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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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3. La question du terme « polynésien »

La Nouvelle-Calédonie serait un archipel appartenant à priori à l'ensemble « mélanésien ». Même si le découpage reste artificiel puisqu'il a été préconisé pour la première fois par le navigateur français J. DUMONT D'URVILLE le 5 janvier 1832 lors d'une séance de lecture de ses mémoires de voyage, il a le mérite, d'être encore un outil pratique de référence ethno-géographique et anthropologique pour désigner les habitants des îles insulaires27(*).

Cependant, ce découpage a ses limites. Déjà à cette époque, il ne faisait pas l'unanimité dans le cercle des premiers découvreurs28(*). Par exemple, pour distinguer « le Polynésien » des autres « Océaniens », Grégoire Louis DOMENY DE RIENZY, un des premiers navigateurs qui a sillonné la région, affirmait que ces populations avaient la particularité d'être régies par des interdits  religieux, des «  tabous »29(*). Nous savons aujourd'hui que le « tabou » est présent dans toutes les sociétés traditionnelles de l'Océanie insulaire et que cette particularité n'est pas propre aux « Polynésiens », ni même aux « Océaniens »d'ailleurs d'une manière générale.

Ainsi, le découpage susdit répartit les populations « océaniennes insulaires » en trois grands groupes distincts : la Mélanésie à l'ouest, la Polynésie à l'est et la Micronésie plus au nord. Or, cette répartition « d'urvillienne » n'a aucun fondement scientifique mais semble provenir d'une appréciation empirique de l'indigène  et de son environnement : sa couleur de peau, sa description physique, physiologique et notamment ses moeurs.

« La Mélanésie » regrouperait ainsi selon Dumont D'Urville, les populations à peau noire : « mélanos, mélas » du mot grec signifiant « noir » et le suffixe « nésos » signifiant « île » ; « Polynésie » venant du mot grec : «  polus » signifiant  «  nombreux ». Ces archipels regrouperaient les populations de plus grandes tailles à peau claire. Elle s'étendrait de l'Iles Pâques, près des côtes sud américaines, aux Iles Hawaï au nord et la Nouvelle-Zélande au Sud qui formerait ce qu'on appelle communément le « triangle polynésien ». La Micronésie, « micros » signifiant « petit », cet espace regroupe les populations pro- asiatiques éparpillées dans les îlots. Serge Tcherkézoff, un des anthropologues français contemporain spécialiste des sociétés polynésiennes, a abordé cette problématique. Il confirme que : 

« Le découpage actuel de l'Océanie résulte d'une théorie raciste des couleurs de peau, élaborée en France au début du XIXème siècle et préparée par des siècles d'interrogations européennes sur la présence des « Nègres du Pacifique ». C'est aussi l'histoire d'un regard européen-masculin qui admira bien plus les femmes polynésiennes que les femmes des îles noires 30(*)».

Cela explique, sans doute, pourquoi « le Polynésien » a toujours été considéré par les Européens depuis les premières découvertes comme « une race » un peu plus supérieure aux Mélanésiens. Cette hiérarchie raciale aura fait basculer l'histoire de nos contrées dans la mesure où les Océaniens en général se sont différenciés et distingués à la mesure des lignes de démarcation imaginées par les scientifiques de l'époque, ou imposées tout bonnement par les administrations coloniales. La considération inégale que les Européens portaient sur les Océaniens a fait émerger des rivalités qui n'existaient pas forcément avant et de la concurrence entre eux.

Or, l'avancée des recherches scientifiques sur ces populations a démontré que cette classification « d'urvillesque » n'avait aucune valeur génétique, ni même linguistique (cf. les cas de Fiji31(*) et celui des langues « futuniques » au Vanuatu et aux îles Salomon) et encore moins culturelle. Aussi, la frontière géographique entre ces trois entités reste discutable et floue. Il est vrai qu'à cette époque, il fallait trouver un nom à ce qui était nouveau, et ranger les découvertes du nouveau monde dans des classifications ethnologiques et scientifiques.

Par contre, au XVIIIème siècle les Anglais ont longtemps nié l'existence des Aborigènes en considérant le continent australien comme une « terra niullus »32(*) c'est-à-dire comme un continent vierge de tout être humain. Ce qui laisse imaginer les rapports exécrables entre les européens et les Aborigènes inconsidérés.

Fig. 2 Homme de Tanna de type polynésien Fig. 3 Maori d'Aotearoa

Fig.4Tubau chef Tongien à l'arrivée de J.Cook Fig. 5 Homme de Salomon de type polynésien.

Carte2- Le triangle polynésien

Nous prétendons qu'avant l'arrivée des Européens, les concepts de « Polynésiens » ou de « Mélanésiens » tels que les Européens les percevaient et tels que nous les percevons aujourd'hui, n'existaient pas en tant que tels. L'altérité propre aux Océaniens anciens se résume aux rapports entre les êtres, dans leur appartenance clanique ou d'un lieu dit, dans leur origine familiale et généalogique et de leur lien avec les esprits et les pouvoirs « surnaturels », au-delà des aptitudes et des compétences que chacun peut avoir. Pour confirmer cette hypothèse, nous consacrons un chapitre entier sur « l'altérité » au sein de ces sociétés dites « traditionnelles ». Cependant, la typologie faite pour distinguer les « Polynésien » des « Mélanésien » doit être prise en compte dans ce travail de recherche, et ces mêmes termes seront réutilisés pour des raisons de compréhension. Cette présence  « Polynésienne »  au début du XIXème siècle remarquée par les premiers explorateurs est la preuve de l'existence de «  réseaux d'échanges traditionnels » entre différents groupes relativement homogènes. Ces migrations successives et constantes dans ces régions maritimes constituent en fait, une des caractéristiques de ces sociétés dites «traditionnelles ».

Enfin, marcher sur les traces « polynésiennes » en Nouvelle Calédonie nous permettra, d'une part, de consulter d'une manière critique les premiers témoignages des Européens qui ont évoqué dans leurs écrits le groupe humain en question. D'autre part, nous tenterons d'extirper des traditions orales33(*) tout ce qui est en rapport avec ces populations venues de l'Est. Les références linguistiques propres  aux « Polynésiens »  nous seront utiles pour confirmer les influences possibles de ces derniers dans l'archipel calédonien. L'apport des théories anthropologiques nous sera précieux pour argumenter l'interprétation des faits historiques, et peut-être confirmer nos hypothèses de départ. Ne disposant que de très peu de temps et de moyens pour effectuer une recherche approfondie en archives, à l'aide de sources de première main ou d'enquêtes de terrain , nous nous limiterons dans les chapitres qui suivront aux ouvrages d'historiens et de chercheurs en sciences sociales notamment en archéologie ayant contribué à la connaissance du Pacifique Sud essentiellement.

* 27 Les premiers anthropologues comme Marcel Mauss par exemple ont élaboré leurs théories sur des études ethnologiques comparatives et en autres entre les Polynésiens et lesMmélanésiens. Son oeuvre : Sociologie et anthropologie, Puf, 1950, 485p.

* 28 Cité par Grégoire Louis DOMENY DE RIENZY dans : « Océanie, ou cinquième partie du monde », publié par Firmin Didot frères, 1836, 634p, p12. Selon ce scientifique navigateur, ami de DUMONT D'URVILLE, ce dernier aurait officialisé cette répartition géo anthropologique lors d'une séance d'une lecture de mémoire de ses voyages dans le Pacifique le 5 janvier 1832, et ainsi rejeté la proposition de répartition proposé un an auparavant par G.L.DOMENY DE RIENZY. Notons par ailleurs que les discussions entre nos deux compères concernaient notamment l'ensemble Polynésie, Mélanésie et Micronésie. Selon nous, la présence de sociétés dites polynésiennes (des outliers polynésiens) dans les régions reculées de la Mélanésie et de la Micronésie-perçues et présentées comme homogènes- a semble t-il perturbé l'esprit cartésien de premiers navigateurs européens dans ces contrées et a donné suite à des controverses sur sa répartition.

* 29 Op.cité p12 : l'auteur propose de remplacer : «  Polynésie » par « Pléthonésie taboué » c'est-à-dire multiples d'îles consacrées par le tabou.

* 30 Serge TCHERKEZOFF, Polynésie/Mélanésie, Au vent des îles, 2007, 375p. P33 en citant Marcel Mauss grand anthropologue français qui dans son cours universitaire considérait les Polynésiens plus évolués que les Mélanésiens, ces derniers plus évolués que les australiens qui serait selon cet auteur la race « arriérée ».

* 31 Est-ce que les Fidjiens sont Polynésiens ou Mélanésiens ? Tcherkézoff ou d'autres auteurs réfutent cette position car l'histoire, la culture comme la langue des îles Fidji sont étroitement liés à aux îles Tonga ou Samoa et toutes îles environnantes, sauf qu'ils sont en général, beaucoup plus bronzés. Selon ce premier auteur, entre le Polynésien Oriental et le Mélanésien Occidental en passant par la Polynésie Occidentale, par observation de photographies de portrait ancien, il est extrêmement difficile de les différentier. (Conférence au CCT en 2011)

* 32 Pendant le XVIIIe siècle, le principe a été utilisé pour donner une force légale à la colonisation de terres occupées par des peuples n'ayant pas d'organisation étatique ou de système de propriété organisé. Le philosophe suisse et théoricien du droit international Emer de Vattel, construisant entre autres sa philosophie sur celle de Christian Wolff, lui-même disciple de Gottfried Wilhelm Leibniz, a proposé que soit considérée «  terra niullus » la terre non cultivée par les habitants indigènes. Cette terre n'étant pas cultivée, elle n'était pas considérée comme utilisée à bon escient. Ceux qui ont fait l'effort de la cultiver ont conséquemment le droit de propriété sur elle. Le principe de « terra niullus » fut invoqué pour justifier la colonisation de l' Australie par les Britanniques, et l' expropriation des terres aborigènes. Les Aborigènes en effet ne cultivaient pas la terre, mais leur culture et leur identité étaient (et sont) inextricablement liées à leurs terres ancestrales. Ce n'est qu'en 1992 que la Haute Cour d'Australie invalida rétroactivement cet argument, et proclama que l'Australie n'avait jamais été « terra niullus » ( Mabo & Others v. Queensland, 1992).

* 33 La tradition orale exploitée dans notre exposé est tirée d'écrits rapportés par des auteurs anciens ou contemporains.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway