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Etude de la condition de la femme face à  la violence du terrorisme intégriste dans le recueil de nouvelles « Oran, langue morte » d'Assia DJEBAR

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par Lamia AKERMOUN
Université Saad Dahleb de Blida - Licence de français 2010
  

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II-1-2) LE NIVEAU DE LA NARRATION

Le mode dominant dans notre corpus d'analyse est le mode intradiégétique c'est-à-dire que le narrateur est mêlé à l'action et ne dissimule pas les signes de sa présence : « il raconte l'histoire selon son point de vue. C'est le narrateur agent ou narrateur protagoniste. Il parle de lui à la première personne. Nous connaissons donc immédiatement, et sans erreur possible, son identité. » 68(*)

A travers les deux premières nouvelles La fièvre dans les yeux d'enfant et L'Attentat ce sont les narratrices Isma et Naima qui tissent le fil conducteur de l'histoire. Elles sont au même temps sujets et objets de leur récit. C'est avec elles que l'on vit les événements racontés, que l'on découvre les personnages au fur et à mesure : « Il se présenta, me salua : à ses premières phrases, sous mon visage impassible, une fascination m'avait saisie. Comment te le dire Nawal (je te l'écris c'est vrai et tu ne peux pas t'esclaffer !), une attention aigue me vrilla. »69(*) 

Isma et Naima prennent plus d'importance puisqu'elles se chargent de la narration sur la quasi-totalité de l'oeuvre : nous assistons donc à deux personnages qui se révèlent, racontent leurs vies, leurs déchirement et nous font part de leurs sentiments et de leurs réflexions. La focalisation est donc interne : « A mon tour, vais-je avoir peur, [...] je me sens rapetissée [...] je me mue en passante anonyme [...] qui me reconnaîtra ? [...] j'avance, je suis vivante, ma joie muselée en dedans de moi et tranquille je défie qui au - dehors, quel meurtrier ? » 70(*)

Ce sont là les propos d'Isma qui tente de surmonter la désespoir qui l'envahit, en se déguisant pour se protéger de la mort.

De même pour Naima, saisie par la peur et l'insécurité, révèle : « J'ai éclaté en pleurs, j'ai eu honte [...] j'ai expliqué devant tous, tous ces jeunes autour de moi, leur silence puis l'émotion [...] je suis rentrée, ce jour là, à la maison effondrée, émiettée [...] les jours suivants, il me fut impossible d'aller à l'école. »71(*)

En outre, Isma et Naima assument, en plus la fonction d'organisation du récit, celle de narratrices omniscientes et omniprésentes de façon dominante, parfois commentatrices des événements : « j'allais à la seconde manifestation des femmes : une véritable kermesse sous le soleil, nous chantions dans ce soleil de novembre. Cette fois pas seulement les femmes, mais des intellectuels, des étudiants, des familles avec enfants. »72(*)

A chaque fois, elles nous font découvrir la personnalité, le rôle et le métier d'un personnage : « cet homme qui me troublait tant [...] oui cet étranger, plus jamais étranger, se prénommait « Omar »73(*) ou alors «  Mourad était le meilleur professeur de français dans le pays, beaucoup l'ont affirmé à sa mort ! »74(*)

On remarque qu'à travers le récit alterné de ces deux narratrices, le « Je » est souvent présent car c'est là une façon de se couler dans l'intimité de l'être et par là même aller au plus profond de son âme :

Je revivrai ma fièvre dans cette ville gelée. J'ai mis un disque d'Archie Shepp en sourdine, et bientôt le saxo ténor prend de l'ampleur, de la gravité en moi. J'écris : pourquoi, quelle importance- un jour, ils me reconnaîtront [...] ils m'abbateront le lendemain quand je sortirai. 75(*)

Les confidences de ces narratrices ne cessent de se croiser sous les embrayeur « il » et « elle » afin de construire la texture de ce récit en racontant la mort de leur proches.

Isma dira à propos de son amie : «  elle serait patiente, elle souriait, elle attendrait devant mes soudains silences, elle...je parle d'elle au conditionnel déjà : il y a six mois, son corps a été déchiqueté par une bombe placée dans sa voiture.»76(*)

De même pour Naima, en ce qui concerne la mort de son mari, elle dira : «  ils m'ont raté, ils l'ont tué [...] il est couché sur le coté, le journal tombé sur sa tête, masquant un peu de son profile ! Un petit filet noirâtre coule de son front »77(*)

Cependant et exceptionnellement dans la dernière nouvelle de notre corpus d'analyse, La femme en morceaux qui  se singularise par son style d'écriture, c'est la romancière qui prend en charge le récit, et le met en abîme avec un conte des Mille et une nuits. Elle le domine par son omniprésence et son omniscience. Dans ce cas le mode narratif dominant est le mode extradiégitique : c'est-à-dire que le narrateur est externe à la fiction : « Il domine histoire et personnages. Sa connaissance de l'une et des autres est illimitée et omnisciente. Tel un dieu. Il « sonde les reins et les coeurs » de créatures qui n'ont pas de secrets pour lui. »78(*)

En ce sens, le narrateur révèle aux lecteurs tous les secrets des personnages, et que les autres ignorent.

C'est le cas d'Assia Djebar dans La femme en morceaux. Dès l'incipit, elle nous renvoie à Bagdad pour nous faire revivre le passé, à travers le conte de Schéhérazade : « Une nuit à bagdad. Au fond, tout au fond du cours large, légèrement en pente de fleuve, un endroit entre la ville et le palais. Là, au fond de ce fleuve, le Tigre, dort un corps de jeune femme. Un corps coupé en morceaux. »79(*)

Cette écriture permet, selon la romancière, d'éviter l'enfermement et l'exclusion et d'enraciner la langue de l'autre dans l'oralité des femmes. Ainsi, Atyka choisira la langue française pour s'émanciper :

Alger 1994, Atyka, professeur de français : une langue qu'elle a choisie, qu'elle a le plaisir d'enseigner. Pas comme autrefois son père et sa mère qui, à l'école coloniale, n'ont pu faire des études qu'en français, alors que le premier parlait berbère et la seconde arabe...Atyka née l'année même de l'indépendance, choisit, à vingt ans de faire sa licence en français. 80(*)

Atyka retourne aux sources de l'oralité  en étudiant le conte des Mille et une nuits avec ses élèves. Sa voix qui raconte le récit de la jeune femme coupée en morceaux se confondra avec celle de Schéhérazade.

Cette manière de retourner à ces contes représente une tentative de retrouver ce qui a été perdu, de faire entendre les voix qui ont été pour longtemps condamnées au silence. Cette tendance de Atyka pour la langue française incarne celle de l'auteure qui se sert de cette langue pour libérer les voix de ces femmes. Selon elle, le langue française constitue une évasion dans tous les espaces, comme elle le souligne à travers les propos de son personnage : «  je serai professeur de français ; mais vous verrez, avec des élèves vraiment bilingues, le français me servira pour aller et venir, dans tous les espaces, autant que dans plusieurs langues. »81(*)

* 68 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman, Op.cit, p 35

* 69 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 80

* 70 Idem, p 73

* 71 Idem, pp 159-160

* 72 Idem, p 104

* 73 Idem, p 111

* 74 Idem, p 159

* 75 Idem, p 77

* 76 Idem, p 75

* 77 Idem, pp 148-149

* 78 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman. Op.cit, p33

* 79 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 163

* 80 Idem, 167

* 81 Idem, p 168

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