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La liberté du sujet éthique chez Kant et Fichte

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par Christophe Premat
Université Paris I - DEA d'Histoire de la Philosophie 2000
  

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b) L'espace juridico-politique coordonne ces différents corps.

Avant d'examiner la fonction propre de l'État, il faut mettre en évidence l'impossibilité d'une applicabilité du droit naturel. Or, la loi juridique d'action réciproque a été déduite en tant que condition de possibilité, et les conditions qui permettent que telle loi soit également applicable ont été également déduites. Les corps apparaissant les uns aux autres, font que chacun limite sa liberté en fonction du concept de la possibilité d'autrui. Une loi est en vigueur aussi longtemps qu'elle est voulue, mais comment puis-je avoir la garantie que les autres en feront autant ? Une relation juridique n'a de sens que si les autres la veulent aussi. Les actes de l'autre peuvent me montrer qu'il ne veut pas d'une relation juridique avec moi, et ainsi son comportement peut me libérer de la loi juridique parce qu'il rend inapplicable la loi. Il faudrait que je connaisse la totalité des actes à venir de l'autre pour savoir si j'entre avec lui en relation juridique. Par ailleurs, je ne peux juger l'ensemble des actes d'autrui qu'à la condition que je lui restitue sa liberté d'agir, c'est-à-dire que je cesse d'exercer sur lui ce droit de contrainte. Le droit de contrainte est un droit naturel de tout être raisonnable dès lors qu'un autre être raisonnable ne le traite pas comme tel, ce droit naturel est inapplicable car son applicabilité renferme une contradiction ; il n'existe pas de droit naturel, puisque la réponse au fait de savoir s'il est applicable ou non, suppose qu'on cesse de l'appliquer. Le droit de contrainte n'est applicable que par un tiers auquel l'un et l'autre remettent le pouvoir de juger de l'application. Le droit naturel ne devient applicable qu'en cessant d'être naturel, il devient un droit politique que les hommes remettent entre les mains d'une puissance qui leur est supérieure, à savoir l'État. "Il n'y a donc absolument aucune application possible du droit de contrainte, sauf dans une communauté : sinon, la contrainte est toujours seulement problématiquement légitime"89(*). Le droit naturel repose sur l'insécurité des actes d'autrui, son application est impossible parce que je suis incertain quant au respect des lois juridiques par autrui. Le droit est fait pour être appliqué, il requiert l'existence du corps sans laquelle la causalité de la volonté ne peut se manifester. Il requiert également, afin de garantir et de maintenir la réciprocité dans la liberté, un ordre de contrainte qui n'a pas d'équivalent dans le domaine moral. L'État a pour rôle d'assurer la sécurité de ses sujets et de coordonner l'activité des différents corps.

C'est grâce à une sécurité que la liberté des différents sujets peut pleinement se réaliser et sortir d'une indétermination. Cette sécurité correspond à la normativité des droits de chacun, l'interprétation de la norme étant uniquement l'affaire de l'État. Ce dernier n'a pas de valeur propre, il n'est qu'un moyen nécessaire mais qui ne doit pas subsister pour soi. La troisième section de la première partie du Fondement du droit naturel présente la réalité de l'État à travers des métaphores organologiques en le comprenant davantage comme unité d'une totalité rationnelle. L'individu accepte de rentrer dans un État quand il approuve sa constitution, parce qu'il la juge apte à obtenir une sécurité maximale. "C'est uniquement sous la garantie offerte par cette constitution déterminée pour sa sécurité que chaque individu est entré dans l'État."90(*) C'est par un contrat que l'individu accepte d'être membre de l'État, il lui doit obéissance, et s'il se démet de ses droits et ne reconnaît plus l'État, il doit alors choisir l'exil. Schottky, dans un article concernant la philosophie politique de Fichte, montre que le Fondement du droit naturel est construit sur un divorce entre une tendance libérale (l'individu n'est pas soumis complètement au Tout) et une tendance absolutiste (l'État comme stade nécessaire et incontournable du processus dans lequel la raison retourne à soi). L'État est une réalité nécessaire, mais à la différence des théories universalistes, l'individu n'est pas tout entier membre de l'État. L'évolution de la pensée politique de Fichte entre 1793 et 1796 est importante car en 1793, Fichte croyait à un intelligible pour tous, se déduisant immédiatement de la loi morale et obligeant inconditionnellement les particuliers, indépendamment de tout rapport à l'État. Or, en 1796, la déduction du droit est effectuée à partir de l'intersubjectivité, le concept de droit étant toujours rapporté à une relation réciproque et réelle entre les personnes dans un monde réel ; le concept de droit trouve sa réalisation non plus dans un simple système de normes ou dans un vouloir individuel conforme à la norme, mais exclusivement dans la communauté juridique réelle.

La force de l'État est de réaliser une certaine prospérité des citoyens, en assurant une sécurité maximale, le lien réel entre les individus étant l'intérêt commun. Il n'y a pas tant un divorce entre un point de vue libéral et un point de vue absolutiste qu'une correction réciproque de ces points de vue, car comme le dit Schottky "comme sphère de coercition possible, la vie juridique et politique est par essence déterminée par l'autre côté négatif de la communauté originaire : par le moment du laisser-libre réciproque. Garantir la sphère du libre-arbitre pour chaque individu est l'ultime fin immédiate de l'État."91(*) Les deux points de vue sont en fait solidaires, le divorce n'est qu'apparent, la fin du Fondement du droit naturel montrant que le concept de l'unité de l'État est conçu comme moment d'une métaphysique de l'unité, car la véritable unité est celle décrite dans la Sittenlehre de 1798, c'est-à-dire celle de toute l'humanité, l'unité morale, suprapolitique. L'État est un moyen qui vise sa suppression dans la réalisation d'une unité éthique en l'annonçant. Je ne dois pas me soumettre à ce dernier parce qu'il assure ma conservation (sinon on affirmerait le point de vue de Hobbes) mais surtout parce qu'il est la promotion de la fin idéale exprimée dans la loi morale, à savoir l'absolue souveraineté de la raison dans le monde sensible. La coexistence des corps dans l'ordre juridique est nécessaire en vue de la coexistence des corps spirituels dans l'ordre éthique.

* 89 Ibid., p.162.

* 90 Ibid., p.197.

* 91 R.SCHOTTKY, La Grundlage des Naturrechts de Fichte et la philosophie politique de l'Aufklärung in "Archives de philosophie", 1962, p.481.

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