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La gestion systémique de la crise financière internationale de 2008: le cas de deux banques coopératives

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par Nabila Ouchene
HEC Montréal - Master 2015
  

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    La gestion systémique de la crise financière internationale de 2008 Le cas de deux banques coopératives

    Par

    Nabila Ouchene

    Sciences de la gestion

    (Affaires internationales)

    Mémoire présenté en vue de l'obtention
    du grade de maîtrise ès sciences

    (M.Sc.)

    Août 2015

    (c) Nabila Ouchene, 2015

    II

    Sommaire

    La crise financière internationale de 2007-2008 a été un évènement marquant du XXIe siècle et considérée comme étant une crise aussi grave que celle de 1929. Une crise systémique provoquée en partie par l'industrie financière elle-même et le système bancaire principalement des États-Unis. Celle-ci a plongé l'économie mondiale dans une récession et qui pour certains, a pris en otage des systèmes socio-économiques, des pays, des gouvernements, des entreprises, mais avant tout des personnes. Cependant, la crise n'est pas juste une épreuve ou une fin. L'idéogramme chinois pour crise signifie à la fois danger et chance. La sagesse orientale reflète bien la double nature de la crise qui est à la fois la menace et le potentiel. La crise financière a révélé beaucoup de choses et a fait couler bien d'encre depuis 2008 sur l'industrie financière et ses pratiques parfois hautement risquées et destructrices.

    C'est dans le contexte de la crise financière internationale 2007-2008 que nous avons choisi d'explorer les conséquences de la crise, la gestion de crises et l'éthique coopérative dans les organisations que sont les banques coopératives. En se fondant sur une méthodologie d'étude de cas comparative, nous avons étudié deux banques coopératives : le Crédit Agricole (France) et le Mouvement Desjardins (Canada). En utilisant une revue de presse de chaque cas et des données financières, nous avons exploré l'impact de la crise financière sur ces deux banques coopératives, leur performance financière et leur capacité de gestion de crise pendant et après la crise. Pour cela, nous avons utilisé un modèle de gestion de crise, dit le modèle de l'oignon (Pauchant et Mitroff, 2001), qui englobe quatre niveaux organisationnels (individu, culture, structure, stratégie/politique). En second lieu, nous avons également présenté le modèle l'éthique coopérative de ces banques (Vendrame, 2006).

    Ces deux banques coopératives ont un modèle organisationnel sensiblement différent de l'industrie bancaire car il favorise la stabilité financière et le développement durable, tout en prenant en considération l'ensemble des parties prenantes de son environnement. De plus, de manière générale, les coopératives financières ont mieux résisté à la crise financière et ont émergé comme modèle organisationnel alternatif. C'est principalement pour ces raisons que nous avons choisi le Crédit Agricole et le Mouvement Desjardins car elles ont mieux résisté à la crise financière comparé aux banques dîtes commerciales ou d'affaires et présentent des caractéristiques organisationnelles plus ou moins similaires.

    Cette étude a donc un double objectif qui vise à explorer la crise financière internationale 2007-2008 et ses conséquences sur les deux banques coopératives sélectionnées en raison de leurs similitudes managériales, leur internationalisation à différent degré, et leur modèle organisationnel qui a mieux résisté à la crise financière. L'autre objectif est de comparer la capacité de gestion de crise systémique (selon un modèle fondé sur quatre

    III

    niveaux de l'individu, culture, structure et stratégie) de ces deux banques dans le contexte de la crise financière internationale 2008. L'étude de ces deux cas illustre la complexité systémique de ce contexte international et suggère d'autres approches d'analyse de nature interdisciplinaire afin de les appliquer à l'industrie financière et ses institutions.

    L'exploration de l'impact de la crise financière sur ces deux banques coopératives a révélé des éléments essentiels quant à leur gouvernance et l'évolution de leur modèle organisationnel. La culture coopérative, dont la mission est centrée sur les membres et la collectivité de la coopérative, a été altérée par la stratégie d'internationalisation dans le cas du Crédit Agricole et par la stratégie de diversification des produits financiers dans le cas de Desjardins. La crise financière internationale 2008 a affecté non seulement la performance financière de ces deux banques en général, mais s'est également répercutée sur l'ensemble de leur environnement à l'échelle locale. Toute fois, il s'est avéré que le Mouvement Desjardins a moins été affecté par la crise financière que le Crédit Agricole en raison de facteurs principalement structurels et individuels. En effet, comme nous le verrons plus en détail, le Mouvement Desjardins a pu limiter les pertes financières beaucoup plus que le Crédit Agricole en raison principalement de sa structure coopérative qui a maintenu des activités bancaires de dépôt séparées de toute entité financière ou d'affaires contrairement au Crédit Agricole. L'autre facteur ayant joué en la faveur de la banque coopérative Desjardins est qu'elle ne s'est pas autant internationalisée stratégiquement sur le marché financier comme ce fut le cas du Crédit Agricole.

    Mots clés : gestion de crises, finance internationale, banques coopératives, éthique coopérative.

    iv

    Remerciements

    Je tiens à remercier toutes les personnes, amis et professeurs, qui m'ont encouragé et soutenu durant la réalisation de ce mémoire et m'ont épaulé pendant mes études.

    Tout d'abord, j'aimerai remercier M. Thierry Pauchant, mon directeur de mémoire, pour son soutien, son expertise, sa patience et surtout pour m'avoir guidé durant cette importante étape de la maîtrise qu'est le mémoire.

    Ensuite, je souhaite remercier le Centre d'études Desjardins en gestion des coopératives de services financiers de HEC Montréal pour l'accès à la base de données de l'Observatoire international des coopératives de services financiers, et à l'occasion M. Jean Roy.

    Enfin, je remercie ma famille pour leur soutien et encouragements, en particulier mon père, depuis le début jusqu'à la fin. Merci encore une fois.

    V

    TABLE DES MATIÈRES

    Sommaire ii

    Remerciements iv

    Liste des tableaux vii

    Liste des figures viii

    Introduction 1

    Chapitre 1 : Revue de littérature 10

    1.1 La gouvernance corporative 10

    1.1.1 La gouvernance corporative 10

    1.1.2 La gouvernance coopérative 12

    1.2 La finance de marché 14

    1.2.1 Historique de la finance 14

    1.2.2 Définition et enjeux de la finance 16

    1.3 La crise financière internationale de 2007-2008 19

    1.4 La gestion de crises 25

    1.4.1 Les causes potentielles des crises et mécanismes de défense 27

    1.4.2 Les formes des crises et conséquences potentielles 29

    1.4.3 Plans et stratégies de gestion de crises 31

    1.5 Les banques coopératives 32

    1.5.1 Racines historiques 33

    1.5.2 Caractéristiques et avantages 34

    1.5.3 Contexte et état des lieux 36

    1.5.4 De l'éthique coopérative 38

    Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche 40

    2.1 Présentation des cas d'études 41

    2.2 Sources des données et codification 43

    2.3 Cadre Conceptuel 45

    2.4 Modèle organisationnel de la gestion de crise 47

    2.4.1 Niveau 1 : caractère des individus au sein de l'organisation et mécanismes de défense 49

    2.4.2 Niveau 2 : culture organisationnelle, croyances et rationalisations 51

    2.4.3 Niveau 3 : structure organisationnelle : infrastructure consacrée à la gestion de crise 55

    2.4.4 Niveau 4 : stratégie organisationnelle : plans, mécanismes et procédures de gestion de crises 56

    2.5 Modèle organisationnel de l'évolution éthique coopérative 57

    vi

    Chapitre 3 : Analyse des cas Crédit Agricole vs Desjardins 61

    3.1 Le Groupe Crédit Agricole 61

    3.1.1 Historique du Groupe Crédit Agricole 61

    3.1.2 La gestion de crise du Crédit agricole 63

    3.2 Le Mouvement des Caisses Desjardins 69

    3.2.1 Historique du Mouvement Desjardins 69

    3.2.2 La gestion de crise de Desjardins 72

    Chapitre 4 : Discussion des résultats et conclusion 80

    4.1 Le Crédit agricole et la gestion de crises 80

    4.2 Le Mouvement Desjardins et la gestion de crises 86

    4.3 Le Crédit Agricole versus le Mouvement Desjardins en gestion de crise 94

    Conclusion 104

    Bibliographie 111

    Filmographie 123

    Annexes 124

    Annexe 1 : Indicateurs: Chômage, croissance économique, production industrielle et dette publique avant et

    après la crise financière 2008 124

    Annexe 2 : Liste des sources de données 128

    Annexe 3 : Mécanismes de défense et stratégies de gestion de crises systémiques 132

    Annexe 4 : Trente-deux rationalisations dangereuses. 133

    Annexe 5 : Une vision systémique du design organisationnel 134

    Annexe 6 : Entretien radio de George Pauget PDG Crédit Agricole 134

    Annexe 7 : Entretien de Monique Leroux PDG du Mouvement Desjardins 137

    Annexe 8 : la structure organisationnelle du Groupe Crédit Agricole 139

    Annexe 9 : Organigramme Crédit Agricole SA 2003-2014 140

    Annexe 10 : Données financières du Crédit Agricole et Mouvement Desjardins 2005-2011 141

    Annexe 11 : Organigramme du Mouvement des caisses Desjardins 145

    Notes de fin de document 146

    VII

    Liste des tableaux

    Tableau 1 : Informations institutionnelles du Groupe Crédit Agricole et Mouvement Desjardins. 42

    Tableau 2 : Recherche, sélection et codification des données. 44

    Tableau 3 : Mécanismes de désengagement moral selon trois cas 52

    Tableau 4 : Synthèse de la gestion de crise selon les quatre niveaux du modèle de l'oignon. 94

    Tableau 5 : Liste des sources de données (articles) 128

    Tableau 6 : Les mécanismes systémiques et stratégies systémiques suggérées 132

    Tableau 7 : Les trente deux rationalisations de la culture organisationnelle 133

    Tableau 8 : Données financières du Crédit Agricole. 141

    Tableau 9 : Données financières du Mouvement Desjardins. 143

    VIII

    Liste des figures

    Figure 1: « Masters of the eurozone ». 21

    Figure 2 : « Les différents types de crises organisationnelles ». 30

    Figure 3 : Cadre conceptuel. 47

    Figure 4 : « Le modèle de l'oignon en gestion de crise » 49

    Figure 5 : « Auto-diagnostique éthique des coopératives » 58

    Figure 6 : «Tendances et prévisions du chômage mondial, 2003-2018 ». 124

    Figure 7 : « Écart global chômage, 2014-2019 » 125

    Figure 8 : « Évolution annuelle du chômage mondial et de la croissance du PIB, 2000-2018 ». 125

    Figure 9 : «Croissance mondiale et ses composantes » 126

    Figure 10 : «Évolution de la croissance mondial du PIB, tendances et prévisions, 2013 et 2014» 126

    Figure 11 : « Commerce mondial de marchandises » 127

    Figure 12 : « Volume de la production industrielle mondiale » 127

    Figure 13 : « Dette publique mondiale actuelle ». 128

    Figure 14 : « Une vision systémique du design organisationnel ». 134

    Figure 15: La structure organisationnelle du Groupe Crédit Agricole (2013). 139

    Figure 16 : Structure mutualiste versus structure bancaire (2014) 139

    Figure 17 : Organigramme Crédit Agricole SA 2003 140

    Figure 18 : Organigramme Crédit Agricole SA 2007 140

    Figure 19 : Organisation du Mouvement Desjardins. 145

    1

    Introduction

    Les évènements de la crise financière internationale de 2008, déclenchée suite à la crise des subprimes1 de 2007, ont démontré qu'il y avait des failles au niveau du système financier international, principalement en provenance de l'industrie financière des États-Unis. Ainsi, le bilan de la crise financière internationale de 2008 s'élève à 422 milliards de dollars É.-U. de pertes mondiales liées à la crise des subprimes venant des États-Unis, dont 90 milliards de dollars É.-U. pour les seuls établissements financiers américains selon l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) en avril 2008 (Le Monde et AFP, 2008). Le FMI a publié également en avril 2008, une estimation chiffrée des pertes liées à la crise globale dont le coût s'établit autour de 945 milliards de dollars É.-U. générés par l'exposition des banques au secteur des subprimes (Le Monde et AFP, 2008). En 2009, le FMI estimait à 2 200 milliards de dollars É.-U. le montant des pertes totales des banques dans le monde suite à la crise financière de 2008 (Guinot, 2009). À la fin de l'année 2013, les pertes de la production mondiale découlant de la crise se chiffraient à 10 milliards de dollars É.-U., ce qui équivaut à près de 15 % du PIB mondial et la suppression de 60 millions d'emplois dans le monde (Poloz, 2014).

    La capitalisation boursière mondiale est passée de 62 747 milliards de dollars É.-U. fin 2007 à 32 575 milliards de dollars É.-U. fin 2008, soit une chute de 50 % représentant une perte de 30 000 milliards de dollars É.-U. (Kraft, 2009). Concrètement, ces pertes, inconcevables dans l'économie réelle, sont le résultat de la perte de confiance entre les institutions financières, ou bien le coût de la défiance, dû aux anticipations du marché, comparé à la valeur réelle des choses (Kraft, 2009). Les conséquences de cette perte de contrôle et l'instabilité engendrées sur le marché financier, à travers la perte boursière globale (30 000 milliards de dollars É.-U. dans le monde) de la crise financière, se sont particulièrement répercutées sur les particuliers, les riches propriétaires ainsi que les modestes épargnants et ce partout dans le monde. Les retraités aux États-Unis par exemple, dont le système de retraite fonctionne par capitalisation, ont perdu environ 30 % de leur patrimoine et voire 50 % en revenus mensuels basés sur ce patrimoine (Kraft, 2009).

    Aux États-Unis également, des millions de ménages ont perdu leurs foyers et ont été expulsés (3,3 millions au total de saisies de propriétés officiellement déclarés) suite à l'éclatement de la bulle immobilière qui a aboutit à la crise des subprimes en 2007 (Bernard, 2012). En outre, en vue d'éviter une baisse de la consommation qui risquait d'accélérer la récession, les États-Unis, le Japon, la Chine et les pays européens ont dû mettre en place des plans de relance qui ont augmenté encore plus l'endettement public sur le PIB. Ainsi, au total, plus de 2 800 milliards de dollars ont été déclarés en plans de relance sur deux ans pour l'ensemble de ces pays (Le Monde, 2009 (c)). Les pays développés ont la capacité et le levier de financement pour mettre en place des plans de

    2

    relance et s'endetter, ce qui n'est pas le cas des pays en voie de développement, qui ont également été touchés par la crise financière et la récession économique mondiale. L'aide publique au développement est faible dans ces pays et se chiffre à une centaine de milliards de dollars tout au plus. C'est la raison pour laquelle le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, avait proposé dans une tribune publiée le 22 janvier 2009 par le New York Times, que 0,7 % des plans de relance soit affecté à un fonds en faveur des pays vulnérables à la crise en déclarant que « les gens des pays pauvres en Afrique ne devraient pas payer pour une crise née en Amérique » (Le Monde, 2009 (c), p. 1).

    La crise financière a ainsi révélé des failles et limites du système financier international. Pertes financières, perte d'emplois, saisies de foyers, augmentation de l'endettement public et des particuliers, réduction du patrimoine et de l'épargne, augmentation du nombre de faillites d'entreprises, augmentation du chômage et de la pauvreté, ces conséquences traduisent une récession économique touchant des millions de personnes de part et d'autre du monde depuis 2008 jusqu'à aujourd'hui. L'ILO (International Labour Organization ou Organisation internationale du Travail) a établi que près de 201 millions de personnes étaient au chômage en 2014 dans le monde, soit une augmentation de 31 millions de plus avant le début de la crise financière en 2008 (ILO, 2015). En 2014, l'écart du chômage mondial, qui mesure le nombre d'emplois perdus depuis le début de la crise, est actuellement à 61 millions d'emplois (ILO, 2014). L'ILO (2015) conclut, dans son rapport de 2015, que le chômage mondial continuera d'augmenter les cinq prochaines années, et que si cette tendance se poursuit durant ces cinq années, il faudra que 280 millions d'emplois soient crées d'ici 2019 afin de réduire l'écart du chômage causé par la crise. Les figures 6 à 8 à l'Annexe 1 (ILO, 2014) montrent l'évolution du chômage avant, pendant et après la crise financière. La production industrielle a également été affectée par la crise financière 2008, ce qui a entraîné une baisse au niveau de l'indice de production industrielle mondiale en général entre 2008 et 2009. Depuis, la production industrielle et la croissance mondiale peinent à se relever, en particulier dans les pays développés, tel que nous pouvons le constater aux figures 9 à 12 (ILO, 2014; CPB, 2015) présentés à l'Annexe 1. De même que pour l'endettement public, ce dernier a considérablement augmenté depuis la crise financière de 2008. Ainsi, approximativement, la dette publique globale dans le monde était de 29 mille milliards dollars É.-U. en 2007 et de 53 mille milliards dollars É.-U. en 2014 (The Economist, 2015). La figure 13 de l'Annexe 1, intitulée «The global debt clock » mesure la dette publique mondiale et par pays (2004-2015) en temps réel (The Economist, 2015).

    C'est dans ce contexte de crise systémique financière internationale que s'inscrit notre étude. Nous allons appliquer des approches exploratoires différentes issues du management, notamment la gestion de crise et l'éthique, spécifiquement la gouvernance éthique coopérative. Nous allons tenter d'évaluer l'impact des facteurs issus du modèle de l'oignon (individus, culture, structure et stratégie) en gestion de crise des institutions

    3

    financières coopératives et leur performance dans le contexte de la crise financière internationale 2008. Nous avons choisi les banques coopératives en tant qu'institutions financières comme cas d'étude et de recherche car elles sont sensiblement différentes des banques commerciales et d'affaires comme nous le verrons ultérieurement. Elles différent de par leur modèle d'affaire et les fondements de leur modèle organisationnel que nous exposerons à la revue de littérature. En effet, elles représentent un cas particulier qui mérite un approfondissement, en raison de leur efficacité démontrée dans une conjoncture de crise financière difficile pour l'ensemble des institutions financières au monde (Sammae, 2011).

    Les deux cas d'étude de banques coopératives sont le Crédit Agricole (France) et le Mouvement Desjardins (Québec, Canada). L'étude de cas est fondée sur une méthodologie de recherche principalement qualitative qui nous permettra d'explorer en comparant, les processus de gestion de crise et l'éthique coopérative de ces deux banques dans le contexte de la crise financière internationale 2008. Il s'agit également d'analyser l'impact des conséquences de la crise financière de 2008 et la gestion systémique de la crise sur la performance financière de ces deux banques les cinq années suivant la crise. Le principal objectif de cette recherche est donc une comparaison entre ces deux banques coopératives fondée sur des critères organisationnels et stratégiques de type international et non sur une comparaison culturelle entre la France et le Québec.

    Le Crédit Agricole et le Mouvement Desjardins sont toutes les deux des banques ayant un modèle organisationnel coopératif, sont à peu près de la même taille en termes de nombre de sociétaires. Elles ont également une structure et culture hybride qui allie le coopératif et le bancaire commercial. Elles ont été toutes les deux fondées entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle et dans un milieu historiquement francophone. Nous décrierons plus en détail ces deux institutions financières au chapitre 3. Nous avons choisi ces deux banques coopératives afin de comparer leur processus de gestion systémique de crise car elles sont relativement similaires en terme managérial, se sont internationalisées mais à un degré variable, et ont évolué dans une culture coopérative historiquement francophone. Toutefois, en dépit de leurs caractéristiques communes, Desjardins a été beaucoup moins affecté que le Crédit Agricole au lendemain de la crise financière, et c'est également pour cette raison que nous avons choisi d'explorer ces deux cas. Le but est d'identifier et comparer les éléments ou mécanismes du processus de gestion de crise (sur la base du modèle organisationnel, dit de l'oignon (Pauchant et Mitroff, 2001), composé de quatre niveaux que sont individus, culture, structure, et stratégie et qui ont permis à Desjardins de mieux parer à la crise financière que le Crédit Agricole. En se fondant sur ce modèle de gestion de crises, nous explorerons également l'évolution de l'éthique coopérative (Vendrame, 2006). Sur le plan international, en explorant les causes et conséquences de la crise financière internationale 2008, l'objectif est de comparer, en parallèle à la gestion de crise, le degré d'internationalisation de chacune de ces deux banques et l'impact de leur exposition à la crise internationale sur leur performance financière et organisationnelle.

    4

    Il est important de souligner que les crises ne sont pas seulement négatives mais comportent aussi des aspects positifs. En effet, l'avantage paradoxal de l'émergence d'une crise, est révélateur et permet de mieux percevoir ce qui était précédemment moins visible, moins transparent. « [...] l'étude des crises est particulièrement instructive pour toute personne intéressée par le comportement organisationnel et ses effets sur nous-mêmes, nos communautés, notre société et notre fragile planète » (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 21). Cependant, la crise est par nature un terrain d'ambiguïté car il n'y a pas de réponse unique toute faite : c'est un domaine d'étude en constante évolution et ne peut à aucun moment disparaître (Lagadec, 1991). De plus, selon Roux-Dufort (2000), dans des sociétés où les crises prolifèrent et deviennent courantes dans la gestion des affaires et sont amplifiées par les technologies de l'information et communication, les entreprises auraient davantage à capitaliser sur elles-mêmes pour engager des changements et transformations dans leur mode de gestion. Nous voyons donc la crise comme une opportunité d'investigation, d'apprentissage et de changement pour les personnes et organisations. Ainsi, c'est dans ce raisonnement exploratoire, qu'est ancrée toute notre démarche d'étude des mécanismes de la gestion systémique de crises et de l'éthique coopérative, au niveau de deux banques coopératives dans le contexte de la crise financière internationale 2007-2008.

    Spécifiquement, le but de ce mémoire est d'explorer la dimension comportementale organisationnelle et humaine en se fondant sur la gestion systémique de crises et l'éthique coopérative. Ceci, en s'appuyant sur le contexte de la crise financière internationale 2008 et le modèle organisationnel des banques coopératives. En effet, la gestion d'opérations financières est décidée et exécutée par des personnes, qui sont assujetties à leur psychologie, leur personnalité, leurs systèmes de valeurs, leurs intérêts, leur culture et à leur nature humaine complexe. En outre, des facteurs exogènes (technologiques, institutionnels, macroéconomiques, juridiques etc.) contribuent également à complexifier le système financier international et les mécanismes de génération de profits dans l'industrie financière.

    Les pratiques financières complexes et technologiquement sophistiquées, issues du marché des produits financiers dérivés, sont appliquées par des individus. Or ces derniers sont animés par des idées reçues, des valeurs, des pensées, des jugements, des traits psychologiques et surtout des intérêts personnels. Pour certains auteurs, que nous verrons, les facteurs intrinsèques tels que la culture organisationnelle et les mentalités des individus jouent un rôle considérable et façonnent la culture, non seulement au niveau organisationnel mais aussi industriel. Ainsi, il serait intéressant d'explorer les dimensions socio-humaines et organisationnelles de la crise financière et ses conséquences sur les deux cas de banques coopératives. Susan Webber2, Ex-employée de Goldman Sachs, décrit le marché financier américain dans un entretien vidéo (Léon, 20113) :

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    « Dans les années 80 et 90, il s'est passé deux choses : premièrement, le marché du crédit est devenu plus important et plus risqué, mais aussi plus rentable; deuxièmement, le marché des produits financiers dérivés s'est développé. Or, il est très peu réglementé, et c'est devenu un énorme marché durant les années 90. Le fait est que ces deux domaines de la finance soient aussi rentables et si peu régulés, ont gagné soudain beaucoup d'argent, [et] a donné une place beaucoup plus importante aux traders. Or les traders sont des prédateurs. Le but des traders c'est de prendre aux autres tout ce qu'ils peuvent, ils fonctionnent selon la loi de la jungle [...] Et comme ces gens prenaient du pouvoir chez Goldman Sachs, leur mentalité est devenue prédominante. Les traders traitaient les gens du département banque d'affaires de « socialistes » parce qu'ils étaient payés par équipe! Tout marche à l'envers, la finance est censée servir les entreprises, soutenir l'industrie, aider l'économie à se développer, donc elle ne devrait pas prélever trop d'argent, sinon ce n'est pas un soutien, elle devient un parasite. Et le deuxième problème, c'est qu'il est beaucoup plus rentable de détruire l'économie que de la soutenir» (Léon, 2011).

    Il est donc essentiel de reconnaître et prendre en considération la dimension humaine dans la gestion des activités financières, et en particulier, les caractères inhérents à la nature humaine, que sont l'intérêt personnel et l'auto-préservation. Ces deux caractéristiques psychologiques sont nécessaires pour tout être humain en vue de se prémunir contre les agressions extérieures mais également de se créer une situation qui lui est « avantageuse », non seulement pour lui-même, mais aussi pour son proche entourage (Carey, 2013). Au XVIIIe siècle, Adam Smith avait déjà relevé l'importance du rôle de l'intérêt personnel des acteurs qui interagissaient sur le marché économique (Carey, 2009). En effet, selon Smith, c'est tout à fait naturel que chacun(e) « soit profondément intéressé(e) par tout ce qui concerne immédiatement le soi-même » (Carey, 2009, p. 3, notre traduction) que par ce qui pourrait concerner d'autres personnes. En l'occurrence, après le « soi-même », l'intérêt personnel décroit d'intensité à mesure que cela concerne la famille, puis les amis, le voisinage, la nation et finalement le monde entier (Carey, 2009).

    En d'autres termes, si nous appliquions cette réflexion aux acteurs interagissant sur le marché financier et qui manipulent de nombreuses opérations financières, cela reviendrait à intégrer fondamentalement le principe de l'intérêt personnel qui est inné aux êtres humains. Autrement dit, les acteurs financiers ou même des particuliers sont fondamentalement animés par l'intérêt personnel. Ce facteur pourrait ainsi influer significativement

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    (positivement ou négativement) sur leur morale, leurs principes, leur motivation à prendre des risques et leur rapport à des actions de nature frauduleuse. D'où, Adam Smith, a conceptualisé le rôle majeur de l'intérêt personnel au niveau des rapports entre les acteurs du marché dans la création de richesse, mais aussi la possibilité d'actes menant à l'injustice par des délits de fraude ou d'abus de confiance par exemple. Il préconisa donc que la régie des forces du marché, découlant de l'interaction des intérêts personnels entre les acteurs économiques, devait être soumise à la protection par la loi, mais tout en garantissant la liberté (Carey, 2009). Ainsi, pour Smith, l'intérêt personnel est :

    « La constante uniforme et l'effort ininterrompu de chaque homme pour améliorer sa condition [...] Le principe par lequel la richesse publique et nationale, ainsi que privée est originellement stimulée [en étant] protégé par la loi et permis par la liberté afin de se développer de manière à être la plus avantageuse [...] » (Carey, 2009, p. 3, notre traduction).

    En explorant la dimension humaine et comportementale de l'industrie financière dans le contexte de la crise financière et de ses liens étroits avec le management, cela pourrait suggérer l'influence de cette dimension sur les pratiques financières dans les institutions financières en général et spécifiquement dans les deux banques coopératives étudiées. La crise financière de 2008 a mené inévitablement à l'aube du XXIe siècle à la remise en question du système financier et à l'émergence de notions de responsabilité sociale, de l'éthique financière et la relance du débat sur la régulation des marchés dans l'industrie financière : par exemple la réinstauration du Glass-Steagall Act4 aux États-Unis. Cet acte juridique, instauré en 1933 et abrogé en 1999 durant la présidence de Bill Clinton, établissait une séparation entre les activités des banques commerciales (récoltant les dépôts financiers et accordant des prêts aux particuliers et entreprises) et celles des banques d'investissement (spéculant et structurant les opérations et financement de marché). Cependant, au-delà des pratiques financières douteuses des banquiers, courtiers et traders, la source de la crise se situe également dans le système de gouvernance économique et financier lui-même. C'est un système porteur de crises dont la crise financière de 2008, devenue par la suite une crise économique, a exposé la sous-évaluation fondamentale du risque au début des années 2000 des principaux acteurs du marché financier, notamment les institutions financières, les investisseurs, les régulateurs, les banques centrales et les agences de notation (Bricongne et al, 2009).

    La crise a également révélé un système où l'économie réelle a été peu à peu recalée au profit d'une financiarisation de l'économie de marché. Selon certains auteurs tels que nous le verrons, cette financiarisation de l'économie dominée par l'industrie financière est en partie la conséquence de politiques de déréglementations, de libéralisations et politiques monétaires à partir des années 1980, principalement aux États-Unis et au Royaume-

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    Uni. Or l'essence et la nature même de la finance en font à l'origine le mécanisme et le support de la création de richesse et l'emploi, et ce pour développer et maintenir la croissance de l'économie réelle. Il est prouvé qu'un système financier fonctionnel est essentiel pour le bon fonctionnement de l'économie et dans l'histoire de la finance, l'innovation financière a joué un rôle important dans la croissance économique (Stiglitz, 2010). Cependant, cette financiarisation de l'économie est aussi en partie, selon certains auteurs, le résultat d'une vision scientifique de l'économie et tendrait plus vers la finance (Fourcade, Ollion et Algan, 2014; Naim, 2015; Zingales, 2015; Cecchetti et Kharroubi, 2015; Taylor, 2015).

    « [En 2005] The Journal of Economic Perspectives révèle que 77% des doctorants en économie inscrits dans les plus prestigieuses universités américaines pensent que « l'économie est la science sociale la plus scientifique ». Pourtant, seuls 9% des sondés estiment qu'il existe un consensus s'agissant des réponses à apporter aux questions fondamentales posées par les sciences économiques » (Naim, 2015, p. 1).

    L'objectif de l'étude est donc de comparer les conséquences de la crise financière sur les deux banques coopératives choisies qui ont mieux résisté à la crise comparé aux autres institutions financières, mais qui ont tout de même été affectées à un degré différent. En effet, le Mouvement Desjardins s'est plus rapidement rétabli de la crise financière et a pu limiter considérablement les pertes comparé au Crédit Agricole comme nous le verrons. Ce degré de différence entre ces deux banques, lié à l'impact de la crise financière, sera exploré selon approches : managériale via la gestion de crise et l'éthique coopérative; internationale en analysant les conséquences de leur exposition internationale à la crise financière de 2007- 2008; et enfin une approche financière via les impacts financiers de la crise sur leurs résultats. Il ne s'agit pas seulement d'explorer ces mécanismes et leurs conséquences, mais aussi de tenter d'appliquer des approches analytiques différentes sur le domaine de la finance, autrement que par les préceptes, théories et applications financières.

    C'est donc en cela la contribution de cette étude. Autrement dit, il s'agit de démontrer au niveau organisationnel et comportemental humain, que pour prévenir les crises et maintenir la performance financière, une gestion maîtrisée et responsable des pratiques financières et des risques financiers et technologiques est également nécessaire et primordiale. Nous pensons que cette approche fondée sur la gestion de crises et l'éthique coopérative peut contribuer à une meilleure gestion d'organisations que sont les banques coopératives choisies, dans un contexte international. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'écarter ou de discréditer les approches scientifiques de l'économie et la finance jusque là dominantes dans l'industrie financière, mais simplement mettre davantage l'emphase sur une approche comportementale organisationnelle et humaine des gestionnaires et dirigeants dans

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    les coopératives financières. En effet, le FMI, la Banque mondiale et le Forum de Davos concordent leur conclusions sur le fait que les changements effectués depuis l'émergence de la crise financière de 2007-2008 demeurent insuffisants (IMF, 2014; WEF, 2013; Mussa, 2009). Notamment, il reste beaucoup à faire au niveau de l'infrastructure, de la réglementation, la culture et de l'éthique (Pauchant et Franco, 2014).

    C'est la raison pour laquelle nous avons choisi comme modèle organisationnel et d'étude les banques coopératives. De par leurs fondements, elles détiennent une certaine capacité organisationnelle à atteindre plus ou moins cet équilibre entre une génération de profits à partir d'opérations bancaires et financières et une gestion responsable et prévenante axée sur les personnes et la prise en considération de l'ensemble des parties prenantes. Cette approche managériale reconnaît que des organisations telles que les institutions financières ne sont pas des entités gérées par des dirigeants et gestionnaires uniquement rationnels car « Diriger ou gérer, c'est essentiellement porter des jugements de valeur, peu importe le milieu organisationnel» (Béland, 2007, p. 397).

    Enfin, comme nous le verrons par la suite, l'approche interdisciplinaire, dans un contexte systémique international tel que la crise financière de 2008 englobant différentes dimensions inter-reliées (économique, politique, historique, organisationnelle, financière, socio-humaine, culturelle, technologique etc.), permet d'avoir une vision globale ou systémique et non fragmentée de la problématique. En effet, selon Lagadec (1991), l'étude de crise systémique nécessite des investissements théoriques de plus grande ampleur pour se rapprocher d'une synthèse solide :

    « Il s'agit en effet de reprendre nombre de disciplines ou approches théoriques (science politique, science de la décision, science administrative, théorie des organisations, psychologie, sociologie, psycho-sociologie, droit, ergonomie mentale, sciences cognitives etc.) pour voir ce qu'elles peuvent dire des situations limites, comment elles peuvent fonctionner ensemble sur ce terrain qui échappe à toute approche partielle, comment aussi elles peuvent oeuvrer, chacune pour elle-même et dans l'ensemble, dans l'urgence » (Lagadec, 1991, p. 16).

    C'est pour cette raison que nous allons tenter d'appliquer à cette recherche des dimensions managériale, socio-humaine, internationale et financière, et ce tout en prenant en considération que la discipline des affaires internationales permet justement de développer une vision globale et polyvalente en explorant différentes disciplines.

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    Notre problématique de recherche étant comme suit : Dans le contexte de la crise financière internationale de 2007-2008, quels sont les facteurs du modèle de la gestion de crise (individus, culture, structure, stratégie) et l'éthique coopérative qui ont permis au Mouvement Desjardins de mieux gérer la crise financière comparé au Crédit Agricole?

    Nous allons traiter de la problématique ci-dessus selon les quatre chapitres suivants : la revue de littérature (chap. 1); la méthodologie de recherche et cadre conceptuel (chap. 2); l'analyse de données (chap. 3) ; la discussion des résultats (chap. 4) et enfin la conclusion.

    La gouvernance est définie, selon la notion classique, comme étant « un ensemble des mécanismes internes et externes, qui servent à aligner les intérêts des dirigeants aux intérêts des actionnaires et des autres parties

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    Chapitre 1 : Revue de littérature

    Les perspectives d'analyse de la gestion de crises et l'éthique coopérative d'une part, le modèle d'affaire des banques coopératives d'autre part, seront traitées après avoir introduit la gouvernance corporative et le contexte financier international dans lesquels évoluent les banques coopératives. En effet, le marché financier actuel est caractérisé par l'« effet de levier supérieur du capitalisme financier », mécanisme principal qui est à la base du système financier international. Il s'agit d'une forme de capitalisme de marché dont les capitaux et les flux de liquidités sont hautement concentrés au niveau de l'industrie financière depuis la fin des années 1980 (Nielson, 2010). Ensuite, nous exposerons une revue littéraire traitant des mécanismes qui ont conduit à la crise financière internationale de 2007-2008 et comment les banques coopératives ont en été affectés. En second lieu, nous verrons la gestion de crises, l'éthique coopérative et le modèle organisationnel des banques coopératives. Notamment, l'objectif principal de la revue de littérature est de mettre en lumière :

    ? le fonctionnement du marché financier international;

    ? les mécanismes de la crise financière et ses effets sur les banques coopératives;

    ? le modèle organisationnel des banques coopératives;

    ? les stratégies de la gestion de crises et l'éthique coopérative;

    Le management et la finance sont des disciplines appartenant à une autre discipline académique bien plus large : la gouvernance corporative (Verstegen et al., 2010). La gouvernance corporative comprend les rôles, responsabilités et balance de pouvoirs entre les cadres supérieures, directeurs et les actionnaires (Verstegen et al., 2010). Les trois dimensions, loi, management et finance sont essentielles à la compréhension et la maîtrise de la gouvernance corporative et sont inter-reliées.

    1.1 La gouvernance corporative

    À cette section, nous allons d'abord introduire la gouvernance corporative sur laquelle est fondée toute organisation privée ou publique. Ensuite, nous présenterons la gouvernance coopérative et ses spécificités sur laquelle sont bâties les coopératives en général et les banques coopératives.

    1.1.1 La gouvernance corporative

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    prenantes de la firme » (Semmae, 2011, p.1). La gouvernance d'entreprise ou corporative est définie, selon l'OCDE, comme étant :

    « [des] relations entre la direction d'une entreprise, son conseil d'administration, ses actionnaires et parties prenantes. Il détermine également la structure par laquelle sont définis les objectifs d'une entreprise, ainsi que les moyens de les atteindre et d'assurer une surveillance des résultats obtenus. Un gouvernement d'entreprise de qualité doit inciter le conseil d'administration et la direction à poursuivre des objectifs conformes aux intérêts de la société et de ses actionnaires et faciliter une surveillance effective des résultats obtenus » (Semmae, 2011, p. 1-2).

    Par ailleurs, la gouvernance corporative peut être également définie selon une vision autre que celle actionnariale de la gouvernance telle que définie précédemment. En effet, selon une vision partenariale de la gouvernance, celle-ci peut être abordée comme étant une structure des droits et des responsabilités entre les parties prenantes d'une firme (Semmae, 2011)5. La gouvernance corporative est ainsi composée de trois formes de responsabilités : stratégique, fiduciaire et juridique.

    La responsabilité stratégique est établie par l'agencement stratégique des rapports entre la direction, conseil d'administration, actionnaires et parties prenantes en vue de minimiser les conflits et maximiser la création de richesse. D'où la théorie d'agence qui représente un socle fondamental à la gouvernance corporative, du point de vue de la responsabilité stratégique, puisqu'elle permet d'illustrer la relation entre dirigeants et actionnaires afin d'expliquer des conflits susceptibles d'influencer la performance de l'organisation, appelés coûts d'agence (Semmae, 2011). La responsabilité fiduciaire est déterminée par la manière dont la sphère publique perçoit la valeur et la validité économique de l'organisation fondées sur la confiance. Ainsi, une compagnie ou entreprise se doit de maintenir sa responsabilité fiduciaire vis-à-vis des différentes parties prenantes, de sorte que ces dernières aient confiance en ses capacités à remplir ses engagements et obligations économiques (Hansell, 2003; Monks and Minow, 2003). La responsabilité juridique fait référence aux droits régissant les responsabilités entre les parties prenantes de la firme et les règlements issus des autorités ou institutions publiques que la firme doit appliquer. Cette responsabilité de la gouvernance corporative inclut également la notion de déontologie ainsi que l'éthique corporative.

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    La gouvernance corporative du secteur bancaire est particulière car les banques sont soumises à une gouvernance dont les contraintes des mécanismes internes et externes sont plus accentuées. Ceci est lié à l'orientation de leurs activités caractérisées par les risques inhérents à leurs opérations financières (Semmae, 2011). En effet, les banques instaurent des mécanismes internes et externes dont l'objectif principal est de contrôler l'activité du dirigeant afin de mieux orienter « stratégiquement » son comportement dans le but de générer du profit. Les mécanismes internes sont relatifs à des dispositifs imposés par des réglementations d'ordre interne (contrôle interne, audit externe, chartes et statuts, etc.). Les mécanismes externes sont des règlements à caractère « juridique » le plus souvent issus d'entités et/ou autorités publiques nationales et internationales (Accords de Bâle (I; II; III)6, normes IAS/IFRS7, règles de transparence d'information financière, lois bancaires, autorités des marchés financiers, etc.) (Semmae, 2011). Cependant, à la différence des banques commerciales, les banques coopératives sont sujettes à une gouvernance corporative plus démocratique au niveau des dirigeants et des sociétaires tel que nous le verrons ultérieurement à la revue de littérature. De ce fait, ce type de gouvernance est plus axé sur les responsabilités fiduciaires et juridiques et/ou éthiques.

    Le rôle éthique de la gouvernance consiste à encourager les aspirations profondes d'une communauté qui vise le « mieux vivre » et ce, en prenant en considération l'ensemble de valeurs telles que l'intégrité, le respect, la liberté, la prudence, l'équité, la solidarité etc. (Pauchant, 2008). L'éthique, émanant de la philosophie morale et la politique, demeure l'aspect de la gouvernance le moins développé comparé aux aspects fiduciaire, stratégique et juridique (Chait et al., 2004; Gold and Dienhart, 2007). En effet, dans le domaine scientifique de l'éthique, de nombreux auteurs ont une vue pluraliste de l'éthique (Airhart et al., 2002; Bevan and Hartman, 2008; Boisvert, 2007; Fontaine et Pauchant, 2008; Gibbs, 2003; Gold and Dienhart, 2007; Hinman, 1998; Philipps, 2008; Samuelson, 2006; Taylor, 1989). Dans un contexte de gouvernance, ces traditions morales influencent les perceptions et les décisions. Cependant, cette influence demeure cachée car ces morales sont fondées sur l'identité existentielle et la culture profondément ancrée chez les individus (Taylor, 1989). Ces différences entre les traditions morales deviennent particulièrement cruciales et marquées dans un contexte international, multiculturel et global. Cela suggère que les individus appartenant à différentes cultures auraient des principes moraux influencés par leur culture, mais ce domaine nécessite davantage de recherche académique (Robertson and Crittenden, 2003; Pauchant et al., 2007).

    1.1.2 La gouvernance coopérative

    Selon le FMI (2007), le courant littéraire et les législateurs accordent peu d'attention aux défis liés à la gouvernance spécifique des coopératives. En effet, il n'y a pas assez de travaux internationaux d'uniformisation et d'organismes d'élaboration de politiques sur la gouvernance des coopératives et mutuelles (Cornforth, 2002). Les principes de gouvernance corporative de l'OCDE se focalisent sur la gouvernance externe des sociétés cotées. Les

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    Comités de Bâle I et II se concentrent davantage sur les mécanismes de gouvernance internes des banques en général. Ceci implique donc des risques potentiels de gouvernance dans les banques coopératives qui peuvent échapper à l'attention or être mal compris par les gestionnaires (IMF, 2007). Cependant, tel que vu précédemment, dans une optique de gouvernance corporative fondée sur les responsabilités stratégiques, fiduciaire et juridique/éthiques, nous allons tenter de présenter un aperçu littéraire de certains auteurs sur la gouvernance du mouvement coopératif.

    Le mouvement coopératif est apparu au courant du XIXe siècle et lancé par des acteurs économiques, issus souvent de la classe moyenne, ayant pour objectif de réorganiser collectivement leurs activités (approvisionnement, emploi, commercialisation, financement etc.) dans le contexte de la révolution industrielle et l'expansion de l'économie de marché (Vienney, 1980 (a)). Dès 1900 lors de l'Exposition universelle de Paris, les coopératives ont été présentées comme composante non seulement d'une économie coopérative, mais également d'une économie sociale. Le mouvement coopératif s'est inscrit très tôt dans une mouvance internationale entraînée par la dynamique associative du mutualisme et syndicalisme (Malo et al., 2006).

    Juridiquement, la gouvernance des coopératives est caractérisée par des principes coopératifs uniques découlant d'un ensemble de postulats moraux et dont les règles juridiques dérivent (Desroche, 1976). La législation sur les coopératives a été initiée par les pionniers de Rochdale8 qui ont émis des principes coopératifs lorsqu'ils ont fondé leur Société des pionniers équitables de Rochdale en 1844 (Malo et al., 2006). Ces principes coopératifs étaient caractérisés par une vision différente concernant les rapports entre l'économie et la personne humaine et ont donné lieu à des règles juridiques coopératives telles que l'adhésion libre du membre à la coopérative, le contrôle démocratique (un membre égale un vote), des ristournes au prorata des achats des membres et un taux limité de rémunération du capital (Lambert, 1965). Par la suite, les principes coopératifs sont devenus une source d'inspiration pour les lois nationales portant sur les coopératives, pour les règlements de régie interne coopérative et des pratiques coopératives en général (Malo et al., 2006). Aujourd'hui, avec la financiarisation de l'économie et la mondialisation de la production et des marchés, cela crée davantage de pressions sur l'emploi et la consommation. Cela aboutit à de nouvelles générations de coopératives aux côtés des associations prenant source dans la nouvelle économie sociale et solidaire (Malo et al., 2006). Dans ce contexte, la notion d'éthique coopérative est devenue de plus en plus présente dans la littérature et présentée comme une responsabilité face aux défis posés par l'économie de marché vis-à-vis des coopératives et de leur identité sociale et économique. En effet, à la fin du XXe siècle, il y a eu une augmentation du nombre d'écrits portant sur l'éthique coopérative dans le courant de la responsabilité sociale de l'entreprise (Malo et al., 2006). Nous consacrerons une section littéraire portant sur l'éthique coopérative ultérieurement à ce chapitre à la section des banques coopératives.

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    Du point de vue de la gouvernance stratégique, le mouvement coopératif revêt une panoplie de formes coopératives. Il y a d'abord les anciens mouvements coopératifs, principalement agro-alimentaires et financiers. Ces derniers se sont transformés avec l'avènement de l'économie de marché en grands groupes coopératifs contrôlant des filiales d'actionnariat et dont la propriété peut être partagée entre des acteurs capitalistes (Malo et al., 2006). D'autre part, avec l'émergence de la nouvelle économie sociale et solidaire en réponse au mouvement de l'altermondialiste, nous retrouvons, en particulier via la responsabilité équitable, une autre forme de coopérative aux côtés des organismes à but non lucratif (Malo et al., 2006). En définitive, dans le contexte de l'économie de marché, la coopérative détient un rôle d'agent de transformation et d'adaptation car elle permet à l'entrepreneur et aux catégories sociales défavorisées ou perturbées par le marché capitaliste (artisans, paysans, agriculteurs etc.) d'accéder à un certain pouvoir et de s'autonomiser. Elle permet également aux membres coopératifs de réorganiser leurs activités pour pouvoir s'adapter au marché et s'y intégrer (Vienney, 1980 (a)). En d'autres termes, la coopérative englobe un ensemble de liens de par ses responsabilités stratégique, fiduciaire et juridique et/ou éthique. Dans cette optique de gouvernance des coopératives, nous allons explorer les contextes de la finance de marché et la crise financière 2007-2008 dans lesquels ont évolué les deux banques coopératives choisies.

    1.2 La finance de marché

    1.2.1 Historique de la finance

    Historiquement, la finance et ses activités sont apparues en même temps que les activités marchandes. En effet, dès le XIIIe siècle, dans le contexte de l'intensification des échanges entre les Flandres et le nord de l'Italie, les Génois ont pratiquement tout inventé de la finance moderne (Giraud, 2008). L'existence de marchés financiers suppose l'existence d'instruments financiers, notamment en premier lieu, la légalité du crédit (Hautcoeur, 2008). En effet, le crédit à court terme s'est développé en partie grâce à la création de la lettre de change9, qui consistait à fournir des services de change et de déplacement géographique des paiements tout en masquant l'élément de crédit qui lui était inséparable (Hautcoeur, 2008). Par la suite, le crédit à long terme s'est répandu par deux voies de développement : la participation à l'entreprise ou la commenda italienne (ce qui a donné la commandite française), par laquelle un acteur capitaliste apporte des capitaux à un entrepreneur afin d'assurer une partie des risques et en échange d'une partie des bénéfices; la deuxième est le contrat de rente, qui permet l'échange d'un versement immédiat contre un flux de revenus, soit pour la durée de vie du bénéficiaire, soit perpétuellement (rente perpétuelle) (Hautcoeur, 2008). Lors de la Glorieuse Révolution anglaise en 1688, apparaît un nouveau modèle de financement public, toujours fondé sur les rentes mais s'appuyant sur de nouvelles institutions, qui sont

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    les grandes compagnies privilégiées. Ces compagnies existaient déjà, mais la nouveauté est le privilège dont elles disposent en tant que créanciers monopolistes de l'État. Ainsi, la Banque d'Angleterre, la Compagnie des Indes et la Compagnie des mers du Sud achètent la dette publique et émettent elles-mêmes leurs propres titres dans le public (Hautcoeur, 2008).

    À partir du XIXe siècle, émerge également un marché financier centralisé pour des titres privés. En France et dans les pays de droit romain, les notaires servaient d'intermédiaires financiers en raison de l'avantage informationnel qu'ils détenaient sur les fortunes familiales. Les notaires étaient organisés entre eux de sorte que cela conduisait à une intégration décentralisée du marché financier (Hoffman, Postel-Vinay et Rosenthal, 2001). Cependant, cette organisation prend fin lors de la Révolution, principalement en raison de l'hyperinflation liée aux assignats qui avait considérablement réduit les créanciers privés. Dès lors, ce sont les banquiers qui ont pris la relève et les agents privés découvrent rapidement les nouveaux instruments financiers en s'appuyant sur le marché centralisé des titres publics (Hautcoeur, 2008). Ainsi, la nouveauté du XIXe siècle réside au niveau de trois facteurs. Le premier étant que les interdits sur l'intérêt issus de l'Église disparaissent, entraînant une liberté d'innovation financière qui aboutit à l'émergence des actions et obligations modernes ainsi que par la légalisation progressive d'instruments plus sophistiqués. Le deuxième concerne la libéralisation des sociétés anonymes (entre 1850 et 1880 dans toute l'Europe), qui rend accessible le recours à des actionnaires ou investisseurs extérieurs et non responsables des dettes de l'entreprise. Le troisième facteur est l'apparition de secteurs, tels que la construction de chemins de fers ou le développement de l'électricité, dans lesquels la taille de l'entreprise et les besoins en capitaux sont plus grands, ce qui nécessite le recours aux marchés financiers, sachant que l'État, lourdement endetté par les guerres, ne veut pas s'y engager (Hautcoeur, 2008).

    Au cours du XXe siècle, les marchés financiers traversent une évolution complexe (Hautcoeur, 2008). L'une des majeures contributions du siècle dernier concerne les produits dérivés10. C'est en 1900, que le Français Louis Bachelier, dans sa thèse de doctorat sur la théorie de la spéculation, émit les bases théoriques de l'évaluation des produits dérivés (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). En effet, l'une des nouveautés de cette théorie d'évaluation est l'application de calculs stochastiques11 mais qui fut ignorée en finance au cours de la première moitié du XXe siècle. Ce n'est que vers la fin des années 1960, que vont apparaître en finance des modèles d'évaluation d'actifs exploitant les mathématiques des équations différentielles stochastiques, qui sont devenus aujourd'hui des outils essentiels de la modélisation de la valeur d'actifs financiers, et en particulier des produits dérivés (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). Cette dynamique entre la valeur du produit dérivé et celle du portefeuille de réplication de ses flux monétaires a été modélisée par une équation différentielle qui a été résolue au début des années 1970 par Black, Scholes et Merton. Dès lors, cette théorie de l'évaluation des produits dérivés a révolutionné la finance, la rapprochant davantage des sciences pures. Ainsi, elle a donné lieu à l'ingénierie

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    financière où différentes combinaisons d'options (protons et électrons) permettent de créer de nouveaux actifs financiers (molécules) ou des portefeuilles d'actifs (matière) (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). L'utilisation des produits dérivés est devenue courante à partir des années 1970 et surtout 1980 au niveau de la rémunération des dirigeants de l'entreprise par exemple, voire de plusieurs employés. C'est aussi devenu un mode de financement des entreprises et surtout cela a permis de multiplier les dérivés de crédit, de même que les contrats d'assurance ou de réassurance. Ces derniers étant le résultat de l'application de la théorie des options de Robert Merton et Myron Scholes qui ont obtenu le prix Nobel en 1997 (Assoé, Boyer et Favreau, 2007).

    Par ailleurs, les années 1920 se sont traduites également par l'élargissement des marchés boursiers à un plus grand nombre d'entreprises, la hausse constante des cours boursiers et d'importantes émissions liées en particulier à la forte croissance des secteurs comme l'électricité, l'automobile et la chimie (Hautcoeur, 2008). Toutefois, les évolutions macroéconomiques et politiques, tels que l'inflation durant la première guerre mondiale et l'intervention de l'État dans l'économie, ont freiné le développement du marché financier (Hautcoeur, 2008). Cependant, le recul du marché financier est en grande partie le résultat de la crise de 1929 qui fut provoquée par les spéculations effrénées des années 1920, et a eu entre autre pour conséquence une grande méfiance envers les marchés financiers (Forsyth et Notermans, 1997). Ceci a conduit les États-Unis par exemple à réglementer les activités financières en introduisant le Glass Steagall Act en 1933 qui séparait strictement les activités bancaires et financières. En Europe, avant ou après la guerre, plusieurs pays (France, Grande-Bretagne, Italie entre autres) nationalisent massivement des industries ou services (chemins de fer, électricité, charbonnages, banques) réduisant les capitalisations boursières. Par conséquent, les marchés financiers continuent d'évaluer leurs actions et de financer de nouvelles entreprises, mais ils n'ont plus un rôle crucial dans l'économie (Hautcoeur, 2008).

    1.2.2 Définition et enjeux de la finance

    Académiquement, il existe une ambigüité quant à l'expression « marchés financiers » qui est due à la distance entre le concept et la réalité historique vécue (Hautcoeur, 2008). En effet, théoriquement, « les marchés financiers incluent l'ensemble des moyens par lesquels des instruments financiers (des créances en première approximation) sont échangés librement, que ce soit entre un prêteur et un emprunteur, (le marché primaire) ou entre détenteurs de ces créances (le marché secondaire) » (Hautcoeur, 2008, p. 159). Or lorsqu'on parle de marchés financiers, cela s'applique le plus souvent aux organisations spécifiques, « bourses de valeurs » dédiés à l'échange de titres (actions et obligations). Ainsi, ce sont en réalité les Bourses (Euronext, le New York Stock Exchange, la Bourse de Tokyo etc.) qui constituent aujourd'hui le marché visible du marché financier. En d'autres termes, les marchés boursiers restent la référence implicite des travaux de finance tant empiriques que théoriques (Hautcoeur, 2008). D'autre part, cet écart entre ces deux définitions des marchés financiers est également

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    observable au niveau d'études tentant de mesurer le développement financier et l'impact du secteur financier sur le développement économique telles que le travail pionnier de Raymond W. Goldsmith (1968) ou plus récemment une synthèse de Levine (2005) (Hautcoeur, 2008). Par ailleurs, outre les difficultés de mesurer ces interactions (en raison des changements rapides des opérations financières qui ne sont pas toujours bien enregistrées statistiquement), une approche quantitative de la relation entre développement financier et économique est confrontée à des problématiques de causalité réciproque difficiles à résoudre, mais aussi peut-être vaines selon Hautcoeur (2008). Une approche historique devient ainsi nécessaire même si elle permet sans doute moins de mesurer, mais rend compréhensible les interactions entre développements financier et économique (Hautcoeur, 2008). Ceci dit, empiriquement, la finance comporte différentes fonctions :

    « En résumé, les fonctions principales de la finance sont de rassembler l'épargne dispersée pour l'affecter à des projets d'investissement dont l'envergure et le risque dépassent ce qui est à la portée des fortunes individuelles, et d'offrir à cette épargne une grande variété d'instruments différents par leurs couples de rentabilité-risque, donc d'organiser un vaste marché d'échange des risques inhérents à tout investissement productif » (Giraud, 2008, p. 11).

    Il est reconnu que le développement, la diversification et la spécialisation des activités financières contribuent pleinement au mouvement général de la division sociale du travail, dans lequel Adam Smith voyait à juste titre la source fondamentale de l'accroissement des « richesses des nations ». Autrement dit, la finance est également un lieu de division sociale du travail et favorise d'autres sphères, donc elle contribue à l'accroissement de la richesse (Hautcoeur, 2008). Pourtant, la finance représente une des rares institutions de capitalisme à avoir autant été contestée ces 100 dernières années. Pour Hautcoeur (2008), cette mauvaise réputation vis-à-vis de la finance est due au fait que celle-ci est indispensable au fonctionnement des marchés capitalistes, mais elle est aussi un lieu particulièrement favorable à l'éclatement de crises. En d'autres termes, les prix des actifs financiers sont en effet purement subjectifs, dans la mesure où ils résultent uniquement d'anticipations, de visions de l'avenir. Or ces anticipations peuvent basculer soudainement et entraîner les prix également. Ainsi, ces crises servent de purges périodiques du système financier et permettent de corriger les anticipations des acteurs quant à la juste valeur des titres (Hautcoeur, 2008). Cependant, un des problèmes majeurs de ces crises, est que ces dernières n'affectent pas seulement les marchés financiers, mais elles se propagent au reste de l'économie, entraînent d'importants transferts de liquidités et affectent des individus qui ne sont pas impliqués (Hautcoeur, 2008).

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    Le système financier contemporain est caractérisé par « la finance globale de marché [qui] est intrinsèquement volatile et son mode de régulation est le krach, c'est ainsi » (Aglietta et al., 2008, p. 8). Cependant, ceci ne remet pas en cause les fonctions traditionnelles de la finance que sont le transfert de richesses dans le temps, la gestion des risques, la mise en commun de ressources, la création de l'information, l'organisation de systèmes de paiements etc. Ce qui est à l'origine des crises financières est essentiellement la finance dite structurée (Aglietta et al., 2008) que nous aborderons à la prochaine section traitant de la crise financière de 2007-2008. Toutefois, ceci peut être illustré par l'exemple du consommateur américain qui a été le premier à bénéficier de la période frénétique d'expansion du crédit (un des produits de la finance structurée). Le paradoxe étant que cette consommation du crédit a été utilisée à partir de l'argent prêté par un groupe de pays émergents, donnant lieu à un déficit de la balance de paiements américaine qui n'a cessé de se creuser depuis 1998; ainsi « c'est le déséquilibre macroéconomique fondamental du système financier contemporain » (Aglietta et al., 2008, p. 8).

    Cependant, pour comprendre cette ébullition financière des trente dernières années, un retour historique s'impose également. Ces nouvelles pratiques de la finance contemporaine n'aurait pu voir le jour sans la déréglementation financière (Aglietta et al., 2008). Cette déréglementation a essentiellement débuté aux États-Unis et Union européenne à partir des années 1980 et intensivement menée durant les années 1990. Elle a notamment permis de diminuer l'encadrement légal du crédit qui existait depuis l'après-guerre, de décloisonner les marchés, d'augmenter la concurrence entre les banques, d'attirer des capitaux internationaux et de stimuler l'innovation financière (Aglietta et al., 2008). La déréglementation a tout de même eu des bienfaits, mais elle a en contrepartie augmenté le risque auquel s'exposent les organisations et également le risque systémique. Enfin, les acteurs traditionnels tels que les mutuels ou coopératives ont été contraints aussi de s'adapter à ce nouveau contexte globalisé pour exister. En dépit du fait que ces organisations ont été attaquées, elles ont résisté aux crises puisqu'elles n'ont pas d'actionnaires auprès de qui elles doivent rendre des comptes, ce qui leur confère plus de flexibilité et de résilience (Aglietta et al., 2008).

    Toutes ces évolutions complexes passés et continues supposent de nombreux enjeux pour la finance contemporaine de « marché ». Les principaux enjeux sont les nouveaux risques et leur gestion, le financement des entreprises et de l'économie, l'information et son impact sur les marchés financiers (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). Il y a aussi d'autres enjeux, notamment la « formation de nuages » qui défient les concepts de la finance moderne à travers les recherches en psychologie financière telle que la finance comportementale qui devient de plus en plus populaire (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). Certains auteurs, comme Andrei Shleifer (2000), voient la finance comportementale comme la finance moderne de l'avenir. Un autre enjeu concerne les limites associées à la finance quantitative (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). En effet, pour Assoé et al. (2007), la finance devra se

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    développer hors de ce schéma de référence et reconnaître que les marchés financiers peuvent être incomplets où le principe d'arbitrage n'est pas nécessairement valide. Par ailleurs, l'enjeu lié à la mondialisation et l'internationalisation des échanges de biens et de capitaux donnerait lieu à des développements majeurs associant le droit et la finance (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). Enfin, Assoé et al. (2007) concluent que :

    « Le comportement des agents économiques est beaucoup plus difficile à prévoir que le mouvement des particules subatomiques. C'est une des grandes faiblesses des sciences sociales, mais également sa plus grande qualité. L'étude du comportement des individus ne cessera de nous pousser, comme chercheurs et professeurs, à développer de nouveaux champs d'intérêt et d'étude pour parfaire notre compréhension de la nature humaine. La finance (et ses disciplines connexes comme l'assurance et la gestion des risques) est la seule discipline qui met l'étude du comportement des agents économiques vis-à-vis du risque à la base même de l'intérêt scientifique » (Assoé, Boyer et Favreau, 2007, p. 50).

    1.3 La crise financière internationale de 2007-2008

    Cette section traite de la revue de la littérature sur la crise financière mondiale déclenchée en 2007 lors de la crise des subprimes aux États-Unis. Nous aborderons les principales origines, causes, conséquences et révélations sur le fonctionnement du système interbancaire et du marché financier. Cette section introduit le contexte de crise systémique internationale dans lequel prend place notre étude. De nombreux auteurs ont exposé les différentes facettes de cette crise financière dont les effets sont encore présents aujourd'hui (Ho, 2009; Roubini et Mihm, 2010; Lewin, 2011; Reynorlds, 2011; Sachs, 2011; Pauchant et Franco, 2014; Morin, 2015). L'un des principaux facteurs de cette crise fut le gonflement d'une bulle immobilière et la création de produits financiers structurés à partir, entre autres, de prêts hypothécaires, dits subprimes (Pauchant et al., 2015), d'où l'appellation de la crise des subprimes qui s'est déclenchée en 2007. Or dès 2004, certains analystes ont commencé à percevoir les premiers signes d'une crise sur le marché immobilier. Cependant, certaines banques se sont protégées contre l'effondrement de leurs propres titres, sur le marché immobilier, en continuant à vendre les produits toxiques à leurs clients, tout en pariant sur leurs baisses à travers l'achat de produits dérivés tels que les CDS ou Credit Default Swap12 (Pauchant et al., 2015). La crise financière est survenue avant tout en raison d'un contexte économique et financier qui se caractérisait principalement par un accroissement des flux de liquidité dans le secteur financier dont les parts étaient amplement supérieures à celles de la croissance économique réelle (Ricol, 2008).

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    D'après Salin (2009), la crise n'est pas en partie due à un manque de réglementation mais bien due à un interventionnisme excessif de l'État. L'auteur explique que la cause majeure de cette crise provient directement de la variabilité de la politique monétaire américaine au cours des années 2000, précisément à partir de la crise d'internet en 2002. En effet, la Fed (banque centrale américaine) est passée d'un taux d'intérêt de 6,5 % en 2000 à un taux de 1,75 % fin 2001 et à 1 % en 2003. Puis, le taux d'intérêt a augmenté au ralenti jusqu'à atteindre 4,5 % en 2006 (Salin, 2009). C'est cette diminution du taux d'intérêt initié par la Fed qui a favorisé le crédit facile et une abondance de liquidités favorisant une croissance expansionniste telle qu'expliqué par Ricol (2008). Cette politique monétaire américaine s'est alors transformée en une opportunité de gains faciles pour les établissements financiers, qui ont accordé des crédits à des emprunteurs de moins en moins fiables comme l'a révélé la crise des subprimes en 2007. Par conséquent, même si à la base un système capitaliste n'est pas foncièrement stable, il est plus stable qu'un système centralisé et étatique étant donné que c'est l'imperfection de la politique monétaire qui a eu un effet déstabilisateur sur le fonctionnement du libre marché dans le système financier international (Salin, 2009).

    Cependant, Salin (2009) manque de souligner que les réglementations et dérégulations au niveau de l'industrie financière et les politiques monétaires des institutions étatiques telles que les banques centrales, sont effectuées et mis en places par des dirigeants et responsables politiques très souvent issus du secteur bancaire par le passé. Aux États-Unis par exemple, Robert Rubin, qui a codirigé la banque Goldman Sachs, a été nominé Secrétaire du Trésor par Bill Clinton et ce durant les deux mandats présidentiels dans les années 1990. Son successeur, Henri Paulson a suivi le même parcours lorsque George W. Bush est devenu Président des États-Unis. En 2008, Henri Paulson a organisé le plus grand sauvetage des banques jamais réalisé et bien évidemment, a veillé à ce que Goldman Sachs en profite largement. À l'arrivée de Barack Obama, de nombreux dirigeants de Goldman Sachs entrent dans la Maison blanche et au gouvernement (Léon, 201113). D'où, lorsque certains anciens employés de banques comme celle de Goldman Sachs deviennent les gendarmes du marché financier, cela revient à « nommer un renard pour protéger le poulailler » (Léon, 2011). Cela ne s'arrête pas seulement aux États-Unis, puisqu'ils sont des centaines du secteur bancaire, particulièrement de Goldman Sachs, à occuper des postes clés au niveau des institutions gouvernementales. Au Canada, le gouverneur de la banque du Canada, Mark Carney, est un ancien de Goldman Sachs. Au Nigeria, le ministre du Commerce, Olusegun Aganga, est un ancien de Goldman Sachs. Au Royaume-Uni, un des dirigeants de la banque d'Angleterre, Ben Broadbent, est un ancien de Goldman Sachs. En Europe, le nouveau président de la banque européenne, Mario Draghi, est un ancien de Goldman Sachs (Léon, 2011).

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    La figure 1 ci-dessous, intitulée «Masters of the eurozone » (Foley, 2011) représente la carte des principaux pays européens, où d'anciens employés de Goldman Sachs occupent des postes clés au niveau gouvernemental.

    Figure 1: « Masters of the eurozone ». Source : The Independant (Foley, 2011).

    Selon Carey (2009), la cause primaire de la crise de 2008 réside en partie dans la spéculation du secteur immobilier, en particulier les produits dérivés tels que les « collateral debt obligation » ou titres garantis par des créances14 et « credit default options » communément appelés CDOs ou option sur défaillance15. Ces produits

    Par ailleurs, la financiarisation accrue de l'économie, comme mentionnée à la précédente section de la littérature, a également été souligné par des institutions internationales reconnues telles que la Banque mondiale,

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    dérivés complexes n'étaient pas seulement vendus par les financiers de Wall Street, mais également par des milliers de personnes non issus du milieu financier : par exemple des livreurs de pizza vendaient aussi ces produits financiers (Carey, 2009). Ces produits dérivés issus de l'ingénierie financière ont été décrits par l'investisseur Warren Buffet comme des « outils de destruction massive » (Roubini et Mihm, 2010, p. 198). La crise a révélé que plusieurs acteurs économiques étaient responsables de la crise financière de 2008 aux États-Unis dont les institutions financières, le gouvernement américain, la Fed (banque centrale américaine) et les agences de notation (Carey, 2009). Au niveau des institutions financières, l'une des causes de la crise découle en partie du fait que pendant un certain temps, les bonus et dividendes étaient réelles, mais les profits sur lesquels ces bonus et dividendes étaient supposés être basés, ne l'étaient pas (Carey, 2009).

    Au niveau du gouvernement américain par exemple, selon Carey (2009), ce dernier n'a pas assuré le processus de régulation pour maintenir la sécurité et la stabilité du système financier américain. En effet, au Congrès américain, depuis les années 1980, des Sénateurs autant républicains que démocrates ont prôné la dérégulation afin d'éliminer les restrictions régulatrices du marché financier. Ainsi, en 1999, le Glass-Steagall Act16, qui obligeait les banques à séparer leurs activités commerciales (de dépôt des particuliers et financement des particuliers et entreprises) de celles d'investissement (courtage, spéculation et assurances), a été abrogé par le Gramm-Leach-Bliley Act (Carey, 2009). En 1997, Brooksley Born, qui a dirigé la Commodity and Futures Trading Commission (CFTC), a commencé à être préoccupé par les produits financiers dérivés et explorer des pistes pour les réguler. Cette tentative a rencontré une forte opposition du président de la Federal Reserve, Alan Greenspan, secondé par Robert Rubin, qui ont rejeté cette initiative en expliquant que cela pourrait causer une crise financière. En 1999, ces derniers ont recommandé que le Congrès retire de manière définitive à la CFTC l'autorité de régulation sur les produits dérivés (Carey, 2009).

    Enfin, en ce qui concerne les agences de notation, ces dernières ont joué un rôle central dans la crise financière de 2008, car non seulement elles comprenaient peu les produits dérivés CDOs, mais aussi les « bons » crédits d'hypothèque et prêts à risque, dits subprimes, ont été combinés en paquets pour être vendus aux investisseurs (Carey, 2009). D'où, tout le monde s'est fié à ses agences pour un tampon d'approbation de ces paquets financiers. Cependant, les frais de notation pour ces instruments financiers sont bien élevés et la compétition entre les agences de notation est intense. Donc si un fournisseur d'hypothèques tel que Countrywide Financial se plaignait à propos d'une notation faible, l'agence de notation l'augmentait. Ainsi, les notations sont devenues autant non fiables que les instruments financiers eux-mêmes (Carey, 2009).

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    le Fonds monétaire international (IMF) et le Forum de Davos. Selon ces dernières, cette financiarisation du marché mène à un déficit démocratique, à un accroissement des inégalités, à un contexte mondial d'incertitude, de manque de confiance et de crises majeures (IMF, 2014; WEF, 2013; Mussa, 2009). D'autre part, plusieurs critiques ont été adressées à l'encontre du mythe de l'autorégulation (Krugman, 2009; Stiglitz, 2010), supposément fondé sur le concept économique d'Adam Smith de la main invisible du marché, et prônée par la théorie économique néoclassique. En effet, pour plusieurs auteurs, Adam Smith, considéré comme le père de l'économie moderne, préconisait à travers ses écrits une réglementation des banques et de la finance sur la base de six régulations (Carey, 2009; Charolles, 2006; Chavagneux et Martimache, 2012; Mussa, 2009; Rockoff, 2011; Sen, 2009; Walch, 2014; Pauchant et Franco, 2014). D'où, certains auteurs proposent le rétablissement du Glass-Steagall Act car cette réglementation, séparant les activités bancaires commerciales de celles d'investissements, permettrait de mieux gérer les risques financiers grâce à la mise en place de pare-feu (Mussa, 2009; Roubini et Mihm, 2010). Selon Charolles (2006), à la source de la crise financière de 2007-2008 entre autres, ce modèle de gouvernance capitaliste-financier, fondé sur l'accumulation du capital par un petit nombre au détriment du plus grand nombre, va à l'encontre du libéralisme équilibré et soucieux d'équité prôné par Smith (Charolles, 2006).

    Toutefois, dans le contexte de la crise financière de 2008, les banques coopératives ont dans l'ensemble bien résisté aux chocs financiers. Excepté quelques banques coopératives qui ont été affectés par la crise en raison de leur implication dans les activités financières à haut risque, notamment en France telles que le Crédit Mutuel, la Caisse d'épargne, la Banque populaire, et en particulier le Crédit agricole dont les pertes financières sur les entités cotées de ces banques se chiffrent à des milliards d'euros. Cependant, la plupart des institutions financières coopératives dans le monde ont regagné en popularité en raison de leur modèle bancaire plus stable et responsable socialement. C'est le cas de Desjardins au Québec, les Credit unions aux États-Unis et les banques coopératives en Suisse telles que Raiffeisen, Banque Coop ou Banque Migros. Au lendemain de la crise financière, la presse a ainsi relaté le retour vers les banques coopératives.

    L'Expansion par exemple, titrait « Changer de banques, oui, mais pour laquelle? » (Raim, 2010) et rapportait la campagne d'un collectif particulier qui avait pour but d'encourager les Français à transférer leur argent des banques « nuisibles » aux banques « recommandables » telles que Banque postale ou bien la NEF pour Nouvelle économie fraternelle et le Crédit Coopératif. Un article de Radio-Canada titrait également « Des citoyens exaspérés quittent leur banque pour le Bank Transfer Day » (Radio Canada, 2011 (a)) aux États-Unis dans la foulée des mouvements de contestation contre la cupidité des grandes institutions financières. Cela a eu pour résultat dès les quatre premières semaines, à encourager 650 000 Américains à ouvrir un compte dans les credit unions, en retirant ainsi 4,4 milliards de dollars aux banques commerciales. L'article « Suisse : La crise financière relance la banque coopérative » (Mombelli, 2012), relatait que les banques coopératives, perçues

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    comme un modèle de gestion désuet et inadapté au contexte évolutif et concurrentiel des marchés financiers, ont réussi à renforcer leur position en temps de crise du secteur financier. En effet, ces institutions ancrées dans l'économie locale, « offrent une alternative solide aux excès de la finance spéculative internationale » (Mombelli, 2012).

    Par ailleurs, comme nous l'avons mentionné à l'introduction du mémoire, pour 77 % d'économistes issus des plus prestigieuses universités américaines (en 2005), l'économie est considérée comme la science sociale la plus scientifique. De plus, le rapprochement de l'économie et la finance ces dernières décennies a aboutit à une financiarisation de l'économie ou du marché pour de nombreux auteurs (Maillard, 2011; Lacroix et Marchildon, 2013; Piketty, 2013; Servan-Schreiber, 2014; Geithner, 2014; Fourcade et al., 2014; Pauchant et Franco, 2014; Naim, 2015; Zingales, 2015; Cecchetti et Kharroubi, 2015; Taylor, 2015). Sur le plan académique, cela signifie que l'économie se réfère plus à la finance qu'à d'autres sciences sociales telles que la sociologie ou la science politique (Fourcade et al., 2014). Sur le plan de la gouvernance, ce rapprochement de la finance et l'économie a sculpté un système de gouvernance économique où le secteur financier tient une place prépondérante et dépasse la croissance économique réelle (Pauchant et Franco, 2014; Cecchetti et Kharroubi, 2015).

    Cette institutionnalisation de la finance en tant que pouvoir central et intellectuel de l'économie découle en partie de la base d'enseignement de la finance dans les établissements supérieurs des affaires depuis la deuxième moitié du XXe siècle (Fourcade et al., 2014). En effet, un sondage datant de 2004 a révélé que 549 doctorants en économie enseignaient dans le top 20 des écoles de commerce aux États-Unis, comparé à 637 doctorants en économie enseignant dans le top 20 des départements d'économie (Blau, 2006). Dans les années 1950, seuls 3,2 % des chercheurs en économie enseignaient les affaires dans les établissements supérieurs, mais depuis les années 2000, ce chiffre a augmenté à 17,9 %, laissant une part marginale à la contribution d'économistes issus d'agences gouvernementales (Fourcade et al, 2014).

    Ces facteurs décrits ci-dessus ayant entraîné la crise financière internationale 2007-2008 révèlent la complexité du système financier international et l'interdépendance de l'économie et la finance sur le plan macroéconomique. Nous pouvons également ajouter des facteurs de type organisationnel ayant favorisé la crise qui s'appliquent notamment à la gestion interne des banques de par les individus, la culture de l'entreprise, la structure organisationnelle et la stratégie (politique de l'entreprise). Ces éléments clés seront abordés dans la prochaine section de cette revue de littérature, relative à la gestion de crises.

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    1.4 La gestion de crises

    L'étude des crises n'est pas récente. Par le passé, il y a eu de grandes crises qui ont laissé leurs marques dans l'histoire. La crise des missiles de Cuba en 1962 est souvent mentionnée comme étant la date à laquelle ont débuté la pensée et l'étude des crises internationales (Lagadec, 1991). Cependant, à partir des années 1990, un nouveau défi émerge avec la mondialisation, celui des crises. Entre autres, accidents majeurs et menaces globales, ruptures organisationnelles, effondrement de systèmes, éclatement culturels, tendent à échapper à la « normalité » (Lagadec, 1991). Ceci traduit un degré de complexité élevé en raison de grands systèmes qui sont de plus en plus dépendants de leur environnement et sujets à des changements complexes et radicaux (Ansoff, 1990).

    Il existe plusieurs types de courants d'expertise scientifique sur les crises tels que le domaine de risques technologiques, en sociologie avec le comportement des individus, groupes et collectivités en situation de crises, les crises des phénomènes naturels, en psychologie pour la santé mentale et situation de crise et stress (Lagadec, 1991). Autre registre, celui des spécialistes des relations internationales à qui l'ont doit particulièrement les premières tentatives de théorisation du concept de crises avec l'article de Robinson (1968) publié dans l'International Encyclopedia for Social Sciences, ainsi que la modélisation des processus de décision en situation de crise. Dans cette lignée, les travaux les plus connus sont ceux de Graham Allison (Harvard University) sur la crise de missiles de Cuba (Lagadec, 1991). Enfin, plus récemment dans le domaine des sciences de l'administration et de la gestion, on retrouve la gestion de crises dans les organisations. C'est un champ scientifique assez récent et selon une étude de Pauchant et Douville (1993), 80 % des publications mentionnant le terme « gestion de crise » (crisis management) furent publiés après 1985, ce qui confirme la nouveauté du sujet (Roux-Dufort, 2000). Dans ce champ, il y a Igor Ansoff dans le domaine du management stratégique. Plus directement rattachés au « crisis management » ou gestion de crises, il y a les travaux d'Alexander Kouzmin (Professeur de gestion à Camberra - Australie), Ian Mitroff (Directeur du Center for Crisis Management, Professeur de gestion - Université of Southern California) et Thierry Pauchant (Professeur titulaire et Directeur de la Chaire de management éthique aux HEC Montréal) (Lagadec, 1991). Il y a aussi Christophe Roux-Dufour en gestion de crises entre autre (Professeur agrégé à l'université de Laval). Enfin Patrick Lagadec, un analyste et intervenant dans le domaine de la prévention et pilotage des crises majeures17. Depuis plusieurs années, en raison du caractère systémique des crises, des liens se sont tissés entre différentes disciplines. On retrouve dans cette mouvance des conférences internationales organisées par l'Industrial Crisis Institute à New York, sous l'égide de Paul Shrivastava (Professeur de management et auteur d'une étude approfondie sur la crise du Bhopal en 1987), qui réunit universitaires, consultants, gestionnaires publics et privées intéressés par les crises (Lagadec, 1991).

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    D'un point de vue académique, il existe une pluralité de définitions, formes de crises, de causes potentielles et des conséquences liées aux crises. En raison du caractère variable, systémique et complexe des crises, l'étude des crises ne peut pas être réduite à une seule discipline ou théorisée par un modèle objectif et universel. Les analystes dans ce domaine tels qu'Edgar Morin soulignent la variété infinie des crises (Lagadec, 1991). Bell (1978), un des spécialistes des crises internationales, définit les crises de la manière suivante :

    « Les crises internationales sont généralement au confluent de nombreuses décisions d'origines disparates; certaines d'entre elles sont aussi obscures et lointaines que des rivières souterraines qui ne parviennent à la surface et n'acquièrent de visibilité qu'au moment de la crise. Théoriser à leur sujet, ou même poser des questions à leur propos, ne se fait pas sans risque de comparer des objets incomparables. Les événements ne possèdent pas de liens de symétrie, les processus de précision sont difficilement cernables. Même les notions de « décision », de « décideur » se révèlent souvent des mirages lorsque l'on se rapproche de la réalité » (Bell, 1978, p. 51-52)

    Dans le cadre de notre étude sur la gestion de crises dans les banques coopératives et dans le contexte de la crise financière systémique internationale, nous nous en tiendrons à la définition systémique des crises, construites à partir de disciplines spécifiques, telle que par exemple cette proposition de l'analyse d'un système : « Une crise est une situation qui crée un changement abrupt et soudain sur une ou plusieurs variable(s) clé(s) du système » (Herman, 1971, p. 11). Nous retiendrons également cette définition systémique des crises organisationnelles : « [...] les crises organisationnelles trouvent leur source à la fois dans des déséquilibres générés par l'organisation elle-même, mais aussi par un ensemble d'options de société qui guident nos comportements et nos décisions et qui façonnent notre manière de voir le monde » (Roux-Dufort, 2000, p. 8).

    La gestion de crises systémiques implique un contexte historique particulier, des relations et facteurs inter-reliés dans un système relativement complexe incluant plusieurs parties prenantes (Pauchant et al, 1991). La probabilité d'une crise systémique est liée, à la fois, à la complexité du système et la combinaison de ses variables constitutives (Perrow, 1984). Lorsqu'une crise survient à ce niveau, que l'on qualifie de crise « systémique », elle affecte non seulement l'organisation, mais aussi les différentes parties prenantes de l'environnement global de l'organisation (Pauchant et al., 1991). L'approche systémique de la crise nécessite de prendre en considération les contextes historiques, sociopolitiques, ainsi que les processus d'apprentissage (Leveson, 2004; Belmonte et al., 2011; Weber et al., 2012).

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    1.4.1 Les causes potentielles des crises et mécanismes de défense

    Ford (1981) identifie quatre caractéristiques primaires « internes » qui contribuent aux crises organisationnelles : l'échec d'identification de la relation entre les variables; la pensée de groupe; la distribution et la distorsion de l'information; et l'optimisme mal placé. En effet, en ce qui attrait à l'échec d'identification de la relation entre les variables, la reconnaissance et la compréhension de la complexité systémique existante entre les variables est essentielle afin de gérer l'incertitude et le risque auxquels peut être confrontée toute organisation (Weick et Sutcliffe, 2007; Fischbacher-Smith, 2011). La pensée de groupe réfère à la dynamique de délibération mentale, l'expérience de la réalité et le jugement moral qui résultent de la pression intergroupe (Ford, 1981). Selon Ford (1981) et Janis (1982), cet effet de pensée de groupe se caractérise par huit symptômes : 1) l'illusion de l'invulnérabilité; 2) le discrédit de l'information négative; 3) la croyance en leur propre morale; 4) les points de vues stéréotypes des individus extérieurs; 5) la pression de groupe à se conformer; 6) l'autocensure; 7) l'illusion de l'unanimité; 8) les gardiens de la pensée: s'auto-désigner pour s'assurer que l'information contraire au groupe ne l'atteigne pas. Janis (1982) a identifié ce phénomène sous le terme de groupthink ou « d'unanimisme de groupe » traduisant une fermeture pathologique lié au groupe (Lagadec, 1991) : « Plus un groupe est marqué par une certaine chaleur interne et par un esprit de corps, plus grand est le danger de voir ses facultés de pensée critique et indépendante laisser place à de la pensée de groupe, qui tend à produire des actions irrationnelles et déshumanisantes dirigées à l'encontre des groupes extérieurs » (Janis, 1982, p. 13).

    Ce phénomène de pensée de groupe et des mécanismes de défense sont également traités par Albert Bandura, un scientifique contemporain reconnu pour ses travaux en psychologie sociale (Pauchant et al., 2015). Bandura et d'autres auteurs ont étudié ces mécanismes de désengagement moral, à travers plusieurs problématiques controversées telle que la défense de la peine de mort (Osofrsky, Bandura et Zimbardo, 2005) ou la justification de la guerre en Irak aux États-Unis (McAlister, Bandura et Owen, 2006). Ce modèle théorique des mécanismes de désengagement moral a été utilisé dans plusieurs travaux (Pauchant et al., 2015) et a été validé également statistiquement (McAlister et al., 2006, p. 155). Bandura a établie dix mécanismes de désengagement moral dont la robustesse de la théorie repose en partie sur l'interrelation existante entre les dix mécanismes. Le désengagement moral fonctionne donc comme un système (Pauchant et al., 2015).

    Les dix mécanismes décrits par Bandura (1999) sont: 1) La justification morale : justifier l'action par des raisons légales, religieuses ou philosophiques; 2) La comparaison avantageuse : tenter de diminuer la gravité de l'action en la comparant à d'autres; 3) L'aseptisation du langage : limiter l'usage de mots trop chargés émotionnellement ou socialement; 4) Le déplacement de la responsabilité : attribuer à d'autres la responsabilité

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    de l'action; 5) La diffusion de la responsabilité : ne pas considérer l'acteur comme seul décideur; 6) Le déni des conséquences : cacher les conséquences réelles de l'action; 7) La minimisation des conséquences : diminuer la gravité de l'action; 8) La remise en cause des conséquences : invoquer d'autres conséquences plus positives; 9) La déshumanisation des victimes : retirer aux victimes le statut d'humain et la dignité; 10) Le blâme envers les victimes : rendre les victimes responsables de l'acte dirigée contre elles (Bandura, 1999).

    Les dix mécanismes de désengagement moral du modèle de Bandura sont utilisés par des individus sains d'esprit qui les utilisent afin de faire taire leurs sentiments moraux qui émergent naturellement (Bandura, 1999; Pauchant et al., 2015). D'où, lorsque ces mécanismes de désengagement moral sont utilisés et en rejoignant d'autres personnes qui ont la même vision, l'emprise collective des personnes devient alors effective et ces personnes ne peuvent plus s'autoréguler, ce qui peut être potentiellement destructeur (Bandura, 1999). Ce contexte socio-psychologique pourrait éventuellement mener à des crises potentielles car la théorie de Bandura stipule que l'emploi des mécanismes du désengagement moral, la dégénérescence morale des personnes et des collectivités mettent un certain temps à s'installer. On parle dès lors de culture de désengagement moral (Pauchant et al., 2015). Nous détaillerons davantage le modèle du désengagement moral, au chapitre 2 de la méthodologie, à travers l'exemple de trois cas : l'affaire Enron, la crise financière 2007-2008 et la Ville de Montréal avec la Commission Charbonneau (Pauchant et al., 2015). Par ailleurs, plusieurs auteurs, dans le domaine de la gestion, ont évoqué la présence de ces mécanismes de désengagement sous différentes appellations telles que les « mécanismes de rationalisation » qui bloquent la capacité de prévention des crises que nous décrirons à la méthodologie (Pauchant et Mitroff, 2001, chap. 4), les « mécanismes de défense » (Lhuilier, 2009) ou les « tactiques de socialisation » encourageant la corruption (Anand, Asford et Joshi, 2004) et les « mécanismes de normalisation » (Roux-Dufort, 2000).

    Dans un autre registre, selon Roux-Dufort (2000), le développement des sociétés dites « crisiques » est caractérisée par trois phénomènes : la société de l'information; la compression du temps et l'idéologie de l'urgence; l'omniprésence de la technologie. Dans des sociétés où les technologies de l'information et la communication sont répandus et connectés, le caractère instantané de la transmission de l'information tend à amplifier le moindre événement dans un contexte sensible : « Il contribue aussi à rendre visible le secret ou l'invisible » (Roux-Dufort, 2000, p. 8). Les sociétés ont fait le choix de la compression du temps dans le sens où les flux d'activités se sont raccourcis, les temps de conception, d'opérations et de fabrication ont amplement diminué et le cycle de vie a été réduit. Ceci a eu pour effet d'accroître le niveau d'interdépendance entre les acteurs d'un même secteur et les niveaux d'interactions des processus industriels. D'où, cela aussi a rapproché les dysfonctionnements potentiels et problématiques jusque là isolées et a surtout augmenté le niveau de complexité (Roux-Dufort, 2000). Enfin, la technologie est omniprésente dans les sociétés modernes et fait l'objet d'une

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    sacralisation selon Roux-Dufort (2000). En dépit des avancées de la gestion de risques technologiques, le risque technologique majeur est toujours présent (tel que vu récemment lors de la crise nucléaire de Fukushima en 2011, voir Guntzburger et Pauchant, 2014), mais trouve aussi de nouvelles sources et se déplace vers de nouvelles zones sensibles tels que l'alimentation et la médecine (Roux-Dufort, 2000). Cependant, il est essentiel de souligner que le risque technologique existe également dans le milieu financier étant donné que l'ingénieure financière crée des outils et logiciels technologiques sophistiqués et dont la rapidité d'exécution est phénoménal. Edward « Ted » Kaufman, sénateur de l'État du Delaware (2009-2010) aux États-Unis a évoqué le risque technologique financier dans un entretien vidéo (Léon, 201118):

    « Ce qui m'inquiète aussi, c'est que les ingénieurs créent des ordinateurs, des logiciels qui fonctionnent à une vitesse incroyable, dont nous n'avons aucune idée. Nous n'avons aucune idée de ce qui se passe dans ces marchés parce que nous ne pouvons pas contrôler leur vitesse. Aucune autorité des marchés financiers, ni la CFTC, ni la SEC ne peuvent déterminer ce qui se passe dans les échanges à haute vitesse, et c'est incroyablement dangereux » (Léon, 2011).

    1.4.2 Les formes des crises et conséquences potentielles

    Comme nous l'avons évoqué à la précédente section, il y a différentes types de crises identifiés dans la littérature relative à la gestion de crise : crises financières, technologiques, sociales, psychologiques, internationales, naturelles, systémique etc. (Lagadec, 1991). Certains auteurs ont identifié trois formes de crises : les désastres technologiques, les crises de déclin et les crises de développement (Kovoor-Misra, Clair, et Bettenhausen 2011). La crise est une combinaison d'attributs de trois facteurs critiques : la nature de la crise, les personnes impliquées et les systèmes de gestion de crise de l'organisation. Ces trois formes de crises peuvent survenir de manière indépendante mais peuvent être aussi inter-reliées, c'est-à-dire qu'une crise de déclin peut être liée à une crise technologique (Kovoor-Misra et al., 2011). La figure 2 ci-dessous présente la grille de repérage des différents types de crises organisationnelles: un axe détermine le caractère « interne » ou « externe » de la crise, et l'autre axe la dimension « humaine » ou « technique » (Mitroff, Pauchant et Schrivastava, 1988).

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    Figure 2 : « Les différents types de crises organisationnelles » (Mitroff et al., 1988).

    Dans un contexte de crises, deux formes de mécanismes de défense sont souvent identifiés comme conséquences directes des crises : le déni ou la continuation et la contraction de l'autorité (Ford, 1981) ou les deux. Le déni est la réaction la plus répandue face à une crise qui repose sur la supposition que le(s) problème(s) de l'organisation sont transitoires, les gestionnaires tendent alors à sous estimer le besoin d'entreprendre tout changement et continuent leurs activités (Ford, 1981). La contraction de l'autorité survient lorsque les gestionnaires, étant confrontés au besoin nécessitant une réponse rapide, peuvent réduire le nombre de personnes participant au processus décisionnel (Ford, 1981). Pauchant et Mitroff (2001) ont également identifié le déni, la projection et la grandeur comme étant des mécanismes de défense qui peuvent apparaître dans un contexte de crise. La projection consiste à déplacer la responsabilité vers une source externe tandis que la grandeur découle de la croyance que la taille rend invulnérable (Pauchant et Mitroff, 2001).

    Face à une crise, l'individu peut être directement ou indirectement exposé aux conséquences des crises. De manière générale, l'individu subit le choc initial de la crise, le sentiment d'impuissance, l'urgence, l'incertitude, les enjeux, la perte de l'univers de référence et de repères, la culpabilité, le stress et l'angoisse etc. (Lagadec, 1991). C'est la raison pour laquelle le facteur individuel est essentiel et ne peut être sous-estimé dans une situation de crise, car cela réfère à l'importance d'intégrer l'approche individuelle dans la gestion de crise et le type de personnalités pour prévenir et gérer les crises le moment venu (Lagadec, 1991; Pauchant et Mitroff, 2001).

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    1.4.3 Plans et stratégies de gestion de crises

    L'un des plus importants élément dans la gestion de crises est d'abord de reconnaître qu'il est nécessaire d'adopter une vision systémique et complexe afin de capturer la complexité du concept de crises (Morin, 1976; Deschamps et al., 1997; Pauchant et Mitroff; 2001; Fischbacher-Smith, 2011; Topper et Lagadec, 2013). Avant de présenter une suggestion de plans ou stratégies de gestion de crises, il est également essentiel de souligner l'importance du rôle de l'individu et la culture dans ce processus (Bell, 1978; Lagadec, 1991; Pauchant et al., 2015; Guntzburger et Pauchant, 2014). En effet, il est primordial d'avoir une approche systémique pour une gestion préventive et éthique de systèmes pouvant être en situation de crises (Guntzburger et Pauchant, 2014). Cette approche systémique est fondamentale dans la prévention et l'éthique des crises, menant à un nouveau type de développement, de formation et d'éducation (Saleh et Pendley, 2012). Ce type d'éducation nécessite d'aller au-delà du cadre administratif de référence où tous les risques et enjeux sont supposés être bien définis afin d'implémenter des solutions qui résolvent des problèmes bien connus (Denis, 2002; Lundberg et al., 2009; Fischbacher-Smith, 2011; Lagadec, 1991). D'autres auteurs soulignent également l'importance d'aller au-delà des règles ou des prémisses de base existantes dans la gestion stratégique des organisations et des crises en adoptant une vision systémique des crises et reconnaissant le rôle de l'individu (Bell, 1978; Lagadec, 1991; Pauchant et al, 2015) :

    « Il y a là une leçon de prudence tout à fait essentielle, mettant en garde contre l'idée que la gestion de crise pourrait être réduite à une panoplie de règles et de théorèmes pouvant être enseignés aux décideurs. Les facteurs de succès sont plutôt l'imagination historique, la créativité intellectuelle et la capacité à percevoir les signaux des partenaires. Ces aptitudes sont difficiles à enseigner, et assurément, la tendance à fonder la réponse sur un système de règles, elles-mêmes fondées sur des précédents connus, peut avoir un effet très contre-productif. La gestion de crise doit donc, sans aucun doute, être enseignée comme un art ou un savoir-faire, non comme une science; comme pour les autres arts, le succès peut dépendre de la capacité à s'écarter des règles et des précédents» (Bell, 1978, p. 51-52).

    En prenant comme exemple la crise financière de 2007-2008, cette dernière a entraîné un mouvement de réflexion sur le risque, l'intégrité et l'éthique dans les milieux des affaires et même l'administration publique (Engelen et al., 2011; Reynolds, 2011; Roubini et Mihm, 2010). Ceci a été confirmé par d'autres études qui ont mis en avant la nécessité de reconnaître que le niveau culturel est aussi important que l'aspect réglementaire dans la prévention des crises (Pauchant et al., 2015). Par exemple, il a été évalué que 24 % des employés des

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    institutions financières américaines et anglaises sont tentés de contourner les règles pour maximiser le rendement et déclarent que 39 % de leurs compétiteurs le font régulièrement (Labaton Sucharow, 2012). À Wall Street, ce qui a entraîné en partie la crise est le leadership qui encourageait la maximisation des profits à court terme, les agences de notation ou les organismes de réglementation qui ont mal assuré leurs fonctions et les nombreux Conseils d'administration qui ont approuvé des prises de risques évaluées « insensée » par la suite (Pauchant et al., 2015). Tel que nous avons vu avec le principe de désengagement moral, le respect de la loi et les aspirations éthiques proviennent de processus naturels, individuels et sociaux qui se propagent sur le bien être de chaque individu et sur la communauté (Bandura, 1999). Or lorsque les mécanismes de désengagement moral sont partagés dans une organisation ou un groupe restreint, cela procure aux individus « l'illusion, sans dégout ni remords, que leurs actions sont à la fois « légales » et « éthiques », leur permettant de pratiquer leurs affaires à un coût supérieur pour le public et en abusant des populations » (Pauchant et al., 2015, p. 12).

    En ce qui attrait aux plans de gestion de crises, Pauchant et Mitroff (2001) par exemple ont identifié trois concepts fondamentaux : le premier concept est la première génération qui met l'emphase sur la préparation aux crises, autrement dit le pilotage et la gestion des effets négatifs d'une crise. Le deuxième concept est qualifiée de seconde génération, beaucoup moins répandue que la première dans les organisations, et qui vise notamment à plus prévenir et anticiper les crises et les facteurs paradoxaux générés directement ou indirectement par les organisations en termes de production, de développement d'affaires et de création de richesse. Le troisième concept fondamental est de « développer, dans une entreprise, l'apprentissage profond que tout effort de production ou de productivité amène de manière irrémédiable vers un accroissement de destruction, un paradoxe fondamental » (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 17) En se fondant sur ces concepts, Pauchant et Mitroff (2001) ont élaboré le modèle de gestion de crise organisationnelle, dit de l'oignon, composé de quatre niveaux (individus, culture, structure, stratégie) que nous utiliserons ultérieurement pour analyser le processus de gestion de crises des banques coopératives choisies.

    1.5 Les banques coopératives

    Avant de présenter les caractéristiques spécifiques des banques coopératives, nous allons d'abord introduire une présentation littéraire générale de l'organisation coopérative. La coopérative est définie, par l'ACI (Alliance coopérative internationale) comme étant « une association autonome de personnes unis volontairement afin de joindre leurs besoins et aspirations communs économiques, sociaux, culturels par l'intermédiaire d'une entreprise dont la propriété est partagée et démocratiquement contrôlée » (IMF, 2007, p. 6, notre traduction). En pratique et de manière générale, les principales caractéristiques de gouvernance des coopératives sont les suivantes : 1) Association (de personnes qualifiées) et retrait libre : donnant lieu à des bases de capital coopératif variées; 2) Intransférabilité de l'adhésion : impliquant l'absence de marchés pour les parts des

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    membres; 3) Structure démocratique : donnant habituellement à chaque membre un vote ou une voix quelque soit son investissement; 4) Distribution des profits souvent limitée : elle n'est pas non plus nécessairement proportionnelle aux actionnariats des membres; 5) Droits de propriété limités au capital nominal coopératif représenté par les parts des membres; 6) Poursuite des intérêts spécifiques des membres : la maximisation du profit n'est pas l'intérêt primaire (IMF, 2007).

    Tout comme les organisations corporatives, les coopératives ont également tendance à traverser un cycle de vie de trois phases (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007). À la première phase, les coopératives apparaissent typiquement lors de périodes où les marchés et institutions existantes échouent à satisfaire les besoins et aspirations des citoyens. En effet, les mouvements coopératifs tendent à apparaître en phénomène de masse durant des périodes de volonté de changement, crises sociales et d'antagonisme de groupe. Plusieurs de ces mouvements, incluant le secteur financier, ont émergé durant l'industrialisation et la famine dans l'Europe du XIXe siècle (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007). À la seconde phase qu'est l'adolescence, durant ce processus, les défis de gouvernance changent car avec la professionnalisation du management, l'efficience économique devient primaire, aboutissant à une quête d'économies d'échelle qui entraîne un processus de consolidation et de formation de réseaux. Ceci permet au personnel et gestionnaires d'émerger comme une nouvelle classe de sociétaires avec des intérêts qui ne sont pas nécessairement alignés avec ceux des membres (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007). Enfin, lors de la troisième phase, le succès et l'espérance de vie mature de la coopérative dépendent de sa compétitivité, sa gestion et ses relations avec les membres. Autrement dit, au fur et à mesure que la coopérative mûrit et devient établie à long terme, la fidélité des membres devient contingente de l'habilité de la coopérative à offrir des produits compétitifs sur le marché, mais qui peut se révéler insuffisante si l'implication financière de ses membres est fragile. De plus, cette phase est également caractérisée par l'accroissement de divisions internes, un affaiblissement de l'idéologie collective et la disparition de la raison d'être initiale de la coopérative. Tout ceci tend à menacer la survie et continuité de la coopérative à l'état mature (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007).

    1.5.1 Racines historiques

    Les banques coopératives sont apparues en Europe au XIXème siècle, époque à laquelle le système bancaire ne se préoccupait que de la haute finance : financement de l'État ou des grands travaux etc. (CRESS, 2015). Tout ce qui se rapportait aux besoins en crédit des paysans, ouvriers ou artisans était dès lors assuré par les usuriers. En 1849, Proudhon fonde la première « banque du peuple » mais cela n'a pas fonctionné longtemps. C'est en Allemagne où deux grands modèles de crédit mutuel ont été mis en place sous la supervision de Raiffeisen19 et Shulze-Delitzsch20 (CRESS, 2015). Le modèle de Raiffeisen s'appuie précisément sur la responsabilité illimitée des sociétaires, le bénévolat des administrateurs et une circonscription géographique

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    restreinte. Le modèle de Schulze-Delitzsch est caractérisé quant à lui par un rayonnement plus étendu, et la possibilité de verser des dividendes aux sociétaires. Ces deux modèles ont entraîné la fondation de deux principales institutions bancaires coopératives en France : les Crédits Mutuels et les Banques Populaires (CRESS, 2015). Puis, de l'Allemagne, le concept du coopératif bancaire s'est graduellement étendu au reste du continent européen et les pays Nordiques. En Grande-Bretagne, les banques coopératives ont des racines historiques différentes : les credit unions ou unions de crédit sont apparues seulement durant la moitié du XXe siècle et ont été basées sur le modèle des unions de crédit américaines, qui elles-mêmes étaient inspirées par les adaptations canadiennes du concept de la coopérative bancaire allemande (Hansmann, 1996).

    1.5.2 Caractéristiques et avantages

    De ces principes et caractéristiques coopératifs mentionnés précédemment, les banques coopératives ont un modèle de gouvernance particulier qui lui confère plusieurs avantages comparatifs qui ont assuré le succès des banques coopératives, mais qui ont été érodés avec le temps, tout en engendrant de nouveaux avantages (IMF, 2007). Ces avantages sont exposés ci-dessous.

    Les banques coopératives ont un avantage comparatif informationnel mais peuvent le perdre à long terme à mesure que la coopérative s'accroit en taille. C'est l'engagement et l'implication des membres, la relation étroite avec eux et le degré de l'exposition financière des membres qui confèrent aux banques coopératives leur avantage comparatif en termes d'informations et d'exécution. Cependant, ces facteurs avantageux ont tendance à disparaître à mesure que les coopératives gagnent en économies d'échelle et que la distance avec les membres s'accroit (IMF, 2007). Les banques coopératives ont un coût plus faible du capital car elles ont seulement besoin de rémunérer la part de leur propriété qui est représentée par les parts des membres. Elles ne rémunèrent pas non plus les parts des membres de manière généreuse et n'ont pas besoin de le faire car dans la plupart des cas, les membres n'acquièrent pas des parts dans le but d'investir. Ce coût faible du capital devrait en théorie permettre aux coopératives de vendre leurs produits en dessous des prix du marché ou en d'autres termes, d'incorporer leurs profits dans leurs produits. Cependant, en raison de l'augmentation des pressions sur les coopératives afin qu'elles accroissent leur niveau de profitabilité sur le marché, cet avantage a perdu de sa valeur (IMF, 2007).

    Les banques coopératives ont solidement établi un positionnement sur le marché de détail et la loyauté des consommateurs, mais dépendent davantage de ces derniers que les autres banques. En général, les banques coopératives ont des positions solides sur le marché bancaire de détail, en particulier dans leur marché ou segment cible. De plus, les membres-clients sont supposément plus loyaux que les clients des banques commerciales puisque la relation que ces premiers ont avec leur coopérative va au-delà de la relation de

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    consommation du client avec sa banque commerciale. Cependant, étant donné que le marché bancaire de détail devient plus compétitif, cette loyauté des membres n'implique pas forcément que ces derniers vont nécessairement avoir des services bancaires qu'avec leur coopérative. Par ailleurs, la nature démocratique des banques coopératives et leur focus historique sur des marchés spécifiques et restreint géographiquement peut réduire leur capacité à atteindre d'autres segments de marchés. Ce qui n'est pas le cas des banques commerciales qui n'ont pas ces restrictions et qui détiennent plus de flexibilité et de liberté afin de sélectionner des cibles de consommateurs avec une plus value élevée (IMF, 2007).

    Les branches de réseaux donnent aux banques coopératives un avantage comparatif important sur le marché de détail, mais qui tend à décliner. Les banques coopératives ont établi leur positionnement solide sur le marché de détail en partie grâce à leur large réseau coopératif. Cependant, dans un monde où la présence physique devient de moins en moins nécessaire, les branches de réseaux ne procurent plus le même avantage comparatif qu'auparavant. Ce point a été relevé avant la diffusion des technologies de l'information et communication (IMF, 2007). Une des forces de nombreuses coopératives est leur capacité à mobiliser et accumuler les dépôts. Ceci leur confère des niveaux confortables de liquidité, des ratios de dépôt et crédit élevées et d'être des prêteurs solvables sur les marchés interbancaires. Ceci leur permet également de bénéficier d'une plus grande stabilité financière (Contamin et Roche, 2005; IMF, 2007).

    Les banques coopératives ont un désavantage comparatif à accéder aux marchés financiers. C'est le cas des petites coopératives qui manquent d'expertise et de levier financier car leur capacité de prêt est plus adaptée au marché de détail et n'est pas toujours appropriée pour les produits financiers, la syndication21 ou le refinancement. Cependant, ce désavantage comparatif tend à se réduire en raison de la disparition des restrictions légales sur les coopératives dans la conduite d'activités financières de marché. Les réseaux de banques coopératives ou des groupes coopératifs se sont intégrés sur les marchés financiers via leurs filiales spécialisées ou entités cotées. Cependant, cette tendance hybride peut être une épée à double tranchant pour les coopératives car l'accès aux marchés financiers accroit, certes, les possibilités de refinancer leurs portefeuilles de crédit, mais cela réduit également l'avantage comparatif qui provient de leurs activités de détail (IMF, 2007). Les banques coopératives ont un avantage comparatif fondamental via leur capacité à surmonter des problèmes liés au comportement opportuniste des autres banques (commerciales et d'affaires). Les produits financiers sont devenus très complexes, ce qui confère aux institutions financières une ressource considérable d'avantages sur leurs clients. Ceci a aboutit à de nouvelles formes d'asymétries de l'information et un pouvoir post-marché détenu par les institutions financières. Étant donné que les lois de protection des consommateurs ne sont pas toujours suffisantes pour protéger les clients, le degré de confiance envers ces institutions est devenu un critère essentiel dans le choix des consommateurs de leur banque. Les banques coopératives se sont positionnées comme des

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    institutions financières appartenant à leurs membres et qui énoncent publiquement qu'elles ne recherchent pas seulement la maximisation des profits. Ceci confère aux banques coopératives l'avantage de la confiance. Ces dernières en sont bien conscientes puisqu'elles positionnent leur marketing sur le fait qu'elles sont « différentes » des autres banques commerciales. En conséquence, les consommateurs pourraient être enclins à payer plus cher pour des produits financiers offerts par une banque coopérative car les coûts de risque et de surveillance sont supposés être plus faibles. D'où, les banques coopératives ont un avantage comparatif à établir la confiance. Cependant, lorsque les coopératives financières deviennent plus grandes et poursuivent la croissance et la diversification, elles ont tendance à perdre leur avantage de confiance car elles commencent à se « comporter » comme des institutions financières commerciales (Kay, 2006; IMF, 2007).

    1.5.3 Contexte et état des lieux

    C'est en Europe où il y a la plus grande concentration de banques coopératives dans le monde car ces dernières sont issues de la tradition européenne des banques populaires du XIXème siècle. Selon la GEBC (Groupement européen des banques coopératives), les banques coopératives rassemblent aujourd'hui en Europe, 37 millions de membres sociétaires, 100 millions de clients et 4000 banques locales, soit la moitié des établissements de crédit, et leur part de marché dans la banque de détail est de 20% en moyenne (Parodi, 2009).

    Au niveau du mouvement mondial de concentration bancaire de ces vingt dernières années, les banques coopératives ont su adopter des stratégies de croissance externe capitalistique par fusion-acquisition (Parodi, 2009). Les réseaux coopératifs sont ainsi devenus de grands groupes bancaires hybrides, mêlant à des entités coopératives ancrées dans leur vocation de banques de détail, des sociétés par actions spécialisées soit dans la gestion de portefeuilles sophistiqués pour une nouvelle clientèle fortunée, soit dans la banque de financement et d'investissement. Cependant, cette hybridation des statuts juridiques, des logiques économiques et des cultures bancaires engendrent des risques de conflits d'intérêts entre sociétaires coopératifs et actionnaires des sociétés anonymes autour des enjeux de pouvoir et du partage de la valeur (Parodi, 2009).

    Lors de la crise financière internationale de 2008, certains groupes bancaires coopératifs n'ont pas été épargnés et ont connu de sérieux déboires avec leurs filiales, ainsi que des pertes importantes enregistrées sur les marchés hautement spéculatifs des produits dérivés et des prêts hypothécaires américains. Cela a eu pour conséquence entre autre de révéler d'une part, la réalité des risques liés à la complexification et à l'hybridation des structures organisationnelles des banques coopératives. Puis d'autre part, cela a également révélé l'incompatibilité entre un objectif de rentabilité optimale des capitaux propres au profit des actionnaires et le respect des valeurs coopératives qui conditionnent la confiance et la fidélisation des sociétaires des banques

    En dépit du constat mitigé des banques coopératives suivant la période de changements structurels qu'ont entrepris ces institutions financières à partir des années 1990, puis la période de tumultes et remises en question

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    coopératives (Parodi, 2009). Toutefois, le changement constaté sur le modèle d'affaires des banques coopératives a été constaté bien avant la crise financière de 2008.

    Tremblay et Côté (2001) soulignent le fait que les organisations coopératives disposent de bien d'avantages mais aussi des contraintes. Ces dernières sont liées aux limites propres du modèle coopératif, autrement dit : « la contrainte sur l'usage (activité du membre lié à l'activité de l'entreprise), contraintes sur le capital (part sociale, accumulation lente via les surplus, redistribution liée à l'activité du membre avec sa coopérative), contrainte sur le processus décisionnel (structure démocratique) » (Tremblay et Côté, 2001, p. 25). Les deux auteurs avaient également mis en évidence, en se fondant sur l'étude des banques coopératives européennes, que plusieurs facteurs avaient amené ces dernières à entreprendre un changement de structure et une diversification des produits et services. Ceci afin de s'adapter au contexte de « réorganisation de l'industrie des services financiers », notamment en termes de capitalisation sous formes de vastes opérations de fusions et d'acquisitions. Les principaux facteurs influents étant l'intensification de la concurrence, la globalisation des marchés et l'évolution des technologies de l'information et communication à partir des années 1990 (Tremblay et Côté, 2001).

    Cette notion de perte des valeurs et principes fondamentaux coopératifs des banques est également abordée par Abhervé et Dubois (2009). En prenant pour exemples les banques coopératives françaises telles que les Banques Populaires, Caisse d'Épargne, Crédit Mutuel et surtout le Crédit agricole, Abhervé et Dubois (2009) constatent que ces banques se sont laissées entraîner dans le tourbillon de la crise financière internationale de 2008 car ces dernières ont en partie pris des risques de plusieurs milliards d'euros tels que : l'exposition aux titres toxiques issues des subprimes, la faillite d'une autre banque (Lehmann Brothers), dérapages internes (pertes liées au trading), escroqueries (affaire Madoff) et chute des actions boursières (Abhervé et Dubois, 2009). Cette transformation des banques coopératives s'est opérée via plusieurs processus tels que : la complexification structurelle organisationnelle, les fusions et acquisitions, le changement de statut juridique et le développement d'un secteur d'assurances, concurrençant directement les assurances mutuelles, un autre pilier de l'économie sociale. Ce sont une succession de décisions à caractère stratégique qui ont amené les banques coopératives à s'éloigner de leurs fondements d'économie sociale pour « jouer dans la cours des grands » (Abhervé et Dubois, 2009). Le processus démocratique de prise de décisions « une personne, un vote » a été rendu ainsi biaisé et de plus en plus complexifié par des dirigeants qui pouvaient autant siéger dans des banques privées capitalistes dans un contexte où « le mutualisme s'est perdu dans la course aux profits» (Abhervé et Dubois, 2009, p. 2).

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    de la crise financière de 2008, les organisations et banques coopératives demeurent un pilier fondamental de l'économie sociale. Dans l'ensemble, les banques coopératives ont mieux résisté aux chocs financiers de la crise telle que nous l'avons vu dans la section sur la crise financière avec le Mouvement Desjardins, les credit unions aux États-Unis ou les banques coopératives en Suisse telles que Raiffeisen, Banque Coop ou Banque Migros. D'autre part, le mouvement coopératif est devenu aujourd'hui un acteur incontournable du modèle de développement de plusieurs sociétés, en particulier les sociétés minoritaires (Malo, Vendrame et Pauchant, 2006). Selon l'ACI (Alliance coopérative internationale), les coopératives emploient dans le monde près de 250 millions de personnes; les 300 plus grandes coopératives dans le monde ont généré un chiffre d'affaires de 2,2 billions de dollars É.-U. en 2012, dont 165 milliards de dollars É.-U. provenant des coopératives financières et 1, 156,5 milliards de dollars É.-U. du secteur des mutuelles et assurances, soit au total une augmentation de 11,6 % (ACI, 2014). Au Canada, quatre personnes sur dix sont membres d'au moins une coopérative et au Québec, approximativement 70 % de la population sont membres de coopératives. Les États-Unis sont le pays de l'ACI qui détient le plus grand nombre de membres coopératifs avec 256 millions de membres et près de 30 000 coopératives dans le pays (ACI, 2015).

    Par ailleurs, tel que vu dans la précédente partie portant sur la crise financière 2007-2008, au lendemain de la crise, la presse a relaté par le biais de plusieurs articles que des citoyens de divers pays ont commencé massivement à fermer leurs comptes des banques commerciales pour aller vers les banques dîtes « éthiques » et principalement coopératives. Que représente l'éthique de ces banques coopératives? L'éthique coopérative n'est pas aisément identifiable car cela dépend de plusieurs facteurs socioculturels. C'est précisément ce que nous allons voir dans la section suivante.

    1.5.4 De l'éthique coopérative

    L'éthique coopérative peut être définie comme un « processus continu d'interrogations collectives visant à établir un choix de logique d'action dans laquelle vont s'inscrire les pratiques de gestion de l'entreprise » (Vendrame, 2006, p. 3). Cependant, définir l'éthique coopérative n'est pas une tâche aisée en raison de la pluralité de ses définitions dépendamment des auteurs et surtout du contexte historique et environnemental de cette dernière. Ainsi, l'historique de l'éthique coopérative devient nécessaire afin de comprendre ce concept (Vendrame, 2006). La naissance des coopératives en tant qu'organisations et donc de l'éthique coopérative sont une alternative au développement du capitalisme (Vienney, 1992-1993; Malo, 1981; Vendrame, 2006, Marango, 2002). D'autres tels que Desroches (1976), voient l'apparition des coopératives selon une approche utopique issue d'un projet imaginaire d'une société alternative qui prend sa source dans les idées de plusieurs utopistes comme Owen (Vendrame, 2006). Ainsi, ces buts communautaires utopistes se transforment en pratiques coopératives qui renouvellent le tissu social et émergent comme une alternative à l'entreprise capitaliste (Desroche, 1976). Les

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    coopératives ont donc adopté la forme d'entreprise ayant un mode de fonctionnement d'entreprise, mais avec des règles particulières. Ces règles sont clairement explicitées par les principes coopératifs promus par l'ACI (Alliance coopérative internationale) qui forment dès lors l'éthique coopérative (Vendrame, 2006).

    Vers la fin des années 1990, les écrits sur l'éthique coopérative ont commencé à augmenter en même temps que la littérature sur la responsabilité sociale de l'entreprise. Les ouvrages sur l'éthique coopérative se sont substitués aux traités de doctrine éthique (Malo et al., 2006). Pour plusieurs auteurs, en particulier contemporains, les principes coopératifs peuvent être le fondement de l'éthique coopérative (Champagne, 1988; Lacroix, 2002; Welty, 1985, Laflamme et Lorrain Cayer, 2004; Robinson et Seguin, 2005; Malo et al., 2006). En d'autres termes, les principes, coutumes, actions et valeurs du système coopératif forment l'éthique coopérative. Cette dernière peut être composée de dimensions « éthiques », mais qui peuvent varier en fonction du type de la coopérative et de son environnement (Malo et al., 2006).

    En dépit de ces principes coopératifs et des règles composant l'éthique coopérative, les coopératives sont soumises à un processus de ré-identification et de transformation dans le temps selon leur environnement économique et social (Vendrame, 2006). En effet, la mutation de l'entreprise coopérative au groupe, puis du groupe coopératif à la holding affecte l'identité coopérative, ses valeurs et ses résultats ainsi que l'éthique coopérative (Koulitchisky et Mauget, 2001; Vendrame, 2006). Cette double crise identitaire et financière vécue ces dernières années par les coopératives dans plusieurs secteurs entraîne un risque de banalisation, une altération du processus démocratique et une remise en question des principes coopératifs (Vendrame, 2006). Cette transformation des coopératives fait émerger un nouveau paradigme axé sur les quatre éléments clés suivants : la loyauté, la recherche de sens et légitimité, la mobilisation par les valeurs et l'organisation apprenante (Côté, 2000; Vendrame, 2006).

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    Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche

    Ce chapitre traite de la méthodologie de recherche qui a pour objectif d'examiner la gestion de crises et de l'éthique coopérative au sein de deux banques coopératives que sont le Crédit agricole et Desjardins. Nous allons ainsi comparer l'impact de la gestion de crise et d'éthique sur la performance financière des banques coopératives avant, pendant et après la crise financière de 2008. Notre méthodologie est fondée sur une étude de cas comparative des deux banques coopératives dont nous allons observer le comportement organisationnel (au niveau de la gestion de crise/éthique coopérative) et humain.

    Pour effectuer cette étude comparative, deux principaux modèles d'analyse organisationnelle seront utilisés, dont un a été élaboré par Pauchant et Mitroff (2001) pour la gestion de crises, et l'autre par Vendrame (2006) pour l'éthique coopérative. Le premier modèle consiste à analyser le processus interne de gestion de crise d'une organisation sur quatre niveaux : individu, culture, structure et stratégie. Le deuxième est un modèle d'analyse de l'évolution éthique coopérative fondé sur trois axes que sont la création de la valeur, la stratégie et l'intensité des règles coopératives. Dans le but de renforcer la méthodologie, le modèle du désengagement moral de Bandura (1999) sera utilisé à un stade secondaire afin d'observer les mécanismes de défense au niveau de l'individu et la culture en gestion de crise.

    Par ailleurs, la méthodologie de recherche est fondée sur une étude de cas multiple. Ce procédé permet en effet de comparer plusieurs cas afin de déterminer si une caractéristique ou un résultat est spécifique à un seul cas ou bien peuvent être reproduits par plusieurs cas (Eisenhardt et Graebner, 2007). Les cas multiples permettent également une exploration plus large des questions de recherche et des théories et sont par conséquent, considérés comme appropriés afin de mettre en lumière la question de recherche de manière globale (Yin, 2004; Eisenhardt et Graebner, 2007). Dans notre mémoire, il s'agit donc d'une étude de cas multiples qui s'inscrit dans une dimension de temps croisé (observations de cas multiples sur une période) de cas de banques coopératives dont la problématique peut aboutir soit sur deux cas avec des résultats similaires mais par différents processus, soit sur deux cas avec des résultats différents mais par des processus similaires.

    L'un des objectifs de cette étude est de souligner que l'approche déductive issue des sciences mathématico-déductives en vue de traduire et interpréter la réalité peut s'avérer insuffisante même si elle est nécessaire. En effet, dans un contexte systémique complexe où des facteurs humains, psychologiques, structurels, technologiques, institutionnels, culturels et environnementaux sont à prendre en considération dans un système de gestion, la méthode déductive scientifique peut présenter de sérieuses limites à analyser et expliquer clairement et adéquatement l'interaction et l'interrelation complexe de ces facteurs dans un système donné. D'où la nécessité

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    de prendre également en considération une analyse fondée sur une méthodologie qualitative, qui de manière complémentaire, peut amener à mieux cerner la problématique, et à établir un cadre conceptuel afin de capturer la dynamique complexe de ces interactions et interrelations de multiples facteurs dans un système donné tel que financier.

    2.1 Présentation des cas d'études

    Tel que mentionné précédemment, notre étude est fondée sur la comparaison de cas multiples, précisément de deux banques coopératives, Soit la banque coopérative du Mouvement Desjardins fondée au Québec (Canada) et la banque coopérative du Crédit Agricole en France.

    Nous avons choisi d'étudier les banques coopératives car ces institutions ont un modèle organisationnel qui, durant la crise financière, a émergé comme étant un modèle plus socialement responsable que des banques commerciales et d'affaires. Au-delà de cela, tel que nous l'avons vu précédemment dans la revue de littérature, le modèle coopératif bancaire, de par ses caractéristiques, s'est avéré plus stable dans un contexte de crise systémique financière. Ce qui lui a permis de limiter les pertes financières dans le secteur bancaire coopératif de manière générale. En effet, au lendemain de la crise financière, les banques coopératives ont émergé comme institutions financières alternatives de l'économie sociale parmi l'opinion publique tel que relaté par la presse dans de nombreux pays touchés par la crise.

    Nous avons choisi le Crédit agricole versus le Mouvement Desjardins car le principal objectif de l'étude comparative de ces deux cas est de comparer ces deux institutions financières coopératives et leur processus de gestion de crises et l'évolution de leur éthique coopérative. En effet, tel qu'évoqué auparavant, le Mouvement Desjardins a assez rapidement surmonté la crise financière internationale de 2008 et limité les pertes financières comparé au Crédit Agricole. Néanmoins, Desjardins fut affecté dans une moindre mesure par la crise telle que nous le verrons. Ces deux coopératives financières ont également été choisies en raison de leur gouvernance coopérative similaire avec une structure organisationnelle hybride alliant des services bancaires coopératifs et services financiers et d'assurances. Elles se sont toutes deux internationalisées mais à différent niveau : le développement international coopératif pour Desjardins et les activités internationales financières pour le Crédit Agricole. Elles ont été toutes les deux fondées à la fin du XIXe siècle et historiquement dans une culture francophone, Desjardins au Québec et Crédit Agricole en France. Cependant, en termes de nombre de membres, chiffres d'affaires et actifs totaux, elles différent sensiblement. En termes de nombre de membres et chiffres d'affaires (2014), le Crédit Agricole est plus grand, mais en termes d'actifs totaux, Desjardins possède une plus

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    grande réserve de capitaux propres1, soit 229,4 milliards de dollars canadiens en 2014 versus 86,7 milliards d'euros pour le Crédit Agricole (voir tableau ci-dessous).

    Le tableau 1 ci-dessous donne un aperçu comparatif des principales informations organisationnelles de chaque banque. Il est à noter que, selon la présentation des données financières provenant du site internet officiel du Crédit Agricole, les résultats du Groupe Crédit Agricole comprennent ceux de la société cotée Crédit Agricole S.A., des caisses régionales, des caisses locales et leurs filiales. Le Crédit Agricole S.A. est à la tête du Groupe et a un triple rôle: il est l'organe central du Groupe, est responsable de la cohérence et développement stratégique et il représente la banque centrale du Groupe.

    Tableau 1 : Informations institutionnelles du Groupe Crédit Agricole et Mouvement Desjardins.

    Source : sites internet officiels du Groupe Crédit Agricole et Mouvement Desjardins (2015) et Centre d'études Desjardins des coopératives de services financiers de HEC Montréal (2012).

    Information institutionnelle

    Groupe Crédit Agricole

    Mouvement des caisses Desjardins

    Année d'établissement

    1885

    1900

    Pays d'origine

    France

    Canada (Québec)

    International

    54 pays (Secteur affaires)

    30 pays (Secteur développement)

    Nombre de membres

    8,2 millions

    5,581 millions

    Nombre de clients

    50 millions

    Environ 1,5 millions2

    Nombre d'actionnaires

    1,1 millions

    ND

    Nombre d'employés

    140 000 (France et international)

    54 966

    Nombre caisses locales

    2512

    360 (Québec et Ontario)

    Nombre caisses régionales

    39

    ND

    Nombre de centres de services

    11 300

    805 (Québec et Ontario)

    Actif total (2014)

    86,7 milliards d'euros

    229,4 milliards dollars CAD

    Revenu d'exploitation (2014)

    30,2 milliards d'euros

    12,7 milliards dollars CAD

    1 Les capitaux propres peuvent être appréhendés comme des actifs totaux, c'est-à-dire qu'il s'agit de la valeur totale des actifs diminué du total des dettes. Il est à noter qu'une coopérative ou une mutuelle, dépourvues de capital social, peuvent avoir des capitaux propres si la valeur de leurs actifs dépasse le montant de leurs dettes.

    2 Il est à noter que les membres et clients du Mouvement Desjardins se distinguent par leurs profils. Les membres sont les sociétaires de la coopérative Desjardins ayant un compte courant et/ou épargne auprès d'une ou plusieurs caisses et bénéficiant entre autres du principe « une personne, une voix ». Les clients sont externes à la coopérative bénéficiant de services financiers des autres filiales du Mouvement Desjardins telles que l'assurance, le courtage et le financement ou crédits. Toutefois, un membre peut être également client auprès d'une des filiales du Mouvement Desjardins.

    La revue de presse et d'articles ont été structurés sur la base d'un tableau Excel comparatif visant à sélectionner et classer les principales idées et les citations de chaque article qui correspondent à chaque niveau du

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    Bénéfice net (2014)

    4,9 millions d'euros

    3,9 millions dollars CAD

    Valeurs

    Proximité, responsabilité, solidarité

    L'argent au service du développement humain, l'engagement personnel, l'action démocratique, l'intégrité et rigueur, solidarité avec le milieu, l'intercoopération.

    Secteur d'activité

    Activités internationales, assurance; audit/conseil; banque de détail; capital de risque; développement international; gestion d'actifs; services aux grandes entreprises; services et activités boursiers.

    Gestion de patrimoine et Assurances de personnes; assurances de dommage; services aux particuliers; services aux entreprises; développement international.

    Président(e) (Date nomination)

    Jean Marie Sander (2010)

    Monique F. Leroux (2008)

    Pour résumer, il s'agit donc d'explorer et identifier les facteurs qui ont permis à Desjardins de gérer la crise en limitant davantage les effets négatifs par rapport au Crédit Agricole. Ce dernier ayant subit beaucoup plus les effets de la crise financière comme cela sera exposé ultérieurement. Cette étude comparative entre les deux banques est fondée sur deux modèles: le modèle organisationnel de l'oignon au niveau de la gestion de crises par l'analyse des quatre niveaux que sont l'individu, la culture, structure et stratégie dans le contexte de la crise financière (Pauchant et Mitroff, 2001), et le modèle de l'évolution éthique coopérative de chacune des deux banques coopératives (Vendrame, 2006)

    2.2 Sources des données et codification

    Nous allons nous appuyer sur trois types de sources de données suivantes :

    · Historiques sur chacune des deux institutions

    · Données financières avant, pendant et après la crise financière (2005-2011)

    · Revue de presse (minimum 30 articles par institution) de 2007 jusqu'à 2011.

    Par la suite, en fonction du cadre de repérage utilisé ci-dessus, une liste d'articles a été établie pour chaque cas de banque coopérative incluant des articles de presse ou scientifiques internationaux et des

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    modèle d'analyse de gestion de crise et de l'éthique coopérative. Le tableau Excel contient une feuille pour le Crédit Agricole, une autre pour le Mouvement Desjardins et une troisième feuille pour répertorier les références de chaque article. Au total, 77 articles ont été sélectionnés dont 37 pour le Crédit Agricole et 40 pour le Mouvement Desjardins. Ensuite, les articles ont été choisis en s'appuyant sur trois critères : 1) Titre ou texte portant sur chacune des deux banques coopératives : Crédit Agricole ou Desjardins; 2) Date de l'article: ont été sélectionnés les articles référant les deux banques durant la période de la crise financière, soit à partir de 2007 jusqu'à 2011; 3) Recherche des données en fonction des facteurs des modèles d'analyse: à partir des articles sélectionnés, les données ont été codifiées sur la base de mots clés, d'idées générales et de citations, reliés à chaque facteur des modèles d'analyse.

    Le tableau 2 ci-dessous présente en exemple le support méthodologique élaboré afin de codifier les données collectées en se fondant sur les modèles d'analyse de gestion de crise et l'éthique coopérative.

    Tableau 2 : Recherche, sélection et codification des données.

    Modèle d'analyse organisationnel

    Mots clés, idée générale, citations

    Source 1 Références

    Source 2 Références

    Gestion de crise

    Niveau 1 : individu

    Fait, événement ou citation se rapportant à ce niveau du modèle

    Exemple : nom, prénom (année).

    Etc.

    Niveau 2 : culture

    Idem

    Idem

    Idem

    Niveau 3 : structure

    Idem

    Idem

    Idem

    Niveau 4 : stratégie

    Idem

    Idem

    Idem

    Éthique coopérative

    Axe 1 : création de valeur

    Fait, événement ou citation se rapportant à cet axe du modèle

    Exemple : nom, prénom (année).

     

    Axe 2 : stratégie

    Idem

    Idem

    Idem

    Axe 3 : intensité des règles coopératives

    Idem

    Idem

    Idem

     

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    communiqués officiels. Chaque article contenant un ou des élément(s) qui se réfèrent à chaque facteur du modèle d'analyse organisationnel susmentionné a été classé sur une liste suivant une chronologie de la crise financière de 2007 à 2011. Le tableau 5 à l'annexe 2 présente la liste des articles utilisés pour chaque cas. Trois types de données ont été utilisées pour l'étude comparative de ces deux cas : 1) Informations directes issues des communiqués de presse ou articles de presse relatant des résultats financiers, des nouvelles de la direction concernant l'organisation, la stratégie ou la restructuration etc. ; 2) Analyses portant sur chaque cas issues d'articles de presse ou scientifiques ancrées dans la période de la crise financière (2007-2011); 3) Articles d'opinion portant sur chaque cas tirées d'articles de presse ou de blogs. Il est fréquent d'avoir des articles combinant deux ou trois de ces types de données, soit par exemple informations directes et analyses ou analyses et opinion. Cette méthode de collecte de données sur trois niveaux permet en premier lieu d'avoir des données directes comparables entre les deux cas et de pouvoir explorer ou analyser des données objectives dénuées d'analyse ou d'opinion selon chaque facteur du modèle d'analyse. En second lieu, les articles d'analyse permettent d'affiner la première étape d'analyse des données directes ou objectives soit en la confirmant ou infirmant, ce qui tend à guider l'exploration ou l'analyse en s'assurant d'être sur la bonne voie. Enfin, en troisième lieu, les articles d'opinion viennent contribuer aux deux précédents points à titre d'expression de l'opinion publique sur la problématique.

    2.3 Cadre Conceptuel

    Nous avons tenté, par l'intermédiaire de la revue de littérature, de mettre en avant le fait que la gestion d'institutions financières, d'instruments et de produits financiers, d'actifs et de risques financiers peut être explorée sur la base de nouvelles perspectives, autres que la perspective financière et scientifique habituellement appliquées à l'étude de l'industrie financière et des institutions financières.

    Ces nouvelles perspectives, la gestion de crises et l'éthique coopérative d'une part, le modèle de gestion des banques coopératives d'autre part, ont été présentées en premier lieu, dans le contexte d'une économie en partie basée sur la finance de marché. Autrement dit, il s'agit d'une forme de capitalisme de marché dont les capitaux et les flux de liquidités sont hautement concentrés au niveau de l'industrie financière depuis la fin des années 1980. C'est ainsi, en second lieu, dans le contexte de la crise financière internationale de 2007-2008, qu'ont été exposées les caractéristiques et les conditions dans lesquelles a pris place une crise systémique et ses conséquences. Puis, l'examen de l'ampleur des effets de la crise sur les deux banques coopératives selon le degré de leur internationalisation, performance financière et leur modèle organisationnel en comparant le processus de gestion de crise du Crédit Agricole versus celui du Mouvement Desjardins.

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    Les banques coopératives constituent notre objet d'étude de l'industrie financière sur la base d'une autre perspective, celle de la finance comportementale qui implique une gestion fondée davantage sur le comportement humain. Ce sont des institutions financières dont le modèle organisationnel représente une alternative de gestion des banques comparé aux banques commerciales ou d'affaires. En effet, les fondements des banques coopératives reposent sur une gestion responsable, démocratique, favorisant la stabilité financière et qui prend en compte les intérêts des parties prenantes de l'ensemble d'une société. Enfin, la perspective managériale, de par la gestion de crise, peut fournir un concept exploratoire en vue d'étudier les deux banques coopératives en comparant leur potentiel de gestion de crises et les raisons qui expliquent que le Mouvement Desjardins ait mieux résisté à la crise que le Crédit Agricole. De même, la perspective de l'éthique coopérative met en lumière les liens entre la gestion de crises et l'éthique coopérative.

    La figure 3 ci-dessous schématise la cadre conceptuel fondée sur les deux principaux modèles de la méthodologie. L'idée principale est que le processus de gestion de crise est un système composé de variables inter reliées. Ainsi, les quatre facteurs (individu, culture, structure, stratégie) du modèle de l'oignon en gestion de crise et l'éthique coopérative pourraient s'influencer mutuellement et créer une dynamique positive qui aboutirait à la performance et stabilité financière ainsi qu'à une gestion de crise prévenante qui auraient pour résultat de réduire le risque de crise systémique et de pertes financières ou faillites.

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    Figure 3 : Cadre conceptuel.

    2.4 Modèle organisationnel de la gestion de crise

    Pauchant et Mitroff (2001) suggèrent la difficulté qu'ont aujourd'hui les organisations à passer de la première génération, c'est-à-dire le pilotage et la préparation aux crises, à la seconde génération, qui met plus l'accent sur la prévention aux crises. D'où, afin de permettre aux gestionnaires de toute organisation ou entreprise de comprendre la nécessité et l'importance d'anticiper les crises, les deux auteurs ont développé des outils analytiques et concrets, afin de dépasser la première génération pour appliquer et mieux assimiler les pratiques de gestion de crises de la seconde génération. Ceci, en vue de mieux prévenir les crises et limiter leurs conséquences qui peuvent endommager gravement l'ensemble d'un système et entraîner des dommages collatéraux sur l'ensemble de la société.

    Le modèle d'analyse organisationnelle illustré par la métaphore de « l'oignon » correspond à un système complexe car d'une part, étymologiquement parlant, « com-plexité » signifie « tissé de plis », ce qui s'applique au cas de l'oignon. On parle donc d'un système « tissé de plis », ce qui représente la complexité d'un système qui est

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    effectivement composé de plusieurs niveaux imbriqués les uns aux autres, dont on n'aperçoit pas forcément la ligne de commencement de celle de la fin et dont le noyau est difficile d'accès tel qu'un oignon (Pauchant et Mitroff, 2001). Tel que cela a été évoqué dans la revue de littérature, cette vision systémique de la gestion de crise est confirmée et reconnue par de nombreux auteurs en management et gestion de crise (Morin, 1976; Deschamps et al., 1997; Weick et Sutcliffe, 2007; Pauchant et Mitroff; 2001; Fischbacher-Smith, 2011; Topper et Lagadec, 2013; Perrow; 1984; Leveson, 2004; Belmonte et al., 2011; Weber et al., 2012; Pauchant, Mitroff et Lagadec, 1991; Saleh et Pendley, 2012; Guntzburger et Pauchant, 2014).

    Ce modèle de l'oignon est donc composé de quatre niveaux dont chacun dispose d'un instrument d'évaluation managériale pour les gestionnaires dans le but de mettre en place un plan de gestion de crises:

    · Niveau 1 : caractère des individus employés par l'organisation (mécanismes personnels de défense)

    · Niveau 2 : culture organisationnelle (croyances et rationalisations organisationnelles)

    · Niveau 3 : structure organisationnelle (infrastructure consacrée à la gestion de crise)

    · Niveau 4 : stratégie organisationnelle (plans, mécanismes et procédures de gestion de crises)

    La figure 4 ci-dessous représentant le modèle d'analyse organisationnelle de l'oignon en gestion de crises de Pauchant et Mitroff (2001), à partir duquel nous expliquerons davantage les niveaux 1 et 2 qui sont les plus implicites et les moins visibles à analyser dans les deux prochaines sections.

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    Figure 4 : « Le modèle de l'oignon en gestion de crise » (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 76, emprunté)

    2.4.1 Niveau 1 : caractère des individus au sein de l'organisation et mécanismes de défense

    Ce niveau est considéré comme étant le plus profond et imperceptible dans une organisation. Il aborde les expériences subjectives et psychologiques des individus au sein de l'organisation. Il s'agit par exemple de la propension des individus à utiliser les différents mécanismes de défense pendant une crise ou bien du degré d'anxiété existentielle. Ces facteurs ont une influence et un impact significatifs sur la perception d'une crise et sur la gestion de celle-ci. Pauchant et Mitroff (2001) établissent plusieurs facteurs influents sur la gestion de crise qui se rapportent directement et indirectement au psychique et à la personnalité des individus dans les organisations. L'individu ou l'humain est au coeur de la gestion de crises. En effet, Pauchant et Mitroff (2001) suggèrent, en se fondant sur une étude en psychologie de Rollo May (1950), qu'il existe une relation entre les types de personnalité et les crises selon laquelle les personnes stables et équilibrées sont plus aptes et capables d'intégrer des expériences traumatisantes et d'utiliser ces expériences pour s'améliorer. Tandis que les personnes instables et moins équilibrées émotionnellement ne pouvaient pas entièrement intégrer et utiliser ces expériences traumatisantes.

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    Par ailleurs, Pauchant et Mitroff (2001) mettent particulièrement l'emphase sur la relation étroite entre les crises, la déflation et l'inflation. D'une part, concernant l'inflation, en citant le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Pauchant et Mitroff (2001) établissent un profil des personnes souffrant d'inflation, comme étant des individus ayant des types de comportements dramatiques, autoritaires et grandioses. Ces derniers ont tendance à manipuler les autres pour tirer des avantages de leurs relations avec ces derniers et le plus souvent en les exploitants. Ils ont également un sentiment de grandeur et accordent une auto-importance à leur personne, en exagérant leur réussite et leurs talents, préoccupés par des fantasmes de succès illimités, de pouvoir et tout en exigeant des autres l'attention et l'admiration. Or, Pauchant et Mitroff (2001) font remarquer que ces personnes présentant un trouble psychologique apparent qu'est l'inflation, sont encouragées à adopter ce type de comportement et à l'entretenir afin de bénéficier d'une promotion dans de nombreuses organisations et en particulier dans l'industrie financière.

    D'autre part, en ce qui attrait à la déflation, Pauchant et Mitroff (2001) décrivent les personnes souffrant de déflation comme étant des individus ayant tendance à préférer rester en arrière-plan, craignant le plus souvent de ne pas être à la hauteur et idéalisent les personnes inflationnistes qui dégagent une image de très grande estime de soi, de courage et de puissance. Cependant, selon Pauchant et Mitroff (2001), lorsque les troubles de déflation sont moins prononcés, les personnes peuvent être conscientes des conséquences destructrices de leur entreprise ou de leurs dirigeants. En revanche, même si elles en sont conscientes, « elles n'ont pas souvent le courage existentiel pour affronter les problèmes et participer au changement » (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 92-93).

    Ces mécanismes de défense liés à l'inflation et la déflation ont été appliqués par exemple au cas de la crise déclenchée par la centrale nucléaire de Fukushima lors du séisme qui a frappé le Japon le 11 mars 2011 dans une étude de Guntzburger et Pauchant (2014). Les deux auteurs suggèrent que durant la crise de Fukushima, le gouvernement japonais avait une attitude inflationniste en recherchant un contrôle absolu et omniprésent. En revanche, les autres responsables du dossier comme Tepco (opérateur de la centrale nucléaire de Fukushima) et NISA (organisation de régulation nucléaire au Japon), en dépit de leur responsabilité officielle, avaient un comportement déflationniste, en suivant constamment les directives du gouvernement (Guntzburger et Pauchant, 2014). Guntzburger et Pauchant (2014) suggèrent également que ces trois acteurs ont utilisé différents mécanismes de défense tels que le déni de la sévérité de la situation, la projection de la cause de la crise sur un événement naturel (séisme) et la grandeur, illustrée par plusieurs discours stipulant leur absolu contrôle de la situation. Le tableau 6 à l'Annexe 3 illustre les différents mécanismes de défense lors de la crise de Fukushima.

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    2.4.2 Niveau 2 : culture organisationnelle, croyances et rationalisations

    La culture organisationnelle est composée de croyances la plupart du temps inconscientes et non explicitement formulées ainsi que de règles tacites qui dictent le comportement favorable des individus dans les organisations (Pauchant et Mitroff, 2001). La culture organisationnelle est souvent perçue par les gestionnaires, les consultants et les auteurs en gestion comme étant un avantage compétitif, or une culture d'entreprise n'est pas une variable que l'on peut manipuler et utiliser à son avantage car c'est avant tout un concept social et abstrait, une sous-culture qui fait elle-même partie d'une plus grande culture sociale ancrée dans la société (Pauchant et Mitroff, 2001).

    Par ailleurs, la culture d'entreprise a également une fonction existentielle propre à l'organisation, puisque, selon Pauchant et Mitroff (2001), une organisation n'a pas uniquement pour fonction de production et d'exploitation de biens et des services, mais elle est aussi un groupe d'individus qui collaborent afin de réaliser un objectif commun ou dans le but politique d'accomplir un objectif qu'ils ne pouvaient réaliser individuellement. Ainsi, c'est précisément cette fonction existentielle qui pousse en partie les personnes à se protéger et adopter des normes élaborées dans une entreprise et ce, même si ces normes peuvent déclencher des crises. Autrement dit, « défendre ces valeurs destructives est, dans ce cas, le « prix à payer » afin de ne pas avoir à affronter sa propre anxiété ». (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 104). C'est donc cet aspect de la fonction existentielle de l'organisation qui caractérise les gestionnaires « porte-crises » selon Pauchant et Mitroff (2001), car ces individus sont plus préoccupés à élaborer et défendre les normes et valeurs qu'ils ont érigés dans leur organisation, que de considérer le changement de ces normes et la nécessité de conserver un état d' « anxiété positive » dans le but de prévenir et d'anticiper la crise plutôt que de seulement se préparer à la gérer une fois déclenchée.

    Le modèle des dix mécanismes de désengagement moral de Bandura (1999), présenté précédemment à la revue de littérature, implique également que les mécanismes de défense des individus, dans un contexte de groupe restreint et organisationnel, peut aboutir à une culture de désengagement moral et donc une gestion dénuée d'éthique personnelle et organisationnelle (Bandura, 1999; Pauchant et al., 2015). Comme cela a été mentionné dans la revue de littérature par plusieurs auteurs, le phénomène de pensée de groupe, lorsque caractérisé par une culture de désengagement moral, peut créer un contexte favorable aux crises dont les signaux et alertes peuvent être ignorés par l'intermédiaire des mécanismes de défense des individus impliqués dans le groupe (Ford, 1981; Janis, 1982; Lagadec, 1991; Lhuilier, 2009; Anand, Asford et Joshi, 2004; Pauchant et al., 2015). Le tableau 3 présente les dix mécanismes de désengagement moral dans trois cas : l'affaire Enron, la crise financière 20072008 et la Ville de Montréal avec la Commission Charbonneau.

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    Tableau 3 : Mécanismes de désengagement moral selon trois cas (Pauchant et al., 2015, p. 9-10, emprunté)

    Mécanismes

    Enron

    Système

    bancaire/financier

    Mairie de Montréal

    1. Justification morale

    A chaque fois que de l'argent a pu se gagner illégalement, quelqu'un l'a fait. C'est dans la nature humaine.

    Le développement des marchés de capitaux a permis de redistribuer plus efficacement le risque.

    Moi, j'ai d'abord refusé catégoriquement. Mais là il m'a dit que, regarde, c'était pour services passés, que je ne lui devrais rien... Alors, avec le vin, le ci, le ça, à la fin du repas, j'ai dit oui.

    2. Comparaison avantageuse

    A travers l'histoire, il y a eu de pires scandales.

    Quand comparés à d'autres pays qui ont connu des instabilitésfinancières, [nos gestionnaires] peuvent être considérés honnêtes et compétents.

    Même s'ils avaient des liens avec la mafia, ils se comportaient comme de vrais gentlemen.

    3. Aseptisation du langage

    Enron a utilisé des pratiques comptables agressives, exploitant des règles complexes, dans le but de maximiser ses profits.

    Les données historiques prouvent que nous avons pris en compte tous les facteurs nécessaires. (...) Nous avons bien fait notre travail.

    J'étais à ce moment-là comme une police d'assurance pour les entrepreneurs.

    4. Déplacement de la responsabilité

    Ce sont de fausses alarmes qui ont fait paniquer les banques.

    Vous savez, ceux qui s'occupaient du détail de la transaction étaient peut- être au courant. Moi non.

    J'avais beau avoir des doutes, poser des questions, être vigilant, ce n'est malheureusement qu'après les faits que l'on m'a remis [l'information].

    5. Diffusion de la responsabilité

    Nos comptables et notre personnel m'avaient assuré que tout était correct. Tellement de règlements ont été créés qu'on s'y perd...

    Le sous-produit de ce que nous faisons, c'est le chaos, et personne n'est responsable de ce chaos.

    Tout le monde, tout le monde était au courant chez nous.

    6. Déni des conséquences

    Nous n'avions qu'un problème de liquidité. Une faillite ne doit pas être confondue avec un

    La révolution de la finance immobilière a ... conduit à une autre transformation radicale...

    Avec le service 5 étoiles, tout le monde étant gagnant-gagnant.

     

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    crime.

    L'économie est aujourd'hui moins cyclique.

     

    7. Minimisation des conséquences

    Seules quelques pommes pourries on gâté tout le tas. Ce genre de problème est aussi vieux que la naissance de l'Amérique et nous avons toujours survécu.

    Je pense qu'il existera toujours de nombreuses opinions sur la performance d'un titre par rapport au marché.

    La façon la plus simple que j'ai trouvée, j'ai commencé à aller au casino... C'était ma façon à moi de remettre cet argent-là dans les coffres de l'État. C'était ma façon à moi de payer un genre d'impôt...

    8. Remise en cause des conséquences

    Si on remet en question nos pratiques, celles de G.E., celles de Qwest, cela va créer une réaction en chaine qui va drainer les liquidités de toutes ces firmes et faire beaucoup de mal [à l'économie entière].

    Pour les analystes, il n'y a absolument aucune raison de supposer que, une fois cette crise surmontée, l'économie mondiale ne reviendra pas à son taux de croissance précédent, et ils aimeraient bien en être félicités.

    Je veux que vous sachiez qu'une fois ces bandits partis, les fondations de notre ville sont solides et reposent sur des milliers de femmes et des hommes dévoués, compétents et intègres...

    9.

    Déshumanisation des victimes

    Les vieilles mémés qui veulent récupérer leur argent, on va leur enfoncer dans leur c..

    [Les profits mirobolants] sont rares dans le marché et ce serait difficile pour nous de trouver un acheteur assez fou pour prendre le risque. Mais [si l'occasion se présente], nous allons la prendre et trouver quelqu'un à tromper.

    Il faut manipuler les gens pour gagner une élection.

    10. Blâme envers les victime

    Ils auraient dû mieux se protéger et ne pas placer tant d'argent dans le plan de retraite de la firme.

    Et c'est de la faute à qui ? De la faute au préteur prédateur? Non. C'est la personne qui a signé le contrat qui est fautive.

    Pour éviter que les électeurs se questionnent sur la provenance des fonds utilisés, il suffit d'organiser des cocktails de financement...

     

    Le tableau 3 ci-dessus présentant les mécanismes de désengagement moral de Bandura (1999) appliqué à trois cas (Pauchant et al., 2015), notamment au secteur financier (colonne du milieu), permettent d'observer l'amplitude du désengagement moral dans le milieu financier dans un contexte de crise. Selon les dix mécanismes

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    identifiés, il apparaît que pour chaque mécanisme, les protagonistes trouvent une justification quant à leurs pratiques et les conséquences sur l'ensemble du système financier, l'économie, les individus et la société. Ainsi, l'on peut observer que ce désengagement moral survient par différents mécanismes, les principaux consistent à dévier les responsabilités, à ignorer les conséquences et surtout à déshumaniser les victimes. Les mécanismes n° 4 et 5 par exemple consistent respectivement à déplacer la responsabilité : « Vous savez, ceux qui s'occupaient du détail de la transaction étaient peut-être au courant. Moi non »; à diffuser la responsabilité : « Le sous-produit de ce que nous faisons, c'est le chaos, et personne n'est responsable de ce chaos ». Le déplacement ou l'ignorance de la responsabilité est un schéma fréquent dans le secteur financier et souvent, cela aboutit à désigner un bouc-émissaire tel que nous le verrons plus tard.

    Par ailleurs, lorsqu'il s'agit des conséquences, les mécanismes n° 6 et 8 par exemple permettent aux responsables de faire un déni des conséquences: « La révolution de la finance immobilière conduit à une autre transformation radicale...L'économie est aujourd'hui moins cyclique » ; de remettre en cause les conséquences: « Pour les analystes, il n'y a absolument aucune raison de supposer que, une fois cette crise surmontée, l'économie mondiale ne reviendra pas à son taux de croissance précédent, et ils aimeraient bien en être félicités ». Dans ce dernier cas, l'on peut constater que ce ne fut pas vraiment le cas pour la croissance économique tel que vu en introduction selon les données (voir Annexe 1) mesurant l'impact qu'a eu la crise sur l'économie dans l'ensemble, le chômage mondial et l'endettement global. Enfin, les mécanismes de désengagement moral n° 9 et 10 visent à déshumaniser les victimes : « [Les profits mirobolants] sont rares dans le marché et ce serait difficile pour nous de trouver un acheteur assez fou pour prendre le risque. Mais [si l'occasion se présente], nous allons la prendre et trouver quelqu'un à tromper » ou bien à blâmer les victimes : « Et c'est de la faute à qui? De la faute au préteur prédateur? Non. C'est la personne qui a signé le contrat qui est fautive ». Ces deux mécanismes suggèrent trois facteurs critiques : premièrement le fait que les protagonistes peuvent utiliser l'information dont ils disposent à l'encontre des victimes comme avantage et levier pour les « tromper »; deuxièmement, le caractère « immoral » des pratiques vis-à-vis des victimes semble être considéré comme « normal », faisant partie des pratiques courantes et de la « culture » du milieu financier; troisièmement, cela suggère une culture non seulement de désengagement moral mais également d'impunité omniprésente, et un manque d'éthique dans le comportement autant individuel qu'organisationnel.

    Pauchant et Mitroff (2001) ont aussi établi une grille de trente-deux rationalisations les plus fréquentes dans les organisations et similaires aux mécanismes du désengagement moral de Bandura. Cependant, il y a trois rationalisations qui sont les plus importantes et les plus ancrées dans l'esprit de l'organisation. Il s'agit de la 1ère, 11ème et 17ème rationalisation. Ces dernières sont détaillées dans tableau 7 de l'Annexe 4. Ces rationalisations sont elles-mêmes liées à des mécanismes de défense selon Pauchant et Mitroff (2001), que sont par exemple la

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    grandeur (liée à la croyance que la taille de l'organisation rend invulnérable) et la projection. Les mécanismes de défense ont été traités par plusieurs auteurs, comme cela a été mentionné auparavant, tels que les « mécanismes de défense » de Lhuilier (2009) ou les « tactiques de socialisation » encourageant la corruption (Anand, Asford et Joshi, 2004), ainsi que les « mécanismes de normalisation » identifiés par Roux-Dufort (2000). La projection par exemple, est reliée à la 17e rationalisation, soit la croyance que « l'origine des crises vient du mal », et a pour principale fonction de se déresponsabiliser suite à un évènement grave ayant des conséquences irréversibles ou bien au niveau de l'origine d'un problème (Pauchant et Mitroff, 2001). Ainsi, le plus souvent, il s'agit de trouver un bouc-émissaire dont la stratégie d'identification du bouc-émissaire s'accompagne, selon Pauchant et Mitroff (2001), d'une fragmentation extrême entre les groupes. Nous avons été témoins de ce phénomène de bouc-émissaire durant la crise financière, puisqu'aux États-Unis, en 2009, c'est Bernard Madoff qui fut condamné symboliquement à 150 ans de prison pour diverses charges gravissimes d'escroquerie atteignant au total 65 milliards de dollars américains (Pia Mascaro, 2009). Tandis qu'en France, en 2010, c'est Jérôme Kerviel qui fut poursuivi en justice et condamné comme étant le seul et unique responsable des énormes pertes enregistrées de la Société Générale (soit une moins-value de 4,9 milliards d'euros sur un bénéfice de 7 milliards d'euros) (Cori, 2008). La réalité étant que les véritables responsables n'ont pas été questionnées et poursuivis en justice jusqu'à ce jour sur la légitimité et la transparence des pratiques bancaires et financières.

    2.4.3 Niveau 3 : structure organisationnelle : infrastructure consacrée à la gestion de crise

    La structure ou le design organisationnel suppose la problématique, selon Pauchant et Mitroff (2001), des différents types d'organisations du travail qui encouragent la gestion systémique des crises et ceux qui ne le font pas. Les deux auteurs mentionnent toute fois à ce stade, l'importance des liens existant entre les quatre niveaux du modèle d'analyse organisationnel et qu'on ne peut pas analyser la structure organisationnelle (niveau 3) sans la relier à la culture organisationnelle (niveau 2) et vise-vers-ça.

    De nos jours, la conception classique et traditionnelle de la structure organisationnelle a été bouleversée et transformée par le phénomène de la globalisation car, selon Pauchant et Mitroff (2001), le monde est devenu si connecté de part et d'autre de la planète par l'intermédiaire de l'expansion des technologies de l'information et communication, ainsi que par le phénomène de la mondialisation, que n'importe quel événement peut avoir un impact influent et avec des conséquences n'importe où et n'importe quand et ce, instantanément (Roux-Dufort, 2000). Par conséquent, en raison de la « globalisation » des systèmes productifs, économiques, commerciaux, financiers, logistiques etc. la structure organisationnelle classique et fragmentée est devenue obsolète dans la mesure où elle ne peut plus répondre adéquatement et efficacement à l'exigence systémique globalisée. C'est donc précisément ce nouveau paradigme qui a amené à repenser et concevoir une nouvelle structure

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    organisationnelle adaptée au nouveau système globalisé. Pauchant et Mitroff (2001) proposent par exemple un modèle de structure organisationnel « systémique » élaboré par Jay Galbraith (1977) afin de mieux intégrer un mécanisme de gestion qui réduit le potentiel de crises et qui les prévient (voir le modèle à l'Annexe 5).

    Pauchant et Mitroff (2001) préconisent également l'intégration d'une cellule de crise car le développement d'une gestion systémique des crises dans les organisations passe par la mise en place d'une unité structurelle qu'est la cellule de crise qui serait intégrée dans le modèle structurel de l'organisation. Cependant, les deux auteurs précisent que même si la formation d'une cellule de crise est nécessaire, elle n'est pas pour autant suffisante pour prévenir et gérer les crises. En effet, comme l'ont souligné plusieurs auteurs, le phénomène de crise demeure assez complexe et en particulier systémique (Lagadec, 1991; Perrow, 1984; Pauchant, Mitroff et Lagadec, 1991; Roux-Dufort, 2000; Topper et Lagadec, 2013; Leveson, 2004; Belmonte et al., 2011; Weber et al., 2012; Guntzburger et Pauchant, 2014) et dépasse donc les capacités d'une équipe potentielle et spécifique à la gestion de crises (Pauchant et Mitroff, 2001). De plus, les cellules de crise existent bel et bien dans plusieurs organisations mais elles demeurent au stade de « croyance » selon laquelle le fait de disposer d'une cellule de crise tend à résoudre à elle seule tous les problèmes (Lagadec, 1991; Pauchant et Mitroff, 2001). Roux-Dufort (2003) suggère aussi, pour l'intégration d'un plan de gestion de crise, la mise en place d'une cellule de crises qui aurait pour rôle de piloter la gestion de crise mais avant tout, de prévenir en amont les crises. Pour cela, la culture organisationnelle est essentielle et nécessaire car il faut développer une culture de la crise, selon Roux-Dufour (2003), car une gestion de crise structurée et intégrée doit provenir d'une volonté forte de la direction générale. Ceci rejoint également le point soulevé par Pauchant et Mitroff (2001) en ce qui attrait au maintien d'un état d'esprit d' « anxiété positive » et l'importance d'une culture morale et éthique à l'opposé de la culture de désengagement moral (Bandura, 1999; Pauchant et al., 2015). En revanche, Pauchant et Mitroff (2001) soulignent que la mise en place d'une cellule de crise ne doit pas être forcément permanente, le risque étant que les départements mis en place pour gérer les crises tendent à abuser de leur statut pour créer un climat constant d'urgence et une paranoïa afin de justifier et maintenir leur existence.

    2.4.4 Niveau 4 : stratégie organisationnelle : plans, mécanismes et procédures de gestion de crises

    Le dernier niveau du modèle organisationnel de l'oignon selon Pauchant et Mitroff (2001) concerne la gestion stratégique de toute organisation confondue. Au-delà de la notion de compétitivité qui semble gouverner la stratégie organisationnelle, la gestion stratégique présente plusieurs caractéristiques selon Pauchant et Mitroff (2001). Ces dernières concernent par exemple les relations établies entre une organisation et son environnement, un ensemble complexe de groupes d'intérêts ou de parties prenantes, une implication de la direction générale, un intérêt pour l'organisation dans son ensemble, l'expression d'une évolution cohérente et enfin, un processus émergent. Ces caractéristiques relatives à la gestion stratégique s'appliquent tout autant à la gestion des crises

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    selon Pauchant et Mitroff (2001), puisqu'il y a bien une gestion stratégique des crises en vue de prévenir les crises. Or Pauchant et Mitroff (2001) soulignent justement que ces similitudes entre les caractéristiques de la gestion stratégique et celles des crises, ainsi que l'interdépendance et la complémentarité entre les deux formes de gestion, stratégique d'une part et de crises d'autre part, ne sont pas assez reconnues et étudiées. Autrement dit, la gestion de crises suppose l'intégration de la notion de « crise » dans chaque gestion stratégique de l'organisation quelque soit la nature de cette stratégie qu'elle soit de marketing, financière, technologique, industrielle, environnementale, humaine, structurelle, globale etc. Chaque stratégie doit considérer le risque de crise et pour cela, les personnes implantant la stratégie doivent avoir un état de conscience du potentiel de crise ou un état de tension sain comme mentionné par Roux-Dufort (2000) et Pauchant et Mitroff (2001).

    La culture organisationnelle est donc essentielle à ce stade pour permettre la mise en place d'un plan de gestion de crise fondé non seulement sur des règles mais aussi une culture éthique pour renforcer la gestion de crise. Roux-Dufort (2000) propose des stratégies telles que créer les condition d'apprentissage des crises; étendre le cadre de référence et d'investigation des dirigeants; dresser une carte des parties prenantes; examiner les enjeux et les interrelations des parties prenantes; mettre à la surface et tester les présupposés de gestion de crise; élaborer des scénarios complets; faciliter l'appropriation de gestion de crises; et la mise en place d'une stratégie de relations publiques et médias (Roux-Dufort, 2003).

    La gestion de crise suppose donc un système complexe où des facteurs tels que la culture, structure et stratégies de gestion de crise sont déterminants dans la mise en place d'un plan de gestion de crise. L'individu demeure au coeur de la gestion systémique de crise puisque la culture, la structure et la stratégie sont créées et élaborées par l'individu. D'où l'importance de l'individu, dans les deux cas de banques coopératives, afin de mettre en place une gestion de crise et une éthique coopérative.

    2.5 Modèle organisationnel de l'évolution éthique coopérative

    Nous avons vu précédemment que les coopératives subissent un processus de ré-identification et de mutation dans le temps selon leur environnement social et économique. En raison de cela, les coopératives agissent de leur propre initiative en ce qui attrait à l'application de pratiques éthiques au niveau de leurs activités financières et opérationnelles, ainsi qu'au niveau de la gestion de crises. Or selon Vendrame (2006), l'absence de consensus sur l'éthique coopérative peut rendre difficile la tâche pour une coopérative de s'auto-évaluer pour ensuite agir consciemment.

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    Le modèle de l'évolution éthique des coopératives proposée par Vendrame (2006), permet aux coopératives d'auto-diagnostiquer leur évolution en termes d'éthique coopérative, sans, toutefois, porter un jugement éthique. Ce modèle est fondé sur trois axes, soit la création de valeur, la stratégie et l'intensité des règles coopératives. Ainsi, la coopérative peut se positionner temporellement sur chacun des trois axes et peut observer la direction prise par son organisation en termes d'éthique coopérative. Autrement dit, ce modèle permet de déterminer la nature de l'éthique coopérative appliquée : soit que l'organisation reste dans une bulle d'éthique plus coopérative définie par une stratégie de focalisation, de perspective et une forte intensité des règles coopératives; ou bien que l'organisation bascule vers l'éthique néolibérale, c'est-à-dire définie par une stratégie de standardisation, de positionnement et une faible intensité de règles coopératives (Vendrame, 2006). La figure 5 ci-dessous représente le modèle d'analyse et d'auto-diagnostique éthique des coopératives élaboré par Vendrame (2006).

    Figure 5 : « Auto-diagnostique éthique des coopératives » (Vendrame, 2006, p. 5, emprunté)

    La création de valeur (Axe 1) représente l'évolution d'une entreprise collective qui peut être conceptualisée en trois phases mettant en relief cinq stratégies de création de valeur (Malo et Vezina, 2004). Lors de la première phase, qu'est celle de la diffusion du modèle, les coopératives doivent choisir une stratégie de création de valeur cohérente avec leur identité. Ainsi, la partie gauche de l'Axe 1 reflète une méthode plus néolibérale de créer de la valeur aux membres. Ces derniers sont alors considérés comme des « homo-économicus » pour lesquels seule la ristourne compte (Malo, 2001) ou en terme coopératif un « actionnaire

    Ce modèle de l'éthique coopérative de Vendrame (2006) est pertinent en ce sens, qu'il s'adapte également à l'environnement d'affaires et du marché dans lequel évoluent les deux banques coopératives choisies et en

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    coopérateur » (Koulitchisky et Mauget, 2001). Dans ce cas-ci, la coopérative devient une entreprise de rapport avec une gestion de rapport ayant pour objectif l'accumulation du capital engagé (Fauquet, 1965). Lorsque cette transition « capitaliste » survient dans les coopératives, il y a un changement d'identité des acteurs personnels comme « agents » du système économique (Vienney, 1980). En revanche, la partie droite de l'Axe 1 aboutit à une sphère de l'éthique coopérative où l'institution coopérative crée de la valeur pour ses membres usagers (fournisseurs, travailleurs, clients etc. selon le type de coopérative) (Malo et Vezina, 2004).

    La stratégie (Axe 2) permet de faire la distinction entre des stratégies de positionnement et de perspective dans le processus stratégique des coopératives (Malo, 2001). Cet axe est primordial dans l'analyse éthique des coopératives car le statut particulier de ces dernières peut affecter leur rentabilité et leur capacité concurrentielle. En effet, les stratégies de prix différentiels, le maintien de services non rentables pour des membres marginaux, peuvent créer un risque compétitif et financier au niveau de la gestion coopérative (Desforges, 1978). Selon Malo (2001), lorsque la coopérative se situe dans une stratégie de positionnement, la vision stratégique sera alors en harmonie avec les règles du secteur d'activités et les orientations de la coopérative seront définies sans perspective de changement social. Dans ce cas-ci, dont la logique est plus capitaliste, le facteur risque est le capital de la coopérative et l'identité de la coopérative est également à risque et menacée (Malo, 2001). À l'inverse, lorsque le processus stratégique de la coopérative est animé par seulement la perspective de transformation sociale, la coopérative se situera sur la droite de l'Axe 2. Dans ce cas-ci, la vision et les choix des orientations de la coopérative correspondent aux valeurs sans prendre en compte les règles de marché, ce qui peut compromettre son identité et sa viabilité éthique (Malo, 2001). Dès lors, le facteur risque ici serait le produit (Koulitchisky et Mauget, 2001).

    L'intensité des règles coopératives (Axe 3) correspond à l'opérationnalisation des deux axes précédents dans la mesure où il les complète. Cet axe permet d'appliquer concrètement les principes coopératifs au niveau du fonctionnement de la coopérative (Vendrame, 2006). L'application des règles coopératives est soumise à des pressions en raison de la transformation de l'environnement concurrentiel jumelé à l'évolution du concept de membres, à l'augmentation de la taille de l'adhésion entraînant des comportements de resquilleur et à l'interprétation des champs de marché (Côté, 2001). Ainsi, plus l'intensité d'application des règles coopératives sera élevée, plus la coopérative se positionnera dans l'axe de droite qui correspond à une éthique coopérative. En revanche, plus cette intensité sera faible, plus la coopérative perdra sa différence coopérative et se positionnera alors sur la gauche de l'axe, dans une éthique plus néolibérale (Vendrame, 2006).

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    particulier, leur transformation organisationnelle qui a été évoqué auparavant. Cependant, comme cela a été mentionné dans la revue de littérature, en prenant l'exemple de la crise financière 2007-2008, la règlementation n'a pas pour autant suffi pour éviter les comportements à risque, de crise et de nature frauduleuse, ce qui a amené plusieurs auteurs à questionner le risque, l'intégrité et l'éthique dans les milieux des affaires ou l'administration publique (Engelen et al., 2011; Reynolds, 2011; Roubini et Mihm, 2010; Pauchant et al., 2015; Guntzburger et Pauchant, 2014). En effet, des acteurs du milieu des affaires et sciences de gestion constatent de plus en plus que l'intégrité de certains secteurs comme celui de la finance ne peut être uniquement maintenue par des changements réglementaires, structurels ou techniques (Ho, 2009; Morin, 2015; Pauchant et Franco, 2014; Roubini et Mihm, 2010; Reynolds, 2011; Pauchant et al., 2015).

    Nous allons explorer, dans la prochaine section, les méthodes de gestion de crises et l'application de l'éthique coopérative de ces deux banques coopératives sur la base de données financières et revue de presse. Nous espérons ainsi pouvoir établir clairement, en appliquant une étude comparative, les différences entre les mécanismes de gestion de crise et l'éthique coopérative de ces deux banques. Nous tenterons de répondre à la problématique en identifiant les facteurs qui ont permis à Desjardins de mieux gérer la crise que le Crédit Agricole.

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    Chapitre 3 : Analyse des cas Crédit Agricole vs Desjardins 3.1 Le Groupe Crédit Agricole

    Le Groupe Crédit Agricole est le premier financier de l'économie française et l'un des tout premiers acteurs bancaires en Europe. Le Groupe est également premier gestionnaire d'actifs européens et premier « bancassureur » en Europe, et troisième acteur européen en financement de projet. Le Crédit Agricole ou la « banque verte » est composée de 2 533 Caisses locales, 39 Caisses régionales, l'entité centrale « Crédit Agricole S.A » et ses filiales. Le siège social du Groupe se situe à Paris, collabore et emploie près de 170 000 personnes à travers plusieurs pays (Datamonitor, 2011). La Banque verte se présente via son site internet officiel comme une « banque responsable et utile » qui offre des services à près de 49 millions de clients dans le monde, 8,2 millions de sociétaires et 1,1 million d'actionnaires. Les capitaux propres, part du Groupe, se chiffrent à 76,3 milliards d'euros. Par ailleurs, les valeurs historiques de Groupe sont présentées comme étant la « proximité, responsabilité, solidarité », et étroitement liées avec son identité coopérative (Groupe Crédit Agricole, 2015)

    3.1.1 Historique du Groupe Crédit Agricole

    La loi de 1884 sur la liberté d'association professionnelle en France, permettant la formation de syndicats agricoles, et l'exemple de banques mutualistes en Allemagne et en Italie favorisent l'émergence d'un contexte favorable à la création de banque mutualiste en France. En 1885, la société de Crédit Agricole de l'arrondissement de Poligny à Salins est créée, sous l'initiative locale de Louis Milcent, et donne naissance à la première Caisse locale. Cette dernière avait le statut de syndicat et permettait aux agriculteurs d'emprunter les fonds pour développer leurs activités (Groupe Crédit Agricole, 2015)

    En 1894, la loi du Ministre de l'agriculture Jules Méline autorise la constitution de Caisses locales et leur assigne le statut de société coopérative qui aboutit à la création du Crédit Agricole. Les Caisses locales, constituées dès lors sous la forme de sociétés coopératives de droit privé, forment le premier niveau de la pyramide institutionnelle. La loi du 31 mars 1899 permet la création des Caisses régionales, deuxième niveau de la pyramide institutionnelle, et dont l'objectif est d'encourager la création de Caisses locales (Groupe Crédit Agricole, 2015). La banque verte, surnom du Crédit Agricole, prend de l'essor auprès des agriculteurs et devient un partenaire privilégié, et cela grâce au fait que la banque ait été sollicitée pour financer la mise en valeur de terres en friche pendant la Première guerre mondiale. En 1920, l'Office National du Crédit agricole est crée et est nommé Caisse Nationale du Crédit Agricole (CNCA) et devient en 1926 un établissement public. La pyramide

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    institutionnelle du Crédit Agricole est dès lors achevée et réunit des structures de droit privé et un établissement public jusqu'à la loi de mutualisation de 1988 (Groupe Crédit Agricole, 2015)

    Durant la Seconde guerre mondiale, le Crédit Agricole est témoin d'importantes mutations financières. En raison de l'épargne abondante due à l'atonie économique durant la guerre, le Crédit Agricole crée le bon à 5 ans, produit d'épargne qui connaît un grand succès et ouvre le chemin vers l'autofinancement. De plus, les flux financiers entre l'État et le Crédit Agricole s'inversent puisque le Crédit Agricole remonte désormais l'épargne des campagnes vers le Trésor. En 1945, la Fédération Nationale du Crédit Agricole (FNCA) est créée comme association de représentation des Caisses régionales auprès de l'État et de la CNCA. Dans les années 1960, le Crédit Agricole devient la banque de proximité et dépasse ainsi les frontières du rural. En 1966, la Caisse Nationale du Crédit Agricole (CNCA) obtient l'autonomie financière dans le cadre de réformes financières importantes menées par le gouvernement. À partir de 1967, le Crédit Agricole s'affirme peu à peu comme la banque de logement et des ménages (Groupe Crédit Agricole, 2015)

    À l'échelle internationale, le Crédit Agricole ouvre sa première succursale à Chicago en 1979. Cette année là, la revue The Banker classe la banque verte au premier rang mondial des banques. Cette première place affirme sa puissance financière et son insertion dans la communauté bancaire. La loi bancaire de 1984 de l'Union européenne permet au Crédit Agricole d'intervenir en dehors du champ rural. La signature d'un accord interbancaire cette même année, qui allie la carte bancaire verte du Crédit Agricole avec la carte « bleue » des autres banques, marque l'intégration de la banque verte au marché bancaire « commercial ».

    C'est également à partir des années 1980 que le Crédit Agricole entame son processus d'hybridation structurelle, passant de statut de banque coopérative à celui de banque « universelle ». En 1988, la loi relative à la mutualisation de la CNCA affranchit la Caisse nationale de la tutelle de l'État. Dès lors, son capital est détenu à 90% par les Caisses régionales et à 10% par le personnel du groupe. En 1991, le Crédit Agricole est autorisé à financer les grandes entreprises, et devient une banque universelle. En 2001, la Caisse nationale est cotée en bourse sous le nom de Crédit Agricole S.A. Les Caisses régionales, actionnaire majoritaire (54%), disposent dès lors d'un véhicule coté pour participer à de grandes opérations financières de croissance externe (Groupe Crédit Agricole, 2015).

    Les années 1990 et 2000 sont une intense période de création de filiales, de diversifications, d'acquisitions et de fusions pour le Groupe Crédit Agricole. En 1986, Predica, la première filiale créée en matière d'assurance vie et devient N° 1 français en 1994. En 1990, le Groupe crée Pacifica, une compagnie d'assurance de biens, et devient en 1993, le second groupe d'assurance en France. Sur le plan international, des participations sont prises dans le capital de Banco Ambrosiano Veneto (Italie) en 1989, et du Banco Espirito Santo (Portugal) en

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    1991. Toutefois, c'est l'acquisition en 1996 de la banque Indosuez, qui lui permet de devenir une banque de financement, d'investissement avec un réseau international. En 2003, le Groupe rachète le Crédit Lyonnais. Le regroupement des différents métiers par filiales aboutit à la création de Calyon en 2004, filiale issue du rapprochement des activités de banque de financement et d'investissement du Crédit Lyonnais et de Crédit Agricole Indosuez. Le Crédit Lyonnais, recentré sur la banque de détail, devient LCL en 2005. Le Crédit Agricole S.A. lance un plan de développement en 2005, qui a pour objectif de développer davantage l'internationalisation de la banque. Le plan de développement international 2006/2008 est mis en oeuvre très rapidement et aboutit à des acquisitions en Égypte, Ukraine, Serbie, Grèce et en Italie en banque de détail, et dans la bancassurance au Portugal (Groupe Crédit Agricole, 2015).

    La crise des subprimes de 2007 suivi de la crise financière de 2008 secoue brutalement le Groupe Crédit Agricole et lui cause des pertes financières immenses pendant six années consécutives. Ce dernier effectuait, depuis plusieurs années, des opérations d'investissement au niveau des subprimes et autres produits dérivés sur le marché financier, principalement aux États-Unis, via sa filiale Calyon (Groupe Crédit Agricole, 2015). En 2007, le Groupe affichait une perte de 1,6 milliard d'euros sur le résultat net de cette année là (Le Monde, 2007). Fin 2008, la Banque verte a annoncé un bénéfice net 2008 en baisse de 75% comparé à 2007, soit de 1,024 milliard d'euros. Le résultat net était de 4 milliards d'euros en 2007 (Le Monde, 2009 (a)). En 2009, la filiale à 100% du Crédit Agricole avait un chiffre d'affaires en baisse de 40% dès janvier 2009, et aurait perdu 5 millions d'euros juste en un mois (L'OBS, 2009). En 2010, l'organe central de la Banque verte, Crédit Agricole S.A. décidait de quitter le conseil de surveillance d'Intesa Sanpaolo (Italie) dans lequel il détenait à ce moment là 4,79%. Cette décision a contraint le Crédit Agricole S.A. à enregistrer une dépréciation de 1,25 milliard d'euros juste au quatrième trimestre (Reibaud, 2010). En 2011, la détention du Crédit Agricole de la banque Emporiki, via la crise de la Grèce, a coûté 850 millions d'euros à la Banque verte. Le Groupe a également eu une perte nette en 2011 de 1,47 milliard d'euros (Reibaud, 2011(a)). En 2012, le Groupe a subit une perte historique au total de 6,47 milliards d'euros sur son entité cotée. À la différence de 2011, où le Groupe a pu dans son ensemble demeurer bénéficiaire, l'ensemble de la banque intégrant 100% des Caisses régionales était aussi en perte en 2012, soit à 3,80 milliards d'euros. Au quatrième trimestre 2012 seulement, la perte nette du Crédit Agricole S.A. avait atteint 3,98 milliard d'euros (Le Point, 2012). Pour consulter l'historique des données financières du Crédit Agricole entre 2007 et 2011 (OICSF, 2012), voir l'Annexe 10.

    3.1.2 La gestion de crise du Crédit agricole

    Dans cette section, nous avons analysé la revue de presse sélectionnée sur la base de 37 articles afin d'identifier les caractéristiques de gestion de la crise au sein du Crédit agricole, selon les quatre niveaux du modèle de gestion de crise soit l'individu, la culture, la structure et la stratégie.

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    3.1.2.1 La gestion de crise au niveau de l'individu

    En 2007, le Crédit Agricole S.A. subit une perte de 250 millions d'euros au troisième trimestre via sa filiale d'investissement bancaire Calyon. En cause, un trader au siège de Calyon à New York, a effectué des paris non autorisés sur le marché de crédit (Davies, 2007). Calyon a déclaré que le trader impliqué, un américain, aurait été renvoyé, en plus de mesures disciplinaires qui auraient été également appliquées à l'encontre de six autres membres du personnel (Davies, 2007). La découverte aurait été faite suite à un changement de la haute direction de Calyon. Le trader en question, âgé de vingt six ans, n'a pas été accusé de fraude et a affirmé que ses supérieurs étaient au courant de ce qu'il faisait (Davies, 2007).

    Le comportement de ce trader, connu ou non connu de la direction de Calyon, a eu des conséquences sur la banque coopérative dans son ensemble. Nous avons ici un exemple qui montre les conséquences du comportement humain, dans un contexte de crise, sur les opérations d'une banque. En dépit du fait que c'est la filiale Calyon du Crédit Agricole S.A. qui a été affectée par le délit financier commis par ce trader, cela a causé un impact négatif sur le plan humain et financier de manière holistique. Jonathan Alpert, un thérapeute-psychologue à New York, ayant parmi sa clientèle une majorité de cadres gestionnaires et traders issus de Wall Street, décrit dans un entretien vidéo ces derniers comme étant :

    « [...] des preneurs de risques de manière explicite et volontaire, ce sont des individus impulsifs. Cela fait partie de leur façon d'agir, de leur personnalité. Cela se manifeste aussi en dehors du travail. Ils fréquentent les clubs de « streaptise » et se droguent. Ils sont consommateurs de cocaïne et de prostitution. Beaucoup d'entre eux se sentent obligés d'adopter ce type de comportement pour réussir, être promus et reconnus. Ils ne tiennent pas compte de l'impact de leurs actes sur la société ou la famille». (Ferguson, 2010).

    Ceci démontre la culture « organisationnelle » qui règne dans le milieu financier à Wall Street et souligne l'importance de l'influence du comportement humain sur la culture de gestion.

    En 2008, les dirigeants du Crédit Agricole, contraints d'expliquer les raisons de leurs difficultés financières devant la presse française et internationale, furent soumis à « rude exercice de transparence » (Michel, 2008, p.1). Georges Pauget, directeur général du Groupe Crédit Agricole, déclare que « des erreurs avaient été commises dans l'appréciation des risques ». Au niveau des activités bancaires de marché, il affirme que « tout

    La suite de l'histoire, nous la connaissons déjà. Georges Pauget intente un vote de confiance au Conseil d'administration en juillet 2008, et la confiance lui est renouvelée par son Conseil. La crise financière a également

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    s'est mis à dévier dans la même direction » et que « un jour, le modèle s'est déréglé » (Michel, 2008, p.1). Georges Pauget a été nommé directeur général du Crédit Agricole en 2005 après avoir entamé sa carrière dans une Caisse régionale. Ce dernier a été le principal instigateur du plan de développement international lancé en 2005.

    L'année suivante, en 2009, George Pauget publie un livre au titre provocateur : « Faut-il brûler les banquiers? », faisant référence à la pratique de chasse aux sorcières qui étaient brûlées sur le bûcher durant le Moyen-âge (Bretts, 2009). Le livre en vient à la défense de la profession bancaire dans lequel George Pauget défend l'idée que ce ne sont pas seulement les banquiers qui sont responsables de la crise mais aussi une série de facteurs politiques et régulateurs qui ont engendré la crise financière en 2008 (Bretts, 2009). En dépit du fait que c'est en partie le cas, l'un des éléments intéressants au sujet de ce livre est le moment de sa publication. En effet, depuis 2008, Georges Pauget était la cible d'une « chasse aux sorcières » venant du côté « mutualiste » de la Banque verte, et ce en raison de l'impact de la crise financière sur le Groupe Crédit Agricole via les déboires financiers de sa filiale Calyon à New York (Daneshkhu, 2008(b)). Au cours de l'année 2009, George Pauget fut invité par la presse pour s'exprimer sur le contenu de son livre, nous analyserons son discours à travers un entretien radio au prochain chapitre. Avant cela, en juillet 2008, en guise de défense, Georges Pauget, de manière inattendue et spectaculaire, a déclenché un vote de confiance via le Conseil d'administration de la société cotée pour contrer l'offensive des 39 Caisses régionales, et cela a fonctionné (Daneshkhu, 2008(b)). Cet épisode a fait l'écho de la presse internationale et Georges Pauget était constamment sous les projecteurs. En effet, le Financial Time a interrogé George Pauget s'il avait réellement « menacé » de démissionner lorsqu'il a déclenché le vote de confiance, ce dernier a répondu que le vote de confiance était nécessaire afin de « stopper les rumeurs » et qu'« Évidemment, si vous n'avez pas la confiance du Conseil d'administration, vous résignez » (Daneshkhu, 2008(b), p. 1).

    3.1.2.2 La gestion de crise au niveau de la culture organisationnelle

    Suite à l'annonce en 2008 de la perte de 4,5 milliards d'euros due à la crise des subprimes via sa filiale Calyon, un groupe de dirigeants des Caisses régionales ont tenté d'évincer Georges Pauget du poste de directeur général (Daneshkhu, 2009b). Les Caisses régionales avaient accepté de signer une émission de titres d'une valeur de 5,9 milliards d'euros en mai 2008, en plus du plan de capitalisation du gouvernement français, pour sauver le Groupe et limiter les dégâts, mais la plupart étaient mécontents de la tournure qu'ont prit les événements de la crise financière (Daneshkhu, 2009(b)).

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    révélé que le processus démocratique, fondement sacré de la banque coopérative, semble avoir été compromis par la structure organisationnelle du Groupe Crédit Agricole, divisée entre le mutualisme et le bancaire. Autrement dit, le Groupe Crédit Agricole est divisé en deux structures, d'un côté la banque coopérative d'origine et de l'autre, le Crédit Agricole S.A., qu'est la société anonyme cotée du Groupe Crédit Agricole. Ceci a aboutit à créer une double culture au sein de la même organisation avec d'une part, la culture bancaire « coopérative » ou « mutualiste » et d'autre part, la culture bancaire « financière » représentée par le Crédit Agricole S.A. et ses filiales telles que Calyon. Nous reviendrons à ce point dans la prochaine section sous le niveau de la structure organisationnelle. Néanmoins, ce qui est pertinent au niveau de la culture organisationnelle, est que Georges Pauget utilise cette structure organisationnelle divisée, comme arme pour se défendre, maintenir sa position, mais aussi défendre les normes de la culture « bancaire » représentées par l'actionnariat contre la culture « mutualiste» représentée par les membres/dirigeants des Caisses régionales.

    Georges Pauget a été en mesure de se maintenir à son poste suite au vote de Conseil d'administration, mais ce ne fut pas le cas du PDG de Calyon. Marc Litzer, Chef exécutif de Calyon qui fut limogé de son poste. Un banquier senior de Calyon a déclaré au Financial Times que M. Litzer a payé le prix des pertes de la banque. Selon ce banquier, le réseau des 39 Caisses régionales, qui « contrôlent le Crédit Agricole » selon ses termes, ont pris leur revanche sur l'homme qu'elles désignent comme étant responsable de l'exposition de la banque aux marchés financiers sophistiqués mais hautement risqués (Hall, 2008, p. 1). Un autre banquier de Calyon a affirmé que lorsque Marc Litzer a commencé, il n'était pas en mesure de faire le travail d'un PDG et était constamment entrain d'éteindre des feux (Hall, 2008).

    3.1.2.3 La gestion de crise au niveau de la structure organisationnelle

    Le Groupe Crédit Agricole a une double structure organisationnelle : une structure mutualiste et une structure bancaire. La première est représentée au niveau politique par la FNCA (Fédération Nationale du Crédit Agricole) fondée sur la loi Association de 1901. La seconde structure est représentée par le Crédit Agricole S.A. (CASA), société anonyme cotée en bourse en 2001. En d'autres termes, le Groupe Crédit Agricole a une structure organisationnelle fondée sur un modèle hybride alliant la banque coopérative « mutualiste » du Crédit Agricole représentée par la FNCA et son réseau des 39 Caisses régionales et la banque commerciale « financière » représentée par la société cotée Crédit Agricole S.A. Ce modèle de gestion hybride de la Banque verte est illustré par la figure 17 et 18 à l'Annexe 9.

    Le Crédit Agricole est une organisation qui est à la fois mutualiste et capitaliste, donc hybride. (Batac, Maymo, et Pallas-Saltiel, 2008). La structure organisationnelle sur laquelle repose le Groupe Crédit Agricole serait plus performante qu'une structure centralisée. La médiation par les Caisses régionales permet de réduire le

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    coût de coordination, mais cela diminue l'influence des Caisses locales (Batac et al, 2008). En effet, en dépit du fait que les Caisses régionales représentées par la FNCA sont également propriétaires de la structure cotée du CASA (54%), elles ont un pouvoir d'intervention limité. Le CASA a les pouvoirs d'organe central et assure le contrôle, les sanctions et l'agrément accordés aux présidents et aux directeurs généraux des Caisses régionales (Chocron, 2013). Cela signifie qu'actuellement, la structure bancaire commerciale prévaut sur la structure coopérative et mutualiste au sein du Groupe Crédit Agricole. Le FNCA tente depuis quelques années de rétablir le pouvoir mutualiste auprès du gouvernement français, notamment à l'été 2013, en demandant d'introduire des modifications législatives nécessaires à ce transfert de pouvoir. Le gouvernement a considéré ce projet de changement de gouvernance avec méfiance, en justifiant que le Crédit Agricole, qui a été particulièrement affecté par la crise financière, « se concentre sur sa stratégie et son avenir » plutôt que sur les luttes de pouvoir (Chocron, 2013, p. 1).

    3.1.2.4 La gestion de crise au niveau de la stratégie organisationnelle

    En analysant la trentaine d'articles de presse, le principal fait qui en ressort est que le Groupe Crédit Agricole n'avait pas un plan stratégique de gestion de crise systémique clairement établi et communiqué. C'était une gestion de crise de type « urgence » qui consistait à mettre en place au fur et à mesure des plans d'actions face aux « urgences ». Il n'y avait pas de données à travers les articles qui permettaient d'observer un plan de prévention de crise activé dès le déclenchement de la crise des subprimes en 2007. Globalement, entre 2007 et 2012, nous avons identifié trois phases d'actions au sein du Groupe Crédit Agricole pour gérer la crise financière et surtout limiter les pertes.

    La première phase de gestion de crise du Crédit Agricole fut de bénéficier de l'aide du gouvernement français dans le cadre du plan français de soutien de l'économie pendant la crise en 2008 (L'Expansion, 2009). Le gouvernement français avait débloqué 19,8 milliards d'euros pour faire face à la crise, et notamment pour recapitaliser les cinq principales banques françaises dont le Crédit Agricole. Ce dernier avait emprunté à l'État 3 milliards d'euros (plus 220 millions d'euros d'intérêts) qu'il a remboursé en octobre 2009 (L'Expansion, 2009). Le gouvernement français a relancé une deuxième tranche de soutien en février 2009 mais le Crédit Agricole a décidé de ne pas en bénéficier. La Banque verte s'est également tournée vers le marché et ses actionnaires afin de recapitaliser ses comptes. En 2008, la banque coopérative avait collecté 5,9 milliards d'euros par l'intermédiaire de son actionnariat incluant la participation des Caisses régionales (Daneshkhu, 2009(a)).

    La deuxième phase de gestion de crise du Groupe fut de restructurer le plan d'expansion international lancé en 2005 sous la direction de Georges Pauget. Ce dernier, pour enrayer les pertes de Calyon et satisfaire les Caisses régionales, a lancé fin 2008 un plan de restructuration qui prévoyait l'arrêt des activités les plus risquées

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    et le renforcement du contrôle des risques (Le Monde, 2009 (b)). Georges Pauget a reconnu qu'il y a eu des erreurs stratégiques à Calyon en déclarant que « dans le marché des produits de crédit, nous avions fait quelques erreurs dans l'évaluation du niveau de risque. Nous n'avons pas compris les signes que le marché envoyait quelques mois auparavant car l'équipe...n'a pas considéré les relations entre les marchés et l'économie réelle » (Daneshkhu, 2008(c)). Cette affirmation vient souligner l'importance du facteur humain dans la gestion systémique d'une organisation telle qu'une banque à l'échelle internationale, qui inclut une multitude de facteurs et d'interactions politiques, sociaux et économiques. Ces éléments doivent être considérés dans la gestion de crise systémique et sa prévention, en particulier dans le contexte international.

    Le plan de restructuration du Crédit Agricole au niveau international avait pour principal objectif de réduire ses activités financières de haut risque, son degré de dépendance du marché de financement volatil, et son niveau de financement en capital via ses filiales internationales et la banque de détail. Ainsi, le groupe mutualiste a annoncé un plan en 2011 pour faire passer son programme de financement à moyen et long terme de 22 milliards d'euros en 2011 à 12 milliards d'euros en 2012, ainsi que réduire l'endettement de 50 milliards d'euros entre juin 2011 et décembre 2012 (Le Monde, 2011 (a)). Pour y parvenir, le Groupe s'est désengagé partiellement d'activités de financement structurées, de banque commerciale et de marchés, ainsi qu'en fermant des implantations non stratégiques à l'étranger (21 pays sur 53 concernés par l'arrêt d'offre de services d'investissement bancaire) (Le Monde, 2011 (a)). Par ailleurs, la banque verte a annoncé en décembre 2011 la suppression de 2 350 postes, dont 1 750 au niveau des activités de banque de financement et d'investissement, ainsi que du pôle Credit Agricole Consumer Finance (CACF) qui regroupe le crédit à la consommation. En France, 850 postes ont été supprimés. (Le Monde, 2011 (b)).

    La troisième phase de gestion de crise de la banque coopérative fut d'établir un plan stratégique focalisé sur les activités mutualistes et de banque de détail. Autrement dit, un retour aux sources coopératives et mutualistes à partir de 2010. Cette réorientation stratégique s'est traduite premièrement par le plan de restructuration vu au paragraphe précédent qui a réduit considérablement les activités bancaires d'investissement au profit de celles de détail. Deuxièmement, par la nomination de Jean-Paul Chifflet en 2010 en tant que directeur exécutif, remplaçant Georges Pauget. Ayant été chef d'une des plus grandes Caisses régionales à Lyon, ainsi que Secrétaire général de la FNCA, Jean-Paul Chifflet avait ouvertement exprimé en 2008, durant son mandat à la FNCA, son opposition à la prise excessive de risque après le déclenchement de la crise financière en 2008. Il avait déclaré à l'audience du Congrès annuel de la FNCA: « Non, la course irrationnel pour les profits immédiats ne fait pas partie de nos valeurs » (Daneshkhu, 2011, p. 1-2). Jean-Paul Chifflet a donné le ton au plan stratégique du Groupe Crédit Agricole réorienté vers le mutualisme en déclarant au Financial Time en 2011 qu'il préfère

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    démontrer un développement de long-terme plutôt qu'un succès temporaire, et que le Groupe Crédit Agricole veut désormais une profitabilité de long terme et axée sur le développement durable (Daneshkhu, 2011).

    3.2 Le Mouvement des Caisses Desjardins

    Le Mouvement des caisses Desjardins est le premier groupe financier coopératif du Canada dans l'histoire des coopératives en Amérique du Nord. La banque coopérative compte plus de 7 millions de membres et clients, 45 966 employés et prés de 4800 dirigeants élus. Desjardins compte 360 Caisses et 805 points de service au Québec et en Ontario, et est active dans 30 pays en développement et émergence via sa filiale Développement International Desjardins. En 2014, la banque Desjardins a été classée au 2e rang des institutions financières les plus solides au monde selon Bloomberg (Desjardins - Qui nous sommes, 2015). Son actif a été chiffré à 229 milliards de dollars canadien en 2014. La banque coopérative présente sa mission via son site internet comme étant de « contribuer au mieux-être économique et social des personnes et des collectivités dans les limites compatibles de notre champ d'action.» (Desjardins - Qui nous sommes, 2015, p. 1)

    3.2.1 Historique du Mouvement Desjardins

    La Caisse populaire Desjardins de Lévis a été la première caisse fondée en 1900 par Alphonse Desjardins au Canada et la première coopérative d'épargne et de crédit en Amérique du Nord. Dans un contexte de misère et de chômage qui caractérisait le Québec à la fin du XIXe siècle, Alphonse Desjardins, préoccupé par la situation, a réalisé que ceux qui avaient besoin de crédit devaient s'unir. Ainsi, le 6 décembre 1900, une centaine de citoyens de Lévis adoptent les statuts et règlements préparés par Desjardins (Caisse Desjardins de Lévis, 2015). En se faisant le promoteur de l'idée de coopération, Alphonse Desjardins a cherché à enrayer l'usure, à améliorer la condition des classes populaires et à contribuer au relèvement économique des Canadiens français.

    Entre les années 1900 et 1920 (Desjardins - Notre histoire, 2015), Alphonse Desjardins consacre essentiellement ses années de vie à développer le réseau de caisses au Canada et aux États-Unis. Après la fondation d'une première caisse en 1900 et quelques tentatives d'obtenir une reconnaissance légale du Parlement fédéral d'Ottawa, il n'obtient qu'en 1906 de l'Assemblée législative de la province du Québec, une loi encadrant les coopératives. Dès lors, Alphonse Desjardins se consacre, avec le soutien constant de son épouse Dorimène Desjardins, la collaboration de journalistes, de prêtres et d'acteurs sociaux, à la multiplication des caisses. En 1907, il débute la mise en place des premières caisses scolaires pour recueillir l'épargne des jeunes écoliers dans la région de Lévis. En 1908, Alphonse Desjardins met sur pied la première coopérative d'épargne et de crédit aux États-Unis dans l'État du New Hampshire. Il devient ainsi l'initiateur du mouvement des credit unions aux États-Unis. En 1912, il poursuit l'expansion des caisses au Canada et parvient à fonder la première caisse populaire en

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    Ontario à Ottawa. En 1920, Alphonse Desjardins décède à l'âge de 66 ans, laissant comme héritage aux prochaines générations 136 caisses au Québec, 19 en Ontario et 9 aux États-Unis. Il a consacré les dernières années de sa vie à la promotion et au développement de ses projets de fédération et de caisse centrale, sans toutefois pouvoir les réaliser. Le 23 avril 1913, selon l'hebdomadaire torontois The Farmers' Sun, Alphonse Desjardins serait un jour connu de par le monde comme étant l'un des plus grands Canadiens (Desjardins - Notre histoire, 2015).

    La période des années 1920 à 1944 (Desjardins - Notre histoire, 2015) est caractérisée par le regroupement et l'essor. Au cours de la décennie 1920, des unions régionales voient ainsi le jour à Québec, Montréal et Gaspé. Les unions régionales sont des sociétés coopératives dont les membres sont les caisses locales et ont pour fonctions de défendre les intérêts des caisses locales, d'exercer sur elles une surveillance et de promouvoir la coopération et la création d'autres caisses. En 1932, les problèmes engendrés par la crise économique de 1929 et des pressions gouvernementales entraînent la création de la Fédération de Québec des unions régionales de caisses populaires Desjardins. En échange d'une subvention accordée par le gouvernement provincial, les caisses doivent se doter d'une direction centralisée, représentative et responsable avec laquelle le gouvernement pouvait conclure des ententes (Desjardins - Notre histoire, 2015).

    Entre 1944 et 1971 (Desjardins - Notre histoire, 2015), s'en suit une période d'affirmation et de diversification pour le Mouvement Desjardins. Ainsi, en 1944, la première filiale est créée qu'est la Société d'assurance des caisses populaires (SACP), étant aujourd'hui Desjardins Groupe d'assurances générales. Quatre ans plus tard, une deuxième filiale est créée, l'Assurance-vie Desjardins, aujourd'hui Desjardins Sécurité financière. Dans un contexte de prospérité économique après la Seconde guerre mondiale, le développement de la société de consommation engendre de nouveaux besoins et les caisses avaient pour défi de s'adapter aux changements tout en demeurant fidèles aux valeurs Desjardins. En 1949, la Fédération provinciale encourage la création d'un fonds de sécurité pour soutenir financièrement les caisses qui le requièrent en augmentant la cotisation à la Fédération, ce qui est accepté par la majorité des unions régionales. À partir des années 1960, s'en suit une période d'ouverture au crédit à la consommation avec l'assouplissement de la politique de crédit. En 1970, le Mouvement Desjardins fonde Développement International Desjardins dont le but est de partager son expérience et expertise en matière de services financiers coopératifs dans les pays en voie de développement (Desjardins - Notre histoire, 2015).

    De 1971 à aujourd'hui (Desjardins - Notre histoire, 2015), c'est une période caractérisée par l'innovation, la croissance et des changements structurels et organisationnels. En 1979, le Mouvement fonde la Caisse Centrale Desjardins qui devait permettre aux caisses locales d'être intégrées « à un ensemble financier puissant et

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    dynamique lui permettant une implication accrue dans [leur] milieu » (Desjardins - Notre histoire, 2015, p. 1). En 1981, le Mouvement Desjardins achète la franchise VISA. En 1988, Desjardins fait son entrée dans le marché des valeurs mobilières avec l'acquisition du courtier à escompte Disnat et la création de la Corporation Desjardins des valeurs mobilières. En 1997, une étape supplémentaire dans le développement de Desjardins est franchie avec la création des Centres financiers aux entreprises (CFE) pour mieux répondre aux besoins des entrepreneurs. Le Mouvement Desjardins connait dès lors une croissance de sa part de marché dans le crédit industriel et commercial. En 2000, Desjardins Groupe d'assurances générales fait l'acquisition la plus importante de son histoire avec deux filiales d'assurance de dommages de la banque CIBC.

    À partir de 2001, s'en suit une restructuration organisationnelle au sein du Mouvement Desjardins avec le passage d'une structure de trois paliers (les caisses populaires, les fédérations et la Confédération) à une structure de deux paliers (les caisses populaires et la Fédération). En 2004, le Mouvement Desjardins réorganise la structure de sa direction stratégique en créant six grandes fonctions stratégiques : la direction financière, la gestion intégrée des risques, la trésorerie, la gestion de ressources humaines, la planification stratégique, le développement pancanadien des affaires, et les affaires institutionnelles.

    En 2008, le Mouvement Desjardins a également été affecté par la crise financière mais beaucoup moins que le Groupe Crédit agricole. En effet, Desjardins a subit des pertes de 2007 à 2009, en particulier en raison de l'impact du dossier des PCAA (papier commercial adossé à des actifs) que nous exposerons dans les sections qui suivent. Ainsi dès 2007, le Mouvement Desjardins a enregistré une perte de 160 millions de dollars canadiens liée au papier commercial adossé à des actifs (PCAA) au troisième trimestre (Larocque, 2007). En 2008, Desjardins a eu une perte de plus d'un milliard de dollars canadiens et 591 millions de dollars rien qu'au quatrième trimestre (Larocque, 2009). L'agence de notation Moody's a accolé des « perspectives négatives » à Desjardins suite à cette annonce en précisant que les pertes de Desjardins « mettaient en évidence les risques associés aux produits financiers nouveaux et/ou complexes » (Larocque, 2009, p. 1). Cette perte a affecté les ristournes annuelles des membres Desjardins avec une chute de 64 % en 2008 (65 millions $) comparé à 2007 (122 millions $) (Martin, 2009). En 2009, au premier trimestre, les excédents en ristournes du secteur des particuliers et des entreprises ont chuté de 30,4% (Martin, 2009). Néanmoins, dès 2010, le Mouvement Desjardins reprend le dessus en affichant de meilleurs résultats et une nette reprise de sa performance financière avec des excédents historiques de 1,4 milliards de dollars canadiens, soit une hausse de 34 % par rapport à 2009 (Canada Newswire, 2011). La banque coopérative avait également un actif de 171,2 milliards de dollars en hausse de 9,4 % par rapport à 2009 (Canada Newswire, 2011). Pour consulter l'historique des données financières du Mouvement Desjardins entre 2007 et 2011 (OICSF, 2012), voir l'Annexe 10. Enfin, en 2010, le Mouvement Desjardins a été classée au 26e rang parmi les 50 institutions financières les plus sûres au monde et 4e rang en Amérique du Nord devant toutes les banques

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    américaines par Global Finance (Canada Newswire, 2011). Elle a également été classée première institution financière coopérative à être reconnue comme étant l'institution bancaire de l'année (2010) au Canada par le magazine britannique The Banker (Canada Newswire, 2011).

    3.2.2 La gestion de crise de Desjardins

    Dans cette section, nous avons analysé les caractéristiques de gestion de crise de Desjardins sur la base d'une revue de presse comptant 40 articles selon les quatre niveaux du modèle de gestion de crise que sont l'individu, la culture, la structure et la stratégie organisationnelle.

    3.2.2.1 La gestion de crise au niveau de l'individu

    Lors de la crise financière 2007-2008, la banque coopérative québécoise a été particulièrement touchée par l'affaire du papier commercial adossé à des actifs (PCAA). La crise du papier commercial est en somme un gâchis financier de 32 milliards de dollars CAD dans lequel de grands établissements canadiens, tels que la Caisse de dépôt au Québec, la Banque Nationale et Desjardins, ont subit des pertes considérables lorsque la crise des subprimes s'est déclenchée aux États-Unis (Desjardins, 2009). Le PCAA était un placement à court terme, dont les rendements - légèrement supérieurs aux obligations gouvernementales - provenaient de dettes de cartes de crédit, de voitures de location, des prêts hypothécaires etc. Les choses se sont compliquées lorsqu'en été 2007, la crise des subprimes est survenue aux États-Unis. Les grands établissements financiers au Canada, ont commencé à « croire », pour une raison ou une autre, que le PCAA en question était lié à ces subprimes (Desjardins, 2009). Dès lors, s'en suit une crise de confiance sur le marché canadien où plus personne ne voulait du PCAA. Le problème est que lorsqu'il n'y a pas d'acheteurs qui ne veulent plus acheter le produit, sa valeur chute, d'où il devient difficile de le vendre et s'en libérer. Dès lors, pour sortir de cette impasse où beaucoup de sociétés et d'investisseurs étaient bloqués, les grands détenteurs de ce PCAA, comme la Caisse de dépôt et la Banque Nationale, ainsi que des banques étrangères (Deutsche Bank et UBS) ont décrété un moratoire. Les résultats de ce dernier ont confirmé que seulement 7 % du PCAA était lié aux subprimes (Desjardins, 2009), mais il était trop tard. Au total, 2000 investisseurs dont 100 sociétés et 1900 individus étaient coincés en raison d'une crise de confiance et panique sur le marché financier canadien. Au final, pour que le PCAA redémarre, il a fallu fondre les anciens titres et les convertir en obligations à long terme. L'opération s'est révélée difficile et complexe car il n'y avait pas que des dettes de cartes de crédit ou des hypothèques, mais aussi des credit defaults swaps, des produits dérivés extrêmement sophistiqués qui échappent à la réglementation : « c'était tellement complexe qu'il a fallu intégrer dans l'équipe des gens de toutes sortes de disciplines », disait Me Marc Duchesne, de Borden Ladner Gervais, le cabinet d'avocats qui représentait la firme de conseil Ernst & Young (Desjardins, 2009, p. 1).

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    Deux plus tard, lors de la 5e édition du Rendez-vous de l'Autorité des marchés financiers, la présidente et chef de direction du Mouvement des Caisses Desjardins, Monique F. Leroux, livre ses réflexions personnelles sur la crise financière en déclarant qu' « à la réflexion et en bout d'analyse, l'élément central, celui qui fait la différence entre la bonne conduite des métiers financiers et les aventures difficiles, c'est la personne » (Canada Newswire, 2010, p. 1). Selon Monique F. Leroux, « c'est ainsi que le cadre d'interaction multipartite (les conseils d'administration, les directions, les autorités réglementaires, les organismes sectoriels, les gouvernements et les vérificateurs) permettra d'en arriver à un cadre prudentiel où la connaissance et l'intelligence de chacun permettra, dans une approche proactive, d'anticiper et d'éviter des crises et de renforcer la gestion prudentielle des institutions » (Canada Newswire, 2010, p. 1).

    Au niveau de l'individu et existentiel en gestion de crise du modèle de l'oignon, peu de données ont été observées sur le rapport qu'a entretenu la banque coopérative Desjardins directement avec la crise financière. Contrairement au Crédit Agricole où l'on a pu observer plus de facteurs liés à l'individu et ses mécanismes de défense, le Mouvement Desjardins semble avoir été moins directement exposé à la crise financière au niveau existentiel. Nous discuterons davantage de ce point au prochain chapitre portant sur la discussion des données.

    3.2.2.2 La gestion de crise au niveau de la culture organisationnelle

    En analysant la culture organisationnelle de Desjardins, nous avons observé trois caractéristiques pendant et après la crise financière. La première étant l'approche contradictoire que Desjardins a vis-à-vis des autorités gouvernementales et publiques; la seconde est la culture de l'entreprise perçue par Desjardins et ses employés sur le plan interne; la troisième est la culture organisationnelle perçue par la société civile sur le plan externe.

    L'approche contradictoire de Desjardins face au gouvernement peut être illustrée par deux événements. Le premier étant que Desjardins avait été affecté par les pertes engendrées par la crise du PCAA au Canada. Or lorsque la crise est survenue au niveau du marché canadien, un processus de transformation des anciens titres en obligations à long terme était nécessaire pour pouvoir redémarrer le mécanisme du PCAA alors en panne. Cependant, cette conclusion a failli ne jamais avoir lieu sans l'aide des gouvernements (fédéral et provincial). Cet appui gouvernemental a finit par arriver à hauteur de 3,5 milliards de dollars CAD (Desjardins, 2009). Un des principaux intervenants dans le dossier de restructuration du PCAA, responsable du dossier chez Ernst & Young, M. Laporte a déclaré : « c'est passé proche, mais je ne voyais pas comment les joueurs et les gouvernements auraient pu laisser tomber ça » (Desjardins, 2009, p. 1). Desjardins a bénéficié de l'aide du gouvernement et la restructuration du PCAA, ce qui a permis d'éviter le pire. En 2009, d'après l'agence de notation Moody's, Québec et Ottawa fourniraient un « soutien implicite » à Desjardins dans l'éventualité d'un problème de solvabilité, ce qui est pris en compte dans l'établissement des cotes de crédit (Larocque, 2009). En 2008, lors d'un discours devant

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    la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, la dirigeante de Desjardins, Monique F. Leroux, a demandé au gouvernement du Canada de ne pas désavantager les institutions financières du pays par rapport à leurs rivales d'ailleurs. Elle exhortait le gouvernement fédéral de « faire preuve d'une grande vigilance ». (Bergeron, 2008, p. 1).

    Nous en venons au deuxième événement qui démontre la contradiction au niveau de la culture organisationnelle de Desjardins. À la même année en 2008, lorsque le gouvernement canadien a suggéré la mise en place d'un système de réglementation centralisé des valeurs mobilières au Canada, Desjardins a critiqué et protesté contre cette mesure. Valeurs mobilières Desjardins (VMD) est une des filiales du Mouvement Desjardins qui engrange des profits considérables sur le marché des valeurs mobilières. La coopérative financière a fait valoir, dans un document d'une vingtaine de pages, que le projet de centralisation de la réglementation des valeurs mobilières du gouvernement fédéral est fondé sur des « mythes » et des « perceptions », et qui ne résistent pas à l'analyse (Larocque, 2008(a)). Desjardins avançait l'argument entre autre « qu'un organisme pancanadien n'ait pour conséquence de reproduire le système américain, avec ses qualités mais aussi ses défauts, notamment sa lourdeur bureaucratique et juridique. Les tribunaux canadiens doivent continuer de resserrer les peines qu'ils imposent aux fraudeurs, reconnaît Desjardins, en avançant toutefois qu'il n'est pas nécessaire, pour y arriver, de centraliser la réglementation des valeurs mobilières au pays. » (Larocque, 2008 (a), p. 1). En d'autres termes, de par sa communication, Desjardins tient un double discours à l'encontre du gouvernement et sa position vis-à-vis de ce dernier.

    La deuxième caractéristique observée de la culture organisationnelle de Desjardins est l'image que celle-ci renvoie de sa gestion de la culture interne. En effet, en 2008, le Mouvement Desjardins annonçait fièrement qu'il faisait partie désormais du très prestigieux palmarès des 50 Employeurs de choix au Canada (Canada Newswire, 2008(a)). Monique F. Leroux, présidente et dirigeante du Mouvement des caisses Desjardins, avait alors déclaré que « nous sommes très fiers de figurer parmi les 50 Employeurs de choix au pays. Je crois que cette reconnaissance nous indique que nous sommes sur le bon chemin et que nous devons continuer de sonder et d'écouter nos employés, surtout dans le contexte économique dans lequel nous évoluons actuellement » (Canada Newswire, 2008(a), p. 1). Le sondage sur la mobilisation, sur lequel se base la firme de services-conseils en ressources humaines Hewitt, a été envoyé à près de 20 000 employés chez Desjardins. (Canada Newswire, 2008(a)).

    Cependant, la troisième caractéristique observée au niveau de la gestion de la culture organisationnelle du Mouvement Desjardins sur le plan externe dévoile également des contradictions, notamment avec l'identité et les valeurs coopératives. En 2008, dans un article paru dans Les Affaires, du 12 avril 2008, François Dupuis, vice-président et économiste en chef de Desjardins, avait déclaré : «Diminuez les impôts des compagnies; laissez

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    davantage de place aux forces (sic) du marché par le recours à l'état minimal; privatisez davantage les services publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la population à payer le prix du marché (sic) et augmentez les tarifs d'électricité et les frais de scolarité» (Lauzon, 2009, p. 1). En 2009, quelques jours avant le dépôt du budget Bachand 2010, l'économiste en chef de Desjardins a aussi déclaré qu'il faut envisager une hausse des tarifs et des taxes, notamment sur l'essence et que c'est à ce prix que les Québécois peuvent conserver les acquis sociaux auxquels ils tiennent. Il a par ailleurs recommandé au gouvernement de réduire les taux de croissance de ses dépenses (St-Gelais, 2010). Ces affirmations sont en contradiction avec la culture coopérative et ses valeurs tournées vers les membres, les collectivités et leurs intérêts.

    Par ailleurs, en raison du processus de fusion des caisses déclenché il y a près de 15 ans, de plus en plus de voix ont commencé à remettre en question l'identité coopérative du Mouvement Desjardins (La Presse Canadienne, 2011). Selon M. Vallières, professeur d'histoire à l'Université Laval, ces regroupements ont coïncidé avec un changement de culture. Autrement dit, tant que les initiateurs du mouvement étaient présents dans les communautés rurales, villages et petites villes où il y avait encore des caisses, cela assurait le maintien des valeurs. Cependant, lorsque ces derniers ont pris leur retraite et ont été remplacés par des spécialistes en administration et économie, la philosophie a changé. Selon Jean Roy, professeur en finance à HEC Montréal, ces changements ont modifié le rapport qu'entretiennent les membres avec leur caisse (La Presse Canadienne, 2011).

    3.2.2.3 La gestion de crise au niveau de la structure organisationnelle

    Pendant la crise financière internationale, entre 2007 et 2009, le Mouvement Desjardins a entrepris deux plans de restructuration. Le premier plan, « Coopérer pour créer l'avenir », avait pour objectif de rapprocher la structure décisionnelle du réseau des Caisses. Le deuxième plan visait une réorganisation de sa structure de décision. Nous verrons également que la concentration des tailles des caisses a altéré le processus démocratique.

    Du point de vue structurel, une des forces du Mouvement Desjardins, est sa structure coopérative qui lui a permis de limiter considérablement les conséquences de la crise financière. En effet, un des avantages du système coopératif de Desjardins, est que la banque n'a pas d'actions sur le marché financier, ce qui lui permet de ne pas faire l'objet de prises de contrôle non sollicitées ou de manoeuvres spéculatives sur ses titres (Bergeron, 2008). Autre avantage, étant donné que Desjardins n'a pas de capital-actions, les fluctuations boursières et la spéculation affectent beaucoup moins la valeur de ses actifs et capacités de financement (Nadeau, 2008). Par ailleurs, les prêts à haut risque qui ont mené à la crise financière aux États-Unis, sont inexistants dans le système bancaire canadien, ce qui limite également l'exposition des banques canadiennes aux risques des produits dérivés par exemple (Bergeron, 2008). Cependant, le Mouvement Desjardins a tout de même vu son portefeuille de placement, sur le marché du papier commercial adossés à des actifs (PCAA), subir une dévaluation de 440

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    millions de dollars en 2008. De plus, la banque coopérative a également cessé d'offrir deux instruments de placement garantis en raison de la crise financière (Bergeron, 2008).

    Un des facteurs structurels qui a également réduit les pertes financières de Desjardins est le réseau des caisses. En effet, en 2008, les revenus totaux du Mouvement Desjardins se sont chiffrés à 2,24 milliards de dollars canadiens, soit une augmentation de 10,5 % par rapport à 2007 (Larocque, 2008 (c)). Cette performance était due en grande partie au réseau des caisses locales qui a permis d'améliorer rapidement les résultats du Mouvement : « [...] nos résultats témoignent de la progression continue de la performance financière du Mouvement Desjardins et du rôle moteur que jouent les caisses à ce chapitre » avait déclaré Monique F. Leroux (Larocque, 2008 (c), p. 1). Les caisses contribuaient à la stabilisation financière du Mouvement Desjardins en pleine crise financière internationale en renforçant son actif (capital de ses déposants, assurés, investisseurs). Dès lors, en 2009, le Mouvement Desjardins annonçait la mise en place d'une structure organisationnelle plus simple, « destinée à optimiser sa performance globale, à assurer sa croissance et à renforcer sa gestion des risques » (Canada Newswire, 2009 (a), p. 1).

    Sous la thématique « Coopérer pour créer l'avenir », la nouvelle structure s'inscrivait dans le cadre du plan d'évolution du Mouvement Desjardins lancée par la présidente et chef de direction Monique F. Leroux. Le plan avait pour principal objectif de rapprocher le Mouvement de ses caisses qui « en sont la force motrice », ce qui permettrait également d'optimiser la performance de l'ensemble du groupe : « En d'autres termes, nous aurons un Mouvement proche de ses caisses et des caisses proches de leurs membres » avait déclaré Monique F. Leroux (Canada Newswire, 2009 (a), p. 1). La réorganisation avait également pour but d'atteindre les objectifs d'affaires énoncés par le Mouvement, en apportant davantage de cohésion et d'efficacité entre les équipes, et générer à terme des gains de productivité récurrents de plus de 150 millions de dollars canadiens (Canada Newswire (a), 2009).

    Le plan de réorganisation « Coopérer pour créer l'avenir » a aboutit au deuxième plan qu'est la réorganisation de la structure décisionnelle. Ainsi, dans le but d'aplanir la structure décisionnelle de la Fédération Desjardins, jugée lourde et coûteuse, le Mouvement Desjardins a annoncé en 2009 la suppression de 900 postes sur trois années, « ce qui permettrait d'économiser annuellement 150 millions de dollars canadiens » (La Presse Canadiene - Le fil radio, 2009 (a), p. 1). Toutefois, Desjardins avait précisé qu'il avait l'intention de réduire son personnel par des mises à la retraite ou des départs volontaires. Le nouvel organigramme du Mouvement Desjardins regroupe quatre secteurs d'affaires (les particuliers, les entreprises, les assurances générales et la gestion du patrimoine et l'assurance-vie), et quatre fonctions que sont finance et trésorerie, gestion des risques,

    Le deuxième type d'actions observées durant la crise financière était principalement focalisé sur la communication. Desjardins maîtrise cet outil et s'en est servi comme moyen de communication stratégique durant

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    capital humain et culture, technologie et opérations (Martin, 2009). L'organigramme du Mouvement Desjardins (Desjardins, 2015) peut être consulté à la figure 19 de l'Annexe 11.

    Par ailleurs, la fusion des caisses déclenchée dans les années 1990, bien que nécessaire en raison des changements technologiques, des exigences de rentabilité et d'une nouvelle offre de produits, est allée trop loin selon Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins de 1987 à 2000 (Radio Canada, 2011 (b)). Le mouvement de fusion de caisses a engendré des mégas-caisses au détriment de la participation des membres selon Claude Béland. Ceci a conduit à réduire le sentiment d'appartenance des membres et les occasions de susciter la participation des membres. En d'autres termes, il y a une limite à la taille qui devient nécessaire au risque de voir dans les grandes caisses une participation démocratique quasi nulle d'après Claude Béland (Radio Canada, 2011 (b)).

    3.2.2.4 La gestion de crise au niveau de la stratégie organisationnelle

    Durant la crise financière, entre 2007 et 2011, le Mouvement Desjardins a eu recours à des plans d'actions stratégiques pour faire face à la crise. Nous avons identifié trois types d'actions qui ont permis au Mouvement Desjardins de limiter l'impact de la crise financière et en finir définitivement avec la crise dès 2010.

    La première action du Mouvement Desjardins a consisté à bénéficier de l'aide du gouvernement et de son réseau de caisses locales. En 2008, le Mouvement Desjardins a communiqué que le gouvernement fédéral devrait permettre aux institutions financières canadiennes de combattre la crise financière à armes égales que leurs concurrentes étrangères, qui bénéficient d'un « soutien musclé » de leurs gouvernements (Bergeron, 2008). Par ailleurs, la présidente du Mouvement Desjardins, Monique F. Leroux, avait salué en 2008 les mesures additionnelles annoncées par le gouvernement fédéral qui consistaient à acheter des blocs de prêts hypothécaires assurés à concurrence de 50 milliards de dollars canadiens, en vue de maintenir la disponibilité du crédit à long terme (Bergeron, 2008). De plus, comme nous l'avons vu à la section traitant de la culture organisationnelle, le Mouvement Desjardins bénéficiait d'un soutien implicite d'Ottawa et Québec selon l'agence de notation Moody's. Le gouvernement est également intervenu dans le dossier du PCAA en apportant un soutien de trois milliards de dollars canadiens. Par ailleurs, en 2009, le Mouvement Desjardins a demandé à ses caisses de réduire les ristournes versées à leurs membres de 40 % dans le but d'augmenter sa capitalisation. Cette mesure a contraint les caisses à ne consacrer que 30 % de leurs excédents aux ristournes, contre environ 50 % les cinq précédentes années (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2009 (b)).

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    la crise financière en vue de démontrer la transparence et reporter les faits qui renforçaient la solidité du mouvement coopératif. Des communiqués de presse étaient régulièrement publiés pour annoncer des mesures positives et des résultats financiers positifs. En 2007, le Mouvement Desjardins annonçait qu'il a prit part à une entente conclue entre plusieurs investisseurs et institutions financières afin de favoriser le retour aux activités normales dans le marché canadien du PCAA non bancaire (Canada Newswire, 2007). De même en 2007, Desjardins annonçait également la création d'un partenariat stratégique avec les centrales de credit unions des provinces du Canada et de la Ethical Funds Company qui lui permettait d'accroître sa position dans le domaine des fonds communs de placement sur le marché canadien (Canada Newswire, 2007).

    En 2008, le Mouvement Desjardins a publié un communiqué de presse énonçant l'émission de deux titres de dettes sur les marchés européens pour une valeur de près de 1,3 milliards de dollars canadiens : « nous sommes ravis de la réponse des investisseurs européens; cela témoigne de façon éloquente de la bonne réputation du Mouvement Desjardins sur les marchés internationaux et de la qualité de son bilan » avait déclaré le président du Mouvement Desjardins, Alban D'Amours (Canada Newswire, 2008 (b), p. 1). En 2009, sous la nouvelle présidence de Monique F. Leroux, le Mouvement Desjardins avait été classé au 26e rang des 50 institutions financières les plus fiables au monde selon le World's 50 Safest Banks 2009 par Global Finance. La nouvelle présidente avait déclaré dès lors qu'« une telle reconnaissance démontre qu'outre l'importance de son actif et ses excellentes cotes de crédit, Desjardins peut surtout s'appuyer sur une solide base de capital pour mieux affronter les soubresauts de l'économie et obtenir une place enviable parmi les institutions financières les plus fiables au monde» (Canada Newswire, 2009 (b), p. 1). En 2010, le Mouvement Desjardins annonçait fièrement que la banque coopérative s'est vu décerner le titre de banque de l'année 2010 au Canada par la revue britannique The Banker, publication du Financial Time. Cette reconnaissance internationale a été perçue comme la confirmation de la pertinence du modèle coopératif bancaire contribuant à son rayonnement international (La Presse Canadienne, 2010).

    Le troisième type d'actions amorcé au lendemain de la crise financière est l'expression explicite de la volonté de Desjardins de se développer à l'international sur le plan affaires à partir de 2008. Jusque là, le Mouvement Desjardins avait des activités à l'international mais principalement via son entité Développement International Desjardins pour soutenir le mouvement coopératif dans les pays en développement. L'intérêt du Mouvement Desjardins pour les organismes coopératifs internationaux n'est pas récent puisque diverses ententes et certaines participations existent déjà (Turcotte, 2008). Cependant, Monique F. Leroux, nouvelle présidente en 2008, était la première à évoquer ouvertement des partenariats à grande échelle, dans un contexte de consolidation mondiale où la taille des entreprises sera de plus en plus importante (Turcotte, 2008). Consciente que l'appui des caisses locales est indispensable puisqu'elles génèrent 75 % des excédents du Mouvement, la nouvelle présidente

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    avait déclaré qu'il faut rapprocher les dirigeants des caisses du pouvoir central de décision, afin d'éviter « un Mouvement à deux vitesses » (Turcotte, 2008, p. 1). C'est dans cette optique qu'a été mis en place le plan de restructuration « Coopérer pour créer l'avenir » en 2009 que nous avons évoqué à la précédente section. Le plan visait effectivement le rapprochement des caisses du corps central décisionnel. En 2011, l'internationalisation du Mouvement Desjardins s'est concrétisée avec la signature d'un accord de coopération globale avec la banque coopérative française le Crédit Mutuel (Reibaud, 2011). En 2012, le Mouvement Desjardins s'affirme dans sa position internationale et de chef de file puisque les Nations Unies, qui avaient proclamé l'année 2012 « Année internationale des coopératives », avaient désigné le Mouvement Desjardins comme hôte du premier Sommet mondial sur les coopératives.

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    Chapitre 4 : Discussion des résultats et conclusion 4.1 Le Crédit agricole et la gestion de crises

    À ce stade de l'étude des processus de gestion de crise au niveau individu du modèle de l'oignon, nous avons pu observer quelques facteurs « existentiels » qui ont émergé durant la crise financière entre 2008 et 2011 au sein du Crédit Agricole, révélant le rôle et les mécanismes de défense des individus impliqués dans une crise.

    Les déclarations du directeur général du Crédit Agricole, Georges Pauget sont pertinentes au niveau « individu » de la gestion de crise puisqu'il avait expliqué aux journalistes que les pertes de Calyon, la filiale du Crédit Agricole située à New York, avait subit des pertes car, entre autre, « un jour, le modèle s'est déréglé ». Ces affirmations démontrent la distance que prend Georges Pauget de lui-même et de la haute direction vis-à-vis de leur responsabilité dans les décisions stratégiques internationales du Groupe Crédit Agricole. Or George Pauget est le PDG sous lequel le Crédit Agricole a lancé son plan de développement international en 2005. Pourtant, au vue de ces déclarations, mettre toutes ces « erreurs » sur le compte du « modèle [qui] s'est déréglé » révèle des signes de déni et de projection. Les causes de la crise sont projetées sur une source externe car « le modèle s'est déréglé », et qui laisse croire que le contrôle de risque n'était pas possible. De même, Georges Pauget avait déclenché un vote de confiance en juillet 2008, tout en menaçant de démissionner, via le Conseil d'administration du Groupe Crédit Agricole. Ceci en vue de contrer l'offensive des Caisses régionales de l'évincer en raison des pertes de la banque verte. Ces éléments révèlent également des comportements d'inflation de type dramatique, autoritaire et grandiose. Georges Pauget était constamment sous les projecteurs étant donné que la presse a fait écho de cet événement pendant plusieurs jours.

    Par ailleurs, George Pauget a publié son livre en 2009 au titre percutant « Faut-il brûler les banquiers? » afin de défendre de la profession bancaire. Invité à plusieurs entretiens pour s'exprimer sur le contenu de son livre, George Pauget affirmait que les banquiers ne sont pas les seuls responsables de la crise financière. Lors d'un entretien à une émission de la radio France Inter en novembre 2009, George Pauget fut interviewé sur la crise et ses causes par le journaliste Nicolas Demorand (voir extrait retranscris de l'entretien visuel à l'Annexe 6). En analysant le contenu du discours du PDG du Crédit Agricole de cet entretien au plein coeur de la crise financière en 2009, plusieurs éléments sont observables quant aux mécanismes de défense au niveau de l'individu du modèle de l'oignon ou du désengagement moral que nous avons abordé au chapitre de la méthodologie. Lorsque le journaliste (Nicolas Demorand) demande à George Pauget quelle est la tendance des résultats du Crédit Agricole qui seront publiés ultérieurement, ce dernier répond que « ces résultats seront en hausse par

    Enfin, à la fin de l'entretien, le journaliste évoque les conséquences qu'ont subit les collectivités locales publiques en France, qui se sont retrouvées dans des situations catastrophiques car elles avaient acheté des

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    rapport à ceux du trimestre précédent. Une caractéristique qui est commune à toutes les banques, c'est que les banques ont...subissent l'impact de la crise économique, c'est-à-dire qu'elles provisionnent, elles mettent de l'argent de côté parce qu'il y a des entreprises en difficulté » (France Inter, 2009). Le PDG du Crédit Agricole répond brièvement concernant les résultats du Crédit Agricole, puis généralise en mentionnant que les banques ont une caractéristique commune et qu'elles subissent de plein fouet la crise économique. Au niveau de l'individu, selon les mécanismes de désengagement moral par exemple, cela correspond au mécanisme n° 2 qu'est la comparaison avantageuse puisque George Pauget compare le Crédit Agricole aux autres banques et « noie » les conséquences de la crise que subit en particulier la banque coopérative française. Selon le modèle de l'oignon, cela correspond au mécanisme de la projection, puisque les conséquences de la crise et responsabilités sont projetées sur toutes les banques et pas que le Crédit Agricole.

    Plus tard dans cet entretien, le journaliste mentionne que c'est finalement une étrange morale toute cette crise financière car cette dernière est partie des banques et pourtant, celles-ci en ressortent renforcées. Affirmation à laquelle George Pauget répond que « Je crois que là c'est une vision trop globale [...] les banques américaines qui sont à l'origine de la crise, qui ont des pratiques condamnables. Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Et les banques françaises qui ont été impactées, je dirai presque par ricochet, sur une fraction limitée de leurs activités, ce qui explique d'ailleurs que les banques françaises ont été les moins touchées de toutes les banques en Europe » (France Inter, 2009). Le premier élément observable ici est que le PDG répond au journaliste que c'est une vision trop globale, or un peu plutôt, lorsque le journaliste lui demande de parler des résultats du Crédit Agricole, George Pauget a répondu une phrase sur le Crédit Agricole en mentionnant que les résultats sont positifs, puis a enchaîné le reste de son discours en parlant que des banques qui ont été affectées globalement par la crise économique. Le deuxième élément constaté est que pour George Pauget, ce sont les banques américaines qui sont les principales responsables de la crise et qu'elles ont eu des « pratiques condamnables ». Selon la théorie du désengagement moral et le niveau individu du modèle de l'oignon, l'on observe un déplacement des responsabilités, puisque le rôle du Crédit Agricole n'est évoqué à aucun moment, alors que ce dernier avait des activités sur le marché financier américain, a autant bénéficié de ce marché que les banques américaines à travers sa filiale Calyon, et surtout ce fut une décision stratégique visant l'internationalisation du Crédit Agricole et initié par George Pauget en 2005. Ensuite, il y a également le mécanisme de la comparaison avantageuse lorsque le PDG du Crédit Agricole affirme que « les banques françaises ont été les moins touchées de toutes les banques en Europe ». Le Crédit Agricole et ses responsabilités sont encore « noyés » parmi les autres banques françaises et européennes, cela peut se référer également à un autre mécanisme qu'est la diffusion des responsabilités.

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    subprimes, des produits risqués et complexes, poussant les collectivités à demander des comptes aux banques. George Pauget répond : « [...] il est toujours tentant de céder à la facilité. Quant on regarde ce qui s'est passé sur les collectivités locales, d'abord, n'oublions pas qu'elles ont des directeurs financiers et compétents, donc qui n'est pas...je dirai les banques n'étaient pas face à une troupe d'ignorants [...] », affirmation à laquelle le journaliste répond : « Donc vous dîtes que nous ne sommes pas des escrocs, vous êtes des incompétents, c'est ça la réponse du banquier ce matin? ». George Pauget se défend de cette réponse et affirme que faire porter la responsabilité aux banquiers seulement c'est trop facile, et que « parce qu'on a beaucoup dit sur eux [les banquiers], ça devient un thème à la mode » (France Inter, 2009). Les deux éléments que l'on peut observer ici est que premièrement, il y a une fois de plus une diffusion de la responsabilité, puisque les collectivités locales sont censées avoir des directeurs financiers et compétents face aux banques et les produits financiers complexes qu'elles leur vendent. Or comme cela a été évoqué à la section de la crise financière, le problème avec les produits financiers complexes est que même les agences de notation les notaient bien et ne comprenaient pas vraiment le risque. De plus, George Pauget lui-même avait admis que le Crédit Agricole avait commis des erreurs: « Nous n'avons pas compris les signes que le marché envoyait quelques mois auparavant car l'équipe...n'a pas considéré les relations entre les marchés et l'économie réelle » (Daneshkhu, 2008(c)).

    Deuxièmement, l'on peut constater un autre mécanisme selon la théorie du désengagement moral qu'est le blâme envers les victimes. En effet, George Pauget laisse entendre que si les collectivités locales sont dans cette situation, c'est de leur faute ou de leur responsabilité, car tel qu'il l'affirme « les banques n'étaient pas face à une troupe d'ignorants ». Cela suggère que le blâme est porté sur les collectivités locales et qu'elles sont fautives au regard de leur situation car elles étaient « censées » avoir des directeurs financiers compétents et comprendre ce que les banques leur vendaient comme produits financiers complexes. Ceci est confirmé par le journaliste puisqu'il répond à George Pauget que « Donc vous dîtes que nous ne sommes pas des escrocs, vous êtes des incompétents ». Cela amène à une autre problématique au niveau de la finance de marché versus la finance bancaire et suggère qu'il y a une dissociation ou une rupture entre ces deux formes de finances ainsi qu'une asymétrie de l'information. Ceci pourrait expliquer que les directeurs financiers des collectivités locales dans ce cas-ci, ne sont pas formés et ne disposent pas de l'information nécessaire pour maîtriser la finance de marché.

    Cette réaction au niveau existentiel et individuel a été également observée chez Alan Greenspan, le Président de la Federal Reserve américaine, par Carey (2009). Le 23 octobre 2008, témoignant devant la House Oversight Committee (organisme gouvernemental américain chargé d'observer le gouvernement fédéral et d'investigation en cas d'abus, de fraude et gaspillage), Alan Greenspan avait déclaré qu'il « était dans un état de choc et d'incrédulité » (Carey, 2009, p. 3, notre traduction). De plus, tout comme George Pauget qui a publié un livre pour défendre la profession bancaire, Alan Greenspan a également publié un livre sous forme de mémoires

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    en 2007 sur la question de la crise financière (Carey, 2009). Dans ses mémoires, Greenspan expose plusieurs causes qui ont aboutit à la crise financière, tout en gardant une distance vis-à-vis de sa responsabilité directe (Carey, 2009). Il explique par exemple et entre autres que: « L'économie mondiale est devenue incroyablement complexe à tel point qu'aucun individu ni groupe d'individus ne peut entièrement comprendre comment cela fonctionne [...] les gouvernements et banques centrales sont impuissantes pour répandre des montées périodes d'euphorie et de peur » (Carey, 2009, p. 9, notre traduction). Suivant les mêmes mécanismes de défense de déni et projection observés chez George Pauget, Alan Greenspan se déresponsabilise et projette une des causes de la crise financière sur une « économie mondiale [est] devenue incroyablement complexe ».

    Au niveau de la culture organisationnelle du modèle de la gestion de crise, la revue de presse avait révélé un fait intéressant concernant le vote de confiance qu'avait intenté le PDG du Crédit Agricole. Il avait alors utilisé ce vote de confiance pour contrer l'offensive des Caisses régionales, aboutissant à une confrontation entre deux cultures organisationnelles au sein du Crédit Agricole. D'un côté, la culture « bancaire », représentée par l'entité cotée du Crédit Agricole S.A., et de l'autre, la culture « mutualiste » représentée par les Caisses régionales. Tel que nous l'avons vu au chapitre de la méthodologie, cette fonction existentielle que procure la culture à l'organisation, pousse en partie les personnes à se protéger et adopter des normes élaborées dans une entreprise et ce, même si ces normes peuvent déclencher des crises : « défendre ces valeurs destructives est, dans ce cas, le « prix à payer » afin de ne pas avoir à affronter sa propre anxiété ». (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 104). De plus, comme nous l'avons mentionné précédemment, Georges Pauget avait déclaré lors de la conférence de presse pour justifier les pertes du Crédit Agricole qu' « un jour, le modèle s'est déréglé ». Ceci démontre aussi la croyance liée à la 17e rationalisation qui suppose que « l'origine des crises vient du mal», et qui consiste à déplacer les responsabilités et les causes de la crise vers une source externe ou bien en trouvant le bouc-émissaire.

    Ces mécanismes de « rationalisation » ont également été observés avec le modèle de désengagement moral de Bandura (1999) qui a été évoqué dans la méthodologie au niveau 2 de la culture organisationnelle du modèle de l'oignon. Le tableau 3 des dix mécanismes de désengagement moral, élaboré par Pauchant et al., (2015) et présenté en méthodologie, reportait des citations textuelles issues du milieu financier de Wall Street. Il y avait par exemple des affirmations telles que « Le sous-produit de ce que nous faisons, c'est le chaos, et personne n'est responsable de ce chaos » illustrant le mécanisme de la diffusion de la responsabilité; «La révolution de la finance immobilière a ... conduit à une autre transformation radicale... L'économie est aujourd'hui moins cyclique.» traduisant le mécanisme du déni de conséquence; ou bien « Vous savez, ceux qui s'occupaient du détail de la transaction étaient peut-être au courant. Moi non.» correspondant au mécanisme du déplacement de la responsabilité (Pauchant et al., 2015). Ces mécanismes du désengagement moral issus du milieu financier de Wall Street révèlent l'influence de la culture organisationnelle et industrielle sur le comportement des individus et

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    leur prédisposition à accumuler des actions à risque systémique. De même, ces mécanismes ont également été observés dans le cas du Crédit Agricole tel que vu précédemment en analysant le discours de George Pauget lors de son entretien radio chez France Inter.

    Par ailleurs, le fait que les dirigeants des Caisses régionales du Crédit Agricole avaient désigné indirectement Georges Pauget comme responsable des pertes de la banque, ceci peut être assimilé à la désignation d'un bouc-émissaire. Cette réaction est également liée à la 17e rationalisation, selon la croyance que « l'origine des crises vient du mal », au niveau de la culture organisationnelle du modèle de gestion de crise abordée en méthodologie. En effet, Georges Pauget, malgré lui-même, s'est vu désigné comme étant responsable des pertes financières encourues par le Groupe alors qu'en réalité, ce n'est pas aussi simple. Tel que nous l'avons vu à la section de la crise financière de la revue de littérature, c'était une crise systémique, extrêmement complexe. Les facteurs de crise sont interdépendants et reliés, qui se sont mis en place durant des décennies sur la base de décisions politiques et économiques au niveau macroéconomique, et de décisions stratégiques au niveau microéconomique.

    La désignation d'un bouc-émissaire comme mécanisme de défense en vue de déplacer la responsabilité a également été observée dans l'étude du cas de la crise nucléaire de Fukushima par Guntzburger et Pauchant (2014). Le tableau 6 à l'Annexe 3, illustrant trois mécanismes systémiques de défense dans le cas de cette crise, révèle entre autres que les principaux acteurs responsables, durant la crise, ont utilisé, en premier lieu, le phénomène naturel lié au séisme comme bouc-émissaire. Puis en second lieu, en désignant directement les autres acteurs (Guntzburger et Pauchant, 2014).

    En dépit du fait que Georges Pauget a pu se maintenir en poste, ce ne fut le cas de Marc Litzer, PDG de Calyon, qui fut révoqué de sa position. Ce fut ce dernier qui a pris le rôle de « bouc-émissaire ». Pourtant, cela faisait seulement que quelques mois que Marc Litzer avait eu ce poste. De plus, des proches collaborateurs ont témoigné du contexte difficile dans lequel il a pris ses fonctions et que les Caisses régionales avaient « pris leur revanche sur l'homme qu'elles désignaient comme étant responsable de l'exposition de la banque aux marchés financiers sophistiqués mais hautement risqués » (Hall, 2008, p. 1). Nous constatons une fois de plus l'utilisation de la 17e rationalisation qui déplace les causes et responsabilités vers une source externe ou une personne. Le fait de désigner un « bouc-émissaire » est très courant dans les organisations en cas de crise mineure ou majeure. Il est évident qu'il y a bien un responsable ou des responsables, mais ce que l'on constate dans le milieu bancaire et financier, est que souvent, désigner un responsable du problème ou de la crise apparaît comme une solution évidente et règle le problème. Or le véritable problème, les sources profondes de la crise, liées entre autre à la

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    nature du système financier et le comportement des individus, n'ont pas été réellement discutées ni communiquées par le Crédit Agricole.

    Au niveau de la structure organisationnelle du modèle de gestion de crise, la principale observation faite est que la structure hybride du Groupe Crédit Agricole met en péril l'application du processus démocratique propre à la structure coopérative initiale, ce qui peut contribuer à amplifier la crise. Cette complexification des organigrammes avec la coexistence de filiales S.A. et d'activités traditionnelles du réseau coopératif peut conduire à une banalisation des structures, des activités et globalement à une « démutualisation » (Batac, Maymo et Pallas-Saltiel, 2008). La complexification des organigrammes, la technicité croissante des produits financiers, la perte d'identité coopérative et la dispersion du sociétariat d'origine et de son implication au profit du concept de « sociétaire-épargnant », la juxtaposition de cultures d'entreprise différentes, l'existence accrue de rentabilité sont des évolutions du modèle coopératif qui déplacent les lieux de pouvoir vers le haut de la pyramide (Batac et al., 2008). En d'autres termes, le schéma organisationnel de la coopérative en pyramide inversée, où le sociétariat de base contrôle par délégation (expression du pouvoir démocratique coopératif) le sommet de la pyramide, se transforme en un modèle de fonctionnement de groupes S.A. (sociétés anonymes), marqué par la concentration de pouvoir à la tête de groupe et des lieux de décisions (Batac et al., 2008). Cela aboutit dès lors à l'émergence de nouveaux conflits liés à la création de valeur et à son partage, et cela peut également amener certaines entités constitutives à se percevoir mutuellement comme concurrentes et non comme parties liées par un même objectif. Ce fut le cas du Crédit Agricole pendant les tumultes de la crise financière. Tel que nous l'avons vu, les deux principales parties constituantes du Groupe, Caisses régionales d'un côté, Crédit Agricole S.A. de l'autre, avaient plus des rapports de force pendant le processus de gestion de la crise. De plus, en observant les organigrammes du Groupe Crédit Agricole (voir Annexe 9), il ne semble pas y avoir d'unité, de cellule ou de département dédié à la gestion de crise et ce, avant, pendant et après la crise financière. Il n'y avait pas non plus de stratégie de gestion de crise clairement énoncée telle que nous le verrons dans la prochaine section.

    Enfin, au niveau de la stratégie organisationnelle, comme nous l'avions observé au chapitre 3, le Crédit Agricole n'avait pas véritablement de plan stratégique de gestion de crise intégré à sa stratégie globale. La banque verte, de par les plans d'actions pour gérer la crise dans l'immédiat durant la crise financière, a pour cadre stratégique le modèle de type « stratégie compétitive » que nous avons vue à la section portant sur la structure de gestion de crise au chapitre de la méthodologie. En d'autres termes, c'est l'intérêt et la compétitivité qui ont été érigés en normes prédominantes sur les normes coopératives et de gestion de crise. En effet, l'analyse de la revue de presse du Crédit Agricole a révélé que la société cotée du Crédit Agricole domine amplement le réseau des Caisses. Ceci démontre également qu'il y a une certaine dissociation entre la stratégie globale et la stratégie de gestion de crises, puisque cette dernière implique que l'organisation prend en considération son environnement et

    La gestion de crise au niveau individu de Desjardins a été principalement observée sur la base du dossier

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    l'ensemble des composantes qui font partie de ce dernier. Tel que cela a été mentionné à la méthodologie, Pauchant et Mitroff (2001) avaient souligné que la complémentarité et l'interdépendance entre ces deux formes de gestion stratégiques ne sont pas assez reconnues et appliquées. Ceci est d'autant plus important lorsqu'il s'agit d'une banque coopérative puisque comme nous l'avons vu à la revue de littérature, la raison d'être d'une banque coopérative est d'offrir à ses membres le meilleur des services, une participation démocratique et de contribuer à développer la collectivité. Ceci en versant les excédents pour l'éducation, l'environnement, l'entrepreneuriat, la solidarité etc. afin de soutenir le développement de l'économie sociale et solidaire. Or, la crise financière a révélé que les pertes encourues par le Crédit Agricole ont affecté l'ensemble du Groupe et cela s'est même répercuté sur les résultats des Caisses. Autrement dit, c'est les membres et l'ensemble de la communauté qui ont été affectés par les déboires de la banque coopérative via ses opérations à haut risque sur le marché financier international. Ceci peut être expliqué par le fait que la direction générale n'avait pas intégré la gestion de crises dans sa gestion globale et internationale. Ceci lui aurait éventuellement permis d'identifier les signes précurseurs d'une crise, d'avoir une gestion préventive et de prendre en compte les risques et conséquences sur son environnement et l'ensemble des parties prenantes.

    Cependant, la gestion stratégique dépend des trois autres niveaux du modèle de gestion de crise, c'est-à-dire, l'individu, la culture et la structure. Or, nous avons vu que le comportement des individus est déterminant dans la culture organisationnelle et que ces derniers sont inter-reliés. La culture organisationnelle du Crédit Agricole est composée de deux sous cultures, l'une bancaire et l'autre mutualiste. Cette particularité de la culture organisationnelle a engendré des tensions et conflits durant la crise financière entre les dirigeants de la société cotée et ceux des Caisses. Ceci démontre que l'expression d'une volonté cohérente n'était pas possible durant la crise, ce qui contribue plus à l'amplifier. Autrement dit, la fonction existentielle de l'organisation qu'est la culture, propulsée par la structure et stratégie, était déficiente. Or comme cela a été évoqué par plusieurs auteurs dans la revue de littérature et méthodologie, la culture est essentielle et nécessaire pour renforcer une gestion de crises non seulement systémique mais également éthique car la réglementation ne garantit pas que les individus la respectent. Si une culture organisationnelle est basée sur des comportements déviants et inflationnistes, cela implique un obstacle important, dès le premier niveau de l'individu, pour le développement de la gestion systémique de crises. Ceci rend alors très difficile l'intégration d'une gestion de crise au dernier niveau de la stratégie selon le modèle de la gestion de crise, ce qui démontre l'importance de la reconnaissance du rôle de l'individu et les dimensions psychologiques et sociales dans la gestion de d'institutions financières, banques coopératives et d'activités financières.

    4.2 Le Mouvement Desjardins et la gestion de crises

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    du PCAA qui a déclenché une crise systémique sur le marché financier canadien. Cette affaire révèle l'impact de l'individu sur le marché financier, et ce en dépit de la nature « rationnelle » et « sophistiquée » des opérations dîtes de haute finance. En effet, dans un contexte de crise, la panique et la méfiance, aspects irrationnels émanant des individus, ont pris le dessus sur le rationnel en provoquant une crise systémique. Comme nous l'avons vu, l'affaire du PCAA a révélé dans un contexte de crise l'importance de la réaction et des mécanismes de défense des individus. En dépit du fait que le PCAA au Canada était lié aux subprimes à près de 7 % seulement des transactions (Desjardins, 2009), la crise est survenue en raison d'un manque d'informations sur le marché canadien et des réactions « incontrôlées » des individus. Les investisseurs canadiens, sociétés et individus y compris, ont réagi à l'annonce de la crise des subprimes aux États-Unis de manière « irrationnelle », ce qui contribué à amplifier également la crise.

    Cependant, deux ans après l'affaire du PCAA, la présidente du Mouvement Desjardins, Monique F. Leroux, avait alors reconnu qu' « à la réflexion et en bout d'analyse, l'élément central, celui qui fait la différence entre la bonne conduite des métiers financiers et les aventures difficiles, c'est la personne » (Canada Newswire, 2010, p. 1) et que « c'est ainsi que le cadre d'interaction multipartite (les conseils d'administration, les directions, les autorités réglementaires, les organismes sectoriels, les gouvernements et les vérificateurs) permettra d'en arriver à un cadre prudentiel où la connaissance et l'intelligence de chacun permettra, dans une approche proactive, d'anticiper et d'éviter des crises et de renforcer la gestion prudentielle des institutions » (Canada Newswire, 2010, p. 1). Ces affirmations venant de la dirigeante du Mouvement Desjardins reconnaissent le rôle de l'individu non seulement dans un contexte difficile tel que la crise, mais également dans une approche proactive et surtout coopérative entre différents acteurs afin de prévenir les crises et les éviter. En revanche, les mécanismes observés auparavant tels que le déplacement ou diffusion de responsabilités ne sont pas constatés dans le cas de Desjardins. Néanmoins, ceci peut être nuancé par le fait que Desjardins a été beaucoup moins exposé à la crise au niveau individu que le Crédit Agricole, nous détaillerons plus tard ce point. Toutefois, ces affirmations de la présidente de Desjardins pourraient également expliquer le fait que Desjardins a moins été affecté par la crise en raison d'une gestion prudentielle au niveau de l'individu de son organisation. Ceci pourrait expliquer la différence du degré d'impact de la crise entre Desjardins et le Crédit Agricole qui, au niveau de l'individu, a été plus exposé à la crise et que nous traiterons davantage ultérieurement.

    En effet, lors d'un entretien mené par l'AFP en octobre 2011, Monique Leroux a estimé que dans le contexte de la crise financière et économique du capitalisme financier, les coopératives offrent une « réponse tangible » à la crise selon la PDG du Mouvement Desjardins (Lavallée, 2011). Elle affirmait également que «quand on regarde ce qui ce passe actuellement, on sent une forme de déconnexion entre les grands enjeux financiers» et «une grande partie de la population. Cela nous semble parfois aussi bien loin des réalités de

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    l'économie réelle» (Lavallée, 2011). Ces affirmations confortent la position de Desjardins pendant la crise puisque le Mouvement a été peu affecté par la crise financière comparé au Crédit Agricole. Le fait que Desjardins a été moins impliqué sur le marché financier international, cela a renforcé le positionnement de Desjardins comme coopérative et dont le modèle d'affaires peut être considéré comme un modèle tangible et être une « réponse tangible » à la crise tel que l'a énoncé Monique Leroux. Cette dernière avait également exprimé que les coopératives avaient montré « leur résilience » pendant les périodes de tumultes de la crise et que «prendre des décisions à court terme, trimestrielles, pour faire monter le prix de l'action, ce n'est pas du tout une motivation autour de la table des conseils d'administration (des coopératives, ndlr), ni même dans les équipes de direction» (Lavallée, 2011). De plus, lors d'un entretien télévisuel sur Radio Canada en avril 2011, dont le sujet portait sur la fusion des caisses au Québec qui avait amené un mouvement de contestation des membres, Monique Leroux s'est défendue entre autres en évoquant que Desjardins avait réussi à gérer la crise en répondant au présentateur (Gérald Fillion) que « dans un contexte où toutes les dimensions si vous voulez par exemple de productivité, de performance, de solidité financière sont éminemment importantes, nous avons comme d'autres passé à travers la crise financière, au fonds, sans être trop préoccupés. Et ça, c'est un point très très important, je pense, pour la confiance de nos membres » (Radio Canada, 2011). Tous ces éléments au niveau individuel du modèle de gestion de crise permettent d'observer que Desjardins a été moins affecté par la crise financière, puisque sur le plan individuel, la PDG de la banque coopérative ne s'est pas retrouvée à se défendre de son rôle ou responsabilité par rapport à des conséquences considérables de la crise. Ceci n'a pas été le cas du Crédit Agricole, étant donné que la banque française a été plus affectée par la crise, son PDG George Pauget a dû, dans le but de se défendre de l'implication du Crédit Agricole sur le marché américain, intenter un vote de confiance déclenché exceptionnellement en 2008, puis publier un livre défendant les banquiers et leur profession en 2009.

    Cependant, dans un autre entretien de Monique Leroux par Co-operative News en octobre 2012 (voir entretien intégral à l'Annexe 7), la journaliste (Anca Voinea) a demandé à la PDG de Desjardins comment les coopératives ont géré la crise et comment Desjardins a fait face à la récession. Monique Leroux a répondu qu'« en se basant sur les informations collectées dans le monde sur la manière dont les coopératives bancaires et financières ont géré la crise de 2008, la plupart ont récupéré mieux et rapidement que la majorité des banques commerciales. La raison de cela est que les coopératives sont orientées vers des objectifs à long terme, tandis que beaucoup de banques [commerciales] étaient impliquées dans les investissements spéculatifs pour des gains à court terme » (Voinea, 2012, p. 2). Le premier élément que l'on peut observer ici et que Monique Leroux a répondu à la question en évoquant seulement les coopératives de manière générale, et n'a pas répondu à la question concernant spécifiquement Desjardins. Cela peut correspondre au mécanisme de projection sur les coopératives dans l'ensemble concernant le rôle de Desjardins pendant la crise financière, puisqu'elle n'évoque pas explicitement comment Desjardins a fait face à la crise. Le deuxième élément est qu'au travers de ces

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    entretiens, le dossier du PCAA qui a affecté le Mouvement Desjardins et ses résultats financiers en 2009 en particulier n'a pas été mentionné, ce qui peut être considéré comme une forme de déni en tant que mécanisme au niveau de l'individu de la gestion de crise.

    Au niveau de la culture de la gestion de crise chez Desjardins, un des premiers éléments observés durant la crise financière est le discours contradictoire de Desjardins vis-à-vis du gouvernement. D'une part, Desjardins exhortait le gouvernement fédéral de ne pas désavantager les institutions financières canadiennes comparé à leurs concurrentes américaines et européennes qui bénéficiaient de plans de relance de leurs gouvernements. Ce fait révèle la 11e rationalisation en gestion de crise au niveau culturel, et que nous avons décrite à la section (B) de la méthodologie liée à la croyance que « si une crise majeure arrive, nous serons secourus par nos amis et partenaires » (Pauchant et Miroff, 2001). Desjardins a clairement communiqué sa volonté de bénéficier de l'aide fédéral dans la gestion de la crise financière mais aussi dans l'affaire du PCAA. Selon l'agence de notation Moody's, Desjardins bénéficiait d'un « soutien implicite » d'Ottawa et Québec. Ces éléments viennent conforter la 11e rationalisation qui suppose que les organisations ont tendance à croire qu'en cas de crise majeure, elles seront secourues par leurs amis et partenaires tels que nous l'avons également souligné avec les autres institutions financières américaines et européennes secourues par leurs gouvernements respectifs.

    D'autre part, Desjardins avait une position tout à fait contraire à la première énoncée précédemment. En effet, lorsque le gouvernement fédéral a annoncé la mise en place d'une réglementation centralisée des valeurs mobilières au Canada, le Mouvement Desjardins s'y immédiatement opposé en justifiant par un document publié que la proposition du gouvernement n'est pas justifiable. Desjardins opère depuis plusieurs années dans le secteur des valeurs mobilières avec sa filiale Valeurs mobilières Desjardins (VMD). C'est à se demander si le fait que ça soit le fédéral, sachant que le Mouvement Desjardins est historiquement ancré dans la province québécoise, Desjardins aurait vu cette proposition du gouvernement fédéral comme une ingérence? Desjardins avait dès lors déclaré que passer à un système centralisé de réglementation serait « inutile au mieux, contre-productif au pire » car cela aurait entrainé d'importants coûts (Larocque, 2008 (a), p. 1). La banque coopérative québécoise avait également ajouté qu'il faudrait s'attendre à une contestation constitutionnelle d'une centralisation imposée par Ottawa et que dans un tel cas, l'institution coopérative entrevoyait que le « Québec ferait bande à part, avec d'autres provinces », ce qui reproduirait justement «une balkanisation que l'on voulait au départ éliminer » (Larocque, 2008 (a), p. 1).

    Par ailleurs, nous avons également observé que durant la crise financière, Desjardins a fait valoir la solidité et la crédibilité de sa culture organisationnelle interne. En 2008, la banque coopérative avait été classée parmi les 50 Employeurs de choix au Canada suite à un sondage de mobilisation, effectué par la firme Hewitt, et

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    envoyé à près de 20 000 employés Desjardins (Canada Newswire, 2008(a)). Ce fait révèle qu'à l'interne, la gestion de la culture organisationnelle formelle et informelle est maîtrisée, avec une stratégie de communication efficace qui a permis à Desjardins de maintenir sa réputation d'institution financière viable et crédible dans un contexte de crise économique. Cependant, sur le plan externe, la culture organisationnelle présentait des caractéristiques parfois contradictoires avec l'identité coopérative. Premièrement, ceci était observable par exemple à travers le discours de l'économiste en chef de Desjardins, François Dupuis. Ce dernier avait déclaré en 2008 dans un article paru dans Les Affaires, en pleine crise financière : «diminuez les impôts des compagnies; laissez davantage de place aux forces (sic) du marché par le recours à l'état minimal; privatisez davantage les services publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la population à payer le prix du marché (sic) et augmentez les tarifs d'électricité et les frais de scolarité» (Lauzon, 2009, p. 1). Ces affirmations émanant d'une personnalité représentante de Desjardins sont assez éloignées de la culture coopérative. Comme nous l'avons vu à la revue de littérature, en théorie, un des rôles fondamentaux d'une banque coopérative est de préserver l'intérêt de ses membres tout en prenant en considération les citoyens, les parties prenantes et de contribuer au bien-être et au développement des collectivités. Ceci implique une culture qui prône des valeurs qui vont dans le sens de sa mission. Or la mission de Desjardins, telle qu'énoncée officiellement, est de « contribuer au mieux-être économique et social des personnes et des collectivités dans les limites compatibles de notre champ d'action ». Cette dernière ne rejoint pas vraiment les affirmations du chef économiste représentant Desjardins dont la politique économiste peut s'avérer inadéquate avec la mission coopérative, puisqu'il avait déclaré : « [...] privatisez davantage les services publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la population à payer le prix du marché (sic) et augmentez les tarifs d'électricité et les frais de scolarité » (Lauzon, 2009, p. 1). En dépit qu'il affirme cela du point de vue d'une politique économiste vis-à-vis du gouvernement et de la gestion de l'économie publique, cette vision ne prend pas réellement en considération les intérêts des citoyens mais vise plus les intérêts d'une minorité qu'est le privé, puisqu'il encourage à privatiser davantage de services publics et de faire payer le prix du marché de ces services à la population, tout en augmentant les tarifs d'électricité et des frais de scolarité. L'économiste en chef de Desjardins a aussi déclaré qu'il faut envisager une hausse des tarifs et des taxes, notamment sur l'essence et que c'est à ce prix que les Québécois peuvent conserver les acquis sociaux auxquels ils tiennent. Il a par ailleurs recommandé au gouvernement de réduire les taux de croissance de ses dépenses (St-Gelais, 2010). En d'autres termes, du point de vue de la culture organisationnelle, l'approche économiste de Desjardins qu'exprime son chef économiste induit que la culture coopérative, prenant en compte les citoyens et leurs intérêts, est laissée au second plan.

    Deuxièmement, nous pouvons également observer une contradiction au niveau de la culture organisationnelle de Desjardins par l'intermédiaire de son processus de fusion des Caisses entamé dans les années 1990. Ce processus a eu pour conséquence de réduire le nombre de caisses dans une optique de coûts, et aussi de

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    changer la culture organisationnelle au niveau des caisses. En effet, selon Marc Vallières, professeur d'histoire à l'Université Laval, il existe un fort sentiment d'appartenance coopératif dans les communautés rurales, des villages et petites villes, mais qui a été diminué par ce processus de fusion de caisses (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2011). Dès lors, ces regroupements de caisses ont coïncidé avec un changement de culture car lorsque les initiateurs du mouvement auprès des caisses ont pris leur retraite, ces derniers ont été remplacés par des spécialistes en administration et économie, ce qui a eu pour effet de changer la philosophie coopérative. Par conséquent, cela a crée donc une distance entre les membres et leur coopérative, ce qui rejoint un des point soulevé dans la revue de littérature en ce qui concerne le cycle de vie des coopératives et la taille de ces dernières. En effet, lorsque les coopératives atteignent la deuxième phase du cycle « adolescent », la distance entre la coopérative et ses membres tend à augmenter car le management devient plus professionnel. Durant cette phase, la professionnalisation du management, caractérisée par un processus de consolidation et d'économies d'échelle en quête d'efficience économique, permet au personnel et gestionnaires d'émerger comme une nouvelle classe de sociétaires avec des intérêts qui ne sont pas nécessairement alignés avec ceux des membres (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007). De plus, la troisième phase « mature » du cycle de vie de la coopérative est également caractérisée par l'accroissement de divisions internes, un affaiblissement de l'idéologie collective et la disparition de la raison d'être initiale de la coopérative (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007).

    Enfin, lorsque les coopératives financières deviennent plus grandes et poursuivent la croissance et la diversification, elles ont tendance à perdre leur avantage de confiance car elles commencent à se « comporter » comme des institutions financières commerciales (Kay, 2006; IMF, 2007). Ce dernier élément a été confirmé chez Desjardins puisque de plus en plus de personnes dénoncent le comportement « commercial » de la banque coopérative ou veulent quitter le Mouvement Desjardins (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2011; St-Gelais, 2010; Lauzon, 2009; Radio Canada, 2011 (b)). Selon Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins (1987-2000), la fusion des caisses a aboutit dans certains cas à créer des mégas-caisses au détriment de la participation des membres (Radio Canada, 2011 (b)). Le facteur de la culture organisationnelle du modèle de l'oignon en gestion explique en partie le changement qui s'est opéré chez Desjardins engendrant une culture hybride alliant le bancaire « coopératif » et « commercial». Pourtant, Desjardins a été moins affecté par la crise financière en partie grâce à sa structure organisationnelle, mais aussi sa culture coopérative qui a résisté durant la crise.

    Au niveau de la structure organisationnelle, nous avons observé que la crise a joué un rôle de levier pour modifier la structure du Mouvement Desjardins. Ce dernier a bien eu une gestion de crise, mais non pas via une unité de crise chez Desjardins puisqu'inexistante, mais en mettant en place des plans de restructuration interne. Cependant, la structure de base coopérative de Desjardins lui a permis de limiter considérablement les effets de la crise financière et de manière significative. En effet, un des avantages du système coopératif de Desjardins, est

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    qu'elle n'a pas d'actions sur le marché financier, ce qui lui permet de se protéger contre les fluctuations boursières et la spéculation, lui garantissant ainsi un capital propre plus solide et une stabilité financière. De plus, pendant la crise, le réseau des Caisses Desjardins a beaucoup contribué à stabiliser et limiter les pertes financières puisqu'en 2008, les revenus totaux du Mouvement Desjardins étaient de 2,24 milliards de dollars canadiens, soit une hausse de 10,5% comparé à 2007 (Larocque, 2008 (c)). Ces résultats étaient en grande partie dus aux caisses locales et dont la direction Desjardins a reconnu le rôle moteur. Ce constat vient conforter ce que nous avions vu à la revue de littérature concernant la crise financière et les banques coopératives puisqu'il a été démontré que ces banques ont été beaucoup moins affecté par la crise en raison de leur modèle organisationnel. Ceci a conduit la direction de Desjardins, après la nomination de Monique F. Leroux comme présidente du Mouvement en 2008, à lancer le plan « Coopérer pour créer l'avenir » dès 2009. Ce dernier visait à intégrer une nouvelle structure qui avait pour principal objectif de rapprocher le Mouvement de ses caisses locales qui en sont « la force motrice » selon Monique F. Leroux, et les membres de leurs caisses (Canada Newswire (a), 2009). Cette réorganisation avait également pour but de générer des gains de productivité récurrents de plus de 150 millions de dollars canadiens. Sur la base de ce plan, Desjardins a supprimé 900 postes sur trois ans avec des départs à la retraite et volontaires selon Desjardins, et dont l'objectif était d'aplanir la structure décisionnelle jugée lourde et coûteuse (Canada Newswire (a), 2009).

    À ce niveau structurel du modèle de gestion de crises, nous pouvons observer que la structure mis en place par le Mouvement Desjardins lui a permis de contrer les chocs de la crise financière de 2008. Premièrement, en maintenant une structure coopérative axée sur le bancaire coopératif et de détail éloignée d'activités financières boursières, ce qui suggère que la culture coopérative demeure assez dominante en dépit de l'apparition d'une culture « commerciale ». Deuxièmement, en mettant en place le plan de structuration « Coopérer pour créer l'avenir » dès 2009 afin de consolider le Mouvement Desjardins avec son réseau de caisses, dont le rôle moteur et stabilisateur en pleine crise financière a été révélé. Ainsi, c'est en partie la structure coopérative représentée par le réseau de caisses qui a permis à Desjardins de résister à la tempête de la crise financière et de s'en relever assez rapidement dès 2010. Mentionnons également ici le niveau culturel coopératif représenté par le réseau de caisses. Finalement, cette double stratégie au niveau de la structure organisationnelle, qui a permis en partie à Desjardins de gérer la crise financière, a été élaborée par des individus, en l'occurrence la haute direction de Desjardins. Ces éléments suggèrent le rôle joué par le niveau individuel du modèle de l'oignon dans la gestion de crise autant au niveau structurel que culturel.

    Enfin, en ce qui concerne le niveau stratégie organisationnelle chez Desjardins, nous n'avons pas pu observer l'existence d'un plan de gestion de crises selon les données et sur la base d'une gestion stratégique qui intègre de manière visible la gestion de crises. Durant et après la crise financière, Desjardins a eu recours a un

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    plan de gestion de crise sous forme de trois actions successives et parallèles entre 2007 et 2011. La première action a consisté à bénéficier de l'aide du gouvernement fédéral dans le cadre de l'affaire du PCAA en 2007 et également d'un soutien implicite d'Ottawa et Québec durant la crise selon l'agence de notation Moody's. En 2009, le Mouvement Desjardins a eu aussi recours aux caisses pour augmenter sa capitalisation durant la crise, et ce en demandant aux caisses de réduire les ristournes versées à leurs membres de 40 % (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2009 (b)). Cette mesure a été décrétée par la banque coopérative à cause de la forte détérioration des marchés financiers et des lourdes dépréciations liées au PCAA de ses comptes. La deuxième action sur laquelle le Mouvement Desjardins s'est appuyé pour gérer la crise fut la communication. Il s'est avéré que la banque coopérative maîtrise bien cet outil comme moyen de communication stratégique pour démontrer la transparence et reporter des faits, des mesures et des résultats positifs. Des communiqués de presse étaient régulièrement publiés pour annoncer des partenariats, des résultats positifs, des actions concrètes et les classements internationaux par lesquels Desjardins se distinguait.

    La troisième action entamée par Desjardins dès 2008 consistait à se lancer définitivement et ouvertement dans le développement international sur le plan affaires en créant des partenariats avec les organismes coopératifs internationaux. Cette action stratégique a été pour la première fois et ouvertement annoncée par Monique F. Leroux en 2008, nouvelle présidente du Mouvement Desjardins, dans un contexte de consolidation mondiale où la taille des entreprises sera de plus en plus importante. C'est aussi dans cette optique qu'a été mis en place le plan de restructuration interne en 2009 « Coopérer pour créer l'avenir » afin de rapprocher le Mouvement de ses caisses, puisque 75 % des excédents du Mouvement sont générés par les caisses (Turcotte, 2008). Or l'appui des caisses locales était indispensable afin de les intégrer dans la stratégie de développement international du Mouvement Desjardins. En 2011, l'internationalisation du Mouvement Desjardins s'est concrétisée avec la création d'un partenariat stratégique avec la banque coopérative française le Crédit Mutuel. En 2012, c'est la consécration pour Desjardins étant donné que les Nations Unies avaient déclaré l'année 2012 comme « Année internationale des coopératives » et avaient choisi le Mouvement Desjardins comme hôte du premier Sommet mondial sur les coopératives.

    Au niveau stratégie organisationnelle du modèle de gestion de crises, Desjardins a implanté une stratégie de gestion de crise fondée sur le renforcement du Mouvement Desjardins et son réseau de caisses dès 2009. Conscient du potentiel générateur et stabilisateur des caisses, la direction de Desjardins a établi un plan de structuration visant le rapprochement avec les caisses. Une fois cette étape stratégique validée et que les caisses ont été intégrées autant structurellement que stratégiquement, le Mouvement Desjardins est alors passé à la deuxième étape et en se lançant à l'international sur le plan « affaires coopératives » assez rapidement après la crise financière en 2011. Monique F. Leroux, PDG du Mouvement Desjardins, avait alors déclaré que les

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    coopératives offrent une « réponse tangible » pour relancer l'économie mondiale et que « quand on regarde ce qui se passe actuellement, on sent une forme de déconnexion entre les grands enjeux financiers [et] une grande partie de la population [...] Cela nous semble parfois aussi bien loin des réalités de l'économie réelle » (Reibaud, 2011 (b), p. 1). Cette affirmation de la présidente de la banque coopérative québécoise vient également renforcer le bilan de la crise financière et ce que celle-ci a permis de révéler telle que cela avait été vu dans la revue de littérature. Autrement dit, dans l'ensemble, les banques coopératives ont émergé comme modèle alternatif au développement économique plus stable et plus connecté à l'économie réelle. Ceci rejoint le paradoxe évoqué dans la revue de littérature et il y a vingt ans par Pauchant et Mitroff (2001) dans la gestion de crise, en soulignant l'importance du concept fondamental de troisième génération et très peu présent dans les organisations qui consiste à «développer, dans une entreprise, l'apprentissage profond que tout effort de production ou de productivité amène de manière irrémédiable vers un accroissement de destruction, un paradoxe fondamental » (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 17).

    4.3 Le Crédit Agricole versus le Mouvement Desjardins en gestion de crise

    Globalement, lorsqu'on compare le Crédit Agricole versus le Mouvement Desjardins, ce dernier a été moins affecté par la crise que le premier. Le Groupe Crédit Agricole a subit des pertes financières jusqu'à 2012, année à laquelle la banque verte a eu des pertes historiques record de 6,47 milliards d'euros (Le Point, 2013). Desjardins a été affecté par la crise entre 2007 et 2009, a eu des pertes financières principalement dues à l'affaire du papier commercial adossé aux actifs (PCAA), mais dans un moindre degré que le Crédit Agricole. Desjardins a été en mesure d'améliorer nettement ses résultats financiers dès 2010 et en grande partie grâce à son réseau de caisses avec des excédents historiques de 1,4 milliards de dollars CAD en 2010, soit une hausse de 34 % par rapport à 2009 (Canada Newswire, 2011). Le tableau ci-dessous présente une synthèse de la comparaison entre le Crédit Agricole et Mouvement Desjardins selon les quatre niveaux du modèle de gestion de crise organisationnelle.

    Tableau 4 : Synthèse de la gestion de crise selon les quatre niveaux du modèle de l'oignon entre 2007 et 2011.

    Niveau de gestion de crise

    Crédit Agricole

    Mouvement Desjardins

    Individu

    Crise visible et assez intense en raison des décisions de la direction de l'internationalisation sur le marché financier. Mécanismes de défense et désengagement moral observés:

    Crise peu visible à ce niveau car l'organisation a été moins exposée à la crise. Renforcement du rôle de l'individu dans la gestion prudentielle des activités financières avant la crise. Décision de ne

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    déplacement et diffusion des responsabilités, projection et déni, comparaison avantageuse, blâme envers les victimes et comportement inflationniste du PDG. Absence de reconnaissance de l'individu dans la gestion de crise.

    pas s'internationaliser sur le marché financier. Mécanisme de défense observé : comparaison avantageuse de la PDG. Reconnaissance de l'individu dans la gestion de crise.

    Culture

    La crise a révélé une culture hybride : bancaire, financière et coopérative. La culture financière prédominait sur les deux autres comme fonction existentielle et a amplifié la crise à l'interne. Rationalisation observée : l'origine des crises vient du mal, déplacement des responsabilités et désignation de bouc-émissaires. Absence de culture orientée vers la gestion de crise.

    Double culture : coopérative et

    commerciale révélée par la crise financière et le processus de fusion des caisses. Culture interne solide et cohérente ayant permis de limiter la crise. Rationalisation observée : en cas de crise majeure, nous serons secourus; position contradictoire vis-à-vis des gouvernements (provincial et fédéral). Absence de culture orientée vers la gestion de crise.

    Structure

    Absence de structure intégrant la gestion de crise. Structure hybride divisée entre le bancaire, financier international et coopératif. Complexification des organigrammes menant à la perte d'identité coopérative et de concurrence interne. Émergence de conflits internes durant la crise entre structure cotée et la coopérative. Plan de structuration international lancé en 2008 pour diminuer les activités financières à risque. Absence de cellule ou unité de crise.

    Absence de structure intégrant la gestion de crise. Structure coopérative dominante. Absence d'activités financières à risque sur le marché financier international. Pas sujette aux fluctuations boursière et spéculatives garantissant un capital propre solide et stable. Le réseau de caisses a joué un rôle moteur dans la relance des revenus totaux dès 2008. Plan de structuration lancé en 2009 pour rapprocher le réseau des caisses du Mouvement. Absence de cellule ou unité de crise.

    Stratégie

    Absence de plan stratégique de gestion de crises. La crise a été gérée de type « urgence » et dans

    Absence de plan stratégique de gestion de crise. La crise a été gérée sous forme de plan d'actions. Trois phases d'actions

    Dans le cas de Desjardins, le rôle de l'individu dans la gestion des opérations financières et la prévention de crise a été reconnu par la direction générale via la présidente du Mouvement Monique F. Leroux. En effet,

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    l'immédiat sous forme de plan d'actions. Trois phases d'actions identifiées : aide du gouvernement français, plan de restructuration international et plan stratégique focalisé sur les activités bancaires de détail et coopératives.

    identifiées : aide du gouvernement provincial et fédéral, l'utilisation de la communication, plan de restructuration avec le réseau de caisses et développement international coopératif d'affaires.

    En comparant le Crédit Agricole et le Mouvement Desjardins au premier niveau « individu » de la gestion de crise, nous constatons dans les deux cas le rôle primordial de l'individu dans la gestion de crise mais à différent degré. Au Crédit Agricole, tel que vu à la section (4.1) de la gestion de crise du Crédit Agricole, les réactions inflationnistes du PDG et les mécanismes de défense étaient plus visibles que dans le cas de Desjardins. Ceci peut s'expliquer en partie par le fait que la banque coopérative française a été beaucoup plus affectée par la crise financière que sa consoeur canadienne. En effet, tel que cela a été évoqué précédemment, les décisions stratégiques prises par l'entité cotée Crédit Agricole S.A. au milieu des années 2000, notamment son processus extensif d'internationalisation et en particulier sur le marché financier américain via sa filiale Calyon, ont amené l'ensemble du Groupe Crédit Agricole incluant la structure « mutualiste » à subir directement les conséquences de la crise financière en 2008. Ce point sera davantage développé au paragraphe portant sur la structure organisationnelle. En d'autres termes, au niveau de l'individu selon le modèle de l'oignon en gestion de crise, l'analyse du cas du Crédit Agricole suggère que les décisions stratégiques prises par les individus visant en partie l'internationalisation du Crédit Agricole sur le marché financier international, en particulier aux États-Unis, a sévèrement affecté sa performance financière et l'ensemble de la coopérative financière dans un contexte de crise systémique. Cela ne signifie pas que le Crédit Agricole, au niveau de l'individu, est entièrement responsable des dégâts, mais qu'en plus du contexte complexe dans lequel s'est installée la crise pendant plusieurs années, l'individu a pris des décisions stratégiques risquées et non dans l'intérêt de l'ensemble de la coopérative et son environnement. Ces décisions individuelles ou de groupe ont été soutenues et justifiées par une culture et structure bancaire « financière » prédominante au sein du Crédit Agricole comme nous le verrons. De plus, comme nous l'avons vu lors de l'entretien radio de George Pauget, PDG du Crédit Agricole, ce dernier n'a jamais véritablement reconnu l'importance du rôle des individus et de leurs décisions dans la prise de risques de la banque coopérative sur le marché financier américain via sa filiale Calyon à New York.

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    cette dernière avait déclaré en 2010, deux ans après le dossier du PCAA qui avait affecté le marché financier canadien et plusieurs banques canadiennes dont Desjardins, qu' « à la réflexion et en bout d'analyse, l'élément central, celui qui fait la différence entre la bonne conduite des métiers financiers et les aventures difficiles, c'est la personne » et que « c'est ainsi que le cadre d'interaction multipartite (les conseils d'administration, les directions, les autorités réglementaires, les organismes sectoriels, les gouvernements et les vérificateurs) permettra d'en arriver à un cadre prudentiel où la connaissance et l'intelligence de chacun permettra, dans une approche proactive, d'anticiper et d'éviter des crises et de renforcer la gestion prudentielle des institutions » (Canada Newswire, 2010, p. 1). Ces déclarations viennent conforter le rôle de l'individu dans la gestion d'activités financières coopératives et financières en général, mais également dans la gestion de crises et la prévention de celles-ci comme l'a mentionné la présidente de Desjardins.

    Par ailleurs, en dépit du fait que le niveau de l'individu a été moins visible dans le cas de Desjardins dans le contexte de la crise financière comparé au Crédit Agricole, l'individu a bien joué un rôle dans la gestion de crise chez Desjardins et même en partie à la prévenir. En d'autres termes, le facteur « individu » chez Desjardins a contribué à limiter les effets de la crise financière par une gestion prudentielle dans l'histoire de la coopérative et plus proche de ses activités bancaires coopératives de détail. En effet, comme nous l'avons vu lors de l'entretien télévisuel de Monique Leroux par Radio Canada et de l'entretien de l'AFP en 2011, la structure coopérative ayant été préservée chez Desjardins qui a continué à conduire des activités bancaires coopératives et financières éloignées des marchés financiers boursiers, ce qui lui a permis de se protéger des fluctuations boursières, de la spéculation et de la volatilité des marchés. De plus, étant donné que Desjardins a été moins exposé à la crise financière, au niveau de l'individu de la gestion de crises, les mécanismes de défense visibles dans le cas du Crédit Agricole, étaient peu présents dans le cas de Desjardins. Étant donné que la gestion de crise est par nature systémique, en se fondant sur le modèle de l'oignon, nous pouvons constater les liens à ce stade entre les niveaux individu et structure. En revanche, pour le Crédit Agricole, le facteur « individu » a contribué, par une série de décisions stratégiques dans l'histoire de la coopérative et influençant la culture et structure organisationnelle, à amplifier les effets de la crise financière sur son organisation.

    C'est l'une des raisons qui explique le fait que le niveau « individu », via les réactions et mécanismes de défense observés, était plus visible dans le cas du Crédit Agricole puisque ce dernier a été plus exposé à la crise financière que Desjardins. Les pertes successives du Crédit Agricole, les tumultes et conflits au sein de la coopérative financière rapportés par la presse française et internationale, et les scandales financiers de Calyon ont été surexposés par la médiatisation de la crise financière en particulier en France. Ces éléments ont contribué à plus exposer et dévoiler le niveau « individu » du Crédit Agricole par rapport à Desjardins. En effet, tel qu'évoqué par Roux-Dufort (2000) à la revue de littérature, un des éléments qui contribue à dévoiler les crises est la « société

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    de l'information ». De plus, comme mentionné auparavant, selon Lagadec (1991), les individus subissent le choc initial de la crise. Étant donné que le Crédit Agricole était plus exposé à la crise financière sur le plan organisationnel et médiatique, ceci pourrait expliquer que le niveau « individu » était plus observable au Crédit Agricole que pour Desjardins.

    Au niveau de la culture organisationnelle de la gestion de crise, le principal élément que nous avons observé, dans les deux cas du Crédit Agricole et Desjardins, est la mutation de la culture coopérative. En effet, au Crédit Agricole, nous avons vu qu'une double culture organisationnelle s'est instaurée, avec la culture bancaire « financière » versus « mutualiste ». Ceci a eu pour conséquence, durant la crise financière, de créer des tensions et conflits d'intérêts entre les représentants de chaque culture au Crédit Agricole, soit entre la société cotée Crédit Agricole S.A. et le réseau des caisses régionales. Du côté de Desjardins, la culture coopérative a été altérée par le processus de fusion des caisses, du changement de culture au niveau des caisses et également par la politique « économiste » qui peut aller à l'encontre des valeurs et de la mission de la banque coopérative. En effet, comme mentionné à la précédente section (4.2) de la gestion de crises chez Desjardins, un chef économiste avait déclaré dans un article de 2008 paru dans Les Affaires : « [...] privatisez davantage les services publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la population à payer le prix du marché (sic) et augmentez les tarifs d'électricité et les frais de scolarité» (Lauzon, 2009). Or la mission officielle de Desjardins stipule que le but est de « contribuer au mieux-être économique et social des personnes et des collectivités dans les limites compatibles de notre champ d'action ». Ces deux affirmations ne concordent pas, puisque d'un côté, Desjardins, via son chef économiste, encourage une politique économiste qui ne prend pas forcément en compte les intérêts socio-économiques de la population, et d'un autre, Desjardins, via sa mission, affirme qu'elle agit pour le « mieux être économique et social des personnes et collectivités ». Ceci a aboutit à une culture bancaire « coopérative » d'une part et une autre « commerciale» critiquée par de nombreux membres tel que vu dans la presse (voir La Presse Canadienne - Le fil radio, 2011; St-Gelais, 2010; Lauzon, 2009; Radio Canada, 2011 (b)).

    Dans les deux cas, nous avons observé que les changements au niveau de la culture coopérative pourraient diminuer le processus démocratique et participatif des membres et des caisses, un socle fondamental de la banque coopérative. Ce constat est d'autant plus préoccupant puisque cela signifie que cette déficience du processus démocratique peut amplifier une crise, puisque la culture coopérative ne prend plus en compte l'ensemble des parties prenantes de son environnement, a un processus de gestion stratégique qui n'intègre pas la gestion de crise et n'est donc pas en mesure de la prévenir. Ceci rejoint un point fondamental soulevé dans la revue de littérature au niveau de la gouvernance des banques coopérative. En effet, les banques coopératives se transforment, afin de compenser le désavantage comparatif lié à l'accès aux marchés financiers, en réseaux de banques coopératives ou groupes coopératifs qui s'intègrent sur les marchés financiers via leurs filiales spécialisées ou entités cotées.

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    Cependant, cette tendance hybride peut être une épée à double tranchant pour les coopératives car l'accès aux marchés financiers accroit, certes, les possibilités de refinancer leurs portefeuilles de crédit, mais cela réduit également l'avantage comparatif qui provient de leurs activités de détail (IMF, 2007). Par ailleurs, il semble que cette tendance hybride a engendré une culture « bancaire » plus prudente versus une culture « financière » plus orientée vers le risque comme nous allons le voir au niveau structurel. Ce point a été soulevé en exemple par Jacques Attali qui a proposé de « rendre leurs lettres de noblesse aux métiers d'ingénieurs [et] rendre à l'inverse le métier de banquier modeste et ennuyeux, ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être » (Attali, 2009, p. 154).

    L'autre élément similaire constaté au niveau de la culture dans les deux banques coopératives est le recours à l'aide du gouvernement pour gérer la crise financière. Le Crédit Agricole a bénéficié de l'aide de l'État français dans le cadre du plan de relance, tandis que Desjardins demandait à bénéficier de l'aide du gouvernement fédéral et provincial via l'affaire du PCAA, et était soutenu implicitement d'une manière générale par les autorités publiques. Ceci vient confirmer la croyance liée à la 11e rationalisation du modèle de gestion de crise au niveau de la culture selon laquelle que « si une crise majeure arrive, nous serons secourus par nos amis et partenaires ». Ceci tend à réduire le degré de responsabilité et d'anxiété positive que sont censés avoir les individus qui gèrent du capital et des opérations financières risquées. D'autant plus que dans le cas de Desjardins, celle-ci avait un discours contradictoire vis-à-vis du gouvernement fédéral lorsque ce dernier a voulu intervenir pour réglementer les valeurs mobilières au Canada selon un processus centralisé. Comme cela a été mentionné auparavant, Desjardins a réagit en opposition à la proposition du gouvernement fédéral et laissait entendre une possible ingérence d'Ottawa en déclarant qu'il faudrait s'attendre à une contestation constitutionnelle d'une centralisation imposée par Ottawa et que dans un tel cas, l'institution coopérative entrevoyait que le « Québec ferait bande à part, avec d'autres provinces » (Larocque, 2008 (a), p. 1).

    Du point de vue de la structure organisationnelle en gestion de crise, nous avons constaté que dans les deux cas, Crédit Agricole et Desjardins, il n'y avait pas de cellule de gestion de crise intégrée à la structure organisationnelle. Cependant, il y a des différences dans la structure organisationnelle entre les deux banques qui ont significativement pesé au niveau de l'impact de la crise financière. Dans le cas du Crédit Agricole, la structure hybride de la banque verte, avec une structure « financière » via la société cotée Crédit Agricole S.A. et ses filiales d'affaires et une structure « mutualiste » via son réseau de caisses, a contribué à amplifier la crise et exposer davantage le Groupe Crédit Agricole dans son ensemble aux effets néfastes de la crise. La filiale Calyon et ses opérations financières hautement risquées, sur le marché américain, ont affecté considérablement la performance financière du Crédit Agricole, et ce jusqu'à 2012. Ceci pour la principale raison que le Crédit Agricole a une entité cotée sur le marché financier, ce qui signifie qu'elle est plus exposée aux spéculations sur ses titres et la volatilité des cours boursiers. De plus, la structure hybride du Crédit Agricole n'a pas favorisé la

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    cohérence et l'unité au sein du Crédit Agricole pendant la crise, puisqu'il y avait un rapport de force entre la culture bancaire financière et celle mutualiste. En d'autres termes, cela suggère que la structure « financière » a pris le pouvoir sur la structure « coopérative » avec le temps. Par conséquent, cela a crée un déséquilibre, ce qui a pour effet d'éloigner la banque coopérative française de ses activités traditionnelles de détail coopératives au profit d'activités financières. Ceci rejoint une fois de plus le point abordé à l'avant dernier paragraphe concernant le risque qu'encourt une banque coopérative lorsqu'elle s'intègre sur le marché financier. Ce dernier procure plus de possibilités de refinancer leurs portefeuilles de crédit, mais cela réduit également l'avantage comparatif qui provient de leurs activités de détail (IMF, 2007).

    En revanche, du côté de Desjardins, c'est sa structure 100 % coopérative qui l'a en partie protégé contre la crise financière et a considérablement limité l'impact sur sa performance financière. En effet, Desjardins, de par sa structure coopérative de base, n'a pas d'actions sur le marché financier, ce qui lui a permis de se protéger contre les fluctuations boursières et la spéculation. Ceci a également eu pour conséquence de stabiliser plus rapidement sa performance financière et d'améliorer ses résultats financiers dès 2010. Dans le cas de Desjardins, c'est donc en grande partie sa structure organisationnelle qui lui aurait permis de limiter considérablement les conséquences de la crise financière internationale comparé au Crédit Agricole. Autrement dit, le degré d'internationalisation sur le marché financier international moins élevé que celui du Crédit Agricole, aurait contribué à préserver la structure coopérative de Desjardins, ce qui a eu pour effet d'amortir les chocs de la crise financière sur ses activités bancaires coopératives et de détail.

    Ceci rejoint un point fondamental abordé à la revue de littérature concernant la séparation des activités bancaires commerciales de dépôt ou détail de celles d'affaires et financières introduite par le Glass-Steagall Act aux États-Unis. En effet, cet acte juridique avait été introduit en 1933 suite à la crise financière de 1929, dans le but de séparer les activités bancaires de dépôt et de financement aux particuliers et entreprises, de celles financières visant l'investissement, le courtage et les assurances. La démarche visait justement à protéger les activités bancaires de dépôt et de détail en les séparant des activités financières et d'investissement. Cependant, l'acte avait été retiré en 1999 sous l'effet de politiques de dérégulation des marchés financiers aux États-Unis. Cela suggère que dans le cas du Crédit Agricole, c'est justement cette imbrication des structures « financière » et « bancaire » qui ont eu raison de sa structure « bancaire » et même « coopérative » en affectant les activités bancaires de détail et surtout l'ensemble de son organisation coopérative.

    La période de la crise financière s'est également traduite dans les deux cas par la modification de la structure interne mais à différents niveaux. Le Crédit Agricole, au lendemain de la crise financière, a entamé dès 2008 un processus de restructuration interne. L'objectif était de réduire les activités d'investissements et

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    d'opérations financières risquées sur le marché financier international. Le plan devait permettre également de revenir à des activités bancaires de détail plus proches de son modèle coopératif, de se concilier avec son réseau de caisses qui lui a permis de préserver un capital propre plus solide et stable que les entités cotées. Ces éléments confirment le point soulevé au précédent paragraphe concernant le Glass-Steagall Act visant la séparation des activités bancaires de dépôt de celles financières. Le Crédit Agricole n'a pas mis en place une séparation définitive mais a commencé à réduire ses activités financières à l'international afin de réduire le risque que l'entité bancaire de dépôt et coopérative soit affectée par l'entité financière dans le contexte d'une crise systémique internationale telle que celle de 2008. De plus, tel que mentionné à la revue de littérature, certains auteurs préconisent le rétablissement du Glass-Steagall Act car cette réglementation, séparant les activités bancaires commerciales de celles financières, permettrait de mieux gérer les risques financiers grâce à la mise en place de pare-feu (Mussa, 2009; Roubini et Mihm, 2010, Pauchant et Franco, 2014).

    Dans le cas de Desjardins, ce dernier a entamé dès 2009 le plan de restructuration interne « Coopérer pour créer l'avenir » avec l'arrivée de la nouvelle présidente Monique F. Leroux. Ce dernier avait pour objectif de rapprocher le Mouvement de ses caisses qui ont considérablement contribué à améliorer la performance de la banque coopérative et qui génèrent 75 % des excédents. Dans les deux cas du Crédit Agricole et Desjardins, la crise a révélé que le réseau des caisses a joué un rôle moteur pour améliorer et stabiliser les résultats financiers. Cependant, ce constat positif est éclipsé par une autre réalité car la structure hybride dans le cas du Crédit Agricole et le processus structurel de fusion des caisses dans le cas de Desjardins altèrent le processus participatif des membres et des caisses. Le pouvoir démocratique et décisionnel est réduit au profit de la direction générale chez le Crédit Agricole et d'une optique de coûts chez Desjardins. De plus, dans les deux cas, les caisses, les membres et les collectivités ont été affectés par la crise financière en raison des opérations financières risquées et de la culture éloignée des activités bancaires de dépôt et coopératives.

    Ce dernier élément vient suggérer un niveau supplémentaire dans la structure organisationnelle de la gestion de crise dans les deux cas de Desjardins et Crédit Agricole. Autrement dit, l'existence d'une troisième structure en plus de celles mentionnées auparavant c'est-à-dire la structure bancaire, la structure coopérative et la troisième, la structure financière. En effet, dans le cas du Crédit Agricole, nous constatons clairement un groupe coopératif financier divisé en trois structures organisationnelles : 1) La structure bancaire de dépôt et de détail représentée par les banques commerciales et le réseau de caisses; 2) La structure coopérative représentée par le réseau des caisses et les membres; 3) La structure financière représentée par les filiales financières et d'affaires particulièrement orientée à l'international. Ces trois structures sont soutenues par une culture hybride à la fois « bancaire », « financière » et « coopérative ». Cependant, dans cet ensemble complexe, c'est la structure « financière » qui prédominait les deux autres dans le cas du Crédit Agricole, ce qui pourrait expliquer l'impact de

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    la crise financière sur les deux autres entités bancaires de détail et le réseau coopératif. Desjardins a, certes, des activités financières dans une optique de diversification par l'intermédiaire du crédit, valeurs mobilières et de financement, mais sa structure coopérative demeure assez solide pour avoir amorti les chocs de la crise financière en 2008. C'est d'ailleurs pour cette raison que le plan « Coopérer pour créer l'avenir » a été mis en place en 2009 pour se rapprocher du réseau de caisses.

    Néanmoins, Desjardins a aussi une structure bancaire commerciale qu'elle tend à développer au niveau de la banque de détail, mais qui a tout de même en partie affecté la structure coopérative avec le mouvement de fusion de caisses par exemple et un changement au niveau de la culture coopérative. Ce sont ces facteurs qui ont remis en question l'identité coopérative de Desjardins mentionné auparavant et pour laquelle la présidente du Mouvement, Monique Leroux, fut interpellée par un journaliste de Radio Canada au sujet du mécontentement grandissant due à l'altération de l'esprit coopératif de Desjardins. Elle avait déclaré en s'en défendant que: « Nous serons toujours [une organisation] de proximité. Desjardins est présent dans plus de 30 % du territoire québécois où nos concurrents ne sont pas présents. Il faut trouver le bon équilibre, et ce n'est pas facile : comment rester fidèle à la base qui a fait notre succès tout en évoluant dans nos moyens, parce que nous avons des membres qui ont d'autres façons de travailler et d'autres attentes » (Radio Canada, 2011 (b), p. 1).

    Enfin, en comparant le niveau stratégie organisationnelle de la gestion de crise dans le cas du Crédit Agricole et Desjardins, le principal élément commun qui en ressort est que les deux banques coopératives n'ont pas de processus de gestion de crise intégré à leur stratégie globale. Durant la crise financière, les deux banques coopératives n'avaient pas de plan stratégique de gestion de crise clairement identifié. Leur processus de gestion de crise s'est effectué, comme nous l'avons vu aux chapitres précédents, sur la base de plan d'actions appliquées de manière successive et/ou en parallèle. Chacune des deux institutions a usé de ses points forts pour atténuer les effets de la crise financière comme par exemple la structure coopérative et la stratégie de développement coopératif international du Mouvement Desjardins. Le Crédit Agricole, quant à lui, a entrepris un retour vers son modèle coopératif et se concentrer sur les activités de banque de détail plus proches des valeurs coopératives.

    Cependant, en comparant les deux cas, deux éléments similaires ont été constatés dans la gestion stratégique de la crise. Le premier est que les deux banques coopératives ont toutes les deux eu recourt à l'aide du gouvernement mais à un degré différent. Le Crédit Agricole, plus touché par la crise, a largement bénéficié du plan de relance du gouvernement français. Desjardins avait un soutien implicite du gouvernement fédéral et provincial, et a également bénéficié de l'aide financière du gouvernement dans l'affaire du papier commercial adossé aux actifs (PCAA). La différence du degré, en ce qui concerne l'aide apporté par les autorités publiques, réside dans le fait que le Crédit Agricole et quatre autres banques françaises ont été plus exposés à la crise

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    financière et que le gouvernement français a dû mettre en place un plan de relance de l'économie de 19,8 milliards d'euros (L'Expansion, 2009). Quant à Desjardins, celle-ci a été moins affecté par la crise en raison de sa structure coopérative, la non-exposition de ses activités au marché boursier due en majeure partie à sa structure bancaire coopérative bien établie et non financière. Ceci confirme en comparant ces deux cas, que stratégiquement, avoir des opérations bancaires séparées d'opérations financières, dans un contexte de crise, peut limiter les effets de la crise et même contribuer à stabiliser plus rapidement la performance financière telle que cela a été observé dans le cas de Desjardins. Ceci rejoint également le point abordé au niveau de la structure organisationnelle concernant le clivage entre banque de dépôt et banque d'affaires promu par le Glass-Steagall Act, dont le but est d'empêcher qu'une stratégie axée sur les activités financières affecte les activités bancaire de détail en séparant le « bancaire » censé être prudent et « ennuyeux » selon le terme d'Attali, du « financier » orienté vers le risque et les affaires.

    Un autre facteur qui a également pesé dans la différence de l'exposition à la crise financière mais qui se situe à un niveau macroéconomique. En effet, les prêts à haut risque qui ont mené à la crise financière aux États-Unis, sont inexistants dans le système bancaire canadien, ce qui limite également l'exposition des banques canadiennes à ce type de produits financiers. De plus, l'économie canadienne a mieux résisté aux chocs économiques de la crise financière que l'économie française, qui a également été affectée par la crise de l'euro et de la dette européenne par la suite. En d'autres termes, la conjoncture économique a également joué un rôle puisque la crise financière a entrainé une récession économique dont les effets se font ressentir jusqu'à aujourd'hui (Pauchant et Franco, 2014). La récession économique a particulièrement touché l'Union européenne dont la France avec la crise de l'euro, la faillite de la Grèce, la dette européenne etc.

    Le deuxième élément similaire entre les deux banques coopératives est le recours à leur de réseau de caisses pour atténuer les effets de la crise. Dans le cas du Crédit Agricole, ce dernier avait sollicité une émission de titres de son réseau de caisses d'une valeur de 5,9 milliards d'euros afin de recapitaliser ses comptes (Daneshkhu, 2009(a)). Dans le cas de Desjardins, en 2009, la banque a demandé à ses caisses de réduire les ristournes (excédents des revenus) de 40 % versées à leurs membres, et ce en raison de l'impact de la forte détérioration des marchés financiers et lourdes dépréciations liées au papier commercial adossé à des actifs (PCAA) (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2009 (b)). Dans les deux cas, les banques coopératives se sont appuyées sur leur réseau de caisses, ce qui est d'une part positif car suggère la stabilité et la performance financière de la structure « coopérative ». D'autre part, cela signifie que les caisses, les membres et l'ensemble des collectivités sachant qu'elles n'ont pas de lien direct, ont dû payer le prix de l'exposition des activités financières risquées, via la structure « financière », sur le marché financier international.

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    Conclusion

    Sur le plan global, le bilan du Groupe Crédit Agricole issu de la crise financière est plutôt sévère et a dévoilé que la banque verte s'est beaucoup trop éloignée de ses activités bancaires traditionnelles et sa culture coopérative. Ceci a eu pour conséquence des pertes financières considérables que la banque a dû subir pendant près de six après la crise des subprimes en 2007. Le Crédit Agricole, a trop vouloir jouer dans la cours des grands, s'est laissé emporter par la frénésie des marchés financiers et boursiers internationaux, sans prendre en considération les risques encourus par l'organisation dans son ensemble et sur son environnement. À travers une décennie de stratégies ciblant plus le financier international, le Crédit Agricole a laissé son rôle de banque de dépôt au profit d'une banque d'affaires. Cela a aboutit à créer une double culture et structure hybride qui n'a pas aidé durant la crise financière et a même contribué à l'amplifier sur le plan organisationnel. La crise financière a dévoilé que le Crédit Agricole, dans une optique de développement international d'affaires, s'est divisé en trois structures qui sont « bancaire » de dépôt, « financière » d'affaires et « coopérative » du réseau de caisses, tout en créant un déséquilibre qui, sous l'effet des chocs de la crise financière, s'est brisé pour ramener le Crédit Agricole à la réalité. Cela a considérablement affecté le pouvoir d'intervention des caisses régionales et du processus participatif des membres. Le Crédit Agricole n'a également pas de gestion de crise intégrée à sa gestion globale. Cependant, la crise financière a servi de piqure de rappel à la banque coopérative française et l'a contrainte à se désengager des activités bancaires et d'investissements risquées afin de revenir à des activités bancaires de détail et plus proches de ses caisses et son modèle coopératif.

    Quant au Mouvement Desjardins, le bilan de la crise financière est mitigé et nuancé. En effet, d'une part, le Mouvement Desjardins n'a pas non plus de gestion de crise identifiée et intégrée à sa gestion globale. Sa culture coopérative comporte des contradictions que l'on peut aisément constater à travers les doubles discours concernant par exemple l'économie ou la position contradictoire vis-à-vis des gouvernements (provincial et fédéral). Le processus de fusion des caisses sur le plan structurel a également eu des conséquences négatives sur la culture organisationnelle puisque cela a modifié le rapport entre les membres et leurs caisses. En créant des méga-caisses, cela a également diminué la participation des membres. Toutefois, la banque coopérative québécoise s'en est mieux sortie de la crise financière que sa consoeur française et ce principalement en raison du facteur structurel lié à son modèle coopératif. Desjardins a su préserver sa structure coopérative et ses activités de banque de détail en ne s'implantant pas dans le marché financier et boursier, ce qui l'a protégé durant la crise financière. Par ailleurs, le Mouvement Desjardins semble avoir compris l'importance de l'individu dans la gestion d'institutions financières et le rapport destructeur que peut avoir la finance sur l'économie réelle. De plus, Desjardins a vite saisi le rôle moteur des caisses durant la crise financière et a rapidement réagi en mettant en place le plan de restructuration interne « Coopérer pour créer l'avenir » dans le but de se rapprocher de ses

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    caisses. Enfin, Desjardins a souligné l'importance du modèle coopératif dans la relance de l'économie locale et mondiale et s'est positionnée en chef de file des organismes coopératifs en 2012 avec le Premier sommet coopératif des Nations Unies et en tant qu'hôte.

    En résumé, pour répondre à la problématique, à savoir quels sont les facteurs du modèle de gestion systémique de crise qui ont permis à Desjardins de mieux gérer la crise, cette étude suggère que sur les quatre niveaux du modèle de l'oignon, sont en ordre d'importance et de visibilité : la structure et stratégie en premier lieu, puis la culture et individu en second lieu. En privilégiant sa structure coopérative et de banque de dépôt, Desjardins a été en mesure de se protéger durant la crise financière et en grande partie car elle n'a pas intégré le marché financier via une entité cotée ou banque d'affaires comme ce fut le cas du Crédit Agricole. Cela induit que Desjardins, ayant choisi stratégiquement de ne pas s'implanter que dans le marché financier international, a été en mesure de mieux gérer les effets de la crise grâce à sa structure organisationnelle dont la banque de dépôt et coopérative a été maintenue en dehors de toute activité financière ou de banque d'affaires. Ceci tend à confirmer que le Glass-Steagall Act, suggéré par certains auteurs, est une des réformes de réglementation, séparant les activités bancaires commerciales de celles financières, et permettrait de mieux gérer les risques financiers (Mussa, 2009; Roubini et Mihm, 2010, Pauchant et Franco, 2014).

    Au niveau de la culture organisationnelle du modèle de l'oignon, en dépit du fait que les deux banques coopératives ont une culture hybride partagée entre le « bancaire », « financier » et « coopératif », Desjardins s'est positionné stratégiquement plus dans le marché bancaire de dépôt et coopératif. Le Crédit Agricole s'est plus internationalisé stratégiquement vers le marché financier. Les dirigeants du Crédit Agricole ont dès lors pris des décisions stratégiques basées sur une culture et structure financière et d'affaires tournées vers des activités plus risquées. Au final, que ce soit le niveau culturel, structurel et stratégique du modèle de gestion de crise, c'est l'individu qui prend les décisions et oriente les activités et les stratégies. Ainsi, Desjardins a été en mesure de gérer cette crise systémique car le facteur individu, au niveau organisationnel, a maintenu une gestion de la coopérative financière fondée sur des activités bancaires de dépôt, coopératives, plus prudentes et stratégiquement moins internationalisées sur le marché financier international. En dépit du fait que le niveau individu est le moins visible et observable du modèle de l'oignon, que la gestion de crises considère l'organisation comme un système, l'individu est au coeur de ce système à travers lequel il déploie les fonctions de la culture, structure et stratégie. Cependant, en raison de la nature des crises systémique et complexe, cela implique également d'autres variables à prendre en considération en plus du facteur individu dans la gestion des banques coopératives et d'institutions financières en général, ainsi que la gestion systémique des crises.

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    La crise financière de 2007-2008 a révélé que le modèle coopératif, en considérant sa première mission qu'est être une banque de dépôt, sa culture et structure organisationnelles et ses valeurs semblent avoir été affectés et altérés par les plans stratégiques d'internationalisation qui visent les activités financières et d'affaires. La pression concurrentielle sur le marché bancaire associée à un modèle d'affaire plus axé sur la compétitivité et le profit à court terme ont poussé les banques coopératives à se développer à l'extérieur de leur marché local. Cette recherche de l'expansion s'est traduite par la limitation du pouvoir démocratique des caisses au niveau local autant chez Desjardins que le Crédit Agricole, et des participations dans des opérations financières risquées à l'échelle internationale comme ce fut le cas du Crédit Agricole. Cela a contribué à éloigner ces deux organisations de leurs activités bancaires traditionnelles, leur culture coopérative, leurs membres et collectivités et surtout à créer des déséquilibres. Cette recherche de l'expansion des activités financières au détriment des activités bancaires de dépôt, dans le cas du Crédit Agricole par exemple, pourrait être expliquée par la financiarisation de l'économie, qui s'associe à un déficit démocratique, un accroissement des inégalités, un contexte mondial d'incertitude et de crises (IMF, 2014; WEF, 2013; Musso, 2009; Pauchant et Franco, 2014).

    Ce constat nous amène à reconsidérer, dans le cas des banques coopératives, l'impact de l'internationalisation des activités sur la stabilité financière et l'ensemble des parties prenantes à l'échelle locale et au niveau des collectivités. Or la banque coopérative incluant sa fonction de banque de dépôt, à l'instar de la banque financière ou d'affaires, est censée être ancrée dans le paysage régional, la communauté et contribuer à développer celle-ci sur le plan économique et social. Dès lors, il apparaît évident, à ce stade-ci, que prioriser une stratégie internationale via une institution financière ou filiale au détriment de sa responsabilité locale via la banque de dépôt, la banque coopérative peut créer elle-même des effets destructeurs sur son environnement tel que cela a été observé avec les cas du Crédit Agricole et Desjardins. Autrement dit, les banques coopératives diminuent involontairement ou volontairement leur capacité d'intervention et de développement au niveau de leurs collectivités.

    Ainsi, se pose le paradoxe de la création de richesse à l'échelle internationale versus la préservation des valeurs coopératives et des intérêts des membres à l'échelle locale. La concurrence féroce dans l'industrie bancaire et financière a poussé les banques coopératives, en s'internationalisant, à adopter une culture et des règles plutôt néolibérales. En effet, la crise financière a révélé que dans le cas du Crédit Agricole, les intérêts des membres/sociétaires et de leurs caisses ont été légués au second plan au profit d'intérêts capitalistes des filiales à l'international. Ceci confirme que le modèle coopératif subit une crise identitaire depuis plusieurs années, phénomène qui est aussi documenté par la revue de littérature depuis quelques années. Cette crise identitaire coopérative émanant en réalité des individus affecte non seulement la culture organisationnelle mais aussi la structure et la stratégie. En d'autres termes, cela signifie qu'une intégration d'une stratégie de gestion de crise

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    dans la stratégie globale est considérablement limitée dès le premier niveau de l'individu selon le modèle de gestion de crise.

    Cependant, une des limites de cette recherche réside dans le fait qu'il demeure difficile d'observer les réactions et mécanismes de défense des individus par cette méthode d'analyse de cas comparative et fondée sur une recherche qualitative de données externes. Les facteurs relatifs au comportement des individus sont profondément enfouis et difficile d'accès. Cela nécessiterait une approche ethnographique et une immersion « physique » et « temporelle » dans une banque en situation de crise afin d'observer et analyser les comportements des individus. De plus, il faut prendre en considération la probabilité assez élevée que l'observation soit biaisée par la manipulation, la dissimulation ou le déni chez les individus en situation de crise via leurs mécanismes de défense. Par ailleurs, à première vue, les frontières ne sont pas clairement délimitées entre le niveau individu qui implique les réactions et mécanismes de défense dans une situation de crise, et le niveau culture de l'organisation qui implique des croyances et rationalisations en guise de normes organisationnelles. Ceci démontre le défi de taille de saisir la complexité de l'individu et son impact dans une crise systémique.

    Par ailleurs, l'autre limite à ce niveau est que nous n'avons pas conduit d'entrevues en raison du manque de temps qui aurait été possible dans le cadre d'une thèse de doctorat. D'autre part, cette étude a été effectuée sur la base d'une comparaison entre deux organisations issues de deux régions différentes (Québec versus France) mais dont la culture sociétale n'a pas été prise en considération dans l'exploration des effets de la crise. La comparaison a été établie seulement au niveau culturel organisationnel et non entre les deux pays. De plus, le contexte macroéconomique entre les deux pays est différent et ceci n'a pas été largement développé dans la comparaison entre les deux banques coopératives qui a été effectuée plus au niveau organisationnel. En d'autres termes, ceci est également une limite puisque l'aspect culturel et macroéconomique entre les deux régions pourrait influencer cette conclusion.

    Enfin, une autre limite de la recherche concerne l'éthique coopérative, puisqu'aucun élément n'a été trouvé par la revue de presse en lien avec la gestion de crise. Nous n'avons que peu réussi à identifier s'il y a un processus de gestion basé sur l'éthique coopérative dans les deux cas. Le seul élément qui peut être éventuellement affirmé à ce stade de l'étude est que selon le modèle de l'évolution de l'éthique coopérative de Vendrame (2006), le Crédit Agricole se situe plus dans une éthique néolibérale du côté de sa structure bancaire et une éthique coopérative du côté de sa structure mutualiste. Desjardins se trouve aussi entre une éthique néolibérale et coopérative. Cependant, c'est un constat préliminaire qui nécessiterait une étude plus approfondie afin d'analyser l'évolution de l'éthique coopérative des ces banques avant, pendant et après la crise. Cela nécessiterait une analyse interne au sein du Crédit Agricole et du Mouvement Desjardins que nous encourageons

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    fortement pour de futures recherches. Cette nouvelle recherche pourrait permettre d'explorer le lien entre la gestion de crise et l'éthique coopérative car ces deux notions semblent être à première vue fortement reliées.

    Actuellement, le principal défi au niveau de la gouvernance des banques coopératives est donc d'allier les deux niveaux des activités bancaires internationales et locales. L'autre défi est d'intégrer l'apprentissage qu'une gestion stratégique doit nécessairement intégrer une gestion de crise, et que paradoxalement, tout effort de production mène irrémédiablement vers des effets destructeurs. Premièrement, au niveau de la gouvernance managériale des banques coopératives, il est essentiel de distinguer entre les différentes structures qui ont émergé au cours de cette étude des deux banques coopératives, à savoir : 1) une structure bancaire axée sur des activités de dépôt représentée par la banque de dépôt ou commercial, 2) Une structure coopérative axée sur des activités mutualistes et coopératifs représentée par le réseau des caisses; 3) une structure financière axée sur des activités bancaires d'affaires et financières représentée par l'institution financière ou banque d'affaires. Cette distinction est importante car cela implique de séparer les activités traditionnelles de banque de dépôt de celles financières ou d'affaires qui, en cas de crise systémique, risquent d'affecter l'ensemble du groupe coopératif y compris le réseau des caisses et les membres. Cela implique pour les banques coopératives de faire des choix en fonction de la priorité et des objectifs tout en prenant en considération leur environnement, taille de développement et cycle de vie, en particulier celles qui ont atteint un stade « mature » comme c'est le cas du Crédit Agricole et Mouvement Desjardins. Cette phase est caractérisée par l'accroissement de divisions internes, un affaiblissement de l'idéologie collective et la disparition de la raison d'être initiale de la coopérative. Tout ceci tend à menacer la survie et la continuité de la coopérative à l'état mature (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007).

    Deuxièmement, l'autre implication managériale pour la gouvernance des banques coopératives, dans le cadre de ces deux cas d'étude, est l'intégration de l'apprentissage qu'une gestion stratégique doit nécessairement intégrer une gestion de crise, et que paradoxalement, tout effort de production mène irrémédiablement vers des effets destructeurs. Les deux banques coopératives n'avaient de plan de gestion de crises ni de cellule dédié à la préparation ou prévention de crises. En dépit du fait que Desjardins a pu limiter considérablement les effets de la crise avec une gestion prudentielle et une structure bancaire plus traditionnelle, il n'y a pas de structure consacrée à la prévention de crises et de même pour le Crédit Agricole. Pourtant, la crise financière a révélé les limites organisationnelles des banques coopératives lorsqu'elles s'internationalisent ou diversifient leurs activités sur le marché financier, puisque cela a crée des déséquilibres au niveau culturel, structurel et stratégique au sein du Crédit Agricole et chez Desjardins mais dans une moindre mesure. Or pour reprendre une citation évoquée auparavant : « Les crises organisationnelles sont trouvent leurs sources à la fois dans des déséquilibres générés par l'organisation elle-même, mais aussi dans un ensemble d'options de société qui guident nos comportements et nos décisions et qui façonnent notre manière de voir le monde » (Roux-Dufort, 2000, p. 8). Ainsi, « la gestion de

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    crises est devenue un enjeu stratégique pour les entreprises, non seulement pour préserver leur légitimité et leur pérennité mais aussi pour le bien être des communautés, des sociétés et de l'environnement » (Roux-Dufort, 2000, p. 10).

    Ces implications managériales au niveau de la gouvernance des banques coopératives impliquent deux approches pour de futures recherches sur les banques coopératives. D'abord, au niveau de l'approche managériale, de manière générale, il semble qu'il y ait peu de travaux sur la gouvernance coopérative. En effet, il n'y a pas assez de travaux internationaux d'uniformisation et d'organismes d'élaboration de politiques sur la gouvernance des coopératives et mutuelles (Cornforth, 2002). Ceci implique donc des risques potentiels de gouvernance dans les banques coopératives qui peuvent échapper à l'attention or être mal compris par les gestionnaires (IMF, 2007). Par ailleurs, davantage de recherches seraient intéressantes sur l'intégration de la gestion systémique de crises dans les banques coopératives car elles ont un modèle organisationnel coopératif à la base systémique et démocratique, puisqu'il prend en compte l'ensemble des membres, parties prenantes, communautés et l'environnement. Cela pourrait également être un socle pour des recherches sur l'éthique coopérative puisque la culture joue un rôle essentiel, en plus de la réglementation, dans la mise en place d'un cadre réglementaire mais aussi moral en opposition avec la culture de désengagement moral (Bandura, 1999) et observée dans le milieu bancaire et financier (Pauchant et al., 2015).

    Ensuite, au niveau de l'approche de gestion internationale, dans le cas des banques coopératives, de plus amples recherches portant sur l'internationalisation ou la diversification sur le marché financier international, qui tend à complexifier les structures, à créer une double culture parfois même trois (bancaire - financière - coopérative) dans les coopératives. Ceci pose de nombreux défis lorsqu'elles sont confrontées à des choix stratégiques comme par exemple s'internationaliser et peut créer des déséquilibres organisationnels, incertitudes et déficit démocratique tels que constatés avec le Crédit Agricole. Il serait intéressant d'aborder dans ce sens en gardant à l'esprit le Glass-Steagall Act qui permet de séparer la structure bancaire de dépôt de celle financière ou d'affaires, mais aussi le fait que la discipline des affaires internationales dispose aussi de l'avantage d'une vision globale, systémique et pluridisciplinaire.

    Aujourd'hui, près de sept ans après la crise des supbrimes et financière, qu'est devenu le système financier international? Quel est le poids de la finance dans l'économie réelle mondiale? Est-ce que le système financier international est plus régulé qu'avant 2008? Que sont devenus les réformes et directives de régulation du marché bancaire et financier annoncées par les gouvernements européens et américain? Est-ce que les banques coopératives ont saisi l'importance de leur rôle coopératif dans l'économie locale et mondiale? En plus des nombreux auteurs qui ont constaté la financiarisation de l'économie, des organisations internationales telles que le FMI, la Banque mondiale ou le Forum de Davos ont également évoqué la financiarisation de l'économie, et sont

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    d'avis que les changements effectués depuis l'émergence de la crise financière de 2007-2008 sont encore insuffisants (IMF, 2014; WEF, 2013; Mussa, 2009; Pauchant et Franco, 2014). L'une des voies vers une économie socialement responsable est le système de création et production coopératif. Les entités ou organisations coopératives ont la capacité de développer des communautés sur le plan économique, social et environnemental tout en étant responsables socialement, éthiquement et génèrent de la croissance à long terme. Monique F. Leroux, PDG du Mouvement Desjardins, avait alors déclaré que les coopératives offrent une « réponse tangible » pour relancer l'économie mondiale et que « quand on regarde ce qui se passe actuellement, on sent une forme de déconnexion entre les grands enjeux financiers [et] une grande partie de la population [...] Cela nous semble parfois aussi bien loin des réalités de l'économie réelle » (Reibaud, 2011 (b), p. 1).

    La crise financière était une crise systémique qui englobe des mécanismes, des facteurs et des acteurs économiques, institutionnels, publics, étatiques, sociaux etc. qui forment un système économique et financier avec une multitude d'intérêts d'une extrême complexité. Cependant, ce système comporte un déséquilibre entre l'économie et l'industrie financière car cette dernière pèse beaucoup plus en termes de profit et de pouvoir. L'économiste Nico Paech a décrit le système financier actuel dans un entretien vidéo (Robin, 2014)22: « Ce système mécanique permet de multiplier l'argent très facilement. Or cet argent ouvre le droit à des biens matériels, ce qui crée une pression sur l'économie réelle qui doit suivre avec la production. Ce décalage entre l'économie réelle et l'économie financière ne peut que créer des crises » (Robin, 2014). Ceci rejoint le point soulevé auparavant par plusieurs auteurs et organisations reconnues (FMI, Banque mondiale, Forum de Davos) sur la financiarisation de l'économie qui s'associe à un déficit démocratique, un accroissement des inégalités, un contexte mondial d'incertitude et de crises (IMF, 2014; WEF, 2013; Mussa, 2009; Pauchant et Franco, 2014).

    Cette financiarisation de l'économie a été en partie expliquée par le fait que l'économie s'est éloignée des autres sciences sociales telles que la sociologie et les sciences politiques pour se rapprocher davantage de la finance et du milieu des affaires. Ceci a finit par isoler l'économie et la finance des autres disciplines, pourtant essentielles et complémentaires, ce qui a crée des déséquilibres et failles que la crise financière 2007-2008 a révélé. Or comme l'a fait remarquer Thomas Piketty, dans un livre paru récemment et ayant occasionné du bruit, en concluant que la science économique ne peut être coupée des autres considérations sociales, en y incluant des dimensions historiques, anthropologiques, psychologiques, sociologiques, politiques et morales (Piketty, 2013). Ces affirmations rejoignent ce que nous avons énoncé en introduction sur l'importance pour les académiciens d'avoir un cadre global qui inclue toutes les dimensions et disciplines. La coopération entre les disciplines pourrait renforcer la capacité de concevoir des modèles de gouvernance globaux et qui permettent d'avoir une vision à long terme et préventive.

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    Radio Canada (2011). « Gérald Fillion - Mouvement Desjardins », Radio Canada, Entrevue télévisuel, 12 :30

    min.

    124

    Annexes

    Annexe 1 : Indicateurs: Chômage, croissance économique, production industrielle et dette publique avant et après la crise financière 2008

    Figure 6 : «Tendances et prévisions du chômage mondial, 2003-2018 ».

    Source : OIT, Organisation internationale du Travail (2014).

    125

    Figure 7 : « Écart global chômage, 2014-2019 »

    Source : OIT, Organisation internationale du Travail (2015).

    Figure 8 : « Évolution annuelle du chômage mondial et de la croissance du PIB, 2000-2018 : tendances et prévisions ». Source : OIT, Organisation internationale du Travail (2014).

    126

    Figure 9 : «Croissance mondiale et ses composantes (pour cent par an) » Source : OIT, Organisation internationale du Travail (2015).

    Figure 10 : «Évolution de la croissance mondial du PIB, tendances et prévisions, 2013 et 2014 (pour cent) ». Source : OIT, Organisation internationale du Travail (2014).

    127

    Figure 11 : « Commerce mondial de marchandises ».

    Source: CPB, Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis (2015)

    Figure 12 : « Volume de la production industrielle mondiale » Source: CPB, Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis (2015)

    128

    Figure 13 : « Dette publique mondiale actuelle ».

    Source : Ces données proviennent d'une carte interactive représentant la dette publique mondiale et par pays sur plusieurs années et en temps réel. La carte est consultable sur le site internet The Economist : http://www.economist.com/content/global debt clock.

    Annexe 2 : Liste des sources de données

    Tableau 5 : Liste des sources de données (articles)

    Référence texte

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    Michel, Anne (2008): "Le Crédit agricole est atteint par la crise des " subprimes ": Les banques françaises sont invitées à éplucher leurs comptes" - Le Monde

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    Canada Newswire (2007): "Résultats des neuf premiers mois de 2007 - Grâce à une solide croissance des affaires et un meilleur contrôle des frais d'exploitation, Desjardins augmente de près de 18 % ses excédents qui atteignent 828 millions de dollars" - Canada Newswire

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    Bergeron, Patrice (2008): "Desjardins demande au fédéral de ne pas désavantager les institutions financières" - La Presse Canadienne

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    Nadeau, Jean-Benoît (2008): "Desjardins est-il à l'abri de la crise financière?" - L'actualité

    Canada Newswire (2008)

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    La Presse Canadienne - Le fil radio (2008)

    La Presse Canadienne - Le fil radio (2008): "Desjardins: les pratiques inappropriées seraient liées au déménagement au Windsor" - La Presse Canadienne

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    Canada Newswire (2008)b: "Desjardins réussit avec succès deux émissions de titres sur le marché européen" - Canada Newswire

    Sylvain Larocque (2008)

    Sylvain Larocque (2008): "Desjardins taille en pièces le projet de commission unique des valeurs mobilières" - La Presse canadienne

    Julian Beltrame (2008)

    Julian Beltrame (2008): "La Banque du Canada abaisse son taux directeur et déclare le pays en récession" - La Presse Canadienne

    Alexandre Robillard (2008)

    Alexandre Robillard (2008): "La présidente de Desjardins fait souffler un vent de décentralisation" - La Presse Canadienne - Le fil radio

    Desjardins Caisse d'économie solidaire (2008)

    Desjardins Caisse d'économie solidaire (2008): "L'Appel au Mouvement Desjardins"

    Sylvain Larocque (2008)b

    Sylvain Larocque (2008)b: "Le papier commercial et la chute des marchés plombent les résultats de Desjardins" - La Presse Canadienne

    La Presse Canadienne (2008)b

    La Presse Canadienne (2008)b:"Les règles de gouvernance obligent les sociétés à penser à long terme, dit Leroux" - La Presse Canadienne

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    Canada Newswire (2008)c: "Madame Monique F. Leroux devient la première femme à accéder à la présidence du Mouvement des caisses Desjardins" - Canada Newswire

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    Sylvain Larocque (2008)c: "Malgré le mauvais temps et la déroute boursière, Desjardins fait bonne figure" - La Presse Canadienne

    Sylvain Larocque (2008)d

    Sylvain Larocque (2008)d: "Monique Leroux devient la première femme à présider le Mouvement Desjardins" - La Presse Canadienne

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    Turcotte, Claude (2008):"Portrait - Du Québec inc. au monde coopératif" - Le Devoir

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    La Presse Canadiene - Le fil radio (2009)

    La Presse Canadiene - Le fil radio (2009): "Desjardins annoncera une réorganisation de sa structure à ses employés" - La Presse Canadienne - Le fil radio

    La Presse Canadienne - Le fil radio (2009)b

    La Presse Canadienne - Le fil radio (2009)b: "Desjardins réduirait ses ristournes de 40 % en raison du contexte économique" - La Presse Canadienne - Le fil radio

    Canada Newswire (2009)b

    Canada Newswire (2009)b: "Desjardins se classe au 26e rang des institutions financières les plus fiables au monde" - Canada Newswire

    Canada Newswire (2009)c

    Canada Newswire (2009)c: "Des modifications à la législation encadrant les coopératives de services

    financiers sont proposées" - Canada Newswire

    La Presse Canadienne - Le fil radio (2009)b

    La Presse Canadienne - Le fil radio (2009)b: "Le Mouvement Desjardins a l'intention de supprimer 900 postes en trois ans" - La Presse Canadienne - Le fil radio

    TVA Nouvelles (2009)

    TVA Nouvelles (2009):"Le Mouvement Desjardins prendra de nouvelles orientations" - TVA Nouvelles

    Larocque, Sylvain (2009)

    Larocque, Sylvain (2009): "Moody's accole des "perspectives négatives" aux cotes de crédit de Desjardins" - La Presse Canadienne

    Desjardins, François (2009)

    Desjardins, François (2009): "PCAA: un cauchemar logistique prend fin" - Le Devoir

    Lauzon, Paul-Léon (2009)

    Lauzon, Paul-Léon (2009): "QU'EST DEVENU DESJARDINS?" - L'Aut'Journal

    Martin, Géraldine (2009)

    Martin, Géraldine (2009):" La crise financière fait mal au Mouvement Desjardins" - Ex Rue Frontenac

    Canada Newswire (2010)

    Canada Newswire (2010): "« À la fin de la journée, ce qui fait la différence, ce sont les personnes » - Monique F. Leroux" - Canada Newswire

    St-Gelais, Jimmy (2010)

    St-Gelais, Jimmy (2010): "Boycottons Desjardins! - Blog Pour que demain soit

    Larocque, Sylvain (2010)

    Larocque, Sylvain (2010): "Au Mouvement Desjardins, la crise financière est maintenant chose du passé" - La Presse Canadienne

    La Presse Canadienne (2010)

    La Presse Canadienne (2010): "Desjardins est la banque de l'année au pays, selon la revue The Banker" - La Presse Canadienne

    Canada Newswire (2010)b

    Canada Newswire (2010)b: "L'éducation est un pilier de la prospérité durable à laquelle nous aspirons" - Monique F. Leroux" - Canada Newswire

    Larocque, Sylvain (2010)b

    Larocque, Sylvain (2010)b: "Les financiers devront se tourner vers l'étranger et faire oublier les scandales" - La Presse Canadienne

    La Presse Canadienne - Le fil radio (2011)

    La Presse Canadienne - Le fil radio (2011): "Des membres mécontents des fermetures veulent quitter le mouvement Desjardins" - La Presse Canadienne - Le fil radio

    Hedekel, Peter (2011)

    Hedekel, Peter (2011): "Desjardins Group in danger of outgrowing its co-operative roots" - Montreal Gazette

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    Munger, Michel (2011)

    Munger, Michel (2011): "Desjardins Sécurité financière n'échappe pas aux remous" - Le Journal de Montréal

    Reibaud, Rejane (2011)

    Reibaud, Rejane (2011): "Le Crédit Mutuel renforce sa collaboration avec le québécois Mouvement Desjardins" - Les Echos

    Lavallée, Guillaume (2011)

    Lavallée, Guillaume (2011): "Les coopératives offrent une "réponse tangible" à la crise (PDG Desjardins)" - Agence France Presse

    Radio Canada (2011)

    Radio Canada (2011): "L'esprit coopératif du Mouvement Desjardins remis en question" - Radio Canada

    Annexe 3 : Mécanismes de défense et stratégies de gestion de crises systémiques

    Le tableau ci-dessous, élaboré par Guntzburger et Pauchant (2014), présente les mécanismes de défense utilisés lors de la crise nucléaire de Fukushima et les types de stratégies de gestion de la crise (stratégies utilisées lors de la crise versus stratégies systémiques suggérées).

    Tableau 6 : Les mécanismes systémiques et stratégies systémiques suggérées (Guntzburger et Pauchant, 2014, p. 24, emprunté)

    133

    Annexe 4 : Trente-deux rationalisations dangereuses.

    Tableau 7 : Les trente deux rationalisations de la culture organisationnelle (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 107)

    [...]

    134

    Annexe 5 : Une vision systémique du design organisationnel

    Pauchant et Mitroff (1995) proposent ainsi pour palier à l'obsolescence du modèle organisationnel fragmenté, un modèle de structure organisationnelle de Jay Galbraith (1977) qui comprend une vision systémique de l'organisation. Ci-dessous la figure représentant le design structurel de ce modèle.

    Figure 14 : « Une vision systémique du design organisationnel » (Pauchant et Mitroff, p. 130).

    Annexe 6 : Entretien radio de George Pauget PDG Crédit Agricole

    Entretien radio de George Pauget dans le 7/10 de France Inter par Nicolas Demorand (6 novembre 2009). Extrait retranscris de l'entretien visuel [durée 10 :23 min]. Lien vidéo : [ http://www.dailymotion.com/video/xb1z2l_georges-pauget-france-inter_news]

    135

    Journaliste : Vous avez dit, George Pauget, que des raisons de déontologie vous empêchaient de dévoiler dès aujourd'hui des résultats [du Crédit Agricole] qui devront être et le seront [diffusés] la semaine prochaine. Est-ce que vous pouvez nous donner au moins une tendance pour le Crédit Agricole?

    George Pauget : Ces résultats seront en hausse par rapport à ceux du trimestre précédent. Une caractéristique qui est commune à toutes les banques, c'est que les banques ont...subissent l'impact de la crise économique, c'est-à-dire qu'elles provisionnent, elles mettent de l'argent de côté parce qu'il y a des entreprises en difficulté.

    Journaliste : Donc pour les banques, la crise est finie?

    George Pauget : Non. La crise financière est largement terminée, mais elles subissent de plein fouet l'impact de la crise économique et beaucoup s'accordent à considérer que ça sera vrai jusqu'au milieu de l'année prochaine.

    Journaliste : Donc il y a encore des risques et de quelle nature pour les banques?

    George Pauget : Ce sont des risques sur les entreprises et notamment sur le tissu industriel des petites et moyennes entreprises en France...qui [la France] est très secouée par la crise économique. Faut pas oublier que la croissance a été négative et que si on recommence à récupérer un petit peu, cette récupération est lente. Les entreprises ont été [donc] fortement secouées.

    Journaliste : Ça c'est pour la crise économique, mais ma question portait sur la crise bancaire. Vous dîtes qu'elle n'est pas terminée pour vous?

    George Pauget [en interrompant] : Non, la crise bancaire, je l'évoquais comme financière, la crise bancaire est terminée. Les banques françaises ont remboursé l'État. C'est bien le signal du fait qu'elles n'ont plus besoin aujourd'hui d'un soutien.

    Journaliste : [...] Étrange morale non de toute cette affaire de crise financière...Une crise partie des banques et dont les banques sortent renforcées, en pleine santé.

    George Pauget : ...Je crois que là c'est une vision trop globale. Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a une différence radicale entre les banques américaines qui sont à l'origine de la crise, qui ont des pratiques condamnables. Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Et les banques françaises qui ont été impactées, je dirai presque par ricochet, sur une fraction limitée de leurs activités, ce qui explique d'ailleurs que les banques françaises ont été les moins touchées de toutes les banques en Europe.

    Journaliste : Qu'est-ce qui nous garantit à nous, citoyens, qui voyons ces choses là se dérouler sous nos yeux, parfois effrayés. Qu'est-ce qui nous garantit qu'une nouvelle bulle n'est pas en préparation et que les choses ne vont pas recommencer à terme comme elles se sont déroulées ces derniers mois?

    George Pauget : Il y a deux types de garanties. Tout d'abord, le fait que les entreprises bancaires, et c'est vrai dans le cas du Crédit Agricole, ont tiré les leçons de la crise. Nous avons modifié notre organisation, nous avons arrêté certaines activités, reconfiguré tout le Groupe pour tenir compte de ce qui s'était passé. Et puis, vous avez ensuite une...des changements qui sont initiés par les États, les pouvoirs publics. C'est vrai de tous les paramètres que je ne vais pas détailler de la réglementation bancaire, qui au fil des différentes réunions du G20, sont entrain de se mettre en place.

    Journaliste : Les bonus, George Pauget, et leur limitation, c'était pour amuser la galerie. Un certain nombre d'économistes disent que c'est vraiment un sujet qui fait plaisir au politique et aux opinions publiques, mais que le coeur de la crise n'était pas là, et que les vraies réformes n'ont toujours pas été faites.

    136

    George Pauget : Alors, il était nécessaire de réformer les bonus et d'ailleurs la profession bancaire française, à l'époque où je présidais, a pris dès février 2009 l'initiative d'engager un train de réformes qui est aujourd'hui sanctionné, validé si je puis dire, par un décret qui sort aujourd'hui, qui est la traduction des travaux du G20. De ce point de vue, clairement, la France a été pionnière et a voulu qu'une réforme se fasse. Et je crois que c'est logique, parce que certaines pratiques de rémunération favorisaient anormalement le risque. Alors, il y a eu une période trop favorable et il fallait revenir à quelque chose de plus logique. Pour ma part, j'en étais très largement partisan. Ensuite ...

    Journaliste [en interrompant] : oui, c'est un point de détail, c'est un point de détail, George Pauget.

    George Pauget: Imaginez...imaginez qu'en ayant réglé le problème des bonus, on règle tout le pilotage du système financier mondial, à l'évidence non. Les éléments les plus importants, ce sont que toutes les banques du monde appliquent les mêmes règles, parce que si vous avez un trou dans le dispositif, il y a plein de gens qui vont s'engouffrer dans ce trou. Et donc, il faut que le filet ait les bonnes mailles, si je puis dire, et qu'il n'y ait pas de trous dans le filet.

    Journaliste : Charles Viploze, économiste qui était au micro de France Inter il ya une dizaine de jours environ, qui publiait dans Le Monde daté d'aujourd'hui, une tribune [qui] dit que les bonus donc c'est un point de détail de toute cette affaire et que la vraie question, c'est la profitabilité des banques. C'est un métier qui est extrêmement...qui dégage beaucoup de profits et que si on veut vraiment réformer le système [financier] c'est à cette question là qu'il fallait s'attacher. Les politiques ne l'ont pas fait. Ouf! Dit le banquier, George Pauget, ce matin?

    George Pauget : Non, la banque est une addition de métiers. Certains métiers comme les métiers de marchés ont une très forte rentabilité, mais toutes les banques n'y consacrent pas la même énergie, le même argent. Dans un groupe comme le Crédit Agricole, la partie « marché » représente moins de 10 % de l'activité du Groupe. Donc, si vous voulez, il y a des banques qui ont choisi de ne pas être « fortes » sur ces activités pourtant très rentables parce qu'elles sont risquées. En revanche, vous avez des banques américaines dont plus de la moitié de l'activité est orientée sur ces marchés. Dans les banques françaises, c'est de l'ordre d'une vingtaine...entre 20 %...parfois jusqu'à 30 %, mais jamais plus. Et ceci explique d'ailleurs que les banques françaises n'aient pas eu le même comportement, la même situation, ne se soient pas trouvées face aux mêmes problèmes que les banques américaines ou certaines banques anglaises.

    Journaliste : George Pauget, les taux d'intérêts sont très bas, environ 1% pour les banques. Quand vous, vous prêtez aux particuliers, vous prêtez à 4 % ou autour de 4%, ce sont des chiffres moyens...belle marge non?

    George Pauget : Alors la marge n'est pas celle là, j'allais dire malheureusement pour le banquier, parce que ce que vous évoquez, le 1%, c'est des emprunts à 3 mois auprès de la banque centrale. Mais un, quand vous financez un prêt à un ménage pour acheter sa maison, ce n'est pas en un mois, c'est quinze ans. Donc, ce n'est pas la même durée. Et deuxièmement, on ne se refinance pas en totalité auprès de la banque centrale, c'est juste la partie marginale pour s'ajuster. Quant on fait un prêt à quinze ans, on va chercher une ressource, une épargne qui est de l'ordre de 8 à 10 ans, et là elle coûte plutôt dans les 3-3,5 % et puis il faut ajouter les charges, le risque. Vous savez, c'est un métier qui n'est pas très loin d'une industrie classique, c'est-à-dire, il y a un prix de reviens de la matière première qui est l'argent et puis il faut lui ajouter les frais.

    [...]

    Journaliste : Quand Claude Bartolone prend la parole publiquement pour dire qu'il a été trompé sur la marchandise en quelque sorte, et qu'un certain nombre de collectivités locales sont aujourd'hui dans des situations catastrophiques parce qu'on leur a fourgué des subprimes et des produits risqués, des produits toxiques et qui demandent aux banques donc de réagir, voire de rembourser. Quelle est votre position?

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    George Pauget : Ah ben...si vous voulez, il est toujours tentant de céder à la facilité. Quant on regarde ce qui s'est passé sur les collectivités locales, d'abord, n'oublions pas qu'elles ont des directeurs financiers et compétents, donc qui n'est pas...je dirai les banques n'étaient pas face à une troupe d'ignorants. Elles étaient face à des gens qui faisaient des métiers et qui étaient qualifiés pour cela. C'est vrai pour les grandes collectivités locales et d'ailleurs, j'observe que les difficultés soulignées sont exclusivement pour les grandes collectivités locales. Ensuite, il faut regarder ce qu'ont payé ces collectivités locales pendant un temps, puisque la plupart des produits aujourd'hui dénoncés, étaient des produits complexes sur les taux d'intérêts. Et donc il y a eu des taux d'intérêts à 2 ou 3%, très peu cher à un moment donné, à l'époque. Et puis, il y a eu une montée brutale vers des 8 ou 10 % et ce qu'on appelle une cristallisation, C'est-à-dire une fixation à ce niveau là pendant un temps ...

    Journaliste [en interrompant] : Donc vous dîtes que nous ne sommes pas des escrocs, vous êtes des incompétents, c'est ça la réponse du banquier ce matin?

    George Pauget : Non...c'est de dire, si vous voulez, que faire porter sur les banquiers aujourd'hui, c'est facile, parce qu'on a beaucoup dit sur eux, ça devient un thème à la mode. Ce que je dis simplement, c'est faisons un inventaire rationnel, et on verra que la vie n'est pas en noir et blanc, mais qu'elle a beaucoup de nuances.

    Annexe 7 : Entretien de Monique Leroux PDG du Mouvement Desjardins

    Interview: Monique Leroux

    Article by Anca Voinea 3 October 2012

    Co-operative News

    Co-operatives United will explore how co-operatives can build a better world through finance with a series of key speakers who will look at how to grow the co-operative economy on Thursday morning.

    Here, we speak to Monique Leroux, Chief Executive of the Quebec-based and multi-billion financial cooperative Desjardins, who will present a keynote speech during the Co-operative Congress.

    Do you believe the International Year of Co-operatives can mark a historical turn in the co-operative sector?

    By proclaiming 2012 the International Year of Cooperatives, the United Nations has given us a golden opportunity to promote this business model that we believe in so wholeheartedly. By virtue of this declaration, the UN has underlined the relevance of cooperatives in the world today.

    This exceptional year provides us with unique opportunities to network within the co-operative movement, between co-operative leaders and partner organizations, through many national and international meetings. For instance, the IYC facilitates a more in-depth understanding of the co-op model by business schools and universities, as well as by regulatory bodies and rating agencies.

    Have financial co-operatives proven to be more sustainable enterprises, if one is to look at how they have coped with the crisis? How did Desjardins face the recession?

    Based on what has been compiled worldwide on how banks and financial co-operatives managed through the 2008 crisis, most recovered better and faster than many commercial banks. The reason is that while co-ops are driven by long-term objectives, a lot of banks were involved in speculative investments with short-term gains.

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    Are there misconceptions people tend to have when it comes to financial co-operatives and co-operatives in general? How can these be addressed?

    Even though co-operatives may not be well understood by the general public, they play a huge role in today's economy. For example the largest 300 co-operatives in the world -- in all areas of activity -- generate over 1,600 billion CAN dollars' worth of business each year. This is the same amount as Canada's GDP, which is the tenth largest economy in the world.

    If co-operatives are not well known, it might also be that many of them hide behind familiar brand names. Everyone in North America knows Sunkist oranges, but most people don't realize that Sunkist is actually the biggest fruit and vegetable marketing co-op in the world. It has been around since 1893 and its members are fruit growers in California and Arizona. Another example: 35% of the world's maple syrup is brought to market by Quebec co-operatives. And 60% of milk produced in Quebec comes from members of the Agropurcooperative.

    Co-operatives are resilient organizations. The first insurance companies in North America were mutual companies or co-operatives. The oldest of these date back to the 18th century. Benjamin Franklin helped create the first mutual insurance company in Philadelphia in the 1730s. At the time, the community wanted to protect itself against the devastation caused by fire. Today, the Philadelphia Contributionship is still in business.

    You said that a new economic order is emerging. What role do you believe co-operatives will play in the global economy in the future, particularly in developing countries?

    Over the past few years I have come to know the great power of cooperatives, both personally and professionally, and what they have to offer. This has become especially clear given our current economic and financial climate. Now, individuals and communities are looking for new models and new ways of working together to build society.

    At Desjardins, we are also very proud to be a part of the global co-operative movement. Co-operatives all over the world share a common vision for society and an economy that serves human development.

    This is why we believe in the amazing power of co-operatives to help us build a better world together. For example, for the last 40 years Desjardins Group, through its unit Développement international Desjardins (DID), has been helping several developing countries to set up or consolidate financial co-operative systems. Today DID supports co-operatives that reach some 8 million individuals, particularly in Africa, Latin America and Haïti. I truly believe that the co-operative model is one that best meets the needs of developing countries, as it is a model that is based on democracy, equality and solidarity.

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    Annexe 8 : la structure organisationnelle du Groupe Crédit Agricole

    Figure 15: La structure organisationnelle du Groupe Crédit Agricole (2013) (La France Agricole, 2013, p.1).

    Figure 16 : Structure mutualiste versus structure bancaire (2014)(Ugeux, 2014, p. 1)

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    Annexe 9 : Organigramme Crédit Agricole SA 2003-2014

    Figure 17 : Organigramme Crédit Agricole SA 2003 (Le Billon, 2003, p. 1)

    Figure 18 : Organigramme Crédit Agricole SA 2007 (A.C, 2007, p. 1)

    141

    Annexe 10 : Données financières du Crédit Agricole et Mouvement Desjardins 2005-2011

    Tableau 8 : Données financières du Crédit Agricole.

    Source : Centre d'études Desjardins des coopératives de services financiers de HEC Montréal (2012)

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    Tableau 9 : Données financières du Mouvement Desjardins.

    Source : Centre d'études Desjardins des coopératives de services financiers de HEC Montréal (2012)

    144

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    Annexe 11 : Organigramme du Mouvement des caisses Desjardins Figure 19 : Organisation du Mouvement Desjardins (Desjardins, 2015).

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    Notes de fin de document

    1 La crise des subprimes aux États-Unis a été la conséquence de l'éclatement d'une bulle immobilière après que des prêts et crédits hypothécaires (en anglais subprimes mortgages ou subprimes mortgages loans) dont les taux d'intérêts avaient augmenté après plusieurs années, aient engendré une défaillance considérable de remboursement principalement parmi les ménages américains, entraînant ainsi la perte de milliards de dollars US dans le secteur financier (banques et assurances) et des foyers de millions de ménages américains qui se sont retrouvés à la rue du jour au lendemain.

    2 Susan Webber est une ancienne employée de Goldman Sachs et y a travaillé entre 1981 et 1983. Par la suite, elle fonde sa firme de consulting en management et investissement, puis se lance dans l'écriture sous le pseudonyme « Yves Smith ». Via son blog « Naked Capitalism », elle dévoile les pratiques dangereuses de la finance sur l'économie réelle et la société civile en général.

    3 Extrait interview du documentaire vidéo « Goldman Sachs : les nouveaux maîtres du monde » (Léon, 2011). Voir Filmographie

    4 Acte Glass-Steagall est un acte bancaire voté par le Congrès américain en 1933. Ce dernier interdisait aux banques commerciales de participer à des activités d'investissement bancaire dans le but de séparer les activités bancaires de dépôt et d'investissement bancaire. Ceci avait pour objectif d'empêcher les banques d'utiliser les fonds déposés de leurs clients pour les investir dans des opérations financières à caractère spéculatif. Ces pratiques étaient considérées à l'époque comme étant en partie responsable du crash boursier de 1929. Le Glass-Steagall Act a été introduit par Carter Glass, ancien Secrétaire au Trésor et le Sénateur Henry Steagall comme mesure d'urgence pour contrer la faillite de presque 5000 banques durant la Grande Dépression suite à la crise financière de 1929. Le Glass-Steagall Act a été finalement retiré en 1999, mais après la crise financière de 2008, le débat sur la réinstauration de cet acte a été relancé en justifiant que la non séparation des activités bancaires commerciales et d'investissement aurait contribué à la crise financière en 2008. Source : Investopedia.com

    5 Semmae (2011) citant Aoki (2000).

    6 Les Accords de Bâle sont des accordes de réglementation bancaire signés dans la ville de Bâle (Suisse), et élaborés par le Comité de Bâle. Le Comité regroupe les banques centrales et autorités de régulations de 27 pays développés et émergents. Ces accords visent notamment à garantir un minimum de capitaux propres, afin d'assurer la solidité financière des banques (Bâle I); surveillance des capitaux propres et transparence sur les marchés (Bâle II); amélioration de la qualité des capitaux propres et réglementation et surveillance des activités bancaire hors bilan des produits dérivés (Bâle III).

    7 Les normes IAS/IFRS sont regroupées dans une liste communément appelée la liste des normes internationales d'informations financière ou International Financial Reporting Standards (IFRS). Ces dernières comprennent notamment les normes comptables internationales ou International Accounting Standards (IAS).

    8 Les pionniers de Rochdale sont un groupe de douze tisserands à Rochdale (Royaume-Uni) qui ont fondé l'une des premières coopérative le 11 août 1844 qu'est la Société des pionniers équitables de Rochdale. Les principes coopératifs mis en place par ces tisserands en 1844 sont revus en 1854 aboutissant à quatre principes qui deviennent obligatoires : l'adhésion libre, le contrôle démocratique (un membre égale un vote), des ristournes au prorata et un taux limité de rémunération du capital. Au fil des ans, d'autres principes se rajoutent mais seulement recommandées tels que la neutralité politique et religieuse, la vente au comptant sans crédit et le développement de l'éducation (Malo, Vendrame et Pauchant, 2006).

    9 La lettre de change est un effet de commerce (titre de créance) qui peut circuler par endossement et qui se support à des opérations de crédit.

    10 Les produits dérivés sont des actifs financiers dont la valeur dépend de celle d'un autre actif appelé « titre sous-jacent ». C'est donc un instrument financier sous-jacent d'un actif qui permet de fixer le prix de ce dernier pour une période donnée. La valeur d'un produit dérivé dépendra donc de la valeur de son actif sous-jacent au cours du temps. Initialement ces produits avaient pour but de couvrir les entreprises contre des risque financierstel qu'une augmentation du prix des matières premières ou un risque de change. Source : Lexique Bourse, andlil.com (2015).

    11 Le calcul stochastique en finance est l'étude de principaux outils de la théorie de la probabilité qui sont utilisés en finance et en ingénierie financière. Il s'agit d'utiliser des concepts mathématiques en ingénierie financière tels que le processus de diffusion, mesure neutre au risque, la structure de l'information, les martingales etc. Source : HEC Montréal (2015).

    12 CDS pour Credit Default Swap ou bien Swap sur défaillance qui est un « Contrat dans lequel l'une des contreparties, l'acheteur de protection, transfère tout ou partie de la perte potentielle sur un actif ou un portefeuille d'actifs de référence pouvant résulter d'un incident de crédit défini et convient de payer une prime à l'achat ou périodiquement sur la durée de l'opération, alors que l'autre contrepartie, le vendeur de protection, convient de dédommager l'acheteur dans le cas où l'incident de crédit se produirait, proportionnellement à la perte de valeur de l'actif ou du portefeuille d'actifs de référence ». Source : Dictionnaire des dérivés et autres instruments financiers (c) Ordre des comptables agréés du Québec, 2009.

    13 Voir Filmographie Léon, 2011.

    14 Titres garantis par des créances (Collateral debt obligation): Titre issu d'une opération de titrisation, dans le cadre de laquelle un portefeuille composé de créances, d'instruments de créances négociables, particulièrement des obligations de sociétés, ou d'autres instruments ou actifs financiers de nature diverse, est transformé en plusieurs tranches de titres en fonction de certains critères, notamment l'échéance, le taux d'intérêt, les flux financiers et le degré de risque de crédit des créances sous-jacentes à chaque tranche. Source : Dictionnaire des dérivés et autres instruments financiers (c) Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2014.

    15 Option sur défaillance (Credit default option - CDO) : Contrat dans lequel l'une des contreparties, l'acheteur de protection, transfère tout ou partie de la perte potentielle sur un actif ou un portefeuille d'actifs de référence pouvant résulter d'un incident de crédit défini et convient de payer une prime à l'achat ou périodiquement sur la durée de l'opération, alors que l'autre contrepartie, le vendeur de protection,

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    convient de dédommager l'acheteur dans le cas où l'incident de crédit se produirait, proportionnellement à la perte de valeur de l'actif ou du portefeuille d'actifs de référence. Source : Dictionnaire des dérivés et autres instruments financiers (c) Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2014.

    16 Acte Glass-Steagall : Voir note n° 4

    17 Patrick Lagadec (2015) site internet : http://www.patricklagadec.net/fr/

    18 Voir Filmographie, Léon (2011).

    19 Friedrich-Guillaume Raiffeisen (1818-1888) est le fondateur du Crédit mutuel en Allemagne à partir de 1863 jusqu'à 1888. Après avoir inspiré la création d'une centaine de caisses de crédit mutuel en Allemagne, il organise en 1869 une Caisse centrale de compensation, puis une fédération en 1877. Source : CRESS (Chambre régionale d'économie sociale et solidaire d'Ile de France).

    20 Hermann Schulze-Delitzsch (1808-1883) est avec Friedrich Raiffeisen, le promoteur du Crédit populaire en Allemagne au XIXème siècle. Il fonde un comptoir d'escompte dont l'originalité est qu'il s'adresse aux artisans et aux boutiquiers ignorés par les établissements bancaires traditionnels. Siégeant au Reichstag à partir de 1861, Schulze-Delitzsch influence la loi de 1867 sur les coopératives. En 1864, il fédère ses comptoirs d'escompte à l'Union générale des sociétés coopératives et industrielles. Source : CRESS (Chambre régionale d'économie sociale et solidaire d'Ile de France).

    21 Syndication : Regroupement de banques pour la réalisation d'une ou plusieurs opérations financières. Source : Dictionnaire Larousse (2015).

    22 Voir Filmographie, Robin (2014).






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand