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Apéritif et sociabilité. Etude de la consommation ritualisée et traditionnelle de l'alcool

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par Anaà¯s Gayot
Université d'Aix-en-Provence - Master 1 d'anthropologie sociale et culturelle 2007
  

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B - L'évolution des moeurs de table : du Moyen Âge à aujourd'hui

Savoir se tenir à table, connaître les codes et les règles sont des comportements assimilés au fur et à mesure du temps, dans un objectif précis. Manger sur une table, se servir d'une fourchette et d'un couteau, boire dans un verre ou encore manger dans une assiette individuelle, sont des comportements acquis. Je m'appuierai essentiellement sur l'ouvrage de Norbert Élias, La civilisation des moeurs60(*), pour comprendre quelle idéologie est à l'origine de ce processus de changements des moeurs de table. Il y énonce des préceptes datant du XIIIe siècle et les analyse, dans un chapitre intitulé « Comment se tenir à table ».

a- Le début d'une révolution des principes de table

Trois termes, explique Norbert Élias, marquent trois étapes d'une évolution sociale : la "courtoisie", la "civilité" et la "civilisation".

C'est au Moyen Âge que l'on se préoccupe des façons de se tenir à table, en particulier au moment de la chevalerie féodale. À cette période, on mange avec les mains, la serviette de table n'est pas d'usage et le pain la remplace, les convives ont un verre pour deux, on mange dans un plat commun, etc. De nombreux changements se mettent doucement en place pour accéder à ce que Norbert Élias appelle la "civilisation des moeurs". Entre les XIIe et XVe siècles, on tente de codifier les manières de se tenir à table, à l'aide de guides de savoir-vivre. Souvent établis par les membres du clergé ou des poètes, ils demandent aux "enfants" d'adopter des attitudes respectables. On parle alors de "courtoisie". Apprendre à se contenir, créer un véritable art des convenances sociales orientent le comportement de l'homme en société. Selon Michel Faucheux, ces nouvelles manières tendent à renforcer le lien social par un idéal de partage de règles dites "civilisatrices"61(*). Un manuel de savoir-vivre du XVe siècle indique : "Enfant, se tu faiz en ton verre / Souppes de vin aucunement / Boy tout le vin entierement / Ou autrement le gecte à terre"62(*). L'exemple de ce vers est explicite. Respecter les règles d'hygiène était préférable, quand on sait que, lors d'un repas, deux personnes buvaient dans un même verre. Norbert Élias tente de nous montrer, dans son ouvrage, qu'au fil des années et des siècles, les indications se perfectionnent. Au Moyen Âge, par exemple, on préfère boire d'un trait. En revanche, à la Renaissance, on s'applique à boire de petites gorgées.

b- Standardiser les modes de vie et "civiliser" le peuple

La modification des moeurs de cour s'opère à travers les siècles, elle fait naître le sentiment de ce qui est honteux et dégoûtant. Elle privilégie alors le "raffinement". Être digne de la classe à laquelle on appartient nécessite la soumission à des règles de "civilité". Ces manières, d'abord associées aux classes supérieures de la société cherchant à se distinguer des autres classes, sont transmises, "médiatisées" par des manuels de savoir-vivre. Elles sont destinées a priori à l'aristocratie provinciale, désireuse de suivre les dernières modes de la cour. Suite à la Révolution, les bourgeois s'enrichissent et accèdent à un niveau social plus élevé. Ces mêmes manuels vont alors leur permettre d'imiter l'élite à laquelle ils s'identifient.

On assiste à une transformation rapide des manières de table entre le XVIe et XVIIIe siècle. Les "contraintes sociales s'exercent sur les convives visant à des normes nouvelles en matière de savoir-vivre et de tenue à table"63(*). Suivre ces normes, c'est respecter son rang, c'est être des gens "civilisés". Contrairement à l'aristocratie, la classe bourgeoise, à une époque des "lumières" où l'on souhaite réduire les inégalités sociales, veillera à standardiser les modes de vie. Aussi, les milieux ecclésiastiques contribuent avec d'autres, à vulgariser les usages de la cour, afin de "civiliser" le peuple. Dans une société non laïque, l'Église se donne la responsabilité d'éduquer les couches inférieures. Elle trouve dans ces "modèles", l'expression de ses valeurs : la normalisation et la réglementation des comportements, la maîtrise des affects, la discipline modérée sont propres à la morale chrétienne. C'est ainsi qu'à la fin du XVIIIe siècle, comme le rappelle Norbert Élias, les manières de table et le savoir-vivre sont acquises par les classes dirigeantes. Elles sont en train de se généraliser à la société tout entière, bientôt "civilisée".

Jean-Nicholas Deumeunier qui récapitule, à la fin du XVIIIe siècle, le savoir anthropologique de son temps, nous explique succinctement en quoi consiste les solennités accompagnant le repas : "Quelques unes sont relatives à la propreté, on en institua d'autres pour entretenir l'esprit des sociétés et se donner mutuellement des marques d'amitié"64(*). Contrairement à Norbert Élias, l'auteur apporte une explication concrète aux "cérémonies" de table. L'importance de l'hygiène dans un premier temps, les manifestations de considération qu'implique une société digne dans un second temps.

* 60 _ ÉLIAS, Norbert. 1973. La civilisation des moeurs. Paris : Calmann-Lévy. Chap. IV : « Comment se tenir à table ».

* 61 _ FAUCHEUX, Michel. 1997. Fêtes de table. Paris : Félin, p.84.

* 62 _ Cité par ÉLIAS, Norbert. 1973. Ibid., p. 191.

* 63 _ ÉLIAS, Norbert. 1973. Op. Cit., p. 228.

* 64 _ DEUMEUNIER, Jean-Nicholas. 1988. L'esprit des usages et des coutumes des différents peuples, tome 1, préface de Jean Pouillon. Paris : Jean Michel Place, p. 22.

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