4.4. Leucocytes,
hémoglobine et anémie chez les drépanocytaires SS
Le comportement de dispersion des leucocytes était
diamétralement opposé à celui de l'Hb selon la
présence du gène S, de la sévérité de la
maladie drépanocytaire et du paludisme, du sepsis et du
décès. En effet, les leucocytes montraient une variabilité
très marquée chez les drépanocytaires SS, les
drépanocytaires SS avec paludisme grave, chez les drépanocytaires
SS en phase critique et chez les drépanocytaires SS
décédés. Contrairement à l'hyperleucocytose
associée au paludisme grave qui accentuait la variabilité des
leucocytes chez les drépanocytaires SS, l'effet du sepsis était
indifférent sur cette variabilité des leucocytes. Par contre,
l'extrême variabilité de l'hémoglobine était
notée chez les témoins AA et non chez les drépanocytaires
SS. Cette variabilité de l'Hb était renforcée chez les
témoins AA décédés.
Les présentes données suggèrent une
physiopathologie des leucocytes indépendante de celle des globules
rouges chez les drépanocytaires SS. Mais tel n'était pas le cas
chez les témoins AA. En effet, la relation négative et
significative entre le taux des leucocytes et celui de l'Hb observée
chez les témoins AA, ne l'était plus chez les
drépanocytaires SS aussi bien en phase critique qu'en phase post
critique (intercritique). L'anémie hémolytique chronique chez les
drépanocytaires SS, entraînant à la longue l'augmentation
des indices érythrocytaires et la stimulation de
l'hématopoïèse (88), pourrait expliquer la tendance
à l'augmentation de l'Hb, du reste, très péjorative
(40). Ce qui serait à la base de l'absence de corrélation entre
les leucocytes et l'Hb chez les drépanocytaires SS. Ceci est d'autant
plus vrai que la valeur moyenne des leucocytes des anémiques
était identique à celle des non anémiques chez les
drépanocytaires SS en phase critique.
Les leucocytes ont certainement une importance
particulière dans l'environnement du GR drépanocytaire ;
là aussi on ignore si la variabilité des leucocytes aurait
particulièrement une base génétique. Une mutation, base
génétique à un moment précis de la physiopathologie
des leucocytes chez les drépanocytaires SS répondant au stimulus
externe devrait être identifié.
4.5. Mortalité
hospitalière et drépanocytose
En régression logistique, le drépanocytaire SS,
l'AVC, le sepsis, l'entérite fébrile, l'hyperleucocytose et
l'âge < 10 ans étaient les prédicteurs de la
mortalité hospitalière globale. Mais en considérant la
fonction temps, la drépanocytose SS, le sepsis, l'AVC et l'âge
n'étaient plus retenus comme prédicteurs significatifs de la
mortalité globale. Mais l'hyperleucocytose de la drépanocytose
était toujours prédicteur significatif de décès
endéans les 10 jours d'hospitalisation aux soins intensifs.
Le seuil > 15.000 leucocytes/mm3 a
été identifié comme le seuil discriminant les
drépanocytaires SS et les témoins AA décédés
des survivants. Et en considérant les valeurs usuelles des leucocytes
chez les drépanocytaires SS, seule l'hyperleucocytose des
drépanocytaires SS était identifiée comme
prédicteur de décès à l'opposé de la
leucopénie et de l'intervalle adéquat des leucocytes montrant une
protection statistique vis-à-vis du décès. Cette
étude confirme le rôle létal de l'hyperleucocytose
(27,89,90) et du taux de leucocyte >15.000
éléments/mm3 (27). L'hyperleucocytose, l'anémie
sévère et la dactylite sont bien connues comme facteurs de
mauvais pronostic chez les enfants noirs américains
drépanocytaires (4).
4.6. Implication de l'hyperleucocytose dans la prise en charge
des drépanocytaires SS
La présente étude démontre que
l'augmentation des leucocytes est plus péjorative que leur diminution
chez les drépanocytaires SS. Elle définit le taux des leucocytes
>15.000 éléments/mm3 à combattre par des
médicaments actuellement disponibles comme l'Hydroxyurée, les
glucocorticoïdes et l' Epo (14,22,28). L'Hydroxyurée, les
glucocorticoïdes et l' Epo diminuent l'expression des molécules
adhésives et corrigent la déficience membranaire des leucocytes
chez les drépanocytaires SS. Ce qui tend à diminuer
l'inflammation et l'agrégation cellulaire. Plusieurs études ont
démontré l'augmentation de l'Hémoglobine foetale, une
diminution des crises vaso-occlusives et la mortalité après
administration de l'Hydroxyurée (93-102).
La présente étude attire l'attention du
clinicien à ne pas basculer les drépanocytaires SS traités
par l'Hydroxyurée en état de leucopénie. Cette
leucopénie était aussi comme l'hyperleucocytose associée
à un taux élevé de paludisme grave chez les
drépanocytaires. Ainsi, la baisse des leucocytes (neutrophiles)
liée à l'Hydroxyurée viendrait fragiliser le
drépanocytaire SS devant le paludisme grave.
L'absence du rôle des infections sur l'hyperleucocytose
des drépanocytaires SS ne justifierait plus l'administration abusive
d'antibiotique aux drépanocytaires SS de Kinshasa ayant une leucocytose
entre 10.000 et 12.000 GB/mm3 : le taux le plus bas de paludisme
grave chez le drépanocytaire SS coïncidant avec un taux de
leucocyte égal à 7.400 - 12.000 GB/mm3 ;
l'infection intervenant au-delà de 17000 GB/mm3.
La prise en charge des drépanocytaires SS gagnerait en
maintenant les leucocytes des drépanocytaires SS dans le strict
intervalle adéquat et physiologique (4000-15000
éléments/mm3). Ce qui pourrait améliorer
l'espérance de vie et diminuer les infections
généralisées, les crises vaso-occlusives et le paludisme
grave.
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