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Analyse techno-sémio-pragmatique

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par Maria Luisa TELENTI-ASENSIO
Université Stendhal Grenoble 3 - Master 2 Recherche, Sciences du Langage, spécialité didactique de langues 2007
  

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Table de matières

INTRODUCTION 3

1 CADRE THÉORIQUE 6

1.1 De la langue, système de signes, aux interactions multimodales 6

1.1.1 De la langue-système à la langue instrument de communication 6

1.1.2 Le schéma de la communication 8

1.1.3 La communication en situation 9

1.1.4 La communication non-verbale 10

1.1.5 Les actes de langage et l'interaction 10

1.1.6 L'interaction en classe de langue et les énoncés métalangagiers 10

1.2 La communication médiatisée par ordinateur (CMO) 10

1.2.1 Interaction plurisémiotique en ligne 10

1.2.2 Organisation séquentielle et interactionnelle 10

1.2.3 Dimension techno-sémio-pragmatique : icônes et émoticones 10

1.2.4 Les médias, la communication médiatique et médiatisée 10

1.2.5 Communication électronique et types de discours 10

1.3 Des TICE à la CPMO 10

1.3.1 Les médias et les TICE, de l'EAO à l'ACAO 10

1.3.2 Interactivité homme-machine et interaction humaine 10

1.3.3 FLE-FAD, systèmes et dispositifs 10

1.3.4 La communication pédagogique médiatisée par ordinateur (CPMO) 10

2 METHODOLOGIE 10

2.1 Choix et type de données 10

2.1.1 Justification du choix des données 10

2.1.2 La saisie des observables et la constitution du corpus 10

2.2 Démarche de construction d'un modèle 10

2.2.1 Observation et présentation des données 10

2.2.2 Approche systémique 10

2.2.3 La modélisation 10

2.2.4 Domaines ou niveaux d'analyse 10

3 ANALYSE 10

3.1 Contexte institutionnel 10

3.1.1 Dispositif du tutorat en ligne 10

3.1.2 Cadre pédagogique 10

3.2 Le forum de la plate-forme Moodle, un système hiérarchisé 10

3.2.1 Structuration hiérarchisée des contributions 10

3.2.2 Données quantitatives 10

3.2.3 L'arborescence dans les fils de discussion 10

3.2.4 Structuration et fonctionnalité interne des contributions 10

3.2.5 Interventions initiatives, réactives, proactives et mixtes 10

3.2.6 Gestion du polylogue 10

3.3 La construction d'une relation, mouvements d'ajustement 10

3.3.1 Un type de relation se met en place 10

3.3.2 Premiers échanges à dominante référentielle ou relationnelle 10

3.3.3 Mouvements d'ajustement 10

3.4 Type ou genre de discours 10

3.4.1 Communication non-langagière 10

3.4.2 Actes discursifs plurisémiotiques 10

3.4.3 Place, portée et fonction des émoticones 10

4 RÉSULTATS ET DISCUSSION : ANALYSE SYSTÉMIQUE-PLURIDIMENSIONNELLE 10

4.1 Révision du schéma : composantes de la situation pédagogique 10

4.2 Interactivité et interaction discursive plurisémiotique 10

4.3 Actes de langage et interaction 10

4.4 Contrat didactique, rapport de places, figuration 10

4.5 Type de tutorat 10

4.6 Limites du système... ou avantages ? 10

4.7 Interprétation : les unités, dans leur contexte 10

4.8 Modalité de discours et espace d'exposition discursive 10

CONCLUSION 10

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 10

ANNEXES 10

Introduction

Comme enseignante de FLE et formatrice, nous nous intéressons depuis longtemps à l'intégration des technologies, et plus particulièrement à l'utilisation d'Internet dans l'enseignement-apprentissage des langues étrangères. Au milieu des années quatre-vingts, quand nous débutions, l'enseignement-apprentissage assisté par ordinateur (EAO) démarrait. Si à ce moment-là l'usage pédagogique des ordinateurs nous paraissait peu convaincant, dès que l'ordinateur est entré en réseau et qu'il est devenu à la fois fournisseur de ressources documentaires et moyen de communication, à la fin des années quatre-vingt-dix, il nous a semblé qu'une nouvelle ère pour l'éducation et la formation était en train de naître. Nous sommes convaincue des apports du réseau Internet pour la formation à distance en langues étrangères, notamment par le fait qu'il permet de mettre l'apprenant en contact avec le natif, dans des situations de communication visant des objectifs linguistiques, culturels et pragmatiques ; mais nous sommes également consciente des difficultés et des besoins en formation entraînés par ces avancées des technologies de l'information et de la communication (TIC). Celles-ci amènent d'ailleurs souvent les universités à réviser les programmes de formation en fonction des nouvelles exigences liées aux nouveaux outils. Parallèlement, les changements sociaux rendent encore plus nécessaires les contacts interculturels et la collaboration à distance. La recherche dans l'axe entre ces deux domaines suggère des pistes d'utilisation des TIC précisément pour la formation en langues, la conception de scénarios pédagogiques basés sur une approche de nature socio-constructiviste et interculturelle, facilitant des `rencontres' à distance qui favorisent les échanges à la fois langagiers et culturels authentiques.

En même temps, l'étude des supports de communication, de leurs caractéristiques et de leur effet sur la communication a contribué à consolider la communication médiatisée par ordinateur (CMO) comme un nouveau champ de recherche intéressant des disciplines comme les sciences de l'information et la communication, la sociologie et les sciences du langage. Nous présenterons dans la sous-partie 2.2 ce champ qui cherche à décrire les formes discursives de la CMO à partir de principes et méthodes élaborés dans le sillage des recherches issues de disciplines aussi différentes que l'anthropologie, la psychologie, la sociologie et la linguistique.

Certains de ces travaux en CMO prennent pour objet des interactions pédagogiques. Etant donné les « questions spécifiques d'ordre éducatif » qui caractérisent ces échanges, Dejean-Thircuir & Mangenot (2006a : 7), à l'instar de Peraya (2000), proposent « de parler dans ce cas de `communication pédagogique médiatisée', pour désigner en quelque sorte un sous-domaine empruntant des outils d'analyse et certaines références théoriques à la fois à la CMO et aux champs de la didactique et de l'analyse des interactions en classe » (ibidem) : c'est dans ce sous-domaine ainsi défini que se situe le présent travail. Celui-ci a été facilité par le fait que dans les plates-formes de formation en ligne (Learning Management Systems, en anglais), qui permettent la rencontre pédagogique à distance, divers outils gardent des traces qui peuvent ensuite être analysées et qui sont de multiple nature, écrite, orale et visuelle; ces traces peuvent être abordées, comme ce sera le cas ici, d'un point de vue interactionnel, dans le but de décrire la dynamique et le flux des échanges. Elles peuvent être soumises à des analyses qui privilégient le traitement quantitatif ou qualitatif (Mangenot, 2006) : étant donné la nature exploratoire de notre recherche, ce seront les démarches qualitatives qui seront privilégiées.

La présente contribution porte sur des échanges en ligne entre des étudiants français et espagnols (qui ne se sont jamais rencontrés) dans le cadre d'un tutorat de FLE qui s'est déroulé pendant trois mois à travers une plate-forme de formation en ligne ; précisons que ces échanges avaient un caractère institutionnel, au sens qu'ils étaient intégrés dans la formation des deux publics. Les données prises en compte sont de nature verbale, para-verbale et non-verbale. L'angle d'approche privilégié a été systémique, cherchant à mettre au jour les rapports entre les différentes variables étudiées sous un angle descriptif et qualitatif, dans l'objectif de dégager les indices pertinents et les spécificités de ce type de communication pédagogique médiatisée par ordinateur, dans le but d'essayer d'en élaborer un modèle dans la lignée des travaux de l'équipe qu'anime François Mangenot, au sein de l'axe de recherche « Didactique des langues et TIC » du Lidilem, de l'université Stendhal Grenoble 3 (programme « Communication pédagogique médiatisée par ordinateur »).

Plus largement, ce travail descriptif d'une modalité particulière de communication pédagogique médiatisée par ordinateur (CMPO) se veut une contribution à une meilleure compréhension des pratiques d'enseignement-apprentissage à distance en mode asynchrone, facilitées par les nouveaux moyens technologiques : il est aujourd'hui capital, d'un point de vue praxéologique, de former les futurs enseignants à pouvoir prendre en charge de telles situations, parallèlement aux situations classiques de l'enseignement présentiel.

En nous lançant dans cette étude, nous avions voulu, tout d'abord, répondre à des questions de cet ordre : « Peut-on envisager d'acquérir des compétences culturelles lors d'un échange entre étudiants en ligne ? Les étudiants laissent-ils des traces de comportements culturellement marqués ? » (Voir Annexe I : Projet de recherche Master 2). Nous avons, pour ce faire, décidé d'examiner les échanges à l'aide des outils d'analyse empruntés à la pragmatique. La délimitation des actes de langage nous a détournée de notre préoccupation interculturelle initiale et nous a amenée à nous interroger, en premier lieu, sur le poids relatif du contenu et de la relation dans les messages, ainsi que sur la construction et l'évolution de la relation entre les étudiants. L'examen de l'évolution dans la relation nous a conduit à analyser la structuration de l'interaction. Nous avions comme arrière-plan la poursuite de l'exploration d'Internet comme canal de communication entre des étudiants en formation, ce qui nous a orientée vers la description d'éléments qui nous semblaient participer à différents niveaux à cette modalité de communication. Finalement, l'approche qui s'est imposée a été celle de décrire précisément les spécificités de cette modalité de communication, particulière par ses contraintes technologiques et par le contexte situationnel pédagogique entièrement à distance.

Ce mémoire comprend trois parties principales : un aperçu théorique où il est question des différentes approches théoriques et pratiques des phénomènes de communication interpersonnelle, de la CMO et de la CPMO ; une brève présentation méthodologique, dans laquelle sont évoqués les niveaux, domaines et paramètres pris en compte, ainsi que les étapes de la présente étude ; une dernière partie consacrée à la description puis à la discussion de ces différents niveaux : les variables qui configurent le contexte situationnel de ce type de tutorat en ligne, les caractéristiques du canal de communication, les possibilités offertes aux étudiants pour construire l'interaction et l'examen des unités discursives et leur `tissage' techno-sémio-pragmatique.

1 CADRE THÉORIQUE

Comment articuler les différents cadres de référence auxquels nous avons eu recours afin d'essayer de répondre aux questions qui se présentaient au fur et à mesure que nous découvrions le terrain de recherche ? Nous allons mentionner tout d'abord des recherches qui ont été réalisées par des linguistes, et par des chercheurs en disciplines non-linguistiques, concernant la communication humaine interpersonnelle tant de façon globale et théorique que méthodologique. Nous exposerons ensuite des voies de recherche actuelles, ouvertes à la description d'éléments significatifs de différente nature (technique, sémiotique et pragmatique) qui configurent la communication médiatisée par ordinateur. Pour clore cette partie de notre étude, nous évoquerons des étapes de la recherche sur l'usage et l'intégration des technologies informatiques et télématiques dans l'enseignement-apprentissage des langues et la formation ouverte et à distance, que nous mettrons en relation avec les approches pédagogiques sous-jacentes, configurant la communication pédagogique médiatisée par ordinateur.

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1.1 De la langue, système de signes, aux interactions multimodales

L'étude des pratiques communicatives et du langage en situation commence à intéresser des chercheurs issus de différentes disciplines vers le milieu du siècle dernier. La linguistique, d'orientation structuraliste s'occupait essentiellement à la même époque des aspects syntaxiques et sémantiques de la langue écrite - considérée comme un ensemble de règles d'un code normatif ; les conditions concrètes de l'utilisation du langage dans une situation précise de communication orale - l'importance du ton, des gestes etc. étaient considérées comme extralinguistiques.

1.1.1 De la langue-système à la langue instrument de communication

Nous devons à Saussure une vision structurée de la langue : la langue comme système de signes articulé. Nous ne voudrions pas oublier de signaler cependant que Saussure, dans ses cours publiés par ses élèves, considérait la langue comme « un produit social de la faculté du langage et un ensemble de conventions nécessaires adoptées par le corps social» ([1915] 1993 : 124). Une autre leçon que nous retirons de ses cours est l'importance qu'il accorde au sens (« le problème linguistique est avant tout sémiologique ») et le fait de considérer aussi « les rites, les coutumes, etc. comme des signes (...) qu'il faut grouper dans la sémiologie et (...) les expliquer par les lois de cette science » (ibidem : 128).

Pour Benveniste (1966 : 126) « la relation de la FORME et du SENS [est] le problème qui hante toute la linguistique moderne ». Ce qu'il énonce de la façon suivante : 

« Le rapport forme : sens que maints linguistes voudraient réduire à la seule notion de la forme mais sans parvenir à se délivrer de son corrélat, le sens. Que n'a-t-on tenté d'éviter, ignorer ou expulser le sens ? ».

Benveniste (ibidem : 130) distingue explicitement « la langue comme système de signes » de « la langue comme instrument de communication, dont l'expression est le discours », la phrase étant pour lui « l'unité du discours ». Il nous intéresse tout particulièrement de signaler qu'il estime que les propositions assertives, interrogatives et impératives, « les trois modalités de l'unité de la phrase », ne font que « refléter les trois comportements fondamentaux de l'homme ». L'étude du comportement des étudiants de notre corpus confirmera cette triple dimension : « parlant et agissant par le discours sur son interlocuteur : il veut lui transmettre un élément de connaissance, ou obtenir de lui une information, ou lui intimer un ordre ». Toujours selon cet auteur, « [c]e sont les trois fonctions interhumaines du discours ». Nous aurons recours au terme discours qui englobe, pour lui, toutes les formes de manifestation verbale car il considère que le « discours est écrit autant que parlé » (ibidem : 242).

Benveniste est à la base, aussi, de l'énonciation : le langage «se tourne en instances de discours, caractérisées par ce système de références internes dont la clef est je (...), je et tu (...) n'existent qu'en tant qu'ils sont actualisés dans l'instance de discours ». Avec cette conception du `langage en exercice', Benveniste est donc à l'origine des conceptions actionnelles actuelles prises en considération par le Cadre européen commun de référence pour les langues  : « la `forme verbale' est solidaire de l'instance individuelle de discours en ce qu'elle est toujours et nécessairement actualisée par l'acte de discours et en dépendance de cet acte » (ibidem : 255).

Dans sa conception du langage, « il ne faut pas manquer d'observer d'une part que ce rôle [de transmission que remplit le langage] peut être dévolu à des moyens non-linguistiques, gestes, mimiques, et d'autre part (...) les systèmes de signaux, rudimentaires ou complexes » (ibidem : 258-259) - signes non-verbaux auxquels nous allons revenir à plusieurs reprises dans la suite de cette partie théorique de notre étude (voir 1.1.4 / 1.2.1 / 1.2.3).

1.1.2 Le schéma de la communication

Passons maintenant de l'autre côté de l'Atlantique où Jakobson se sert des avancées des disciplines non-linguistiques, intéressées par la communication interpersonnelle, pour situer le message dans un schéma de communication, apportant des notions qui se sont avérées importantes pour les sciences du langage et les sciences humaines.

Dans les années quarante aux États-Unis est en train de se développer une théorie générale des systèmes. Un système est défini comme un « complexe d'éléments en interaction » et dans ce cadre théorique, proche de la cybernétique de Wiener, Shannon élabore « une théorie mathématique de la communication » (Winkin 1981 : 17). Jakobson, une quinzaine d'années plus tard, a utilisé le schéma de la communication de Shannon, pour l'adapter aux sciences humaines. Il décrit les six facteurs qui participent à la communication et qui donnent naissance à six fonctions linguistiques différentes :

 

CONTEXTE

F. référentielle

 

DESTINATEUR

F. émotive

MESSAGE

F. poétique

DESTINATAIRE

F. conative

 

CONTACT

F. phatique

 
 

CODE

F. métalinguistique

 

TABLEAU 1: Schéma de la communication, réalisé à partir des schémas de Jakobson ([1963] 1993 : 141-145)

Pour Jakobson, « [i]l y a des messages qui servent essentiellement à établir, prolonger ou interrompre la communication, à vérifier si le circuit fonctionne (...), à attirer l'attention de l'interlocuteur ou à assurer qu'elle ne se relâche pas.» Nous aurons l'occasion d'étudier particulièrement la fonction vouée à « l'accentuation du contact -la fonction phatique, dans les termes de Malinowski- [qui] peut donner à l'échange profus de formules ritualisées, voire à des dialogues entiers dont l'unique objet est de prolonger la conversation » (ibidem : 143) ; nous nous référerons aussi aux autres fonctions : la fonction émotive ou expressive, la fonction conative, référentielle et métalinguistique ou métalangagière sous-tendant les échanges de notre corpus.

Nous sommes revenue sur ce fameux schéma de la communication de Shannon, de 1949, dans la mesure où il a provoqué le début des recherches sur le langage menées par les chercheurs du Collège invisible qui s'y opposaient (Winkin 1981 : 22).

1.1.3 La communication en situation

Des chercheurs issus de disciplines comme la psychiatrie, la linguistique, l'anthropologie et la sociologie, présentés en France comme membres d'un collège invisible par Winkin (1981), dans l'ouvrage La nouvelle communication, partagent un modèle de la communication « conçue comme un système à multiples canaux auquel l'acteur social participe à tout instant » (ibidem : 8). Ils font consensus autour de l'idée que « [l]a communication doit être étudiée par les sciences humaines selon un modèle qui leur soit propre » (ibidem : 22).

Comme nous l'avons déjà annoncé, notre étude adopte cette perspective `extra-linguistique' dans laquelle chaque langue, en tant que système de signes articulés, s'emboîte dans un autre système de signes qui obéit à des règles culturelles intériorisées. La réalisation linguistique est produite, de ce point de vue, par le corps social et répond à un système qui comprend des signes non linguistiques, mais communicatifs. Comme les linguistes avaient fait en mettant en relief le système de langue, ces chercheurs essaient de décrire les règles sous-jacentes au système de signes de la communication sociale :

« De même qu'il est possible de parler une langue correctement et couramment et de n'avoir cependant pas la moindre idée de sa grammaire, nous obéissons en permanence aux règles de la communication, mais les règles elles-mêmes, la `grammaire' de la communication, est quelque chose dont nous sommes inconscients » Paul Watzlawick et John Weakland (cités par Winkin 1981 : 23-24).

Pour ces chercheurs, la communication interpersonnelle doit être étudiée comme un processus, une suite de réalisations dynamiques qui a lieu dans un contexte social et qui obéit à des règles. C'est cette conception de la communication située qui suppose un changement de point de vue très important. La méthode entreprise pour analyser la communication est celle des anthropologues, adoptée par les sociologues et adaptée à la réalité sociale occidentale. Nous suivrons leurs principes méthodologiques, selon lesquels la communication est placée dans son contexte `naturel' (« notre travail s'appuie sur une histoire naturelle concrète », dit Bateson) conçue comme une suite d'actions faisant partie d'un processus dynamique dans lequel la communication ne peut être qu' inter-action.

« Cette façon de replacer chaque signal dans le contexte de l'ensemble des autres signaux fonde la rigueur essentielle de notre travail. (...) A ce point, notre concept de communication devient interactionnel. (...) Ce cadre plus vaste détermine la signification de ce que chaque personne dit et fait. » Bateson ([1971] 1981 : 129)

Chaque langue est décrite depuis Saussure comme reposant sur un code qui met en jeu un nombre fini de catégories d'unités et de règles qui gèrent leur articulation. Dans l'évolution de la linguistique `externe', Watzlawick, Beavin & Jackson ([1967]1993: 241) établissent « les différentes unités de communication (ou de comportement) ». Pour eux, une unité de communication est le message « ou bien, là où la confusion n'est pas possible, une communication. Une série de messages échangés entre des individus sera appelée interaction (...), nous introduirons l'expression modèles d'interaction pour désigner une unité de la communication humaine d'un degré encore plus complexe ».

L'information ou contenu du message ne peut être interprétée sans tenir compte des aspects extralinguistiques au niveau de la relation entre les partenaires. Nous devons à ces chercheurs du Mental Research Institute de Palo Alto la distinction entre les deux composantes de la communication, le contenu et la relation :

« Un message sous son aspect d' 'indice' transmet une information ; dans la communication humaine, ce terme est donc synonyme de contenu du message. (...) L'aspect `ordre' par contre, désigne la manière dont on doit entendre le message, et donc en fin de compte la relation entre les partenaires.» (ibidem: 242).

Cette théorie systémique de la communication stipule qu'on ne peut pas ne pas communiquer : tous nos gestes et nos silences portent un message (« activité ou inactivité, parole ou silence, tout a valeur de message », ibidem : 240). Dans la transmission de l'information les signes de nature analogique (« les moyens non-linguistiques » cités par Benveniste, icônes et émoticones de la communication médiatisée par ordinateur) se confondent avec des signes verbaux propres à la communication digitale. Pour ces chercheurs, ces deux modes de communication se complètent;  ce qu'ils formulent de la façon suivante: « [s]elon toute probabilité, le contenu sera transmis sur le mode digital, alors que la relation sera essentiellement de nature analogique » (ibidem: 248). Nous verrons dans la partie 3.4.3.2 si notre corpus corrobore cette affirmation.

Chaque modèle d'interaction peut être fondé sur les rapports dans la relation basés « soit sur l'égalité, soit sur la différence ». A partir de leurs observations de terrain, ces chercheurs décrivent la relation symétrique et complémentaire ainsi que le processus dynamique de la relation :

« [d]ans le premier cas, les partenaires ont tendance à adopter un comportement en miroir, leur interaction peut donc être dite symétrique. (...) Dans le second cas, le comportement de l'un des partenaires complète celui de l'autre (...) on l'appellera complémentaire » (ibidem : 251).

Ce double volet, nous pouvons l'observer dans les relations de notre corpus de communications pédagogiques en ligne : car la relation que nous allons étudier sera tantôt symétrique, tantôt complémentaire, comme nous aurons l'occasion de le vérifier au moment de décrire les premiers messages échangés, de notre corpus, dans la sous-partie 3.3.

E. Goffman, sociologue, cherche dans son doctorat à l'Ecole de Chicago « à dégager une théorie sociologique de la communication interpersonnelle », selon Winkin (ibidem : 93). « Reprenant les données déjà présentées dans son doctorat, Goffman poursuit l'élaboration de concepts familiers aux `interactionnistes symboliques' : soi (Self), interaction, rôle, etc. » (ibidem : 96). Il décrit les relations interpersonnelles en termes de mise en scène (traduction française de Presentation of Self in Everyday Life). Cette notion va de pair avec tout un engrenage social implicite, sorte de code rituel, auquel nous allons nous référer : notamment le code rituel propre aux rapports entre `maître' et `élève' intériorisé par tout individu scolarisé. L'aspect le plus marquant des apports de Goffman est celui de la gestion de l'équilibre dans la relation :

« Le code rituel lui-même demande un équilibre délicat que peut aisément détruire quiconque le soutient avec trop ou insuffisamment d'ardeur, par rapport aux idéaux et aux attentes du groupe dont il fait partie. » Goffman (1974 : 18).

Il propose, donc, une étude détaillée des effets du langage ancrée dans des actions sociales, dans lesquelles il faut distinguer le statut particulier incarné par les individus participant à la relation :

«Lorsque nous examinons comment l'individu participe à l'activité sociale, il nous faut comprendre que, en un certain sens, il ne le fait pas en tant que personne globale, mais plutôt en fonction d'une qualité ou d'un statut particulier » (ibidem : 47).

Goffman se réfère aussi à des règles qu'il faut respecter et qui « tendent à s'organiser en codes qui garantissent les convenances et l'équité » (ibidem : 49). La rupture de l'équilibre dans la relation est d'après lui intimement liée à la notion de face, qu'il définit comme :

« la valeur sociale positive qu'une personne revendique effectivement à travers la ligne d'action que les autres supposent qu'elle a adoptée au cours d'un contact particulier. La face est une image de moi délinéée selon certains attributs sociaux approuvés, et néanmoins partageable, puisque, par exemple, on peut donner une bonne image de sa profession ou de sa confession en donnant une bonne image de soi » (ibidem : 9 ).

Le double jeu de protéger la propre face et de ne pas menacer la face de l'autre entraîne des techniques qui en français reçoivent le nom de figuration et de réparation, notions auxquelles nous reviendrons quand nous analyserons la gestion de la relation : les ajustements réciproques pour l'assurer le maintien de l'équilibre dans la relation (voir 3.3.3).

Hymes et Gumperz fondent l'ethnographie de la communication qui « a sans doute pour objectif ultime l'analyse de la compétence communicative ». La compétence communicative est une notion clé depuis les années soixante-dix en didactique de langues, mais son but initial, dans les termes de Hymes, c'est de « combler le fossé entre ce qui appartient à l'analyse ethnographique et ce qui relève de l'analyse grammaticale » (Gumperz [1982]1989 : 57). Une autre des notions importantes développées par l'ethnographie de la communication est celle d'événement de langage qui s'ouvre aux aspects extralangagiers et qui nous aidera à interpréter le comportement langagier de nos étudiants :

« Au plan de la description ethnographique, un comportement verbal est un événement du langage, c'est-à-dire une unité limitée dans le temps et dans l'espace (...), tout comportement verbal est régi par des normes sociales qui déterminent les rôles des participants, les droits et devoirs à l'égard d'autrui, les sujets de discussion autorisés, les façons de parler appropriées et les manières d'introduire l'information » (ibidem: 69).

M. Garfinkel est à l'origine d'un courant de la sociolinguistique qui s'appuie sur des analyses qualitatives, baptisé par lui comme ethnométhodologie. Garfinkel, d'après Gumperz,

« montre qu'on ne peut correctement définir le savoir social par des catégories telles que le classement sur une échelle des rôles, des statuts ou des caractéristiques de la personnalité des individus. Pour lui, le savoir social se construit dans le processus même de l'interaction et les interactants créent leur propre monde en se comportant comme ils le font » Gumperz ([1982] 1989 : 61). Bien que nous ne nous occupions pas dans cette étude de l'acquisition des langues, nous retenons cette conception du `savoir social' qui se construit entre les partenaires pour en tenir compte à des fins didactiques.

L'objet d'étude de prédilection des ethnométhodologues est la pratique sociale de base, la conversation. Dans cette approche, qui est devenue conversationnelle, l'une des notions centrales a été proposée par Gumperz, celle de indices de contextualisation: « A la différence des mots dont on peut discuter en dehors de tout contexte, le sens des indices de contextualisation (...) est toujours affaire de conventions sociales.» (ibidem : 30). Il fonde le courant interactionniste qui observe les actes de langage - notion que nous verrons sous une autre approche bientôt - comme « des stratégies conversationnelles détournées qui permettent d'établir des relations particulières et de négocier des interprétations communes » (ibidem : 32). Ces observations nous ont aidé à analyser les actes de langage situés et à comprendre la `construction' de l'interaction entre les scripteurs de notre corpus.

A la suite de l'ethnométhodologie, se développe un courant de recherche qui a pris une grande ampleur, l'analyse conversationnelle, et qui est venu compléter les apports de l'analyse du discours plus focalisé sur l'écrit. Nous ne considérons pas notre corpus comme une conversation, comme nous verrons plus tard, mais nous tenons à mettre en oeuvre quelques outils propres à l'analyse conversationnelle afin de décrire les principes organisationnels de ce que nous considérons plutôt comme une interaction. Nous empruntons à l'analyse conversationnelle  « les tours de parole et la séquentialisation des mouvements conversationnels (...) les paires adjacentes, telles que question-réponse, salutation-salutation, demande-réponse ». Notre corpus confirmera le rythme ternaire des échanges didactiques souligné par Gumperz (ibidem : 124-125), à l'instar de Mehan : « Le langage didactique diffère de la conversation ordinaire en cela qu'il est constitué non pas de deux mais de trois éléments : une réplique évaluative suit toujours la réponse à un mouvement initial, selon un système tripartite constitué d'une ouverture, d'une réponse et d'une évaluation ».

1.1.4 La communication non-verbale

A la convergence de tous ces courants focalisés sur la communication humaine se trouve l'éthologie (humaine) : pour Cosnier ([1987] 1991 : 292), les recherches des disciplines non-linguistiques sur la communication interpersonnelle évoquées précédemment « présentent en commun, au moins les trois caractères suivants :

 - l'approche `naturaliste', qui consiste à capter une interaction `naturelle' ou `authentique', c'est-à-dire où les participants ont un libre choix de leurs mouvements et de leurs mots, et ont à gérer une réelle situation d'échange.(...)

- La prise en compte du non- verbal. (...)

- L'abandon du sujet monodique au profit de l'interaction : il ne s'agit plus (...) de comprendre ou de théoriser le fonctionnement d'un `sujet', mais de décrire et d'élucider l'interaction pour elle-même. C'est la dyade (ou le groupe) qui constitue l'entité à étudier ; les actions et réactions de chacun n'étant qu'une contribution à un énoncé coopératif. »

Ce qui nous intéresse particulièrement dans l'éthologie, c'est qu'elle s'est occupée de décrire et catégoriser les aspects verbaux et non-verbaux de la communication. Nous empruntons, dans la typologie des gestes communicatifs de Cosnier (ibidem : 297), les gestes associés nécessairement à la parole lors des conversations en face à face : les co-verbaux (expressifs ou illustratifs) ; les synchronisateurs, qui assurent l'interaction : les phatiques (`activité du parleur destinée à vérifier ou à maintenir le contact') et les régulateurs (`activité du récepteur en réponse aux précédents').

Un geste, selon Cosnier (ibidem : 295), « pourra apparaître en `position d'émission' (verbale) de son auteur (le parleur) ou en `position de réception' (verbale) ». Cet aspect ne peut pas être pris en compte en communication à distance asynchrone, car on n'a pas affaire à une situation simultanée d'émission et réception, mais les interventions peuvent être interprétées comme initiatives et/ou réactives. Marcoccia, qui a analysé l'utilisation des smileys dans la communication médiatisée par ordinateur, s'est intéressé à « la portée » de ces manifestations non-verbales (comme nous verrons en 1.2.1).

1.1.5 Les actes de langage et l'interaction

Dans le monde anglo-saxon, mais de ce côté-ci de l'Atlantique, la pragmatique, « la benjamine des disciplines linguistiques » comme l'appelle Kerbrat-Orecchioni ([1984]1993 : 217) émerge, d'après ce chercheur spécialiste de l'interaction, comme une nouvelle et double approche :

1) « La pragmatique énonciative, qui selon la définition de Charles Morris a pour tâche de décrire les relations qui s'établissent entre l'énoncé et ses utilisateurs, et tous les aspects du message verbal qui sont tributaires du cadre énonciatif dans lequel il s'enracine ;

2) la pragmatique illocutoire, ou théorie des actes de langage, qui étudie tout ce qui dans l'énoncé lui permet de fonctionner comme un acte spécifique, i. e. ses aspects performatifs et illocutoires » (ibidem : 218).

Kerbrat - Orecchioni présente une étude comparative de ces deux versants de l'approche pragmatique. Benveniste dans son texte fondateur Problèmes de linguistique générale, s'intéresse « à décrire les procédés linguistiques qui permettent la conversion de la langue en discours, son appropriation par le sujet parlant et l'inscription dans l'énoncé de l'énonciateur et l'énonciataire ». Selon cet auteur (ibidem : 218), la pragmatique illocutoire a été fondée par Austin (« Dire, c'est aussi faire. Et cela, c'est grâce à Austin qu'on le sait » ). De cette étude comparative, nous allons retenir que c'est « sur ce terrain des circonstances de l'énonciation que se rencontrent (...) Austin et Benveniste (...) au niveau des conditions de réussite d'un acte de langage déterminé» (ibidem : 222-224). Buscar donde B. Rechaza los a. de l.

Searle, philosophe nord-américain successeur d'Austin, dans son ouvrage Speach acts (paru en 1969) « considère que tout énoncé linguistique fonctionne comme un acte particulier (ordre, question, promesse, etc.) qui vise à produire un certain effet et à entraîner une certaine modification de la situation interlocutive. Il appelle illocutionary force (en français force illocutoire) la composante de l'énoncé qui lui donne sa valeur d'acte » (Kerbrat-Orecchioni [2001] 2005 : 16).

On se réfère aux actes de langage indirects quand le signifiant, la forme de l'énoncé, ne correspond pas avec le signifié, la valeur illocutoire qu'il transporte ; ainsi, par exemple, une question apparente peut cacher une requête (- peux-tu me passer le sel ? ) ; de nombreux exemples de notre corpus illustrent le fait que « l'interprétation de la valeur pragmatique d'un énoncé fait intervenir simultanément différents facteurs de nature hétérogène » (ibidem : 45).

La confluence du courant interactionniste, d'inspiration plutôt sociologique, et de la pragmatique illocutoire, d'inspiration philosophique, place les actes de langage « en contexte (...) à l'intérieur d'une séquence ». Pour Kerbrat-Orecchioni, la perspective interactionniste complète ainsi les possibilités d'analyse des actes de langage car « [négligés] par la perspective classique, ces deux aspects du fonctionnement des actes de langage sont au contraire considérés comme centraux par les courants pragmatiques qui se sont développés dans le champ de la pragmatique interactionniste » ( Kerbrat-Orecchioni [2001] 2005: 53).

N'oublions pas de signaler que « [l]l'une des tâches de la pragmatique interactionniste consiste (...) à compléter la description des actes de langage par celle des règles et principes qui sous-tendent leur organisation séquentielle. A telle fin, un certain nombre d'outils ont été élaborés dans le cadre de divers modèles d'analyse de discours et de la conversation » (Kerbrat-Orecchioni [2001] 2005 : 59).

Plusieurs disciplines ont donc contribué à l'émergence de l'objet « interaction verbale » qui « s'est construit au carrefour des sciences du langage et des sciences sociales » selon Colletta (1995 : 43). Ce chercheur en psychologie et sciences de l'éducation examine dans cet article quelques approches de l'interaction. Nous nous appuierons sur le modèle structuraliste de Roulet qui nous aidera à observer « l'interaction verbale comme un emboîtement d'unités de rangs différents : l'interaction (ou « incursion ») apparaît comme une succession d'échanges constitués de deux ou trois interventions, elles-mêmes constituées d'actes de langage ». Nous nous référerons aussi aux fonctions illocutoires de l'intervention : initiative, réactive ou mixte « selon qu'elles permettent d'ouvrir, de clore ou de poursuivre un échange » (ibidem : 44). Nous retenons en outre sa notion de la complétude interactive qui explique les échanges qui se poursuivent au-delà de trois interventions « avec enchâssement de plusieurs interventions ou ouverture d'un échange subordonné » (ibidem : 45).

A la suite de Goffman et de sa théorie de la figuration (face-work ), Brown et Levinson font l'inventaire et la description des différentes stratégies qui peuvent être mises au service de l'exercice de la politesse et qui sont, pour Kerbrat-Orecchioni ([2001] 2005 : 73), nombreuses et diverses : « les formulations indirectes des actes de langage d'abord, mais aussi d'autres procédés tels que ces réparateurs que sont l'excuse et la justification ; et toutes sortes de procédés adoucisseurs (...) les minimisateurs » - procédés que nous aurons l'occasion d'observer dans notre corpus, de même que les FTA et FFA. Kerbrat Orecchioni ([2001] 2005 : 72, 74) propose d'introduire dans ce modèle théorique à côté du terme FTA, qui dénomme les actes menaçants pour la propre face ou la face de l'autre ( Face Threatening Acts ) le terme FFA (Face Flattering Act) ou acte valorisant, ou `flatteur', pour la face d'autrui.

1.1.6 L'interaction en classe de langue et les énoncés métalangagiers

L'analyse conversationnelle s'est aussi intéressée à la description des interactions en classe : Kramsch (1984 : 59, 63) se base sur une étude ethnométhodologique faite par van Lier à l'Université de Lancaster (Analyzing Interaction in Second Language Classrooms, 1982) qui « tente d'élucider l'interaction complexe de la classe de langue ». A des fins descriptives du champ des interactions didactiques, nous retenons un des aspects, celui qui concerne les troubles de communication :

- « les problèmes de transmission (dans l'élocution, l'écoute ou la compréhension). Ce sont des problèmes communs au locuteur et auditeur ;

- les erreurs, linguistiques ou discursives. Ce sont des problèmes du locuteur ;

- les problèmes de procédure : règles d'activité, (...) personne adressée, choix du locuteur suivant. Ceux-ci concernent aussi bien le locuteur que l'auditeur. »

La situation de communication didactique à distance entre les jeunes tuteurs et les apprenants présente-elle la même casuistique ? Quelles sont les sources de « troubles de la communication » dans notre corpus ? Van Lier,cité par Kramsch (ibidem : 64), pense « qu'il vaut mieux considérer la réparation de problèmes et d'erreurs comme un `ajustement interactionnel' ou `contrôle pragmatique' plutôt que comme la correction de `fautes' vue dans une perspective normative » .

Nous sommes d'accord avec Kramsch, quand elle considère qu'une pédagogie de l'interaction doit concevoir « la correction des troubles de l'interaction au sein de la classe de langue » (ibidem : 64). Dans notre corpus, nous faisons le constat suivant : les messages qui rendent compte des « troubles » sont, d'un côté, les situations de communication les plus sociales, `authentiques' et, d'un autre côté, ce sont celles qui suscitent les échanges et séquences les plus riches, quant à la longueur et au nombre de contributions et de besoins en termes de moyens d'expression.

Maintenant, nous allons nous référer aux segments des messages remplissant la fonction que Jakobson appelle « métalinguistique ». Nous n'allons pas nous arrêter là-dessus, bien qu'ils soient très présents dans notre corpus, mais nous nous référerons ponctuellement à ces segments présents surtout chez les tuteurs. Pour cela, nous nous appuierons sur l'étude réalisée par De Gaulmyn ([1987] 1991) sur l'ensemble des énoncés métalangagiers, qu'elle limite « à la classe des énoncés qui comportent un ou plusieurs termes qui dénotent le langage » (ibidem : 169). Elle distingue les énoncés métacommunicationnels qui réfèrent à la conduite de l'interaction (un exemple tiré de son corpus : « Je vais te poser une première question »), les énoncés métadiscursifs qui réfèrent au discours tenu (elle donne comme exemple : « ... donc, ça veut aussi dire ») et les énoncés métalinguistiques qui réfèrent à langue et à son usage. De Gaulmyn divise la classe des énoncés métadiscursifs en deux types : « des énoncés qui réfèrent à des actes illocutoires et d'autres qui réfèrent au contenu ou à la forme des paroles, donc soit à l'énonciation - au dire - soit à l'énoncé - au dit -, considéré pour la forme de l'expression ou pour celle du contenu » (ibidem : 170).

Avant de présenter la seconde sous-partie du cadre théorique de notre étude, nous voudrions signaler que nous avons eu recours, à différents moments, à la consultation des notions importées de divers courants de la pragmatique et d'autres disciplines du Guide terminologique pour l'analyse des discours, publié par De Nuchèze & Colletta (2002).

1.2 La communication médiatisée par ordinateur (CMO)

L'apparition de nouveaux supports et systèmes de communication (notamment avec le développement d'Internet) interroge les chercheurs issus de disciplines comme l'informatique, les sciences de l'information et de la communication, les sciences de l'éducation, les sciences du langage, la didactique des langues. Nous nous référerons, dans cette sous-partie, à des recherches théoriques et qualitatives, selon leur finalité, en sciences de l'éducation et sciences du langage qui mettent à l'oeuvre des outils d'analyse empruntés à des disciplines et courants qui viennent d'être évoqués dans la première sous-partie théorique de notre étude, de préférence focalisées sur les particularités de la communication asynchrone médiatisée par ordinateur.

1.2.1 Interaction plurisémiotique en ligne

Tous les chercheurs semblent être d'accord, l'interaction est une notion controversée. Pouvons-nous parler d'interaction alors que nous étudions un corpus d'échanges asynchrones en ligne ? Kerbrat-Orecchioni, dans son dernier ouvrage Le discours en interaction (2005), exclut l'échange en différé qu'elle considère dialogal mais `non interactif'. Pour Kerbrat-Orecchioni (ibidem : 17) la notion d'interaction

« implique que le destinataire soit en mesure d'influencer et d'infléchir le comportement du locuteur de manière imprévisible alors même qu'il est engagé dans la construction de son discours ; en d'autres termes, pour qu'il y ait interaction il faut que l'on observe certains phénomènes de rétroaction immédiate ».

D'autres chercheurs considèrent différemment cette notion. De Nuchèze (1998 : 7-8) décrit l'archétype d'interaction comme un « type primitif d'action langagière et modèle d'action langagière contextuellement marqué. Forme stable mais non-figée, collectif et individuel, intériorisé par tout interactant au cours de sa socialisation, l'archétype d'interaction faciliterait l'interprétation et la production des discours ». Pour De Nuchèze (ibidem : 8), la notion d'interaction « ne renvoie pas seulement à l'échange dialogal en face-à-face ». Sa définition de l'interaction (« d'obédience bakhtienne ») sera la nôtre : « toute co-production pluri-sémiotique inscrite dans un parcours énonciatif contextuellement marqué », cette notion inclut « celles d'activité conjointe, de discours et de variation (en synchronie et en diachronie) ».

De Nuchèze marie la pragmatique et l'interactionnisme symbolique avec la tradition de l'analyse du discours d'inspiration française (interaction en tant que processus et en tant que produit). Elle tient compte des éléments non-verbaux : « contributions régulatrices, structuratrices et mimogestuelles » dans une approche interactionniste des discours. Selon ses mots, il s'agit de

« procédés dits régulateurs chez l'auditeur et phatiques chez le locuteur. (...) L'ensemble de régulateurs et des phatiques - synchronisateurs de l'interaction - illustre aisément la notion de gradualité (...) : contact oculaire, hochement(s) de tête, mimiques régulatrices (sourire) vocalisations (...) » (ibidem : 31)

parce que, comme De Nuchèze remarque, preuves à l'appui, - et nous aurons aussi l'occasion de le constater - « [à] l'écrit, ces éléments ne sont pas perdus » (ibidem : 32 ).

Une partie de cet ouvrage, Sous le discours l'interaction, nous intéresse tout particulièrement : les résultats de l'analyse, avec les outils de l'approche pragmatico-énonciative, des aspects « [n]orme, microculture et variation » d'un corpus d'interactions synchrones en ligne (IRC sur minitel) où sont mis en relief « dans le cadre d'une communication qui passe par l'écrit (...) la naturalité de l'oral et une partie, au moins, des dimensions prosodique et non-verbale des échanges en face à face » (dont les smileys) et les effets de l'interaction (ibidem : 89-90).  Comme résultat de cette analyse, il ressort « de fortes similitudes avec la structuration d'un oral conversationnel et les manifestations de l'oralité : ouverture et clôture ritualisées de l'échange, (...) marqueurs de structuration de la conversation (bon, ben), les phatiques de face à face (...) et les marques les plus fréquentes de l'oralité» .

1.2.2 Organisation séquentielle et interactionnelle

Pour l'ethnométhodologue Mondada (1999), « Internet est un immense réservoir de corpus discursifs pouvant faire l'objet d'analyses et descriptions, aussi bien que de sensibilisation à l'hétérogénéité des genres et des registres ». Elle cherche, dans cet article, à « doter d'outils d'analyse et de description empiriques des formes linguistiques et communicationnelles caractéristiques de ces échanges ».

Retenons également que la communication asynchrone (ou différée) sur Internet se présente, selon ce chercheur, comme un continuum entre l'organisation de l'information -comme à l'écrit - et les traces caractéristiques de la dimension orale de la communication : « tout en étant privée de la dimension paralinguistique des gestes et des regards, elle utilise des dispositifs alternatifs pour modaliser les messages (trucages orthographiques, ponctuation, typographie) ». Ce caractère hybride serait « la spécificité de la CMO, au-delà des particularités les plus emblématiques, comme le recours aux binettes (emoticons) ».

A l'aide des outils développés par l'analyse conversationnelle d'inspiration ethnométhodologique, elle met en relief « l'organisation séquentielle et interactionnelle qui caractérise les messages asynchrones » et s'intéresse concrètement aux modalités d'enchaînement séquentielles entre messages. Ce qui l'amène à décrire les particularités rencontrées de la gestion des tours de parole, qu'elle appelle des « a-tours (c'est-à-dire des tours asynchrones, reconstitués par le locuteur comme successif) ». Elle analyse aussi l'effet rétrospectif et prospectif, « la structuration séquentielle d'une parole est accomplie collectivement par les interlocuteurs dans le fil de son déroulement », sans cesser de constater la manifestation des paires adjacentes (question / réponse, salutation / salutation...) à l'intérieur des tours de parole.

Notons particulièrement la jonction de « l'analyse des réparations en analyse conversationnelle ». Elle s'appuie sur Schegloff, Jefferson et Sacks pour traiter de « l'importance du positionnement séquentiel de la réparation », selon ses mots, qu'elle présente comme « une série ordonnée de possibilités d'intervention (...) dans le même tour s'offre  la première opportunité pour le locuteur de s'autocorriger (...): c'est la solution préférentielle qui peut être aussi observée dans les échanges CMO (...). Le deuxième tour est le lieu de l'hétéro-initiation de la réparation» ce qui est peu fréquent dans son corpus « ou bien de l'hétéro-réparation - plus fréquente (...). La dernière opportunité pour une réparation est offerte au troisième tour ».

En s'appuyant sur Schegloff, elle affirme que ce troisième tour « constitue ainsi (...) le dernier lieu disponible pour le maintien et la défense de l'intersubjectivité menacée par la perturbation ».

1.2.3 Dimension techno-sémio-pragmatique : icônes et émoticones

Nous ne pourrons pas nous référer aux écrans, ou  interfaces graphiques (Peraya 1996) sans tenir compte des  icônes ni des boutons illustrés « à cliquer qui actionnent des fonctions et mettent à disposition des outils les plus divers ». Ces aspects de la communication analogique (non-verbaux) sont étudiés par Peraya (ibidem) plus particulièrement en ce qui concerne « les icônes de logiciels et d'environnements informatiques standard (ILEIS) ». Nous nous y référerons très rapidement au moment de nous intéresser aux aspects de l'interactivité entre l'individu, la machine et les logiciels (Voir 3.2).

La représentation des émotions à travers des images dans la communication médiatisée par ordinateur (CMO) est un objet d'étude de Marcoccia. Ce chercheur attire l'attention sur le fait que les messages échangés sur le réseau Internet « contiennent assez souvent des signes codés qui transmettent des informations sur la dimension relationnelle et émotionnelle de l'échange ». Une fois présentées les caractéristiques de ces « pictogrammes », Marcoccia (2000) analyse leur fonctionnement et esquisse une typologie qui lui permet de « mettre en évidence les spécificités de la communication médiatisée par ordinateur ». Ainsi, il souligne aussi « son caractère hybride (entre oral et écrit) » de même que « l'importance presque paradoxale accordée à la dimension relationnelle » dans les communications sur Internet. Pour lui, les utilisateurs d'Internet « en voulant accorder autant d'importance à la relation qu'au contenu échangé, rencontrent les `limites' du code écrit », parce qu'ils ont « l'interaction en face à face comme idéal de communication ».

Selon son interprétation, cette modalité d'écriture repose sur un « choix paradoxal (faire du face à face avec l'écrit) » (ibidem). Il estime que son principe essentiel est celui de « trouver un substitut écrit au paraverbal, aux marques de l'intonation (par exemple utiliser des majuscules pour signifier que l'on `crie') et aux expressions mimogestuelles produites lors d'une conversation, principalement, celles qui sont liées à l'expression des émotions (les smileys) ».

Suivant les principes de la mise en scène de Goffman, Marcoccia (ibidem) analyse les aspects relationnels et se réfère à l'importance du « management de faces » qui ont une théorisation ad hoc: un code de bonne conduite, de «savoir-communiquer», appelé Netiquette (l'étiquette du Net) qui reprend, d'après Marcoccia, les « principes de politesse (ménager la face de l'autre, adoucir les messages), la maxime de modalité (...) et des règles liées à l'environnement technique et juridique d'Internet » (ibidem).

Le fait d'utiliser ces signes peut se rapprocher de deux procédés du discours écrit : il cite Anis, lorsqu'il affirme que « les études sur la télématique montrent que ses utilisateurs ont tendance à privilégier la ponctuation à valeur expressive sur la ponctuation syntaxique » ; il se réfère aussi à Mourhlon-Dallies & Colin qui notent « que la fonction des smileys est très proche du système des didascalies dans le texte théâtral ». Dans une contribution plus récente, Marcoccia (2004) affirme que « [c]es procédés ne sont pas utilisés uniquement pour « mimer » l'oral(...).Leurs fonctions sont en effet similaires à celles du matériau non-verbal dans la conversation en face à face ». Ce qui l'amène à conclure que « [l]e traitement linguistique de ces procédés doit donc résoudre diverses difficultés :

- prendre en compte la dimension interactionnelle et pas seulement référentielle de ces marques,

- arriver à analyser le fait que ces marques - à l'instar du non-verbal - ont souvent peu de signification en soi mais en trouvent dans le type de relation qu'elles entretiennent avec les messages qu'elles accompagnent,

- identifier la « portée » de ces marques. Comme les marques non-verbales, les segments sur lesquels elles portent sont difficiles à déterminer. Par exemple, l'expression apportée par un smiley porte-t-elle sur la totalité du message, sur la phrase dans laquelle le smiley apparaît ? Existe-t-il des critères formels ?

En fait, la difficulté majeure réside sans doute dans le fait que ces marques ne peuvent être analysées qu'en tenant compte de nombreux paramètres liés à la gestion des interactions communicatives, qui dépassent dans une certaine mesure les dimensions morpho-syntaxiques ou sémantiques des messages : leur dimension relationnelle, leur caractère situé, leur visée pragmatique, etc. »

Marcoccia (2000), données à l'appui, annonce une esquisse des fonctions des smileys qui sera développée par Marcoccia & Gauducheau (2007) :

- les smileys expressifs qui peuvent « apporter une information sur l'état émotionnel », ou bien « permettent d'expliciter la dimension émotionnelle » ou bien peuvent « renforcer la valeur expressive présente dans le contenu verbal » ;

- les smileys d'ironie et d'humour peuvent montrer cette dimension, la renforcer ou la manifester quand elle n'est pas exprimée par le contenu verbal;

- les smileys relationnels et de proximité qui « participeraient au maintien de la relation » ;

- les smileys de politesse qui « servent à atténuer le caractère menaçant ou hostile du contenu verbal d'un message ».

Cependant, ces auteurs avouent que ce n'est pas si aisé d'attribuer une fois pour toutes telle ou telle fonction. Nous pourrons constater, comme ces auteurs, que « les mécanismes d'interprétation des messages » présents dans le corpus « semblent le plus souvent reposer avant tout sur la part verbale du message » (Voir 3.4.3).

Nous avons voulu, dans cette sous-partie 1.2, rendre compte des résultats de recherches articulant les dimensions technologiques, sémiotiques et sociales visant les caractéristiques des interactions sociales en ligne. Nous ne pouvons pas passer sous silence, ici, un concept que nous devons à Peraya (1998) : la qualification de dispositif techo-sémio-pragmatique, appliquée aux dispositifs pédagogiques (voir la différence entre système et dispositif en 1.3.).

Quelques précisions terminologiques avant de poursuivre cette sous-partie 1.2 théorique, qui va être consacrée maintenant à l'examen des phénomènes qui se situent à la croisière de la technologie, la communication et l'analyse du discours. La base de données CRITER donne « frimousse » comme traduction du terme anglais smiley. Nous préférons le terme émoticone qui combine deux vocables de la langue française (émotion et icône). Le terme le plus utilisé par les chercheurs francophones est sans aucun doute celui de smiley (c'est le cas de Marcoccia) ce qui peut s'expliquer par le fait que les premiers étaient effectivement des :-), trois signes de la ponctuation représentant des sourires. Dans notre corpus, les étudiants ont utilisé les deux types, les signes typographiques (réalisés avec les signes de ponctuation) et les graphiques, des images fournies par la plate-forme Moodle. La définition donnée par CRITER semble ne parler que du premier cas.

1.2.4 Les médias, la communication médiatique et médiatisée

Nous empruntons à Marcoccia (2003) la définition de Média qui nous permet, d'un côté, de situer les systèmes de communication sur Internet parmi les autres systèmes technologiques et qui, d'un autre côté, va nous aider à analyser le type de communication de notre corpus :

«Un média est une technique utilisée par un individu ou par un groupe pour communiquer à un autre individu ou à un autre groupe, autrement qu'en face à face, l'expression de sa pensée, quelles que soient la forme et la finalité des messages. Un média, au sens large, permet donc la transmission, plus ou moins loin, et à un nombre plus ou moins important de personnes, d'un ou plusieurs messages aux contenus les plus variées : la presse, la radio, la télévision, le cinéma, l'affiche, le téléphone, le courrier électronique, le web, sont, à ce titre, des médias au sens large. »

Marcoccia n'explicite pas la distinction entre média analogique et digital, il distingue la communication médiatique (de masse) et la communication médiatisée (interpersonnelle). Nous verrons le sens donné par Peraya (1998) à médiatisation et médiation (en 1.3.4).

Nous revenons sur la question de l'interaction, liée ici à la notion de type de discours. Marcoccia (ibidem) se demande « [à] quel type d'interaction correspond un forum de discussion  ». Il part du constat que « le nombre de participants est un critère apparemment suffisant pour considérer les forums de discussion comme polylogues médiatisés par ordinateur ». En partant de ce constat, il se demande si « les échanges observables dans un forum constituent une interaction ou du moins une discussion ». Une fois examinés les deux paramètres « définitoires d'une conversation » (l'unité thématique, l'unité de site ), il estime que les forums de discussion permettent des « conversations discontinues » et finit par définir les forums de discussion comme des « polylogues discontinus médiatisés par ordinateur ».

1.2.5 Communication électronique et types de discours

Une autre approche de la communication médiatisée par ordinateur sur forum est celle de l'analyse de discours française. Mourlhon-Dallies (2007), dans l'héritage de Bakhtine, propose de « revisiter la notion de `genre du discours' en intégrant à la réflexion les dispositifs de communication électronique sur internet (en particulier les forums de discussion et les chats) ». La question que se pose ce chercheur est la suivante : l'apparition de nouveaux dispositifs de communication (...) entraîne-t-elle l'émergence de nouvelles sphères d'utilisation de la langue, lesquelles correspondraient à de nouveaux genres ? Elle fait référence à la conception (bakhtinienne) des genres discursifs de Moirand, « des représentations intériorisées ». Cette conception « implique vraisemblablement un apparentement de ce qui apparaît à d'autres genres (ou régimes discursifs préexistants), dans une optique comparatiste, lisible en termes de continuités ».

Pour Mourlhon, « toutes les recherches qui s'attachent à traquer dans les forums de discussion des traces de débats écrits ou oraux, des marques du genre épistolaire dans les courriels, etc. » s'inscrivent dans cette lignée (c'est ce que nous ferons dans la sous-partie 3.4 de notre travail). Mais nous sommes tout à fait d'accord, aussi, avec le caractère spécifique de la communication médiatisée par ordinateur qui tient à l'articulation de trois axes, selon ses dires : « Le forum de discussion se ramène à une cristallisation de formes (textuelles et linguistiques) particulières, mises en relation avec un dispositif énonciatif (un espace discursif) et une structuration type de la communauté de production des messages échangés ».

1.3 Des TICE à la CPMO

Nous poursuivons notre présentation des bases théoriques de notre travail en passant rapidement sur l'origine et le développement des technologies de l'information et de la communication au service de l'éducation (TICE), de l'enseignement assisté par ordinateur (EAO) et de l'apprentissage des langues assisté par ordinateur (ALAO) ; nous mentionnerons, ensuite, la question de la communication médiatisée par ordinateur (CMO), en rapport avec les apprentissages collaboratifs assistés par ordinateur (ACAO) situés dans le contexte institutionnel de la formation ouverte et à distance (FOAD) et nous nous centrerons, finalement, sur les interactions pédagogiques en ligne, objet d'étude abordé par des chercheurs issus des sciences du langage et de la didactique des langues.

1.3.1 Les médias et les TICE, de l'EAO à l'ACAO

Depuis la fin des années quatre-vingts, les médias et les nouvelles technologies de l'information et la communication (NTIC) ont constitué de nouveaux terrains et de nouveaux objets de recherche pour les sciences du langage. Centrées tout d'abord sur la description des outils et des usages (la différence entre les ressources hors ligne et /ou en réseau), sur leur fonction (support d'information, canal de communication ...), sur le type de produit (produit grand public ou matériel conçu à des fins pédagogiques), les recherches se sont intéressées par la suite à l'analyse des usages (l'intégration dans la pratique didactique, l'aide au développement de l'autonomie...), à l'influence de la médiatisation sur l'apprentissage et à l'importance de la médiation pédagogique. Nous allons passer rapidement en revue quelques aspects des recherches sur les nouvelles technologies dans l'enseignement des langues et de la formation, des multimédia en réseau, qui se développe en France depuis 1997.

L'apprentissage de langues assisté par ordinateur ALAO, d'après Mangenot (2005) commence à se développer il y a une trentaine d'années avec une orientation au début très béhavioriste (il s'agissait d'exercices structuraux écrits). Après s'être intéressée à la conception de didacticiels d'abord textuels, puis multimédias, elle se penche de plus en plus maintenant sur les possibilités offertes par le réseau Internet en termes de communication. A cette époque-là, Mangenot ([1996] 1998) à l'instar de Janitza, considère particulièrement bénéfique pour l'apprentissage des langues l'approche socio-constructiviste (qui privilégie le travail par paires devant un ordinateur) ; il relève trois questions qui touchent au triangle didactique `classique': « les modalités du contact avec les savoirs à acquérir, le contenu des activités proposées aux apprenants et la manière dont auront lieu les interactions ».

C'est ce tournant didactique, qui privilégie la collaboration et l'échange à la transmission de contenus, qui est à la base des « Apprentissages collaboratifs assistés par ordinateur ». Mangenot (2000) caractérise l'ACAO selon deux critères : « l'emploi d'un logiciel ad hoc, destiné aux apprentissages collaboratifs » et « la prépondérance de la dimension de résolution en commun de problèmes de nature diverse ou l'existence d'un projet d'élaboration d'un objet textuel collectif ». En établissant une relation entre CMO et ACAO, Mangenot (ibidem) constate qu'en langues les « ACAO peuvent être considérés comme une forme de CMO associée à un projet » c'est qui le cas de la situation pédagogique de notre corpus, comme nous verrons dans la partie 3.1, au moment de présenter notre terrain de recherche.

1.3.2 Interactivité homme-machine et interaction humaine

Les nouveaux dispositifs technologiques peuvent-ils se substituer à l'enseignant ? La spécialiste des sciences de l'éducation Belisle, dans ses recherches sur l'intégration des nouvelles technologies dans la formation, étudie les questions de la médiatisation technologique et de la médiation humaine à travers les notions d'interactivité et d'interaction : « Vu du point de vue technologique, le terme interactivité implique la notion d'un dispositif capable de réponses différenciées en réaction à une activité humaine » (Belisle 1998 : 17). Nous l'utiliserons dans la partie 4, au moment d'examiner le contact entre le scripteur ou récepteur et les outils de l'ordinateur. Dans un contexte d'apprentissage, selon cet auteur, « on peut parler d'interaction entre un apprenant et un formateur-concepteur, présent de quelque façon à travers le programme interactif » (interaction entre étudiants, tuteurs et apprenants, dans notre cas). Suite à cette étude, elle conclut en rappelant l'écart entre « les interactions sociales liées à la médiation humaine dans les phénomènes sociaux et l'interactivité technologique que désigne l'interaction personne-machine » et surtout elle pointe un aspect déterminant, concrètement les limites de l'interactivité homme-machine « à soutenir le processus interactionnel d'inter-synchronie et d'ajustement mutuel, à travers lequel se construit l'agir humain » (ibidem : 18 ). Une partie de notre analyse sera consacrée précisément à l'observation de la façon dont les étudiants soutiennent le processus interactionnel et d'ajustement mutuel avec les moyens techniques à leur disposition.

1.3.3 FLE-FAD, systèmes et dispositifs

En ce qui concerne particulièrement les expériences d'écriture télématique collective, en temps réel et en temps différé en France, elles ont eu lieu bien avant qu'il ne soit question d'Internet. Elles ont commencé en FLE à la fin des années quatre-vingts, sur Minitel. Francis Debyser, auteur de l'Immeuble, en a été l'un des pionniers, comme le rappelle Mangenot (2000 : 139). Mais ce sera seulement dix années plus tard que « l'Éducation Nationale décide officiellement de se donner des accès aux autoroutes de l'information et de la communication » événement qui a mérité que les Rencontres Multimédia et FLE de l'ASDIFLE abordent le thème des réseaux et des dispositifs pédagogiques à ce moment-là : 

« 1997 est sans doute, dans l'histoire des nouvelles technologies éducatives, une année charnière (...) où l'on découvre en France que le réseau Internet peut transporter non seulement du texte mais également du son, des images fixes et animées » ce qui supposait « la convergence des technologies multimédias et réticulaires » ( Tauzer-Sabatelli 1998 : 111).

Les recherches en informatique se développent, concevant des systèmes de communication, comme les plates-formes, pour assister « la conduite de formations ouvertes et à distance.  Ce type de logiciel regroupe les outils nécessaires aux trois principaux utilisateurs -formateur, apprenant, administrateur - d'un dispositif qui a pour premières finalités la consultation à distance de contenus pédagogiques, l'individualisation de l'apprentissage et le télétutorat », selon la définition donnée par le site d'Algora, citée par Mangenot (2004).

De l'ensemble d'outils dont disposent les plates-formes, nous ne nous intéressons qu'au forum qui est défini par le Vocabulaire de l'Informatique et de l'Internet, publié au Journal Officiel de la République française du 16 mars 1999 comme « service permettant l'échange et la discussion sur un thème donné : chaque utilisateur peut lire à tout moment les interventions de tous les autres et apporter sa propre contribution sous forme d'articles ».

Les plates-formes ont donc été conçues pour la formation ouverte et à distance. La FOAD est considérée comme « un dispositif souple de formation organisé en fonction de besoins individuels ou collectifs (individus, entreprises, territoires). Elle comporte des apprentissages individualisés et l'accès à des ressources et compétences locales ou à distance. Elle n'est pas exécutée nécessairement sous le contrôle permanent d'un formateur" (selon la circulaire DGEFP n°2001/22 du 20 juillet 2001 1.2).

Pour ce qui est de la terminologie, « pour désigner ce qui est donné à faire aux apprenants (du point de vue du concepteur) », nous retiendrons celle proposée par Dejean & Mangenot (2005 : 313) « pour le domaine de la formation en ligne » et qui figure dans le tableau ci-après :

Scénario Pédagogique

Tâche (production attendue)

Chronologie

Scénario de communication

Ressources

Sous-tâches

Interactions

Étudiants / tuteur

Interactions

entre pairs

TABLEAU 2: Composantes du scénario pédagogique

Nous précisons que ce tableau met bien au clair la situation de communication pédagogique des étudiants de notre corpus. Nous y reviendrons dans les deuxième et troisième parties, au moment de décrire et de situer notre objet d'étude, qui se correspond avec celui des « interactions étudiants/tuteur » du « scénario de communication ».

Pour notre travail nous utiliserons aussi des termes de l'analyse du discours, `adaptés' à ces nouveaux moyens informatiques : Develotte & Mangenot (2004 : 12) dénomment l'interface de l'ordinateur « espace discursif » (« l'espace discursif où `se rencontrent' étudiants et tuteurs est constitué par les forums où les étudiants viennent placer les contributions répondant à telle ou telle tâche » - cette description correspond tout à fait à notre corpus). Dans un article récent, Develotte (2006 : 89) distingue « espace d'exposition discursive » et « espace de production discursive », nous y reviendrons dans la sous-partie suivante, qui va porter sur les caractéristiques du forum.

Pour une connaissance approfondie des recherches menées dans les dernières années dans les domaines de la didactique des langues, la communication médiatisée par ordinateur et les apprentissages médiatisés par ordinateur, on peut lire la thèse de Zourou (2006). Nous présenterons ci-après des travaux francophones qui s'intéressent spécialement à la description de la communication pédagogique médiatisée par ordinateur s'inscrivant dans différents courants et donnant des résultats très différents en fonction du cadre théorique et de la méthode appliqués.

1.3.4 La communication pédagogique médiatisée par ordinateur (CPMO)

Cette troisième partie théorique de notre étude va être consacrée, comme nous venons de l'annoncer, à des travaux qui s'inscrivent dans une perspective descriptive et fonctionnelle visant à explorer ce qui distingue la CPMO. Concernant le concept : médiatisation, Peraya (1998) fait remarquer que :

«Du point de vue théorique, il nous paraît pertinent de maintenir au sein d'un TPS, une distinction entre médiatisation et médiation. Le premier concept désigne le travail de scénarisation de contenus de formation (au sens large) à travers un registre sémiotique donné, tandis que le second désigne les interactions entre les acteurs du processus médiatique, à savoir la médiation de la relation sociale et affective, dans notre cas de la relation pédagogique.»

1.3.4.1 Contenu et relation, unités et structuration

Peraya (1996) s'inscrit dans le courant de recherches de l'analyse systémique de la communication menées par Bateson et son équipe de Palo Alto:  il part du constat que tout acte d'enseignement est un acte de communication ; toute communication comporte deux composantes. un contenu et une relation (le contenu étant les contenus d'enseignement, et la relation, la relation pédagogique) et deux dimensions, analogique (non-verbales) et digital (verbale). Il étudie plus particulièrement la « communication pédagogique distante et médiatisée » qui recourt « à des formes de communication différée - non-présentielle et asynchrone - et médiatisée, puisque la rupture spatio-temporelle du processus de communication pédagogique implique l'utilisation de supports médiatiques ».

Dans le cadre du Séminaire Thématique en Formation à Distance, de l'École d'été 1996 à la Télé-Université de Québec, il souligne que la médiatisation est vue sous un double angle technique et sémiotique correspondant au dispositif technique - le canal et le support - et aux langages audio-scripto-visuels (verbaux et non-verbaux).

Dans des travaux postérieurs, Peraya & Ott contribuent à une meilleure compréhension des différentes formes de « communication éducative médiatisée » dans le contexte de l'enseignement ouvert et à distance synchrone. Ainsi, dans la partie théorique du rapport final du Projet Poschiavo (2000 : 4-5), ils évoquent plusieurs événements - colloques ou rencontres - indiquant l'importance de la communication éducative médiatisée par ordinateur, « ce champ émergeant », permettant de prendre la mesure de son évolution. Nous utiliserons leur formulation du terme générique de « dispositif de communication et de formation médiatisées » pour désigner la double nature - « communicationnelle et formative » - de ces dispositifs.

Dans ce rapport, ils s'appuient sur des travaux qui analysent les interactions conversationnelles : d'un côté ceux qui se situent « dans le cadre d'un théorie de l'agir » ; d'un autre côté, l'approche qu'ils qualifient de « plus classique », celle que poursuit à l'École de Genève l'équipe de J.-P. Bronckart ; une troisième approche « est centrée sur le discours pédagogique et propose une adaptation du cadre théorique de la pragmatique à l'analyse d'interactions pédagogiques » qui identifie les catégories significatives des interventions parmi « les séquences présentant une cohérence sémantique ». D'après Peraya & Ott, ce dernier modèle proposé « exclut à tort (...) les séquences de régulations, dites contextual exchanges ». Ils proposent une « grille d'analyse simplifiée comportant trois catégories fondamentales de communication permettant de caractériser les unités des différents niveaux de granularité retenues, tant les interactions que les séquences », dimensions que nous reprenons à notre compte dans l'étude du corpus :

« a) la dimension référentielle, autrement dit les contenus d'apprentissage ou plus généralement la tâche réalisée dans l'environnement,

b) la dimension relationnelle, i.e. celle qui regroupe tous les actes de socialité dont les salutations constituent une grande part et enfin

c) la dimension régulatrice des mécanismes conversationnels. »

Pour traiter un point essentiel, pour l'analyse du discours, celui des unités (« un problème méthodologique majeur dans le cadre de l'analyse du discours comme d'ailleurs des actions », selon ces auteurs) ces chercheurs tiennent compte des structurations et des terminologies déjà employées et offrent une structuration hiérarchique « à cinq niveaux », qui est celle que nous appliquerons à notre corpus :

« 1. l'incursion (école de Genève), Speech event (Hymes) ou rencontre (Goffman) ;

interaction (Kerbat Orecchioni, Cerisier), (...) ;

2. la séquence (...) ;

3. l'échange qui correspond au niveau dialogique élémentaire ;

4. l'intervention ;

5. enfin l'acte de langage lui-même ». (Ibid.)

1.3.4.2 Système, dispositif et modèle pédagogique

Une autre approche des systèmes de communication écrite asynchrone de type forum, proposée par Mangenot (2002), est basée sur l'importance de faire la distinction entre les aspects socio-cognitifs et socio-affectifs dans les projets de formation à distance (FAD).

Pour Mangenot, il est essentiel de rappeler que la formation à distance permet l'accompagnement pédagogique « dans une logique d'échange et non dans une logique de présentation des contenus » (Mangenot 2002b). C'est ce que ce chercheur peut affirmer suite à « une expérience de trois années de suivi pédagogique par forum d'une unité d'enseignement de maîtrise à distance1(*) ». Mais, le choix d'un suivi entièrement à distance ne va pas sans difficultés, notamment celle de « lutter contre  l'impression d'isolement inhérent à la FAD » d'où l'importance de tenir compte des aspects socio-affectifs. Basé sur une idée centrale d'inspiration socio-constructiviste, « la mutualisation des travaux », et sur l'hypothèse que « l'élément crucial pour la réussite d'un suivi entièrement à distance est lié à la nature de tâches données à réaliser aux apprenants », il est conseillé de concevoir un cours à distance, en tenant compte du système (l'interface du système informatique) sans oublier les dimensions socio-cognitive et socio-affective dans la construction d'un projet pédagogique bien ficelé.

1.3.4.3 Les effets du canal sur le discours, types de tutorat

Aux trois propriétés essentielles relevées par les chercheurs en communication médiatisée par ordinateur : la dimension écrite, asynchrone et publique (pour le groupe ayant accès au forum) des échanges sur forum, Mangenot (2004), en s'appuyant sur la pratique et l'observation suite à des expériences de formation entièrement à distance et de formation hybride2(*) ajoute et décrit une quatrième, le caractère structuré des échanges. C'est cette dimension qui « constitue la spécificité communicationnelle des forums et qui doit être prise en compte si l'on veut intégrer de tels systèmes à des pratiques pédagogiques ». Il souligne aussi « deux caractéristiques particulièrement intéressantes : la souplesse chronologique qu'autorise le temps différé et la permanence de l'écrit qui fait du forum l'équivalent d'un texte en perpétuelle voie d'enrichissement ».

Dans la sous-partie 3.2 nous allons examiner en détail la structuration des échanges et« l'effet du canal sur les discours » qui permet, d'après Mangenot, de « faire ressortir certaines caractéristiques de la communication pédagogique à distance », dans l'examen de notre corpus concernant l'utilisation d'un forum en complément à des cours présentiels.

Pour Maingueneau (2005), cité par Mangenot (2006), « l'AD, en tant que courant des sciences du langage, a pour objectif de mettre au jour des régularités liant organisations textuelles et situations de communication ».  Dans le but de décrire les caractéristiques particulières de ce type d'échange pédagogique en ligne et « [s]elon une démarche inspirée de l'ethno-méthodologie », Celik & Mangenot (2004) dans une étude exploratoire dans laquelle ils établissent un lien entre « les fonctionnalités du système utilisé [le forum] et la manière dont est envisagé l'accompagnement pédagogique » distinguent, à l'instar de Glikman, « deux formes de tutorat, à tendance réactive ou proactive ». A partir de la structure caractéristique du forum sur Internet, ils présentent un dispositif qui « relève plutôt d'un type de tutorat proactif, [et qui] constitue néanmoins un cas particulier non envisagé par Glikman ». Ces auteurs mettent au jour, donc, la spécificité d'un tutorat « mixte », qui se correspond avec le nôtre : il est constitué à la fois d'interventions initiatives, typiques du tutorat à tendance proactive (« les consignes de l'enseignant - tuteur » [...] peuvent [...] être considérées comme des interventions initiatives ») et des réponses (« feed-back à ces travaux ») qui sont des actions plus caractéristiques du tutorat à tendance réactive.

D'autres approches empruntent les outils d'analyse à la microsociologie interactionniste goffmanienne  pour mettre « en parallèle les structures de l'interaction conversationnelle, issues des travaux de Goffman, et celles d'interactions pédagogiques à distance, telles que pratiquées dans les situations de tutorat (proactif) mise en place pour accompagner les formations à distance » (Blandin 2004 : 366). En se situant dans le contexte de la relation pédagogique (« instance particulière de la relation éducative dans un dispositif éducatif particulier ») ce chercheur a recours aux notions développées par Goffman de « rites d'interactions », « rôles », « statut », « cadre », « distance sociale » s'interrogeant sur les particularités de la relation pédagogique lorsque la formation a lieu entièrement à distance : « quelles procédures relationnelles la relation pédagogique à distance met-elle en oeuvre ? En quoi diffère-t-elle de la relation pédagogique en mode présentiel ? ». Une fois présentées les modalités de présence (« face à face ou en mode présentiel », « présence virtuelle », « à distance synchrone », « à distance asynchrone ») il propose d'ajouter le terme « médiatisé » (Ibid. 365) à une définition de la situation de Gofmman (« `perceptions directes ou médiatisées' et `présence mutuelle immédiate ou médiatisée' »). Comme conclusion, il trouve que la relation pédagogique à distance « s'atténue » (du fait d'un certain changement de repères institutionnels (« statut des acteurs et des lieux, rituels... ») mais « les interactions à distance suivent de nombreux schémas identiques à ceux régulant les interactions en face à face ou tentent de les reproduire » (Ibidem : 379).

Les modalités de tutorat dont il a été question jusqu'ici étaient réalisées sous la responsabilité des enseignants. Nous allons voir, maintenant, un cas particulier du tutorat de FLE réalisé par des étudiants, apprentis de tuteurs, qui est l'objet d'étude de Dejean-Thircuir & Mangenot (2006b). Dans l'article intitulé « Pairs ou tutrices ? » ces chercheurs s'appuient aussi sur des notions de la micro-sociologie goffmaniennes pour mener à terme l'analyse des données discursives d'un projet de recherche - action3(*) de tutorat « entre pairs » dans le but de mettre en relief comment des étudiantes qui jouent un rôle de tutrices, dans le cadre de leurs études de maîtrise FLE à distance, se mettent en scène ; la façon dont elles se positionnent par rapport aux apprenants et cherchent à définir implicitement ou explicitement les contrats et négocier les cadres de l'interaction.  C'est le contexte de notre tutorat en ligne que nous présenterons en 3.1.

Nous avançons, pour l'instant, que nous allons nous appuyer sur les apports de la pragmatique, déclinée en techno-sémio-pragmatique, domaine interdisciplinaire, qui nous ouvre un chemin de réponse aux questions qui ont provoqué le début de cette recherche. En effet, héritière des éclairages offerts par des disciplines non-linguistiques, la pragmatique explique la communication comme un phénomène lié à une situation sociale concrète, où le langage est un élément de plus, imbriqué dans un réseau complexe d'éléments.

La pragmatique, à l'heure actuelle, nous semble pouvoir poser un regard différent sur la nouvelle communication - ici, la communication pédagogique - médiatisée : car elle permet l'analyse systémique :

- des faits ou actions, actes communicatifs non-linguistiques et actes de langage, qui laissent des traces, et d'interpréter leur sens dans leur contexte particulier;

- elle peut aussi rendre compte des traces de l'énonciation et aborder l'étude de nouveaux genres de discours - ici le genre de discours interactif émergeant, propre à la FAD des étudiants de FLE qui apprennent en échangeant dans le cadre d'un scénario pédagogique qui se construit au fur et à mesure que se construit leur relation.

Notre étude se positionne comme une contribution aux études exploratoires et qualitatives des échanges en ligne dans le cadre des apprentissages des langues. Des trois domaines possibles de référence de ce nouveau champ d'études : l'analyse des interactions en classe de langue, la communication médiatisée par ordinateur (CMO) et l'apprentissage collaboratif assisté par ordinateur (ACAO), nous nous situons dans la CMO pour « décrire les nouveaux discours nés de l'utilisation des outils électroniques » (Mangenot & Zourou , 2007).

2 METHODOLOGIE

Notre propos est de mettre en lumière les actions - verbales et non-verbales - sous-jacentes à la communication pédagogique médiatisée par ordinateur ; notre attention se portera ainsi sur la structure du processus de communication - comme manifestation des caractéristiques d'un modèle ou type de relation, rencontre ou interaction didactique en ligne. La méthode choisie est celle de l'observation et de la description des données brutes enregistrées sur Internet. Nous allons, en premier lieu, justifier le choix des données et expliquer leur saisie et leur traitement informatique, pour ensuite présenter et justifier l'évolution dans la sélection des variables prises en considération pour notre étude en fonction de l'orientation de la recherche.

2.1 Choix et type de données

Notre parcours professionnel, évoqué dans l'introduction de cette étude, d'enseignante et de formatrice a été très influencé, d'abord, par l'arrivée des méthodes communicatives, basées sur des approches socio-constructivistes, qui conseillaient l'utilisation des documents authentiques à la fois comme déclencheurs de la parole en cours et parce qu'ils apportaient l'authenticité des communications sociales, propres des rencontres en milieu `naturel'. Ensuite, par la l'arrivée de l'ordinateur en réseau devenu, à la fois, d'une part, base de données (fournisseur des ressources documentaires) ; et d'autre part, moyen de représentation et de communication facilitant les échanges réels entre apprenants d'une langue étrangère et natifs de cette langue (Telenti 1997, 1998, 1999, 2000).

2.1.1 Justification du choix des données

En nous lançant dans cette étude, nous voulions, tout d'abord, répondre à des questions de cet ordre : « Peut - on envisager d'acquérir des compétences culturelles lors d'un échange entre étudiants en ligne ? Les étudiants laissent-ils des traces de comportements culturellement marqués ? » Nous avons pour ce faire décidé d'examiner les échanges à l'aide des outils d'analyse empruntés à la pragmatique. Concrètement, le choix des données du tutorat franco-espagnol se justifie par le fait que ce sont les pays et les langues-cultures que nous connaissons le mieux, ce qui, nous pensions, pouvait faciliter une meilleure compréhension des aspects interlinguistiques et interculturels.

D'un autre côté, il s'agit d'un échange a priori très asymétrique comportant des natifs ou experts préparant un Master en FLE et des apprenants débutants ou faux débutants pour qui le français est une matière parmi d'autres. Comment se construit cette modalité de communication ? Nous avons examiné les données de l'échange 2005/2006 et le choix s'est finalement porté sur les échanges qui ont eu lieu cette année 2006/2007, en raison d'une plus grande possibilité de contact avec les intervenants, s'il le fallait, pour des besoins de la recherche.

2.1.2 La saisie des observables et la constitution du corpus

Tout d'abord, il faut préciser que parmi l'ensemble des données brutes constituant ce tutorat en ligne : les tâches intégrant le scénario pédagogique et les messages du scénario de communication, nous avons sélectionné comme objet d'étude les messages qu'apprenants et tuteurs ont déposé sur le forum (TABLEAU 2). Ces messages servent surtout à faire parvenir le travail à accomplir (la réalisation ou la correction d'une tâche). Le forum est, donc, la « scène » dans laquelle se déroule la `vraie' communication - 'vraie' parce que même si elle est tout à fait spontanée, non-inventée, authentique, elle a lieu dans un cadre pédagogique, soumis donc à des contraintes d'ordre divers.

Comme ces données brutes sont électroniques (l'ensemble des messages échangés sur forum) elles apparaissent structurées par le système informatique (le forum de la plate-forme Moodle) accessible via Internet. Afin d'étudier la structuration du système, nous avons réalisé d'une part des copies de quelques écrans correspondants à la page d'accueil, à la présentation de l'organisation des forums et, `à l'intérieur' de ceux-ci, des écrans correspondants aux fils de discussion ; et d'autre part nous avons procédé à des copies d'écrans montrant la première intervention d'un fil de discussion et l'enchaînement des réponses, ainsi que les options de présentation des données qui s'ouvrent à disposition des émetteurs et des récepteurs. En outre, nous avons relevé des écrans montrant les options du système mises à disposition des émetteurs : pour des interventions initiatives et des réponses, de façon à étudier les aspects interactifs propres au système (rapports utilisateur-ordinateur-logiciel) ainsi que les espaces discursifs (dans les interfaces graphiques) avec lesquels interagissent les scripteurs.

Suite à ces démarches destinées à permettre d'observer et de décrire « la scène » mettant en relief les possibilités offertes par le système du point de vue interactif et dynamique (l'articulation système - utilisateurs), nous procéderons aussi à relever des contributions individuelles indépendantes ou enchaînées, soit par la même procédure technique de reproduction de l'écran, soit par l'extrait des messages (à l'aide des outils copier-coller) afin de pouvoir présenter formellement des échanges (des interventions enchaînées sémantiquement).

Afin d'examiner de plus près le contenu et la forme des contributions, nous avons saisi la totalité des messages, d'abord séparément et, dans un deuxième temps, en unités de sens à l'aide des outils informatiques. Les changements opérés par nos soins ont été leur anonymisation et quelques petites modifications non-significatives de leur aspect formel : réduction de la taille des caractères et perte des couleurs des intitulés. La disposition spatiale a été respectée.

Les messages sont présentés dans cette étude dans leur intégralité (les coupures sont indiquées par des points suspension entre deux crochets). Une codification est mise en place afin de signaler si le scripteur est un étudiant de FLE (E) ou un étudiant-tuteur (T), quel est son groupe d'appartenance (groupes A, B, C, D) et quel est le forum d'où le message a été extrait. Les étudiants-tuteurs ont ouvert des forums consacrés aux différentes tâches (appelées activités par les groupes C et D) destinés à chaque groupe et, à l'intérieur de chaque groupe, pour chaque tâche (ils ont nommé forum, le premier forum de chaque groupe ; et ensuite tâche1, tâche2... ou activité1, activité2...). Nous présenterons à nouveau cette convention dans l'analyse des interventions.

2.2 Démarche de construction d'un modèle

Nous allons présenter ici les démarches méthodologiques que nous avons mises en place ainsi que l'explication des différentes étapes prises en considération pour l'étude des données.

2.2.1 Observation et présentation des données

Nous avons commencé par la lecture et la « transcription » des données brutes. D'abord, nous avons examiné les plus petites unités de sens, délimitées par la pragmatique illocutoire, les actes de langage. Ainsi, nous avons mis au jour une sorte de squelette ou structure des messages. Nous avons choisi d'encadrer des messages, des échanges et des séquences qui apparaissaient à l'écran isolés (pour les premiers) ou enchaînées (pour les autres).

A l'aide des lectures réalisées, consignées dans le cadre théorique, nous avons réexaminé ce corpus et veillé à respecter les unités de sens des messages, échanges et séquences -recadrés selon leur sens par nos soins. A plusieurs reprises nous avons été obligée de revenir sur les données brutes (accessibles sur Internet) afin de mettre en application et croiser différents notions et outils méthodologiques empruntés à d'autres courants et disciplines évoqués dans la partie théorique. Ces copies d'écrans qui seront infra présentées, de même que les encadrements des contributions, nous serviront à décrire statiquement des instants `fugitifs', extraits du flux dynamique de l'interaction.

2.2.2 Approche systémique

Nous offrons, dans la première partie de l'analyse, quelques données quantitatives mais nous nous tournons ensuite vers l'analyse qualitative, parce que nous avons trouvé que, pour décrire cette situation de communication, il faut passer par le sens, par l'interprétation. Au moment de l'interprétation du sens de cette communication pédagogique médiatisée par ordinateur, nous avons recouru autant à la considération des contraintes imposées par le système technologique qu'à celles imposées par la situation institutionnelle d'apprentissage : aux variables dues au dispositif spatio-temporel, au « contrat didactique » auquel sont `attachés' les participants de façon implicite...

Enfin, suite à l'application sur le corpus de ces différents regards, nous nous sommes tournée vers l'approche globale ou systémique, la seule approche qui nous permettait de décrire tous les aspects de façon intégrée, qui « consiste à donner plus d'importance aux relations entre les variables d'une situation donnée qu'à l'étude isolée de telle ou telle variable » (Mangenot 2000 : 118).

2.2.3 La modélisation

Ce travail descriptif d'une modalité particulière de communication pédagogique médiatisée par ordinateur se veut une contribution à une meilleure compréhension des pratiques d'enseignement-apprentissage à distance en mode asynchrone, facilitées par les nouveaux moyens technologiques. L'approche systémique vise à tenir compte de toutes les variables, linguistiques et extra-linguistiques, intervenant dans la communication et notamment la mise en relief de l'influence exercée par les moyens informatiques : l'ordinateur et les logiciels qui servent de canal de communication. Quel est l'effet de la médiatisation technologique dans la communication ? Nous avons présenté des travaux réalisés qui ont déjà exploré ce terrain et donné des résultats à l'aide de différents outils d'analyse.

Dans la lignée de ces nombreux travaux qui ont analysé les interactions en classe de langue, l'objectif de notre contribution est d'apporter des éléments qui aideraient à « construire un modèle de description qui puisse mettre en évidence `l'architecture du jeu discursif'. C'est de toute évidence un modèle fonctionnel » (Pléty 1993 : 72).

Face à un ensemble assez vaste de données, qui se présentent sous une forme très structurée par le système informatique, le premier problème qui se pose est celui de la sélection et du traitement des indices pertinents pour mettre en relief « les rangs utiles à la description » (ibidem).

2.2.4 Domaines ou niveaux d'analyse

Nous avons décidé de distinguer trois domaines ou niveaux que nous présentons comme : macro, méso et micro (Develotte, 2006 : 88), à l'intérieur desquels nous avons décliné une série de paramètres qui nous ont paru indispensables pour l'analyse de cette modalité de communication médiatisée.

Le niveau macro correspondrait aux contraintes institutionnelles et en fonction du projet de formation et de recherche ; le niveau méso se situerait plutôt dans la convergence des interactants avec les outils informatiques et les ressources, et entre les interactants ; le niveau micro refléterait les traces discursives verbales et non-verbales.

TABLEAU 3: Domaines & paramètres à aborder dans la description

Niveau macro : contexte situationnel

o cadre didactique, statut et rôle des participants, scénario pédagogique, environnement informatique ; paramètres spatio-temporels.

Niveau méso : organisation des interactions (leur hiérarchisation structurelle et temporelle)

o médiatisation informatique, interactivité : structuration des interventions en forum> fils de discussion> réponses

o enchaînement des interventions (arborescence à l'intérieur des fils de discussion)

o données quantitatives / données qualitatives facilitées par le système

§ médiatisation et interaction : l'acte d'émission, moment et mode d'intervention (Répondre à un message / Nouveau sujet de discussion), structuration interne qui échappe au système informatique

Niveau micro : les traces discursives, pragmatiques et interactionniste, et la médiatisation informatique

o mise en place d'un type de relation

o positionnement énonciatif, termes d'adresse

o gestion du polylogue

o actes de langage, les échanges et les séquences

o interventions initiatives, réactives, proactives et mixtes

o dimension référentielle, relationnelle et régulatrice

o traces des mouvements d'ajustement réciproques

o emprunts à l'écrit formel et à l'oral conversationnel

o ponctuation expressive et émoticones.

3 ANALYSE

Cette partie de notre étude sera consacrée à la description des données de notre corpus. Suivant la perspective systémique, nous allons mettre au jour les variables qui, selon notre point de vue, composent la situation de communication pédagogique en ligne dont il est question. Nous commencerons, ainsi, par la présentation de la situation institutionnelle de formation et les autres paramètres relevant du domaine macro ; nous passerons en revue ensuite les aspects reliant le système de communication et des traces discursives d'interaction organisation et structuration des interventions correspondant au niveau méso, et finalement nous nous référerons aux aspects relationnels d'ajustement réciproque.

3.1 Contexte institutionnel

La présentation du projet Le français en première ligne, « que l'on peut assimiler à une recherche-action-formation », son contexte institutionnel, son évolution et les particularités du volet franco-espagnol peuvent être consultés dans Mangenot & Zourou (2007) et sur le site web du projet4(*). Nous nous limitons à signaler ici qu' « [i]l s'agit de faire réaliser par des étudiants en master français langue étrangère (maîtrise FLE entre 2002 et 2004, master 2 professionnel ensuite ) des tâches multimédias pour des apprenants étrangers distants et de leur faire tutorer ces tâches, afin de les former à l'enseignement d'une langue via Internet ».

3.1.1 Dispositif du tutorat en ligne

Le schéma présenté ci-dessous, qu'il faut comprendre de façon dynamique (voir 1.2.1) montre le dispositif spatio-temporel du tutorat en ligne qui est à l'origine de la situation de communication pédagogique médiatisée par ordinateur de notre corpus franco-espagnol, correspondant à l'année en cours, 2006/2007.

Le cadre intérieur du schéma représente le groupe de vingt apprenants espagnols en première année à l'université (non spécialistes, débutants ou faux débutants en français) qui se connectent sur Internet, en présence de leur enseignant, pour participer à la formation complémentaire à distance, depuis une salle informatique de l'université (ce qui a lieu deux heures par semaine, entre septembre et décembre 2006) ; un cadre plus large représente à distance les quatre étudiants-tuteurs de l'université Stendhal Grenoble 3 qui ont le rôle d'experts de la langue.

Les étudiants-tuteurs préparent en binôme les tâches à faire, tâches que chaque tuteur mettra en application avec cinq apprenants. Les apprenants découvrent les tâches à faire (montrées par les flèches en pointillé), les réalisent et les envoient pendant leurs heures de cours (les flèches unidirectionnelles représentent les communications ou messages échangés à ce sujet). Les tâches sont élaborées à partir de documents multimédia -authentiques, publiés sur Internet ou élaborés par les tuteurs en support écrit, audio et vidéo. Nous n'allons examiner, comme nous avons déjà signalé, que les messages échangés entre les étudiants

SCHÉMA 1 : Dispositif du tutorat en ligne

Revenons sur une des caractéristiques du forum, le caractère public des messages, aspect que nous mettrons en relation avec une observation de Kerbrat Orecchioni ([2001] 2005 : 56): les destinataires premiers des messages des apprenants (qu'elle qualifie de « principaux ») sont les tuteurs et les destinataires premiers des messages des tuteurs sont les apprenants ; mais tous ces messages ont des destinataires secondaires ou `latéraux', leurs enseignants.

Quand l'étudiant (apprenant ou tuteur) rédige sa contribution, il pense essentiellement au destinataire premier mais il a éventuellement en tête aussi les autres destinataires (notamment le professeur espagnol pour les étudiants de l'Université de Leon et le professeur français pour les étudiants de l'Université Stendhal Grenoble 3).

3.1.2 Cadre pédagogique

Nous poursuivons la description des variables extra-linguistiques de cette modalité de communication pédagogique avec un schéma représentant le cadre pédagogique, les facteurs intervenant dans la situation de communication dont il est question. Le triangle pédagogique classique formé par l'apprenant, l'enseignant et les savoirs est modifié par l'entrée en scène de l'ordinateur comme nous allons montrer ci-après :

SCHÉMA 2 : Composantes de la situation pédagogique

Une précision à donner : la variable Contenus d'enseignement correspond ici d'un côté à la langue française (pour les étudiants espagnols), tant comme contenu théorique (l'objet des tâches) que comme moyen de communication et, d'un autre côté, à la méthodologie du tutorat à distance (pour les étudiants de Grenoble) qui englobe aussi plusieurs aspects (réalisation et mise en ligne des tâches, correction des productions, suivi de la formation ...) .

A l'extérieur de ce schéma, nous avons voulu représenter les axes de l'encadrement pédagogique disciplinaire, méthodologique et technique où vont `s'insérer' et `agir' les étudiants pendant le tutorat tout en les construisant : la formation à distance (FAD) en français langue étrangère (FLE), servira de complément à des cours présentiels. Cette modalité de tutorat hybride va se réaliser sous forme de scénario pédagogique (basé sur la réalisation de tâches) à travers des outils d'une plate-forme de communication sur Internet.

Concernant la plate-forme Moodle, elle fournit les outils nécessaires aux enseignants, tuteurs et apprenants pour l'ouverture d'espaces d'échange et de partage, publication et consultation à distance de contenus pédagogiques et la communication asynchrone. L'outil qui va nous intéresser est le forum. Comment se présente cet outil ? quelles sont les traces des actions `techniques' réalisées à l'aide des moyens offerts par le logiciel ? Quelle influence a-t-il sur la communication pédagogique ? Nous allons essayer de répondre à ces questions, dans la partie suivante consacrée au niveau intermédiaire ou méso de l'analyse.

3.2 Le forum de la plate-forme Moodle, un système hiérarchisé

Nous poursuivons la description des variables prises en compte pour notre étude, avec celle des paramètres du domaine intermédiaire ou méso. Nous allons regarder d'abord l'aspect `physique' du `lieu de rencontre', les écrans de la plate-forme Moodle : nous allons montrer en premier lieu l'interface du projet, l'écran que découvre le participant ou le visiteur - comme c'est notre cas -, pour passer ensuite à la présentation des écrans successifs qui s'ouvrent aux étudiants et qui nous montrent les différentes modalités d'interactivité, de structuration des données offertes par le forum de Moddle, ainsi que les différentes formes d'organisation des interventions en fils de discussion à l'intérieur d'un forum.

3.2.1 Structuration hiérarchisée des contributions

Le premier écran du volet franco-espagnol du projet Le Français en Première Ligne, ci-après, donne accès aux forums créés dans la plate-forme Moodle à l'attention des participants (et visiteurs autorisés). Les étudiants des quatre groupes trouvent ici les forums qui ont été ouverts au fur et à mesure pour eux.

ECRAN 1 : Projet León -Grenoble

On peut apercevoir dans la partie inférieure de l'écran les sept forums du groupe A : Forum Etudiants Groupe A, Tâche 1, Tâche 2, Une chanson pour les vacances ... Tâche 4, Tâche 5 et Tâche 6.

Si on faisait défiler cet écran nous pourrions rencontrer les autres forums des autres groupes. Chaque forum (voir tableau infra) donne accès aux fils de discussion (terme que nous utiliserons dans un sens technique) ou sujets de discussion (terme qui reflète plutôt l'aspect communicatif).

La copie d'écran suivante représente l'interface qui s'ouvre après avoir cliqué sur le lien du forum appelé Activité 2. Nous pouvons voir, ici, comment se présente l'accès aux sujets de discussions et au nombre d'interventions ou réponses (ci-dessous, nous pouvons observer qu'un seul sujet de discussion a suscité 14 réponses).

ECRAN 2 : Un seul fil de discussion

D'autres configurations sont possibles comme le montre la copie d'écran ci-dessous :

ECRAN 3 : Plusieurs fils de discussion

Ce dernier écran offre à la vue un autre `tissage': en effet, au lieu d'un fil de discussion, nous voyons 10 fils ouverts qui ont suscité 21 réponses. Une double contribution de la tutrice, 8 échanges binaires - en réalité ternaires (puisque l'étudiant répond au tuteur, qui lui répond à son tour) et 1 échange apparemment ternaire ( mais formé par quatre tours de parole, selon le même principe). A ces données quantitatives s'ajoutent d'autres données qualitatives : le nom de celui ou celle qui a ouvert la discussion, l'intitulé de celle-ci et le nom et la date de celui ou celle qui a déposé le dernier message. Dans le cas des échanges ayant plus d'une réponse, il n'est pas possible d'avoir davantage de renseignements : il faudrait `ouvrir' le fil de discussion pour avoir directement accès aux contributions enchaînées, ce que nous ferons dans la suite de notre étude (voir 3.2.3).

3.2.2 Données quantitatives

Cette première approche des données brutes (des écrans correspondants aux forums et aux fils de discussion) nous facilite un aperçu du différent comportement de chaque groupe d'étudiants, sorte d'esquisse de la production et structuration et organisation de l'interaction.

Nombre

Étudiant(e)s

Forums

Fils

Messages

Groupe A

1 tuteur

1 apprenant et

4 apprenantes

8 forums

42 fils

90 messages

Groupe B

1 tutrice

2 apprenants et

3 apprenantes

8 forums

42 fils

96 messages

Groupe C

1 tutrice

1 apprenant

4 apprenantes

10 forums

64 fils

188 messages

Groupe D

1 tutrice

1 apprenant

4 apprenantes

9 forums

73 fils

164

messages

TOTAL

24 étudiants

- 6 étudiants

- 18 étudiantes

35 forums

221 fils

538

messages

TABLEAU 4 : Données quantitatives

La vue de ces résultats invite à s'interroger sur les raisons qui peuvent avoir provoqué un degré d'activité si différent et à comparer les raisons de la différente productivité des groupes et des étudiants. C'est le moment de préciser que ce qui attire notre attention, dans cette étude, n'est ni le comportement individuel des apprenants ni celui des tuteurs, mais la spécificité de l'interactivité qui s'établit entre les étudiants et le système informatique et les effets de la médiatisation : du canal sur l'interaction ; concrètement, dans cette sous-partie 3.2.3, notre but est de mettre en relief à la fois l'entrelacement des communications et leur organisation séquentielle.

3.2.3 L'arborescence dans les fils de discussion

Une autre fonctionnalité de la plate-forme Moodle donne accès à l'arborescence de chaque fil de discussion. Cette approche, encore plus détaillée, met en évidence le type d'enchaînements des contributions. Pour y accéder, il suffit de cliquer sur l'intitulé d'un sujet de discussion et de sélectionner l'option Réponses en fils de discussion, qui est la sélection par défaut, sur le menu déroulant situé en haut de la page (ECRAN 4).

A la différence de l'approche antérieure, celle-ci permettrait de quantifier le nombre de messages émis par chaque étudiant, prendre note des données chronologiques et des intitulés des messages ainsi que des noms des destinataires premiers des messages. Ci-après, l'ECRAN 4, illustre ce que nous venons de dire :

ECRAN 4 : arborescence à l'intérieur d'un fil de discussion

Cette ouverture affiche, donc, le premier message d'un fil de discussion et son arborescence : les enchaînements des interactions que nous allons appeler `structurales' mais ne permet de connaître le contenu, ni le type d'interaction intersubjective qui se noue entre les scripteurs.

Si, par contre, notre choix porte sur l'étiquette Réponses emboîtées du menu déroulant, en haut de l'écran, ce sont les contributions qui vont apparaître affichées : l'une à la suite de l'autre ou enchaînées entre elles - comme l'exemple représenté infra - ce qui est indiqué par le petit décalage. C'est le mode par défaut du système.

ECRAN 5 : Message d'un apprenant suivi de la réponse de son tuteur

L'émetteur n'a pas besoin de s'identifier, son nom apparaît affiché dans l'intitulé du message par défaut. L'utilisation de l'option Répondre enchaîne les contributions aussi par défaut, ce qui permet de connaître le(s) destinataire(s) premier(s) du message sans que mention en soit faite.

ECRAN 6 : Espace d'écriture pour répondre à un message

Le fait de cliquer sur Répondre ouvre l'espace d'écriture que nous pouvons apprécier supra. L'intitulé s'affiche par défaut, précédé de Re. (Ici, Re. : Tâche 1), mais peut être modifié par l'émetteur.

Le bouton Parcourir permet de sélectionner un document dans l'organigramme de l'ordinateur ou d'un autre support informatique et de le joindre au message.

Dans la suite de notre étude, les unités de sens:

- le message ou intervention indépendant (qui est en réalité souvent une intervention initiative des tuteurs adressée au groupe d'apprenants),

- l'échange entre l'apprenant et son tuteur (échange binaire ou ternaire),

- la séquence (formée par plus de trois messages enchaînés),

qui n'apparaissent pas toujours ensemble dans les écrans, nous avons décidé de les réunir et de les présenter encadrées pour faciliter leur lisibilité.

3.2.4 Structuration et fonctionnalité interne des contributions

La lecture des messages des apprenants nous permet de constater des conduites qui ne respectent ni la structure hiérarchique du forum, ni les consignes données par les tuteurs au début de l'échange se référant au respect de l'affichage des réponses correspondant au thème dans chaque fil de discussion. L'exemple suivant illustre ce comportement.

T/Btâche2

Consignes par m d - Thursday 19 October 2006, 10:09

Bonjour à tous,

Hola hola,

Postez  votre fichier son  en réponse à ce message ( et pas comme nouveau fil de discussion).[...]

MESSAGE 1

Il y a deux possibilités offertes par le système qui sont sous-jacentes à deux comportements-type, au moment de l'émission d'un message : soit on clique sur l`étiquette Répondre, soit on se décide par l'ouverture d'un Nouveau sujet de discussion. La première des options est celle choisie davantage par les tuteurs, la seconde est très fréquemment utilisée par les apprenants. Nous pensons que cette conduite des apprenants reflète la recherche de la facilité d'accès aux messages des tuteurs. En effet, si chaque apprenant ouvre un Nouveau fil de discussion et le tuteur utilise l'étiquette Répondre, ces échanges s'affichent sur l'écran des fils de discussion, dans le forum consacré au travail en cours (voir supra ECRAN 3). La recherche des contributions, à l'intérieur d'un fil de discussion, oblige, par contre, à parcourir toute son arborescence comme l'a montré l'ECRAN 4 .

3.2.5 Interventions initiatives, réactives, proactives et mixtes

Les interventions des apprenants répondent à deux types de comportements : ou bien elles s'enchaînent aux consignes qui ont été données aux groupes par leur tuteur respectif ou bien elles répondent à des messages qui leur ont été adressés `personnellement'. Il y a donc deux types de contributions réactives des apprenants, celles en réponse à une consigne générale et celles en réponse à un message qui leur est adressé `personnellement' (mais qui peut être lu par tous les participants au forum).

Les interventions initiatives des tuteurs sont les consignes, destinées à mettre en place les règles du jeu. Comme nous l'avons déjà indiqué, elles sont préparées par deux tuteurs en binôme et sont ensuite publiées par chaque tuteur à l'attention de son groupe d'apprenants. Ci-dessous nous revenons sur le MESSAGE 1 qui contient deux requêtes, dont une explicite d'organisation des contributions (postez...) et une autre plus nuancée par l'utilisation d'une tournure (pensez à...). L'envie de recevoir la photo est exprimée par les points d'exclamation.

T/Btâche2

Consignes par m d - Thursday 19 October 2006, 10:09

Bonjour à tous,

Hola hola,

Postez  votre fichier son  en réponse à ce message ( et pas comme nouveau fil de discussion).

PS : Pensez à nous envoyer une photo de votre tête !!
Mucha suerte !! Si si, hablamos espanol !!!

MESSAGE 2 (Message 1, complet)

La plupart des interventions des tuteurs sont réactives ou mixtes, étant destinées à évaluer le travail réalisé par les apprenants et à les orienter et les accompagner dans le cadre de cette relation pédagogique. Pour mettre en relief ce double mouvement, nous allons nous appuyer sur l'unité échange, de façon à situer dans son contexte discursif chaque intervention. L'échange ci-dessous nous sert d'exemple d'une intervention mixte, réactive et proactive du tuteur:

E+T/Aforum

tâche 1- D par s f d - Tuesday 17 October 2006, 19:00

Bonjour!

voilà le premiere tache

correction tache 1 par m bt - Sunday 22 October 2006, 14:32

voici la correction de ton travail, avec des commentaires. pour la tache 2 peux tu envoyer ton travail sur le forum en réponse aux consignes? Merci

ECHANGE 1

Il s'agit de la tâche1, elle n'a pas été déposée par l'apprenant sur le forum approprié (tâche1), mais sur le forum ouvert pour l'échange des premiers messages (dénommé forum). Afin de corriger cette conduite et de veiller à une certaine organisation discursive (instaurée dans le forum, où chaque forum est destiné à une tâche), le tuteur, une fois rendue la correction de son travail à l'apprenant (segment réactif de l'intervention), ajoute une question qui a valeur de requête (peux tu...?) ou segment proactif de l'intervention, le merci comme clôture contribuerait à renforcer cette requête indirecte.

3.2.6 Gestion du polylogue

Notre corpus présente une particularité, bien que l'outil de communication employé, le forum, soit par défaut un espace public de communication auquel tous les participants ont accès et où ils peuvent réagir aux contributions des autres : nous constatons que la communication est quasi exclusivement personnalisée entre apprenant et tuteur. Le schéma est le suivant : soit les tuteurs émettent des messages collectifs, sans indiquer qui a préparé la tâche proposée aux apprenants ; soit le binôme des tuteurs est mentionné, comme c'est le cas des deux tuteurs qui ont préparé le travail à faire pour les groupes A et B, ce qui est noté par la tutrice du groupe B à l'attention des apprenants de son groupe B:

T/Btâche2

Re: consignes par m d - Sunday 22 October 2006, 18:41

Voici un exemple de conversation que M. et moi avons fait. [...]

MESSAGE 3

Les apprenants répondent individuellement (ou en binômes) à leur(s) tuteur(s) et ceux-ci répondent à leur tour individuellement (ou à deux) aux apprenants, comme nous verrons par la suite. Mais, voyons trois situations dans lesquelles un message d'un apprenant fait part d'un travail réalisé en binôme : comment sont-elles traitées par le tuteur ? Comment sont gérées les marques d'énonciation et les termes d'adresse ?

E/Ctâche1

Re: Tâche 1, activité 3 par A B - Friday 20 October 2006, 13:48

Salut,

Voilá mon audio avec ma copine S..<lien>

Au revoire!

Tuteur répond à B

Message pour B. par a p - Saturday 21 October 2006, 17:31

Bonjour,

j'ai écouté votre dialogue avec S  ( activité 3) . [...]

Tuteur répond à S

Message pour S. par a p - Saturday 21 October 2006, 17:36

Bonjour,

j'ai écouté votre dialogue avec B ( activité 3) . [...]

ECHANGE 2

Un participant à un forum en ligne utilise un code d'accès que le logiciel `reconnaît', `retient' et va afficher par défaut en tête du message, comme le montre l'intitulé de la première intervention ci-dessus (...par A.B.). Si le message se réfère à un travail réalisé en binôme, il y a un deuxième émetteur implicite : c'est le cas ici, car B. fait allusion dans le corps du message à sa copine S. avec qui elle a réalisé l'activité 3 de la tâche 1. Le récepteur (ici, la tutrice), par contre, s'il n'utilise pas l'option Répondre au moment de répondre à un message, il doit indiquer explicitement leur(s) destinataire(s), ce qui est fait à cette occasion avec l'ouverture de deux sujets de discussion à l'attention des apprenantes : Message pour B et Message pour S , contenant des commentaires dirigés à chacune d'entre elles. Ces trois interventions font partie d'une séquence plus longue, car la tutrice leur reproche que le travail réalisé est incomplet et les apprenantes vont répondre à leur tour à leur tutrice...

Si le tuteur s'adresse à deux apprenants qui ont réalisé une tâche ensemble suivant les consignes, le tuteur fait le choix d'afficher le nom des deux destinataires dans l'intitulé du message, comme nous voyons dans la réponse du tuteur ci-après:

E+T/Ctâche2

Re: Tâche 2, activité 3 par A B - Friday 27 October 2006, 13:29

Salut!

Voici l'activité 3 avec S, [...].

A plus!

Message pour B et S par a p - Monday 30 October 2006, 09:48

Salut, [...]

ECHANGE 3

Souvent les tuteurs encouragent la communication pédagogique entre les apprenants, comme le fait la tutrice dans l'émission de son message. Voyons l'extrait suivant :

T/Btâche2

Re: tache deux audio par m d - Saturday 4 November 2006, 18:52

Bonjour I !! [...]
Comme tu as fais le travail avec B., montre lui les corrections aussi.[...]

MESSAGE 4

Les étudiants, n'ayant que le tuteur comme destinataire principal de leurs contributions, ne se sentent pas obligés d'indiquer le nom de leur destinataire. Parfois, néanmoins, ils s'adressent individuellement au binôme de tuteurs qui prépare les tâches, comme les deux premières contributions ci-après. D'autres fois, les contributions transmettent une `voix collective' (nous ) qui s'adresse aux tuteurs (vous ), comme le troisième exemple ci-après :

E/Btâche1

Présentation oral (I) par i f - Friday 20 October 2006, 13:47

Voilà ma présentation oral du tache 1.

C'est pas très longue mais j'espère que ce soit suffit.

Au revoir M et M!

E/ Btâche2

Voici le tâche deux de I par i f - Friday 27 October 2006, 13:38

Salut!

Ici je vous laisse ma deuxième tâche. Comment ça va M et M?

E/Btâche3

Nous avons des problèmes avec cette tâche par F U - Friday 3 November 2006, 13:35

Salut,

L'activité que vous nous proposez présente des problèmes techniques: [...]

MESSAGE 5, 6, 7

Le pronom vous utilisé dans les MESSAGES 6,7 est une autre preuve de la conscience des apprenants du fait que les tuteurs travaillent ensemble.

Nous pouvons extraire quelques conclusions des points traités dans ces deux sous-parties 3.1 et 3.2. Notre regard, lors de cette partie descriptive, s'est posé d'abord sur le contexte situationnel (niveau macro) et ensuite sur l'organisation structurale des données brutes de notre corpus (niveau méso). Dans cette deuxième approche, nous avons croisé des observations du fonctionnement du système informatique avec des actions communicatives (langagières et instrumentales) des émetteurs et nous en avons ainsi tiré quelques résultats :

- le système de structuration des données ne correspond pas toujours avec les interactions intersubjectives sous-jacentes (non répertoriées par le logiciel) ;

- le système ne rend pas compte de la pluralité d'énonciateurs et énonciataires des messages ;

- les messages des tuteurs peuvent apparaître à l'écran comme messages indépendants ou tronqués mais ce sont en réalité des interventions initiatives multiadressées;

- les messages des apprenants qui peuvent paraître des interventions initiatives sont en réalité des interventions réactives à des messages des tuteurs ;

- la plupart des messages font partie d'un échange binaire (formé par les deux types d'intervention que nous venons d'évoquer) ou ternaire (quand il est complété par une réplique). 

3.3 La construction d'une relation, mouvements d'ajustement

Cette partie sera consacrée plus particulièrement à la mise en lumière des traces verbales et non-verbales des actions entreprises par les uns et les autres pour l'établissement de la relation didactique et leurs ajustements réciproques. Dans ce genre d'exercice de communication à distance, il faut absolument prendre en compte les limites techniques ainsi que des aléas de tous ordres qui peuvent entraver les communications et modifier les relations entre les interactants. Quel est en réalité le contenu des messages ? Quel type de relation instaurent les participants à cette formation en ligne ? Nous allons étudier d'abord des contributions à dominante relationnelle, pour passer ensuite à l'examen de la dominante référentielle pouvant provoquer des situations menaçantes pour l'équilibre de la relation.

3.3.1 Un type de relation se met en place

Nous allons nous intéresser ici aux aspects relationnels, interindividuels, médiatisés par ordinateur. A tel effet, nous examinerons avant tout des messages de présentation des étudiants. En premier lieu, nous nous occuperons de la façon dont les présentations des apprenants ont lieu et ensuite celles des étudiants-tuteurs. Les premières contributions des apprenants de français reflètent une conduite langagière assez conventionnelle.

Les premiers messages des apprenants montrent un registre familier et les conventions propres aux rencontres informelles en face à face (cette manière de se présenter peut aussi correspondre à celle adoptée en situation d'échange communicatif en salle de cours entre apprenants). Les quatre contributions suivantes peuvent servir d'exemple:

E/Aforum

Salut! par s f d - Friday 29 September 2006, 14:04

Salut M

Je m'apelle D. j'ai dix huit ans.

E/Bforum

Bonjour par i f - Friday 29 September 2006, 14:04

bonjour comment ça va? je m'appelle i

au revoir

E/Cforum

Bonjour par A R R - Friday 29 September 2006, 14:00

Bonjour,

Ça va? 

Au revoir 

E/Dforum

Bonjour par M M G - Friday 29 September 2006, 15:32

salut a.!! je m'apelle m et je suis dans la salle d'ordinateurs. Ça va bien?

au revoir!

Nous rappelons les conventions de transcription

- E (étudiant de FLE) T (étudiant-tuteur)

- A, B, C, D groupes formés par un tuteur et cinq étudiants

- Forum, tâche 1, tâche 2 ... noms des forums

Une série comme E/Aforum signifie : message d'un étudiant du groupe A laissé sur le forum appelé forum.

Les références aux documents attachés où aux liens html des messages sont : <lien>

MESSAGE 8, 9, 10, 11.

Nous constatons que les apprenants appellent leurs tuteurs par leur prénom comme le montrent deux des exemples précédents (Salut M, Salut A.) . Nous remarquons de même le recours à des signes non-verbaux, comme la répétition de points d'exclamation et le smiley du dernière message qui contribueraient à renforcer cette impression de `proximité' ou de `parité' dans les rapports qu'ils mettent en place avec leurs tuteurs.

Nous allons, maintenant, nous pencher sur les premiers messages de trois tuteurs, ci-dessous, afin d'étudier leur façon de réagir aux messages des apprenants.

T/Dforum

Re: bonjour par a p - Thursday 5 October 2006, 16:43

Bonjour M,

Je suis A ta tutrice et je suis très heureuse de faire ta connaissance. J'espère que nous allons bien travailler ensemble.

A bientôt

A

T/Aforum

Re: salut par m b - Wednesday 4 October 2006, 13:19

Salut I,

 Ça fait plaisir d'avoir un message de ta part, ne t'inquiète pas nous allons progresser ensemble

T/Cforum

Re: bonjour par a p - Tuesday 17 October 2006, 18:26

Bonjour S,

je suis ravie de faire ta connaissance.

J'attends avec impatience notre collaboration

à bientôt

ta tutrice A.

MESSAGE 12, 13, 14.

Nous observons qu'ils ont utilisé l'option Répondre (Re : est affiché dans l'intitulé des messages) et de ce fait ces messages s'affichent à l'écran à la suite du message initiateur, avec un léger décalage vers la droite servant de repère au destinataire visé. Les tuteurs ont néanmoins recours à un terme d'adresse (M., I., S.) dans l'ouverture (marque affective ou pratique de routine).  L'utilisation du prénom et le tutoiement sont des marqueurs d'échange symétrique. Par contre, une référence comme ta tutrice (deux occurrences) ou l'acte de langage d'encouragement ne t'inquiète pas fonctionnent comme des marqueurs d'une relation pédagogique et, à la fois, de position haute dans une échelle. Ce qui confirmeraient les allusions explicites au travail : travailler, progresser, collaborer (dans lequel il y a `labor').

Les étudiants-tuteurs sont, en effet, en position plus `élevée' que les étudiants-apprenants du français du fait d'être plus âgés et plus compétents en langue, culture et méthodologie du français que les apprenants, plus jeunes et démunis dans l'expression en français. Néanmoins, derrière l'emploi des possessifs à la première personne du pluriel (nous, notre - équivalent à `toi et moi' ou à `nous tous') dans les actes de souhait d'une progression dans la connaissance, on peut percevoir, chez les tuteurs, une manifestation du statut d'étudiant prêt à apprendre.

L'analyse de ces trois messages initiaux des tuteurs reflète bien le va-et-vient entre un type de relation symétrique (qu'ils établissent avec des étudiants) et asymétrique : du fait qu'ils jouent le rôle de tuteurs ayant des responsabilités plus contraignantes.

Nous allons rencontrer souvent des segments ambigus - ou polysémiques -, comme c'est le cas de celui-ci: nous allons progresser ensemble ; ce segment peut vouloir dire `je vais te faire progresser' (le nous n'est alors qu'une manière de créer un lien social) ; si l'on comprend `tu vas pouvoir progresser comme apprenant et moi comme tuteur', ce segment serait plutôt marqueur de la parité ; s'il est compris comme un acte d'encouragement, il pourrait aussi contribuer à renforcer la position haute du tuteur.

3.3.2 Premiers échanges à dominante référentielle ou relationnelle

Lors des moments à dominante relationnelle, au début et à la fin de la `rencontre', nous assistons à des échanges très ritualisés, symétriques et égalitaires : ouverture, question et réponse de routine, clôture. Ils respectent le rituel habituel des rencontres informelles qui ont lieu en face à face. Voyons un exemple :

E+T/Cforum

Bonjour par A R R - Friday 29 September 2006, 14:00

Bonjour,

Ça va? 

Au revoir 

Re: Bonjour par a p - Thursday 5 October 2006, 21:22

Bonjour ,

tout va très bien

à bientôt

ECHANGE 4

Une fois dépassée l'étape des présentations, l'échange didactique s'impose tout naturellement et en même temps le type de relation évolue. Comment s'articulent la dominante référentielle, du travail à accomplir, et la dominante relationnelle des relations entre les étudiants ?

Un exemple, de ces différentes réalisations des échanges entre étudiants et tuteurs par `tâche' interposée, serait le suivant :

Atâche2

tache 2 par s f d - Tuesday 24 October 2006, 18:45

Voilà la tâche 2: <lien>

Re: tache 2 par m b- Sunday 12 November 2006, 18:09

voila la correction de la seconde tâche, regarde aussi la correction du travail de I <lien>
à bientôt.

ECHANGE 5

L'apprenant fait parvenir le résultat de son travail à son tuteur, en pièce jointe, avec des mots comme ceux qu'il prononcerait en situation de face à face au moment de rendre `la copie' à l'enseignant. Le tuteur utilise la fonction Répondre et, sans préambule, recourt aussi à un déictique (rappelant le geste de pointage), pour signaler le lieu où l'étudiant va pouvoir faire la connaissance des commentaires à son travail ; un acte explicite de requête précède la clôture du message.

Il convient de préciser que la correction des productions des apprenants a lieu généralement `en privé', dans des documents attachés aux messages. Cette conduite sépare le discours plus `naturel', du discours didactique des contenus d'enseignement.

Il arrive, cependant, que les tuteurs incluent des commentaires et des corrections à propos des tâches dans les messages et, de ce fait, les messages recoupent les deux sortes de discours  « le discours étranger qui forme le contenu de l'apprentissage (...) - et le discours qui sert à ménager cet apprentissage, c'est-à-dire le dialogue entre maître et élèves, didactique à certains moments, `naturel' à d'autres » (Kramsch 1984 : 8). C'est le cas du MESSAGE 15, ci-après, qui présente le discours `naturel' (je suis contente de te connaître) et le discours `didactique' (Ta présentation...). L'utilisation des lettres capitales serait l'équivalent d'une intonation plus accentuée dans le discours oral en situation de cours présentiel.

T/Bforum

Re: presentation audio_m par m d - Wednesday 18 October 2006, 13:26Bonjour Maria,
Je suis contente de te connaître !!
Ta présentation est très bien, mais fait attention à la prononciation de " UNE".
Ecoute bien ma voix pour corriger.
A bientôt !!

MESSAGE 15

Les deux exemples présentés ci-après montrent bien la conscience de coexistence de ces deux types de discours : dans le MESSAGE 16, le compliment affiché porte sur la tâche tandis que la correction porte sur le message (discours `naturel') de l'apprenant. Nous pouvons remarquer que celle-ci est précédée de l'expression : Je me permets de..., de même que la correction du MESSAGE 16, portant sur le message, qui apparaît aussi précédé de l'expression je dois aussi... Ces expressions des tuteurs, qui introduisent la correction des messages des apprenants, seraient-elles des mouvements de figuration, des adoucisseurs des actes menaçant la face de l'apprenant ?

T/Btâche4

Re: tache 4 par m d - Thursday 16 November 2006, 08:39

Bonjour,
C'est bien B !
Je me permets de corriger ton message:
Un exercice, une erreur, le troisième était correct
Voila,
A bientôt,
M.

T/Btâche1

Re: Présentation oral (I.) par m d - Thursday 26 October 2006, 09:54

je dois aussi corriger ton message !!
[...]

MESSAGE 16, 17

La séquence ci-dessous illustre une situation qui tourne autour du discours didactique. Le tuteur corrige dans le corps du message la production d'un apprenant (qui a réalisé une tâche consistant à simuler un interview) au moyen d'une référence métadiscursive (sur le discours de l'apprenant) et métalinguistique (à propos du sens contextuel d'un terme). Le contrat didactique, ici, permet la correction de la tâche sans `risque' ni pour la face du tuteur ni pour celle de l'apprenant. Sur la dernière contribution, qui clôt la séquence, l'apprenant revient sur la remarque du tuteur et s'auto-corrige en le remerciant :

E+T/Ctâche6

par A R R - Tuesday 28 November 2006, 19:56

Bonjour,

Voilà l'interview <lien>

A plus!

Suite

Re: Activité 6 (Interview) par a p - Thursday 30 November 2006, 21:09

Bonjour A,

[...]

Pour la phrase dans laquelle tu parle de Gerard Dépardieu , je ne suis pas sûre mais je pense que tu voulais dire " "Un long parcours" . On n'utilise pas le mot "trajectoire " dans ce contexte - là. On utilise le mot "trajectoire " quand on parle du déplacement d'un objet.

à très bientôt

A

Re: Activité 6 (Interview) par A R R - Friday 1 December 2006, 14:36

Bonjour A,

Quand j'ai dit "trajectoire", je parlais du parcours de l'acteur Gerard Dépardieu. Merci pour la correction.

[...]

Au Revoir

SEQUENCE 1

Nombreux sont les actes constatifs métalangagiers dans notre corpus, surtout chez les tuteurs. Cette sorte d'intervention discursive lors d'une rencontre exolingue entre un natif et un alloglotte est à l'origine des séquences potentiellement acquisitionnelles (SPA) qui intéressent surtout les chercheurs en interaction-acquisition des langues5(*).

3.3.3 Mouvements d'ajustement

Le cadre institutionnel fixe les normes, les droits et les devoirs des uns et des autres. Les tuteurs et les apprenants sont donc soumis à une `charte' ou `contrat didactique', qui établit des règles et conditionne fortement ce type de relation (Matthey : ibid.). Quels procédés mettent-ils en place pour gérer la transgression des règles suite à des incidents et aléas divers ? Nous allons présenter quelques situations qui provoquent des mouvements d'ajustement.

Le cas suivant présente deux messages ayant les deux aspects contenu et relation presque identiques. Les deux apprenants suivent le même schéma, ils ont eu recours aux mêmes actes de langage dans le même ordre : ouverture, état d'âme, constat de l'incident survenu malgré eux, justification, compensation, clôture. Ce qui change est la formulation de ces différents actes pragmatiques. Nous pouvons penser qu'ils ont collaboré dans la réalisation de ce message un peu embarrassant, car ils les ont envoyés au même moment :

C/tâche3 message1

Re: Activité 3 par A B - Tuesday 7 November 2006, 18:18

Salut!

Je suis trés desolee mais je ne peux pas vous envoyer l'audio de l'activité 3 parceque le micro ne fonctione pas dans cette ordinateur et nous sommes dans autre pièce des ordinateurs.

Je vais commencer aujourd'hui avec la tâche 4 et quand je peux....je envoyerais l'activité 3.

A plus

2ème message

Re: Activité 3 par s b- Tuesday 7 November 2006, 18:18

Bonjour,

Je suis desolée,parce que mon audio ne fonctione pas dans cette salle d'ordinateurs,et Je ne peux pa de envoyer toi la deuxiéme part de mon activité.

Je le tenterai plus tard dans l'otre salle où apres l'activité 4

Au revoir.

_S_

MESSAGE 18, 19

3.3.3.1 Échange réparateur auto-initié déclenché par un apprenant

L'exemple suivant constitue une séquence d'une situation dans laquelle l'apprenant se présente comme `coupable' : il ne rend que la partie textuelle du travail, ce qu'il annonce sous forme de promesse-compensation (le mardi...) et d'une demande de pardon. L'intervention réactive du tuteur consiste à lui rendre la correction de son travail écrit, accompagnée de l'évaluation et d'un acte d'encouragement ; une requête `adoucie' - rappel du compromis de rendre la deuxième partie du travail - précède la clôture du premier échange (avec l'adverbe très qui prend ici une valeur d'intensification de la requête).

E+T+E+T Dtache6

Tache 6 correct par P R F - Friday 24 November 2006, 16:32

Bonjour

Voila la tache 6 le mardi je t envoie l'enregistrement. Pardon <tâche>

Re: Tache 6 correct par a p- Thursday 30 November 2006, 10:25

Salut P, tu peux consulter la correction de l'activité dans le fichier joint. C'est très bien, continue... <lien>

J'attends ton fichier audio....

à très bientôt

Suite

l'audio tache 6 par P R F- Tuesday 12 December 2006, 18:36

Bonjour A!

Voila l'audio de la tache 6.Pardon pour mon retard.

Au revoir

Re: l'audio tache 6 par a p - Thursday 14 December 2006, 08:57

Ne t'inquiète pas, il n'y a pas de problème...

à bientôt

A

SEQUENCE 2

Dans le deuxième échange, ci-dessus, l'apprenant rend le travail (fait l'acte de réparation), assorti d'un nouvel acte de demande d'excuse accompagné d'un signe non-verbal (il `affiche un sourire', à valeur phatique). Ces actions de l'apprenant sont appréciées par le tuteur qui répond en minimisant l'affaire et finalisant ainsi la séquence auto-réparatrice, auto-initiée.

3.3.3.2 Échange enchâssé

L'apprenant, dans l'exemple suivant, rend le produit de son premier travail (Voilà, morphème polysémique, peut être ici compris comme un déictique ou une annonce de la suite dans l'interaction) et fait un acte d'excuse implicite sur sa compétence linguistique (un énoncé assertif, à valeur illocutoire d'acte d'excuse : c'est difficile pour moi). Au niveau relationnel, ce procédé peut être interprété comme un `adoucisseur' (de même que la demande de pardon et le smiley de la séquence précédente) destiné à s'attirer la bienveillance du destinataire :

E+T+E/Btâche1

Re: votre première tâche !!continuation par m d - Thursday 26 October 2006, 10:14

salut M. et M.!

Ça va? Voilà ma presentation audio. C'est difficile pour moi la pronunciation mais ici le resulté.

Au revoir!! <lien >

Re: votre première tâche !!continuation par m m - Friday 27 October 2006, 13:26

Je suis désolée mais je n'arrive pas à ouvrir ton fichier. Enregistre le en MP3 !!

Re: votre première tâche !!continuation par m m - Friday 27 October 2006, 13:26

Bonjour !! <lien>

voilà ma presentation audio. j'espere que tu peut ouvrir mon fichier.

au revoir!!!

ECHANGE 6

Cet acte de réparation auto-initié n'aura pas d'intervention réactive complémentaire, la tutrice ne rebondit pas sur cet aspect, comme nous pouvons remarquer ci-dessus, car elle est confrontée à un problème d'ordre non linguistique, mais technique, puisqu'elle fait le constat, qu'elle prend à son compte, de son incapacité à ouvrir le fichier audio de l'apprenant (Je n'arrive pas à...). Evénement qui peut être vécu par la tutrice comme doublement menaçant envers l'apprenant - qui a peut être mal réalisé les démarches techniques - et soi-même (elle n'est pas assez compétente au niveau technique pour ouvrir le fichier de l'apprenant). Situation très embarrassante qui est résolue par la tutrice à travers une excuse implicite (la forme introductrice Je suis désolée de type évaluatif affectif et l'assertion, assomption de la culpabilité) qui `adoucit' l'acte de requête explicite, accompagné d'éléments typographiques qui le renforcent.

La réponse de l'apprenant, au troisième `tour', apporte la réparation et laisse entendre qu'un effort a été réalisé afin de rétablir l'équilibre dans la relation, à travers un acte de souhait. Nous assistons à un enchaînement `hiérarchisé', formé par un échange de réparation hétéro-initié, qui se trouve enchâssé dans un échange réparateur auto-initié, comportant des procédés `adoucisseurs'.

3.3.3.3 Réparation à la charge du tuteur

Dans ce type de communication à distance, des difficultés d'ordre technique sont inévitables. Le moyen de communication (ordinateur, logiciel ou réseau) devient le thème de la communication (ce que l'on a déjà vu plus haut ).

E/Btâche3

Nous avons des problèmes avec cette tâche par F U - Friday 3 November 2006, 13:35

Salut,

L'activité que vous nous proposez présente des problèmes techniques:

la page ne s'ouvre pas,   lenteur,    la chanson est coupée

et nous ne comprenons pas la ta tâche

Aur revoir

T/Btâche3

desolée !! par m d - Saturday 4 November 2006, 19:19

Bonjour à tous,
Je suis désolée, la chanson marchait bien quand je l'ai mise en ligne pour vous mais il y a effectivement un problème.
Le site que j'avais trouvé a des problèmes apparemment.
C'est dommage.
Encore pardon.
Nous vous en enverrons d'autres avec M. à la rentrée.
A la semaine prochaine !!
Et pensez à répondre dans le même fil et ne pas ouvrir un nouveau sujet de discussion. C'est plus simple pour moi !

ECHANGE 7

Cette intervention (voir supra) fait part d'un lien qui s'est avéré non-opérationnel. Cet incident affecte deux groupes d'apprenants et leurs deux tuteurs (Nous avons... vous nous proposez... nous ne comprenons...). Les tuteurs (Nous... avec M.) réagissent avec toute un éventail d'adoucisseurs : expression de l'état d'esprit intensifiée par les points d'exclamation dans l'intitulé du message, répétée après l'ouverture, suivie d'une justification, de la reconnaissance du problème survenu malgré eux, de la demande explicite de pardon, d'une offre de compensation. Le rôle des tuteurs leur a été donné par l'institution éducative, mais, dans le déroulement de l'interaction, ils doivent être capables d'assurer cette place plus haute au niveau hiérarchique. Avant de clore ce macro-acte de réparation, ils réalisent deux actes de langage qui les remettent dans leur position haute, atténués par une justification.

3.3.3.4 Enchaînement d'échanges réparateurs

Nous n'avons repéré dans notre corpus que deux actes de requête explicites faits par les apprenants. Bien qu'ils soient différents, aux niveaux linguistique, sémantique et pragmatique, nous allons les traiter ensemble dans le cadre d'une séquence. Il s'agit des deux messages suivants, adressés par les deux étudiants à leur tuteur à une minute d'intervalle. Le premier apprenant fait un acte de requête à l'impératif, tandis que le deuxième est un acte de requête indirect : sous la forme d'une assertion se cache une demande teintée de reproche en direction du tuteur :

E/Atâche4

Bonjour M. par I.L- Tuesday 7 November 2006, 18:58

Bonjour

Ecoute le message suivant <lien>

Au revoir

I.

E/Atâche4

Salut! par g i - Tuesday 7 November 2006, 18:59

Bonjour M.!

J'a attend votre tache

Au revoir

I.

T/Atâche4

Et voici la Tâche 4! par m b - Wednesday 8 November 2006, 13:01

Bonjour à vous tous,

Tout d'abord j'espère que vous allez bien et que vous avez pu avancer malgré mon manque de disponibilité ces derniers jours. Mais cela est fini, maintenant on va rattraper ce petit retard avec cette Tâche 4. Prenez bien le temps de faire les activités, il me tarde déjà de voir comment vous allez décrire les images du deuxième exercice!
Bon travail et à bientôt.
Ps: Je ne vous ai pas oublié, je vous envoie bientôt la correction de vos derniers documents audio!

ECHANGE 8

Quelle est la réaction du tuteur ? Il ne répond pas directement à ces deux messages, comme nous pouvons voir supra, il s'adresse au groupe, présente une explication (mon manque...) suivie d'un acte de compensation (on va rattraper...) ; à la fin de son intervention, il ajoute un deuxième acte de compensation sous forme de promesse (je vous envoie bientôt...) :

Une deuxième intervention mixte, présentée tout de suite, adressée au groupe, va clore l'échange réparateur : le tuteur rend les `corrigés', rétablissant ainsi l'équilibre de la relation et peut, ensuite, recadrer le groupe (voir infra) :

T/Atâche4

La correction de la tâche 2 est prête!!!par m.b.- Sunday 12 November 2006, 18:26

Voilà, j'ai enfin eu le temps de corriger vos travaux précédents.

Avant de vous lancer dans la quatrième tâche allez voir ce que vous avez déjà fait pour éviter de refaire les mêmes erreurs.

Bonne relecture de vos travaux, je vous conseille aussi d'aller voir ce que vos collègues ont fait.

A bientôt

MESSAGE 20

Un autre mouvement réactif s'enchâsse dans cette séquence : suite à ces actions du tuteur, trois messages de remerciement lui seront adressés. Nous allons nous intéresser à un de ces messages, parce qu'il clôt cet échange et en ouvre un autre dans le même sujet de discussion. Il s'agit de celui-ci :

E/Atâche4

La Tâche 4!!! petit probleme par I L - Friday 24 November 2006, 14:44

Bonjour M.

J' ai un probleme avec la tâche 4, Je l'ai  perdue dans mon ordinateur

Je te l'enverrai mardi prochai.

P.D. Merci pour las corrections de las tâches 1 et 2.

À bientôt

MESSAGE 21

L'apprenant se trouve confronté à un obstacle d'ordre technique, les exclamations (fonction expressive) et la minimisation apportée par l'adjectif petit placés dans l'intitulé du message l'annoncent d'une manière à la fois exagérée et atténuée. Dans le corps du message, il confirme qu'il manque à l'obligation de réalisation de la tâche 4, et ajoute la justification (l'aveu et la justification serviraient à s'attirer la bienveillance du tuteur) et un acte de compensation (il remercie à la fin le tuteur des corrections des tâches précédentes). Quelle valeur prennent ces actes de langage au niveau relationnel ? L'apprenant se présente comme affecté par cette situation (exclamations, aveu exprimé à la première personne, acte de compensation) et, de plus, il fait un acte de remerciement, à valeur aussi d'adoucisseur...

Cette intervention, à son tour, est placée au milieu d'un autre échange (regardons la référence horaire des messages ci-dessous) qui concerne, cette fois, la partie écrite de la tâche4 :

E+T/Atâche4

Tâche4 partie ecrite par I L A - Friday 24 November 2006, 14:39

/tâche/

Re: Tâche4 partie ecrite par m b - Friday 24 November 2006, 22:21

Salut I,

Voilà la correction de la tâche 4.

Bon travail pour la partie orale! M.

ps : sympa ta photo !!

ECHANGE 9

Si nous rétablissons l'ordre dans ces actions, en nous servant des indications horaires, l'apprenant ouvre un nouveau sujet de discussion dans le forum de la tâche 4 et y dépose la partie écrite de la tâche à 14 h 39, à 14 h 44 a lieu l'envoi de l'intervention mixte (celle que nous avons commentée supra).

Le tuteur affiche une intervention-réponse à ces deux messages : tout d'abord, il répond à l'envoi de la partie écrite et, ensuite, fait un acte qui pourrait être interprété comme une félicitation (Bon travail pour la partie orale). Mais c'est la suite qui permet d'en déjouer le sens, car il s'agit en réalité d'une réaction au message de réparation qui était resté `apparemment' tronqué, donc un acte d'encouragement ou de requête qui rappelle à l'apprenant qu'une partie de la tâche 4 n'a pas été présentée pour correction. L'intervention finit par une appréciation positive qui porte sur une photo envoyée par l'apprenant.

Pendant le cours suivant (28 nov.), plus bas, l'apprenant envoie à son tuteur la partie audio de la tâche 4 (qu'il avait perdue) et celui-ci lui adresse une réponse (évaluative et proactive) qui clôt l'échange et la séquence : ainsi, l'équilibre dans la relation est finalement rétabli.

E+T/Atâche4

Re: Tâche4 partie audio par I L - Tuesday 28 November 2006, 19:58

Voila la partie  audio

Au revoir M.

Suite

correction tâche4 partie audio par m b - Thursday 30 November 2006, 21:25

Salut I,
Avant de commencer la séance d'aujourd'hui, tu peux éventuellement revoir ce que tu as fais la dernière fois. Ecoute attentivement la correction, il y a des sons qu'il faut que tu travailles mais dans l'ensemble c'est pas mal!!
à bientôt.

ECHANGE 10

Une série d'interventions imbriquées, comme celle-ci, ne peut être mise au jour sans tenir compte du sens des messages, comme nous l'avons déjà fait remarquer précédemment. Les intitulés des messages témoignent des conduites communicatives, non-linguistiques : des procédures de postage des messages mais ces conduites ne nous apportent pas le tissage réel des ajustements réciproques de la relation entre les interactants qui se fait à travers les actes verbaux et non-verbaux (gestes techniques, signes de ponctuation et émoticones) au niveau non superficiel mais interne à l'interaction.

Voyons maintenant d'autres situations d'interaction, apparemment très consensuelles, comprenant des échanges de compliments et de remerciements.

3.3.3.5 Exchange complimenteur initié par un(e) apprenant(e)

L'échange complimenteur, d'après Kerbrat-Orecchioni (1994 : 201) « se présente comme une `paire adjacente', ou plus justement comme une `chaîne d'actions, constituée principalement : d'une intervention initiative, le compliment, produit par le complimenteur (L1) à l'intention du complimenté (L2) et d'une intervention réactive : la réponse au compliment, produite par L2 à l'intention de L1 ». Trois exemples vont être analysés : dans les trois cas il y a, à l'origine, une intervention d'un apprenant. Voyons le premier :

E+T/Atâche1

Re: iris par i g - Tuesday 17 October 2006, 18:44

je te envie la première tâche. elle est très amusante.

au revoir

i.

voila la correction de ta 1ère tache!! par m b - Sunday 22 October 2006, 14:24

Voici en pièce jointe la correction de ta première tâche avec des commentaires.

ECHANGE 11

Le complimenteur est un apprenant et le complimenté son tuteur, le compliment porte sur la tâche préparée par le tuteur ([la tâche] est très amusante). Le tuteur réagit à la première partie du message, en apportant la correction de la tâche à son tour mais en évitant la réaction au compliment.

Dans le deuxième exemple, ci-après, l'apprenant à la demande de sa tutrice qualifie la difficulté de l'activité de moyenne et il ajoute, de son propre chef, ma amusante. La tutrice réagit en remerciant l'apprenant (`avec un sourire' ). Nous verrons que ce geste mérite une réponse de remerciement de la part de l'apprenant.

E+T+E -E / Ctâche4

Activité 4 par A R R - Friday 10 November 2006, 15:08

Bonjour,

Voilà l'activité 4. Mardi prochain, je ferai l'audio.

Je pense que l'activité est moyen, ma amusante.

A plus!

Re: Activité 4 par a p - Sunday 12 November 2006, 10:27

Bonjour A,

[...] ]merci beaucoup pour ce poème car il m'a permis de mieux connaître M.

[...]

Re: Activité 4 par A R R - Tuesday 14 November 2006, 19:43

Bonjour A,

Merci pour la correction.

Audio (Activité 4) par A R R - Tuesday 14 November 2006, 18:32

Bonjour,

Voilà l'audio.<lien>

Au revoir

SEQUENCE 3

Au milieu de cet échange de remerciements, il y a eu l'acte d'envoi de la partie audio de la tâche 4 qui manquait, ce que nous apprenons grâce aux dates et à la présentation sur l'écran des messages (l'acte de remerciement a eu lieu plus d'une heure plus tard, déjà en dehors de l'heure de cours).

Le dernier exemple de cette série montre la tutrice qui réagit au compliment en exprimant son état d'esprit (Je suis contente... ) et adressant un compliment à son tour à l'apprenante (j'ai beaucoup aimé ton poème. Il est très joli). Mais cette intervention réactive ne clôt pas l'échange : elle fonctionne comme une intervention initiative et provoque un sous-échange, un message de clôture de ce cycle complimenteur.

E+T+E/ Ctâche4

Activité 4 par s b - Friday 10 November 2006, 13:53

Voilá m'activité 4

la tâche a été très originale et amusante

Au revior

Re: Activité 4 par a p - Sunday 12 November 2006, 10:09

Bonjour S,

je suis contente que tu as aimé cette activité.

Moi, j'ai beaucoup aimé ton poème. Il est très joli . Mais il manque la fin . Où sont les phrases pour le lettres "n" et "a" ?

J'attends avec impatience la suite. [..]. 

à bientôt

A

Re: Activité 4 par s b - Tuesday 14 November 2006, 18:11

Bonjour A

Je viens de lire les corrections. Merci

SEQUENCE 4

Le complimenté est placé en position de débiteur et se sent obligé de fournir une contrepartie : la production d'un contre-compliment. Le complimenteur devient à son tour complimenté, et donc fournit aussi en compensation une contrepartie sous la forme d'un remerciement.

Nous pouvons nous interroger sur la différence existant entre les situations qui viennent d'être présentées. Dans la deuxième, l'apprenant signale que le travail est incomplet (acte de réparation auto-initié) et offre une compensation, sous forme de promesse. Dans la dernière, l'intervention de la tutrice apporte une piste qui peut nous aider à comprendre mieux cet échange complimenteur : en effet, elle reproche à l'apprenante son travail incomplet (Il manque la fin) et fait un double acte de requête indirect. L'apprenante `en faute' met-elle en scène des actes phatiques : un acte qui peut être qualifié de préventif (le compliment) et un acte qui serait plutôt palliatif, le remerciement ? Et la tutrice, de son côté, instaure-elle l'autorité à l'aide des actes de requête adoucis par les compliments ? La tournure avec impatience, polysémique, peut renforcer la requête ou le compliment.

Suite à cette analyse, nous pensons que les compliments et remerciements échangés sont à mettre au compte du maintien de l'équilibre dans la relation qui fixe la représentation de rôles asymétriques entre des étudiants. Ces actes de langage sont affichés, surtout, quand il y a des incidents qui risquent de la perturber, et montreraient des mouvements de figuration destinés à garder la face et à ne pas menacer la face de l'autre.

3.4 Type ou genre de discours

Notre attention va maintenant se porter sur la problématique du genre de discours : des actes instrumentaux permettant de mettre en ligne un lien hypertexte (actes communicatifs non-linguistiques) vont de pair avec des actes para-verbaux et non-verbaux (signes de ponctuation expressive ou images) qui complètent les messages de la communication médiatisée par ordinateur. Nous allons observer de plus près ces actes `instrumentaux' et ces ressources expressives auxquelles ont recours les étudiants.

3.4.1 Communication non-langagière

Faire parvenir au tuteur le résultat du travail est en soi un acte (statut pragmatique) qui peut être accompli à travers des gestes non-verbaux (statut sémiotique) : ouverture du forum et d'un sujet de discussion ; clic sur l'étiquette Répondre d'un des messages, sur le bouton Parcourir ; recherche et sélection d'un document préparé pour l'occasion... Lors de ces étapes, l'émetteur `communique' avec le matériel et le logiciel, avec l'ordinateur en réseau. L'interactivité entre l'homme et la machine se fait à travers des signes linguistiques (les étiquettes, les nom des archives...) et non-linguistiques (images, icônes propres au langage informatique et télématique).

ECRAN 7 : Message contenant un lien vers un archive audio

Le troisième message de l'échange reproduit ci-dessus est le résultat des actions qui viennent d'être décrites. Un apprenant a déposé un message qui ne contient qu'un lien vers un document audio : une adresse html suivie d'une image de magnétophone. Éléments sémiotiques, communicatifs mais non-langagiers (de même que l'acte de lever le bras en cours pour indiquer qu'on est présent et prêt à rendre la copie pour correction).

3.4.2 Actes discursifs plurisémiotiques

Les étudiants respectent les caractéristiques formelles de l'écrit, tout en employant des expressions propres de l'oral accompagnées de signes de ponctuation expressive et / ou de ces images connues comme smileys ou émoticones. Voyons une séquence particulièrement `expressive' composée de neuf messages (numérotés par nos soins):

E/Dforum (1)

Je te envie la tache 1! (X) par X A - Friday 20 October 2006, 13:56

Je te envie la tache 1, mais seulement les deux premieres activités, parce que le ordinateur ne me reconais pas le microphone. Ce soir, les autres activités (Si je peux!)

T/Dforum (2)

salut x par a p - Tuesday 24 October 2006, 10:44

Tout est très bien dans tes activités... j'ai juste rajouté un 'e' au mot 'étudiante'...

J'espère que tu pourras m'envoyer les fichiers audio....

Continue comme ça

A très bientôt

A

T/Dforum (3)

recherche désespérée de fichiers audio par a p - Thursday 26 October 2006, 12:43

Bonjour x,

As-tu pu arranger le problème avec ton micro....et penses-tu pouvoir m'envoyer tes fichiers audio?

Quand tu pourras, donne-moi des nouvelles......

signée: ta jeune tutrice désespérée de ne rien recevoir!!!!!

E/Dforum (4)

Les activités 3 et 4!! par X A - Friday 27 October 2006, 16:09

Ici, je te envie mon audio. J'ai eu quelquns problemes avec le micro dans la salle de informatique et aussi avec le micro á ma maison. Pour le prochiéme fois, ne t'inquiète pas, je fait tout trés tranquilement et sans vite!!

* (Está comprimido con winrar)

T/Dforum (5)

d'accord par a p - Monday 30 October 2006, 13:48

Très bien, je ne m'inquièterai plus X..merci de m'avoir rassurée...

J'ai juste un petit problème pour ouvrir tes fichiers mais je pense que je vais réussir à le résoudre...

Je te donne rendez-vous pour les tâches 2 et 3

A très bientôt

A

T/Dforum (6)

par a p - Monday 6 November 2006, 13:08

X, je suis désolée mais je ne peux pas ouvrir tes fichiers audio....il va falloir que tu me le réenregistres sous un autre format......

Tiens moi au courant

A bientôt

A

E/Dforum (7-8-9)

Activité 3 et 4: texte par XA - Friday 17 November 2006, 15:36

Ici les activites 3 et 4 autre fois!

Audio activité 3 par XA - Friday 17 November 2006, 15:39

Audio activité 3

Audio Activité 4 par X A - Friday 17 November 2006, 15:40

Audio Activité 4

SEQUENCE 5

Si la disposition des paragraphes, les guillemets (en 2), l'astérisque (en 4), la signature (A., en 2, 3 et 6 ) et le vocable signée rappellent la tradition du style écrit plus ou moins formel , la ponctuation expressive de 3, 4 et 6 correspondrait plutôt à la communication écrite informelle qui essaie de représenter les silences, les pauses dans le rythme de l'expression orale (points suspension en 3,6) et l'emphase dans l'expression (points d'exclamation en 3, 4). Par contre, les émoticones de 2,3,4,5 et 6 font partie des caractéristiques de la communication médiatisée par ordinateur : ils seraient destinés à pallier l'absence de la mimo-gestualité propre à la communication en face à face comme le signale Marcoccia (2004) ? Quel serait le rôle de ces éléments non-linguistiques ?

Les signes de ponctuation (en 2, 3, 4 et 6) sont mis en nombre supérieur à ce qui est accepté par les règles de la ponctuation, ce qui est d'usage dans la publicité, les bandes dessinées et la communication écrite informelle à des fins expressives. Les points de suspension (en 2, 3 6) semblent ici renforcer, intensifier le contenu explicite du message (l'aspect `attente' de cet acte de requête) de la tutrice. Les points d'exclamation (en 3, 4) renforceraient ici aussi la valeur illocutoire de l'acte de langage qu'ils accompagnent : la requête (en 3) et la promesse (en 4) . Dans l'intitulé (en 4) ils seraient destinés à compléter l'acte constatif d'envoi des tâches réalisées d'un effet expressif positif (en 4).

Quant aux émoticones, nous remarquons que dans cette séquence sont affichées trois `mimiques' différentes. Quelle est leur fonction ? Le premier semble avoir un rôle réactif, il accompagnerait l'évaluation positive précédente, en apportant l'expression de l'état d'esprit de la tutrice et/ou proactif, comme un anti-FTA, destiné à adoucir la critique qui va suivre. Le deuxième, , aurait un rôle interprétatif, car il aiderait à comprendre le sens humoristique du dernier énoncé, procédés verbal et non-verbal destinés à adoucir le contenu menaçant de ce macro-message de requête. Les trois accompagnent l'acte de promesse de l'apprenant. Est-ce qu l'étudiant répond avec un grand sourire -`prolongé dans le temps'- au sourire de sa tutrice ? Ou montre-il la gêne de l'apprenant, de même que les rires dans les moments un peu difficiles des rencontres en face à face ? Le (en 5) paraît un smiley relationnel, un marqueur de politesse. Le dernier, le , serait plutôt une manifestation de l'état d'esprit un peu désabusé de la tutrice, il apporte une information qui n'est pas apportée par le contenu verbal du message.

L'ECHANGE 12 est construit à l'aide de signes de ponctuation expressive, d'écrit formel et d'images. A première vue, nous avons l'impression d'assister à un échange de sourires entre la tutrice et l'apprenante lors d'une correction sémantico-culturelle :

T/Dtâche1

Activité 1 et 2 M par a p - Tuesday 24 October 2006, 11:01

Bonjour M,

J'ai regardé tes activités....et tout est bon....

Il y a juste une petite erreur concernant la nationalité d'A.....qui est polonaise...Son pays est la Pologne.

La bolognaise est une sauce tomate qui se mange avec des pâtes.  ...personnellement j'aime beaucoup....

Je te laisse sur cette charmante petite confusion et te souhaite un bon appétit!!!!

A très bientôt

A

E/Dtâche2

Mon Activité 2 le vendredi (je suis m) par M M G - Tuesday 24 October 2006, 18:59

bonjour!!

Le vendredi j' envoye toute l'activité.

PD. d'accord, c'est polonaise, mais non bolognese... pardon

a bien tot!!

ECHANGE 12

Il s'agit d'un début de séquence (que nous présentons incomplète) qui se déroule entre deux forums (tâche1 et tâche2): l'apprenante emprunte les sigles PD du registre écrit (Post Data s'utilise dans la correspondance espagnole de même que P.S - Post Scriptum-, dans la française) pour marquer un changement thématique car, suite au message correspondant au forum de la tâche 2, elle veut, d'une part, montrer qu'elle a bien pris en compte la correction, d'autre part, qu'elle s'est aussi rendu compte du caractère un peu ridicule de sa méprise. Le smiley serait de l'autodérision et de plus elle se sent dans l'obligation de réparer une faute, menaçante pour la face d'une des tutrices, qui avait eu lieu dans le forum de la tâche 1, ce qu'elle fait en présentant explicitement ses excuses dans un message particulièrement expressif (les points d'exclamation de salutation et de clôture). Une vue d'ensemble de cette intervention inviterait à orienter l'analyse vers un macro-acte de réparation, formé de deux micro-actes de réparation, un réactif et l'autre proactif, les traces non-verbales étant, dans ce cas, des adoucisseurs de `la faute' avouée et de l'annonce d'un retard dans l'accomplissement de la tâche.

Les extraits des cinq messages des tuteurs présentés ci-après rappellent, d'un côté, la tradition de l'écrit formel (les sigles PS ), l'écriture manuscrite (stylos), l'énoncé métadiscursif (Il ne fallait pas me dire `c'est moi' ) et, d'un autre côté, l'oral conversationnel et le registre familier (Mais bon, c'est pas grav ...) qui semble aussi être représenté dans le dernier message à la fois de façon sémantique (`parler' au lieu d'écrire). La ponctuation expressive essaie de restituer l'emphase para-verbale et les smileys, apporteraient la touche non-verbale qui serait spécifique de la communication médiatisée par ordinateur.

T/Ctâche5

Activité 3 par a p - Monday 30 October 2006, 17:08

[...]

PS : Pour des raisons techniques , je n'ai pas pu mettre la chanson directement ici , vous allez la trouver dans le réponse à ce message.

T/Dtâche2

Re: Activité 2 (P) par a p - Monday 30 October 2006, 11:57

Salut P

Bon, ben!!! je n'ai rien à dire sur la partie écrite de la tâche. tout est bon..... Je te dis bravo....!!! [...]

A plus

A

T/Ctâche4

Activité 4 par a p - Monday 6 November 2006, 23:15

[...]

Bon travail et à vos stylos

A

T/Dtâche3

Re: activite 3 par a p - Monday 6 November 2006, 12:58

[...]Il ne fallait pas me dire  "c'est moi"...... Mais bon, c'est pas grave, c'est pas très important!!! [...]

T/ Dtache4

Attention, Attention nouvelle rubrique!!!! par a p - Thursday 9 November 2006, 10:12

[...] Cette semaine nous parlerons de MUSIQUE....dès à présent venez participer  ........ [...]

MESSAGE 22, 23, 24, 25, 26

Avant de nous occuper plus précisément des émoticones, nous allons examiner une autre situation qui nous permet de revenir sur les traits spécifiques du discours numérique. Cette fois-ci, il s'agit d'une intervention auto-centrée d'une tutrice destinée à éviter une mauvaise compréhension d'un énoncé. Ci-dessous, le message problématique et l'acte de réparation:

T/Ctâche1

Re: Tâche 1(Premiere Partie) par a p - Wednesday 18 October 2006, 15:43

Bravo !!!

Vous avez très bien reussi les 2 activités. continuez comme ça. J'attends avec impatience la suite?

A

Re: Tâche 1(Premiere Partie) par a p - Wednesday 18 October 2006, 19:06

J'attends avec impatience la suite.

C'est une affirmation , pas une question. le point d'interrogation s'est glissé par erreur

A

MESSAGE 27, 28

La tutrice se rend compte qu'un signe d'interrogation s'est glissé par erreur à la fin d'un énoncé qu'elle voulait assertif . Ce fait malencontreux motive une intervention réactive où elle se reprend, s'autocorrige et donne une explication métadiscursive à sa méprise. Le smiley semble apporter à cet acte de réparation une expression positive de soulagement.

D'ailleurs, nous voyons cette situation comme spécifique de cette modalité de communication écrite, car il s'agit d'un discours fixé, mais en même temps en cours d'acheminement (si le message n'est pas encore reçu). A la différence de l'oral conversationnel et de l'écrit analogique, l'écrit numérique se caractériserait aussi par cette sorte d'exposition permanente en ligne.

3.4.3 Place, portée et fonction des émoticones

Nous allons nous occuper maintenant des émoticones. Nous nous sommes demandée si la place qu'ils occupent aurait une signification particulière. Nous allons examiner différents cas dans le but de vérifier s'il y a un lien à établir entre `situation', `portée' et `fonction'. Y a-t-il un rapport entre la place que les émoticones occupent dans les messages et leur fonction ? Quels sont les types d'émoticones présents dans notre corpus ? Nous allons maintenant essayer de répondre à ces questions.

3.4.3.1 Place et fonction des émoticones

Concernant leur place dans le message, les émoticones sont le plus souvent affichés à la fin, après la formule de clôture, comme le montrent les deux messages ci-après. Dans cette place, ils sembleraient avoir une fonction phatique ou régulatrice (nous allons voir que ce n'est pas toujours le cas). D'autres fois, ils sont insérés au coeur du message, portant sur des actes de langage ponctuels (ce que montre aussi l'ECRAN 8). Ils ont été inscrits dans l'intitulé du message deux fois, annonçant leur tonalité et une autre fois le smiley se trouve juste après la formule de salutation . 

ECRAN 8

Tout de suite, nous allons nous intéresser à un des six échanges plurisémiotiques (multimodal) de notre corpus (ECRAN 8). 

Les représentations `mimo-gestuelles' de l'apprenante (voir supra), au niveau pragmatique, seront-elles une façon de s'excuser, à l'avance, pour la mauvaise qualité du travail réalisé ? Étant donné que l'apprenante avait annoncé le cours précédent, avec un , le retard dans la présentation de son travail -message qui avait mérité un de réponse de sa tutrice, nous pouvons nous demander si ces émoticones ont une portée réactive, mixte ou proactive. L'analyse de la double réaction de la tutrice, au niveau interactionnel, confirme la première interprétation : elle réalise une évaluation positive qui peut porter sur le travail et répondre aussi à la conduite non-verbale (C'est bien P...continue comme ça).

Nous venons d'annoncer que les émoticones situés à la fin des messages ne sont pas toujours phatiques ou régulateurs. Ceux qui ont été mis avant la clôture peuvent-ils remplir différentes fonctions ? Voyons les exemples suivants :

T/Ctâche5

Re: Activités 1 et 2 par a p- Thursday 16 November 2006, 18:02

[...] J'espère que tu aimes chanter

à vendredi

A

E/Atâche6

Re: voilà une dernière tâche avant Noël! par g i- Tuesday 19 December 2006, 18:54

Salut!

Notre group ne peut pas regarder le video.

Bonne année 2007 et Joyeux Noël!

MESSAGE 29, 30

Comme les deux émoticones qui allaient ensemble dans l'écran qui vient d'être présenté, ,  ceux-ci accompagnaient-ils un acte de langage (là-bas un acte de réparation et ici, un acte de souhait et un acte constatif) ? Seront-ils l'un proactif (il adoucirait une requête implicite) et l'autre réactif (il manifesterait l'état émotionnel au moment du constat d'un dysfonctionnement) ? Ce dernier pourrait avoir une portée proactive, renforçant un acte de requête implicite.

Le cas suivant présente un smiley qui aurait une fonction ironique ou humoristique qui aiderait donc à comprendre le sens de l'énoncé ou bien qui renforcerait la tonalité du message réactif où il est inséré.

E/Ctâche6

par A R R - Tuesday 28 November 2006, 19:56

Bonjour,

Voilà l'interview.

A plus!

T/Ctâche6

Re: Activité 6 (Interview) par a p - Thursday 30 November 2006, 21:09

Bonjour A.,

Un grand bravo pour cet interview . Je trouve tes idées très interessantes . Avec un tel casting

je sui sure que ce film serait un carton ( c'est à dire un grand succès). [...]

ECHANGE 13

3.4.3.2 Les émoticones, données quantitatives

Les émoticones apparaissent de façon très inégale dans ce corpus : un des quatre groupes y a recours très souvent, un autre ne les utilise jamais. Au total, nous avons repéré 70 émoticones graphiques et trois typographiques:

- une apprenante du groupe A affiche deux émoticones graphiques dans deux messages, le tuteur en `dessine' un typographique;

- trois apprenants du groupe C et leur tutrice les affichent 11 fois (une fois chaque apprenant et huit fois la tutrice) ;

- le groupe D s'en sert souvent, car on peut compter 57 émoticones (dont deux typographiques) dans 52 messages (22 de la tutrice et 35 de quatre apprenants) ;

- la plupart des émoticones ne provoquent pas de réaction `visible' à l'écran, excepté : Dforum (SEQUENCE 5), entre Dtâche1-Dtâche2 ( ECHANGE 12), Dtâche2, Dtâche3, Dtâche5 (ECRAN 8 ) et Dtâche7.

Nous avons comptabilisé 9 types d'images graphiques et trois typographiques. Nous représentons dans le tableau à la suite avec le nombre d'occurrences et leur dénomination (donnée par le logiciel Moodle) :

34 sourire

1 :)

22 grand sourire

3 triste

1 :(

3 clin d'oeil

1 ;)

2 rouge

2 incertain

2 timide

1 cool

1 pensif

TABLEAU 5: Types d'émoticones

Excepté les cas exposés ci-après, on comptabilise une image par message. Seulement trois apprenants du groupe D affichent deux ou trois émoticones par message :

- Dforum, un apprenant affiche trois sourires `collés'   (voir p. 67)

- Dtâche5 , une apprenante inscrit deux `mimiques' différentes ensemble et un  (p. 71);

- une apprenante a recours à deux émoticones du même contenu dans deux messages, un publié dans le premier forum (le sourire) et l'autre dans le dernier forum (tristesse), elle inscrit la modalité typographique dans l'intitulé et la modalité graphique dans le corps du message,

o  :) dans l'intitulé et dans le corps du message E/Aforum

:( dans l'intitulé et dans le corps du message E/Atâche7

Nous avons signalé des émoticones qui nous semblaient expressifs, apportant une information sur l'état émotionnel de l'émetteur d'un message, aidant à comprendre cette dimension émotionnelle et renforçant la valeur expressive présente dans le contenu verbal ; nous avons aussi mentionné des smileys d'ironie et d'humour ainsi que d'autres destinés plus précisément à indiquer le type de relation de familiarité ou de connivence souhaitée ; d'autres cas semblaient compléter les procédés de réparation. Dans l'ensemble, ces `binettes' pourraient être vues comme des stratégies pragmatiques servant à adoucir le caractère menaçant d'un énoncé ou un message.

Pouvons-nous, à partir de ces quelques exemples examinés dans cette sous-partie 3.4, tirer des conclusions générales sur la spécificité du discours didactique médiatisé par ordinateur ? Est-il un mélange de genres, de registres et de procédés ? Ou bien, devons-nous nous limiter à considérer ces spécificités comme propres à une modalité de tutorat : un tutorat hybride qui met en contact des étudiants, des étudiants qui débutent comme tuteurs en ligne et des apprenants débutants ou faux-débutants en français ?

Il semblerait que ces manifestations `éclectiques' ne seraient pas vides de sens ; elles représenteraient le `va-et-vient' entre le statut d'étudiant et le rôle de tuteur , le besoin d'encadrer et de faire avancer le groupe d'apprenants qui va de pair avec le fait d'établir et de maintenir un rapport `amical'.

Dans ces quelques exemples apportés dans cette sous-partie 3.3, les emprunts à l'écriture seraient plutôt des marqueurs d'autorité utilisés par les tuteurs et les traces d'oralité, le registre familier et les marques qui chercheraient à représenter une rencontre face à face contribueraient plutôt à instaurer un type de relation conviviale et à réduire les distances entre expert et apprenant, c'est-à-dire, à créer une ambiance favorable à la communication. Tout tuteur à distance, d'ailleurs, que se soit un tuteur professionnel ou un apprenti-tuteur, comme ici, aurait intérêt à mettre des marques socio-affectives destinées à pallier le sentiment d'isolement et l'absence physique, surtout dans le cadre d'une formation qui aurait lieu entièrement à distance.

Venons-en maintenant, en guise de synthèse de cette partie analytique, à une vision globale de ce que nous avons présenté de façon fragmentée.

4 Résultats et discussion : analyse systémique-pluridimensionnelle

Nous avons l'impression d'avoir soumis notre corpus à une approche descriptive et fonctionnelle rapide. Cette étude n'a d'ailleurs rien d'exhaustif, elle privilégie la description empirique des échanges visant simplement à rassembler des observations qui puissent servir à dessiner un type ou modèle de CPMO. Dans le but de contribuer à la réflexion focalisée sur l'amélioration de pratiques pédagogiques, nous allons présenter pour discussion quelques résultats.

4.1 Révision du schéma : composantes de la situation pédagogique

Il nous semble nécessaire de revenir sur le SCHÉMA 2 dans lequel nous présentions l'arrivée de l'ordinateur dans la scène didactique. Suite à notre étude, il semblerait que l'ordinateur y occuperait une position centrale ; quant aux contenus d'enseignement par lui véhiculés, ils seraient de deux types : d'une part les ressources `authentiques' (documents non fabriqués pour l'enseignement) et les ressources `didactiques' (documents fabriqués pour l'enseignement) entrelacées dans les tâches et, d'une autre part, les communications qui ont lieu entre les étudiants.

Tuteur

 

Apprenant

 

O

 

Ressources

& tâches

 

Communications

SCHÉMA 3 : Partie intérieure du SCHÉMA 2 modifiée

Le flèches de ce schéma représenteraient le dynamisme entre les composantes de cette relation pédagogique : étudiants-apprenants de français et étudiants-tuteurs seraient obligés de passer par l'ordinateur : les premiers pour accéder aux tâches préparées à leur attention, les deuxièmes pour préparer les tâches, les uns et les autres pour pouvoir communiquer entre eux.

4.2 Interactivité et interaction discursive plurisémiotique

Deux structures soutiendraient cette modalité de communication tissée par ordinateur. D'un côté, une structure externe, apparente, qui est facilitée par le logiciel (résultat de l'interactivité) permettrait l'accès à l'espace d'exposition discursive et servirait de support et de canal de la communication, tout en organisant les interventions. D'un autre côté, il se construirait une structure interne, intersubjective (résultat de l'interaction) que nous avons essayé de dévoiler par une approche inductive.

Parcours externe, de

l'interactant et de l'analyste

Parcours interne,

de l'analyste

Plateforme

Forum du groupe X

Sujet de discussion

Réponse

Nouveau sujet de discussion

Intervention

Initiative

Réactive

Proactive

Mixte

Acte de langage ou ANL

Échange (2 ou 3 interventions)

Séquence ( 4 interventions ou +)

Interaction multimodale

Structuration externe ou apparente

Structuration interne

Enchaînements des actions,

ou gestes, `techniques'

`Tissu' interactionnel

Enchaînements des actions

techno-sémio-pragmatiques

Interactivité

Interaction plurisémiotique

TABLEAU 6: Parcours externe et interne

La deuxième case de la colonne de gauche schématiserait les étapes d'accès à l'espace d'exposition discursive, soit pour l'acheminement d'actes communicatifs à l'attention des autres, soit pour la réception ou la consultation des actes communicatifs des participants, soit pour connaître cette modalité de structuration des communications interdiscursives. Tout au long de ce parcours, on interagit avec l'ordinateur.

La case au centre de la deuxième ligne indiquerait les possibilités d'interaction qui se réaliseraient à travers un ou plusieurs actes de langage (actes discursifs verbaux, para verbaux ou non-verbaux). On n'accèderait à la colonne de droite qu'à travers la colonne de gauche.

Nous sommes partie des actes de langage, unité minimale de notre étude, pour trouver les échanges et les séquences de cette interaction. Au bout du parcours de gauche, nous avons trouvé les réponses à ces questions : comment ? (ouverture du site, clic sur un lien...), combien ? (nombre d'interventions, de participants, de réponses à une discussion ...), quand ? (données temporelles), qui , à qui ? (la réponse à cette question est incomplète, car il y a des messages émis/adressés par/à une dyade ou à un groupe). Finalement, pour répondre à la question quoi ? ( que se disent-ils ?) et comment, par quels moyens plurisémiotiques ? nous avons suivi le parcours présenté sur la colonne de droite du schéma.

4.3 Actes de langage et interaction

Au niveau micro-structural, les différents types d'unités sémiotiques et pragmatiques offrent d'infinies variations dans leur réalisation et leur combinaison : l'étude paradigmatique des énoncés nous a permis de croiser le sens (sémantique et pragmatique) très dépendant du contexte. Ces unités, les énoncés-actes de langage, nous avons choisi de les présenter dans la mouvance de l'interaction, de façon à offrir une vision dynamique de leur structuration `interne' : la pragmatique dans l'interaction.

En effet, nous nous sommes beaucoup servie des actes de langage, en ayant eu recours aux notions d'acte `constatif', `requête', `compliment' ou `remerciement' au moment de l'analyse des interventions et de l'interprétation du sens des énoncés construisant l'interaction ... L'acte de langage (ainsi que l'acte sémiotique qui affiche une trace para-verbale ou non-verbale sur l'écran) en situation nous a aidé à comprendre les mouvements de l'interaction, fruit d'ajustements réciproques. Ces unités, les actes de langage, nous semblent être les piliers de la construction de la relation puisqu'il est parfaitement clair que les destinataires les interprètent et réagissent - s'appuyant sur les conventions communes, connues et acceptées de tous.

4.4 Contrat didactique, rapport de places, figuration

Les tuteurs font des compliments, des remerciements, présentent des excuses, des justifications... Et habituellement ils finissent leurs interventions par des actes de requête. Quelle conclusion pouvons-nous tirer de ces données ? Les requêtes, situées à la fin des interventions, les repositionnent (les rehaussent ?) dans leur rôle de tuteur ?

D'un côté, l'accomplissement des actes d'avertissement, l'hétéro-évaluation négative ou les actes de requête situeraient les tuteurs en position haute ; d'un autre côté, l'auto- évaluation négative, les excuses et les justifications, les placeraienten position basse. De plus, les actes que nous avons énoncés en premier, étant donné leur statut d'étudiants, les situeraient en position difficile, car ce sont aussi des étudiants et leurs actes peuvent être perçus comme des critiques et être menaçants pour la face de l'apprenant, d'autant plus que le forum est un espace d'exposition discursive ouvert à tous ; ceux que nous avons énoncés en second lieu, ce sont plutôt des actes menaçants pour leur propre face. Ce va-et-vient serait ici à l'origine des rituels de figuration : les tuteurs vont s'efforcer de modaliser leur discours, par l'usage des actes de langage (et actes non-linguistiques) atténuant leurs propos.

Chez les apprenants, il faut tenir compte de leur pénurie en ressources linguistiques (nous ne pouvons pas analyser les moments où ils ont choisi d'employer des stratégies d'évitement au lieu de se manifester) si nous voulons analyser leurs stratégies de figuration. L'analyse discursive, sémantique et pragmatique permet de rendre compte des traces de figuration, verbales et non-verbales. C'est le cas, par exemple, quand ils annoncent leurs faiblesses linguistiques ou le manque d'accomplissement d'une tâche; et de même quand ils annoncent aux tuteurs des dysfonctionnements qui leur sont en principe imputables.

Tout cela construit une sorte de répertoire de réparations qui leur est propre et qui caractérise notre corpus.

Nous nous demandions au début de cette étude quelle part prend dans cette communication pédagogique la dominante du travail à accomplir et la dominante des relations interpersonnelles dans le déroulement de cette interaction. Nous estimons maintenant que cette modalité d'interaction est construite entre tous les interactants : en surface, ils produisent un inter-discours très structuré, sous lequel se construit l'interaction. Cela nous semble être la spécificité de cette communication qui se fait avec, et à travers, un média, sorte de communication que l'on pourrait qualifier de communication `média tissée' (nous reviendrons sur cette métaphore).

4.5 Type de tutorat

Les actes de langage nous ont permis aussi de mettre au jour deux autres aspects de la médiation qui contribuent à instaurer un type déterminé de relation entre les étudiants : l'aspect dynamique (les actions ou mouvements) et l'aspect relationnel (socio-affectif).

Les apprenants interviennent de façon réactive. Comme nous avons pu constater, ils réalisent les tâches (et les font parvenir aux tuteurs) ou s'excusent, se justifient ou font des actes de promesse (de compensation) s'ils ne sont pas en mesure de répondre aux consignes qui leur ont été données par les tuteurs. Leurs mouvements sont des interventions réactives, également, quand ils remercient les tuteurs de leurs corrections et leur font des compliments.

Nous avons constaté que les tuteurs font des interventions initiatives (publication de différentes tâches et consignes sous forme de requête plus ou moins modalisée), réactives (énoncés métalangagiers, actes constatifs, excuses et justifications, compensations, remerciements, compliments) et proactives (requêtes, encouragements). L'analyse des actes de langage permet, ainsi, de mettre en relief les caractéristiques internes du type de rapports qui s'établissent entre les étudiants et du type d'accompagnement pédagogique de ce tutorat -qui accorde une grande importance aux aspects socio-affectifs.

4.6 Limites du système ... ou avantages ?

Toute situation de communication interpersonnelle est soumise à des aléas et, dans ce genre d'exercice de communication pédagogique à distance, d'autant plus. Quels sont les obstacles, les transgressions des normes, les aléas de tous ordres qui peuvent entraver la communication et peuvent gêner la relation ?.

Nous avons repéré des interventions-type des apprenants  n'offrant qu'une adresse html ou un élément graphique, lien vers le produit destiné à l'évaluation par le tuteur ; d'autres modalités de messages sont celles qui apportent les liens accompagnés d'une formule d'ouverture (salutation et terme d'adresse) ou de clôture ; souvent un déictique précède le nom de la tâche ou activité en pièce jointe. Les interventions les plus complexes des apprenants (et des tuteurs) sont celles qui rendent compte d'un incident technique (ou autre type d'empêchement) survenu dans le propre camp (ou dans le camp de l'autre), barrière à l'accomplissement du travail : nous avons pu constater la grande variété d'actes et des formulations, ainsi que des combinaison d' éléments sémio-pragmatiques.

Finalement, nous considérons que ces incidents ont été bénéfiques au niveau linguistique et pragmatique puisqu'ils ont offert la possibilité de se mettre en scène et de réagir linguistiquement, sémantiquement et pragmatiquement, en créant des situations d'interaction plus vraies et plus riches. Ces « troubles de communication » seraient des pistes à explorer, dans le domaine de l'acquisition : il faudrait chercher à créer des situations qui faciliteraient l'emploi de différents actes de langage au sein d'une véritable interaction.

4.7 Interprétation : les unités, dans leur contexte

L' étude du corpus a été réalisée, comme il a été dit, à partir de sa segmentation en actes de langage et actes non-linguistiques. Mais, pour mener à terme l'interprétation de ces unités, nous nous sommes appuyée sur la situation institutionnelle dans laquelle ce corpus s'inscrit (cette situation, en même temps, est construite par le corpus).

Il nous semble que sans la connaissance du contexte institutionnel, en effet, les échanges auxquels nous avons assisté n'auraient pu être interprétés, ni l'interaction dévoilée. Nous rappelons ses quatre piliers : le cadre de la formation ouverte et à distance ; le français langue étrangère, langue de communication et langue d'étude ; le scénario pédagogique et l'espace de communication, ouvert dans la plate-forme Moodle.

4.8 Modalité de discours et espace d'exposition discursive

L'analyse de ce corpus nous a apporté une vision du discours inséparable de celle d'espace d'exposition discursive. Effectivement, le discours est co-construit dans un espace de production discursive qui, à la fois, contribue à le construire sur le plan technique, sémiotique, pragmatique et interactionnel. Prenons comme métaphore le métier à tisser : l'ordinateur (l'outil informatique) serait le métier à tisser, le logiciel (le forum de la plate-forme Moodle) serait la trame sur laquelle se tisseraient les fils de discussion qui dessineraient le tissu des communications, ce tissu aurait un dessin particulier qui serait le discours plurisémiotique (verbal, para-verbal et non-verbal) et polyphonique (véhiculant plusieurs voix) en ligne(s).

Le produit de ces travaux `média tissé', nous pourrions le qualifier donc de `discours didactique plurisémiotique et polyphonique construit et visible en ligne(s)'.

4.9 Le forum, espace de rencontre6(*)

Aux traces laissées par les participants à cette échange du forum comme espace où ils se déplacent ou bien ils se situent, pour déposer, commenter et corriger les contributions :

- T/Atâche4 : allez voir dans son espace

- T/Btâche4 : Je vais corriger directement ici,

nous pouvons ajouter les traces du forum comme lieu de rencontre :

- T/Ctâche5 : vous joindre à nous

- T/Dforum : on se retrouve bientôt

- T/Dtâche2 : je suis contente que tu sois revenue.

Le forum virtuel apparaît donc comme un lieu où très souvent on se donne rendez-vous, on se rencontre, on échange, on partage et on discute. A cela contribue le fait que le système apporte le je dans l'intitulé du message de telle façon que l'internaute a l'impression quand il arrive et ouvre un message, d'être face à l'autre à ce moment-même, bien que le(s) message(s) ait été déposé(s) depuis quelques heures ou quelques jours. D'où les nombreuses traces de l'oral conversationnel...

-

Conclusion

Durant cette année de travail, nous avons parcouru un long chemin : nous avons découvert le cadre théorique des sciences du langage, les différentes modalités de la formation en langues à distance, la méthodologie de travail de recherche ; et nous avons ouvert des chemins d'exploration dans un corpus qui nous semblait inépuisable.

Suite aux différents regards orientés selon de multiples approches, ces échanges en ligne, à première vue ni longs ni riches en contenu et présentant des situations somme toute répétitives et basiques, se sont imposés par leur variété digne d'étude, offrant des actes de langage soumis à une organisation et une structure internes basées sur des marqueurs de relation, destinés au maintien d'une modalité de communication qui balance entre parité et asymétrie.

Ce corpus nous a permis aussi de découvrir que les contributions des étudiants sont fortement marquées par les contraintes relatives à l'espace discursif où elles sont inscrites, de même que par leur contexte situationnel. Ce cadre est construit et évolue tant au niveau discursif qu'interactionnel par le biais du langage à la fois informatique et plurisémiotique. Car une autre dimension s'est révélée pertinente, celle des indices de différente nature qui chercheraient à rétablir les phénomènes verbaux, prosodiques et mimo-gestuels de la communication en face à face : ce corpus nous a permis de découvrir leur convergence dans la régulation interactionnelle .

Notons aussi que, d'un point de vue pédagogique, pour les étudiants qui suivent une formation en méthodologie FLE & FOAD, cette expérience nous paraît très riche. En effet, ils trouvent là un terrain particulièrement adapté à la mise en place de tout un panel de possibilités au niveau de la conception de matériaux, de l'organisation et du suivi des apprenants, de la prise de décisions évaluatives. Espérons que des éléments mis en relief par cette étude pourront aider à la réflexion sur la conception de scénarios de communication appelant le développement des stratégies discursives, pragmatiques et interactionnelles dans différents contextes situationnels interculturels.

Il faut se demander toutefois si cette nouvelle écriture, qui favorise sans aucun doute le développement de stratégies informatiques, linguistiques, pragmatiques et interactionnelles, offre un cadre suffisamment favorable au développement des compétences discursives pour faire face à des situations de communication réelle (orales et écrites). Ce type de tutorat permet-il de se situer dans des contextes variés (de la vie quotidienne, institutionnels ou professionnels) permettant à l'apprenant d'envisager des situations de communication demandant l'adoption de compétences discursives adaptées ?

Nous avons apprécié cette possibilité d'étude et de recherche dans l'axe didactique de langues et TIC du Lidilem. Nous tenons à remercier François Mangenot de nous avoir permis d'utiliser le corpus du volet franco-espagnol du projet Le Français en première ligne et de nous avoir orientée et encouragée dans cette voie d'exploration et de découverte des dimensions techno-sémio-pragmatiques de la communication pédagogique médiatisée par ordinateur.

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Base de données CRITER [Consultable en ligne : http://www.criter.dglf.culture.gouv.fr/pls/DGPB/rechercher.frame_res_fiches]

ANNEXES

ANNEXE I Projet Professionnel Master 2 Recherche

Pourquoi vouloir faire le Master2 Recherche en Didactique de Langues à l'Université Stendhal Grenoble III à l'âge de 52 ans ? La curiosité, l'envie de continuer à apprendre pour mieux servir la cause pédagogique.

Ayant plus de vingt années de pratique pédagogique comme enseignante de français en lycée et formatrice en langues étrangères en Espagne, enseignante d'espagnol en France dans le secondaire (d'abord en "échange poste à poste" et ensuite comme professeur stagiaire, suite à un CAPES externe) et dans l'enseignement supérieur (cinq années comme vacataire en IUP, Faculté de Lettres et IUT), j'ai cumulé des expériences diverses et variées.

Etant placée en situation de disponibilité en France pour suivre mon conjoint, je peux cette année suivre des cours sur place et consacrer tout mon temps à l'étude, la réflexion et la mise en place d'un projet de recherche sur l'acquisition à distance des compétences culturelles.

Cadre théorique

Depuis les annéessoixante-dix, les linguistes distinguent les concepts de Langue et Parole. Est la Langue un code de communication verbal, qui reflète la vision du monde d'une communauté culturelle, et la Parole l'expression individuelle, résultat de l'utilisation de cet outil. Tout enfant, né dans une communauté, va acquérir « naturellement » la langue qui transmet la culture de sa communauté. Pour qu'un enfant ou un adulte puisse communiquer en langue étrangère, il doit apprendre le code linguistique imprégné de la culture qu'il transmet en milieu « naturel », en situation de communication « réelle » . Pour que les apprenants participent à des interactions sociales semblables à celles auxquelles participent les locuteurs autochtones, l'enseignant peut faciliter la communication réelle avec lui, entre les apprenants; dans la pratique habituelle, on recourt aux documents représentant la langue cible et à la simulation de situations de communication, proches des celles vécues par les autochtones.

Selon les objectifs à atteindre, le corpus linguistique peut être plus orienté vers ce qu'on continue à considérer comme la Culture savante ou cultivée (transportatrice de savoirs historiques, artistiques, socioculturels...), va cibler plutôt des domaines professionnels spécifiques (droit, économie, commerce, tourisme, communication...), ou bien il peut privilégier l'approche communicative « de survie », orienté à l'acquisition d'actes de parole, porteurs ou reflet des « habitus », comportements implicites qui partage globalement la communauté dont on étudie la langue.

Des nos jours, l'ordinateur en réseau facilite le contact entre natifs et apprenants et entre enseignants de langues étrangères. La culture communicationnelle s'est beaucoup développée et de nouvelles voies de plus en plus performantes de collaboration à distance s'ouvrent, donnant lieu à de nouvelles habitudes interlinguistiques, interculturelles et interdidactiques.

Projet pédagogique

Je pense à l'Union Européenne actuelle, aux rencontres « interculturelles ». Il est évident que les gens de différents pays se rencontrent de plus en plus. Non seulement on voyage de plus en plus, mais on achète des maisons et on s'installe dans un pays différent de celui où on est né, pour les vacances ou la retraite, aussi pour le travail. Face à cette réalité nouvelle, la méthode communicative d'enseignement-apprentissage des langues étrangères et les TIC (avec une bonne dose de « culture cultivée » et d'habitudes culturelles) peut, donc, aider à communiquer, à découvrir, à comprendre et se faire comprendre, quand on est dans un autre pays ou bien quand on reçoit des étrangers chez soi ou quand on intègre la même équipe de travail pour une courte période de temps.

Pour moi, en termes instrumentaux, quand j'analyse la méthode communicative que j'ai connue comme enseignante, ou mon propre parcours comme apprenante du français ou de l'anglais, je la vois comme un facilitateur, si l'on peut dire, pour une « intégration provisoire», pendant un laps de temps court (en tant que visiteur, touriste ou participant à événement quelconque). En parallèle, ifonctionne aussi un certain degré de tolérance qui facilite cette "intégration provisoire", dans le sens « on va faire un effort pour que cela se passe le mieux possible ». Cet effort ne pourra pas se faire en continu, sur une longue période.

Dans la nouvelle Union Européenne, à cette migration touristique, dans un sens large du terme, à celle des élèves ou des étudiants à l'Université, à celle des apprentis plus ou mois qualifiés qui font des stages en entreprise (d'une semaine, de 15 jours ou de trois mois par an), il faut ajouter celle des étudiants, des assistants, des professionnels qui s'installent pour une durée plus longue.

L'intégration de longue durée des jeunes adultes et des adultes demande une connaissance beaucoup plus approfondie de l'Autre, du milieu que l'on intègre, et de soi-même aussi. Parce que, si la société change, dans le fond, elle reste la même. Et l'étranger qui prétend intégrer un milieu éducatif ou professionnel, pour ne pas se heurter à des situations « inconfortables » a besoin de la connaissance des implicites culturels qui sont en quelque sorte « le code de la route » relationnel. Pour se préparer à cette nouvelle réalité, il me semble que l'apprentissage linguistique en situation ne suffit pas, qu'il faudrait pouvoir agir en situation - en situation réelle ou en situation simulée.

- Quels savoirs et quels savoir-faire ? Quelle méthode pour l'acquisition des compétences culturelles proches des celles de natifs ? Comment favoriser une meilleure connaissance interculturelle ?

A telle fin, il conviendrait de repérer et sélectionner des situations donnant lieu à des malentendus culturels ou linguistiques7(*) ; les présenter à des étudiants, originaires de deux communautés parlant deux langues différentes, et leur demander de réagir face à chacune des situations proposées : qu'est-ce que tu dirais (en langue étrangère) et qu'est-ce que tu ferais (en langue maternelle). A la présentation de deux réactions ou actions virtuelles peut suivre l'intervention d'un tuteur, afin d'analyser le résultat avec les intervenants. Donner lieu à une analyse des actions « étrangères », situées au niveau linguistique et comportemental et en dégager les différences porteuses de sens culturel.

Comme la prétention de devenir bilingue linguistique et/ou bilingue culturel « dans le cadre de l'enseignement/apprentissage des langues-cultures étrangères » semble hors de portée,  « plutôt que d'acquérir des comportements culturels étrangers, il importe que les apprenants apprennent à savoir discerner/discriminer les ressemblances/convergences et les différences/divergences entre la culture étrangère et la culture maternelle et de savoir s'en servir pour une meilleure communication/interaction ».8(*)

C'est dans cette ligne que je souhaiterais pouvoir mener mon étude : en approfondissant mes connaissances théoriques, ainsi qu'en adoptant la méthode de recherche la mieux adaptée à ce sujet.

Annexe II

Tableaux, schémas, copies d'écran

TABLEAU 1: Schéma de la communication, réalisé à partir des schémas de Jakobson ( p. 8 )

TABLEAU 2: Composantes du scénario pédagogique ( p. 26 )

TABLEAU 3: Domaines & paramètres à aborder dans la description ( p. 37 )

TABLEAU 4 : Données quantitatives ( p. 44 )

TABLEAU 5: Types d'émoticones ( p. 73 )

TABLEAU 6: Parcours externe et interne ( p. 76 )

SCHÉMA 1 : Dispositif du tutorat en ligne ( p. 39 )

SCHÉMA 2 : Ccomposantes de la situation pédagogique ( p. 40 )

SCHÉMA 3 : Partie intérieure du SCHÉMA 2 modifiée ( p. 75 )

ECRAN 1 : Projet León -Grenoble (p. 42 )

ECRAN 2 : Un seul fil de discussion ( p. 43 )

ECRAN 3 : Plusieurs fils de discussion ( p. 43 )

ECRAN 4 : Arborescence à l'intérieur d'un fil de discussion ( p. 45 )

ECRAN 5 : Message d'un apprenant suivi de la réponse de son tuteur ( p. 46 )

ECRAN 6 : Espace d'écriture pour répondre à un message ( p. 46 )

ECRAN 7 : Message contenant un lien vers un archive audio ( p. 66 )

ECRAN 8 : Échange d'émoticones ( p. 71 )

Annexe III : Glossaire

Langue : p. 6

Sens : p. 6, 37

Discours : p. 7

Signes non-verbaux : p.7, 13

Énonciation : p. 7, 15

Message : p . 8, 10

Système : p. 8

Schéma de la communication : p. 8

Fonctions du langage : p. 9, 17-18

Processus : p. 9

Contexte : p. 9

Règles : linguistiques p. 9, sociales 11

Unités : linguistiques / de communication ou de comportement p. 9

Interaction : p. 9, 15, 17-18

Code : p. 11

Communication : p. 10

Contenu / relation : p.10, 27

Analogique / digitale ou numérique: p. 10

Icônes et émoticones : p. 11, 20, 21

Relation symétrique / complémentaire : p. 10

Mise en scène Statut , Face  : p. 11

Figuration et réparation : p. 11, 31

Savoir social : p. 12

Compétence communicative : p. 11

Événement du langage : p. 12

La conversation : p. 12

Indices de contextualisation : p. 12

Actes de langage : p. 12, 14

Tours de parole : p. 13

Séquentialisation : p. 13

Paires adjacentes : p. 13

La portée : p. 13

Intervention initiative, réactive ou mixte : p. 15

FTA , FFA : p. 15

Troubles de communication : 16

Métalangagier : p. 17

Synchrone : p : 18

Asynchrone : p. 19; 30

Oral / écrit : p. 18-21

Techno-sémio-pragmatique : p. 22

Système et dispositif : p. 22, 26, 29

Média : p. 22, 24

Polylogue : p. 22

Type de discours : p. 22-23

Plateforme, Forum , FOAD : p. 26

Scénario pédagogique : p. 26

Espace discursif : p. 27

Echange : p. 29

Achevé d'imprimer

à Nevez,

le 12 septembre 2007

* 1 Expérience soutenue, aux plans financier et logistique, par Grenoble Campus Ouvert (GRECO) entre 1999 et 2002, avec une unité d'enseignement optionnelle de 50 h. consacrée à l'utilisation des technologies dans l'enseignement du FLE.

* 2Dans le cadre du DESS « Ingénierie pédagogique dans des dispositifs ouverts et à distance », Université de Franche-Compté.

* 3 Il s'agit du projet franco-australien « Le français en première ligne », initialement conçu par Christine Develotte [qui] a débuté en 2002-2003, à l'Université de Besançon.

* 4 Voir le site http://w3.u-grenoble3.fr/fle-1-ligne.

* 5 Voir Matthey, M. (1995 : 122-123).

* 6 Nous avons été autorisée à présenter ici ce point de synthèse exposé lors de la soutenance le 26 septembre 2007

* 7 Le projet CULTURE, franco-américain, a mis en place une expérience pour analyser « le rôle et l'impact des échanges en ligne pour l'apprentissage de l'interculturel, dans le cadre d'un cours de langue » . Un des moyens pour atteindre cet objectif a été celui de concevoir des questionnaires « pour sonder : le sens que les étudiants donnent à des mots comme individualisme/individualism, réussite/success, travail/work, famille/family, liberté/freedom etc. ; leur conception d'un bon citoyen, d'un bon voisin, d'un bon patron, etc. ; et leurs comportements dans des situations et contextes hypothétiques divers dans le cadre de différents types de relations (avec un ami ; des inconnus, un collègue, etc..) ». Communication interculturelle franco-américaine via Internet : le cas de Cultura. Gilberte Furstenberg, MIT (Boston, USA), Kathryn English, Ecole Polytechnique (Paris)

* 8 Haydée Maga, en collaboration avec Manuela Ferreira Pinto, responsable du Pôle langue française au Centre international d'études pédagogiques (CIEP). http://www.francparler.org/dossiers/interculturel_former.htm






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