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Etude de la condition de la femme face à  la violence du terrorisme intégriste dans le recueil de nouvelles « Oran, langue morte » d'Assia DJEBAR

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par Lamia AKERMOUN
Université Saad Dahleb de Blida - Licence de français 2010
  

Disponible en mode multipage

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    Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

    UIVERSITE SAAD DAHLEB DE BLIDA

    Faculté des Lettres et des Sciences Sociales

    Département de Français

    Mémoire de licence

    Spécialité : Littérature

    Thème :

    Etude de la condition de la femme face à la violence

    du terrorisme intégriste dans le recueil de nouvelles

    « ORAN, langue morte »

    D'Assia DJEBAR

    Réalisé par  Sous la direction de

    AKERMOUN Lamia Mme KOUIDER RABAH Sarah

    Blida, Mai 2010

    Remerciements

    Je tiens, tout d'abord, à adresser mes profonds et sincères remerciements à notre directrice de recherche Mme Kouider Rabah Sarah, qui a accepté de diriger ce travail, pour tous ses conseils et ses encouragements ainsi que pour sa disponibilité. Je lui exprime ma gratitude pour m'avoir guidée dans ce travail, ménageant son temps et son savoir pour que ce travail arrive à son terme.

    Mes remerciements sont aussi adressés à Mr Melouah et à tous nos professeurs qui nous ont soutenus et conseillés tout au long de notre cursus.

    Je tiens à remercier également le chef de département de Français Mr Menguellet.

    Un grand merci à Mme Bekkat dont les conseils et les travaux de recherche furent d'une aide très précieuse.

    Merci à vous tous.

    Dédicace

    A mon cher papa qui a tout sacrifié pour notre éducation et à ma tendre mère qui a su veiller au bon déroulement de nos études. Je vous souhaite une longue vie.

    A mes chers frères Faouzi et Lyes pour vous souhaiter beaucoup de réussite.

    A la mémoire de mon défunt grand père.

    A toutes les familles : Akermoun et Djaoud.

    A tous mes collègues et amis des universités : Blida, Alger et Tizi-Ouzou.

    A tous les gens de Tigzirt et ceux d'Ait Youcef.

    TABLE DES MATIERES

    REMERCIEMENTS...............................................................................1

    DEDICACE..........................................................................................2

    TABES DES MATIERES...........................................................................3

    INTRODICTION....................................................................................4I) ETUDE DES ELEMENTS NARRATOLOGIQUES.......................................8

    I-1) Etude titrologique..............................................................................8

    I-2) Etude des repères spatio-temporels........................................................11

    I-2-1) Etude temporelle du récit.................................................................11

    I-2-2) Etude spatiale du récit.....................................................................14

    I-3) Etude des principaux personnages et de leur évolution dans le récit..................17

    I-3-1) A travers le discours du personnage....................................................18

    1-3-2) A travers le regard de l'auteure.........................................................21

    I-3-3) A travers le comportement du personnage.............................................22

    II) ETUDE DE L'IMPACT DU TERRORISME SUR LA FEMME ALGERIENNE................................................................................................................25

    II-1) Etude de la narration.........................................................................25

    II-1-1) La narration ou ce qui est raconté.......................................................25

    II-1-2) Le niveau de la narration.................................................................27

    II-2) Etude de la représentation de la mort dans les trois nouvelles.........................30

    II-2-1) Isma où la mort de l'amour..............................................................31

    II-2-1-1) La peinture de l'amour.................................................................33

    II-2-2) Naima où la mort de l'époux engagé...................................................34

    II-2-3) Atyka où la femme découpée en morceaux...........................................37

    II-3) L'affrontement de la femme avec le terrorisme.........................................41

    II-3-1) L'importance de la voix en tant que moyens de combattre la terreur en Algérie..............................................................................................42

    II-3-1-1) Voix ressuscitées.......................................................................42

    II-3-1-2) Voix confondues........................................................................44

    CONCLUSION....................................................................................48

    REFERENCES BIBLIOGRAPGIQUES........................................................52

    INTRODUCTION GENERALE

    La littérature maghrébine d'expression française s'est toujours intéressée à la condition de la femme, vu qu'elle a été, et continue d'être, la première victime de sa société à travers son parcours. Qu'elle soit mère, fille, soeur ou épouse ; la femme est celle sur qui sont exercés en priorité toutes les formes de la violence.

    Ainsi, toujours partagée entre le silence et le hurlement, entre la peur et l'affrontement; la femme décide, après un long silence, d'exprimer ses souffrances et de quêter son émancipation.

    Etudier donc sa condition par rapport à ce qu'elle subit et par rapport à ce qu'elle endure, serait le but de notre projet.

    Or, dans le cas de l'Algérie, la femme n'a pas été épargnée, depuis l'indépendance, à ces injustices, elle était le lieu de confrontation des idéologies dans la société, mais aussi dans la littérature. D'autant plus que les années quatre-vingt dix ont été, pour l'Algérie, celles d'une guerre civile, particulièrement cruelle.

    Charles BONN explique dans la citation ci-dessous la violence de l'Histoire algérienne tout en évoquant la mort qui se multiple chaque jour : «  Plus elle s'éternise, apportant chaque semaine son cortège de morts souvent assassinés d'une manière atroce, moins on en perçoit les enjeux véritables. » 1(*)

    En ce sens, la problématique à laquelle nous tenterons de répondre, dans le cadre de notre recherche, serait la posture que va adopter la femme algérienne, pour faire face aux violences du terrorisme en général, et aux horreurs subies au quotidien, au sein de la société conservatrice en particulier . Comment va-t-elle donc recevoir les nouvelles de morts quotidiennes ? Va-t-elle accepter cette mort qui donne rendez vous chaque jour à ses proches? En fin que peut la femme face à la vie arrachée ?

    Les auteurs interrogent et essayent de comprendre ce qui fait devenir terroriste, tueur et mutilateur. Aucun d'eux n'a échappé à cette question. La mort est devenue objet de méditation et d'écriture. La mort d'inconnus, des proches et des aimés. A ce propos, la littérature serait particulière, car elle témoigne de la terreur qui s'abat sur le quotidien algérien. Maissa Bey dira que sans les mots « le monde serait sourd. Le monde serait aveugle. »

    Ainsi, la romancière Assia Djebar ne pouvait manquer d'interroger ce présent d'insoutenable violence, d'abord dans Le Blanc De l'Algérie, ensuite dans Oran, langue morte, recueil que nous nous proposons d'étudier qui, rassemble sept nouvelles et une Post face, paru en 2001, aux éditions Actes Sud. Divisé en deux parties « Algérie, entre désir et mort »  et « Entre France et Algérie ».

    Dans ce recueil, l'académicienne s'attache à exprimer le drame qu'a connu l'Algérie contemporaine, évoquant la guerre civile des années quatre-vingt dix, à travers des femmes algériennes souvent battues, égorgées, déchiquetées à cause de leur désir d'émancipation, et leur refus de soumission. Leurs voix, rebelles, ressurgissent et se croisent pour se révolter contre les violences subies au quotidien.

    Notons que la romancière, comme dans la plupart de ses romans, a pour but de réveiller la voix longtemps silencieuse des femmes. Comme elle le précise dans sa post face :

    À propos de l'Algérie, et dans son sillage, le monde muet

    serait pour moi non seulement t celui des choses (de la

    crevette, de l'orange, des figues...) mais aussi, depuis des

      générations, celui des femmes masquées, empêchées d'être

    regardées et de regarder, traitées en « choses ». 2(*)

    Egalement, redonner aux femmes leur place qui a été pour longtemps marginalisée, clandestine, quand elle n'est pas simplement inexistante.

    Pour réaliser son objectif, Assia Djebar se sert de son écriture pour libérer le discours de ses femmes qui subissent des traumatismes, chaque jour. Leur présence dans cet ouvrage y est essentielle.

    Ecriture engagée contre le barbarisme et l'extrémisme religieux, contre toute sorte de répression et contre toutes les horreurs subies par les femmes, physiques comme psychologiques.

    Nous sommes donc face à la réaction de l'écrivain sur ce qui est de l'actualité effroyable de son pays, interrogeant et essayant de comprendre ces morts qui se multiplient chaque jour.

    Ainsi, dans la tourmente et le malaise actuels : « Les femmes cherchent une langue : où déposer, cacher, faire nidifier leur puissance de rébellion et de vie dans ces alentours qui vacillent »3(*)

    Façon de transmettre leur envie d'émancipation et de revendication, quant a la reconnaissance des mêmes droits que les hommes, elles ont trouvé donc dans la langue un moyen de franchir les frontières du silence, de faire renaître leurs paroles occultées et de dévoiler les souffrances qu'elles ont subies.

    Mais, comment parler de la mort des idéaux, de la mort dont la cause est l'engagement, de la mort des sentiments, de la mort des aimés, sinon en dévoilant les effets sur les survivants ? Sinon en tâchant de dire ce « Monde muet » des femmes qui, à travers leurs récits, essayent d'entretenir le dialogue et le lien avec les disparus.

    Pour cette raison, dans le cadre de notre recherche, nous nous intéresserons à ce qui caractérise le texte Djebarien à savoir ce coté féministe de sa création vis-à-vis de l'actualité des problèmes soulevés par l'intégrisme, voire la violence et la mort, et plus particulièrement le drame de la femme algérienne, qui subit les différentes façons de cette mort.

    Nous entamons notre projet par une étude titrologique que nous estimons importante pour amorcer notre étude. Etudier les fonctions du titre, son poids sur le texte ainsi que son rapport avec le thème de notre recherche c'est-à-dire sa présence dans le titre de prime à bord. Nous étudions également, dans cette partie, les repères spatio temporels qui nous permettent de situer le récit dans le temps et dans L'espace. Ainsi que, l'analyse des personnages et leurs caractéristiques dans le roman.

    Nous procédons, dans la deuxième partie, à l'étude de la narration, ensuite nous passons à l'étude de l'impact du terrorisme sur la femme algérienne à savoir la notion de la mort qui se profile sous différents portraits ; la mort de l'amour. La mort ressentie comme une agression corporelle, sa violence et ses effets. Enfin la mort dont la cause est l'engagement.

    Pour réaliser cette tâche, nous nous sommes engagés dans une lecture analytique de trois nouvelles que nous avons choisies dans le roman ; « La fièvre dans des yeux d'enfant »« L'attentat », et « La femme en morceaux ». Et qui illustrent la représentation de la mort dans le récit.

    Nous signalons que le choix de ces nouvelles n'est pas indifférent. D'une part, elles se trouvent dans la première partie qui s'intitule « L'Algérie entre désir et mort » et c'est dans cette partie que les scènes les plus affreuses sont représentées.

    D'une autre part, leur succession dans le roman : « on sait le génie d'Assia Djebar[...]en ce qui concerne la composition d'un ouvrage ; combien importe l'aménagement des passages, des liens et déliaisons et qu'il n y a de livre qui ne soit bâtiment. »4(*)

    Enfin, nous passons à l'étude de l'affrontement de la femme avec les intégristes et avec leurs idéologies. Ainsi que les conséquences qui en découlent, en décidant de braver la peur et de se révolter contre l'ordre établi.

    I) ETUDE DES ELEMENTS NARRATOLOGIQUES

    Nous entamons notre projet par une analyse interne des trois nouvelles que nous avons choisies. Il est nécessaire de préciser que cette partie dans laquelle nous étudions les éléments narratologiques nous permet d'établir le lien entre le texte et notre thème de recherche. A commencer par l'étude titrologique qui met en oeuvre le thème traité, ensuite l'étude des repères spatio-temporels qui nous permettent de situer le récit dans le temps et dans l'espace. Enfin l'étude des personnages et leur relation avec le réel.

    I-1) ETUDE TITROLOGIQUE

    Le titre est une forme d'introduction abrégée, c'est un énoncé ou bien un simple mot qui sert à désigner d'une façon peu claire le contenu de l'oeuvre, à éveiller son intérêt et à émettre des hypothèses : « Il doit être stimulation et début d'assouvissement de la curiosité du lecteur »5(*)

    En ce sens, le titre suscite la curiosité du lecteur et l'incite à découvrir le contenu de l'oeuvre et à éclairer ses ambiguïtés.

    En outre, le titre comme le message publicitaire doit remplir trois fonctions élémentaires :

    La fonction référentielle 

    Le titre doit informer le lecteur sur ce que peut avoir l'oeuvre comme contenu. Oran, langue morte nous informe de prime à bord qu'à Oran, ville située à l'ouest du pays, choisie par l'auteur, la langue est morte, cela nous renvoie à plusieurs suppositions négatives puisque le titre même est une ouverture vers le cimetière.

    La fonction conative

    Dans ce cas, le titre doit impliquer le lecteur, il ne doit pas le laisser indifférent, mais au contraire, toucher sa sensibilité pour lui faire découvrir l'univers mystérieux de l'oeuvre.

    La fonction poétique 

    En plus des deux fonctions citées, le titre doit susciter l'attrait et l'admiration du lecteur, toujours pour la même raison de nous faire entrer dans l'univers du roman. En lisant le titre de notre ouvrage Oran, langue morte, le lecteur est vite attiré par la ville et par ce qui peut la toucher.

    Claude Duchet l'explique dans son étude sur la titrologie en 1973 :

    L'un (le titre) annonce, l'autre (le texte)

    explique, développe un énoncé programmé

    Jusqu'à reproduire parfois en conclusion son

    titre, comme mot de la fin et clé de son texte.

    cependant, installé sur sa page ou inscrit dans

    un catalogue, le titre vise sa complétude [...]

    s'érige en micro texte autosuffisant, générateur

    de son propre code et relevant beaucoup plus

    de l'intertexte des textes et de la commande

    sociale que du récit qu'il intitule. »6(*)

    On pourrait donc dire que le titre consiste à résumer et à annoncer le texte, sans le dévoiler et permet de singulariser le texte des autres.

    Dans notre cas, le rôle du titre dans Oran, langue morte est très significatif, par conséquent nous examinerons sa fonction par rapport aux nouvelles du recueil, ainsi que ce mécanisme du « refoulé » qu'il y a dans le titre.

    I-1-1) La symbolique d'Oran, langue morte

    Oran, langue morte est un titre thématique. Nous sommes donc en présence d'un énoncé connotatif qui se compose de deux syntagmes nominaux, juxtaposés ; l'un annonce le lieu « Oran », l'autre la situation ; le silence et la mort.

    Nous signalons qu'Assia Djebar a assisté à la guerre civile qui a secoué le pays, et aux traumatismes des algériens pendant cette période, ainsi qu'à la mort de plusieurs intellectuels auxquels elle a rendu hommage dans Le blanc de l'Algérie.

    Parmi eux, Abdelkader Alloula, le poète du théâtre des langues qui était l'un de ses amis, assassiné en quatre-vingt treize.

    En effet, « Oran » est la cité de ce poète, annonce déjà le lieu de la mort pour avoir oser parler. « Oran » devient emblème mortifière ; c'est cette destruction que le titre fait entendre : « Ville morte, la langue est désertée. Langue morte, la ville est innommable, Oran est le non de la mort, la mort a nom Oran. Ville-language sans plus de civilité, de passage, de communauté, vouée à la sauvagerie des crimes de sangs. »7(*)

    La « langue morte » serait également l'image des femmes algériennes qui ne s'expriment pas librement. Toute leur vie, elles étaient frustrées : « Je pars car je ne veux plus rien voir, Olivia, ne plus rien dire : seulement écrire Oran en creux dans une langue muette, rendre enfin au silence, écrire Oran ma langue morte »8(*)

    Cette langue muette est celle du désir qui, malgré tout persiste à se faire entendre, ce désir reflète l'espoir de quitter la ville ensanglante pour une autre plus sereine. Ce désir de changer est un symbole de renouveau.

    I-1-2) LE TITRE COMME INCIPIT ROMANESQUE

    Le titre peut être considéré comme les premiers mots qui annoncent le texte :

     Le roman traduit son titre, le sature, le décode et

    l'efface où il le réinscrit dans la pluralité d'un

    texte et brouille le code publicitaire en accentuant

    la fonction poétique latente du titre, transformant

    l'information et l e signe en valeur, l'énoncé

    dénotatif en foyer connotatif.9(*)

    Ainsi, le titre de notre ouvrage traduit bien le recueil en général, et les nouvelles traitées en particulier, à partir desquelles le titre global Oran, langue morte se développe et oriente la lecture de ces trois textes : L'Attentat, La fièvre dans les yeux d'enfant et La femme en morceaux, qui eux sont des titres partiels.

    En ce sens, la fonction poétique du titre, qui est plus au moins latente, transforme l'information en valeur.

    En fin, nous pourrions dire que ces titres sont utilisés par l'écrivaine pour symboliser la terreur qui régnait en Algérie durant la décennie noire, ainsi que le silence et le malaise intérieurs dont souffraient les femmes.

    I-2) ETUDE DES REPERES SPATIO-TEMPORELS

    Nous tenterons, dans ce chapitre, d'analyser les repères spatio-temporels qui s'avèrent intéressants en vue de situer le récit dans le temps et dans l'espace, par rapport aux événements récents qui ont secoué le pays.

    I-2-1) ETUDE TEMPORELLE DU RECIT

    La notion du temps nous permet d'enchaîner les idées du début jusqu'à la fin de l'histoire, ainsi que de reconnaître certains faits historiques : « Le temps est le deuxième concept qui nous permet d'ordonner nos perceptions en une représentation du monde.»10(*)

    Cependant, lorsqu'on effectue une étude temporelle pour un roman :

     Il faut considérer à la fois le temps externe à

    l'oeuvre, c'est-à-dire l'époque à laquelle vit, ou a

    vécu, le romancier d'une part, celle du lecteur de

    l'autre [...] et le temps interne à l'oeuvre : la durée

    de la fiction, la façon dont la narration en rend

    compte, le temps de la lecture.  11(*)

    En ce sens, le temps externe serait en relation avec les circonstances de l'apparition du roman, et ce qui a influencé l'écrivain. Tandis que le temps interne concerne l'oeuvre, sa fiction, sa narration et sa lecture.

    Dans le cas de notre corpus d'étude, l'auteure a choisi une chronologie très symbolique bien que les faits historiques sont à peine évoqués.

    En effet, cet ouvrage, à voix multiples, nous permet de rendre compte de l'influence des événements, qui ont bouleversé le pays, sur la vie des personnages. Chacune des nouvelles que nous étudions en témoignent dès l'incipit : « En ce temps là, chaque jour m'apportais sa nouvelle luisante de suie, sa nouvelle de mort : assassinat d'un ami, d'une femme aimée ou admirée, d'un vieux professeur perdu de vue [...] En cette fin 1993, je revis ma fièvre d'il y a deux ans.»12(*)

    « La nuit avant la mort de Mourad, j'ai été réveillée à deux heures du matin »13(*)

    « Alger, 1994, Atyka professeur de français »14(*)

    Nous constatons, dans ces trois passages, la réalité quotidienne algérienne de la décennie noire, qui devient de plus en plus oppressante, où les algériens se sont trouvés confrontés à la violence islamiste.

    A travers ses narratrices, Assia Djebar évoque la tragédie historique de la décennie précédente.

    Nous remarquons que ces nouvelles ne comportent que très peu de dates dans les pages soixante quinze et cent soixante sept qui sont des dates très significatives dans l'histoire de l'Algérie : « 1993, 1994 » : deux dates qui marquent le début de l'idéologie intégriste en Algérie qui, peu à peu a embrasé la plupart de ses villes.

    Sinon, ce sont d'autres indices qui nous ont permit la traversée de cette décennie tels que l'oppression, la mort et la fuite : «  L'homme barbu me suivait, notait ou je pénètre, prévenait aussitôt ses acolytes ? »15(*)

    «  Nawal [...] Il y a six mois, son corps a été déchiqueté par une bombe placée dans sa voiture »16(*) et «  Atyka, tête coupée [...] Une mare de sang s'étale sur sa nuque. »17(*)

    Ces passages témoignent de la violence des extrémistes à l'égard des femmes qui ont osé sortir sans voile, ou alors celles qui se sont révoltées contre eux. Ceux-ci sont représentés dans le texte sous le nom du barbu.

     

    En ce qui consterne les temps internes, nous remarquons que la romancière ne donne pas de précisions sur les dates. Elle se contente le plus souvent d'expression de type : «  Nous chantions dans ce soleil de novembre »18(*)  ou alors : «  Atyka ce matin de soleil se hâte vers le lycée »19(*)

    Seules les quelques précisions, citées précédemment, nous permettront d'établir des liaisons de temps entre le récit et la réalité.

    Nous signalons que l'histoire de La fièvre dans les yeux d'enfant a duré une semaine durant laquelle Isma rencontre un ethnologue somalien. Cette liaison est longuement relatée dans ses lettres.

    Cependant, nous signalons quelques analeps qui nous renvoient à la jeunesse de la narratrice plus précisément son arrivée à la capitale : « A vingt ans, étudiante à peine débarquée à la capitale, je paraissais me semble-t-il cinq ou six ans de plus » 20(*)

    Et à propos de son mari : « Il s'était tu. Ensuite une heure après environ [...] Nous étions encore au lit, moi nue, à l'ordinaire, entre ses bras-il avait alors décrit le spectacle que le garçonnet de six ans (lui, cet été 1960) avait fixé en silence, n'avait pas oublié »21(*)

    Quant à l'histoire de L'Attentat, elle traite deux journées, la nuit avant la mort de Mourad et la journée qui s'en suit. Ce n'est qu'à la fin de l'intrigue que la narratrice évoque les quarante jours de son époux : « Quarante jours après, oui. Comme si Mourad avait quitté la maison pour de bon. Je ne l'avais pas cru, jusqu'au là, malgré l'évidence. »22(*)

    En fin, dans La femme en morceaux, Assia Djebar rapporte la progression de cinq jours dans lesquels de déroulent les cinq leçons de Atyka sur le conte des Mille et une nuits : « C'est la fin du deuxième cours d'Atyka pour sa classe de seconde [...], C'est la fin de la troisième leçon d'Atyka [...] demain (le cinquième jour) aurai-je fini le conte ? »23(*)

    I-2-2) ETUDE SPATIALE DU RECIT 

    La notion d'espace que nous abordons à travers l'analyse de l'ouvrage Oran, langue morte va répondre aux trois interrogations traitées par Goldenstein :«  Pour prendre conscience de l'importance fonctionnelle de la spatialité, il sera pas inutile de se poser trois grandes questions : Où se déroule l'action ? Comment l'espace est-il représenté ? Pourquoi a-t- il été choisi ainsi de préférence à tant d'autres ? »24(*)

    En ce sens, nous allons essayer de répondre, dans ce chapitre, à ces trois questions, ainsi que l'intérêt d'en étudier les lieux.

    En effet, l'espace se présente avant tout comme le lieux de déroulement de la narration : « L'espace est la dimension du vécu, c'est l'appréhension des lieux où se ploie une expérience. »25(*)

    Ainsi, l'espace serait le lieu de déploiement de l'articulation de l'histoire narrée, et toutes les actions des personnages sont proférées dans un contexte spatial.

    Dans le cas des trois nouvelles que nous avons traitées, les événements se déroulent dans un seul et unique ancrage référentiel « Alger ».

    Cette ville constitue un espace fondamental dans le roman, car c'est là que bat le coeur du pays, qui est en proie au silence et à l'inactivité : « Une capitale sans théâtre ouvert, sans cinéma fréquentable, sans salles de concert ! Tout est fermé dehors, les habitants se calfeutrent chez eux, comme des malfaiteurs. »26(*) Et c'est là que sont dominés et sont torturés les algériens par les intégristes.

    Toujours désignée par « ville empuantie »27(*), « ville gelée »28(*) ou alors par « ville en tumulte et en ébullition mortelle »29(*), « ville enlaidie, cité obscure »30(*)

    En ce sens, Alger devient lieu de déchirements, de violences et de morts des personnages.

    Pourtant, ceux-ci y sont profondément attachés, car c'est dans cette ville qu'ils ont vécu et dans cette vile qu'ils voudraient mourir : « Laisse donc ! N'as-tu pas compris : je vivrai, je mourrai ici, chez moi, dans ce pays! »31(*)

    Rétorque Mourad, le mari de Naima, dans L'Attentat. De même Isma dans La fièvre dans les yeux d'enfant voudrait laisser « une trace d'histoire » dans son pays après sa mort, puisque elle sait qu'elle va être tuée comme tous. Elle souhaite cependant que la ville sera apaisée et que la sérénité sera rétablie après ces tumultes causés par la guerre fracticide. 

    Dix ans après je ne serai plus là [...] La ville se

    sera allégée de ses monstres enfin dissipés, certains

    diront : la ville s'est « régénérée ». Qu'ils le

    pensent ; le soleil, le printemps scintilleront, eux

    avec le même éclat immuable [...] je ne serai plus

    là, en fuite, en exil, ou finalement abattue ; dissipée

    tel un rêve ! Ces quelques pages sur une histoire

    d'amour réapparaiteront. 32(*)

    Nous soulignons également que dans cet ouvrage,Assia Djebar utilise un espace ouvert, ce qui permet de laisser les femmes libres d'aller et de venir, d'errer et de voyager. Elle leurs offre non seulement la parole mais aussi la liberté de se déplacer. Comme le souligne Charles Bonn dans la citation ci-dessous : « Cette narration « féminine » relève également d'une revendication de l'espace public musulman d'où les femmes sont exclues. »33(*)

    Ces espaces ouverts permettent la rencontre des personnages : «  Sur l'immense place, au bas de la Casbah [...] nous nous sommes mêlés à un cercle de badauds. »34(*)

    De même, pour Atyka dans La femme en morceaux, savoure ce « matin de soleil » avant de se rendre à son lycée : « Atyka descend à pieds, légère, des hauteurs de sa banlieue proche : sous ses pieds, à l'horizon, la mer immuable. Elle rêve... »35(*)

    Ici la mer présente un espace ouvert et illimité d'où sont émergés les rêves du personnage.

    Enfin, nous soulignons que le choix de cette ville n'est pas gratuit, selon Goldenstein : « Le lieux précis, choisi parmi tant d'autres possibles, serviras à la dramatisation de la fiction. » 36(*)

    D'où la description de la capitale comme un lieu de contrastes de déchirements et de morts, où des conditions vécues se côtoient à chaque coin de la ville.

    I-3) ETUDE DES CARACTERISTIQUES DES PRINCIPAUX PERSONNAGES ET DE LEUR EVOLUTION DANS LE RECIT

    Après avoir nous être intéressées aux repères spatio-temporels et leur poids dans le récit, nous allons clôturer cette première partie par l'étude des principaux personnages, leurs caractéristiques ainsi que leur évolution dans le roman.

    En effet, l'étude des personnages se présente comme une donnée fondamentale dans la fiction, étant donnée qu'il n'existe presque pas un récit sans personnage. C'est autour d'eux que s'organise l'histoire ainsi que l'enchaînement des actions : «  les personnages ont un rôle essentiel dans l'organisation des histoires. Ils déterminent les actions, les subissent, les relient et leur donnent un sens. D'une certaine façon, toute histoire est histoire des personnages, c'est pourquoi leur analyse est fondamentale. »37(*)

    Par ailleurs, R. Bourneuf et R.Ouellet notaient que le personnage n'existe pas en soi mais puisant dans une « dynamique de groupe » agissant les uns sur les autres :

    Les personnages de roman, comme celui du cinéma ou celui du théâtre, est indissociable de l'univers fictif auquel il appartient : hommes et choses. Il ne peut exister dans notre esprit comme une planète isolée : il est lié à une constellation

    et par elle seule il vit en nous avec toutes ses dimensions.  38(*)

    Dans notre corpus d'étude, il est question de trois personnages qui relatent leurs vies à travers leurs regards de femmes, ayant subies toutes les atrocités de la guerre fracticite.

    Ce sont des personnages qui ont suivis des chemins identiques. Ainsi, ils ont été confrontés à plusieurs conflits souvent d'ordre social et politique.

    En effet, les renseignements qui concernent ces personnages sont donnés sous différentes formes :

    I-3-1) A TRAVERS LE DISCOURS DU PERSONNAGE

    Dans ce cas, le personnage révèle son identité et celle des autres personnages, son métier, ses origines etc.

    Dans La fièvre dans des yeux d'enfant, le personnage principal se présente lui-même dans la sixième page : « Donc moi, l'amie de Nawal-Nawal explosée, disloquée, effacée- je me présente : Isma. « Isma ». Le nom, mais quel nom, plutôt le cherchant, mon nom, ou celui de l'autre. Isma donc, cela suffit, avec l'indication de mon âge, et dès la première rencontre. -Trente-six ans ! »39(*)

    A côté des renseignements d'Isma, s'ajoutent ceux de son amie. Isma nous donne une idée sur son amie et sur elle-même :

    Or, à vingt ans, je me souviens avec mon air bougon-en fait, cuirasse de timidité, car venue de ma ville forteresse de l'est, je n'avais pas l'habitude « de parler aux garçons », comme on disait alors. Je leur parlais, je conversai donc, mais je cachais, par une austérité de maintien, mon inhabilité, parfois mon affolement devant le moindre tutoiement. A vingt ans, étudiante à peine débarquée à la capitale, je paraissais, me semble-il, cinq ou six ans de plus.40(*) 

    En ce sens, Isma nous rend compte, d'une manière implicite, de sa personnalité, ainsi que de sa façon maladroite d'agir en arrivant à la capitale.

    Selon A.Bekkat ; l'antériorité permet de fournir une épaisseur aux personnages : «  donner un passé à un personnage lui donne de l'épaisseur ainsi le héros sera enraciné ou nom dans une famille, une tradition, une région, etc. »41(*)

    A travers son discours, Isma nous révèle son statut social et familial : « J'allais au studio, à chaque fin d'après midi, en sortant de mon lycée [...] Je me retrouvais seule chez moi, enfin, au domicile conjugal ! Car Ali était parti trois jours après l'arrivée du Somalien. Appelé dans son village des Béni-Ourtilane. »42(*)

    Nous saurons à travers les propos d'Isma qu'elle est professeur et qu'elle est mariée. L'incise « enfin » nous révèle le soulagement d'Isma à l'égard de l'absence de son époux. Également, elle nous donne une idée sur le musicien qui arrive.

    Ce sont là des signes auxquels il faudrait prêter attention, car ils peuvent échapper au lecteur.

    Dans L'Attentat, Naima, le personnage principal se révèle également à travers son discours. Elle nous donne l'idée sur son statut familial, en premier lieu : «  Je dormais si bien ces quinze jours où mon mari vit à nouveau à la maison, où mon garçon se remet peu à peu à marcher avec ses béquilles. »43(*)

    La situation alarmante du personnage Naima et de sa famille apparaît dès les premières pages :

     Mourad, depuis au moins trois mois, à raison d'un article (long, véhément, polémique) par semaine, tient désormais à signer ce qu'il analyse, ce qu'il dénonce, ce qu'il clame au pays tout entier [...] Auparavant, il écrivait ses articles hebdomadaires dans deux journaux indépendants. Il prenait toutefois des prête-noms.  44(*)

    Mourad est, en effet, journaliste et inspecteur de français .A cause de son engagement contre les intégrismes, il sera condamné par ceux-ci. C'est cette condamnation que va explorer Naima tout au long du récit.

    Naima se révèle également par ce qu'elle fait : « Je suis enseignante d'arabe au lycée voisin »45(*) et par ce qu'elle ressent face à la mort de son époux :

    Je te regarde Mourad, ton front, la ligne de ton nez ; j'observe le grain de ta peau près des tempes. Tes yeux fermés, plus jamais hélas ton regard, et ourlant tes paupières, tes signes de jeunes homme d'autrefois, ta ride aussi, creusée sous ta bouche. Je te contemple, oui, au dessus de ton visage d'aveugle-toi, ô gisant de pierre- se creuse un vertige de silence, s'installe un sommeil ennui. 46(*)

    Nous remarquons que la romancière s'attache à décrire les traits physiques du cadavre de Mourad, l'expression des sentiments de Naima qui observe ce dernier enveloppé dans un linceul, ainsi que ses manifestations : « je retourne vers mon mari, à terre, je tourne sur moi-même, désorientée : je vais me réveiller ! « Un jeu » ai-je pensé face au garçon à l'arme. »47(*)

    La vie des deux couples

    Ces personnages n'ont pas une différence de culture ni de savoir. Or, la communication entre eux semble très difficile. Ainsi, Naima n'arrive pas à convaincre son mari de ne pas publier l'article qui met ce dernier en danger : « Tu ne peux pas te tenir tranquille ! Rester avec nous deux, avec le petit et moi ?...tout bonnement !...oublier un moment tout ça ! » 48(*)

    De même, Isma décide de quitter son mari pour ce musicien : « J'attendrai le quarantième jour de cette mort, décidai je. J'irai avec lui au village, jusqu'à la tombe de Lalla Salma et les deux autres, le couple fusillé. Mais au retour, je lui expliquerai ; je le convaincrai : je désire, oh oui, comme je désire vivre seule. »49(*)

    Ainsi, elle préfère livrer ses confidences à son amie bien qu'elle soit « disparue ».

    Finalement, seules les femmes paraissent libres de partager entre elles ce qui produit et tisse la trame de leur quotidien : «  Nawal, ma meilleure amie, écoute, laisse moi te parler ! Te raconter [...] te relater les moindres détails. »50(*)

    En ce sens, Isma, en se retrouvant avec son amie, ou alors l'image de son amie, fait preuve de connivence immédiate, puisqu'elle n'hésite pas à s'éplucher sur la réalité : «  Nawal (je prends le discours avec toi : ma si proche, aide moi par ton amitié, par ton souffle, près de moi, aide moi à rendre compte de ces jours bousculés. »51(*)

    Ces personnages s'évoluent donc à partir de ce qu'ils ont enduré. Ils ont envisagé leurs histoires comme une sorte de journal intime dans lequel leurs expériences ont été révélées.

    Il s'agit d'un choix d'écriture. Pour l'auteure, ce serait une sorte de délivrance dans laquelle ces personnages s'expulsent des espaces voilés, racontant leurs deuils, leurs luttes ainsi que leurs espoirs.

    I-3-2) À TRAVERS LE REGARD DE L'AUTEURE

    Dans le cas de La femme en morceaux, la caractéristique du personnage principal se fait à partir du regard de l'auteure, c'est elle qui prend en charge la narration : « Alger, 1994. Atyka, professeur de français : une langue qu'elle a choisie, qu'elle a plaisir d'enseigner. Pas comme autrefois son père et sa mère qui, à l'école coloniale, n'ont pu faire des études qu'en français. » 52(*)

    Ce fut le statut professionnel qui est désigné en premier lieu. Cependant, les autres caractéristiques sont à peine évoquées, sinon décrites d'une manière très implicite. Signalons à titre d'exemple la situation sociale dans laquelle vit le personnage Atyka ainsi que les relations qu'elle entretienne avec ses élèves :

    La conversation s'éparpille de tous côtés ; il fait beau sur la route et Atyka est étonnée de ce naturel retrouvé si aisément avec ces jeunes : devant elle, à un carrefour, un convoi militaire qui passe leur rappelle le présent et ses alarmes. Je vous quitte là ! Décide Atyka. Elle ne veut pas leur dire, à ses élèves qui semblent l'aimer, qu'une sourde inquiétude la cerne dans ce quartier périphérique où, avec son jeune époux, elle a trouvé à se loger  53(*)

    Ce passage complète indirectement notre connaissance du personnage et celle de la société où il vit. Le convoi militaire nous renvoie aux diverses déterminations terroristes qui engouffrent le pays. Cela inquiète Atyka qui, entretenant de bonnes relations avec ses élèves, préfère ne pas les mêler à cette fièvre qui l'envahit dans cette ville. Une ville de la capitale où elle vit avec son mari.

    De la même manière, à la fin de cette nouvelle, se présentent l'inquiétude et ses alarmes : « Il y eut alors un tumulte dans le couloir, mais lointain et confus. Atyka versant soudain dans une alarme qu'elle juge irraisonnée et qu'elle maîtrise, Atyka se répète une dernière fois, en quelques secondes : demain, aurais-je finis le conte ? » 54(*)

    C'est comme si Atyka a pressenti sa mort autour d'elle, et dans cette Algérie en proie au terrorisme.

    A la fin de la nouvelle, Assia Djebar nous rapporte la scène de la mort d'Atyka. Elle nous décrit minutieusement le corps de cette dernière qui subit la violence par les terroristes :

     Atyka reçoit debout une balle au coeur [...] Le buste d'Atyka est tombé en avant sur la table du bureau. Les hommes armés ont reculé. Le fou qui, brandissait son poignard, s'est avancé vers elle [...] d'une main lui relever la tête en la soulevant par ses longs cheveux-ses longs cheveux roux, flamboyants, vivants. Son autre main, d'un geste long et sûr, dans un même mouvement, tranche le cou d'Atyka.55(*)

    La description des cheveux « flamboyants » et « vivants » nous permet d'imaginer la beauté du personnage de Atyka, bien soignée, et aimée de ses élèves. Défiant les terroristes en sortant sans voile et en enseignant la langue française.

    I-3-3) A TRAVERS LE COMPORTEMENT DU PERSONNAGE

    A côté de la caractérisation du personnage à travers son discours, s'ajoutent celles du comportement et des habits. Autrement dit, le personnage peut se révéler à partir de ce qu'il porte et de ce qu'il fait.

    Dans La fièvre dans des yeux d'enfant, le personnage principal, Isma, se déguise dans la rue pour se méfier des terroristes : « Eh oui, soupirè-je, comme c'est facile, à quarante ans de paraître cinquante, ou sans âge, femme invisible à force d'être ordinaire, mal coiffée, mal chaussée, habillées de couleurs ternes, avec une jupe sans forme, un couffin de provisions au bras. »56(*)

    Une façon, pour le personnage de se protéger des attentats qui se produisent, chaque jour, dans la ville. Cependant, la romancière laisse son personnage s'évoluer à sa guise ; La psychologie d'Isma nous montre son goût pour la modernité et pour l'émancipation : «  A peine la porte fermé, j'enlève ces hardes ; je me retrouve vite en petite tenue. »57(*)

    Le caractère d'Isma la situe en individu particulier, puisqu'elle parcourt un itinéraire différent de celui qui a été destiné à toutes les autres femmes. Signalons sa façon libre de s'habiller, ainsi que sa relation extraconjugale avec un musicien : «  heureuse de connaître ce commencement, heureuse d'être vivante et libre, ce jour là. Heureuse d'empoter en moi au long de cette marche, son visage, ses traits, ses rides légères, ses lèvres. Ses doigts. »58(*)

    En outre, ce changement rend Isma libre, allégée du poids des croyances et des tabous religieux et moraux : «  Mon rire, ma chevelure mouillée dans le cou, ma façon « peu musulmane » de m'accroupir, de garder un pantalon de garçon ou quelquefois un séroual, mais de la ville, trop court. » 59(*)

    Dans L'Attentat, ce fut le comportement de Mourad qui a entraîné sa mort. En effet, ce dernier a plongé dans la clandestinité et a changé de domicile, afin de continuer son combat contre la barbarie intégriste. Finalement, il a fini par se dévoiler, en signant ses articles par son propre nom : « Il a mené une vie quasiment clandestine une année entière après le flot des menaces [...] Mourad qui, les premiers jours, sortait le plus rarement possible et ne faisait que discuter avec son fils, a repris un rythme presque normal. »60(*) 

    Là, également, nous remarquons le changement du personnage qui décide de faire face à ce qui se passait autour de lui.

    A ce propos Y.Reuter notait que : «  les personnages se diversifient socialement et se développent par la mise en texte des traits physiques variés et d'une épaisseur psychologique à laquelle vient s'ajouter la possibilité de se transformer entre le début et la fin du roman.»61(*)

    Ceci dit, que le personnage n'est pas donné comme une entité définitive, dans un roman, mais il évolue et se transforme au cours de l'histoire.

    Dans La femme en morceaux, le personnage principal, Atyka se caractérise par son amour pour la culture et la langues françaises : «  Je serai professeur de français, mais vous verrez, avec des élèves vraiment bilingues, le français me servira pour aller et venir, dans tout les espaces, autant que dans plusieurs langue ! » 62(*)

    Ainsi, son comportement avec ses élèves, révèle sa tolérance et sa responsabilité professionnelle à l'égard de ses élèves, et gardant ses limites avec les questions politiques et religieuses : « Nous sommes ni en sciences politiques, ni en cours de religion ! Je vous rappelle que nous commentons des extraits traduits des Mille et une nuits. » 63(*)

    Toutes ces caractéristiques que nous avons vues ont permit de connaître les personnages, de leur attribuer des caractères différents, mais surtout de croire à leur existence. Ainsi, le souligne Goldenstein dans son étude :

     Les différents procédés de caractérisation concourent à donner aux personnages une « épaisseur » qui leurs permettra d'accéder à la vie fictive des héros des romans [...] Doué de « vie », soumis à une intrigue ou bien servi par elle, le personnage s'impose à la conscience du lecteur qui « croit » en son existence. 64(*)

    Toutefois, il conviendrait encore de situer le personnage par rapport à la narration. Ce que nous verrons dans le chapitre suivant.

    II) ETUDE DE L'IMPACT DU TERRORISME SUR LA FEMME ALGERIENNE

    Nous procédons, dans cette partie, à l'étude de la narration afin de définir le statut des personnages par rapport à ce qu'ils endurent. Ensuite nous passons à l'étude de l'impact du terrorisme sur la femme algérienne, qui subit la mort et sa violence sous différentes façons. Enfin nous verrons l'affrontement de la femme avec le terrorisme.

    II-1) ETUDE DE LA NARRATION

    La narration se présente comme étant la manière dont l'histoire est racontée. On pourrait reprendre la définition de Yves Reuter qui dira que : « la narration concerne  l'organisation de la fiction dans le récit qui l'expose. »65(*). En ce sens, la narration serait le maître d'oeuvre du récit ; elle le structure et l'organise.

    Ainsi, elle se fait à partir d'un organisateur appelé «  narrateur » qui joue un rôle essentiel dans la narration et qui apparaît sous différentes formes dans le récit :

     Le narrateur lui, est celui qui raconte la fiction ; il en est « la médiation narrative » [...] Il choisit la progression narrative, les modes de discours, la progression temporelle, le rythme du récit avec l'internance de temps forts (actions) et de temps faibles (descriptions).66(*)

    II-1-1) LA NARRATION OU CE QUI EST RACONTE

    Dans le cas de notre recueil de nouvelles, Oran, langue morte, on assiste à plusieurs voix narratives ; souvent des femmes que l'on veut réduire au silence. Or, elles ont décidé de franchir l'obstacle du silence en retraçant les chemins de leur vie. Sinon, c'est la romancière même qui se charge de transcrire leurs souvenirs, pour dévoiler la violence qui les déchire suite la guerre civile des années quatre vingt dix, en Algérie.

    Ces histoires personnelles se ressemblent et se tissent ; elles sont intimement liées à l'histoire de l'Algérie durant cette décennie. Les déclarations des personnages en témoignent, tout au long du texte :

     Chaque leader intégriste s'appelle « cheikh » chez nous, en ces temps présents ! Il se veut ainsi, par ce vocable (que les véritables maîtres autrefois n'osaient se donner), le père des jeunes chefs de bande qui se sont quant à eux, autoproclamés « émirs », autant dire « princes », ces mêmes chouyoukh (pluriel de « cheikh ») étaient encore au cours de l'effervescence d'il y a deux ans, des imams de mosquée aux prêches enflammés, déployant une éloquence à la Savonarole...pour fustiger un pouvoir centrale de plus en plus impopulaire. Sur quoi le président est démis [...] six mois après, « un fou » abat le nouveau président quasiment en direct, devant la télévision, depuis la machine folle s'est emballée : jour après jour, la violence, les meurtres, les répressions, cycle fatal !67(*) 

    Assia Djebar compare cette idéologie à celle du Savonarole ; prédicateur et réformateur Italien, connu pour ses réformes religieuses et ses prêches anti-humanistes.

    L'histoire couvre donc la période du terrorisme intégriste qui se veut maître de cette Algérie sanglante, durant plusieurs années. Cette période correspond à une tranche de vie d'Assia Djebar.

    Notons que pour relater ces histoires, elle a usé de son talent de romancière ainsi que de son statut d'historienne. Elle s'est également inspirée des événements sociopolitiques afin de reproduire cette histoire dans laquelle on retrouve deux cultures, représentées selon l'état d'esprit de ses narratrices.

    Ainsi, dans les trois nouvelles traitées La fièvre dans les yeux d'enfant, L'Attentat et La femme en morceaux, l'histoire se caractérise par le retour d'un même thème qui est celui de « la mort », ce retour de thème d'une nouvelle à une autre les rapproches et crée entre elles une seule unité.

    Ces rapprochements qui reviennent ne laissent pas le lecteur indifférent, mais l'incitent à établir des liens entre ce qui est raconté et ce qui se passe dans la réalité. Cela lui permettra de se rendre compte de la violence de l'Histoire récente de l'Algérie, et de l'omniprésence de la mort dans le quotidien algérien, en ce temps là.

    Cette narration relève également de l'importance que donne l'auteure à la voix, dans une société qui veut confisquer la parole féminine.

    II-1-2) LE NIVEAU DE LA NARRATION

    Le mode dominant dans notre corpus d'analyse est le mode intradiégétique c'est-à-dire que le narrateur est mêlé à l'action et ne dissimule pas les signes de sa présence : « il raconte l'histoire selon son point de vue. C'est le narrateur agent ou narrateur protagoniste. Il parle de lui à la première personne. Nous connaissons donc immédiatement, et sans erreur possible, son identité. » 68(*)

    A travers les deux premières nouvelles La fièvre dans les yeux d'enfant et L'Attentat ce sont les narratrices Isma et Naima qui tissent le fil conducteur de l'histoire. Elles sont au même temps sujets et objets de leur récit. C'est avec elles que l'on vit les événements racontés, que l'on découvre les personnages au fur et à mesure : « Il se présenta, me salua : à ses premières phrases, sous mon visage impassible, une fascination m'avait saisie. Comment te le dire Nawal (je te l'écris c'est vrai et tu ne peux pas t'esclaffer !), une attention aigue me vrilla. »69(*) 

    Isma et Naima prennent plus d'importance puisqu'elles se chargent de la narration sur la quasi-totalité de l'oeuvre : nous assistons donc à deux personnages qui se révèlent, racontent leurs vies, leurs déchirement et nous font part de leurs sentiments et de leurs réflexions. La focalisation est donc interne : « A mon tour, vais-je avoir peur, [...] je me sens rapetissée [...] je me mue en passante anonyme [...] qui me reconnaîtra ? [...] j'avance, je suis vivante, ma joie muselée en dedans de moi et tranquille je défie qui au - dehors, quel meurtrier ? » 70(*)

    Ce sont là les propos d'Isma qui tente de surmonter la désespoir qui l'envahit, en se déguisant pour se protéger de la mort.

    De même pour Naima, saisie par la peur et l'insécurité, révèle : « J'ai éclaté en pleurs, j'ai eu honte [...] j'ai expliqué devant tous, tous ces jeunes autour de moi, leur silence puis l'émotion [...] je suis rentrée, ce jour là, à la maison effondrée, émiettée [...] les jours suivants, il me fut impossible d'aller à l'école. »71(*)

    En outre, Isma et Naima assument, en plus la fonction d'organisation du récit, celle de narratrices omniscientes et omniprésentes de façon dominante, parfois commentatrices des événements : « j'allais à la seconde manifestation des femmes : une véritable kermesse sous le soleil, nous chantions dans ce soleil de novembre. Cette fois pas seulement les femmes, mais des intellectuels, des étudiants, des familles avec enfants. »72(*)

    A chaque fois, elles nous font découvrir la personnalité, le rôle et le métier d'un personnage : « cet homme qui me troublait tant [...] oui cet étranger, plus jamais étranger, se prénommait « Omar »73(*) ou alors «  Mourad était le meilleur professeur de français dans le pays, beaucoup l'ont affirmé à sa mort ! »74(*)

    On remarque qu'à travers le récit alterné de ces deux narratrices, le « Je » est souvent présent car c'est là une façon de se couler dans l'intimité de l'être et par là même aller au plus profond de son âme :

    Je revivrai ma fièvre dans cette ville gelée. J'ai mis un disque d'Archie Shepp en sourdine, et bientôt le saxo ténor prend de l'ampleur, de la gravité en moi. J'écris : pourquoi, quelle importance- un jour, ils me reconnaîtront [...] ils m'abbateront le lendemain quand je sortirai. 75(*)

    Les confidences de ces narratrices ne cessent de se croiser sous les embrayeur « il » et « elle » afin de construire la texture de ce récit en racontant la mort de leur proches.

    Isma dira à propos de son amie : «  elle serait patiente, elle souriait, elle attendrait devant mes soudains silences, elle...je parle d'elle au conditionnel déjà : il y a six mois, son corps a été déchiqueté par une bombe placée dans sa voiture.»76(*)

    De même pour Naima, en ce qui concerne la mort de son mari, elle dira : «  ils m'ont raté, ils l'ont tué [...] il est couché sur le coté, le journal tombé sur sa tête, masquant un peu de son profile ! Un petit filet noirâtre coule de son front »77(*)

    Cependant et exceptionnellement dans la dernière nouvelle de notre corpus d'analyse, La femme en morceaux qui  se singularise par son style d'écriture, c'est la romancière qui prend en charge le récit, et le met en abîme avec un conte des Mille et une nuits. Elle le domine par son omniprésence et son omniscience. Dans ce cas le mode narratif dominant est le mode extradiégitique : c'est-à-dire que le narrateur est externe à la fiction : « Il domine histoire et personnages. Sa connaissance de l'une et des autres est illimitée et omnisciente. Tel un dieu. Il « sonde les reins et les coeurs » de créatures qui n'ont pas de secrets pour lui. »78(*)

    En ce sens, le narrateur révèle aux lecteurs tous les secrets des personnages, et que les autres ignorent.

    C'est le cas d'Assia Djebar dans La femme en morceaux. Dès l'incipit, elle nous renvoie à Bagdad pour nous faire revivre le passé, à travers le conte de Schéhérazade : « Une nuit à bagdad. Au fond, tout au fond du cours large, légèrement en pente de fleuve, un endroit entre la ville et le palais. Là, au fond de ce fleuve, le Tigre, dort un corps de jeune femme. Un corps coupé en morceaux. »79(*)

    Cette écriture permet, selon la romancière, d'éviter l'enfermement et l'exclusion et d'enraciner la langue de l'autre dans l'oralité des femmes. Ainsi, Atyka choisira la langue française pour s'émanciper :

    Alger 1994, Atyka, professeur de français : une langue qu'elle a choisie, qu'elle a le plaisir d'enseigner. Pas comme autrefois son père et sa mère qui, à l'école coloniale, n'ont pu faire des études qu'en français, alors que le premier parlait berbère et la seconde arabe...Atyka née l'année même de l'indépendance, choisit, à vingt ans de faire sa licence en français. 80(*)

    Atyka retourne aux sources de l'oralité  en étudiant le conte des Mille et une nuits avec ses élèves. Sa voix qui raconte le récit de la jeune femme coupée en morceaux se confondra avec celle de Schéhérazade.

    Cette manière de retourner à ces contes représente une tentative de retrouver ce qui a été perdu, de faire entendre les voix qui ont été pour longtemps condamnées au silence. Cette tendance de Atyka pour la langue française incarne celle de l'auteure qui se sert de cette langue pour libérer les voix de ces femmes. Selon elle, le langue française constitue une évasion dans tous les espaces, comme elle le souligne à travers les propos de son personnage : «  je serai professeur de français ; mais vous verrez, avec des élèves vraiment bilingues, le français me servira pour aller et venir, dans tous les espaces, autant que dans plusieurs langues. »81(*)

    II-2) ETUDE DE LA REPRESENTATION DE LA MORT DANS LES TROIS NOUVELLES

    Depuis la conquête française, la guerre de libération jusqu'à la décennie noire, la mort ne cesse de donner rendez vous aux algériens. Omniprésente dans l'histoire, par elle le passé et le présent se hèlent :

    Les événements qui s'inscrivent à la une de nos

    journaux ne sont-ils pas le principal moteur des

    vocations littéraires qui ont vu le jour ces

    dernières années ? Au plus fort de la crise qu'ait

    connu leurs pays depuis la fin de la colonisation

    française, des algériens [...] se sont mis à écrire

    [...] comme si une impérieuse nécessité avait

    porté leur plume.82(*) 

    Ainsi, dans Oran, langue morte, le thème de la mort se profile sous différents portraits, dans toutes les nouvelles, précisément dans celles que nous nous proposions d'étudier.

    II-2-1) ISMA OU LA MORT DE L'AMOUR 

    Dans la première nouvelle, La fièvre dans des yeux d'enfant, Isma, avant que la mort l'emporte, évoque la mort dès l'incipit de la nouvelle :

    En ce temps-là, chaque jour m'apportait sa

    nouvelle luisante de suie (par la radio, le

    journal, ou plus souvent par une voix

    familière, au téléphone, qui me secouait à

    l'aube ou quelquefois tard, juste avant la nuit

    sa nouvelle de mort, assassinat d'un ami, d'une

    femme estimée ou admirée, d'un vieux

    professeur perdu de vue [...] également annonce

    d'une mort anonyme, celle d'une étudiante, d'un

    syndicaliste [...] mort survenue dans un lieu

    traversé la veille [...] une mort en somme si

    proche qu i giselait [...] Sa violence

    invraisemblable.83(*)

    Dès lors, nous remarque la récurrence du thème de la mort, dans l'incipit de cette nouvelle ; on comprend vite pourquoi la narratrice est habitée par la violence qui déferle depuis si longtemps en Algérie.

    Inspirée par le rythme du malheur, du deuil mais aussi de la révolte, Isma se réfère à l'écriture pour garder en mémoire les instants privilégiés de sa vie pour aller plus loin que soit et pour entretenir avec Nawal « son amie disparue » : « Si j'écrivais cela, ce que j'ai ressenti, l'automne d'avant, l'année dernière [...] l'écrire pour le revivre. Pour y penser à loisir toute seule. Nawal, ma meilleure amie serait là. »84(*)

    Isma se croyant échappée à la mort en changeant son allure, se décidant de ne plus avoir peur et devenant indifférente de ce qui se passe autour d'elle : « J'aurais changé de quartier, d'apparence, je variais ma façon de m'habiller, de me nommer, de porter des lunettes de casser ma voix et même de modifier l'accent, le rythme de mon dialecte, quelquefois je décide de me faire vieille » 85(*)

    Elle poursuit :

    Il a suffit de six mois d'attentats dans la ville : si je

    veux encore sortir, je me mus en passante anonyme,

    les cheveux tirés, en tresse derrière, le pas saccadé,

    le regard obstinément fixé devant moi : qui me

    reconnaîtra ? Qui retrouver a mon ancienne

    insolence au dehors ? »86(*)

    Ainsi avec cette façon de défier le monde extérieur, Isma retrouve sa tranquillité et le sourire de son adolescence. Tout lui indiffère même les regards soupçonneux d'un « barbu » dans le square :

     Je me dis (je tricote au même temps) que tout en

    moi vacillait, se durcissait, bouillonnait ; je souris

    dans ce square. Malgré cet observateur barbu qui

    me fait face [...] je plonge dans le trouble qui

    m'envahissait exactement trois ans auparavant,

    comme aujourd'hui un jour d'octobre. 87(*)

    Notons que le substituant « barbu » est utilisé par l'auteur pour désigner quelques intégristes qui ont certaines tendances religieuses injustes, et se servent de l'Islam pour imposer leur idéologie.

    En outre, à cause de la terreur qui règne en Algérie, surtout à l'égard des femmes, Isma sait que tôt ou tard elle va être tuée en laissant à peine « une trace d'histoire ». N'ayant plus le temps de se mentir à elle-même, elle décide de rompre toutes les entraves avec son ancienne existence et de se séparer de son mari pour le musicien qu'elle venait de rencontrer.

    Nous sommes donc face à la mort de l'amour étant donné qu'Isma ne réalisera pas son histoire d'amour tant rêvée et relatée dans ses lettres destinées à son amie Nawel et à son amant. La mort l'emporte avant qu'elle réalise ses envies et après avoir subi le poids de la disparition de ses aimés.

    II-2-1-1) LA PEINTURE DE L'AMOUR

    En effet, nous remarquons qu'au fil de la lecture de cette nouvelle, l'amour est représenté comme une force détruite subitement par une violence extérieure à lui, semant la mort et la souffrance dans le coeur du personnage ; les lettres écrites par Isma témoignent de cette tragédie :

    Comment ne rien perdre de cette histoire qui

    commence ? [...] la plus belle des histoires [...] mais

    l'histoire sans nul doute ne restera qu'en amorce,

    entre nous, suspendue [...] je ne sais comment

    terminer cet écrit sans rien avouer alors que j'ai déjà

    trop dis ! Je ne déchirerai rien, je ne livrerai rien,

    j'attendrai. 88(*)

    Refusant également le départ de son amant, Isma cherche inlassablement à retrouver l'image mais surtout la voix de ce musicien, afin de se délivrer de ses angoisses et lui retracer le dur chemin de sa vie depuis les événements qui ont bouleversé le pays : « Comment retrouver, le plus concrètement possible, ton image [...] Au coeur froid de la nuit, immobilisée entre les draps [...] réveillée donc, je quête, je te cherche, je désire inlassablement te recréer. »

    L'écriture lui est insuffisante, seule la présence de cet homme, qu'elle a tant aimé, pourrait apaiser sa douleur d'être face à la domination intégriste.

    De même pour Ali, qui n'est autre que l'époux d'Isma, tente de retrouver, au milieu de la nuit, l'image et la voix de cette dernière qui le hantait après sa mort :

    Il retrouvait la voix d'Isma, ses élans, son goût des

    confiances [...] il semblait avoir déjà tout oublier

    seulement le son et le phrasé de cette voix ; il voulait

    l'entendre, comme on surprend un bavardage

    derrière la porte ; dorénavant n'était-elle pas là-bas

    prés de Nawal ? 89(*)

    En effet, Isma et Nawal sont toutes deux mortes. Or, Ali en reliant les lettres d'Isma eut l'impression de se mêler à des confidences de deux amies si attachées : « Isma ne parlait que pour Nawal, ne semble quêter même pour cette passion (le mot était bien d'elle) que l'avis ou le jugement de Nawal »90(*)

    Ali eut besoin de la sentir à ses cotés et s'étonne de l'excès de ces confidences attendries pour une personne déjà morte : « Nawal vraiment morte ou vivante ? »91(*)

    Il eut envie de prendre la place de Nawal pour être plus proche de sa femme pour lui faire oublier ses souffrances, mais comment serait- il possible d'entretenir avec Isma puisqu' elle est aussi emportée par la mort laissant son époux obsédé par sa voix et son image.

    La nouvelle s'achève par les propos d'Ali qui refuse, lui aussi, la mort de son amour, et désire encore sa femme bien qu'elle soit déjà morte : « Trois balles au coeur, heureusement pas à la face ! Elle s'en va dans sa beauté inentamée, je verrai le premier son visage dans le cercueil encore ouvert ! [...] comme hier, son visage, je l'espère. Je la verrai, je la garderai »92(*)

    C'est la dimension tragique que nous soulignons ici ; d'abord, la mort de la meilleure amie, ensuite la mort de ses sentiments, de son corps, pour aboutir à la souffrance de l'époux qui reste seul hanté par tous ces témoignages.

    II-2-2) NAIMA OU LA MORT DE L'EPOUX ENGAGEE

    En effet, dans L'Attentat ; la nouvelle qui suit La fièvre dans les yeux d'enfant, le thème de la mort y est présent ; Naima, la narratrice relate la mort de son mari en premier lieu : « La nuit avant la mort de Mourad, j'ai été  réveillée à deux heures du matin ; la nuit juste avant...Mourad entre dans la chambre, allume, me secoue par les épaules »93(*)

    Ce passage nous présente la situation de Naima et nous révèle la souffrance dont elle est objet ; celle de la mort de l'aimé.

    En outre, Naima, réveillée par son mari cette nuit avant sa mort, et avait comprit que ce dernier va être tué et qu'elle n'arrivera pas, l'espace d'une dernière nuit, à convaincre son époux de ne pas publier l'article plaidant pour une école de la modernité, contre la barbarie des intégristes. Sachant que ceux-ci n'hésiteront pas à éliminer toute personne n'ayant pas respecté leur idéologie.

    Elle s'adresse à lui avec inquiétude : «Cette fois, j'espère, tu ne le signes pas de ton nom, n'est ce pas ! (...) tu prends un pseudonyme ! »94(*) 

    Or, Mourad tient à signer cet article de son propre nom afin de dénoncer toutes ces injustices qui accablent le pays depuis plusieurs années :

    Contre tout le monde, sait bien que je suis

    contre : contre le pouvoir, contre les fanatiques,

    contre le silence et l'immobilisme ! Moi j'aurais

    bien voulu n'écrire que sur l'école, sur ce que doit

    être notre école.95(*) 

    Ainsi, pour témoigner de l'amour pour son pays qui est condamné par « l'idéologie intégriste » Mourad insiste sur le fait de se sacrifier pour lui et de refuser la barbarie qui s'abat sur lui :

    Laisse donc, n'as-tu pas compris : je vivais, je

    mourrais ici, chez moi, dans ce pays [...] Mais il

    faut bien que quelqu'un dise les choses bien haut,

    clairement, très fort ! [...] cette fois c'est moi,

    Naima, ne m'en veux pas, se serait ensuite un autre

    et un autre 96(*)

    Malgré les avertissements qui lui ont été adressés, et sachant qu'il va anticiper sa mort en publiant son article : « Le flot des menaces, lettres ou avertissements téléphoniques, s'étaient succédés pour lui signifier qu'il était « un homme mort »»97(*)

    Mourad s'entête à continuer jusqu'au bout son combat contre l'intégrisme et sa barbarie, tout en sacrifiant sa vie, pour laisser qu'un silence qui entoure sa femme et son enfant. Naima poursuit son histoire en insistant sur le déroulement de l'attentat de son mari, raconte avec précision la manière dont il a été assassiné ainsi que sa réaction face à cette fatalité.

    Nous remarquons que, contrairement aux autres nouvelles du roman dans lesquelles la victime était toujours une femme, précisément dans L'Attentat la victime est un homme et la femme par hasard est épargnée provisoirement, car dans le cas de Naima, elle survivra mais toujours hantée par la manière dont a été assassiné son époux.

    Tout comme les autres personnages de ce roman, Naima rejette, elle aussi, l'idée de ne plus voir celui qu'elle aime à coté d'elle : «  Quarante jours après, oui. Comme si Mourad avait quitté la maison pour de bon. Je ne l'avais pas cru jusqu'au là, malgré l'évidence. »98(*)

    Elle continu malgré elle sa vie, et reprends ses cours jusqu'au jour où il y eut un incident avec l'un de ses élèves. Notons que l'atmosphère du pays, ses conflits, ses idéologies avaient influencé la plupart des jeunes, tel est le cas de son élève qui refuse d'être interpellé en français; langue interdite par les intégristes : « Soudain, le garçon -quinze ans environ- se dresse et d'une voix agressive rétorqua, la tête à demi tourné vers les autres :- Est-ce que nous avons une maîtresse de français ou d'arabe ? »99(*) 

    Cette remarque affecte Naima et l'emporte dans une grande agitation :

    Sa remarque acerbe-en arabe, bien sûr-je la reçus de plein fouet, et comme une offense, ou plutôt comme un coup de feu [...]un jeune de quinze ans ne supporte pas que je prononce « dix-huit » en français ! Un adolescent avec comme cible d'attaque un simple mot en langue étrangère, un élève, mon « élève », un môme âgé de quinze ans !100(*)

    Nous remarquons dans ce passage, combien l'idéologie intégriste a influencé les jeunes algériens quant à l'utilisation de la langue française et à l'ouverture sur les autres cultures universelles.

    En outre, cet élève renvoie Naima au jeune adolescent qui avait assassiné son époux :

    En vérité ce ne fût pas seulement le jeune homme

    et son refus du mot français que je vis face à moi!

    En une seconde, le tueur à l'arme enrayée surgit

    d'un coup à la place [...] il n'avait lui non plus

    guerre plus de quinze ans [...] une voix en moi : c'était un adolescent comme celui-ci ! Il avait dû être mon élève , lui aussi.101(*)

    Troublée par ce chahut, Naima poursuit sa révolte contre son élève, comme s'il s'agissait réellement du vrai coupable, exprimant la douleur d'être seule à affronter ces violences,mais surtout l'absurdité de la vie qui lui emporte son époux, qui n'a fait que dénoncer les injustices commises par les intégristes :

    Oui j'ai protesté, oui j'ai ironisé, amère « vous ne

    supportez pas un mot étranger, un simple mot ?

    [...] dans quel pays vivez vous ? Je suis professeur

    d'arabe certes, mais lui, Mourad était le meilleur

    professeur du français dans le pays, beaucoup l'ont

    affirmé à sa mort.102(*)

    Au fil des jours, la souffrance pèse sur Naima, ne pouvant plus supporter sa situation, n'allant plus à ses cours et ne sortant plus de chez elle. La peur l'envahit par tout où elle se trouve. Seul le désir de partir loin qui la tranquillise :

     Je voudrais partir, dis-je un matin, d'abord pour

    moi-même, à haute voix [...] Je veux partir plus loin,

    le plus loin possible [...] J'ai pensé « Mourad a laissé

    un vide dans la maison bien sûr, mais aussi dans

    chaque école, dans tout nos lieux, ici 103(*) 

    Ainsi, le départ de Naima serait la seule solution pour surmonter ses difficultés, dépasser les frontières des cauchemars qui entourent son pays,et pouvoir recommencer sa vie loin de ces violences.

    De même pour la nouvelle précédente, L'Attentat commence et s'achève par la mort d'un personnage. Ici c'est Mourad ; comme si ce dernier repose loin de ces terreurs tandis que celles de Naima persisteront, tant qu'elle soit toujours dans cette Algérie sanglante.

    II-2-3) ATYKA OU LA FEMME DECOUPEE EN MORCEAUX 

    Nous avons constaté dans les deux nouvelles précédentes l'omniprésence d'une mort absurde et scandaleuse, représentée sous différentes formes. Le thème de la mort ne cesse de revenir dans chaque nouvelle.

    Nous passerons maintenant à l'étude de la nouvelle centrale de ce roman ; il n'est donc pas indifférent que La femme en morceaux se trouve placée au centre du roman et à la fin de la première partie intitulée L'Algérie entre désir et mort.

    Nous verrons une autre forme de la mort qui est celle du corps qui subi la mort d'une façon violente.

    Dans cette nouvelle, Assia Djebar fait appel à un conte des Mille et une nuits qui se confond avec l'histoire d'Atyka.

    En effet, Atyka, enseignante de français, exécutée où moment où « nouvelle Schéhérazade », elle tente d'inventer, avec ses élèves, la réécriture de l'un des contes des Mille et une nuits. Un conte qui se distingue des autres nouvelles par son style, il représente la plus grande partie de l'ouvrage :

     Il constitue dans le livre d'Assia Djebar un

    espace exemplaire de relecture et de réécriture

    littéraires où croiser les langues, et où, par la

    reprise du dispositif narratif du conte, refaire

    les contes avec le passif colonial des Algériens

    ainsi qu'avec la guerre fratricide qui

    aujourd'hui s'en nourrit.104(*) 

    Assia Djebar reprend ici une forme d'interprétation que lui avait offerte la langue adverse et qui lui avait permise de rendre compte du fond culturel arabe. Elle juxtapose donc le récit de La femme en morceaux : « Une nuit à Bagdad [...] Au fond de ce fleuve. Le Tigre, dort un corps de jeune femme. Un corps coupé en morceaux. »105(*)

    Avec celui de Atyka, professeur de français à Alger : « Alger, 1994. Atyka, professeur de français : une langue qu'elle a choisit, qu'elle a plaisir d'enseigner »106(*)

    Ces deux récits, l'un à caractères romains «  récit des nuits », l'autre à caractères italiques « récit des jours » sont écrits au présent et reproduisent l'alternance de la nuit et du jour. Cette écriture au présent est représentée dans le roman comme :

    Une manière pour l'auteure d'actualiser le passé

    comme peut l'expliquer le choix du prénom

    « Atyka » féminin de « Atyk » et qui signifie en

    arabe « ancien » La phrase suivante « C'est

    Atyka, aujourd'hui dans une autre ville arabe »

    peut se lire comme ceci « C'est L'ancien

    aujourd'hui à Alger [...] »107(*)

    En ce sens, Charles Bonn nous explique dans cette citation que pour comprendre ce qui se passe à Alger en quatre vingt quatorze, il suffit de revenir à ce qui se passait il y a de cela douze siècles à Bagdad.

    Nous n'avons pas l'habitude d'avoir des contes écrits au présent, mais c'est une manière pour la romancière de saisir le présent à partir des événements passés et d'en témoigner les effets.

    Nous remarquons que la structure et la chronologie du « récit des nuits »sont perturbées, le conte s'ouvre sur l'histoire de « la femme coupée en morceaux » : « Une nuit à Bagdad [...] Au fond de ce fleuve. Le Tigre, dort un corps de jeune femme. Un corps coupé en morceaux. »108(*)

    Ensuite nous assistons à la promenade du calife :

       Une nuit d'entre les nuits, le calife, son ami

    Djaffar et Massrour le porte-glaive vont errer [...] Trouvent la couffe. Coupent le fil de laine rouge. Déplient le tapis précieux. Entrouvrent le voile de lin blanc à peine taché. Découvrent le corps de la femme. La jeune femme coupée en morceaux.109(*)

    Ce n'est qu'à plusieurs pages que la romancière évoque l'histoire de la femme coupée en morceaux :

    Un couple heureux, ils sont jeunes, tous les deux. Le mari est amoureux. De condition aisée [...] la jeune épousée est mariée depuis six ans, peut être sept. Elle a accouché trois fois [...] Emporté par ma fureur jalouse, je plongeais le coteau dans la gorge de celle que je crus infidèle.110(*) 

    Quant au « récit des jours », lui, se soumit à une chronologie car l'auteure a indiqué la progression des cinq cours : c'est la fin du deuxième cours »111(*) « c'est la fin de la troisième leçon ».112(*)

    Atyka, juste avant de finir son quatrième cours- l'avant dernier- est assassinée par quatre hommes puis décapitée par un cinquième : « Ils sont rentrés, cinq hommes : quatre imposants, en uniformes de gendarmes ou de soldats, et le cinquième, maigrelet, seul à être sans barbe, et sans armes, seulement un couteau ou plutôt un poignard court dans la main. »113(*)

    Nous remarquons le retour du « barbu », qui tue, et qui violente :

    Vous êtes bien Atyka. F, soi-disant un professeur mais qui raconte, parait-il, à ces jeunes gens, des histoires obscènes ?  [...] Allons, allons les poussins, les mauviettes, fermez les yeux ou couchez vous sous les tables [...] Vous n'avez pas besoin de regarder : c'est elle, elle « la professeur » (il dit ce seul mot en français déformé) elle, la condamnée.114(*) 

    Atyka est donc assassinée, sous les yeux de la classe, à cause des histoires qu'elle raconte à ses élèves : « Atyka reçoit debout une balle au coeur »115(*)

    Or, Assia Djebar assigne une voix à Atyka en faisant d'elle une morte revenante : « Pour continuer à présent le travail de la pensée. »116(*)

    « Atyka, tête coupée, nouvelle conteuse, Atyka parle de sa voix ferme. Une mare de sang s'étale sur le bois de la table, autour de sa nuque. Atyka continue le conte. Atyka femme en morceaux. »117(*)

    En ce sens, selon Assia Djebar le cinquième cours a eu lieu et Atyka a poursuit avec sa seule voix « le récit des nuits »:

    Et la voix de la tête coupée récite lentement le texte su par coeur [...] pendant tout ce temps où elle avait raconté, Schéhérazade avait donné au roi trois garçons[... ]La voix de Atyka commence à perdre souffle, comme si les mots, étouffés par le sang qui s'était mis à s'égoutter, à ruisseler sur le bois de la table, se noyaient eux-mêmes118(*)

    L'auteure a restitué la voix à Atyka, tout comme Atyka a restitué la voix à « la femme coupée en morceaux ».

    Cependant, Assia Djebar introduit le personnage d'Omar « le dernier des élèves, le plus jeunes »119(*) parmi les autres à s'être investi en faisant preuve de son courage, car les autres élèves étant terrifiés par l'horreur au quelle ils viennent d'assister, se sont enfuis : « Omar regarde [...] Omar entend. Figé, il regarde, il écoute. »120(*)

    Et c'est Omar qui rapporte la dernière phrase de Atyka ce qui dit la répétition de l`histoire : «  La nuit c'est chacune de nos jours, mille et un jours, ici chez nous, à... »121(*)

    Cette répétition de l'histoire, souvent présente chez l'auteure, est une façon de dénoncer la violence et la terreur, qui se nourrissent du quotidien algérien, des années quatre vingt dix.

    Dénoncer aussi l'injustice, dans l'espoir de changer l'état des esprits qui ont été influencé par l'idéologie terroriste, mais surtout dans l'espoir de laisser une trace de ces héros, qui se sont sacrifiés pour l'avenir de leur pays en dénonçant ses tares. Enfin inscrire la mort dans la mémoire collective et rendre compte de ce qui se passe en cette époque.

    II-3) L'AFFRONTEMENT DE LA FEMME AVEC LE TERRORISME

    Depuis la décennie noire, de plus en plus d'écrivains algériens produisent des oeuvres remarquables. Ils témoignent surtout de la pression de l'Histoire et de la violence à laquelle se trouve confronté le pays. Egalement, le drame de la femme algérienne.

    De son côté, Assia Djebar en pale abondamment. Elle brise le silence longtemps imposé aux femmes à l'égard des interdits culturels et religieux.

    II-3-1) L'IMPORTANCE DE LA VOIX EN TANT QUE MOYEN DE COMBATTRE LA TERREUR EN ALGERIE

    Nous allons étudier, dans ce chapitre, l'importance de la voix comme moteur d'affrontement et d'opposition à l'ennemi.

    II-3-1-1) Voix ressuscitées

    Grâce à l'ensemble de voix ressuscitées, la romancière transcrit les souvenirs des femmes ayant vécu les atrocités, qui ont accompagné la guerre civile, et les multiples contraintes qui rendent leur vie si difficile.

    En effet, Isma, Naima et Atyka font partie de cette catégorie de femmes qui ont refusé de céder au malheur infligé par l'intégrisme. Révoltées, combattantes, elles ont franchi l'obstacle du silence, en défiant les intégristes. Malgré les menaces, elles continuent à se battre contre l'ordre établi et à rêver d'une vie meilleure que celle à laquelle elles étaient soumises.

    Dans La fièvre dans les yeux d'enfant, Isma s'insurge contres les interdits imposés par les intégristes. Elle a pris des risques majeurs sachant qu'elle expose sa vie au danger. Etant donné que la punition, pour ceux qui transgressent comme pour ceux qui s'opposent à leurs opinions, est la mort.

    Or, son désir de s'émanciper l'emporte sur d'autres considérations, donc elle ne peut qu'y faire face : « Je souris en tricotant sur mon banc, les dames en tchador se sont éloignées, l'observateur barbu, barbu et gras, me scrute toujours, peu m'importe »122(*)

    Assia Djebar souligne, dans ce passage, l'attitude de quelques « barbus » qui imposent le tchador aux femmes. Elle insiste sur le mot « barbu » qui incarne le comportement qu'adoptent « les terroristes » sous prétexte religieux.

    En outre, Isma s'indiffère à l'égard de ce « barbu » dans le square. Sa façon de s'habiller représente son désir de la modernité et de la liberté. Elle rejette donc toute politique intégriste, mais cette attitude la mènera à la mort.

    Ensuite, elle va faire manifester la voix des femmes qui ont été maintenues au silence dans son recueil des « dits de femmes berbères ibadites ». Elle les proposera pour un musicien qu'elle a aimé par la suite et décide de le joindre dans son pays. « Ces voies oubliées » renvoient donc à une intertextualité ancrée certes dans la tradition culturelle orale de ces femmes ibadites, mais également transmises grâce au travail du pouvoir colonisateur et par le biais de sa culture écrite »123(*)

    En ce sens, selon la narratrice, ces dits « de femmes ibadites » ont été recueillis et traduits au début du siècle par un ethnologue français, ce qui signifie que ces dits ont été transmis grâce à la langue adverse. Assia Djebar indique ici l'importance d'apprendre la langue de l'autre pour mieux en connaître sa culture.

    Isma explique l'autorité qui régnait dans cette société féminine des ibadites depuis des générations : «  Elles sont cinq prêtresses, disons « prêtresse » mais en fait, se sont des laveuses de morts, des ghassalines. Parmi celles-ci, la plus importante, la plus savante aussi en exégèse coranique, a une autorité religieuse redoutable sur toutes les femmes : le droit de tebria.»124(*)

    Isma s'oppose au silence auquel les femmes sont soumises sous la sujétion de la religion, dans l'Algérie d'aujourd'hui.

    Enfin, Isma offre sa voix à ces femmes réduites au silence, en leur rendant un hommage lorsqu'elle interprète un de ces chants ibadites pour cet ethnologue somalien.

    Or, elle finit par être condamnée à mort à cause de cet amour né des chants berbères. Cette tragédie symbolise le statut de la femme algérienne qui demeure sous les poids des interdits. Ainsi que le destin de toutes celles qui osent braver l'obstacle du silence.

    II-3-1-2) Voix confondues

    Dans L'attentat, Naima retrace les événements de la mort de son époux. Ce dernier étant journaliste condamné à mort par les intégristes d'avoir dénoncé leur barbarie.

    C'est donc son article qu'il a mis en danger et qu'il lui a coûté sa vie. De ce fait, Mourad symbolise tous les écrivains et journalises qui ont franchi le silence, afin de condamner la terreur qui régnait en Algérie : « Autour de Mourad, parmi ses amis et ses camarades de lutte, tant d'hommes sont tombés depuis : deux balles dans la tête pour les uns, lacérés par le couteau dans l'ombre pour les autres, pour de plus malchanceux encore... »125(*)

    En outre, les deux vois de Mourad et de Naima se confondent dans la nouvelle :

     Pourquoi te remets-tu à écrire ainsi à visage découvert ?- Je m'inquiétais au milieu de la nuit. -Laisse-moi donc ! Rétorque-t-il - Et bien quoi, tu mets ainsi en branle ta condamnation à mort, n'est ce pas ?...tu les nargues, bien sûr, tu vas le signer, ton article ?... Comme les autres ! Il fait oui en silence et il pose sur moi un regard soudain triste. 126(*)

    En ce sens, Naima relate l'histoire de Mourad, et rapporte les événements de l'Attentat, qui donne le titre à la nouvelle, ainsi Naima serait la voix porte parole de l'Histoire de son pays.

    Lorsque Mourad meurt, après qu'un jeune terroriste lui ait tiré dessus : « Un jeune homme quinze à seize ans [...] Je vois sa main, elle pointe un révolver [...] il tire une fois, deux fois. »127(*) Naima est vite entourée par de nombreuses femmes ayant vécues le même sort qu'elle : « Elles sont arrivées mes trois soeurs, ma mère, ma belle soeur [...] Les autres pas seulement les amies [...] une quinzaine de femme de tout âge- des jeunes, de moins jeunes, des directrices de collèges et de lycée. »128(*)

    Isma ne se retrouve pas seule après la mort de son époux, mais avec ces autres femmes solidaires qui sont venues pour la soutenir. Les quarante jours de deuil musulman deviennent une expérience partagée par toutes ces femmes, de générations et de milieux différents 

    La solidarité de ces femmes se réconforte par leur seule présence et le son de leur voix, ainsi le souligne Mina Ait Mbarek dans la citation ci-dessous : « La présence de ces femmes rend compte de l'importance d'un échange verbal entre elles entretenant et nourrissant leur voix. »129(*)

    Dans La femme en morceaux, Assia Djebar traite un thème semblable aux précédents : celui de la voix de la résistance et la lutte contre le silence.

    En effet Atyka, née d'une manière symbolique l'année de l'indépendance, refuse la soumission. Révoltée contre celles qui sont conformes aux valeurs anciennes dictées par leur société, décide de faire face au malaise et à la terreur qui l'entourent, en enseignant la langue française « interdite par les intégristes » :«  Un e langue qu'elle a choisi et qu'elle a plaisir d'enseigner. »130(*)

    Atyka est donc condamnée à mort, comme toutes celles qui ont osé transgresser les lois imposées par les intégristes, parce qu'elle racontait à ses élèves des histoires de Schéhérazade considérées, par les intégristes, comme étant subversives : « des histoires obscènes »131(*).

    Atyka voulait conter la dernière des Mille et une nuits, celle ou le sultan accorde « la vie sauve » à Schéhérazade, or elle a été décapitée avant de finir son conte. Cette torture nous renvoie à celles qui ne cessent de sévir en Algérie.

    Atyka devient elle-même femme coupée en morceaux : « Atyka, tête coupée, nouvelle conteuse, Atyka parle de sa voix ferme [...] Atyka femme en morceaux. »132(*)

    En ce sens, Atyka se confond avec la femme coupée en morceaux dans le conte des Mille et une nuits : les deux passages ci-dessous soulignent la grande similarité entre les deux narrations, celle de Schéhérazade et celle d'Assia Djebar : « Djaffar et Massrour brisent la serrure, Trouvent la couffe. Coupent le fil de laine rouge. Déplient le tapis précieux. Entrouvrent le voile de lin blanc à peine taché. Découvrent le corps de la femme. La jeune femme coupée en morceaux. »133(*)

    De la même manière que cette ci, Atyka est enveloppée soigneusement dans un voile de lin à l'intérieur d'une couffe :

    Le corps et la tête d'Atyka dans deux voiles de lin à peine entaché. A peine ensanglanté. Voiles blancs. Les deux voiles, avec leur contenu, mis à l'abri dans deux couffes. Les deux couffes sont emportées. Seront cousues de fil de laine. De laine rouge de bonne qualité. Cousues vigoureusement. Les deux couffes seront placées à l'intérieur d'une caisse de bois d'olivier. Une caisse scellée. Une caisse lourde à la serrure ouvragée. Achetée chez le meilleur artisan de la Casbah [...] Dans la caisse le corps et la tête d'Atyka dormiront. Le corps de la femme coupée en morceaux.134(*)  

    Nous remarquons qu'Assia Djebar s'attarde sur la description du linceul dans lequel est enveloppée Atyka, afin de rendre compte de la violence de la mort en Algérie.

    Cependant, même avec sa tête coupée, les intégristes ne parviennent pas à réduire Atyka au silence. Elle continue à raconter l'histoire jusqu'à sa fin :

    Atyka, tête coupée, nouvelle conteuse, Atyka parle de sa voix ferme. Une mare de sang s'étale sur le bois de la table, au tour de sa nuque. Atyka continue le conte [...] Cinq jour durant nous avons vécu avec Schéhérazade, la sultane, avec le mari qui a avoué son crime, [...] Atyka continue : C'est la fin de la mille et unième nuit que j'aurais voulu relater. Mille et unième qui apporte à la sultane enfin sa délivrance [...] La voix de Atyka commence à perdre souffle. 135(*)

    Ainsi les dernières pages de cette nouvelle insistent sur la question de la voix et son rôle en tant que moyen de résistance : « Le corps, la tête. Mais la voix ? Où s'est réfugiée la voix d'Atyka ? »136(*)

    Enfin, ces trois nouvelles témoignent de la résistance de ces femmes algériennes dans de différentes situations, où le fait de parler, de rêver ou de vouloir s'émanciper entraîne la mort.

    Cependant, malgré ce prix à payer, ces femmes, courageuses, refusent de déposer leurs armes, et insistent sur la nécessité de faire face à ces ennemis qui les veulent soumises.

    CONCLUSION

    L'oeuvre d'Assia Djebar a été l'objet de multiples travaux de recherches, dont certains se sont intéressés à l'aspect autobiographique de ses romans, alors que d'autres ont étudié l'image de la femme.

    A travers notre mémoire, nous avons modestement tenté d'analyser cette image de la femme, dans son oeuvre Oran, langue morte.

    En somme, l'étude que nous avons menée, nous a révélé l'importance qu'à donnée la romancière pour la condition de la femme. Son besoin d'écrire, comme répondant à une nécessité de lutte contre le silence imposé aux femmes. Mais surtout contre la mort. Ainsi, elle le souligne dans une conférence qu'elle a animé, à Alger, en octobre quatre vingt cinq : « J'écris contre la mort, j'écris contre l'oubli, j'écris dans l'espoir (dérisoire) de laisser une trace, une ombre, une griffure sur un sable mouvant [...] j'écris parce que l'enfermement des femmes dans sa nouvelle manière 1980(ou 90 ou 2000) est une mort lente. »

    Elle manifeste, dans cette écriture, un espoir ; celui de sortir de cet enfermement, celui de condamner la terreur qui règne, en Algérie. Mais aussi, celui de surmonter la situation difficile des femmes. Durant la décennie noire.

    En écrivant Oran, langue morte, la romancière continue sa quête, à travers le regard de ses personnages, en soulevant les divers problèmes que doivent affronter les femmes, pour faire face à la violence du terrorisme intégriste.

    En effet, la romancière met en évidence l'Histoire et la mémoire collectives, pour tenter de comprendre cette violence que subie les femmes, que l'on veut opprimer.

    Ce recueil de nouvelles est conçu comme un témoignage historique, à la manière d'un journal intime, où les femmes franchent le seuil du silence, relatant leurs rêves brisés, ainsi que leur soif d'amour rarement comblée.

    De ce fait, l'oeuvre d'Assia Djebar révèle son intérêt pour la question de l'émancipation de la femme. Témoignage direct sur la société algérienne, durant la décennie du terrorisme, qui représente un moment douloureux dans l'Histoire de l'Algérie.

    Notre interprétation des trois textes que nous avons traités ; La fièvre dans des yeux d'enfant, L'Attentat et La femme en morceaux, s'est proposée de souligner la violence des intégristes à l'égard des femmes. Notons que, dans chaque texte, une femme sert de symbole de l'Algérie. Ainsi, nous avons vu que, dans les trois cas, les femmes évoquées sont confrontées aux mêmes obstacles : égorgement, attentas à la bombe etc.

    Notre but fut, avant tout, de relever un certain nombre de caractéristiques internes des textes choisis, qui pourraient être la base d'une étude de la violence que subie les femmes.

    En ce sens, l'analyse de ces nouvelles a révélé que la mort, qui engouffre ces femmes, se manifeste à chaque fois qu'une d'entre elles essaye de s'émanciper, de prendre la parole, ou même de sortir sans voile. Le sort serait alors le même.

    Or, le résultat de cette analyse semble donner une grande importance à la voix, ainsi qu'à la nécessité de prendre la relève contre le terrorisme, et de continuer la lutte malgré les risques.

    En outre, une des différences que nous avons pu relever dans les trois nouvelles traitées, semble être celle de la structure de la troisième nouvelle La femme en morceaux, dans laquelle Assia Djebar a mis en abîme son texte avec celui de Schéhérazade, la conteuse des Mille et une nuits. Ce retour aux sources de l'oralité, serait un autre exemple de la lutte contre l'oubli et la mort. Ceci dit, que les deux autres textes sont soumis à un même mode d'écriture ; celui d'une seule voix qui se propose à dévoiler les multiples injustices qui enveloppent l'histoire de la femme algérienne, depuis des générations. Par conséquent, celle de l'Algérie.

    De ce fait, nous avons tenté, dans la première partie de notre mémoire, de mettre en évidence l'étude titrologique et son importance pour l'analyse du récit. Ensuite, nous avons vu quelques approches spatio temporelles en vue de situer le récit, afin de pouvoir expliquer comment la fiction reflète la réalité. Pour cela, nous nous sommes concentré sur des thèmes liés à la société algérienne, qui sont abordés dans l'oeuvre, car pour mieux comprendre le message qu'Assia Djebar veut communiquer par son écriture, il faudrait prendre en considération le contexte socioculturel, politique et religieux de l'Algérie, pendant cette période, qui a influencé la place de la femme dans la société. En ce sens, l'étude du statut des personnages s'est également avérée intéressante, ainsi que la violence qui résulte des différents conflits vécus, en franchissant les obstacles. En particulier, nous avons essayé d'analyser, avec l'évolution des personnages, la manière dont la situation de la femme, pendant la crise algérienne des années quatre vingt dix, est représentée.

    Dans la deuxième partie de notre mémoire, il a été question de l'étude de l'impact du terrorisme sur la femme algérienne. Nous avons vu sa posture face la violence qui s'abat sur elle, ainsi que la représentation de la mort, qui se profile sous différentes façons, dans les trois nouvelles. Nous avons clôturé cette deuxième partie avec l'affrontement de la femme avec le terrorisme. En ce sens, nous avons essayé d'étudier l'importance de la voix en tant que moyen de résistance et de lutte contre la barbarie intégriste.

    En guise de conclusion, nous pourrions dire que le langage littéraire d'Assia Djebar a su rendre la voix aux femmes, une voix qui pourrait se faire entendre, une voix de la résistance qui a été au coeur des combats féminins, de tous les temps et de toutes les sociétés.

    Or, malgré les recherches que nous avons effectuées et les réflexions que nous avons portées sur son oeuvre Oran, langue morte, il reste qu'elles sont encore loin de répondre à toutes les questions relatives à la lecture du texte Djebarien. Pour cela, il serait intéressant de prendre le recueil dans sa totalité. Ainsi, nous pourrions accéder à d'autres pistes de recherches, afin de pouvoir répondre à d'autres problématiques qui ne cessent d'être posées, dans l'ensemble de l'oeuvre de cette grande figure de la littérature algérienne.

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    I) CORPUS D'ETUDE

    DJEBAR. Assia, ORAN, LANGUE MORTE, Paris, Actes Sud, 2001

    II) OEUVRES THEORIQUES

    1-ACHOUR.Christiane, BEKKAT. Amina, CLEFS POUR LA LECTURE DES RECITS, Blida, Tell, 2002.

    2-BONN.Charles, BOUALIT. Farida, PAYSAGES LITTERAIRES ALGERIENS DES ANNEES 90 : TEMOIGNER D'UNE TRAGEDIE ? , Paris, L'Harmattan, 1999.

    3-BONN.Charles. REDOUANE. Najib, BENAYOUN SZMIDT. Yvette, ALGERIE, NOUVELLES ECRITURES, Paris, L'Harmattan, 2002.

    4- BOURNEUF. Roland, OUELLET. Réal, L'UNIVERS DU ROMAN, Paris, Presses Universitaires de France, 1972.

    5-GRUBER. Mireille Calle, ASSIA DJEBAR OU LA RESISTANCE DE L'ECRITURE, Maisonneuve et La rose, Paris, 2001.

    6-GRUBER. Mireille Calle, ASSIA DJEBAR, NOMADE ENTRE LES MURS, Paris, Maisonneuve et La rose, 2005.

    7-MOKHTARI. Rachid, LA GRAPHIE DE L'HORREUR. SL, Chihab, 2002.

    8-REUTER. Daniel, INTRODICTION A L'ANALYSE DU ROMAN ? Paris, Dunod, 1996.

    III) BIBLIO WEB

    www.assiadjebar.net

    www.limag.com

    www.persee.fr

    * 1 Charles Bonn, Farida Bouali, Paysages littéraires algériens des années 90: Témoignage d'une tragédie ? Paris, Éd L'Harmattan, 1999, p 7

    * 2 Assia Djebar, Oran, langue morte, Paris, éd Actes Sud, 2001, p 377

    * 3 Idem, p 377

    * 4Mireille Calle Gruber, Assia Djebar ou la résistance de l'écriture, Paris, éd Maison neuve, LAROSE, 2001, p 136

    * 5 C.Achour, A.Bekkat, Clefs pour la lecture des récits. Blida, Ed, Tell, 2002, p 71

    * 6 In C.Achour, A.Bekkat in, Clefs pour la lecture des récits, Op.cit, p 72

    * 7 Mireille Calle Gruber, Assia Djebar ou la résistance de l'écriture, Op.cit, p 135

    * 8 Assia Djebar, Oran, Langue morte, Op.cit, p 48

    * 9 In C.Achour, A.Bekkat, Clefs pour la lecture des récits. Blida, Ed. Tell, 2002, p 74

    * 10 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman, Bruxelles, Deboeck-Du Culot, 1988, p 103

    * 11 Idem, p 103

    * 12 Assia Djebar, Oran, Langue morte, Op.cit, pp 71-75

    * 13 Idem, p 139

    * 14 Idem, p167

    * 15 Idem, p76

    * 16 Ibidem, p 76

    * 17 Idem, p 211

    * 18 Idem, 1 104

    * 19 Idem, p 186

    * 20 Idem, p 79

    * 21 Idem, p 99

    * 22 Idem, p180

    * 23 Idem, pp180, 189, 207

    * 24 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman, Op.cit, p 89

    * 25 C.Achour, A.Bekkat, Clefs pour la lecture des récits, Op.cit, p 50

    * 26 Assia Djebar, Oran, Langue morte, Op.cit, p105

    * 27 Idem, p 72

    * 28 Idem, p 77

    * 29Idem, p 78

    * 30 Idem, p 85

    * 31 Idem, p 143

    * 32 Idem, p 78

    * 33 Ch.Bonn, Nadjib Redouane, Yvette Bénayoun-Szimidt, Algérie, nouvelles écritures, SL, L'Harmattan, 2001, p 209

    * 34 Assia Djebar, Oran, Langue morte, Op.cit, p 121

    * 35 Idem, p 186

    * 36 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman, Op.cit, p 96

    * 37 Y. Reuter, Introduction à l'analyse du roman, Paris, éd. Dunod, 1996, p 51

    * 38 R.Bourneuf, R.Ouellet, L'univers du roman, Paris, éd. Presses Universitaires de France, 1972, p 142

    * 39 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 78

    * 40 Idem, p 79

    * 41 C.Achour, A.Bekkat, Clefs pour la lecture des récits, Op.cit, p 46

    * 42 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, pp 95-96

    * 43 Idem, p 139

    * 44 Idem, p 141

    * 45 Idem, p 146

    * 46 Idem, p 152

    * 47 Idem, p 143

    * 48 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 145

    * 49 Idem, p 113

    * 50 Idem, p 75

    * 51 Idem, p 106

    * 52 Idem, p 167

    * 53 Idem, p 190

    * 54 Idem, p 207

    * 55 Idem, p 211

    * 56 Idem, p 72

    * 57 Idem, p 77

    * 58 Idem, p 88

    * 59 Idem, p 98

    * 60 Idem, pp 141.142

    * 61 Y.Reuter, Introduction à l'analyse du roman, Paris, éd Dunod, 1996, p 24

    * 62 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 168

    * 63 Idem, p 198

    * 64 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman, Op.cit, p 53

    * 65 Y.Reuter, Introduction à l'analyse du roman. Op.cit, p 61

    * 66 C.Achour, A.Bekkat, Clefs pour la lecture des récits. Op.cit, p 61

    * 67 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 143

    * 68 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman, Op.cit, p 35

    * 69 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 80

    * 70 Idem, p 73

    * 71 Idem, pp 159-160

    * 72 Idem, p 104

    * 73 Idem, p 111

    * 74 Idem, p 159

    * 75 Idem, p 77

    * 76 Idem, p 75

    * 77 Idem, pp 148-149

    * 78 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman. Op.cit, p33

    * 79 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 163

    * 80 Idem, 167

    * 81 Idem, p 168

    * 82 Rachid, Mokhtari, La graphie de l'horreur, SL, éd, Ed, Chihab, 2002, p 17

    * 83 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 71

    * 84 Idem, p 75

    * 85 Idem, p 72

    * 86 Idem, p 73

    * 87 Idem, p 74

    * 88 Idem, p 130

    * 89 Idem, p 134

    * 90 Idem, p 134

    * 91 Idem, p 134

    * 92 Idem, p 138

    * 93 Idem, p 139

    * 94 Idem, p 140

    * 95 Idem, p 144

    * 96 Idem, p 144

    * 97 Idem, p 141

    * 98 Idem, p 160

    * 99 Idem, p 158

    * 100 Idem, p 158

    * 101 Idem, pp 158-159

    * 102 Idem, p 159

    * 103 Idem, p 161

    * 104 M.C.Gruber, Assia Djebar ou la résistance de l'écriture, Paris, éd, Maisonneuve, 2001, p 139

    * 105 Assia, Djebar, Oran, langue morte. Op.cit, p 163

    * 106 Idem, p 167

    * 107 Ch. Bonn, F. Boualit, Paysages littéraires algériens des années 90 : Témoigner d'une tragédie ? Op.cit, p 65

    * 108 Assia, Djebar, Oran, langue morte. Op.cit, p 163

    * 109 Idem, pp 165-166

    * 110 Idem, p 190

    * 111 Idem, p 180

    * 112 Idem, p 189

    * 113 Idem, p 207

    * 114 Idem, p 209

    * 115 Idem, p 210

    * 116 M.C.Gruber, Assia Djebar ou la résistance de l'écriture. Op.cit, p 144

    * 117 Assia, Djebar, Oran, langue morte. Op.cit, p 211

    * 118 Idem, pp 212-213

    * 119 Idem, p 210

    * 120 Idem, p 211

    * 121 Idem, p 213

    * 122 Idem, p 74

    * 123 C.Bonn, N.Redouane, Y.Bénayoun, Algérie, nouvelles écritures, Paris, éd, L'Harmattan, 2002, p 212

    * 124 Assia, Djebar, Oran, langue morte. Op.cit, p 93

    * 125 Idem, p 144

    * 126 Idem, pp 143-145

    * 127 Idem, pp 147-148

    * 128 Idem, pp 151-154

    * 129 C.Bonn, N.Redouane, Y.Bénayoun, SL, Algérie, nouvelles écritures. Op.cit, p 214

    * 130 Assia, Djebar, Oran, langue morte. Op.cit, p 167

    * 131 Idem, p 209

    * 132 Idem, p 212

    * 133 Idem, p 166

    * 134 Idem, pp 213- 214

    * 135 Idem, pp 212-213

    * 136 Idem, p 214






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams