé à une attitude défensive.

- Des désaccords et des plaintes concernant les règles du service et l'affirmation de sa personnalité expriment une lutte contre l'image de « bon malade » s'abandonnant aux soins, soumis et passif. Cette attitude est conforme à celle relevée dans une étude de la survie à la maladie grave. (FISCHER, 1994)

- Des actes auto agressifs chez des malades qui par la suite s'engagent dans un processus de récupération avec toute l'énergie dont ils sont capables.

Le conflit se situe au-delà du psychisme interne du malade. Il reflète une opposition entre la pratique d'une institution de soin centrée sur la préservation de la vie biologique et des réactions individuelles de préservation de l`intégrité psychique. Dans les situations de rites traditionnels, les actes agressifs qui peuvent être employés comme les scarifications, le sont toujours avec le consentement des sujets, car ils font partie des traditions et les individus trouvent dans la communauté le soutien pour surmonter l'épreuve du rite. Il ne semble pas y avoir de conflit entre la volonté de l'individu et les pratiques, ni de lutte. Les sujets savent que leur isolement et leur marginalisation seront temporaires et aboutiront à la réintégration dans leur groupe. En fait, ils ne se sentent jamais totalement désaffiliés. En réanimation, le malade est brutalement séparé de son milieu social et culturel. Le moment qui correspondrait à la phase liminaire fait plus que marginaliser l'individu, elle le sépare aussi de ses attaches sociales, avec la crainte de ne pas pouvoir y revenir. Ce constat est conforme aux représentations sociales de la maladie des sociétés occidentales : la maladie est vécue comme menaçant l'identité et elle engage un conflit entre le malade et la société, tandis que dans les sociétés traditionnelles, le malade est en conflit avec des forces nuisibles. (ADAM, HERTZLICH, 2004)

Nous pouvons donc avancer que les pratiques de soin, en plus de s'appuyer sur des théories qui éliminent l'intérêt sur le psychisme, sont mises en oeuvre d'une manière qui désaffilie le malade et le prive de ses défenses culturelles, notamment son affiliation sociale, familiale, culturelle, seules possibilités de défenses dans les moments critiques. Il s'agirait d'une forme de maltraitance théorique non intentionnelle à laquelle toute personne est susceptible d'être soumise en cas de vulnérabilité : « Ce phénomène apparaît lorsque les théories sous-jacentes à des pratiques sont plaquées sur une réalité clinique qu'elles recouvrent, qu'elles redécoupent ou qu'elles ignorent » (SIRONI, 2003, page 5).

La maltraitance que subissaient les mourants a déjà été dénoncée et a pu aboutir à la mise en place des cellules de soins palliatifs et à la reconnaissance juridique des « Droit des malade en fin de vie ». Il reste de nombreux efforts à faire car les pratiques en place sont difficiles à modifier pour que la situation n'en reste à celle décrite par L. V. Thomas en 1978 : « services d'urgences pour les morts rapides et inconscientes, service de médecine générale ou spécialisée pour les morts lentes et inconscientes, mouroirs pour ceux qui n'en finissent pas de mourir. » (THOMAS, 1978, page 83)

Concernant les malades qui sont « recrutés » (terme employé par les médecins réanimateurs) pour une réanimation selon leurs probabilités de survie, il est essentiel de réfléchir à l'aspect maltraitant des pratiques afin de favoriser au maximum ses chances de survie.

V.3 HYPOTHÈSE 3 : LA POSITION DE PATIENT-EXPERT PERMETTRAIT DE TERMINER LE PROCESSUS DE TRANSFORMATION PSYCHIQUE PAR UNE RESTRUCTURATION PSYCHIQUE.

Les entretiens des sujets qui montrent un processus de transformation psychique et qui ont eu lieu lors de la phase de restructuration montrent bien une activation de la part narrative de l'identité avec l'affirmation de sa propre identité et une temporalité à la fois dans le récit des événements et dans l'évocation des éléments biographiques. L'évocation de projets futurs aussi bien que la réactivation des souvenirs d'événements traumatiques passés, peuvent s'interpréter comme les réponses à des questionnements personnels qui aboutissent à des décisions importantes sur l'orientation du mode de vie futur. L'événement de défaillance vitale a donc eu une influence profonde sur l'identité des personnes.

Il a été observé des améliorations des troubles anxieux au cours des entretiens. Les sujets ont fait souvent des remarques positives sur le fait de pouvoir transmettre à la manière d'un expert leur expérience. On peut donc soutenir qu'un entretien qui place le sujet en position d'expert possède un pouvoir thérapeutique inhérent à la méthode, car il favorise le travail de l'identité narrative, aidant le malade à réactiver des ressources personnelles et relationnelles pour surmonter son épreuve.

Concernant l'équipe soignante, au cours de l'année de stage et des interventions successives un changement s'est produit : les premières attitudes semblaient sceptiques quant à la présence d'un psychologie stagiaire et d'une étude sur la psychologie des malades, puis, des demandes d'interventions ont été exprimées, pour enfin entendre différents soignants soulever des réflexions sur l'influence psychologique causées par leurs pratiques. Un groupe de réflexion sur les pratiques a été débuté, ainsi que l'acceptation d'une équipe de bénévole d'une association de soins palliatifs pour un accompagnement des familles.

La méthode d'entretien mise en oeuvre correspond à une approche « centrée sur la personne » classiquement enseignée à toute intervenant en relation d'aide dans le domaine social (MUCHIELLI, 2004).

De nombreux membres de l'équipe soignante font preuve d'une réelle compassion, mais se retrouvent souvent démunis face à la détresse des malades, qu'ils ne savent pas toujours comment aborder autrement que de façon maternante pour les infirmières, autoritaire pour les médecins, ou filiale pour certains jeunes médecins. Cette forme d'empathie spontanée a pour inconvénient d'engager fortement les émotions des équipes soignantes, menant à un épuisement et parfois à des réactions de défenses contre-productives.

La méthode d'entretien employée demande une formation assez courte, de la réflexion personnelle et de la pratique régulière. Elle permet de concilier empathie et distance avec cohérence et authenticité. Il serait intéressant de réfléchir à une mise en oeuvre de ce type relation lors des échanges informels entre soignants et malades. Ainsi les équipes soignantes, véritable « gardiennes du rites » seraient en mesure de répondre elles-mêmes aux besoins psychiques des malades et le risque de perpétuer le clivage corps-esprit en intégrant des intervenants extérieurs, psychologues ou bénévoles, serait diminué.

CONCLUSION

La réhabilitation de l'aspect psychique dans les pratiques de soins est actuellement discutée par certains médecins réanimateurs qui prennent conscience des ressemblances entre leur population de malades et celle des soins palliatifs, que seul le caractère d'urgence différencie. Ce caractère d'urgence qui oriente le soin sur la préservation de la vie entraîne une négligence du soulagement de la douleur. Une proposition consiste à organiser des réflexions éthiques sur la mort en service de réanimation, tout comme cela se fait en soins palliatifs (KERGUEN & RICHARD, 1999).

La famille est également concernée par le traumatisme psychique. Bien que cette étude n'ait pas mis en avant le vécu des familles, elle a donné des pistes de réflexions sur les causes traumatiques chez les familles, notamment dans les cas de décès. Sachant que les mourants de réanimation subissent les mêmes soins agressifs que les survivants, car c'est ainsi qu'ils seront tout d'abord considérés, on peut comprendre en quoi des deuils peuvent devenir pathologiques car les familles se retrouvent aussi confrontées à une situation paradoxale : se conformer à l'usage social qui isole le mourant et culpabilise la famille ou se conformer à l'ancien usage qui consiste à accompagner le mourant et renoncer à toute faire pour le sauver ?

Le développement des pratiques de soins de réanimation s'intègre dans une période de mutation sociale qui est dominée par le déni de la mort (ARIES, 1975) et un mode de vie qui favorise une logique de consommation amenant les comportements de soins à ressembler à des techniques de torture. « Aucune violence humaine, sauf celle de la torture, n'est comparable à la force de contrainte de la nécessité. » (ARENDT, 1958, p. 179). Le soin est ainsi devenu un produit de consommation accessible à tous mais aussi une contrainte qui change les rapports à la mort.

Le paradoxe serait donc relié à cette attitude de déni social de la mort qui produit un clivage vie et mort, similaire au clivage entre corps et esprit (THOMAS, 1978). Réintégrer le psychisme dans la logique médical consisterait donc bien aussi à réintroduire la mort dans la réflexion sur la vie plutôt que de les opposer. « Vivre pleinement, c'est s'offrir le luxe de donner sa vie pour quelque chose ou pour quelqu'un sans jamais perdre de vue la mort, et justement parce que je vais mourir. » (THOMAS, 1978, page 203)

LEXIQUE DES TERMES MEDICAUX

BPCO ou Broncho-pneumopathies chronique obstructive n. f.

Terme générique sous lequel on regroupe un ensemble d'affections respiratoires touchant les bronches et les poumons (bronchite chronique, asthme, emphysème), pouvant coexister chez un même sujet, qui déterminent chez ce dernier une insuffisance ventilatoire obstructive.

La bronchopneumopathie chronique obstructive est une affection à développement lent, dont les symptômes n'apparaissent que vers la quarantaine ou la cinquantaine, et dont l'une des causes principales est le tabagisme. Elle touche autant les hommes que les femmes.

Cyanose n. f.

Coloration bleuâtre de la peau causée par un trouble de la circulation, par une altération de l'oxyhémoglobine ou par un trouble de l'hématose.

Défibrillation n. f.

Méthode utilisée dans le traitement d'arythmies cardiaques, notamment la fibrillation ventriculaire qui peut être responsable d'un arrêt cardiaque, et qui consiste à redonner au coeur un rythme normal à l'aide d'une forte mais brève décharge électrique asynchrone.

Défibrillateur implantable n. m.

Appareil destiné à être implanté sous la peau pour surveiller le rythme cardiaque et, en présence d'une arythmie (fibrillation ou tachycardie ventriculaires, bradycardie), pour rétablir électriquement le rythme normal du coeur.

Dyspnée n. f.

Difficulté à respirer d'origine cardiaque ou respiratoire, s'accompagnant d'une sensation de gêne et d'oppression, et se traduisant par une augmentation de la fréquence ou de l'amplitude des mouvements respiratoires.

Iatrogénie n. f.

Pathogénie d'origine médicale.

Infarctus n. m.

Foyer limité d'infiltration sanguine au niveau d'un viscère (Laënnec).

En fait, par suite de l'évolution des conceptions pathogéniques, le terme d'« infarctus » définit actuellement un foyer circonscrit de nécrose ischémique (avec ou sans infiltration sanguine) déterminée par une oblitération artérielle au niveau d'un viscère.

On distingue classiquement les infarctus blancs (infarctus anémiques ou ischémiques, comme l'infarctus du rein) et les infarctus rouges (infarctus apoplectiques ou hémorragiques, comme l'infarctus pulmonaire).

Médiastin n. m.

Région médiane du thorax, située entre les régions pleuropulmonaires, le plastron sternal et le rachis dorsal, contenant le coeur et les gros vaisseaux, la trachée et les bronches extrapulmonaires, l'oesophage, de nombreux lymphatiques et le thymus ou ses reliquats.

Médiastinite n. f.

Nom générique donné aux inflammations du tissu cellulaire du médiastin.

Nosocomial adj.

Se dit d'une infection, d'une maladie contractée en milieu hospitalier.

OAP ou oedème pulmonaire aigu n. f.

Brusque inondation des alvéoles et du tissu interstitiel des poumons provoquée par la sérosité non-coagulable du plasma sanguin provenant par transsudation, des capillaires pulmonaires. La grippe espagnole se compliquait de cette manière en 1918.

Pace maker ou Stimulateur cardiaque n. m.

Stimulateur électrique intracorporel utilisé en cas de bloc auriculo-ventriculaire permanent ou paroxystique, et destiné à déclencher des contractions cardiaques au moyen d'impulsions électriques rythmées, transmises au myocarde auriculaire ou ventriculaire par des électrodes fixées à la surface ou à l'intérieur du coeur.

Poliomyélite

Cette maladie mène à la paralysie de l'appareil respiratoire et la mort par asphyxie. Les paralysies ont tendance à régresser spontanément.

Pneumothorax n. m.

Épanchement gazeux, spontané ou provoqué, occupant tout ou partie de l'espace habituellement virtuel compris entre la plèvre viscérale et la plèvre pariétale.

SDRA ou syndrome de détresse respiratoire aiguë de l'adulte

OEdème pulmonaire lié à des causes variées : sepsis, inhalation de contenu gastrique, contusion pulmonaire, transfusion massive, polyfractures, pancréatite, hypotension, noyade.

Ventilation assistée n. f.

Amélioration des conditions ventilatoires à l'aide d'un appareil (type Bird) dont les paramètres (volume courant et fréquence) sont déterminés par le malade lui-même.

La ventilation assistée est généralement une technique de rééducation respiratoire utilisée chez les insuffisants respiratoires chroniques.

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ANNEXES






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry