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La liberté du sujet éthique chez Kant et Fichte

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par Christophe Premat
Université Paris I - DEA d'Histoire de la Philosophie 2000
  

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Chapitre 2 : L'effort réunit les préoccupations communautaires à un individualisme moral.

1) La loi morale comme « document de la liberté » chez Kant.

L'expérience nous révèle que l'être humain a le pouvoir de se déterminer par la raison, indépendamment des mobiles de la sensibilité et que l'on appelle ainsi pratique ce qui est possible par liberté, mais elle nous révèle également que ce pouvoir de la raison donne naissance à des prescriptions de devoir-être (Sollen), la liberté se joue donc dans le passage d'un pouvoir à un devoir, passage s'effectuant grâce à l'existence de la loi morale. Celle-ci est la ratio cognoscendi de la liberté qui, elle, est sa ratio essendi. Comme l'écrit Kant, « le principe fondamental de la moralité n'est pas un postulat. »44(*) En effet, « les lois pratiques sont, à l'exemple des postulats mathématiques, indémontrables et pourtant apodictiques. »45(*) La loi morale se présente à nous sous la forme d'un commandement ; or, sans la liberté, la loi morale ne se trouverait nullement en nous, mais sans la loi morale, la liberté nous demeurerait totalement inconnue. Les deux concepts s'impliquent réciproquement, car la liberté fonde la loi morale et la loi morale prouve la liberté. La loi est à elle-même sa propre justification : la loi morale n'est pas prouvée (bewiesen), elle "prouve sa réalité" (beweist seine Realität)46(*). Nous n'avons pourtant de la liberté aucune intuition, ni sensible ni intellectuelle et la loi morale n'existe pas pour combler cette lacune et donner de la liberté une détermination théorique. Certes, elle peut se saisir à travers des schèmes, mais son rôle est déterminant pour la volonté, parce qu'elle justifie l'idée de liberté.

La loi morale n'a pas besoin de déduction parce qu'elle est un fait de la raison, tandis que la liberté a besoin d'une déduction, bien qu'elle soit un fait de la raison. La déduction de cette dernière est cependant immédiate et c'est pour cela qu'elle se confond avec ce fait. La liberté est finalement déduite en son plus haut point de la conscience de la loi morale : "la raison pure peut être pratique, c'est-à-dire, déterminer la volonté par elle-même, indépendamment de tout élément empirique et elle l'établit à vrai dire par un fait (Factum), dans lequel la raison pure se prouve elle-même (sich beweist) comme effectivement (in der That) pratique en nous, à savoir par l'autonomie dans le principe fondamental de la moralité, au moyen duquel elle détermine la volonté à l'action (That)."47(*) Le fait de la raison révèle la présence en nous de la raison pure pratique, raison autonome qui pose la loi morale. Aussi bien le fait de la raison est-il moins un fait donné à la raison que la raison elle-même considérée comme fait. "La loi morale est le fait unique de la raison pure, qui s'annonce par là comme originairement législative."48(*) La liberté est alors conçue tantôt comme un fait de la raison, tantôt comme déduite immédiatement à partir d'un fait de la raison.

Si la liberté est un fait, elle n'est cependant pas un fait d'expérience, mais un fait dans l'expérience parce que ce que nous saisissons dans l'expérience, ce n'est pas la liberté elle-même, mais des actions réelles qui manifestent cette liberté. Autrement dit, la liberté se manifeste dans le monde, mais ne relève pas de celui-ci : nous savons que nous sommes libres mais nous ne connaissons pas en elle-même notre liberté. La loi morale, en manifestant l'idée de liberté, nous appelle à devenir membre du monde intelligible. En effet, par la raison, je connais la loi morale et, par là même, "je me reconnais lié par une connexion universelle et nécessaire."49(*) Je deviens membre législateur au sein de ce monde ; l'acte législateur n'est cependant pas laissé à l'arbitraire du sujet car la position de la loi morale est tout aussi inconditionnée que cette loi elle-même.

La volonté libre, en effet, ne peut agir sans loi, c'est à la fois librement et nécessairement qu'elle pose la loi morale, mais c'est précisément parce qu'elle est libre qu'elle se donne nécessairement à elle-même, comme loi, la forme universelle de toute loi. Ici intervient alors la distinction entre volonté pure législatrice (Wille) qui est une volonté objective intelligible, et la volonté du libre-arbitre (Willkür) qui est la volonté subjective affectée par le sensible. Il existe donc des degrés de liberté et la liberté éthique constitue le plus haut degré. L'être vertueux doit s'efforcer de réduire au maximum la contingence de l'action morale et tendre à la rendre nécessaire, l'effort impliquant un progrès vers une sainteté de la liberté et une détermination supérieure de la liberté. Cet effort n'est pas une soumission au sens usuel du terme, mais une obéissance qui marque la liberté du sujet. "Comme sujet de la législation morale, procédant du concept de liberté, et suivant laquelle l'homme est soumis à une loi qu'il se donne à lui-même (homo noumenon), l'homme est un autre être que l'homme sensible doué de raison, mais cette considération n'a de sens qu'à un point de vue pratique."50(*) La liberté est donc un devoir pour l'homme. Les deux degrés de la volonté entrent en jeu dans la conscience morale, puisque lorsque la loi morale se manifeste à nous dans l'expérience de l'obligation, elle nous révèle tout ensemble la liberté de la volonté autonome qui pose la loi et la liberté de la volonté arbitraire qui peut choisir pour ou contre la loi, d'où l'existence et la possibilité du mal. Nous avons une liberté de choix, car soit nous sommes pour la loi morale, soit nous sommes contre, il n'y a pas d'intermédiaire. L'homme a le pouvoir de déterminer le fondement de ses maximes en fonction de la loi morale, il devient responsable. Si la loi morale est la ratio cognoscendi de la liberté du libre arbitre, la liberté du libre arbitre est la ratio essendi de notre responsabilité morale.

Ce qu'il y a de libre dans notre libre arbitre ne tient pas à notre puissance d'agir contre la raison, mais au contraire à la faculté d'agir conformément à la loi. Plus nous agissons en fonction de cette loi, plus nous nous forgeons un caractère intelligible qui ne change pas avec les circonstances extérieures. Quand nous parlons de caractère, "il n'est pas question de ce que la nature fait de l'homme, mais de ce que l'homme fait de lui-même."51(*) Que ce caractère soit bon ou mauvais, ce n'est certes pas à la nature qu'il faut en attribuer le mérite ou la faute. Il existe cependant une disposition naturelle, qui fait de l'homme un être moral capable d'admettre dans ses maximes le respect de la loi comme mobile déterminant de son action. Pour se réaliser pleinement et manifester son autonomie authentique, la liberté humaine n'a donc pas à s'opposer à la nature, mais à la dépasser en actualisant par un acte de liberté une potentialité déjà inscrite dans la nature elle-même, en choisissant effectivement (in der That) comme mobile cette loi morale, c'est-à-dire en faisant en sorte qu'à la "disposition au bien"52(*) constitutive de la nature s'ajoute un "penchant au bien"53(*) qui serait alors l'indice que la Willkür a décidé de devenir Wille. L'acquisition d'un caractère est primordial pour la constitution de la personnalité morale car cette dernière "n'est pas autre chose que la liberté d'un être raisonnable soumis à des lois morales."54(*) Le caractère intelligible est le fondement d'un choix intemporel qui détermine la totalité de mes actions dans l'ordre phénoménal : il s'affirme dans l'effort fourni par le sujet pour déterminer ses maximes en fonction de la loi morale.

* 44 KANT, Critique de la raison pratique, Ak.V.238, p.141.

* 45 Ibid., Ak.VI 225, p.100.

* 46 Ibid., Ak.V 83, p.48.

* 47 Ibid., Ak.V 72, p.41.

* 48 Ibid., Ak.V 56, p.31.

* 49 Ibid., Ak.V 289, p.173.

* 50 KANT, Doctrine de la Vertu, § 13, Ak.VI 439, p.113.

* 51 KANT, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, Ak.VII 292, p.140.

* 52 KANT, La Religion dans les limites de la simple raison, Ak.VI 47, p.67.

* 53 Ibid., Ak.VI 28, p.44.

* 54 KANT, Doctrine du Droit, Ak.VI 223, p.470.

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