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L'offre éducative primaire au Burkina Faso. Approche économique et anthropologique

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par Julie Rérolle
Université Aix - Marseille 1 - Master 2 Langues Etrangères Appliquées "Intelligence économique, culture et organisation" 2007
  

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Rérolle, Julie, étudiante n° 20301243

Université de Provence Aix-Marseille 1

Département Langues Etrangères Appliquées

Mémoire de recherche de Master 2
parcours 5 « Intelligence économique, culture et organisation »

Année 2007-2008

L'OFFRE ÉDUCATIVE PRIMAIRE AU BURKINA FASO.

APPROCHE ÉCONOMIQUE ET ANTHROPOLOGIQUE.

Sous la codirection de Mme Alice Fabre et Mme Maud Saint-Lary

Introduction 1

Chapitre 1 - Analyse économique de l'offre et de la demande éducative à l'aide du cadre théorique du capital humain et de données factuelles sur le Burkina Faso 3

I) La demande d'éducation 5

I.1) La théorie du capital humain 6

I.1.1) Le fondement de la théorie : la corrélation éducation-croissance 7

I.1.1.1) Etude macroéconomique : le lien éducation croissance 7

I.1.1.2) Etude microéconomique : la causalité éducation-productivité-gains 9

I.1.2) L'analyse coût-avantages de l'investissement en éducation 12

I.1.3) Disparité des taux de rendement de l'investissement humain 14

I.1.3.1) Disparités géographique de la rentabilité de l'éducation 14

I.1.3.2) Par niveau de revenu et origine sociale 16

I.1.3.3) Par sexe 17

I.1.3.4) Conclusion 18

I.2) Les déterminants de la demande individuelle 18

I.2.1) Les déterminants économiques 18

I.2.1.1) Les coûts directs et indirects 18

I.2.1.2) Les avantages escomptés 19

I.2.2) Les déterminants extra-économiques 19

II) L'offre éducative au Burkina Faso 24

II.1) Approche économique de l'offre éducative 25

II.1.1) La croissance endogène 25

II.1.2) Les politiques d'éducation 26

II.1.2.1) De Jomtien à Dakar, puis aux OMD 27

II.1.2.2) Quelle politique pour le Burkina Faso ? 28

II.2) Structure de l'appareil éducatif burkinabé actuel 30

II.2.1) Education formelle et informelle 31

II.2.2) Enseignement public et privé 32

Chapitre 2 - Constats de la confrontation entre offre et demande 34

I) Un système éducatif peu performant 34

I.1) Un contexte linguistique et historique instable 34

I.1.1) Structure linguistique du Burkina Faso 34

I.1.2) Retour historique sur les politiques éducatives et linguistiques nationales 36

I.1.2.1) Le lourd contentieux de l'école coloniale 36

I.1.2.2) Des tentatives de stabilisation 37

I.1.2.3) Une situation de statu quo 38

I.2) Un taux de scolarisation très bas et hétérogène 40

I.2.1) Les disparités géographiques 41

I.2.2) Les disparités par sexe 42

I.2.3) Selon l'origine sociale 43

I.3) La qualité recherchée 45

I.3.1) Mesure de la qualité 45

I.3.2) Dépenses publiques 48

I.3.3) Synthèse selon les critères de l'UNESCO 50

II) Quelles solutions ? 52

II.1) Améliorer la qualité de l'éducation  52

II.1.1) Les variables relatives à l'enseignant 53

II.1.2) Les variables liées à l'école 54

II.2) Le principe des incitations 56

II.2.1) Incitations auprès des maîtres 57

II.2.2) Incitations auprès des élèves et de leurs familles 57

II.3) La question du financement 58

II.3.1) Des coûts unitaires élevés dans les PVD 58

II.3.2) Vers une révision du financement 59

II.3.2.1) Participation des usagers  60

Débats sur les frais d'inscription 60

Bourses vs prêts 61

II.3.2.2) Financement par les entreprises ou les collectivités 61

II.4) L'école bilingue comme remède 62

Une expérience novatrice 62

Des objectifs qualitatifs et des résultats satisfaisants 63

Chapitre 3 - Approche anthropologique et étude de l'école bilingue vue à travers la presse burkinabé 64

I) L'anthropologie de l'éducation et du développement 64

I.1) Approche anthropologique de l'éducation 64

I.1.1) La prise en compte du culturel 65

I.1.1.1) Les mécanismes culturels 65

I.1.1.2) Différents axes d'études 66

I.1.2) Considérer la pluralité 67

I.1.2.1) Des systèmes de sens et des savoirs différents 67

I.1.2.2) Le rôle complexe des agents de développement 67

I.2) Remise en question des politiques éducatives et des données existantes 68

I.2.1) L'hégémonie des conceptions occidentales 68

I.2.1.1) Un certain ethnocentrisme institutionnel 68

I.2.1.2) Décolonisation et nouvelles dépendances 70

I.2.2) Problèmes des collectes et de la pertinence des données et des enquêtes de terrains 71

I.2.2.1) Des données disponibles discutables 71

I.2.2.2) Les enquêtes "de terrain" 73

II) L'étude de l'école bilingue comme remède, vue à travers la presse burkinabé 74

II.1) Contexte de l'apparition de l'école bilingue 76

II.1.1) Historique 77

II.1.2) Structure du système 78

II.2) L'école bilingue ou « école du développement » 79

II.2.1) Un produit éducatif « rentable » et efficace 79

II.2.2) Un système ancré dans le contexte local et valorisant la culture et les langues burkinabés 82

II.3) Conclusion et bilans 87

II.3.1) Quels enseignements tirer ? 87

II.3.2) Limites, objectifs et défis 88

Conclusion 91

Annexes 92

Bibliographie 96

Introduction

Le Burkina Faso, pays enclavé qui vit majoritairement de l'agriculture, est classé dans les 49 PMA (pays les moins avancés). Selon la définition de l'ONU de 2000, un PMA répond à trois critères : un bas revenu, un retard dans le développement du capital humain et un critère de vulnérabilité économique. Le deuxième critère est particulièrement intéressant pour notre étude puisqu'il est basé sur un Indice Révisé de Qualité de Vie Physique qui prend en compte quatre indicateurs dont la scolarisation, et l'alphabétisation. Ainsi, l'état de développement d'un pays dépend, entre autre de son niveau d'éducation, mesuré par la scolarisation et l'alphabétisation. Aujourd'hui, les institutions internationales et les gouvernements basent leurs politiques de développement de plus en plus sur l'éducation. On peut dire qu'il existe un consensus général sur le lien entre développement de l'éducation (ou plus précisément de l'instruction) de la population et le développement.

L'approche libérale définit le développement comme un processus d'évolution naturelle des sociétés, avec au centre, la croissance (mesurée en PIB) qui calcule l'accroissement des richesses d'un pays et qui ne donne qu'une vision quantitative. Puis, dans les années 1960, le courant développementaliste apporte la notion d'enpowerment et la prise en compte des besoins fondamentaux comme l'éducation, la santé, le bien-être. Le concept de développement a donc été redéfini comme " la transformation à la fois quantitative et qualitative des conditions d'existence de la majorité des individus, non pas seulement en termes de production et de revenu, mais aussi et surtout en termes de dignité avec la satisfaction de leurs besoins matériels et non matériels" (Azoulay).

A. Sen donne une nouvelle approche encore plus humaniste du développement, qui n'est pas uniquement économique mais qui prend en compte la liberté « envisagée sous la forme des capacités dont disposent les personnes d'accomplir ce qu'elles ont raison de vouloir accomplir » : liberté d'expression, droit de vote, droit à l'éducation, à la santé. Une de ces capacités essentielle est l'instruction, car la lecture, l'écriture et le calcul permettent de lutter contre la pauvreté et sont une condition sine qua none du développement et de la dignité humaine. Ainsi, l'éducation est considérée de façon consensuelle comme un facteur de développement pour plusieurs raisons que nous verrons dans notre analyse.

Mais il est intéressant de se demander quelle offre éducative privilégier pour un développement optimal et durable. Au Burkina Faso, elle est assez variée mais, comme nous le verrons, reste calquée sur l'école coloniale française et forme une élite, amenée à devenir fonctionnaire. Or, le contexte national est celui d'un pays considéré « en retard », où les activités principales sont l'élevage et l'agriculture, le marché du travail est assez saturé et l'entreprenariat est assez peu développé. L'école classique est donc déracinante et inadaptée aux réalités et aux besoins locaux. De plus, comme nous le verrons, elle est discriminatoire car elle ne permet pas un accès équitable : les filles et les enfants de milieux ruraux sont moins scolarisés. Enfin, elle coûte très cher à l'Etat, qui, en raison de la crise financière, se désengage petit à petit en délocalisant et encourage les initiatives privées et communautaires.

C'est dans ce contexte qu'a été créée l'école bilingue : une alternative au circuit classique, avec un enseignement en langue locale et en français ainsi qu'une professionnalisation. Le système bilingue refait le lien social entre l'école et la population, qui se la réapproprie et est favorable à un développement endogène (grâce aux éléments internes), grâce à la prise en compte de sa dimension culturelle. Cependant, nous verrons que son ambition de remplacer le système en place va se confronter à de nombreuses difficultés et réticences.

Cette recherche porte donc sur l'offre éducative au Burkina Faso - en se concentrant sur l'éducation primaire - avec l'étude de cas de l'école bilingue. Nous chercherons à répondre à la problématique suivante : dans quelle mesure l'école bilingue est une solution aux manquements du système éducatif burkinabé ? En d'autres termes, cela revient à se demander si l'école bilingue est une alternative viable et répondant aux besoins tant des autorités que la population, pouvant concurrencer et/ou compléter un système importé.

Cette étude sera pluridisciplinaire, en proposant une analyse à travers deux prismes : l'économie et l'anthropologie. Cette double dimension nécessite la mobilisation de différents outils théoriques qui se complètent, et essaie d'apporter un regard critique et constructif sur la question de l'offre éducative et les solutions possible à ses dysfonctionnements. Cette double grille d'analyse nous permet d'envisager l'éducation d'une part d'un point de vue factuel, et de l'autre, tenant compte des besoins et des aptitudes des acteurs.

Dans un premier chapitre, nous commencerons par une analyse économique de l'offre et de la demande éducative. En premier lieu, nous étudierons les théories économiques de la demande d'éducation, basée sur celle du capital humain, et nous analyserons les déterminants économiques et extra-économiques de la demande. Puis, nous verrons l'offre éducative en présentant la théorie de la croissance endogène et les politiques d'éducation, vues à travers le cas du système éducatif burkinabé.

Ensuite, dans un deuxième chapitre, nous ferons une étude de la confrontation entre offre et demande. Nous commencerons par la description du contexte linguistique et historique pour ensuite analyser les performances du système burkinabé en termes de quantité et de qualité. Nous verrons quelles solutions sont possibles pour pallier aux dysfonctionnements de l'école burkinabé, avec tout d'abord l'amélioration de la qualité de l'éducation, puis le principe des incitations, et enfin la question cruciale de son financement. Nous finirons cette partie en introduisant le concept de l'école bilingue.

Pour finir, nous adopterons une démarche anthropologique dans le dernier chapitre. La conception de l'éducation selon cette discipline sera présentée, avec tout d'abord la prise en compte des cultures locales, et de la diversité. Ensuite, les politiques éducatives et les données disponibles seront questionnées dans une perspective qui se veut constructive. Et nous finirons sur une présentation de l'école bilingue comme remède aux défauts du système classique. Cette dernière partie adoptera une démarche anthropologique basée sur une étude de la presse burkinabé et présentera le développement, les avantages et les limites de ce système alternatif.

Chapitre 1 - Analyse économique de l'offre et de la demande éducative à l'aide du cadre théorique du capital humain et de données factuelles sur le Burkina Faso

L'économiste Galbraith disait dans la revue Afrique 2000 en 1994 : « il n'y a pas dans ce monde de population éduquée qui soit pauvre et il n'y a pas de population illettrée qui ne soit pas pauvre ». Si cette vision est un peu réductrice et décourageante, on peut tout de même vérifier le lien étroit entre revenu national (PIB /habitant) et taux de scolarisation.

1) Comparaison des Taux brut de scolarisation,

Indices de Développement Humain et Produits Intérieurs Bruts (2002)

 

Taux brut de scolarisation combiné (primaire au supérieur) (%) 2001/02

Produit Intérieur Brut par habitants $ (en PPA)

2002

Indice de Développement Humain1(*)

(valeur)

2002

Pays en voie de développement

60

4 054

0,663

Afrique Subsaharienne

44

1 790

0,465

Burkina Faso

22

1 100

0,302

Pays de l'OCDE à revenu élevé

93

29 000

0,935

Données : Rapport mondial sur le développement humain 2004, PNUD2(*)

Grâce à ce tableau, on remarque un lien évident entre le niveau de richesse d'un pays - ou d'une région du monde - et son taux brut de scolarisation3(*) (TBS). Il apparaît que plus un pays est pauvre, plus son taux de scolarisation est faible, ou inversement. Ainsi, les pays en voie de développement (PVD) ont un PIB et un TBS bien inférieurs aux pays développés, et les pays d'Afrique subsaharienne, avec l'exemple du Burkina Faso, semble être dans une situation encore plus difficile. En effet, le Burkina Faso affiche un PIB de 1 100 $ par habitant, ce qui est bien inférieur à la moyenne des pays en voie de développement (4 054 $), et même à celle de l'Afrique subsaharienne : 1 790 $. Quant au TBS combiné, celui du Burkina Faso est de seulement 22% pour l'année 2002, pour une moyenne de 60% dans les PVD et de 44% en Afrique subsaharienne. Ces indicateurs qualitatifs se retrouvent dans son niveau de développement, avec un IDH de 0,302 pour la même année. Selon cet indicateur, le Burkina Faso est classé, pour l'année 2007-2008, à l'avant dernière place (176/177) juste avant le Sierra Leone. En comparant une carte du monde montrant le pourcentage d'enfants scolarisables qui ne vont pas à l'école (carte 24(*)), ou le taux d'alphabétisation5(*), avec une carte montrant le PIB/habitant (carte 4), le rapprochement éducation-richesse est encore plus évident.

2) Pourcentage d'enfants scolarisable au secondaire qui ne vont pas à l'école

Source : American Academy of Arts and Sciences (données : UNESCO)

3) PNB par habitant en parité du pouvoir d'achat 20016(*)

On voit très facilement que les régions au faible taux de scolarisation - et d'alphabétisation - sont les mêmes qui sont touchées par la pauvreté. Parmi les 113 millions d'enfants non scolarisés en 2003, 94% vivent dans les pays en développement (Glewwe, 2006, page 948). Il s'agit avant tout de l'Afrique subsaharienne et tout particulièrement l'Afrique francophone.

Le Burkina Faso, pays enclavé dans cette sous-région est considérablement touché à la fois par la pauvreté (avec un PIB par habitant de 1 213$ courants en PPA et 45,3% de la population en-dessous du seuil de pauvreté pour 1998) et par la sous-scolarisation (en 2006, le TBS était de 60,7% dans le primaire). En effet, le taux de scolarisation dans le public est lié au budget accordé à l'éducation, qui est lui-même fonction du PIB. Ainsi, la scolarisation dépend du PIB et ne peut varier qu'avec lui. Si la croissance influence la scolarisation, cette-dernière a aussi une incidence sur la croissance car « l'éducation [est] à la fois résultat et cause du développement économique »7(*).

Il est cependant peu constructif de se limiter à cette comparaison rapide entre PIB et TBS et d'en conclure qu'il existe un lien de cause à effet entre éducation et le niveau économique d'un pays. Mais ce simple constat de sous-scolarisation a orienté les recherches sur les politiques d'éducation au sein desquelles l'analyse de l'offre et la demande d'éducation ont une place déterminante.

Afin de comprendre ces chiffres, notamment les taux de scolarisation au Burkina Faso, nous allons donc en étudier les causes, en proposant une analyse de l'offre éducative basée sur les données factuelles et des théories économiques. Pour cela, nous présenterons dans une première sous-partie la demande d'éducation, avec la théorie du capital humain, et l'analyse des déterminants de la demande avec le cas du Burkina Faso. Dans une seconde sous-partie, nous nous appuierons sur une approche théorique pour analyser la structure de l'offre éducative burkinabé.

I) La demande d'éducation au Burkina Faso

Lorsque l'on observe les effectifs par classe, ainsi que le nombre d'enfants en âge d'être scolarisés qui ne vont pas à l'école (des chiffres que nous étudierons plus loin), il est évident que la demande générale d'éducation est très importante. Le taux brut d'admission7(*) en première année d'études se situait à seulement 52,9% en 2002 et a atteint récemment 78%, ce qui en une amélioration conséquente mais qui signifie que 22% de la demande est toujours insatisfaite.

L'une des conséquences de ce déséquilibre entre forte demande et offre inadaptée est la faible scolarisation des enfants en âge d'aller à l'école. En effet, environ 60% des enfants seulement fréquentent l'école alors qu'elle est obligatoire de 6 à 16 ans selon la Loi d'Orientation de l'Education de 19968(*). Elle reste malheureusement conditionnée aux limites des possibilités d'accueil9(*).

Afin de comprendre les causes de la faible scolarisation au Burkina Faso, il est important d'en étudier l'offre et la demande d'éducation. Le schéma suivant, issu d'un livre d'Etienne Gérard, La tentation du savoir en Afrique (1997), montre le processus de scolarisation résultant de l'offre et la demande.

4) Axes et paramètres de la recherche sur les processus de scolarisation

Pour étudier la demande d'éducation, il faut, pour commencer, se demander quels sont les impacts de l'éducation, ou en d'autres termes, ce qui pousse un individu à vouloir s'instruire et un pays à développer un système scolaire et des politiques éducatives. Nous étudierons cette question en présentant tout d'abord la « théorie du capital humain », qui exprime les stratégies de scolarisation en termes d'analyse coût-avantages et de taux de rendement ; puis nous analyserons les déterminants économiques et extra-économiques de la demande individuelle d'éducation.

I.1) La théorie du capital humain

En économie, l'éducation est vue comme un "investissement dans l'homme". En effet, selon Becker, à partir du moment où elle s'accumule, elle constitue un capital car elle engendre des gains futurs supérieurs. Les individus choisissent de répartir leur temps entre production et acquisition de qualifications pour augmenter leur productivité future et ce temps, consacré aux études, est une fonction croissante de la productivité de l'éducation (même si on verra que les rendements baissent aux cours de la vie).

Le capital humain est défini comme l'ensemble des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulées par un individu et qui déterminent en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même ou pour les autres. La théorie orthodoxe du capital humain stipule ainsi que l'éducation accroît l'efficacité et la productivité. Etant donné que les travailleurs sont rémunérés à leur productivité marginale, les gains sont par conséquent supérieurs. Comme tout autre capital, le capital humain peut être accumulé et avec un stock plus important, la productivité augmente.

La théorie du capital humain a été introduite dans les années 1950, même si Adam Smith prétendait déjà en 1776, dans son oeuvre majeure (La Richesse des Nations), que la formation permet d'augmenter la productivité. Cette théorie, qui tente d'expliquer les différentiels de rémunérations, a fait l'objet de nombreuses recherches (Becker, Mincer, Schultz, Lucas, Mingat et d'autres), notamment sur l'incidence de l'éducation sur la croissance, sur les gains, l'analyse coût-avantage et les déterminants de la demande d'éducation, que nous étudierons par la suite.

I.1.1) Le fondement de la théorie : la corrélation éducation-croissance

Dès les années 1960, des chercheurs ont essayé de montrer les implications économiques de l'éducation pour les nations et pour les individus. Nous allons tout d'abord voir l'analyse macroéconomique et le lien éducation-croissance, et puis nous étudierons l'aspect plus microéconomique et le lien éducation-productivité-gain.

I.1.1.1) Etude macroéconomique : le lien éducation croissance

De nombreux spécialistes de différentes disciplines considèrent l'éducation comme un moyen efficace de réduire la pauvreté et de développer un pays. Pour Malinvaud (1994), promouvoir l'enseignement dans les pays pauvres « serait la première priorité de ceux qui chercheraient à y engager le développement »10(*). Ils cherchent donc à déterminer le lien existant entre éducation et croissance afin d'utiliser l'éducation comme facteur de développement.

Dans les années 1960, Edward Denison cherche à expliquer les facteurs de la croissance économique américaine entre 1929 et 1962, et démontre que le travail et capital ne suffisent. Il trouve un « résidu » : le facteur éducation, qui contribue à une hauteur de 23% à la croissance. A la même époque, Theodore Schultz, en utilisant une autre méthode, confirme l'existence d'un effet de l'éducation sur la croissance économique. Ce tableau récapitulatif des recherches de Denison (document 5), montre les différents facteurs de la croissance de 3,87% du revenu américain. D'après son analyse, la contribution de l'éducation à cette croissance se situe entre 10,6 et 39,3% (10,6% + 28,7%) - car une partie des progrès des connaissances (28,7%) peut s'acquérir à l'extérieur du système éducatif.

5) Contributions à la croissance du revenu national potentiel total des USA. 1948-1973

Facteurs considérés

% du taux d'accroissement expliqué par chaque facteur

Accroissement de la quantité de travail en tenant compte des caractéristiques de la main d'oeuvre sauf d'éducation

27,6

Accroissement du niveau d'éducation par travailleur

10,6

Accroissement du capital

18,3

Progrès dans les connaissances et autres contributions non classées ailleurs

28,7

Amélioration de l'allocation des ressources

7,8

Changement de l'environnement légal et humain

- 1,0

Ratio d'occupation des résidences [désurbanisation]

- 0,3

Economies d'échelle

8,3

Facteurs irréguliers

0,0

Source : Denison (1979)11(*)

Ces chiffres montrent l'existence indéniable d'une corrélation, même si la méthode peut être critiquée et les chiffres peu clairs. Cependant, en 1972, lorsque Denison étudie une autre période ou d'autres pays avec des niveaux d'éducation comparables, la disparité des résultats met en doute leur fiabilité. Tout d'abord, le niveau d'éducation ne permet pas d'expliques les causes du ralentissement économique des Etats-Unis des années 1960. D'autre part, des études menées en France où le niveau d'éducation était comparable montrent un impact moins évident entre 1951 et 1969. Il semble que la thèse de Denison soit crédible pour le cas des Etats-Unis et pour la période des Trente Glorieuses mais qu'elle ne soit pas généralisable. Il faut donc faire du cas par cas.

Plus tard, Barro a lui aussi étudié la contribution de l'éducation dans l'économie mais à l'échelle mondiale en se basant sur les données de 98 pays développés et en voie de développement. Il a démontré que les taux de croissance entre 1960 et 1985 de la majorité des pays étudiés étaient positivement corrélés au taux de scolarisation en début de période. Cependant, ces analyses n'expliquent pas le lien de cause à effet entre éducation et croissance ou les canaux par lesquels ils agissent et la théorie du capital humain va tenter d'apporter des réponses à cette question.

Des auteurs comme Gurgand et Maglen contredisent en bloc l'hypothèse d'une contribution de l'éducation à la croissance. Ce dernier montre que sur la période 1968 à 1979, le PIB réel australien et la productivité ont baissé alors que des investissements en éducation avaient été réalisés, prouvant une absence de corrélation. Des estimations récentes ont toutefois prouvé l'existence d'un lien significatif entre éducation et croissance : une étude menée par Lau au Brésil en 1993 a montré qu'une année d'éducation supplémentaire de la force de travail accroit la production réelle de 20%12(*). D'autre part, la croissance affecte à son tour l'éducation, entre autre parce qu'elle permet l'absorption des diplômés sur le marché du travail.

/

L'impact de l'éducation sur la croissance semble ainsi être difficile à démontrer d'après les études susmentionnées. La mesure de l'éducation semble être la difficulté majeure. Etudions désormais le lien entre éducation et gain, à l'échelle de l'individu.

I.1.1.2) Etude microéconomique : la causalité éducation-productivité-gains

La théorie orthodoxe est une analyse macroéconomique basée sur des fondements microéconomiques. En effet, comme nous l'avons énoncé, elle stipule que l'éducation est un investissement qui permet à un individu d'être plus productif, grâce à l'accumulation de capital humain ; et ainsi d'augmenter ses gains tout au long de sa vie. La théorie formule donc deux causalités hypothétiques : la formation affecte positivement la productivité et productivité affecte les gains perçus (car les facteurs de production sont rémunérés à leur productivité marginale). La théorie peut être résumée comme suit :

Education capital humain productivité gains

Education - productivité

Des auteurs comme Lockheed (1980), Psacharopoulos et Woodhall (1984), ou encore Jamison et Lau (1982) ont tout d'abord étudié le lien entre éducation et productivité, supposé dans la théorie orthodoxe du capital humain. Leurs travaux, menés dans les pays en développement, et surtout dans le secteur agricole, montrent dans la majorité des cas une augmentation de la productivité grâce à l'instruction : d'après Lockheed (1980), quatre années d'études supplémentaires augmentent la productivité de 8,7%.

D'autre part, l'éducation joue indirectement sur la productivité des individus (Aghion - 2000) : i) elle facilite l'innovation et le rattrapage technologique (théorie de la croissance endogène que nous verrons dans la deuxième partie) ; ii) d'autre part, l'éducation joue sur des facteurs extra-économiques : la fécondité (Cochrane - 1979)13(*), la croissance démographique, la mortalité infantile et la santé (virus HIV, nutrition, espérance de vie) Tous ces paramètres rendent l'individu plus productif et surtout améliore son bien-être.

Les « effets de legs », c'est-à-dire la transmission intergénérationnelle de capital humain joue aussi indirectement sur la productivité. Une diffusion intra générationnelle, et communautaire s'opère aussi, comme une externalité. En effet, comme nous l'étudierons dans le troisième chapitre, l'école n'étant pas le seul vecteur : les parents, les liens avec la communauté et dans le travail et l'éducation hors-scolaire transmettent aussi du capital humain. Dans les pays où la tradition est importante et la communauté omniprésente, comme au Burkina Faso, par exemple, l'école n'est qu'un vecteur parmi d'autres.

Morris (1982) a aussi montré que « la contribution de l'investissement en général à la croissance économique est meilleure lorsque celui-ci est couplé d'un investissement en capital humain. L'éducation serait ainsi complémentaire de l'investissement physique par lequel transiterait une part notoire de son impact sur la croissance »14(*).

Le lien éducation-productivité a été contesté par certains auteurs. Arrow, avec sa « théorie du filtre » (1973) stipule que l'éducation est simplement une preuve d'intelligence et de discipline qui ne prouvent aucunement le niveau de productivité et que les entrepreneurs utilisent comme "filtre" pour embaucher. Cette théorie sera prolongée par Spence et sa « théorie du signal ». Puis Thurow présentera le modèle de la « queue pour l'emploi », qui définit l'éducation comme signe de capacités, qui définit la place des candidats sur une file (le marché de l'emploi). Même s'il est fort probable que l'instruction a un effet sur la productivité des individus, les recherches n'ont jusqu'à présent pas réussi à le prouver et le manque d'études dans les PVD laisse supposer que la question n'a pas fini d'être étudiée. La théorie a finalement été élargie par les critiques qui contredisent certaines hypothèses, sans pour autant confirmer ou infirmer l'existence d'une corrélation éducation-productivité. Cependant, l'existence probable d'effets indirects de l'éducation sur la croissance, l'économie et/ou la productivité, qui sont difficilement mesurables ou même repérables permet de penser que la contribution de l'éducation est sous-estimée.

Productivité - gain

L'hypothèse de la corrélation productivité-gain n'a pas été beaucoup étudiée mais a été critiquée. L'« hypothèse des salaires efficients » inverse complètement cette relation de la théorie orthodoxe en postulant que certaines entreprises préfèrent payer leurs employés un peu mieux pour stimuler leur productivité, tout en réduisant les coûts de surveillance et contrôle (liés à la "propension à la paresse"). Ainsi, d'après cette théorie, ce sont les gains qui induisent la productivité et non l'inverse, comme le stipule la théorie du capital humain.

Education - gain

Becker, qui a largement développé et diffusé la théorie, notamment dans son oeuvre Human Capital: A Theoretical and Empirical Analysis (1964), a défini un modèle de demande d'éducation, directement lié à la théorie d'enchainement éducation capital humain productivité gain :

Gi = f (QNi, Ei)

f étant la fonction de production ; G, les gains ; QN, les « qualités naturelles » ou innées ; E, l'éducation (ou plutôt les caractéristiques productives acquises par elle) et i, un individu. Ainsi, les gains d'un individu sont déterminés à la fois par ses caractéristiques personnelles intrinsèques et celles acquises par le biais de l'éducation ou de la formation, qui agissent sur sa productivité. La distribution des gains reflète donc celle des niveaux d'éducation et conséquemment, améliorer l'accès à l'école pourrait réduire les disparités économiques.

Ce lien hypothétique entre éducation et gains supplémentaires a fait couler beaucoup d'encre et à été largement confirmée. En effet, que ce soit par une réelle augmentation de la productivité, par un effet de "filtre" ou de "signal", ou à cause de l'hétérogénéité du marché du travail ou encore en raison de la structure de classes de la société « l'éducation est le facteur le plus important de la détermination du revenu. »15(*).

Certains ont essayé d'expliquer les différentiels de gain (par âge, race et sexe) par ce rapport. Woodhall, par exemple, a dressé des profils âge-gains (graphique 10) pour chaque niveau d'éducation dans plusieurs pays, afin de déterminer si l'éducation jouait un rôle sur la structure des gains. Les études ont montré qu'autant dans les pays développés que dans ceux en développement, les gains moyens tout au long de la vie des travailleurs instruits sont supérieurs à ceux des travailleurs illettrés. Les gains croissent jusqu'à un maximum (en milieu de carrière) et ensuite ils se stabilisent et diminuent légèrement.

6) Le profil âge-gain

Sur le schéma 6), U désigne le profil d'une personne non qualifiée qui n'a pas investit dans son capital humain, son salaire est fixe dans le temps ; T est un individu qui a choisi (ou pu) poursuivre sa formation : au début, son gain est inférieur à celui de U parce qu'il paye sa formation (pendant laquelle il accumule du capital humain) ; puis son gain augmente avec son capital humain (phase de maturité) et il se stabilise. Grâce à ce schéma, on voit bien que le rendement marginal de l'accumulation du capital humain est décroissant.

Cependant, l'éducation n'est pas le seul déterminant des gains car elle ne suffit pas à expliquer les disparités. Le lieu de résidence et d'emploi, les stratégies de l'entreprise, la conjoncture, etc. ont une influence considérable. D'autres hypothèses considèrent donc que des facteurs autres que ceux susmentionnés déterminent la qualification, la productivité et les gains : les aptitudes innées, le sexe, l'âge, le lieu de résidence ou encore l'ancienneté, l'expérience (selon le modèle d'hétérogénéité du marché du travail, théorie des salaires d'efficience) ; la demande de travail (modèle d'hétérogénéité du marché du travail, queue pour l'emploi, salaires efficients), les mesures incitatives (théorie des salaires d'efficience) ou encore la structure de classes de la société (les hypothèses marxistes)...

Encore une fois, l'analyse ne permet pas de mesurer précisément l'effet de l'éducation, sur les gains, individuels cette fois. Mais il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'un investissement productif qui affecte positivement l'activité et la croissance économique (macroéconomie) et que les canaux par lesquels elle agit sont extrêmement variés ; elle contribue aussi aux objectifs d'emploi en formant la main d'oeuvre qualifiée et a des effets indirects : amélioration de la productivité, de la santé, de l'espérance de vie, réduction de la fécondité et changement des comportements (microéconomie). La théorie du capital humain ne permet pas d'expliquer les différentiels de rémunérations mais les théories rivales l'enrichissent. Elles sont complémentaires et toutes crédibles.

Cette théorie, qui a été beaucoup étudiée dans les années 1960, a connu un intéressement moindre dans la décennie suivante du fait de la désillusion sur la capacité de l'éducation à induire la croissance économique (en raison du chômage des diplômés, de la pauvreté et des disparités malgré l'investissement en éducation). Cependant, elle a tendance à ne retenir que la dimension productive utilitariste de l'éducation et à négliger les dimensions éthiques et sociales. Il est accepté de manière consensuelle que l'éducation agit aussi sur le bien-être (diminue la fécondité, améliore la santé et augmente les revenus), la justice sociale (par la parité et la moindre disparité de salaire) et les libertés fondamentales (par une participation politique et des revendications accrues)16(*). De nouvelles voies de réflexion se sont ouvertes, vers les questions de l'affectation optimale des ressources, du niveau de qualité de l'éducation et des modes de financement de l'Ecole, nous les étudierons plus loin.

I.1.2) L'analyse coût-avantages de l'investissement en éducation

Les auteurs de la théorie du capital humain ont développé leurs hypothèses macroéconomiques sur des fondements microéconomiques, en étudiant précisément les stratégies individuelles de la demande d'éducation, basées sur une analyse « coût-avantages ». Ils considèrent « que le choix d'interrompre ou de poursuivre les études résulte uniquement d'un arbitrage économique face à des coûts et des gains. »17(*) Nous étudierons tout d'abord cette analyse coût-avantages, qui débouche sur un calcul des taux de rendement de l'éducation.

Pour les gouvernements, tout comme pour les individus, le choix d'investissement dépend d'un calcul rationnel, souvent instinctif, en termes de « coût-avantages » qui prend en compte le niveau des coûts (l'investissement), l'avantage attendu, ainsi que le facteur risque.

Selon la théorie du capital humain, -même si, on le verra d'autres facteurs rentrent en jeu-, un individu décidera de faire des études, selon ses aptitudes et ses goûts, si le coût de l'éducation est inférieur ou égal à son bénéfice escompté18(*). Il comparera plusieurs investissements « alternatifs » (souvent résumés à étudier ou travailler) et choisira celui qui est le plus rentable en fonction de se qu'il va lui coûter dans un premier temps, et ce qu'il va lui rapporter plus tard. Un investissement est vu comme une utilisation rentable des ressources (le temps et l'argent) si les avantages sont supérieurs aux coûts. Comme la demande d'éducation est une fonction croissante de la rentabilité anticipée, plus l'investissement éducatif est rentable (en termes de débouchés et de gains escomptés), plus il y aura de candidats. Cependant, nous verrons plus loin que l'analyse coût-avantages ne suffit pas à expliquer la demande et la structure de l'offre joue un rôle crucial.

Il faut évaluer l'investissement de l'éducation en termes de coût d'opportunité, ou le « manque à gagner19(*) » qu'il représente, c'est-à-dire l'opportunité relative à laquelle l'individu renonce en faisant un choix. Aller à l'école signifie ne pas travailler et le sacrifice est d'autant plus important dans les pays où une partie conséquente du revenu familial est composé de l'activité des enfants, comme au Burkina Faso. En effet, « l'enfant constitue (...) une des bases de l'organisation du travail »20(*) : 51% des enfants burkinabé de 10 à 14 ans travaillent21(*) (OIT) et participent donc au revenu du ménage. S'ils ne pratiquent pas une activité rémunérée, ils peuvent être d'une aide précieuse dans la réalisation des tâches ménagères, d'autant plus jeune lorsqu'ils proviennent d'une famille pauvre et surtout les filles. Ainsi, « la valeur du revenu ou du travail domestique non payé auquel il faut renoncer explique en grande partie la faiblesse de la demande d'éducation des familles pauvres. »22(*)

D'autre part, dans un pays avec un taux de chômage élevé, comme au Burkina Faso, l'alternative à l'éducation pour un jeune peut être soit un salaire, soit le chômage. C'est le cas de beaucoup de diplômés burkinabés : 25% des diplômés du supérieur23(*) et 80% de ceux du secondaire24(*) ne trouvent pas d'emploi. Cette perspective n'étant pas très réjouissante, cela peut réduire la demande d'éducation et pousser un jeune à ne pas étudier ou même à quitter l'école en cours de scolarisation. Cependant, même quand le chômage est élevé, « le coût d'opportunité du temps des étudiants est rarement zéro » (Psacharopoulos et Woodhall - 1988, page 23).

Ainsi, le coût d'opportunité de l'éducation pèse lourd dans la demande d'éducation. Malheureusement, au Burkina Faso, beaucoup de parents perçoivent le coût d'opportunité de l'éducation d'une fille comme plus élevé que celui d'un garçon car elle peut aider très tôt à la maison, ce qui explique une moindre demande d'éducation pour elles. Selon une étude, « 85,7% des filles contre 32,5% des garçons font le ménage avant d'aller à l'école et au retour 70,6% des filles contre 31,6% des garçons font des travaux domestiques »25(*). L'investissement en éducation parait moins rentable pour une fille pour plusieurs raisons culturelles et sociales : 1) elle est de toute façon destinée à devenir mère et donc à ne pas travailler ni à voyager ; 2) il y a peu d'emplois ouverts aux femmes, et 3) les études représentent « un capital perdu pour son propre lignage et un avantage dont bénéficierait celui de son mari. Trop instruite, la jeune fille représente de surcroît un « danger » pour tout mari potentiel dans la mesure où elle peut, en cas de conflit, lui opposer l'argument de la loi. » (Etienne Gérard - 1997). Ces arguments, entre autres, expliquent la moindre scolarisation des filles en Afrique (au Burkina Faso, le ratio fille/garçon dans le primaire est seulement 0,777 en 2005) et entretiennent le cercle de vicieux pour la condition de la femme et la pauvreté. Selon certaines études, il existe des incitations pour la demande individuelle d'éducation des filles (chapitre 2, partie 2).

Comme nous le verrons par la suite, lorsque nous traiterons des déterminants de la demande, le coût privé de l'éducation est constitué des dépenses directes de l'éducation et du manque à gagner et les avantages anticipés de l'individu, peuvent être directs ou indirects, économiques ou extra-économiques (le plus important étant le revenu plus élevé tout au long de la vie active). L'individu va aussi pondérer son calcul coût-avantages par le risque d'échec, que Mingat va décrire dans son « modèle d'arbitrage entre rendement et risque ». Selon lui, l'origine sociale conditionne la demande d'éducation et modifie la conception du risque. En général, un étudiant préfère des études à taux de rendement anticipé élevé (les études « difficiles ») et en même temps celles où il a les meilleures chances de réussir : il va donc faire un arbitrage entre rendement et risque.

A aptitudes scolaires comparables, les jeunes issus de milieux défavorisés ont tendance à choisir des études plus faciles où le risque d'échec est moins grand car ils accordent un poids plus important au risque. Ils vont donc opérer une sorte d'autosélection, ce qui explique qu'ils choisissent des études à faible taux de rendement et que la structure de classe est maintenue, surtout dans les pays à fortes disparités, comme le Burkina Faso. L'autosélection y est en effet très importante, comme on peut le constater dans les différents choix d'études opérés par les enfants, en fonction de leurs milieux d'origine. Mais plus que tout, le revenu familial et le manque à gagner poussent les jeunes de familles modestes à ne pas poursuivre leurs études, au supérieur comme au primaire.

Nous allons à présent voir les disparités qui existent en termes de taux de rendement.

I.1.3) Disparité des taux de rendement de l'investissement humain

A la suite de la comparaison entre coûts et avantages des différents investissements, l'individu peut calculer le taux de rendement de chacun, puis il choisira investissement alternatif le plus rentable. On parle du « taux de rendement privé » de l'éducation pour le résultat du calcul coût-avantage de l'éducation, du point de vue de l'individu (et du taux de rendement social pour la société). C'est un des déterminants cruciaux de la demande individuelle d'éducation26(*).

Cependant, les diverses études sur les taux de rendement soulignent des différences notables selon différents paramètres (géographique, social, sexuel), que la théorie du capital humain ne permet pas d'expliquer.

I.1.3.1) Disparités géographiques de la rentabilité de l'éducation

Pour commencer, Psacharopoulos et Patrinos ont examiné 98 pays de 1960 à 1997 et en ont conclu que les taux de rendement de l'enseignement primaire sont substantiellement plus élevés que celles de l'enseignement supérieur (18,90% contre 10,8%). Psacharopoulos, dans un rapport de l'ONU de 2003, a calculé que le taux de rendement individuel moyen de l'éducation primaire est de 27%. Le tableau 7) ci-dessous27(*), qui résume ses analyses, met en lumière les taux de rendement de l'éducation, par niveau et par région. On s'aperçoit d'une part que les taux de rendement privé sont plus élevés que les taux de rendement sociaux.

7) Taux de rendement de l'investissement en éducation par niveau,
en dernière année, moyenne régionale (%) * Hors OCDE

 

Social

Privé

Région

Primaire

Secondaire

Supérieur

Primaire

Secondaire

Supérieur

Asie

16,2

11,1

11,0

20,0

15,8

18,2

Europe/ Moyen Orient/ Afrique du Nord*

15,6

9,7

9,9

13,8

13,6

18,8

Amérique Latine / Caraïbes

17,4

12,9

12,3

26,6

17,0

19,5

OCDE

8,5

9,4

8,5

13,4

11,3

11,6

Afrique Subsaharienne

25,4

18,4

11,3

37,6

24,6

27,8

Burkina Faso

23,2

27

-

-

-

-

 
 
 
 
 
 
 

Monde

18,9

13,1

10,8

26,6

17,0

19,0

Données : UNESCO28(*) et Banque Mondiale

D'autre part - et le document 8) le confirme - elle est plus rentable en Afrique subsaharienne par rapport aux autres régions, et ce, surtout i) pour le niveau primaire et ii) pour le rendement privé (tableau 7). En effet, alors que le taux de rendement privé pour le primaire est de 26,6% en moyenne dans le monde, il est supérieur de 11 points de pourcentage (37,6%) en Afrique subsaharienne. Des études suggèrent que « dans les pays en développement, le taux de rendement moyen du capital humain est supérieur au taux de rendement du capital physique »29(*). D'autres montrent qu'un investissement physique est plus rentable s'il est accompagné d'un investissement en capital humain. C'est pourquoi l'investissement en capital humain, c'est-à-dire l'éducation, surtout au niveau primaire, doit devenir la priorité des pays en développement et des bailleurs de fond.

Au Burkina Faso, le taux de rendement social de la scolarisation est assez bas : 23,2% dans le primaire et 27% dans le secondaire30(*). Plusieurs raisons peuvent être évoquées : i) le taux de rendement du capital humain est plus faible dans l'agriculture, or, le secteur emploie 88,6 % de la population active et contribue pour plus d'un tiers du PIB (37,2% en 1998) ; d'autre part, ii) le progrès technologique est faible et les emplois qui requièrent de hautes compétences sont limités. Ainsi, le taux de croissance du capital humain a encore un faible impact sur la croissance économique burkinabé.

8) Taux de rendement par année de scolarisation et par région

Les taux de rendement marginaux de l'éducation sont décroissants avec le revenu car le stock de capital humain est relativement limité et plus on part de bas, plus on gagne à s'éduquer. Ainsi, plus le PIB par habitant est bas, plus les taux de rendement, social et privé, sont élevés ; ce qui explique les différences qui apparaissent dans les documents 7), 8) et 9).

I.1.3.2) Par niveau de revenu et origine sociale

D'autre part, si on considère que le niveau de capital humain et de revenu sont liés, on peut dire qu'un individu qui a un revenu élevé et donc un stock de capital humain important, va le transmettre à ses enfants, qui partent donc avec plus de capital humain. L'enseignement supérieur sera pour eux plus rentable que le primaire. La transmission intergénérationnelle de capital humain explique donc qu'avec un revenu bas, l'enseignement de base est le plus rentable (en considérant vérifié le lien éducation-revenu). C'est pourquoi Psacharopoulos, et bien d'autres spécialistes du développement considèrent que l'enseignement primaire devrait être la priorité des politiques de développement dans les PVD. Une recommandation que les institutions et les gouvernements ont suivi, comme nous le verrons plus loin.

9) Taux de rendement privé de l'éducation par niveau de revenu

35

19

24

30

19

19

21

13

15

0

13

8

0

5

10

15

20

25

30

35

Taux de rendement privé (%)

199

2403

4184

13 100

Revenu par habitant

Primaire

Secondaire

Supérieur

Au-delà de la simple influence du niveau de salaire sur le rendement de l'éducation, il « reste étroitement liée aux origines sociales »31(*), qui conditionnent, d'une part la demande d'éducation, et d'autre part l'emploi et donc les revenus. L' « analyse du cheminement », présente une fonction de gain révisée :

Milieu familial capacité intellectuelle éducation emploi revenu

où le milieu familial est la composante principale qui détermine le niveau de revenu futur (Psacharopoulos - 1988)32(*).

I.1.3.3) Par sexe

Psacharopoulos a aussi montré une différence notable du taux de rendement de l'éducation entre homme et femme (schéma 10). Certains ont essayé d'expliquer cette différence par une erreur de mesure due au choix délibéré des femmes de participer de façon discontinue dans le marché de l'emploi et donc de choisir des formations qui le leur permettent (« hypothèse de l'atrophie » de Polacheck - 1979).

10) Taux de rendement de l'éducation par genre

11,1

12,4

0

2

4

6

8

10

12

14

Taux de rendement (%)

Hommes

Femmes

Cependant, il semblerait que l'investissement en éducation pour les filles est simplement plus rentable que celle pour les garçons (notamment parce qu'elles s'impliquent plus). Cependant, quand on observe les détails par niveau, le taux de rendement dans le primaire est significativement plus élevé pour les garçons (20% contre 12,8%), et la tendance s'inverse avec les niveaux supérieurs, (13,9% pour les garçons contre 18,4% pour les filles dans l'enseignement secondaire et 12,7% - 13,4% dans le supérieur).

I.1.3.4) Conclusion

Ainsi, il semble d'après les travaux de Psacharopoulos que des facteurs comme le niveau d'enseignement, la zone géographique, le sexe et le revenu affectent le taux de rendement de l'éducation - c'est-à-dire l'impact qu'elle a sur l'individu et ses gains, et donc sur sa demande. Mais on peut tirer plusieurs conclusions à ce stade de l'étude :

i) tout d'abord, l'enseignement est un investissement rentable en Afrique subsaharienne (car le rendement de l'éducation est une fonction décroissante de l'investissement), et pour l'individu (car les taux de rendement sont élevés et supérieurs aux taux de rendement sociaux) ;

ii) ensuite les priorités des pays en développement doivent être portées sur l'enseignement primaire et l'éducation des filles, qui ont un taux de rendement supérieur.

Le taux de rendement privé de l'éducation est donc influencé par un ensemble de paramètres à la fois internes et externes à la personne et ainsi, la demande individuelle d'éducation ne dépend pas que d'un calcul rationnel de coût-avantages mais aussi de ces paramètres externes, qu'il faut considérer dans le calcul des gains anticipés. Nous allons désormais énumérer les déterminants de la demande individuelle d'éducation, qui sont d'une part économiques mais aussi extra-économiques.

I.2) Les déterminants de la demande individuelle

L'analyse économique répertorie les déterminants de la demande individuelle et sociale d'éducation, qui sont d'une part les coûts et d'autre part, les impacts - ou les avantages anticipés - de l'éducation, qui peuvent être économiques ou extra-économiques.

I.2.1) Les déterminants économiques

Comme nous l'avons énoncé précédemment, les individus opèrent un calcul coût-avantages afin de déterminer s'ils vont investir ou non dans l'enseignement. La corrélation éducation-croissance permet de comprendre la demande sociale33(*) d'éducation ; quant à la demande individuelle, il s'agit d'un calcul sur la causalité éducation-productivité-gain. La décision de poursuivre ses études, à quelque niveau que ce soit, est le fruit d'une analyse entre coûts et avantages économiques et d'autres facteurs sociaux, religieux, culturels, etc.

I.2.1.1) Les coûts directs et indirects

Le coût privé de l'éducation est constitué d'une part des dépenses directes de l'éducation : droits d'inscription et les frais annexes comme l'achat de matériel, de livres et parfois d'uniformes, le transport. Ils varient d'un niveau et d'un établissement à l'autre et peuvent être réduits par les bourses et autres aides financières de l'Etat. D'autre part, il y a le coût indirect, majoritairement constitué du manque à gagner du temps passé à l'école plutôt qu'à travailler : « la valeur du revenu ou du travail domestique non payé auquel il faut renoncer explique en grande partie la faiblesse de la demande d'éducation »34(*).

Au Burkina Faso, le coût d'opportunité que l'école représente et le revenu sont les principaux freins à la scolarisation car ils conditionnent la demande (individuelle et sociale. Les familles à faibles revenus ne peuvent pas se permettre de scolariser tous leurs enfants. En effet, « le coût de l'enseignement primaire pour les familles (droits plus manque à gagner) est de 200 000 F.CFA par an »35(*) alors que le revenu moyen est de 157 430 F. CFA pour 2004. La demande effective est une fonction positive du revenu (Meerman, (1979) car certaines familles préfèrent consommer cette somme dans le court-terme pour améliorer le quotidien plutôt que de l'investir dans l'enseignement de leurs enfants, qui en plus, rapportera des bénéfices incertains. Et même si l'enseignement est gratuit et que le sacrifice est moindre, les coûts indirects liés à la fréquentation scolaire et le manque à gagner suffisent souvent à dissuader les familles.

I.2.1.2) Les avantages escomptés

Les avantages économiques anticipés peuvent être directs ou indirects. L'avantage direct le plus important est, bien entendu le revenu plus élevé tout au long de la vie active, lié à la corrélation éducation-gain présupposée dans la théorie du capital humain.

Mais l'analyse en termes de coût-avantages ne suffit pas à expliquer la demande individuelle d'éducation. En effet, un individu n'est pas totalement libre de ses choix ; son "profil" (âge, statut, aptitudes, perspectives de gains et aussi milieu d'origine, etc.) et d'autres facteurs externes entrent en compte et agissent sur sa demande d'éducation. Il existe des éléments économiques indirectement lié à l'individu, qui sont susceptibles d'affecter sa demande d'enseignement.

Le niveau de chômage du pays, par exemple, lié aux avantages anticipés du travail qualifié (gains plus élevés) et la conjoncture générale (politique, économique et sociale) peuvent aussi jouer fortement sur la demande d'éducation et c'est notamment une des raisons actuelles de la sous-scolarisation actuelle au Burkina Faso. En effet, le chômage des diplômés (résultant, entre autre, de la saturation du marché du travail et au manque de dynamisme économique) découragent les familles à scolariser leurs enfants car l'investissement est supérieur aux avantages anticipés. Il règne un certain désenchantement en ce qui concerne le rôle de l'école au Burkina Faso, en raison, notamment, de son incapacité à assurer la mobilité sociale ou un emploi mieux rémunéré.

1.2.2) Les déterminants extra-économiques

« Contribuant à l'équilibre et à l'épanouissement des élèves, les préparant à la vie active et collective, l'éducation a des fonctions multiples36(*). » En effet, l'éducation peut avoir une multitude d'« effets externes » extra-économiques sur l'individu, qui vont influer sur sa demande.

Déterminants indirects

Des facteurs économiques indirects ou extra-économiques, d'ordre culturel ou social, sont susceptibles de faire considérablement varier la demande d'éducation. Anderson (1983) a étudié la contribution de la sélection sociale sur l'accès à l'enseignement, en prenant comme facteurs le niveau d'éducation du père, sa profession et le revenu familial. Il montre que l'accès à l'école est inégal selon ces trois critères et que si les parents d'un enfant sont illettrés, qu'ils ont de bas revenus et un faible statut social, il aura moins de chance d'être scolarisé. D'autant plus qu'au Burkina Faso, cette catégorie de personnes défavorisées vit majoritairement en zone rurale, où l'accès à l'école est souvent plus difficile pour des questions de distance et/ou de mauvaise communication. Les déterminants extra-économiques jouent plus en la défaveur de la demande de scolarisation des filles.

D'après le schéma récapitulatif suivant (graphique 11), le profil type d'un enfant non-scolarisé est une fille qui vit en zone rurale, dans un ménage pauvre et dont la mère n'est pas éduquée. La définition de ce profil permet de savoir quel type de personne a une demande d'éducation inférieure et donc de rechercher des solutions, en termes d'incitations notamment, pour stimuler cette demande et pour approcher l'égalité des chances en matière de scolarisation.

11) Distribution/répartition des enfants non-scolarisés (%) 2001

100

47

53

18

82

23

77

25

75

0

20

40

60

80

Homme

Femme

Milieu urbain

Milieu rural

Les 40% plus riches

Les 60% plus pauvres

Mère éduquée

Mère sans éducation

Données : Education Pour Tous (2007)

La représentation et l'acceptation de l'école par la société ou la famille influe également, contre la scolarisation des enfants. Autrefois vue à travers le prisme de la colonisation, l'Ecole a mis du temps à faire peau neuve et à être vue comme bénéfique par les burkinabés, qui se souvenaient de l'école coloniale, des programmes inadaptés, des valeurs étrangères inculquées à leurs enfants et des chocs intergénérationnels. Après l'indépendance, l'Ecole avait regagné la confiance des burkinabés, qui avaient retrouvé le « goût des études ». Ils la voient désormais comme une « machine à chômeurs » et le doute sur l'intérêt de l'instruction a regagné du terrain.

« Pour ceux qui n'ont pas été à l'école, l'enseignement proprement dit n'est pas réellement considéré, il ne fonde pas non plus d'attentes particulières.  L'important (...) réside dans la capacité de l'ancien élève à trouver du travail. (...) Chômage, inutilité des études, mais également besoin de main-d'oeuvre, souci de l'avenir et nécessité de prévoir la transmission de son patrimoine, ... tout cela et bien d'autres paramètres culturels et sociaux, entrent en compte dans la demande d'éducation, orientent les pratique éducatives (...) »37(*)

Cependant, d'autres familles, qu'Anderson appelle « éducogènes » aspirent à faire instruire leurs enfants parce que les générations précédentes ont reçu une bonne éducation et qu'ils perçoivent l'intérêt d'être instruits. La qualité de l'éducation - que nous aborderons plus loin - est un pilier de l'analyse contemporaine et peut affecter la demande sociale d'éducation car les mauvais résultats et les redoublements découragent les familles.

D'autres facteurs extra-économiques tels que le groupe ethnique, la langue, le lieu de résidence, l'état de santé ou encore la religion conditionnent aussi la demande d'éducation. Malheureusement, ce genre d'études, qui aideraient grandement à comprendre la sous-scolarisation, ne sont pas en nombre suffisant. Le peu de recherches qui existe montrent que l'origine sociale agit de façon déterminante sur la demande d'éducation. Les stratégies familiales d'éducation seront analysées dans le chapitre 2, partie I.2.

Apports d'autres disciplines

Il est intéressant d'enrichir les apports des économistes avec des approches sociologiques et anthropologiques car l'éducation est un objet multidimensionnel, qui peut être abordé sous différents angles. Les sociologues (Bourdieu, Durkheim) voient en l'école un lieu essentiel de socialisation et d'acquisition de la culture. Si son contenu le permet, l'éducation peut promouvoir la justice sociale, la tolérance et développe l'esprit de solidarité et la fraternité grâce à l'acquisition d'une culture commune. L'éducation permet l'épanouissement personnel et donne les bases pour exercer sa citoyenneté et d'accroitre les potentialités de l'individu de mener la vie qu'il souhaite. Enfin, l'école réduit des inégalités sociales et le travail des enfants. Tout cela pousse les individus à aller à l'école et les familles à scolariser leurs enfants. Nous étudierons de plus près l'approche anthropologique dans le troisième chapitre.

Pour résumer l'effet de l'éducation, du point de vue de l'économie, de la sociologie et de l'anthropologie, voilà un schéma qui montre les influences qu'exerce l'éducation individuelle et collective. Elles sont variées et contribue de manière générale au bien-être de l'individu, dans le respect de sa dignité et de ses droits.

12) Effets de l'éducation individuelle et collective

Source : Cochrane (1979), p. 30.

Les effets externes de l'éducation sont donc multiples mais « invariablement assortis de jugements qualitatifs qui diffèrent d'un auteur à l'autre. » (Blaug). De nombreuses tentatives d'estimation de l'impact social de l'investissement en capital humain ont, jusqu'à présent, été vaines. Cependant, les institutions et les gouvernements s'accordent tous à reconnaître l'instruction comme bénéfique pour l'individu et en ont fait un droit fondamental.

Reconnaissance de l'éducation comme un droit fondamental

Afin d'étendre encore les champs d'étude, on peut donc rajouter que l'éducation possède également une valeur intrinsèque : c'est un droit fondamental qui permet l'épanouissement de l'individu qui la reçoit (Sen). Elle est en effet reconnue comme un droit fondamental, du niveau international jusqu'au niveau local, car « la démocratie, c'est d'abord la lecture pour tous. Partager le savoir c'est partager le pouvoir. »38(*) Nous allons brièvement énoncer les textes de loi qui reconnaissent ce droit et qui peuvent appuyer notre étude.

Au niveau international

L'article 26 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 déclare :

« 1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. (...) 2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. (...)»

D'autre part, la Convention Internationale des Droits de l'Enfant de 1989, que le Burkina Faso a ratifié, répertorie les droits de l'enfant, les missions de l'éducation et introduit aussi la notion de langue :

« Article 29 - 1. Les États parties conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à : a) Favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et des ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ; (...) c) Inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles (...) ; d) Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone (...)»

Par cet article, la convention définit les objectifs pédagogiques de l'enseignement et impose la transmission de certaines normes et valeurs considérées comme universelles et justes, afin de développer les « dons et aptitudes mentales et physiques » de l'enfant. Ces valeurs concernent, entre autre, le respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales, des parents, des valeurs nationales et du milieu naturel. Elle introduit aussi la notion de langue, qui nous intéresse pour la suite de notre étude.

Au niveau africain

Les principes de l'article 26 de la DDHC sont confirmés dans l'article 17 de la Chartre Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples39(*) de 1981 :

« 1) Toute personne a droit à l'éducation. 2) Toute personne peut prendre part librement à la vie culturelle de la Communauté. 3) La promotion et la protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté constituent un devoir de l'Etat dans le cadre de la sauvegarde des droits de l'homme. »

Au Burkina Faso

La Constitution de 1991 du Burkina Faso40(*), aux articles 18 et 27, reconnaît l'éducation comme un droit fondamental et s'engage à la promouvoir

« Article 18 : L'éducation, l'instruction, la formation, (...) constituent des droits sociaux et culturels reconnus par la présente Constitution qui vise à les promouvoir. (...)

Article 27 : Tout citoyen a le droit à l'instruction. L'enseignement public est laïc. L'enseignement privé est reconnu. La loi fixe les conditions de son exercice. »

D'autre part, la Loi d'Orientation de l'Education41(*) adoptée en 1996 définit les orientations scolaires et professionnelles, donne la structure du système éducatif, le fonctionnement des structures, et le contenu général des cursus, ainsi que les exigences pour être enseignant. Dans l'article 4 de la loi, il est indiqué que les langues d'enseignement sont aussi bien le français que les langues nationales, sans autre explication ou définition. Elle précise que l'école est obligatoire de 6 à 16 ans mais hélas, les réalités tant économiques que culturelles du pays ne permettent pas l'application de ce principe, car le Burkina Faso manque cruellement de places disponibles.

« Article 2 : l'éducation est une priorité nationale. Tout citoyen a droit à l'éducation sans discrimination fondée sur le sexe, l'origine sociale, la race ou la religion. L'obligation scolaire couvre la période d'âge de 6 à 16 ans. Aucun enfant ne doit être exclu du système éducatif avant ses 16 ans révolus, dès lors que les infrastructures, les équipements, les ressources humaines et la réglementation scolaire en vigueur le permettent. (...) Article 4 : Les langues d'enseignement sont le français et les langues nationales. (...) Article 18 : L'éducation non formelle concerne toutes les activités d'éducation et de formation, structurées et organisées dans un cadre non scolaire. (...) »

Ainsi, la demande d'éducation peut être vue comme le résultat d'un calcul rationnel entre coûts et avantages. Ses déterminants sont nombreux, et peuvent constituer un moteur ou au contraire, un frein. La demande d'éducation au Burkina Faso est très importante mais se heurte, comme nous allons le voir, à une offre inadaptée a la demande et aux besoins.

II) L'offre éducative au Burkina Faso

Les travaux d'économistes sur la demande éducative sont très nombreux et offrent un panorama assez complet sur la question. De plus en plus, les recherches sont dirigées vers la question de l'offre, que les spécialistes tentent de quantifier et d'expliquer pour formuler des politiques d'éducation dans les PVD. Comme nous l'avons déjà évoqué, la demande d'éducation au Burkina Faso est importante et ses déterminants sont nombreux, ce qui explique les disparités susmentionnées. Malgré les efforts financiers consentis par l'Etat, l'offre scolaire reste en deçà de la demande, compte tenu du rythme d'accroissement rapide de la population scolarisable (ce qui traduit d'ailleurs d'un autre paramètre : l'impact de la croissance démographique sur le secteur de l'éducation). Non seulement l'investissement financier actuel ne semble pas suffire pour scolariser les nouveaux enfants mais en plus les générations sont toujours de plus en plus nombreuses. Selon une estimation de l'UNESCO, en 2005, 1 202 000 enfants burkinabés n'étaient pas scolarisés42(*). Cependant, la question la plus urgente n'est pas celle de l'écart quantitatif entre offre et demande éducative mais plutôt en termes d'adaptation et d'adéquation de l'une à l'autre.

Quelle politique d'éducation faut-il mettre en place au Burkina Faso pour inciter les parents à inscrire tous leurs enfants ? Quel type d'éducation permettrait d'atteindre les objectifs cruciaux de l'enseignement ? Quel niveau, quelle filière, quel financement privilégier ? Quel objectif global viser ?

Nous allons désormais étudier les raisons pour un pays de développer l'éducation, en présentant la théorie de la croissance endogène, puis, dans une deuxième sous-partie nous verrons quelle politique éducative est possible. Cela nous donnera les bases nécessaires à l'analyse du système éducatif actuellement en place au Burkina Faso.

II.1) Approche économique de l'offre éducative

II.1.1) La croissance endogène

Théorie

La théorie de la croissance endogène est une réponse au modèle de Solow (croissance exogène) et se base sur la théorie du capital humain. Selon le modèle de Solow, en raison des rendements décroissants des facteurs de production43(*), les économies atteignent un point de croissance stationnaire. Mais grâce au progrès technique (ou innovations), qui accroit la productivité des facteurs, la croissance peut être maintenue. Cela signifie que les rendements d'échelle sont croissants car à long terme, la croissance est induite par les innovations. Tandis que le modèle de Solow considère ce progrès technique comme exogène (sans l'expliquer), la théorie de la croissance endogène, elle, le place au coeur de la croissance, qui est vu comme endogène dans le sens où il dépend des individus et plus précisément de leur comportement et compétences.

L'innovation nécessite des hommes qualifiés, des infrastructures performantes et des investissements en recherche et développement (R&D). Tandis que R. Barro considère que c'est en augmentant les infrastructures publiques, qu'on peut améliorer la productivité ; selon R Lucas, c'est plutôt par l'augmentation de connaissances (capital humain), grâce à l'enseignement ou la formation. Le capital humain est d'ailleurs transmissible et s'accumule d'une génération à l'autre (Lucas). Enfin, Romer (1987) pense que la R&D permet l'accumulation du capital humain, qui créé de la croissance, il faut donc investir en recherche.

Pour les pays développés, qui innovent, il faut une main-d'oeuvre qualifiée et compétente, qui sache inventer des nouvelles techniques et de nouveaux produits, et qui soit surtout capable d'utiliser du matériel sophistiqué. Les pays près de la « frontière technologique » vont donc miser sur l'enseignement supérieur pour former ces travailleurs. Ceux qui sont loin de cette frontière, les PVD, doivent choisir une éducation générale et de qualité (qui développent connaissances et compétences) qui permette le rattrapage technologique : le primaire et le secondaire (Aghion).

Ainsi, l'éducation opère une influence indirecte sur la croissance en améliorant la productivité des individus via les innovations et la diffusion technologique, et les pays, selon leurs besoins, doivent privilégier une certaine éducation : le supérieur pour les pays développés (innovation) et le primaire et secondaire pour les pays en développement (rattrapage). Aghion vient donc porter sa pierre dans la théorie de la croissance endogène en considérant imitation technologique et innovation comme facteurs de productivité et l'éducation comme facteur de croissance endogène.

Démonstration

Dans la théorie de Solow, il existe deux facteurs de production (input) : le capital physique : K, qui est reproductible ; et travail qualifié : L. Si on les double, alors la production (output) est aussi doublée :

2f (K,L) = f (2K, 2L)

La théorie de la croissance endogène modifie la fonction de production en stipulant qu'il y a deux facteur de production reproductibles : K et C (selon les auteurs : le capital humain, les infrastructures publiques ou la R&D). Si on multiplie par 2 tous les facteurs (K,C,L), alors la production va plus que doubler :

2f (K, L) = f (2K, 2L) < f [2(K+C), 2L].

La croissance économique est donc maintenue. La croissance endogène permet d'éviter que les rendements marginaux décroissants n'aboutissent à un état stationnaire.

La théorie de la croissance explique donc les situations de divergence entre les pays : certains n'arrivent pas à rattraper leur retard technologique soit parce qu'ils n'investissent pas dans la bonne éducation, ou pas assez en R&D ; ce qui les met dans des situations de « trappes à pauvreté ». Un pays caractérisé par une fertilité élevée et un niveau d'éducation bas est dans un cercle vicieux. En effet, « quand la génération précédente n'a pas assez investi dans l'éducation (...), l'éducation cesse d'être valorisée et la génération investit encore moins. (...) L'insuffisance passée des investissements éducatifs décourage l'acquisition actuelle de qualifications et ampute, de ce fait, la croissance future. » (Aghion, 2000, page 359) La fertilité est un des facteurs de situation de trappe de sous-développement.

On peut modifier la situation en changeant les conditions initiales : par un arbitrage entre « quantité et qualité des enfants » (Becker). Comme nous l'avons vu précédemment, la « qualité » d'un enfant, au sens de Becker, est mesurée par le volume de capital humain qu'on leur incorpore, c'est-à-dire l'éducation qu'on peut lui donner, et plus on a d'enfants, plus on doit limiter leur éducation. La taille de la descendance dépend du niveau d'instruction des parents - et surtout de la mère - car elle réalise qu'avoir trop d'enfants n'est pas « rentable », car le coût d'opportunité de l'éducation d'un enfant augmente si elle est éduquée. Pour baisser la fécondité, on peut donc augmenter la scolarisation des filles dans les pays en développement.

II.1.2) Les politiques d'éducation

Les institutions internationales et les gouvernements montrent depuis les années 1960 un regain d'intérêt pour les questions de l'éducation comme facteur de développement. Nous allons voir tout d'abord cet intérêt croissant pour les politiques éducatives, puis nous déterminerons quelle politique appliquer à quel contexte (en équilibrant équité et efficacité), avec celui du Burkina Faso.

II.1.2.1) De Jomtien à Dakar, puis aux Objectifs du Millénaire pour le Développement

Le PNUD, la Banque Mondiale, le FMI et d'autres institutions internationales soutiennent que l'éducation est un des piliers du développement. En 1990, lors de la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous, tenue à Jomtien, en Thaïlande, les délégués de 155 pays ainsi d'autres intervenants se sont engagés à universaliser l'enseignement primaire et réduire l'illettrisme avant 2000. A la date butoir, alors que l'Enseignement Primaire Universel (EPU) n'est pas atteint, cet engagement est relancé lors du Forum Mondial sur l'Education à Dakar, qui insiste aussi sur la nécessité d'une éducation de base de qualité pour tous d'ici à l'an 2015 (et particulièrement sur la scolarisation des filles).

La même année, lors de l'Assemblée Générale des Nations Unies, les 191 Etats membres ont signé la Déclaration du Millénaire pour l'avènement d'un monde meilleur, qui confirme cet engouement pour l'éducation. Ils sont convenus de huit objectifs du millénaire pour le développement (OMD) à atteindre parmi lesquels deux concernent l'éducation : le deuxième OMD est d'assurer l'EPU et le troisième est de promouvoir l'égalité des sexes (notamment au sein de l'enseignement) et l'autonomisation des femmes.

On utilise différents indicateurs pour mesurer l'objectif 2 : i) le taux net de scolarisation dans le primaire44(*), ii) la proportion d'écoliers commençant la première année d'études dans l'enseignement primaire et achevant la cinquième et iii) le taux d'alphabétisation des 15 à 24 ans.

Comme on peut le voir sur le schéma45(*) ci-dessus, l'Afrique Subsaharienne est particulièrement « en retard » en ce qui concerne la scolarisation dans le primaire par rapport aux autres régions du monde, et l'évolution générale semble montrer qu'elle n'est pas prête de rattraper le niveau. Cependant, on note de nettes améliorations ces dernières années, comme nous le verrons dans le chapitre 2 : le taux brut de scolarisation dans le primaire est passé de 60,7% en 2006 à 39,9% en 1996, ce qui est une augmentation importante mais toujours insuffisante pour atteindre l'OMD 2. Sur la base de la progression actuelle de 2,8 points par an, le taux de scolarisation attendu à la date butoir (2015) est d'environ 86%. Atteindre l'objectif de 100% d'ici à 2015 est très ambitieux pour le Burkina Faso : il faudrait réaliser un accroissement annuel de 4 points du taux actuel de scolarisation.

Quant à l'objectif n° 3 (parité garçons/filles dans l'enseignement primaire avant 2005), il n'a pas été atteint et n'est pas prêt de l'être dans certaines régions, en raison des progrès insuffisants, notamment dans le domaine de l'éducation. Le ratio filles/garçons dans le primaire au Burkina Faso, comme nous l'avons vu précédemment, est passé de 0,645 en 1996 à 0,777 en 2005. De plus en plus de filles ont accès à l'enseignement primaire mais c'est encore trop insuffisant et cela laisse penser que la parité est encore loin d'être atteinte dans le pays.

II.1.2.2) Quelle politique pour le Burkina Faso ?

Politique éducative

Le problème économique de base auquel tous les gouvernements doivent faire face est l'allocation des ressources rares entre des objectifs concurrents : entre consommation et investissement (satisfaction immédiate des besoins contre création de capacité à produire dans le futur) et en matière d'éducation, entre « quantité et la qualité des élèves ». Un arbitrage est fait entre accueillir plus d'enfants (quantité) ou dépenser plus pour chacun (qualité). Le Burkina Faso essaie de poursuivre deux objectifs qui sont contraires : offrir un enseignement de masse et de qualité. D'autre part, comment les ressources devraient être allouées au sein du système éducatif, entre les différents niveaux, entre les formations générales et spécialisées, entre les différents types d'écoles, etc. ?

Avant de poser la question du financement, il faut se demander quelle offre éducative s'adapte à la demande sociale et privée et quelle éducation est efficace pour former des citoyens productifs et utiles. Tandis que certains auteurs pensent que le système scolaire nécessite plus d'argent, d'autres considèrent qu'il est inefficace et qu'il faut avant tout le réformer. Il semble que ces deux hypothèses sont complémentaires.

Comme le souligne la théorie de la croissance, les politiques d'éducation doivent être définies en fonction de l'état de développement du pays. Dans le cas du Burkina Faso, le retard en terme de développement implique de se focaliser sur l'enseignement de base, pour développer le niveau général d'éducation et ainsi, avoir une population en moyenne plus éduquée et apte à rattraper ou imiter la technologie des pays développés. Mais quelle éducation de base ? Pour quelle finalité spécifique ? A qui la donner ? Qu'est ce qu'il faut enseigner ? Dans quelle langue ? Quels doivent être les critères ?

Ce schéma, inspiré de la méthode des « 4 A » de l'ONU, montre qu'un système éducatif est effectif quand l'offre est acceptable (les populations en acceptent les objectifs) ; adaptable (le système est adapté aux différents besoins et contextes des élèves) ; avec une dotation adéquate (en personnes et en équipements, conformément aux besoins réels) et accessible (ouvert à tous).

13) L'effectivité du droit à l'éducation : un noeud de capacités

Or, on peut dors et déjà dire que parmi ces quatre critères, trois d'entre eux sont déjà loin d'être atteints par l'enseignement primaire au Burkina Faso : adaptabilité, accessibilité et dotation adéquate.

En effet, les programmes ne sont pas adaptés aux besoins de la population pour plusieurs raison. Tout d'abord l'utilisation du français fait perdre du temps et de l'argent, et ensuite la formation dans les matières généralistes n'est pas adaptée à la structure d'emploi traditionnelle où l'agriculture est le secteur majoritaire (il emploi 88,6 % de la population active et contribue pour plus d'un tiers du PIB).

Par ailleurs, l'école n'est pas accessible à tous, outre l'autosélection qui s'opère, le système de droits d'inscription et de bourses est très sélectif et élitiste (sur critères de revenu, d'âge et selon les résultats).

Enfin, les moyens humains et matériels sont inadéquats : personnel enseignant peu qualifié, taux d'encadrement insuffisant, manque de manuels, de fournitures, de salles de classe (nous étudierons ces variables de plus près dans le chapitre 2). Cette inadéquation rend les performances des élèves très insuffisantes, et inégales.

L'acceptabilité est une notion très subjective, mais l'étude des stratégies familiales montre que la population considère l'éducation - formelle du moins - comme peu utile, pas indispensable, voire parfois néfaste.

Les problèmes actuels de l'école burkinabé se situent aux niveaux de l'accès à l'éducation d'une part, et ensuite, de la qualité de l'offre éducative, comme nous allons le voir tout de suite. Les politiques d'éducation doivent donc chercher à définir ce qui pourrait pousser les enfants à aller à l'école (en termes de scolarisation et de participation) et les parents à les y inscrire (offrir des incitations à la demande), et comment améliorer l'effectivité et l'équité du système actuel, pour fournir un enseignement de qualité.

Politiques linguistiques

Selon Maurice Houis, il existe quatre modèles possibles pour l'enseignement français46(*) :

- l'enseignement monolingue en français sans référence aux langues africaines ;

- l'enseignement monolingue en français avec référence aux langues africaines ;

- l'enseignement bilingue, équilibrant les fonctions pédagogiques entre français et langues africaines ;

- l'enseignement monolingue en langues africaines avec éventuellement le français enseigné comme langue étrangère.

Le Burkina Faso, pour des raisons financières, a choisi de maintenir l'enseignement monolingue, datant de la période de la colonisation, avec parfois des références aux langues africaines47(*). Les résultats sont, comme nous l'avons vu, médiocres. « Les Etats ne devraient plus tergiverser, le contexte sociolinguistique leur impose le bilinguisme à l'école primaire et l'enseignement des langues africaines au secondaire et au supérieur. »48(*)

Nous allons désormais présenter succinctement le système éducatif burkinabé, qui est pluriel, ce qui nous servira par la suite à confronter l'offre et la demande d'éducation.

II.2) Structure de l'appareil éducatif burkinabé actuel

Le Burkina Faso possède un système éducatif complexe et diversifié, dont on limitera l'étude au cycle primaire uniquement. Il existe une branche formelle et une informelle, que nous allons commencer par présenter, puis nous verrons l'enseignement privé et public.

L'enseignement primaire est de loin, l'objectif prioritaire du gouvernement en matière d'éducation. On peut voir dans la pyramide éducative (document 14), que la grande majorité des effectifs sont concentrés dans ce premier cycle, ce qui s'explique entre autre par la part de la population d'âge scolaire (49% de la population a moins de 15 ans), et aussi par les politiques d'enseignement de masse, la forte sélection au-delà du primaire, la désillusion des études, le chômage des diplômés, etc. Plus on monte dans les niveaux, plus la pyramide se rétrécit, pour atteindre 127 étudiants du supérieurs pour 100 000 habitants (autrement dit, 0,127% de la population font des études supérieures). Cependant, ces élèves favorisés s'approprient 67% des ressources publiques, en raison du coût élevé de ce niveau.

14) Pyramide éducative 2002/2003

II.2.1) Education formelle et informelle

Le système éducatif dit « formel » est administré par trois différents ministères, (un pour le préscolaire, un pour l'enseignement de base et l'autre pour le secondaire et le supérieur49(*)) ; il est régi par la Loi d'Orientation du 9 mai 1996. Comme nous l'avons vu page 24, cette loi indique que l'école est obligatoire de 6 à 16 ans et chaque enfant doit recevoir une éducation « dès lors que les infrastructures (...) le permettent », et l'insuffisance de l'offre scolaire augmente avec le niveau d'enseignement (mais nous restreindrons notre recherche à l'enseignement primaire).

L'école publique burkinabé est fondée sur la même structure et les mêmes fondements de l'école coloniale. L'enseignement formel comprend un cycle primaire (« de base », sur lequel nous nous concentrerons), un cycle secondaire et l'enseignement supérieur50(*). L'éducation de base comprend l'enseignement préscolaire (3 ans), pour les enfants âgés de 3 à 6 ans et l'enseignement primaire (en principe obligatoire et gratuit) qui accueille les enfants à partir de 6 à 13 ans (le cours préparatoire : CP1, CP2 ; élémentaire : CE1, CE2 ; et moyen : CM1, CM2). La fin du cycle primaire est sanctionnée par le Certificat d'Etudes Primaires (CEP), nécessaire pour l'entrée en sixième. L'objectif de l'enseignement de base est la formation des enfants « à la vie sociale et aux responsabilités communautaires » et les programmes se fondent sur l'acquisition du savoir plutôt que de compétences. On y enseigne d'abord le français comme langue étrangère, qui devient ensuite la langue d'enseignement. Force est de constater que les langues nationales ne sont pas valorisées ou promues (comme le souhaite le décret de 1975).

Comme nous l'avons vu, la demande d'éducation de la part des familles et des enfants, a connu une croissance soutenue depuis les années 1960 et l'Etat a du investir massivement dans l'éducation. Très vite, l'enseignement qui se voulait « de masse », s'est trouvé être de mauvaise qualité (taux de redoublement élevé, taux de réussite aux examens etc.) et encore trop peu accessible (quantité).

Dans les années 1990, avec la croissance fulgurante des effectifs, les Programmes d'Ajustement Structurel (dont la finalité reste de privilégier le service de la dette) et la pression budgétaire auquel le gouvernement burkinabé a dû faire face, des stratégies pour le développement quantitatif (et qualitatif) du système éducatif ont été créées pour répondre à la demande croissante. Nous en énumèrerons trois : les classes à double flux, les classes multigrades et les écoles satellites. La classe à double flux consiste en une classe divisée en deux groupes qui suivent en alternance les cours. Cela permet de remédier au problème des effectifs pléthoriques (quantité), et d'améliorer le taux d'encadrement des élèves (qualité). Mais, la durée effective de la classe est très courte, ce qui va à l'encontre d'une école de qualité. Une classe multigrade, comme son nom l'indique, comprend des élèves de différentes années d'études (par exemple CP1 et CP2), ce qui permet de pallier au problème, en milieu rural surtout, de sous-utilisation des infrastructures et des maîtres. Les écoles satellites accueillent des enfants de 7 à 9 ans, qui n'ont jamais été scolarisés et dispensent uniquement les trois premières classes (CP1, CP2 et CE1), en langue locale. Ils doivent ensuite rejoindre une école normale. Cela permet une meilleure couverture scolaire dans les zones rurales (où les enfants vivent souvent loin des écoles).

Malheureusement, une forte proportion de la population n'a pas accès à l'enseignement formel et de nombreux scolarisés sont toujours analphabètes en raison de la mauvaise qualité du système scolaire. Avec des programmes plus flexibles, il existe donc en parallèle un système « non formel », défini par le MEBA51(*) comme « les activités d'éducation et de formation structurées et organisées dans un cadre non scolaire » qui a été créé pour pallier aux insuffisances du système formel. Il comprend l'éducation non formelle (c'est-à-dire hors-école) des enfants et l'alphabétisation des adultes.

Plusieurs structures accueillent la population, suivant l'âge des intéressés : les Centres Permanents d'Alphabétisation et de Formation (pour les 15-50 ans) ; les Centres d'Education de Base Non Formelle (pour les jeunes non- scolarisés ou déscolarisés de 10 à 15 ans) et les Centres de Formation des Jeunes Agriculteurs (15-18 ans). Toute personne désirant apprendre à lire et à écrire en ville comme en zone rurale dispose aujourd'hui d'infrastructures, plus ou moins accessible, habilitées à l'accueillir.

II.2.2) Enseignement public et privé

Le secteur de l'enseignement privé est défini comme les « établissements qui ne sont pas gérés par les pouvoirs publics mais contrôlés et gérés par des organismes privés, à but lucratif ou non, tels que des organisations non gouvernementales, des organismes confessionnels, des groupements d'intérêts, des fondations ou des entreprises commerciales52(*). » Il peut pallier aux défaillances de l'enseignement public, mais il peut aussi être inégalitaire en raison de droits d'inscription sont souvent plus élevés et parce que les structures sont majoritairement en zones urbaines. « La ségrégation est le résultat naturel d'un système éducatif privé, sélectif (...) inversement, l'intégration est le fruit d'un système fondé sur le financement public, national ou régional, de l'éducation.53(*) »

Au Burkina Faso, l'enseignement privé existe, mais il est assez embryonnaire. En effet, l'enseignement public dispose de 94% des infrastructures et 86% des effectifs en 2005, et la baisse des droits de scolarité ont joué en sa faveur en 1992. On remarque cependant une hausse de 3% des effectifs dans le privé entre 1999 et 2005 (passant de 11% de l'effectif total à 14%), ce qui participe à un meilleur accès à l'éducation en général.

Les structures privées peuvent être très différentes suivant l'organisation (institution, ONG, association locale ou même entreprise) qui les finance. On trouve plusieurs formes d'écoles religieuses : l'école coranique, les médersas, les écoles catholiques, et d'autres non-religieuses. Elles sont implantées majoritairement en ville et se développe surtout dans l'enseignement technique. Les écoles religieuses précitées véhiculent des valeurs de piété et leur développement est un signe fort de la part des populations d'une volonté de changement et d'un refus du système en place.

Un autre type hybride d'école que nous allons voir en détail dans le chapitre 3 est l'école bilingue qui est de base formelle mais dont la création et la gestion dépend du village.

Ainsi, l'offre éducative est très variée et se diversifie de plus en plus, avec notamment les classes à double flux, les classes multigrades et les écoles satellites dans le secteur formel ; les Centres Permanents d'Alphabétisation et de Formation, les Centres d'Education de Base Non Formelle et les Centres de Formation des Jeunes Agriculteurs dans l'informel et aussi avec le développement du secteur privé. 

Comment peut-on expliquer une telle diversité dans l'offre éducative ? C'est la manifestation d'une demande sociale diversifiée et du désengagement de l'enseignement public au profit de formules alternatives. De plus les récentes lois (Plan décennal de développement de l'éducation de base) et études gouvernementales (Etats Généraux de l'Enseignement) viennent appuyer ces initiatives privées et communautaires, comme nous le verrons dans le chapitre 3.

Chapitre 2 - Constats de la confrontation entre offre et demande

I) Un système éducatif peu performant

I.1) Un contexte linguistique et historique instable

Dans cette partie, nous allons présenter le contexte actuel du Burkina Faso, avec d'une part une présentation de la situation linguistique du pays ; et d'autre part, une parenthèse historique sur l'évolution des politiques éducatives et linguistiques depuis la décolonisation. Cette partie descriptive servira à expliquer les faibles performances du système éducatif en place et à énoncer les solutions possibles.

I.1.1) Structure linguistique du Burkina Faso

Avec presque 15 millions d'habitants (dont près de la moitié ont moins de 15 ans), le Burkina Faso est un des pays les plus peuplés d'Afrique de l'Ouest. Suite à des mouvements de populations entre le Xe et XIXe siècle, le peuple burkinabé est aujourd'hui composé d'une soixantaine d'ethnies54(*), qui vivent dans une coexistence pacifique. Tous ces peuples parlent une langue qui leur est propre, par conséquent, il existe de très nombreuses langues : entre 60 et 71 ethnolangues selon les sources55(*). Parmi les langues étrangères parlées au Burkina Faso, on peut citer le français (langue officielle), l'anglais et l'arabe (et de moindre importance, l'espagnol et l'allemand), qui sont surtout parlées par ceux qui ont fréquenté l'école.

Les langues nationales « non importées » sont issues des ethnies qui peuplent le pays, dont les 3 principales sont le fulfuldé, le jula et le mooré (la langue véhiculaire la plus importante par son poids démographique et son rôle dans la capitale).

Ce tableau, réalisé d'après deux recensements, un en 1960 et un en 1991, montre la diversité ethnique et linguistique du pays. Il ne reflète pas la réalité linguistique du pays (il manque beaucoup de langues), mais permet d'appréhender cette "mosaïque linguistique et culturelle" du pays (Maxime Z Somé - 2003), que l'on retrouve dans la classification des langues qui suit :

15) Groupes ethniques et langues au Burkina Faso (1960-61 et 1991)

Groupes ethniques

1960-1961 (%)

1991 (%)

Langues

Classification des langues

Bissa

5,3

4,4

Bisa

Mandé

Bobo

16,4

6,8

bObO (sya)

zaradan, bwamu

Non classée

Non classée

Autres mandingues

 

7,0

Meekakan, san,

jula, kan,

jungooma

Mandé

Mandé

Mandé

Dagara-lobi

5,1

4,3

birfOr dagara,

dagajule ou jari, 

?lobiri

oti-volta (gur)

oti-volta (gur)

Non classée

Gourmantché

4,8

7,0

gurmancema

(gulmacema)

oti-volta (gur)

Gourounsi

6,4

6,0

kas?m, lyele,

n?n?

oti-volta (gur)

oti-volta (gur)

Mossi

50,0

48,6

Moore

oti-volta (gur)

Sénoufo, Gouin

6,3

2,2

sinara, cerma

Non classée

Peuhl

5,5

7,7

Fulfulde

Ouest-Atlantique

 
 
 
 
 

Autres

0,2

6,0

wunje, kurumfe

bozo, sjeeku,

dog?m, zarma,

tamaaseq, jaane

dO?Ose ...

 

TOTAL

100

100

 
 

Source : Somé (2003)

Les trois langues principales : le fulfuldé (foulfouldé), le jula (dioula) et le mooré, sont parlées par plus des ¾ des burkinabés. Comme on peut le constater sur le tableau 15 et la carte en annexe page 94 les mossi représentent presque la moitié de la population nationale (7 millions). Elle est aussi parlée dans d'autres pays comme le Ghana, le Mali, la Côte d'Ivoire. Le jula, plus parlée au Nord-ouest, est aussi très usitée au Mali, en Guinée et en Côte d'Ivoire, et est historiquement liée à l'Islam et au commerce en Afrique de l'Ouest. Enfin, le fulfuldé, largement répandu dans le Sahel, est aussi utilisée au Sénégal et au Cameroun. Dans la presse nationale, les langues nationales sont assez bien représentées. De nombreux programmes de télévision sont faits en langues locales (8 en plus du français) et la radio proposent des émissions dans une trentaine de langues différentes56(*). Cependant, une dizaine de journaux burkinabés sont en français, pour une minorité - éduquée - de la population (2 à 3%).

Ces langues locales sont de plus en plus valorisées par la population, mais sont complémentaires au français, avec lequel elles sont parfois en compétition. « Le schéma relationnel actuel serait du type : relations internationales vs relations intérieures régionales, administration vs vie sociale quotidienne et famille, commerce extérieur vs petit commerce local, monde traditionnel vs modernité et technique, communication formelle (enseignement, droit, sciences, technologie, littérature) vs communication informelle (relations interpersonnelles affectivité, artisanat, tradition orale)57(*) »

Une carte des langues a été réalisée par le Summer Institute of Linguistics58(*), cependant, il est difficile de catégoriser les langues burkinabés par zone géographique car les frontières ethniques ne sont pas étanches (il y a des mouvements de population) et les langues se superposent59(*). Il y a, d'une part, la « langue officielle » : le français, celle de l'élite, de l'administration et de la communication ; et d'autre part, « langues nationales », qui ne sont pas valorisées, malgré l'intention du décret de 1975. Une langue officielle doit être porteuse d'unité et de conscience nationale, or elle ne l'est pas puisqu'elle reste une langue étrangère pour beaucoup de burkinabés60(*). Or, depuis le lendemain de l'Indépendance, au nom de l'unité, on a préféré volontairement ignorer la diversité des cultures burkinabés.

Pendant les 6 années du cycle primaire, 56% du volume horaire total est affecté à la seule acquisition de la langue française au détriment de tout autre besoin de formation, et cela représente une part du budget très importante. Elle est tout d'abord enseignée comme langue étrangère et puis est utilisée comme langue d'enseignement pour les autres matières (calcul, sciences, etc.), et ce pour des résultats médiocres : elle n'est parlée en famille que par 0,01% des burkinabé et les francophones confirmés constituent moins de 2% de la population totale. Selon Louis-Jean Calvet, « la colonisation n'a pas introduit le français en Afrique (au sens où les peuples africains colonisés par la France parleraient français), elle a simplement mis en place une minorité francophone qui gouverne et impose sa loi à une majorité non francophone. » Si la mosaïque des langues justifie le recours à une langue de communication, pourquoi choisir une langue, inconnue de tous, plutôt que celle de la majorité, par exemple ?

Après cette présentation de la mosaïque linguistique nationale, nous allons voir les origines de l'enseignement du français au Burkina Faso et l'émergence de mouvements identitaires, à travers l'histoire de l'Ecole burkinabé et plus précisément des politiques éducatives et linguistiques nationales.

I.1.2) Retour historique sur les politiques éducatives et linguistiques nationales

I.1.2.1) Le lourd contentieux de l'école coloniale

Le Burkina Faso, anciennement Haute Volta, a été colonisé par la France de 1885 à 1960. Au cours de cette période, les Français ne s'occuperont que fort peu du développement du pays, qui servira surtout de réservoir de main-d'oeuvre pour les plantations. C'est à cette époque, à la fin du XIXe siècle, que les premières écoles apparurent, pour enseigner la langue française. La France mit en place un système éducatif en français seulement, et avec des programmes calqués sur ceux de la métropole (avec des leçons sur "nos ancêtres les Gaulois"), pour former des interprètes, des cadres et des agents intermédiaires pour l'administration coloniale. « L'enseignement du français était véritablement conçu comme un outil pour inculquer les valeurs françaises [et] ne visait autre chose que la dépersonnalisation [du] peuple. »61(*) En effet, avec des réflexions comme « enseignons aux enfants notre langue, inculquons-leur nos idées, et la France comptera bientôt par millions, sinon de nouveaux citoyens, du moins des sujets fidèles et reconnaissants »62(*), l'école française a laissé un lourd contentieux moral. L'Ecole française, élitiste, qui impose la scolarisation de force est tantôt appelée « Ecole coloniale », tantôt « Ecole des blancs », ou encore « l'Ecole des chefs » et même « Ecole des otages ». Si les premières écoles datent de la période coloniale, la scolarisation s'est vraiment développée après l'Indépendance.

I.1.2.2) Des tentatives de stabilisation

En 1960, après la décolonisation, le pays a connu quatre républiques et cinq régimes d'exception, avec chacun une politique éducative et linguistique différentes. L'« euphorie postcoloniale [donna] lieu à une véritable « ruée vers l'Ecole » (Diabomba) car « la vraie décolonisation est à la fois politique économique et culturelle »63(*) mais très vite, étant donnée la demande croissante, un système de limitation de l'accès et de contrôle des effectifs a été mis en place par le biais de concours d'entrée.

En 1979, le nouveau gouvernement de la Troisième République fait de l'éducation sa priorité et lance une campagne d'alphabétisation - en français - et créé un Alphabet des Langues Nationales de Haute-Volta, nécessaire pour l'introduction des langues nationales dans l'instruction. Cependant, la population rurale ne voyait pas cette action d'alphabétisation comme un moyen de promotion sociale. A l'époque, seulement 10% des enfants étaient scolarisés et environ 97% de la population ne parlaient pas français.

Concernant les langues locales, c'est seulement après deux républiques et un régime militaire qu'un décret sur l'éducation fut passé, en 1975, sous le Gouvernement du Renouveau National (1974-1977) en vue, notamment de revaloriser et promouvoir les langues voltaïques, sans cependant donner de statut ou de valeur à chacune de ces langues. En 1979, une expérience d'introduction des langues « nationales » a été lancée : le pays a été divisé en trois zones linguistiques, qui se sont vues chacune attribuer une langue (le jula, à l'Ouest et au Sud-ouest ; le moore, au Centre, au Nord et à l'Est ; et le fulfulde au Sahel), qui étaient enseignée au CP1 dans une trentaine d'établissements expérimentaux. Cependant, cette réforme a été abandonnée en 1984, parce que les conditions humaines et matérielles n'étaient pas réunies (insuffisance de manuels, un manque de formation des enseignants) et parce que le découpage administratif était tel que les populations n'étaient pas forcément de la langue enseignée (un enfant pourrait en être aussi étranger qu'au français) et qu'il ne prenait pas en compte les multiples autres langues locales. Cette réforme aurait pu être très bénéfique mais elle a été réalisée à la hâte pour toucher les financements des organisations internationales. C'est la seule fois où des langues africaines ont été promues langues d'enseignement.

A la suite d'un coup d'état en 1983, Thomas Sankara devient président du Burkina Faso, à la tête du Conseil National de la Révolution. Il entreprend des études sur les défauts du système éducatif national (problème du coût du salaire des enseignants et de la faible qualité) et pense que le pays est « en train de financer l'analphabétisme en croyant de bonne foi le combattre64(*) ». Le gouvernement Sankara, et propose « l'Ecole révolutionnaire » avec une politique « à chaque village son école ». Cette politique met fin au système scolaire élitiste postcolonial, qui formait une élite avec les meilleurs et la majorité, à moitié instruite, retombait dans l'analphabétisme après la fréquentation scolaire et forme des diplômés « au service des masses populaires »65(*). La question de fond, sur l'accès à l'instruction est enfin posée et des écoles populaires sont construites partout dans le pays (le nombre de nouvelles écoles a presque triplé en 4 ans, passant de 66 en 1980-81 à 224 en 1984-85).

En 1987, Sankara est assassiné lors d'un coup d'état et Blaise Compaoré - toujours au pouvoir depuis- prend la direction du pays avec le Front Populaire. Il sait que le « maintien de l'obscurantisme est un véritable frein à la croissance économique66(*) » et se lance dans une vaste mission d'"éradication" de celui-ci, basée sur l'alphabétisation de masse et l'élévation du taux de scolarisation en zone rurale, qui n'a finalement eu que de faibles répercutions. Il renoue avec la France en rétablissant la coopération et engage l'économie du pays dans un PAS (plan d'ajustement structurel) au coeur duquel « le triomphe de l'idéologie libérale », le « retrait de l'état » et la domination des institutions de Bretton Woods. En 1988, il créé le MEBA (ministère de l'Enseignement de base et de l'Alphabétisation) dont le but est de « dispenser à tout Burkinabé un minimum éducatif correspondant aux besoins et aux potentialités du pays et censé former des individus susceptibles de participer, de manière consciente et efficace, à leur propre développement et à celui de la communauté »67(*).

La Constitution de la Quatrième République (1991) stipule que « la langue officielle est le français. La loi fixe les modalités de promotion et d'officialisation des langues nationales ». Or, ces modalités n'ont jamais été fixées jusqu'à présent. Si les années 1990 sont marquées par une importante augmentation du taux de scolarisation, « 84,5% de la population de 10 ans et plus ne savent ni lire ni écrire dans une langue quelconque68(*) », parmi lesquels le tiers seulement sont des femmes (33,4%).

Les actes des Etats Généraux de l'Education de 1994 stipulent que « le Burkina Faso est un pays pluriethnique et à la culture plurielle ; ce qui entraine a priori, une diversité de système de valeurs, de langues et de comportements socioculturels variés » mais ne tirent pas pour autant de conséquence de cette analyse.

I.1.2.3) Une situation de statu quo

Aujourd'hui, « les activités d'apprentissage dans les différentes disciplines se déroulent en français qui constitue la langue officielle du Burkina Faso, et dans certaines langues nationales (mooré, dioula etc.) particulièrement dans les Ecoles Bilingues (EB), les Ecoles Satellites (ES) et les Centres d'Education de Base non Formelle (CEBNF)... ». Les programmes d'alphabétisation-formation utilisent 22 langues ; les CEBNF, 7 langues et 6 langues sont utilisées comme langues d'enseignement dans des écoles bilingues.

Mais dans l'ère actuelle de la mondialisation, la question linguistique et l'éducation diversifiée, valorisant les langues et cultures locales, n'est pas classée comme une priorité, d'autant plus que le système éducatif est entre les mains d'une élite dont la majorité ne croit pas aux langues africaines et n'est pas favorable à leur promotion. De plus, dans la situation de crise financière que traverse actuellement le pays, des coupes budgétaires sont réalisées, et ce envers les secteurs où les dépenses n'ont pas de rendements immédiats : culture, éducation, santé, etc. Même si certains appelle le système éducatif « l'école des fils de cadre », référence au surnom de l'école coloniale (« l'école des fils de chefs »), en théorie, le principe d'équité a remplacé celui de l'élitisme.

Depuis l'Indépendance, le pays est donc passé de main en main, a connu une forte instabilité politique, ce qui s'est traduit par une certaine incapacité à définir des politiques durables. Dans l'histoire du Burkina Faso, les politiques de langues, liées aux politiques d'éducation, ont renforcé une inégalité face à l'éducation, liée à l'accessibilité naturelle aux sphères du pouvoir. S'il ne s'agit plus vraiment de promouvoir une culture occidentale, comme ce fut le cas pendant la période coloniale, la fonction élitiste de la langue française demeure. Instrument de division, le français a conforté des processus d'intégration et d'exclusion. « Le français, unique langue d'enseignement, poursuit depuis des années son rôle de sélection au sein des groupes d'enfants : ceux dont les parents ont les moyens (cours du soir ou lycée français) s'en sortent, les autres échouent la plupart du temps69(*) ». Aujourd'hui, on parle d'alphabétisation pour les langues nationales mais de scolarisation pour le français. Et les autres disciplines, comme le calcul, les sciences, etc. sont enseignées en français, ce qui suppose une bonne assimilation de la langue, sans quoi tout le reste ne pourra pas être acquis.

Ainsi, l'école se démocratise petit à petit mais sans pour autant s'enraciner dans son environnement. Pour de nombreux burkinabés, l'introduction - ou la réintroduction - des langues africaines dans le dispositif constitue un des facteurs clé de la rénovation du système éducatif.

Ainsi, comme nous l'avons vu, la situation linguistique est caractérisée par une grande hétérogénéité, qui a longtemps été un prétexte, ou un frein à la mise en place d'une politique linguistique. Aujourd'hui, la situation de statu quo est maintenue, avec un maintien de l'héritage de la colonisation, qui place au coeur du système le français, comme langue d'enseignement : un système d'éducation monolingue dans un pays multilingue, avec une langue minoritaire dominante.

Les axes prioritaires de l'éducation au Burkina Faso doivent être :

- le développement de l'enseignement primaire, investissement « à tout faire » permettant l'adaptation des individus aux technologies ;

- la démocratisation de l'école avec la réduction des coûts de l'éducation (suppression des droits d'inscription), la construction d'établissements (pour un meilleur accès des populations rurales) ;

- des incitations pour les enseignants à fournir un travail de qualité (formation, contrôle) et pour les enfants à fréquenter l'école (cantines, systèmes de bourses et de crédits) ;

- l'amélioration de la qualité de l'éducation avec des programmes adaptés -plus axé sur des compétences, que sur des connaissances, avec un équilibre entre tradition et modernité - plus de filières, des enseignants formés ;

- la réintroduction des langues nationales dans l'enseignement.

I.2) Un taux de scolarisation très bas et hétérogène

Comme nous l'avons vu, le taux brut de scolarisation au Burkina Faso est faible, se situant parmi les plus bas de la sous-région ouest-africaine. Cependant, depuis les années 1960, on assiste à une élévation du taux de scolarisation dans les pays en développement et tout particulièrement au Burkina Faso, qui démontre un engouement pour les politiques d'éducation de la part des gouvernements dans le processus de développement.

Au lendemain de la décolonisation, la décennie 1960 a connu un taux de croissance des effectifs de 16%. Puis, avec Sankara et sa politique « à chaque village, son école », la décennie 1980 a encore connu de fortes hausses de scolarisation. L'amélioration est exponentielle, car en 10 ans (1960-1970), le TBS a augmenté de 7 points de pourcentage et puis de plus de 20 points entre 1996 et 2006 (Cf. tableau 16)70(*). Cependant, on peut noter qu'à l'aube de l'an 2000, c'est seulement 44% des enfants burkinabé âgés de 7 à 12 ans (tranche d'âges légale pour le primaire) qui sont scolarisé.

16) TBS au niveau primaire (%)

1960

1970

1980

1990

1996

1999

2006

8

15

29

33

39,9

44

60,7

Données : le PNUD et le FMI

Comme le confirme le tableau 17) sur les taux nets de scolarisation, qui ne tiennent pas compte des redoublants, l'amélioration est surtout récente : 10 points de pourcentage en 8 ans (de 1991 à 1999) et puis 13 points en 7 ans, sur la période 1999-2006. C'est une amélioration considérable quand on sait que le taux net était de 6,5% au moment de l'indépendance (1960). Les différences entre taux bruts et nets (47,8 contre 60,7 en 2006) révèlent la part des redoublants, un problème que nous étudierons plus loin.

17) Taux net total de scolarisation dans le primaire, filles et garçons au Burkina Faso

1991

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

24,5

34,7

35,8

36,6

37,6

37,6

40,3

44,3

47,8

Source : indicateurs officiels des OMD71(*)

Cela prouve un effort de la part du gouvernement burkinabé pour améliorer l'accès à l'éducation. Malgré ces efforts, le taux de scolarisation au primaire est estimé à seulement 57% en 2005 et le taux d'alphabétisation de la tranche de la population âgée de plus de 15 ans est de 24%.

Tout comme au niveau international, les taux de scolarisation du Burkina Faso se caractérisent par de fortes disparités aussi bien géographiques (selon les régions, les provinces et entre villes et campagnes), que selon le sexe et l'origine sociale72(*). Ces disparités s'expliquent par une demande plus faible selon ces mêmes paramètre, et, surtout, par une offre éducative et un système inadapté et déconnecté des réalités et des besoins locaux.

I.2.1) Les disparités géographiques

Tout comme les taux de rendement de l'éducation, la scolarisation dépend de la zone géographique. L'Est et le Nord-est sont les régions où le taux de scolarisation est le plus bas (à peine 25%) et l'écart entre filles et garçons est d'environ 20%.

18) Taux de scolarisation par sexe et par province (année scolaire 1997-1998)

 

Comme le montre le graphique 18)73(*), les taux de scolarisation sont très éparpillés entre les provinces. Ainsi, la province de Kadiogo, au centre (où se trouve la ville de Ouagadougou) a un taux de scolarisation de 88% tandis que celui de la province de Komandjari, à l'Est est de 7% seulement. Pour les années scolaires 1990-1991 et 1994-1995, 7 des 45 provinces que compte le Burkina Faso n'atteignent pas le taux de 20%.

Source : MEBA (1999)

Il existe aussi un écart important entre milieu rural et milieu urbain. En campagne, le taux de scolarisation dans le primaire atteint à peine 20% alors qu'il se situe à 67% dans les villes. Les ménages urbains scolarisent donc trois fois plus leurs enfants qu'en milieu rural. L'urbanisation est donc favorable à l'école. Les trois plus grandes villes du pays, Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Koudougou accueillent à elles-seules le tiers des effectifs scolarisés, alors qu'elles n'abritent qu'un cinquième de la population scolarisable.

Cela s'explique notamment par le fait que i) les familles pauvres, qui vivent avant tout dans les régions rurales, n'ont pas les moyens de scolariser leurs enfants (ils allouent moins de 1% du budget total à l'éducation, comparé à plus de 3% pour les ménages urbains) ; ii) les structures éducatives sont mieux implantées dans les villes, si bien que la population scolaire y est concentrée, et iii) en raison des différences de perception de l'institution scolaire et de sa nécessité (bien souvent, les fils de paysans deviennent paysans) et aussi à cause du préjugé contre la scolarisation des filles - plus présent en milieu rural - et d'autres raisons socioculturelles. Ainsi, les disparités géographiques s'expliquent simplement par la centralisation de l'offre éducative et par le fait que la non-scolarisation est étroitement liée à la pauvreté - un phénomène avant tout rural.

I.2.2) Les disparités par sexe

Comme nous l'avons vu précédemment, les filles sont moins scolarisées que leurs camarades masculins. Selon les estimations du Bureau international du travail, 104 millions d'enfants ne sont pas scolarisés dans le primaire dont 56% de filles. De multiples facteurs que nous avons déjà cités (d'ordre historique, politique, économique, culturel, religieux ou encore liés à l'offre scolaire), sont responsables d'une moindre demande de scolarisation et donc de la sous-scolarisation des filles, mais nous ne nous y attarderons pas. Le tableau 19) ci-dessous montre le taux de scolarisation de trois années scolaires différentes.

19) Taux brut de scolarisation selon le genre au primaire au Burkina Faso

Années scolaires

Garçons

Filles

Total

1992-1993

40,6

27,0

33,9

1997-1998

48,0

33,4

40,9

2002-2003

53,6

41,0

47,5

Source : annuaire statistique du MEBA

Grâce à ce tableau, on peut faire deux remarques importantes : i) tout d'abord, les filles sont moins scolarisées que les garçons ; et ii) ensuite, l'écart de scolarisation n'a pas tellement évolué en 10 ans, il a même commencé par augmenter (le différentiel est passé de 13 à 15 entre les rentrées scolaires 1992-1993 et 1997-1998) ; puis cet écart de scolarisation est tombé à 12 points de pourcentage entre 1997-1998 et 2002-2003. Cette évolution est peu prometteuse et fait douter quant à la possibilité d'atteindre la parité dans le primaire au Burkina Faso. Ce graphique (n° 20) confirme que les filles sont bien moins scolarisées que les garçons et ce sur les quatre périodes représentées. En 2005, 39% des filles d'âge primaire sont scolarisées en comparaison avec 49% des garçons. Comme nous l'avons dit plus haut, l'écart entre les deux taux reste plus ou moins constant sur la période 1991-2005. Mais ces disparités par sexe varient aussi par région, avec des écarts de plus du double dans certaines provinces.

20) Taux nets de scolarisation au primaire par sexe (%). 1991-2005

Source : UNESCO74(*)

Malgré les interprétations des données ci-dessus75(*), le ratio filles/garçons, comme il apparaît dans le tableau 21), a progressé continument sur la période, notamment depuis 1998. Il a progressé de 33% en 25 ans (en passant de 0,583 à 0,777). Selon la Banque Mondiale, il serait de 0,82 pour 200676(*). Selon ces dernières informations, l'amélioration est notable mais cela reste inférieur à l'objectif de parité.

21) Ratio filles/garçons dans le primaire au Burkina Faso entre 1980 et 2001

1980-1986

1986-1989

1989-1991

1991-1996

1996-1997

1997-1998

1998-1999

1999- 2000

2000-2001

2004-2005

0,583

0,603

0,623

0,638

0,650

0,665

0,679

0,690

0,701

0,777

Données : statistiques du GRETAF77(*)

I.2.3) Selon l'origine sociale

L'économie domestique, qui étudie la demande et les stratégies familiales, a remarqué que le taux de scolarisation dépend aussi de l'origine sociale et familiale de l'élève. La demande d'éducation des familles dépend de sa composition. En effet, un peu moins d'un tiers des ménages (32,4 %) scolarisent au moins un enfant, environ les deux tiers n'en scolarisent aucun, et seulement un sur six (16,7 %) les scolarisent tous, ce dernier chiffre diminue en fonction du nombre d'enfants. Moins les familles ont de membres scolarisables et plus leurs enfants vont à l'école. En moyenne, c'est donc à peine un « demi-enfant » (0,48) qui est scolarisé par ménage.

La religion est aussi un déterminant important de la demande. En effet, certaines familles de confession musulmane assimilent l'enseignement à la christianisation, qui « fabrique de mauvais musulmans »78(*). Certains sont hostiles à l'Ecole publique et ce qu'elle représente et préfèrent se tourner vers des écoles religieuses (coraniques ou médersa).

Becker pense que les couples font un choix entre la quantité et la « qualité » (volume du capital humain incorporé) des enfants. Plus ils ont d'enfants, plus ils devront limiter l'éducation qu'ils leur donnent. En général, il existe une corrélation négative entre le niveau de formation de l'ascendance (surtout de la mère) et la taille de la descendance. En effet, le coût d'opportunité de chaque enfant, calculé par le temps sacrifié, augmente avec l'éducation de la mère, ce qui rend l'enfant moins « rentable ». C'est un des arguments pour une augmentation de la scolarisation des filles car cela peut faire baisser la fécondité dans les pays en développement (en grande partie responsable des situations de "trappe à sous-développement").

Les stratégies familiales de scolarisation

Pour comprendre les différences en termes de scolarisation, il est important de s'attarder sur les stratégies familiales de scolarisation. Chaque ménage (en fonction de son revenu, de ses convictions religieuses, de sa représentation de l'école, de son lieu de résidence et son activité etc.), opte pour une stratégie de scolarisation particulière. Selon E Gérard (1997), il existe trois « stratégies diachroniques de scolarisation » : la stratégie de scolarisation continue (les enfants sont scolarisés les uns après les autres) ; alternée (les enfants sont tour à tour scolarisés et maintenus au domicile) ; et sporadique (scolarisation sans périodicité précise), qui est la plus courante. Il existe aussi quatre types de stratégies dans le choix des écoles : la stratégie de scolarisation « simple » : tous les enfants sont scolarisés dans la même structure ; la stratégie « simple et mixte » : au moins deux individus envoyés sur les bancs privés, l'un dans une médersa et l'autre à l'école coranique ; la stratégie de scolarisation « mixte » : inscription dans les établissements laïcs et religieux ; et enfin la stratégie de scolarisation « plurielle », des enfants sont envoyés à l'école publique, d'autre à la médersa, d'autres encore à l'école coranique. Mais la plupart n'ont pas de « programme » ou tactique précise de scolarisation dans le temps, obéissant d'avantage à la conjoncture, à des événements ponctuels aléatoires, qu'à un projet éducatif précis et fixe.

Certaines familles optent aussi pour une stratégie d'évitement de l'institution scolaire, dû au « sentiment d'une école à double vitesse, où les chances de réussite de l'élève démuni sont réduites ou même nulles. »79(*) Parfois même, elles cachent leurs enfants afin de leur épargner les "méfaits de la colonisation", en jurant sur l'honneur, « qu'aucun de leurs enfants ne suivra, de quelque manière que ce soit, et sous peine de malédiction et de mort, la "voie des Blancs", la "mauvaise voie des étrangers" ».

Et enfin, certaines adoptent « une stratégie de substitution en faveur d'un modèle d'éducation différent, parce qu'il correspond d'avantage à leurs attentes (c'est-à-dire à leur représentations mais aussi aux conditions de production de celles-ci et des attitudes éducatives). »80(*)

Ainsi, si le contexte burkinabé est celui d'une scolarisation croissante, notamment dans le primaire, il existe d'importantes disparités dans le pays. « Il semble peu probable qu'à ce rythme l'objectif d'EPU soit atteint en 2015 »81(*). La problématique de la démocratisation de l'enseignement se pose donc en termes d'accès. Nous allons donc désormais analyser la qualité du système en termes d'efficacité et d'équité.

I.3) La qualité recherchée

Toutes disciplines confondues, les études sur l'éducation dans les PVD s'orientent de plus en plus vers la recherche de la qualité. Les taux de scolarisation donnent un aperçu du système scolaire burkinabé en termes de quantité d'offre éducative82(*). Mais « étudier l'efficacité du système éducatif oblige (...) à combiner des mesures quantitatives avec des appréciations plus qualitatives encore plus sujettes à caution. »83(*)

En effet, « la scolarisation ne signifie pas nécessairement la participation, la participation ne signifie pas nécessairement recevoir une éducation et recevoir une éducation ne signifie pas nécessairement recevoir une bonne éducation. »84(*) Ainsi, les économistes et les institutions s'intéressent de plus en plus au problème de la qualité de l'offre et d'adaptation de celle-ci à la demande. La qualité de l'éducation n'est pas aisément mesurable, car elle prend en compte des éléments de nature non financière. Une nouvelle question se pose : comment mesurer la qualité de l'éducation ?

I.3.1) Mesure de la qualité

Il existe de nombreux critères pour mesurer la qualité de l'éducation, que l'on peut regrouper selon trois indicateurs : indicateur d'accès au système, (taux bruts et taux nets d'admission à l'enseignement primaire, espérance de vie scolaire85(*)) ; les indicateurs de participation (taux bruts et nets de scolarisation, nombre d'enfants non scolarisés) ; et indicateurs d'efficacité interne (taux de redoublement, taux d'abandon, taux de survie en 5e année et taux de survie en dernière année)

Nous verrons certains critères qui nous semblent utiles pour nous éclairer concernant le niveau qualitatif (les taux de réussite, de redoublement, d'abandon et de survie), et puis nous verrons les indicateurs pris en comptent par l'UNESCO, pour une vision plus globale du problème.

Taux de réussite

Parmi les données quantifiées qui font preuve du niveau acquis grâce à l'école, on peut étudier celles générées par l'évaluation des élèves lors des examens ou épreuves : les taux de réussite. Sur 1.000 enfants rentrant au CP1, 308 (soit moins d'un enfant sur trois) réussissent au Certificat d'Etudes, une proportion encore plus faible pour les filles. Le pourcentage moyen de succès au CEP aux années 1992-93 et 1996-97 était de 50% pour les filles et de 58% pour les garçons. Le manque d'efficacité est encore plus sensible pour les filles, qui semblent défavorisées : les échecs aux examens, les abandons en début de cycle, etc. les touchent plus que les garçons.

Le tableau 22, qui montre les résultats de tests de niveau CM1 dans trois pays africains, montre que le Burkina Faso a un niveau très bas.

22) Pourcentage de réussite au test de fin de CM1 dans trois pays africains francophones

 

Burkina Faso

Cameroun

Côte d'Ivoire

Ensemble

Compréhension

47

54

53

51

Connaissance du code

50

61

56

56

Production

17

34

24

25

Données : PASEC 1995-9686(*)

Taux de redoublements87(*)

Les redoublements sont un bon indicateur de qualité car ils permettent de voir le pourcentage d'élèves qui n'ont pas acquis le niveau nécessaire pour passer dans la classe supérieure et qui, par conséquent, gonflent les effectifs des années suivantes, prenant les places d'autres enfants en âge d'être scolarisés et qui ne le sont pas. Les redoublements informent sur l'inadéquation des systèmes scolaires aux conditions dans lesquelles vivent les populations, à leurs possibilités et à leurs besoins, en particulier pour les élèves qui proviennent des familles les plus défavorisées.

23) Redoublements dans le primaire par année d'études et par sexe

 

Taux de redoublement par année d'études

(année scolaire s'achevant en 2004) (%)

Redoublants, toutes années d'études confondues (%)

Année scolaire s'achevant en

1re

2e

3e

4e

5e

6e

1999

2005

Total

6,4

10

12,7

13,8

14,7

31,2

17,7

11,9

 

Garçons

6,7

10,1

13

13,9

14

30,3

17,5

12,1

Filles

6,1

9,8

12,2

13,7

15,7

32,3

18

11,7

Données : Rapport mondial de suivi sur l'EPT, 2008

Pour les six années d'enseignement primaire, 11,9% des élèves étaient redoublant, en ce qui concerne le cycle s'achevant en 2005 (Cf. dernière colonne), une amélioration par rapport à 1999, qui comptait 17,7% de redoublants - presque 2 élèves sur 10.

On remarque d'importantes différences : i) les taux de redoublement vont en augmentant avec le niveau : 6,4% de redoublants en CP1 et 31,2% en CM2 ; ii) ils varient en fonction du sexe de l'élève : plus de redoublements chez les filles en moyenne pour l'année 1999, mais c'est l'inverse pour l'année 2005. On peut considérer que c'est dû soit à une amélioration de l'éducation des filles, soit à celle des garçons qui s'est amoindri. Cette différence par sexe varie aussi en fonction du niveau : les quatre premières années (du CP1 au CE2), les garçons redoublent plus fréquemment et les deux dernières (CM1 et CM2), la tendance s'inverse, ce sont les filles qui redoublent davantage. Une explication plausible est celle du travail des filles, qui à partir de 10-11 ans participent plus intensément aux tâches ménagères et ont moins de temps à consacrer à l'école.

En raison notamment des forts taux de redoublement, les élèves passent plus de temps à l'école : 12,2 années-élèves sont nécessaires pour la production d'un certifié (Certificat d'études primaires, CEP), soit plus de deux fois le coût idéal (six années-élèves). C'est pourquoi une décision a été prise par le gouvernement : aucun élève ne doit plus redoubler les classes de niveau 1. Les élèves de CP1, CE1 et CM1 passent systématiquement en classe supérieure.

Taux d'abandons88(*) et taux de survie89(*)

Il est intéressant d'analyser deux autres taux qui nous renseignent sur la qualité de l'enseignement : le taux d'abandon et de survie.

24) Taux d'abandon et taux de survie dans l'enseignement primaire

 

Taux d'abandons par année d'études

(année scolaire s'achevant en 2004)

(%)

Taux de survie en dernière année (%)

Année scolaire s'achevant en

1re

2e

3e

4e

5e

1999

2004

Total

9,6

3,4

6,2

5,1

7,4

61

69

 
 
 
 
 
 
 
 

Garçons

8,5

3,5

6,7

5,8

8,1

59

68

Filles

10,8

3,2

5,6

4,1

6,6

63

70

Données : Rapport mondial de suivi sur l'EPT, 2008

Contrairement aux redoublements, qui sont concentrés les dernières années de primaire, les élèves abandonnent plus en début de cycle (9,6% des élèves abandonnent en CP1 contre 7,4 en CM1) mais les chiffres montrent d'intéressantes différentes entre les années : i) d'une part, les filles abandonnent plus en première année de primaire que les garçons, et cette tendance se renverse : de la 2e à la 5e année, les garçons ont un taux d'abandons plus élevé ; ii) d'autre part, 1 fille sur 10 abandonne l'école en CP1, puis le nombre d'abandons diminue, remonte en milieu de cycle (5,6% d'abandons en CE1) et retombe à nouveau, pour remonter encore en CM1 (6,6%). Si l'évolution des abandons tout au long du cycle primaire est comparable pour les garçons, les écarts entre années sont beaucoup moins marqués que chez les filles.

On peut se demander la raison de tant d'abandons. Tout d'abord, les programmes scolaires ne sont pas adaptés à l'élève moyen, ils sont faits pour l'élite et la plupart ne peuvent pas suivre, ce qui se traduit en abandons et redoublements. D'autre part, l'utilisation du français à l'école n'aide pas les enfants de familles défavorisées vivant en zone rurale qui ne parlent quasiment pas français. Ensuite, comment expliquer les différences entre les filles et les garçons ? Ces données laissent à penser que les parents qui ont décidé de scolariser leur fille seront plus susceptibles de la déscolariser en cas d'échec (le taux d'échec est légèrement plus important pour les filles) que si c'est un garçon. Cela expliquerait le fort taux d'abandon en début de cycle. Concernant le taux d'abandons des garçons en CM1, qui est presque aussi élevé qu'au CP1 (respectivement 8,1 et 8,5), on peut supposer que la désillusion de l'éducation joue plus sur la participation des garçons que des filles, car les filles voient en l'instruction une possibilité d'avantage anticipé supérieure que les garçons.

En regardant ces chiffres seulement, on pourrait dire qu'il faut se concentrer sur l'éducation des filles, à qui il faut donner confiance, pour limiter les abandons. Les abandons engendrent une espérance de vie scolaire90(*) très basse : les élèves/étudiants passent 4 ans91(*) dans le système scolaire au Burkina Faso (en 2001-2002), par rapport à 17 ans dans les pays de l'OCDE (et 21 ans en Australie par exemple), alors que l'école est obligatoire de 6 à 16 ans, soit pendant 10 ans et que l'UNESCO considère que le minimum de scolarisation doit être 5 ans pour être efficace. En 1992, l'espérance de vie scolaire au Burkina Faso était 2,1 ans pour les filles et 3,4 ans pour les garçons92(*), ce qui montre encore une fois la situation défavorisée des filles face à l'enseignement.

Le taux de survie montre, par contre, que les filles finissent plus leur cycle primaire que les garçons, sur les deux années étudiées, comme le confirme l'indice de parité de l'UNESCO (tableau 27). De nombreuses études ont montré qu'embaucher des enseignantes peut inciter les filles à venir à l'école.

Ainsi, après l'observation des redoublements et des abandons, on peut conclure que la déperdition scolaire93(*) est très forte au Burkina Faso, ce qui laisse à penser que le système, (les programmes) sont inadaptés. De plus, les abandons et les redoublements augmentent les coûts sociaux de l'éducation sans accroitre les avantages. Ils doivent être étudiés de près afin d'en tirer les facteurs et de les combattre pour une meilleure efficacité du système éducatif.

I.3.2) Dépenses publiques

L'évolution des taux de scolarisation prouve un effort de la part du gouvernement burkinabé qui engage une part de plus en plus importante à son PIB vers l'éducation. Sur la période 1991-2005, on enregistre en moyenne une dépenses d'éducation de 3,6% du PIB94(*), les dépenses en éducation sont passées de 2,59% en 1991 à 4,68% en 2005 - dont près des ¾ sont destinés à l'enseignement primaire (3,2% du PNB). La part du budget de l'Etat consacrée à l'éducation de base est passée de 4,9% en 1987 à 12,4% en 1997. Sur la base de ces informations, les dépenses publiques pour l'éducation devraient être de 5,4% du PIB en 2010, ce qui n'est pas négligeable.

moins de 10%

10-14

15-19%

20% ou plus

pas de données

25) Dépenses publiques par élève du primaire en pourcentage du PIB/tête (2000-2005)

 

Source : Banque Mondiale, Online Atlas of the Millennium Development Goals95(*)

La carte ci-contre montre que les dépenses publiques en matière d'éducation sont très élevées au Burkina Faso (le tableau 26 prouve que le pays dépense plus pour son éducation que la moyenne mondiale), avec des dépenses en pourcentage du PIB par habitant équivalent à celui des Etats-Unis, où des pays scandinaves, qui, eux, on de bien meilleurs scores de scolarisation et de réussite. L'allocation des ressources ne semble pas être efficiente.

Les salaires des enseignants constituent la composante majeure des dépenses nationales, dans les pays en développement, et notamment au Burkina Faso. « Le niveau de salaire des enseignants est, et de loin, le facteur négatif le plus prégnant » (Mingat - 2000). Un enseignant est, de loin, mieux payé que le salaire moyen : en 1990, le salaire moyen d'un maitre dans le primaire représentait 8,4 fois le PIB par tête au Burkina Faso, soit 4 fois plus qu'en Asie ou en Amérique (tableau 26). Il a même diminué car il était équivalent à 18,8 fois le PIB en 1970.

26) Salaires des maîtres dans le primaire (PIB/tête)

 

1970

1980

1990

Afrique francophone

11,5

8

6,3

Sahel

17,6

11,8

8,2

Burkina Faso

18,8

12,6

8,4

Afrique anglophone

4,4

3,5

3,6

 
 
 
 

Amérique

2,7

2,9

2,4

Asie

3,7

2,7

2,4

Données : Mingat (2000)

Le salaire relatif des enseignants dans un pays diminue avec son développement. Cela s'explique par la rareté de la main d'oeuvre qualifiée, mais aussi en raison de facteurs liés à la politique économique. En conséquence, les effectifs sont maintenus élevés : une classe compte en moyenne 47 élèves au Burkina Faso.

I.3.3) Synthèse selon les critères de l'UNESCO

Selon l'UNESCO, un système éducatif de qualité doit correspondre à deux critères : l'efficacité, l'équité. Les indicateurs de base permettant de mesurer la qualité de l'éducation sont : taux de survie en 5e année d'études, rapport élèves/enseignants, pourcentage d'enseignantes, pourcentage d'enseignants formés, dépenses publiques ordinaires du primaire (en % du PIB), dépenses publiques ordinaires par élève du primaire.

27) Evolution des indicateurs permettant de mesurer la qualité de l'éducation

 

 

1) Taux de survie en 5e année d'études

2) Rapport élèves/ enseignants

3) Pourcentage d'enseignantes

4) Pourcentage d'enseignants formés

5) Dépenses publiques ordinaires du primaire (en % du PNB)

6) Dépenses publiques ordinaires par élève en PPA $ constants 04

 

Année scolaire s'achevant en

Total (%)

IPS (F/M)

Monde

1991

 
 

26(b)

56(b)

-

-

-

1999

 
 

25(b)

58(b)

-

-

-

2005

-

-

25(b)

62(b)

-

1,5(a)

985(a)

 

PVD

1991

-

-

29(b)

49(b)

-

-

-

1999

-

-

27(b)

52(b)

-

-

-

2004

81(a)

-

-

-

90(c)

-

-

2005

-

-

28(b)

57(b)

-

1,8(a)

-

 

Afrique Sub-saharienne

1991

63(a)

0,93(a)

37(b)

40(b)

-

-

 

1999

-

-

41(b)

44(b)

-

-

-

2004

73(a)

-

-

-

69(c)

-

-

2005

-

-

45(b)

45(b)

78(a)

2,1(a)

165(a)

 

Burkina Faso

1991

70

0,96

57

27

-

-

-

1999

68

1,05

49

25

-

-

-

2004

76

1,01

-

-

-

-

-

2005

-

-

47

29

88

3,2

396

Données : Rapport mondial de suivi sur l'EPT (2008) et UNESCO (2003) (c)

(a) Médiane ; (b) Moyenne pondérée

Ce tableau récapitulatif des paramètres pris en compte par l'UNESCO pour mesurer la qualité de l'éducation nous permet de faire plusieurs remarques :

1) Concernant le taux de survie96(*) en 5e année d'étude, i) l'Afrique subsaharienne, avec 73% en 2004, parait en retard par rapport aux autres pays en développement (81%) mais le Burkina Faso, avec 76%, se situe un peu au dessus de la moyenne régionale. D'autre part, ii) il augmente sur la période étudiée, mais à un rythme moins soutenue que la moyenne des pays de la zone. Enfin, iii) l'indice de parité est meilleure au Burkina Faso que dans le reste des pays d'Afrique subsaharienne, il est même supérieur à 197(*), ce qui montre un engouement général pour la scolarisation des filles.

2) Le rapport élèves / enseignants indique i) une baisse dans la plupart des zones ou groupes de pays étudiés, sauf en Afrique subsaharienne, où, au contraire, les effectifs augmentent de 8 élèves en 14 ans, pour atteindre des classes moyenne de 45 en 2005. Cependant, ii) le Burkina Faso fait preuve du contraire avec une diminution de 10 élèves sur la période, ce qui est une baisse beaucoup plus significative qu'ailleurs.

3) Dans le monde et dans les PVD, en moyenne, plus de la moitié des enseignants sont des femmes (62% en 2005), ce n'est pas le cas de l'Afrique subsaharienne et encore moins du Burkina Faso où il y a seulement 29% d'enseignantes. Cette proportion a même diminué en 1999.

4) Le Burkina Faso est plutôt bien doté en enseignants formés, en comparaison avec la région de l'Afrique subsaharienne, (respectivement 88% et 78%). Cependant, le manque de données des autres groupes de pays ne nous permet pas d'apprécier ce chiffre et, de plus, la notion de formation est considérée selon la définition nationale, ce qui peut nous laisser à penser que cela n'est, de toute façon, pas comparable.

5) Le Burkina Faso dépense une plus grande part de son PNB à l'éducation primaire (3,2% du PNB) que les autres groupes de pays ou régions étudiées : deux fois plus que la moyenne internationale (1,5%)98(*). Nous verrons que beaucoup d'argent au Burkina Faso est dépensé mais que les ressources sont mal utilisées.

6) Enfin, les dépenses par élèves, qui s'élèvent à 165$ en Afrique subsaharienne, sont 2,5 fois plus importantes au Burkina Faso. Il n'est cependant pas surprenant de voir la grande différence entre la moyenne mondiale et le Burkina Faso ou l'Afrique subsaharienne.

Ainsi, sur le plan de l'efficacité, l'enseignement au Burkina Faso est peu performant avec des taux de redoublement et d'abandon très élevés, un taux de réussite bas et des dépenses publiques très importantes. Du point de vue de l'équité, les données montrent d'importantes disparités dans l'accès à l'éducation, autant au niveau géographique, qu'entre filles et garçons. Le système est donc de très mauvaise qualité et la gestion des ressources humaines et physiques est l'un des points faibles du système. « De nombreuses études diagnostiques ont permis de montrer [que] les problèmes importants rencontrés par le système éducatif burkinabé (...) sont essentiellement : l'absence d'une vision globale c'est-à-dire une politique cohérente [nous l'avons vu précédemment], le faible développement (donc la faible couverture) du système éducatif, ses mauvais rendements internes et externes, sa mauvaise qualité, son manque de pertinence et ses coûts encore très élevés »99(*).

Le problème majeur semble être celui de l'allocation des ressources et de l'amélioration la qualité de l'éducation. Comme l'évoque Thierry Tréfault, le « gaspillage se situe à tous les niveaux : les méthodes, les moyens et les énergies. »100(*) Quelles sont les solutions pour fournir un enseignement efficace, de qualité, qui rende les individus productifs, épanouis, et stimule le développement économique du pays ? Nous verrons quelles solutions existent en termes d'amélioration des « variables scolaires », en termes d'incitations et la question sensible du financement sera aussi traitée. Nous verrons enfin dans quelle mesure l'école bilingue permet d'atteindre les objectifs de qualité.

II) Quelles solutions ?

De grands progrès ont été réalisés en termes d'accès à l'éducation de base au Burkina Faso. Ce pays a connu une augmentation de 37 % du nombre de classes et de 47 % de l'effectif des enseignants entre 2001 et 2005 (et 59% entre 1999 et 2005), dans le primaire, les taux net de scolarisation ont augmenté de 10% entre 1999 et 2005 (passant de 35 à 45%), le ratio filles/garçons s'améliore, etc. Cependant, malgré ces progrès, l'offre éducative - formelle - ne peut pas suivre la demande. Il en résulte une tendance générale à la détérioration des conditions d'enseignement : classes surpeuplées, absence de matériels éducatifs de base, absentéisme et insuffisance de la formation des enseignants. Les indicateurs de qualité de l'enseignement primaire montrent un système éducatif défaillant. D'autre part, la faible capacité financière des ministères de l'enseignement burkinabé demeure un problème persistant. Il a du mal à suivre le développement rapide du système et de la demande.

Nous avons vu que le système éducatif burkinabé a amélioré l'aspect quantitatif, mais il semble, comme nous allons le voir qu'il reste un problème de faible qualité. Mais comment mesurer la qualité ? Et comment l'améliorer ?

Nous verrons dans un premier temps la possibilité de jouer sur les « variables scolaires » pour améliorer la qualité de l'éducation - qui peut aussi jouer sur la demande. Ensuite, nous verrons la solution des incitations auprès des enseignants pour donner des cours de qualité et auprès des familles pour les encourager à scolariser leurs enfants et améliorer leur fréquentation. Nous verrons aussi quelles solutions peuvent être apportées au problème de financement de l'éducation. Enfin, nous analyserons dans quelle mesure le concept de l'école bilingue permet d'atteindre les objectifs de quantité et de qualité.

II.1) Améliorer la qualité de l'éducation 

Selon Glewwe et Kremer, la fonction de production de l'apprentissage est comme suit :

A = a (S, Q, C, H, I)

avec A, les compétences acquises (réussite) ; a, la fonction de production ; S, la scolarisation ; Q les caractéristiques de l'enseignant et de l'école ; C, celles de l'élève ; H, celles de la famille ; et I, les variables scolaires sous le contrôle des parents (fréquentation scolaire de l'enfant, matériel scolaire). Etant donné que seuls Q, C et H sont exogènes, c'est celles sur lesquelles il faut agir pour améliorer la qualité de l'offre d'enseignement. Cependant, les politiques éducatives ne peuvent peut modifier C, les capacités et aptitudes de l'élèves ni H, l'éducation ou le revenu des parents, mais peut agir sur les caractéristiques de l'école et des enseignants.

L'institution Ecole est composée d'infrastructures, de matériel (école, cantines, manuels, programmes) et de professeurs (formation, motivation, salaire, condition de travail etc.), les "inputs", que l'on appellera les "variables scolaires". De nombreuses études, notamment le Coleman Report (1966), ont montré qu'elles ont peu d'impact sur la qualité de l'éducation dans les pays développés où les facteurs familiaux et socio-économiques sont des déterminants plus importants (Averch). Jencks (1974) a même conclut que « les performances d'une école dépendent essentiellement (...) des caractéristiques des enfants qui y entrent. Tout le reste, que ce soit le budget de l'école, sa politique éducative, les caractéristiques des enseignants, n'est que secondaire ou n'a rien à voir avec les résultats. » Dans les pays en développement, au contraire, ces variables scolaires sont un moyen efficace d'améliorer l'efficacité interne et donc la qualité, et sont des incitations efficaces pour la scolarisation des filles surtout.

Hanushek (2006, page 875), considère que les variables scolaires influencent la performance des élèves/étudiants (pour les résultats de tests en mathématiques et lecture) dans les PVD, mais que la qualité des enseignements est le point central à développer dans ces pays. La taille de la classe, ainsi que des ressources supplémentaires sont importantes, surtout pour les premières années de scolarisation. Cependant, l'utilisation des ressources existantes doit être revue pour une meilleure allocation. En effet, les dépenses en éducation représentent une part très importante dans certains pays (3,2% du PNB au Burkina Faso) et donc améliorer l'efficacité de l'utilisation des ressources pourrait avoir un impact non négligeable sur l'économie. Hanushek préconise de faire du cas par cas car « des idées qui semblent prometteuses ne peuvent pas toujours être transférées dans d'autres contextes avec le même succès. »101(*)

II.1.1) Les variables relatives à l'enseignant

Pour faire face à l'expansion rapide de la scolarisation, le gouvernement du Burkina Faso doit embaucher des enseignants et raccourcir leurs formations. La question de la formation est centrale puisque le niveau de qualification d'un maître a un impact sur les résultats des élèves (Psacharopoulos - 1988). Au Burkina Faso, presque un enseignant sur deux (43%) n'est pas titulaire d'un diplôme professionnel. En 1995-1996, plus de 70 % des 14 784 enseignants du primaire étaient des instituteurs adjoints dont 35% seulement étaient titulaires d'une certification. Les maîtres n'ayant reçu aucune formation initiale représentent 40,7 % du corps enseignant, en raison du recrutement massif d'enseignants affectés dans les classes sans formation (près de 5 800 entre 1992 et 1995).

Cependant, d'après les institutions de développement, un haut niveau de qualification n'est pas nécessaire et il est plus efficace de "recycler" des enseignants en poste que d'en former d'autres. La Banque Mondiale et le Fond Monétaire International considèrent que la formation continue est aussi une stratégie à développer, ce qui permettrait d'embaucher des enseignants moins formés et donc de les payer un peu moins en début de carrière (nous verrons que la question du salaire des maîtres est cruciale dans l'allocation des ressources, puisqu'ils constituent la majorité des dépenses en éducation).

Cependant, cette question fait débat :

« Une telle analyse (...) a conduit les gouvernements africains à bazarder la formation des maîtres, à paupériser les enseignants ... à privilégier la quantité au détriment de la qualité, tout en oubliant qu'un enseignement de qualité médiocre aura à moyenne échéance, des répercussions visibles sur la quantité : la demande d'éducation s'amenuisant au fur et à mesure que la qualité baisserait. Une des causes non négligeables de la sous scolarisation dans certaines régions du Burkina Faso et auprès de certaines catégories socioculturelles des populations, s'explique par le manque de confiance des parents en l'institution scolaire quand bien même l'offre éducative est disponible. (...) Pour le développement de l'éducation, n'est ce pas plus urgent d'avoir des enseignants engagés, bien dans leur peau parce que formés en conséquence et motivés dans un contexte national de justice sociale ... que des classes suréquipées de matériel pédagogique, des curricula adaptés et fonctionnels, des réformes et innovations plus ou moins cohérentes. Le tout dans des déclarations d'intention d'autant plus faciles à faire que les conditions objectives pour y arriver ne seront pas appréhendées ? »102(*)

Toujours est-il que le gouvernement a ramené la formation dans les ENEP (écoles nationales des enseignants du primaire) à un an au lieu de deux, avec comme proposition de mettre en place un dispositif de formation continue qui va permettre de compenser la 2e année.

L'expérience des maîtres est plus importante au niveau primaire que les compétences et les connaissances (nécessaires aux niveaux supérieurs). Ainsi, les caractéristiques des enseignants (sexe, formation, expérience) - ainsi que leurs conditions de travail, comme nous le verrons avec les variables liées à l'école - ont une influence sur les performances des élèves, mais un bon professeur est avant tout un professeur motivé et passionné, ce qui est difficile à mesurer ou à développer (nous verrons cette question dans la partie sur les incitations). Mais l'efficacité des maîtres est aussi fortement liée à d'autres éléments qui dépendent plus de l'école, comme la taille des classes, les manuels, les cantines scolaires.

II.1.2) Les variables liées à l'école

La demande d'éducation a connu une telle croissance que les classes ont parfois des effectifs pléthoriques (qui vont parfois jusqu'à une centaine d'élèves par classe). Or, de nombreuses études laissent à penser que la taille des classes affecte négativement la qualité de l'enseignement, surtout les premières années de scolarisation. Une étude en Afrique du Sud a montré que passer de 40 élèves à 20 élèves par classe améliore les résultats de tests de lecture de la même façon qu'avec deux années supplémentaire d'enseignement (Case et Deaton - 1999). Ainsi, pour remédier aux taux d'encadrement disproportionné au Burkina Faso, de nombreux enseignants ont été embauchés : dans le primaire, ils étaient 17 000 en 1999 et sont passé à 27 000 en 2005, soit 10 000 postes pourvus : une augmentation de 59% en 6 ans. La taille des classes s'est ainsi réduite : le ratio élèves/ enseignants a diminué de 10 élèves en 14 ans (57 en 1991 et 47 en 2005). Le pourcentage de femmes parmi les enseignants a aussi augmenté, passant de 25 à 29% sur la même période, ce qui joue, comme nous l'avons vu sur la scolarisation des filles au primaire.

Alors que la question de l'impact de la qualification des maîtres semble ambiguë, celui des manuels aboutit à des résultats plus clairs. Au Burkina Faso, les manuels sont chers, rares et souvent inadaptés, avec des programmes axés sur l'acquisition des connaissances plutôt que des compétences, qui sont trop difficiles pour l'élève moyen ; seuls les élites issus des classes favorisées, qui ont un stock de capital humain supérieur et dont la famille parle français à la maison peuvent suivre. Une étude menée dans le Philippines par la Banque Mondiale a montré que le nombre de manuels avait un impact significatif sur les performances des élèves, surtout ceux de milieux modestes. Il n'est pas nécessaire de fournir un exemplaire pour chaque élève, un pour deux est amplement suffisant, comme le fait le Burkina Faso. La fourniture de manuel gratuite est donc un moyen très efficace d'améliorer les performances scolaires et d'accroître la qualité des écoles, d'autant que les pays d'Afrique n'allouent en moyenne que 4% de leurs dépenses au matériel didactique, contre 14% dans les pays développés. Mais elle doit s'accompagner d'une formation des enseignants et d'une révision des programmes pour les adapter à l'élève moyen et non pas à l'élite. Depuis la rentrée scolaire 2007, une petite révolution a lieu : le gouvernement fournit les manuels à "tous" les élèves, selon le nombre disponible. Après 3,3 millions de livres distribués l'année dernière, Odile Bonkoungou, ministre de l'enseignement de base a prévu d'ajouter 2,5 millions de manuels à la rentrée 2008.

Les cantines scolaires, non seulement permettent d'augmenter les taux de scolarisation et de participation, mais aussi, améliorent les résultats scolaires car cela peut avoir de bonnes répercutions sur le niveau de santé. Depuis 2000, de plus en plus de cantines sont créées dans les régions rurales et une convention a été signée en 2006 sur la santé et l'alimentation à l'école, ce qui va encore multiplier ce service très utile et efficace.

Malgré des études dans différentes régions du monde sur des caractéristiques diverses, « il n'existe pas de résultats généraux sur quelle variable scolaire relative à l'enseignant ou à l'école améliore l'apprentissage dans le pays en développement »103(*) et par conséquent, « il n'existe pas un facteur unique et « magique » qui permettrait à lui seul d'assurer la qualité de l'école ; celle-ci résulte plutôt d'une combinaison de nombreux facteurs »104(*). De plus en plus d'études montrent qu'il faut s'intéresser aux variables indépendantes de l'enseignant pour améliorer la qualité de l'éducation (en développant l'enseignement par radio ou par la télévision)105(*).

Cependant, il y a une caractéristique particulière du système éducatif burkinabé qui nous semble intéressant à étudier : la langue d'enseignement. L'enseignement formel burkinabé est très centralisé - aussi bien sur le plan budgétaire que sur le plan administratif et pédagogique - et se fait en français sur tout le territoire. Comme nous l'avons vu, le français est tout d'abord enseigné comme matière d'enseignement, pendant les six années de primaire, et puis, il est utilisé comme langue d'enseignement pour les autres matières.

Le pays compte déjà de très nombreuses langues nationales - entre soixante et soixante-dix - mais seul le français est une langue "officielle". Pourquoi avoir choisi une langue étrangère pour langue d'enseignement, plutôt qu'une des multiples langues locales ? Le temps passé à l'apprentissage de cette langue (56% du volume horaire total en primaire) est du temps sacrifié sur d'autres matières. De plus, cela représente une part considérable du budget de l'éducation pour le primaire. Enfin, « les langues africaines sont essentielles pour la décolonisation des esprits et pour la Renaissance africaine. 106(*)» Tous ces efforts pour des résultats médiocres. En effet, seulement 5,13% des familles burkinabé parlent français à la maison107(*) et 2% de la population sont des francophones confirmés. 84,5% de la population ne savent ni lire ni écrire dans une langue quelconque108(*).

La langue majoritaire (le mooré) pourrait servir de langue d'enseignement, ce qui aurait le triple avantage de i) faciliter l'apprentissage des matières comme le calcul, les sciences, etc. (amélioration des résultats), de ii) raccourcir le temps d'enseignement au primaire (amélioration de l'efficacité) et de iii) revaloriser la culture nationale (facteur de développement et d'intégration)109(*). La langue française, facteur d'ouverture sur le monde, qui reste très utile au Burkina Faso dans la diplomatie, les affaires, etc., pourrait aussi être enseignée comme langue seconde et être de meilleure qualité qu'elle ne l'est aujourd'hui, en tant que langue première. Mais les langues nationales n'ont aucun statut dans la loi burkinabé. La Constitution de 1991 stipule que les modalités de promotion et d'officialisation des langues nationales doivent être fixées mais rien n'a été fait jusqu'à présent. Nous verrons par la suite qu'en ce sens, l'expérience de l'école bilingue est aussi une voie très prometteuse.

II.2) Le principe des incitations

Pour certains, le système éducatif a besoin de plus d'argent. D'autre rétorquent que les moyens financiers actuels sont suffisants mais mal gérés, mal alloués, il faudrait plutôt des réformes de fond. Le système des incitations est une autre façon d'agir sur la qualité de l'enseignement (incitations auprès des maîtres) et la participation et la demande d'éducation (auprès des élèves et leurs familles).

II.2.1) Incitations auprès des maîtres

Au Burkina Faso, les enseignants sont souvent responsables de la faible qualité de l'enseignement. Outre le fait qu'ils sont peu formés, de nombreux d'entre eux sont souvent absents - dans 19% des visites surprises, l'enseignant n'enseignait pas - ou se contentent de recopier les pages d'un manuel sur le tableau. On cherche donc un moyen d'inciter les enseignants à donner des cours de meilleure qualité.

De nombreux chercheurs considèrent qu'augmenter les salaires des maitres peut améliorer la qualité de l'enseignement, par un système d'incitation et de valorisation. Cependant, au Burkina Faso, un enseignant est, de loin, mieux payé que le salaire moyen (8,4 fois le PIB par tête) et c'est la composante majeure des dépenses nationales en matière d'éducation, comme nous l'avons vu.

Ainsi, en Afrique et au Burkina Faso notamment, il faut trouver d'autres incitations pour les enseignants que l'augmentation des salaires. Il se trouve que le salaire est basé sur le niveau d'étude et l'expérience, et non sur les performances. Certains pensent que les enseignants fourniraient plus d'efforts s'ils étaient payés selon les performances de leurs élèves (P Glewwe - 2006 et Hanushek - 2005). Les écoles pourraient aussi recevoir des primes sur les mêmes critères. Ceux qui prônent l'augmentation de salaire pensent que le salaire en fonction des performances pousserait les maîtres à enseigner dans l'optique des examens seulement, qu'ils ne feraient pas preuve de pédagogie et qu'ils feraient apprendre par coeur les leçons aux élèves. D'autre part, il y aurait une sélection à l'entrée des écoles sur le niveau préalable des élèves de sorte à inscrire les meilleurs.

Une autre solution est d'augmenter les contrôles et de sanctionner l'absentéisme des professeurs. Cela implique le recrutement d'inspecteurs qui sont actuellement très peu nombreux au Burkina Faso (un pour 150 enseignants).

II.2.2) Incitations auprès des élèves et de leurs familles

La situation de l'éducation au Burkina Faso est comme nous l'avons vu, caractérisée par une faible scolarisation et une sous-représentation des filles. Parmi les enfants scolarisés, de nombreux sont souvent absents, et le taux de participation (temps passé à l'école, par rapport au nombre de jours que l'école est ouverte) est très bas. La sous-scolarisation s'explique en grande partie par les barrières financières (niveau de revenu des familles, coût direct et indirect de l'enseignement). Outre les bourses d'études ou prêts (dont nous avons discuté précédemment), les coûts de l'éducation peuvent être réduits grâce à des incitations.

La question de la suppression des frais d'inscription a été largement débattue et oppose deux camps : les premiers pensent qu'ils sont indispensables pour la gestion des établissements et qu'ils ne représentent pas une importante barrière financière pour les familles et les autres considèrent, au contraire qu'ils sont responsables de la non-scolarisation de nombreux enfants. Le programme PROGRESA mené au Mexico en 1998 visant à augmenter la scolarisation et les performances des élèves en payant les mères si leurs enfants fréquentaient l'école, s'est traduit par une augmentation de 3,4% de scolarisation (Schultz - 2004). Selon la loi d'orientation de 2007, l'enseignement de base public est gratuit, mais le texte reconnaît aussi l'existence des cotisations des parents d'élèves, pour faire face à « certaines dépenses de l'école ». Or, avec le désengagement récent de l'état, les écoles ont dû faire face à des problèmes de budget et les moins scrupuleuses imposent des cotisations de montant parfois équivalent aux droits de scolarité.

La fourniture de matériels ou de services gratuits (manuels, uniformes, cantines, campagne de santé, transports) peut aussi inciter les familles à inscrire leurs enfants et augmenter la participation. Mais les analyses empiriques ne permettent pas de tirer de conclusions sur quel variable scolaire agit le plus positivement sur la quantité et la qualité de l'éducation, ni quel niveau minimum il faut pour inciter le plus de familles à scolariser leurs enfants. Il semblerait qu'au Burkina Faso, les cantines scolaires aient un double impact positif sur la quantité et la qualité de l'éducation (surtout pour les filles). En effet, i) elle augmente la scolarisation des enfants, et leur participation et ii) améliore les résultats scolaires car les enfants reçoivent une alimentation saine et sont moins fatigués (car font le trajet entre le domicile et l'école une fois par jour seulement), ils sont donc plus performants et concentrés à l'école. Les campagnes de santé ont aussi des impacts intéressants : une étude menée au Kenya par Miguel et Kremer (2004) a montré qu'une campagne de traitement de vers intestinaux bénéficiait aux enfants traités et aux enfants non traités des mêmes écoles, notamment grâce à une réduction de la transmission. Ces programmes de santé à l'école sont d'une part très efficaces pour la participation et les performances des élèves ; mais ils sont, de plus, très rentables financièrement (P. Glewwe - 2006).

D'après les analyses empiriques, les incitations auprès des élèves fonctionnent particulièrement bien auprès des filles car leur demande est plus élastique. Le recrutement de personnel enseignant féminin, l'attribution de bourses, les cantines scolaires, les programmes de santé, etc. ont un impact significatif autant sur les taux de scolarisation des filles (quantité) que sur leur participation et leurs résultats (qualité).

II.3) La question du financement

Comme nous l'avons vu, le gouvernement burkinabé investit une part importante de son budget dans l'éducation. Il est tiraillé entre deux objectifs opposés : offrir un enseignement de masse et de qualité (ce qui coûte cher) tout en réduisant ses coûts pour faire face à la pression budgétaire. Au Burkina Faso, la majorité du budget est absorbé par le salaire des enseignants, mais le coût de l'éducation varie selon le niveau d'enseignement.

II.3.1) Des coûts unitaires élevés dans les PVD

Les coûts unitaires absolus sont plus élevés dans les pays de l'OCDE que dans les PVD mais lorsqu'on calcule les coûts en pourcentage du PNB / habitant, le fardeau est plus lourd dans les pays en développement (surtout dans secondaire et le supérieur). Le coût par habitant de l'enseignement primaire est 50% supérieur en Afrique de l'Ouest, par rapport à la moyenne des pays les plus riches du monde (tableau 29). Cela incombe en partie à un fonctionnement inefficace du système dans son ensemble et à une mauvaise utilisation des ressources, problèmes que nous avons énoncés précédemment.

28) Cout par élève en proportion du PNB/habitant et taux de scolarisation par niveau et région

Région

Primaire

Secondaire

Supérieur

Cout unitaire / PNB par habitant

Taux de scolarisation

Cout unitaire / PNB par habitant

Taux de scolarisation

Cout unitaire / PNB par habitant

Taux de scolarisation

70-72

76-79

70-72

76-79

70-72

76-79

70-72

76-79

70-72

76-79

70-72

76-79

Afrique de l'ouest

24

25

43

43

142

102

6,6

9

1405

838

0,36

0,73

Moyenne PVD

15,3

14

68

75

65,5

41

18,4

25

533

370

2,5

3,3

Moyenne OCDE

16

22

98

100

21

24

80

80

55

49

14,6

21

Source : Zymelman (82a) p.49

Il est intéressant de remarquer, grâce au tableau 28, qu'en comparant le coût d'un l'étudiant de l'université avec celui de l'élève du primaire: le premier coûte 35 fois plus que le second dans les pays en développement pour la période 1970-72, et en Afrique de l'Ouest, le coût est 58 fois plus élevé (par rapport à 3 fois dans les pays de l'OCDE). Le fait qu'il y ait moins d'étudiants à l'université en Afrique de l'Ouest (taux de scolarisation de 0,73% entre 1976 et 1979) - et dans les PVD en général - que dans les pays de l'OCDE (21%) prouve que les économies d'échelle jouent fortement et explique les coûts très élevés par habitant. En termes de coût-efficacité, l'enseignement primaire semble être plus à favoriser que supérieur, qui coûte cher. On peut penser qu'il en est de même pour le primaire, et que si la SPU (scolarisation primaire universelle) était atteinte, les coûts unitaires se tasseraient pour le primaire. Mais d'autres problèmes de gestion des ressources sont aussi à prendre en compte.

D'autre part, si les dépenses en éducation de base coûtent si peu en comparaison avec les niveaux supérieurs, c'est que ce sont surtout les familles qui les assument. « On pourrait imaginer de transférer une partie du budget affecté à l'enseignement secondaire ou supérieur, au bénéfice de l'enseignement fondamental. »110(*)

Mais qui doit supporter les coûts de l'éducation ? L'Etat ? Les familles ? Est-ce qu'un système de financement mixte ne serait pas plus adapté ?

II.3.2) Vers une révision du financement

Les systèmes d'enseignement sont principalement financés par les pouvoirs publics par principe d'équité. Le financement est possible grâce à l'impôt, c'est donc une sorte de redistribution. D'autre part, les rendements sociaux de l'éducation sont importants : c'est un investissement qui profite à la société par l'augmentation de la production et la croissance économique. Cette externalité positive justifie pour certains l'intervention de l'État sinon dans l'économie du moins dans la prise en charge du système éducatif. Cependant, la théorie économique ne recommande un financement intégral qu'en cas de bien collectif pur (non-exclusifs). Or, dans le cas de l'éducation, la demande dépasse souvent l'offre, et donc l'Etat ne devrait pas intervenir.

Récemment, la crise financière dans les pays en développement a provoqué une réflexion générale sur le financement de l'éducation. De plus en plus d'efforts sont ainsi faits pour rechercher des méthodes alternatives de financement, c'est-à-dire la « redistribution du fardeau financier de l'investissement éducatif » et en particulier par la couverture du coût par les usagers, ou par l'aide extérieure (organisations internationales, ONG, etc.).

Contrairement à la croyance répandue que la gratuité de l'enseignement est une des bases de la justice sociale, des études de la Banque Mondiale ont montré que des droits d'inscription sélectifs, une diminution des bourses et autres aides pour étudiants, ainsi que la création d'un marché du crédit spécialisé, ont un effet favorable à la fois sur l'efficacité et sur l'équité. En effet, suivant le système d'impôt, le financement public de l'éducation peut être inéquitable car un transfert s'opère des revenus des familles pauvres aux familles riches - dont les enfants restent plus longtemps dans le système. Le financement de l'éducation est ainsi de plus en plus partagé entre les gouvernements, les ONG et associations nationales ou internationales et même les élèves et leurs familles.

II.3.2.1) Participation des usagers 

Le financement privé de l'éducation (c'est-à-dire la contribution des usagers) peut se faire directement, par des droits de scolarité, ou bien par une contribution indirecte comme la participation au paiement des frais annexes (cantines, fournitures, manuels, etc.) ou encore en proposant des prêts qui permettent d'assurer un remboursement.

Débats sur les frais d'inscription

Au Burkina Faso, la scolarité est gratuite dans la majorité des établissements. Les élèves et leurs familles supportent le coût indirect du manque à gagner, et souvent les fournitures. Seules certaines écoles privées font payer des frais d'inscription. Mais la gratuité du système public entraine une augmentation de la demande de places et un rationnement s'opère (des sélections à l'entrée) qui favorise encore les plus riches. Dans certains pays en développement, le système public est payant, ce qui, selon certains, « peut améliorer à la fois l'efficacité et l'équité. »111(*) En effet, « certains pensent que les frais d'inscription sont cruciaux pour assurer la comptabilité des écoles et ne représentent que de minces barrières pour la scolarisation ; d'autres rétorquent que réduire les droits de scolarité pourrait considérablement augmenter le nombre d'inscrits.112(*) » D'un point de vue de l'efficacité, l'imposition de droits permettrait d'utiliser les ressources supplémentaires pour accroitre le nombre de places, acheter du matériel et/ou des manuels, d'améliorer la qualité de l'enseignement ; et concernant l'équité, les droits d'inscription se justifient par le fait que les enfants de familles défavorisées souffrent plus de la détérioration de la qualité.

Bourses vs prêts

« En Afrique francophone, les bourses absorbent 40% du budget de l'enseignement supérieur. (...) Au Burkina Faso, le coût de l'enseignement primaire pour les familles (droits plus manque à gagner) est de 200 000 F.CFA par an alors que les étudiants reçoivent une subvention nette égale à 372 000 F. CFA.113(*)» Petit à petit l'Etat burkinabé est en train de rajouter des critères de sélection aux bourses (revenus des parents, âge et sexe de l'enfant et ses résultats scolaires) pour les réduire et les éliminer.

Ainsi, certains économistes suggèrent de passer d'un système de bourses à des prêts afin de prévoir un retour de l'argent investit. Au cours des vingt dernières années, ce système a été développé dans de nombreux pays par l'intermédiaire d'organismes publics, ou bien de banques privées, avec des taux d'intérêt subventionnés. C'est un système très équitable dans le sens où il s'agit d'un transfert de revenu du contribuable moyen vers ceux qui auront, dans le futur des revenus élevés. C'est donc une solution équitable et efficace. Cependant, les tests empiriques ont montré que cette pratique doit être accompagnée d'une augmentation des droits de scolarité pour avoir un impact plus grand et pour réellement déplacer le fardeau financier. Mais « la question cruciale des bourses scolaires est à traiter au même titre que les questions des privilèges sociaux acquis. Leur suppression, leur diminution ou leur réduction ne peut qu'entrainer des conflits sociaux sont on ne peut pas présumer de la gravité. »114(*)

II.3.2.2) Financement par les entreprises ou les collectivités

Pour l'employeur, la distinction entre éducation générale et formation spécifique de l'individu est très importante car cette dernière augmente la productivité de l'individu seulement dans son travail. L'employeur récupère donc le fruit de l'investissement de la formation. Il parait donc normal qu'il contribue au financement de l'investissement éducatif ou qu'il se charge lui-même en partie de la formation. Un système de prélèvement pour les formations et de taxes sur les salaires peut donc être envisagé auprès des entrepreneurs, et aussi des diplômés.

En cas d'échec des systèmes scolaires centralisés, certains experts préconisent la participation des communautés et la décentralisation. En effet, la gestion des établissements pourrait être faite par les communes, qui connaissent mieux les besoins des enfants et du contexte local, ce qui serait certainement une économie de temps et d'argent pour les ministères. Le financement de l'éducation peut aussi être partagé avec les collectivités qui peuvent fournir un appui financier ou des prestations en nature : par des ventes ou la participation des habitants à la construction d'une école par exemple.

Ainsi, les modes de financement pratiqués demandent à être réétudiés et la répartition financement public/financement privé modifiée. Le fardeau financier de l'éducation peut être déplacé vers les étudiants et leurs familles (frais de scolarité, participation financière aux services comme la cantine, système de prêts), vers les employeurs (taxes sur les salaires, impôts, plus de formation par l'employeur) ou vers les collectivités (participation à la création d'école) de sorte que la pression budgétaire qui pèse sur les gouvernements des pays en développement s'allège et que l'école soit enfin de qualité. Il faut aussi penser à améliorer l'efficacité de l'éducation pour réduire les coûts et à développer l'enseignement privé.

II.4) L'école bilingue comme remède

Etant donnés les faibles performances de l'école burkinabé, de ses manquements en termes d'efficacité et d'équité et de la pénurie de places dans le privé, « il importe donc d'ouvrir des solutions alternatives et de ne pas figer l'institution dans un immobilisme néfaste sous le fallacieux prétexte d'égalité des chances »115(*). En effet, « on se rend tragiquement compte que l'Etat ne peut pas faire face à une politique de scolarisation universelle rapide par l'intermédiaire de l'école publique (...). Il faut donc imaginer un autre moyen, adopter une autre stratégie. On ne peut en trouver que dans l'organisation d'un système structuré de solidarité déconcentrée au niveau du village ou du quartier... »

D'autre part, les faibles performances et l'inadaptation de l'offre éducative à la demande on stimulé une réflexion sur la place du français et « la mise en place d'une véritable éducation bilingue (...) semblerait être la seule voie de libération des populations et d'ouverture pour qu'elles puissent participer de façon consciente au développement et à une démocratie directe. »116(*) En effet, « tous les enfants africains ont le droit inaliénable d'aller à l'école et d'apprendre dans leurs langues maternelles. Tout effort devrait être fait pour développer des langues africaines à tous les niveaux d'éducation. (...) La démocratie est essentielle pour le développement égal des langues africaines et les langues africaines sont essentielles pour le développement de la démocratie basé sur l'égalité et la justice sociale. »117(*) Une nouvelle forme d'enseignement a donc été crée : l'école bilingue.

Une expérience novatrice

Ainsi, d'après le constat que l'utilisation d'une langue « étrangère » ne facilite pas l'apprentissage, un système d'école bilingue a été imaginé en 1994, par le ministère de l'Enseignement de base et de l'Alphabétisation (MEBAM) en partenariat avec des ONG et associations (notamment l'OSEO : OEuvre Suisse d'Entraide Ouvrière). C'est donc un système mixte, mi-public, mi-privé, qui enseigne en français et en langue nationale.

La particularité de l'enseignement bilingue est l'utilisation de la langue maternelle118(*) en début de cycle et l'introduction graduelle du français. Tandis que l'école burkinabé classique enseigne le français comme langue étrangère et l'utilise aussitôt comme langue d'enseignement, dans l'école bilingue, la langue de l'élève est utilisée, la première année, dans une proportion de 90%, contre 10 % pour le français et la proportion s'inverse en dernière année (Cf. tableau 30). Ainsi, par ce système de bilinguisme « additif », le français est introduit et progressivement, et constitue, en cinquième et dernière année (CM1), la langue presque dominante des activités pédagogiques (90% contre 10 % pour la langue nationale). Le français est enseigné à l'oral dès la première année puis à l'écrit à partir de la deuxième.

D'autre part, le cycle scolaire d'une école bilingue est de cinq ans - au lieu de six pour l'école classique - et concilie « le savoir, le savoir-faire et le savoir-être » de l'enfant. Il existe aussi un cycle de préscolaire : l'Espace d'Eveil et d'Education, qui offre une initiation en langue maternelle, des écoles primaires et des collèges multi-langues, axés sur une professionnalisation.

29) Part du français et de la langue maternelle à l'école bilingue, par année d'étude. (%)

 

1e année

2e année

3e année

4e année

5e année

Pourcentage de langue maternelle

90

80

50

20

10

Pourcentage de français

10

20

50

80

90

Les programmes sont les mêmes - avec des activités pratiques et manuelles en plus - que ceux des écoles classiques mais en un an de moins : un gain de temps et de ressources qui a été rendu possible grâce à l'utilisation de la langue maternelle, qui facilite l'apprentissage et qui se traduit aussi par un meilleur niveau général.

Le projet a commencé en 1994 avec deux classes moore-français et il était initialement réservé aux enfants ayant dépassé l'âge de scolarisation. Ce système est désormais ouvert à tous et compte aujourd'hui 110 écoles.

Des objectifs qualitatifs et des résultats satisfaisants

Les objectifs de l'école bilingue sont qualitatifs et tentent de répondre directement aux dysfonctionnements de l'école classique : 1) en améliorant l'efficacité interne (taux de redoublement, d'abandon et de succès) ; 2) l'efficacité externe en ancrant l'école dans son contexte culturel, socio-économique et pour le développement local ; 3) en diminuant le coût de l'éducation (par la réduction de la durée de scolarité d'un an).

L'école bilingue n'en est qu'à ses débuts mais ce système a déjà fait ses preuves : 94% de taux de succès au certificat d'étude primaire, pour la session 2004, en 5 ans de scolarité, pour une moyenne nationale de 73%, avec 6 ans d'études. En troisième année, les élèves obtiennent le niveau de français des quatrièmes années de l'école classique et leurs résultats dans les autres matières sont également supérieurs. Ainsi, le système de l'école bilingue permet une meilleure acquisition des fondamentaux et du français.

Nous étudierons précisément l'école bilingue dans le troisième chapitre, à travers la vision de la presse burkinabé. Mais tout d'abord, nous allons adopter une approche anthropologique, afin de compléter notre analyse.

Chapitre 3 - Approche anthropologique et étude de l'école bilingue vue à travers la presse burkinabé

I) L'anthropologie de l'éducation et du développement

Cette approche s'appuie sur des recherches d'anthropologues de l'éducation et du développement mais il ne s'agit pas vraiment d'une étude anthropologique proprement dite dans le sens où il n'y a pas eu de véritable enquête de terrain. Elle ne donne pas la parole aux acteurs directement concernés mais pour pallier à ce manque de données « de terrain », nous utiliserons le biais de la presse pour analyser, dans une seconde partie, le cas de l'étude bilingue.

Cette étude globale se veut multidimensionnelle parce qu'il nous a semblé que les deux visions sont complémentaires et aident à la compréhension générale de la problématique. L'analyse économique s'attache au lien éducation-croissance, aux facteurs de production et au rôle central de la théorie du capital humain dans un contexte de mondialisation supposé naturel, tandis que l'anthropologie s'intéresse aux cultures et aux relations et influences qu'elles jouent les unes sur les autres. Ainsi, l'éducation vue par le prisme anthropologique avec une approche culturelle du contexte permet de mettre en valeur les intérêts de l'école bilingue que nous étudierons plus loin.

I.1) Approche anthropologique de l'éducation

Les sciences sociales perçoivent l'éducation sous un angle différent des conceptions économiques, qui elles sont axées sur les analyses coût-avantages, les taux de rendement et la théorie du capital humain. Pour les sociologues, le fait scolaire est considéré comme un fait social au sens du Durkheim et, en tant que tel, il apparaît comme révélateur du fonctionnement des sociétés. L'ethnologie et l'anthropologie mettent d'autant plus l'accent sur le local que sur le général et ne voient pas l'individu seulement comme un consommateur ou un calculateur rationnel, mais influencé par une culture, des valeurs et des normes propres à son environnement. Une réflexion sur la véritable nature de l'éducation est utile. Elle est trop souvent perçue comme seule scolarisation alors que dans les sociétés coutumières, elle peut prendre plusieurs forme : éducation de toute la personne, autour du savoir-dire, du savoir-faire, du savoir-vivre et du savoir-être, éducation permanente tout au long de la vie, intégrée à toutes les circonstances de temps, et de lieu, éducation rituelle, etc.

La nécessité de prendre en compte les réalités locales et culturelles transparait dans les recherches anthropologiques, qui s'intéressent aux lieux d'éducation hors de l'institution scolaire (communauté, famille, écoles coraniques, médersa - Brenner), à la production, la circulation et la transmission des savoirs, et au lien entre savoirs et pouvoirs (Renaud Santerre). Elles offrent donc une vision plus « humaine » de l'éducation et donnent des réponses concrètes aux questions du dysfonctionnement des systèmes éducatifs africains.

I.1.1) La prise en compte du culturel

L'anthropologie, qui vient du grec anthropos, l'homme et logos, l'étude, est définie comme « l'étude des cultures des différentes collectivités humaines (institutions, structures familiales, croyances, technologies). »119(*) La démarche anthropologique place l'individu et la société dont il est membre, au centre de la recherche et se focalise sur le respect et la valorisation des traditions, cultures et valeurs d'une société donnée, tandis que l'économie de l'éducation s'efforce de partir de phénomènes généraux pour faire des interprétations à l'échelle individuelle.

I.1.1.1) Les mécanismes culturels

L'apport de l'anthropologie dans l'étude de l'éducation est donc très intéressant car elle apporte une vision plus « humaine ». Elle étudie le rapport entre l'unité de l'humanité et la diversité, entre le global et le multiple. C'est en ce sens qu'il est intéressant d'étudier l'école bilingue sous l'angle anthropologique.

Les institutions internationales considèrent que nous sommes entrés dans un « nouveau type de société dans lequel la connaissance détiendrait une fonction majeure »120(*). L'instruction serait un bien marchand et l'école aurait une nouvelle fonction de marchandisation basée sur des logiques commerciales.

Mais la connaissance s'élabore aussi et surtout dans une dimension collective, car il est aujourd'hui largement admis que la connaissance ne provient pas uniquement de processus d'apprentissage mais aussi d'échanges inter et intragénérationnels, surtout dans des sociétés africaines où la communauté est omniprésente, la hiérarchie est respectée et les traditions orales perdurent. Selon Sue Wright, l'anthropologie est liée à l'éducation parce que « l'éducation a une place centrale dans les processus de transformation »121(*). D'autres anthropologues étudient « la finalité de l'éducation et sa relation avec les changements des idées dominantes sur la modernité, le libéralisme (...) et la préparation à la citoyenneté. »122(*)

Sans pour autant faire preuve de « populisme idéologique »123(*), qui valoriserait et idéaliserait systématiquement les savoirs populaires, il s'agit, pour les anthropologues de faire acte librement de créativité pédagogique et de valorisation culturelle, pour « promouvoir de l'intérieur une conception plus dynamique de l'éducation, sans pour autant renoncer à tirer profit des techniques venues de l'extérieur »124(*). En effet, malgré les connotations habituelles que véhicule la discipline, elle se doit d'être « aussi attentive aux changements qu'elle ne l'est aux permanences »125(*).

En effet, « la non-prise en compte du paramètre culturel dans les domaines éducatifs par les planificateurs, décideurs, élites locales, entraine des dysfonctionnements dont ces populations [les plus déshéritées] font principalement les frais »126(*). Il faut considérer les valeurs universelles mais aussi le droit des cultures à la différence, qui entraîne un choc des valeurs. Il faut aussi opérer une distinction entre valeurs permanentes et valeurs nouvelles (démocratie, compétence professionnelle, progrès technologique, respect de la nature, l'innovation, etc.)

I.1.1.2) Différents axes d'études

En ce sens, les apports de la discipline sont multiples. L'anthropologie de l'éducation étudie, entre autre l'interculturalité comme construction de nouveau sens social issu du contact entre des cultures différentes. Elle étudie les interactions entre les cultures car « il est incontestable que l'indigène non contaminé n'existe nulle part »127(*), examinant les conditions du « vivre-ensemble », les processus de communication interculturelle, ou encore des stratégies identitaires développées par les individus en situation d'acculturation.

D'autre part, elle étudie la transmission des savoirs hors de la sphère de l'école traditionnelle. En Afrique, c'est par l'éducation donnée par la famille et au sein de la communauté que les modèles culturels se perpétuent. D'autre part, la transmission sociale et culturelle entre les générations s'effectue dans les deux sens, des parents ou enseignants vers les enfants et aussi selon un mouvement ascendant venant des jeunes vers les adultes. La question « est-ce que les valeurs traditionnelles peuvent-elles être mises au service du développement ? » subsiste.

Enfin, le lien entre savoir et pouvoir est analysé et les normes imposées par les institutions sont remises en questions. On s'intéresse ici aux stratégies familiales et à la demande sociale d'éducation, qui se détache de l'institution Ecole telle qu'elle existe au Burkina Faso notamment, calquée sur le système coloniale et qui n'est pas en phase avec les réalités socio-économiques et aux besoins locaux.

Ainsi, selon les anthropologues, il s'agit de promouvoir un développement alternatif, fondé sur une mise en valeur des compétences et des savoirs locaux, pour un développement endogène et impliquant les acteurs directement concernés. Ils préconisent que l'éducation et l'identité culturelle soient intégrées pour un développement endogène, ainsi qu'une rénovation du système éducatif et de ses contenus et une réappropriation de la finalité de l'éducation, correspondant au système de représentation propre à la société en question.

I.1.2) Considérer la pluralité

I.1.2.1) Des systèmes de sens et des savoirs différents

Pour Jean-Pierre Olivier de Sardan, ce sont deux « systèmes de sens » qui s'affrontent : celui des institutions et des agents de développement et celui des populations cibles (ou communautés paysanne). Dans les questions de développement, ces deux systèmes de valeurs (ou « configurations de représentations contrastées ») se confrontent et souvent ne se comprennent pas. La dimension du savoir, le système de transmission, la place du magico-religieux, tout les oppose et, l'auteur considère qu'une meilleure connaissance et compréhension de ces différences de sens peut sensiblement jouer sur la portée d'un projet de développement128(*).

D'un côté, les savoirs populaires, mêlés au symbolique et au magico-religieux, sont spécifiques et adaptés aux contraintes d'un milieu particulier. Ils se transmettent oralement, in situ, et sont en perpétuelle évolution, par l'échange. De l'autre, les savoirs technico-scientifiques, standardisés, plus généraux et déconnectés de toute considération ésotérique, « sont introduits de l'extérieur et ne subiront guère de rétroaction »129(*).

Si l'on admet l'hypothèse que les savoirs apportés par l'agent de développement sont "préférables" pour certains champs, comme l'alphabétisation par exemple (car efficaces, productifs et rentables), « il ne s'agit pas d'amener le savoir là où règne l'ignorance »130(*), car il existe déjà des compétences et des savoir-faire complexes dans les sociétés indigènes. Il est d'ailleurs intéressant de constater à quel point les savoirs populaires sont peu connus des « développeurs », qui, de façon souvent inconsciente, ont tendance à les considérer avec mépris car la vision occidentale valorise ses propres savoirs technico-scientifiques et associe de façon présupposée et stéréotypée savoirs populaires à tradition et à routine. Cependant, ils sont d'une part, multiples et hétérogènes, car « un savoir technique populaire standard partagé par tous est une fiction »131(*) et d'autre part ils sont innovants car s'adaptent au milieu.

I.1.2.2) Le rôle complexe des agents de développement

Les agents de développement sont donc comme « coincés » entre savoirs populaires et technico-scientifiques. Ils sont, consciemment ou non, les porte-parole des savoirs prônés par l'occident mais doivent aussi être médiateurs entre les deux systèmes de savoirs, prôner l'un et le marier avec l'autre. Ils doivent savoir écouter et se transformer en élève (les deux lois de l'enquête ethnologique pour J-P. Olivier de Sardan), puis être un bon communicateur et médiateur pour "négocier". Tout cela suppose avoir conscience de la richesse des savoirs dits « populaires » et que les modes d'organisation occidentaux ne sont pas forcément adaptés ou pertinents dans toutes les situations.

Ainsi, par le biais de la « réflexivité », l'anthropologue-chercheur doit chercher à contrôler les influences de sa personnalité et de ses représentations sociales sur sa façon d'observer, ainsi que sur certains comportements et réflexions. Il doit « se garder de projeter sur les choses les représentations qu'il porte en lui »132(*), c'est-à-dire faire abstraction de sa subjectivité, en développant sa conscience de soi, afin oublier qui il est et d'opérer un travail de compréhension, qui nécessite un esprit libre et ouvert. Le chercheur doit être aussi bien préparé que possible, connaître les coutumes, valeurs, normes et aussi des rudiments de la langue locale pour se faire accepter et pouvoir échanger.

L'affrontement entre les systèmes de sens qu'évoque J-P. Olivier de Sardan se traduit par une imposition d'un système éducatif souvent inadapté au contexte, aux réalités et aux besoins locaux, par l'intermédiaire des gouvernements locaux, souvent incités par des promesses de financement. Il est bon de rappeler que les activités principales au Burkina Faso sont l'agriculture et l'élevage, et l'éducation, qui forme les citoyens de demain, doit être organisée en conséquence, selon les activités dans lesquelles les burkinabés peuvent trouver un emploi. Elle ne peut pas se contenter de former des fonctionnaires qui seront au chômage. Mais face à cette imposition, se maintiennent et se transforment d'anciens modes de transmission des savoirs ou se créent de nouvelles écoles, comme nous le verrons par la suite.

I.2) Remise en question des politiques éducatives et des données existantes

Les sciences humaines, et en particulier l'anthropologie, reposent sur le travail de terrain, sur l'approche directe des individus et des groupes qui produisent les faits sociaux étudiés. Elles se méfient des données institutionnelles desquelles transparaissent des idéologies occidentales et ethnocentriques et dont elles remettent en question la collecte et le traitement. Nous allons voir que les politiques nationales en matière d'éducation sont souvent calquées sur des modèles occidentaux et répondent à des besoins qui ne sont pas ceux des populations.

I.2.1) L'hégémonie des conceptions occidentales et l'acculturation

De nombreux anthropologues dénoncent les effets des conceptions et des pratiques répandues par l'Occident en matière d'aide à l'éducation et consignent surtout l'échec de son modèle individualiste de socialisation, dans la perspective d'un développement axé sur un progrès économique et technique. La diversité de la condition humaine et de la conception de la personne et de son éducation en rapport avec son milieu de vie, selon les cultures, les philosophies, les religions doivent être prises en compte pour une analyse poussées de la demande et de l'offre éducative.

I.2.1.1) Un certain ethnocentrisme institutionnel

En effet, les théories du développement, formulées par les institutions économiques, se fondent sur « la représentation que se sont fait les économistes des pays industriels occidentaux de leur propre système économique et social, de son fonctionnement et des possibilités qu'il offre »133(*). Les institutions internationales et leur cadre idéologique influencent les politiques éducatives des pays du Sud et ce malgré les grands principes de souveraineté nationale qui apparaissent dans les constitutions de tous les pays - y compris celle du Burkina Faso. Elles font peser une lourde pression de plus en plus explicite et intrusive et, avec l'accord spontané ou forcé des pays, posent des normes à suivre, des niveaux de performance à atteindre, autrement dit « un cadre (...) défini comme incontestable »134(*) basé sur un ethnocentrisme certain et une prétendue supériorité de leurs systèmes. En effet, la situation des pays en développement et surtout du Burkina Faso, considéré comme un PMA, est constamment vue comme « en retard » par les institutions, alors que, nous l'avons vu, le système éducatif burkinabé est assez complexe et diversifié et que de nouvelles méthodes sont initiées par les acteurs locaux. Malgré tout, les Etats ont tout intérêt à signer des lois qui entrent dans les limites et les contraintes du cadre imposé, fondé sur des textes de lois et des promesses de financement.

Ainsi, dans les années 1990, il est intéressant de constater qu'une vague de décentralisations de l'éducation a eu lieu dans trois pays d'Afrique de l'Ouest (le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal), « revendiquées et justifiées comme autant d'expressions irréductiblement locales d'aspirations très anciennes que la colonisation et les systèmes administratifs qui lui ont succédé avaient longuement bridées »135(*). Le constat de convergence entre les décisions des responsables remet en question leur liberté et leur autonomie prétendue et montrent que les institutions du développement, avec la « méthode de coordination ouverte » orientent, sans jamais explicitement imposer, les décisions des Etats (Charlier). Les principes de cette méthode sont d'invoquer des principes consensuels, exprimés dans ses grandes lignes (alphabétiser toute la population, mettre l'accent sur la scolarisation des filles), et d'inviter les Etats à suivre les recommandations implicites, en leur laissant le soin de se les approprier et de les adapter au contexte national.

Il est intéressant d'analyser cette méthode de coordination ouverte avec un esprit critique, au moyen de la déconstruction. Il s'agit d'une méthode d'analyse textuelle inventée dans les années 1960 par le philosophe Jacques Derrida pour décortiquer des textes ou discours afin de révéler leurs décalages et confusions de sens, en analysant les postulats sous-entendus et les omissions dévoilées par le texte lui-même. L'auteur considère que la véritable signification d'un texte/discours peut être découverte en décomposant la structure du langage dans lequel il est rédigé. Or, ces influences institutionnelles dont les pays bénéficient ou qu'ils subissent, est justifié par « une forme de bien commun qu'il est bon et juste de chercher et dans lequel les intérêts contradictoires peuvent se confondre et se sublimer »136(*). Les grands discours fixent des normes, des objectifs à atteindre (comme les OMD, dont nous avons brièvement parlé en première partie), sans que soit discutée la valeur des concepts, de la doctrine économique qui les fondent. Les critères et objectifs sont données comme scientifiques, et comme tels, non discutés ; les statisticiens se prévalent ainsi d'une « neutralité, d'une objectivité, d'une scientificité, rassurantes mais également illusoires »137(*).

I.2.1.2) Décolonisation et nouvelles dépendances

De nombreux historiens comme Denise Bouche ont remis en cause le mythe de la mission civilisatrice de l'école coloniale, basée sur la formation d'une élite, des « fils de chefs » et non pas sur l'instruction du plus grand nombre. Depuis les indépendances, les gouvernements des états libres ont pris en main leurs systèmes sociaux et éducatifs. Mais la modernisation, la mondialisation et la « société de la connaissance », déjà en place, exigeaient des qualifications professionnelles, il fallait donc s'adapter à ce nouvel élan dans lequel les pays en développement était lancé, poursuivant ainsi les objectifs que les colonisateurs avaient commencé d'introduire.

L'essor de l'économie de l'éducation et la quasi-hégémonie des institutions ont imposé un véritable « Ordre éducatif mondial qui parait se faire accepter à la fois par le biais des grandes conférences internationales et par l'interventionnisme accru des pays du Nord dans la définition et la mise en oeuvre, comme dans le financement, des programmes éducatifs africains »138(*). Car en effet, dans le contexte actuel, les « partenaires financiers » extérieurs sont indispensables et les pays africains sont dépendants des pays occidentaux et de leurs institutions pour le financement des projets de développement, et notamment concernant leurs systèmes scolaires. De plus, un partenaire ne finance que ce qu'il veut financer, ce dont il va profiter ou ce qui correspond à ses principes, objectifs, aspirations. Il faut donc d'une part suivre les objectifs et les recommandations fixés par les bailleurs de fond et aussi les convaincre de l'intérêt du projet ou de la politique pour qu'ils acceptent de le/la financer. Donc les politiques d'éducation sont non seulement impulsées mais aussi financées de l'extérieur, ce qui créé un rapport de force. Ce rapport de force est souvent considéré par les anthropologues, comme une « acculturation », une notion qui décrit bien les situations de développement rural : « interaction de deux cultures non seulement fortement contrastées mais encore placée dans un rapport de domination. »139(*) On pourrait même parler ici de déculturation.

Cependant, même si, la mondialisation accentue l'imposition d'un ordre scolaire mondial et les processus d'uniformisation des systèmes éducatifs dans la région de l'Afrique de l'Ouest (comme la décentralisation des années 1990), on constate que « la production et la transmission des savoirs demeurent encore très hétérogènes en Afrique. A coté de l'école « officielle » ou « classique », se maintiennent et se transforment d'anciens modes de transmission des savoirs ou se créent de nouvelles écoles qui se dérobent volontiers à l'autorité des Etats. »140(*) Ainsi, parallèlement aux systèmes scolaires, se créent des écoles clandestines, spontanées ou communautaires gérées par des ONG, des associations locales, des communautés ou encore des parents d'élèves, dont nous étudierons plus loin un exemple, celui de l'école bilingue.

L'imposition du système d'orientation occidentale a donc été entretenue depuis l'Indépendance. La situation actuelle d'immobilisme est donc à prendre avec un certain recul et un esprit critique. Nous allons voir que les enquêtes de terrains et les statistiques disponibles en matière d'éducation sont autant à remettre en question.

I.2.2) Problèmes des collectes et de la pertinence des données et des enquêtes de terrains

Les données dont on dispose sont de différentes natures : soit celles collectées, traitées, et publiées par les institutions internationales telles l'UNESCO, la Banque Mondiale ou l'OCDE ; soit celles des gouvernements. Cependant, la valeur de ces statistiques est à considérer selon leur mode de collecte, de traitement et d'interprétation, ainsi que d'après la valeur de concepts qui les fondent. Nous allons voir que ces enquêtes, données et interprétations, qui servent à la formulation de politiques de développement, sont à remettre en question. 

Il est bon de commencer par s'interroger tout d'abord sur la finalité des statistiques en matière d'éducation. Elles permettent avant tout pour les pays de comparer leurs performances respectives en termes d'accès, d'efficacité, d'équité, d'en tirer des conclusions quant aux revirements stratégiques à adopter pour atteindre leurs objectifs (ou ceux implicitement imposés par les institutions, comme nous l'avons suggéré précédemment).

I.2.2.1) Les données disponibles discutables

L'UNESCO, institution « d'orientation tiers-mondiste » fortement attachée au droit à l'éducation, au respect de la diversité culturelle et au « modèle social-démocrate qui lui est associé »141(*), a longtemps été le seul organisme intergouvernemental à produire et diffuser des statistiques d'ampleur internationale en matière d'éducation. Cependant, dès les années 1990, la qualité de ses statistiques, en termes de pertinence et de fiabilité, a été remise en question, notamment par la Banque Mondiale et le National Research Council, qui les jugeaient inadaptées « aux nouveaux besoins de la mondialisation », à la nouvelle place de l'éducation dans le monde et dont la collecte, la diffusion et l'utilisation rendaient difficile la formulation de politique142(*). L'institution a donc lancé une réforme de restructuration de la production de statistiques, avec, en 1999 la création de l'ISU (Institut de Statistiques de l'UNESCO), organisme semi-autonome dont la mission globale est non plus de s'intéresser à la mesure de l'accès à l'éducation en termes de scolarisation et d'alphabétisation (quantité), mais de chercher à mesurer la performance des systèmes éducatifs (qualité) pour pouvoir faire des comparaisons internationales plus parlantes. Mais surtout l'ISU doit fournir des statistiques aidant à mesurer la « capacité de concurrence économique des nations » que les statistiques de l'éducation doivent servir à mesurer.

En raison de la « perte de confiance de la communauté internationale par rapport à la fiabilité des données produites par l'organisation »143(*), les méthodes de recherche et les orientations de l'UNESCO se sont petit à petit rapprochées des théories économiques, prenant exemple sur les systèmes éducatifs occidentaux. D'autres organismes (comme le PNUD, l'OCDE, l'UNICEF ou l'Union Européenne) ont commencé à se charger de faire leurs propres recherches, analyses et recommandations, en matière d'éducation, avec ou sans la collaboration de l'UNESCO, qui a perdu son monopole intellectuel.

La Banque Mondiale et l'OCDE ont donc réussi à imposer leurs théories économiques, la nécessité d'indicateurs de performance et d'une nouvelle signification politique et sociale des statistiques de l'éducation : « comparer et classer la performance éducative des différents pays -- reflet de la capacité de concurrence économique des nations-- se présente comme un besoin objectif et non comme un sujet de discussion. »144(*) Les institutions instaurent donc des critères d'évaluation subjectifs et déterminés selon des conceptions économiques occidentales de rentabilité, d'efficacité et les traduisent en « indicateurs objectifs afin de pouvoir comparer les pratiques sur les différents territoires nationaux »145(*)

Ainsi, les statistiques internationales sont pas très représentatives des réalités et les enquêtes PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) sont un bon exemple de l'inadéquation entre ces conceptions théoriques et le terrain. Elles évaluent, entre autre, les "compétences utiles pour la vie" "pour faire face aux défis de la vie réelle", ou par rapport aux "situations du monde réel". Cependant, il parait évident que les situations du "monde réel" burkinabé et occidentaux sont difficilement comparables et donc que de telles comparaisons internationales ont des limites et sont peu pertinentes dans ce cas là.

De plus, les conflits entre les institutions ont débouché sur une multiplicité d'approches, de recherches (tenant compte de paramètres et des calculs différents), et de données qui sont en concurrence. Cela explique l'hétérogénéité des résultats et d'interprétations parfois contradictoires, évoqués en première partie de cette recherche, qui ne facilitent pas une compréhension globale et peuvent empêcher les formulations de politiques.

Les enquêtes réalisées par les gouvernements (qui rappelons-le, se plient aux exigences et recommandations des bailleurs de fonds) ne sont malheureusement pas plus pertinentes pour les mêmes raisons car elles se basent sur les mêmes théories ou orientations économiques qui placent la production et la consommation au centre de l'analyse.

Le risque d'éléments non-étudiés, de variables omises, de mauvaise classification des personnes ou encore d'erreurs de mesure (Glewwe, 2006, page 987) sont autant de raisons de douter des statistiques car elles sont réalisées par des hommes et qui sont donc partiales. Enfin, il serait intéressant d'étudier de près la façon dont sont collectées les données concernant les taux de scolarisation, à savoir est-ce que toutes les formes d'école sont prises en considération. Mais cette question mérite une étude approfondie que nous ne pouvons pas nous permettre d'étudier ici.

I.2.2.2) Les enquêtes "de terrain"

De nombreuses études menées sur les enquêtes de terrain elles-mêmes et le travail des développeurs ont montré des inadéquations très concrètes entre les questions posées, ou les façons d'interroger la population, avec le milieu, par rapport à différents critères. Tout d'abord, une enquête signifie souvent questionnaire mal formulé et chiffres flous. En effet, tout d'abord, le problème de la langue peut se poser en termes de mauvaise traduction ou d'interprétation de l'enquêté. L'aide d'un traducteur qualifié et impliqué dans la recherche ainsi que la préparation d'un questionnaire de qualité sont indispensables. Bien souvent, les questions sont mal posées ou induisent les réponses. Il est intéressant ici de s'arrêter sur un exemple concret. Les statistiques scolaires présentent souvent les taux de scolarisation des enfants en fonction de l' « origine sociale » de leurs parents. Il faut tout d'abord s'interroger sur la définition de l'origine sociale, souvent vue comme la seule profession du père - qui est censé révéler le niveau de vie de la famille. Cependant, il est évident que le statut d'une profession n'est pas universelle et dépend fortement de la culture et de la société dans laquelle il est étudié. De plus, selon la structure de la famille146(*), d'autres critères seraient plus pertinents pour révéler si l'accès à l'école est optimal. Au-delà de la pertinence des catégories, la façon dont sont collectées ces informations est à étudier. Souvent, des enquêteurs procèdent à des interrogations orales directement dans les classes, et certains élèves peuvent se tromper ou « classer leur père dans une profession qu'ils jugent plus valorisante ».147(*) Il faut prendre aussi en compte le fait que l'essentiel de la communication s'accomplit sous forme orale dans les sociétés traditionnelles, ce qui peut poser problème lors des enquêtes.

Ces enquêtes gouvernementales ou institutionnelles donnent une vision "éclatée", morcelée et sans logique d'ensemble et ne permettent pas de comprendre les comportements parfois contradictoires des individus. En fait elles se basent sur ce que produit le système économique et social, dans le sens d'une augmentation de la production marchande. C'est la notion même de développement et de priorité des gouvernements qui est à questionner car on sait que la comptabilité nationale et le PIB n'ont pas pour objet de mesurer le bien-être, le bonheur ou la satisfaction sociale ni même le progrès des sociétés. La classification des besoins selon la consommation de biens et de services est une « simplification abusive dans la mesure où (...) les nécessités biophysiologiques sont généralement les seules qui soient retenues dans les nomenclatures alors que les fonctions sociales de remplit chaque bien ou service sont souvent déterminantes »148(*). Les statistiques de l'éducation, réalisées selon un certain "morcellement disciplinaire" ne peuvent être traitées d'une façon quantitative, capitalistique, comme celles du marché ; elles ont besoin de l'apport de l'anthropologie pour comprendre les fonctionnements, les dynamiques et les évolutions économiques et sociales.

Nous rappelons ici que le point de vue anthropologique proposé ici n'a pas pour ambition de critiquer en bloc les conclusions ou les interprétations économiques précitées, ni de mettre en concurrence les deux disciplines. Les remarques formulées sur l'approche comptable de l'éducation ne constituent pas un rejet du cadre économique et statistique mais une appréciation des limites de leur utilisation. L'anthropologie n'est pas vue comme une méthode miraculeuse pour comprendre les logiques et les évolutions sociales. Cette approche anthropologique a pour ambition de remettre en question le rapport de force Nord-Sud et l'imposition d'un système économique basé sur la société de consommation et d'une conception de besoins dans des sociétés traditionnelles qui fonctionnent différemment.

Suite à l'étude sur le système éducatif burkinabé proposé dans le chapitre 2, nous avons avancé l'idée qu'il nécessite une rénovation dans son organisation et ses contenus, ainsi qu'une réappropriation de la finalité de l'éducation, correspondant au système de représentation propre à la société en question. Il semble qu'il n'existe pas de solution toute-faite, à prétention universelle, aux les questions d'éducation et plus généralement de développement. Mais l'avis anthropologique est qu'il faut accorder une place prioritaire aux facteurs culturels si on veut vraiment améliorer les conditions de l'homme et garantir l'avenir de l'humanité et en l'occurrence ici, offrir un système éducatif de qualité et adapté aux réalités, aux vrais besoins et à la culture du pays.

II) L'étude de l'école bilingue comme remède, vue à travers la presse burkinabé

Méthodologie

D'après les conclusions faites jusqu'à présent sur les manquements du système éducatif burkinabé et sur la nécessite de prise en compte du culturel dans les politiques éducatives, nous allons présenter un type d'école communautaire particulier. Nous verrons dans quelle mesure cette école est une solution possible aux dysfonctionnements précités. Afin de rester dans une approche anthropologique, nous avons décidé d'entreprendre une démarche factuelle basée presque exclusivement sur des sources de la presse burkinabé, pour fournir une vision "locale". Cependant, il ne s'agit pas d'une étude anthropologique à proprement parler car nous n'avons pas fait d'enquête de terrain, qui est la base d'une recherche selon la discipline. Comme nous ne pouvons pas utiliser la parole des acteurs directement concernés, nous proposons une analyse de l'école bilingue selon un petit corpus de presse local et récent, afin de voir comment ce système est présenté et vu dans l'espace public.

Nous avons, pour ce faire, recherché et sélectionné des articles de journaux nationaux, exclusivement grâce à des moteurs de recherche spécialisés dans la presse burkinabé comme lefaso.net, fasopresse.net, mediaburkina.org ou encore theworldress.com. Les termes recherchés ont été « éducation », « école » et « bilingue ». Cela nous a donné accès aux archives de quatre journaux qui traitaient de la question : Fasozine, Le Pays, l'Observateur Paalga, et Sidwaya149(*). Il ne s'agit pas d'un éventail exhaustif des journaux, ni même des articles publiés sur le sujet. Seuls les articles archivés et disponibles sur internet en libre accès ont peu être utilisés (au nombre de 23) et c'est pourquoi, cette étude n'a pas pour prétention de présenter la seule vision possible du sujet. Il s'agit d'un regard particulier sur la question : celui des journaux qui ont les moyens de publier en ligne - pour la plupart des journaux pro-gouvernementaux. En effet, les médias sont très contrôlés par le gouvernement, et le pays est en proie à une censure importante, comme l'a démontré l'affaire Nobert Zongo150(*). Les articles dont nous disposons portent donc en quelque sorte le discours officiel sur la question et peu des sources utilisées apporte un avis critique ou discute des limites dudit système. De plus, la moitié des articles exploités sont extraits du journal Sidwaya, qui se veut partisan du gouvernement. Une analyse plus poussée des journaux aurait été nécessaire mais le manque de données sur la question et l'impossibilité de mener une enquête de terrain a rendu cette étape difficile.

Enfin, l'école bilingue est un système récent (1994) et donc peu d'études ont été réalisées, excepté par les ONG, associations ou ministères en charge de les encadrer. C'est pourquoi les articles dont on dispose ont aussi une limite temporelle, les années de parution sont entre 2003 et 2008. Peut-être que des défauts apparaitront lorsque le système ne sera plus en phase d'expérimentation.

Nous nous contenterons donc des sources de la presse nationale burkinabé qui sont à notre disposition et nous les utiliserons pour faire une présentation de l'école bilingue, ses particularités, avantages et limites. Il s'agit d'une compilation de données, à laquelle nous porterons, autant que possible - étant donnée l'absence d'enquête de terrain - un avis critique et constructif. Nous verrons si la presse présente ce système éducatif comme une véritable alternative, pouvant concurrencer le système classique.

Définition

L'école bilingue se différencie du système classique par trois spécificités : 1) le bilinguisme additif (langue nationale et français en même temps) ; 2) la réduction d'un an de la durée de scolarité ; et 3) des activités pratiques et culturelles professionnalisantes qui relient théorie et pratique. Il s'agit d'une composante de l'éducation de base formelle mais dont la création et la gestion dépend du village. « C'est d'abord l'affaire des communautés »151(*) car la transformation d'une école classique en bilingue ou sa création, n'est pas imposée mais se fait sous la demande des groupes de villageois ou des comités de parents d'élèves. La gestion leur est aussi en partie attribuée et ils sont chargés de financer une partie des dépenses de l'école. Pour récolter des fonds, des activités manuelles, professionnelles sont donc enseignées aux élèves : production, agriculture, élevage, jardinage, menuiserie, maroquinerie, et des ventes sont réalisées. Le lien éducation et production est donc rétabli et les sortants de l'école peuvent être utiles à eux-mêmes et à leur environnement, en apprenant des techniques et des compétences professionnelles utilisables dans leur communauté. De plus, l'utilisation de la langue nationale et les activités replace l'école dans son contexte local et rééquilibre les rapports avec et dans l'Ecole. Les intérêts sont donc multiples.

Nous allons tout d'abord présenter le contexte historique de la création d'un tel système et son organisation. Cela nous permettra de montrer en deuxième partie ce qu'il apporte de nouveau et de plus par rapport à l'école classique. Enfin, nous essaierons de répondre à la question « dans quelle mesure l'école bilingue peut être une solution aux manquements de l'école classique ? ».

II.1) Contexte de l'apparition de l'école bilingue

En 1994, une évaluation nationale des Etats Généraux de l'Enseignement  a « mis à nu toutes les faiblesses et insuffisances du système d'éducation classique »152(*). Le rapport concluait qu'il était « inadapté déracinant et discriminatoire » et qu'il était de plus coûteux et donc inefficace. D'après les conclusions, l'école classique constitue un obstacle à tout effort de développement car elle forme une élite déracinée et inutile à elle-même et à sa communauté - des révélations qui avaient déjà été faites par le président Sankara dans les années 1980.

En effet, le système éducatif en place est très défectueux : il est inefficace au niveau externe et interne ; inadapté aux réalités et aux besoins locaux ; déracinant car élitiste et renie les valeurs nationales ; discriminatoire car les filles et les enfants de milieux défavorisés en sont exclus ; et aussi couteux. Il n'offre ni un accès équitable (quantité), ni un taux de réussite suffisant : « sur 1000 inscrits au CP1, seulement 120 élèves ont leur CEP »153(*) et le niveau national est de 31,11% alors qu'il faudrait, selon des études, 40% pour un décollage économique154(*) (qualité). Ainsi, le système actuel forme « des fonctionnaires, puis des chômeurs, alors qu'ailleurs, elles forment des producteurs, des entrepreneurs et des industriels instruits, aptes à l'emploi, à l'auto emploi et à la production. »155(*)

Etant donné ces dysfonctionnements, l'Ecole burkinabé a besoin de changements. Des réformes importantes ont été votées sur les programmes et l'objectif de connaissances a été remplacé par une approche par compétences pour relier théorie et pratique. Cependant, la pression budgétaire et la crise financière que traverse le pays ont poussé le gouvernement à décentraliser l'éducation et petit à petit, on s'approche d'un désengagement de l'Etat et d'une privatisation de l'enseignement. Les initiatives privées et communautaires sont encouragées, et les institutions, ONG et même l'Eglise catholique, cherchent des solutions. Des méthodes d'enseignement alternatives sont imaginées : des écoles satellites, des Centres d'Education de Base non Formelle (CEBNF) ; et dans une volonté d'autonomie et étant donnée l'importance des langues nationales pour la qualité de l'éducation, l'idée de l'école bilingue parait comme une évidence.

En 2002, le Plan décennal de développement de l'éducation de base (PDDEB) a été adopté et vient appuyer ces initiatives privées et communautaires. En effet, ses principes fondamentaux sont i) de faciliter l'accès des pauvres (accroître l'offre d'éducation et réduire les disparités entre genres, entre régions géographiques et entre les situations socio-économiques des élèves) ; ii) d'améliorer la qualité, la pertinence et l'efficacité de l'éducation ; et iii) de promouvoir l'alphabétisation ainsi que de nouvelles formules d'éducation alternatives. Les arguments de lutte contre les disparités, contre l'inefficacité et pour le renouveau du système, facilitent le développement de l'école bilingue, qui voit le jour 8 ans plus tôt, en 1994.

II.1.1) Historique

Tout commence par une initiative communautaire en 1986, lorsqu'un centre d'alphabétisation est créé à Nomgana, près de Ouagadougou, dans le département de Loumbila, Ce centre permit à de nombreux villageois d'apprendre en 45 jours à lire et à écrire dans leur langue locale : le mooré (Géraldine André, 2008, page 3). Une fois alphabétisés, les mêmes villageois, connaissant la place prépondérante du français, sollicitent l'ONG suisse OSEO156(*) pour l'être également en français, afin de pouvoir « accueillir les visiteurs du développement ». Ainsi, « en 85 jours, les adultes sur base de leurs acquis en mooré apprirent à lire et à écrire en français »157(*). Aux vues de cette efficacité, ils souhaitèrent que certains de leurs enfants exclus du système scolaire (soit ils ont passés l'âge d'être scolarisés, soit ils sont trop jeunes pour les centres d'alphabétisation) bénéficient de la même formation et le programme a été élargi aux plus jeunes.

En 1994, l'année où les états généraux mettent en lumière les faiblesses et les insuffisances du système classique, l'OSEO lance donc l'école bilingue. Entre 1994 et 1998, deux classes bilingues (français-mooré) sont donc crées et accueillent 55 élèves de 9 à 14 ans qui sont « perdus » pour l'école classique car ils ont passé l'âge pour s'inscrire. Aux vues du succès de ce projet (efficacité, rapidité, rentabilité), de nouvelles écoles sont crées (elles sont au nombre de 8 en 2000) et enseignent en quatre langues nationales : mooré, dioula, fulfuldé et lélé et le MEBA participe aujourd'hui à son développement.

Depuis, l'extension géographique et linguistique se poursuit : aujourd'hui, il existe environ 110 écoles dans 28 provinces ; elles enseignent en 8 langues nationales : mooré, jula, fulfuldé, gulmacéma, dagara, liélé, bissa et le nouni. L'objectif est d'avoir des écoles bilingues dans 14 langues nationales afin de représenter le plus possible la diversité ethnique burkinabè, en effet, selon une étude, 90 % de la population parlerait 14 langues nationales.

De nombreuses associations, locales ou nationales (les associations Manegdzanga, Polemde, Tin Tua, Keeni, Tiéfo Amoro ; Elan-Développement ;  l'Association pour la Promotion et la Valorisation de la Linguistique et des Langues Nationales ; le Programme d'alphabétisation du Goulmou ; la Fondation pour le développement communautaire; le Réseau pour la promotion sociale) ; ou même internationales (l'Association pour le développement de l'éducation en Afrique ; l'Association Andal&Pinal ; GTZ (agence de coopération allemande), l'Association intergouvernementale de la Francophonie, pour en citer quelques unes) se sont impliquées à leur tour pour le développement du système. L'OSEO ne détient donc pas le « monopole » de ce projet. Elle a permis son « décollage » et est encore très impliquée dans l'aventure bilingue mais il semble, d'après nos lectures, que les villageois ont pris le relais et sont de plus en plus autonomes.

II.1.2) Structure du système

Le système bilingue est structuré en trois niveaux, de la même façon que le circuit classique. Tout d'abord, l'Espace d'Eveil Educatif (3 E) est l'enseignement préscolaire, pour les enfants âgés de 3 à 6 ans. Les enfants reçoivent une formation cognitive et socioéducative et une initiation dans la langue maternelle. Créée sous la demande de la communauté et gérée par elle, l'initiation est faite par des parents-enseignants, du village bien souvent, qui ont suivi une formation appropriée. Des outils didactiques qui allient tradition et modernité, sont élaborés par des experts de la petite enfance avec pour base des thèmes culturels et des activités ludiques, d'éveil et éducatives représentatifs des cultures du pays.

Ensuite, pour les enfants de 7 à 12 ans, il y a l'Ecole primaire bilingue (EPB). Les particularités de cette structures sont i) d'une part le bilinguisme « additif » (utilisation de la langue nationale et du français comme vecteur d'enseignement) ; ii) la durée de scolarité ramenée à 5 ans au lieu de 6 dans le circuit classique ; et iii) des activités productives et culturelles sont proposées pour éveiller l'enfant et le rapprocher des traditions et valeurs locales et professionnaliser l'enseignement. L'école primaire bilingue a comme objectif premier de renouer le lien éducation et production afin de former de individus utiles pour eux-mêmes et pour leurs communautés et pour qu'ils participent au développement local, régional et national. Ensuite, l'utilisation des langues nationales et l'intégration d'activités manuelles a pour but de faire prendre conscience aux élèves de l'importance de leur langue nationale, de la valeur de leur « terroir », pour qu'ils aient confiance en l'avenir et envie de réaliser des progrès personnels au sein de leur village, pour un développement local endogène.

Pour les enfants « hors-circuit » - ceux qui soit ont passé l'âge de s'inscrire au primaire classique, soit sont trop jeunes pour les centres d'alphabétisation - il existe aussi les centres d'Apprentissage informel de la lecture et de l'écriture pour le développement (AFI-D). C'est l « ancêtre » des écoles bilingues AFI-D, qui est né en 1994. Comme dans les EPB, le bilinguisme additif est utilisé mais l'enseignement ne dure que 4 ans, au cours desquels les élèves sont formés professionnellement selon les besoins et les réalités économiques de la région ou du village.

Enfin, le troisième et dernier niveau est celui des Collèges multilingues spécifiques (CMS), pour les enfants âgés de 12 à 16 ans qui ont fréquenté une EPB. Les programmes ont pour but d'améliorer les connaissances des élèves en langue nationale, en français et introduisent aussi une seconde langue nationale. Ainsi, en plus de fournir un programme classique, des cours spécifiques sont proposés en langues nationales ainsi que des activités culturelles orientées vers la production, dans la continuité des EPB. Le multilinguisme, réalité historique du pays, est donc encouragé et des valeurs culturelles positives sont favorisées. C'est donc la suite logique du préscolaire et du primaire, qui ont des objectifs communs et harmonisés.

II.2) L'école bilingue ou « école du développement »

Sur le marché éducatif burkinabé devenu concurrentiel en raison du désengagement de l'état, les initiatives privées et communautaires sont encouragées. L'école bilingue créée pour pallier aux dysfonctionnements du système classique apparaît, comme nous allons le voir, assez rentable et efficace, avec des résultats probants en moins de temps.

D'autre part, la dimension communautaire et culturelle est réintégrée dans une offre éducative devenue déracinante. Le système bilingue revalorise les langues et les cultures locales et forme des individus utiles à eux-mêmes et à leurs communautés, qui agissent pour le développement local. Nous verrons ces deux aspects qui différencient l'école bilingue du système classique.

II.2.1) Un produit éducatif « rentable » et efficace

« Ce n'est que dans les ex colonies françaises qu'on commence à éduquer les enfants dans une langue qu'ils ne comprennent pas »158(*), et cet apprentissage représente 56% du temps passé à l'école primaire. Dans un tel contexte, comment peut-on parler d'autonomisation et de démocratie ?

Comme nous l'avons vu, l'école bilingue a pour particularité de former en langue nationale d'abord et progressivement en langue française et cela en un an de moins. En tout, 130 jours ont été nécessaires pour alphabétiser des adultes en deux langues. Grâce à ce gain de temps, le système est très efficace, et les résultats sont, par conséquent, bien supérieurs à ceux du circuit classique.

30) Résultats obtenus au CEP dans les écoles classiques et bilingues 1998-2002 (%)

Année

Ecole classique

Ecoles bilingues

1998

42

52,83

2002

61,81

85,02

2003

70,01

68,21

2004

73,73

94,59

2005

69,01

91,14

2006

69,91

77,19

2007

66,83

73,69

2008

58,44

61,43

Moyenne

63,96

75,51


Données : Le Pays159(*), l'UNESCO160(*) et l'Observateur Paalga161(*)

Grâce à des dérogations, possibles en raison du développement rapide des écoles bilingues à travers le pays, les élèves peuvent participer aux examens nationaux, et cela a permis de rehausser les niveaux moyens. En effet, les résultats à l'examen du Certificat d'Etudes Primaires sont nettement supérieurs dans les écoles bilingues (en dépit du fait que les épreuves étaient entièrement en français) : 75,5% de réussite sur les huit années étudiées contre 63,9% (tableau 30). Et les résultats varient considérablement d'une école à l'autre, avec par exemple 75,86% de réussite à Goué et 100% à Danfinso en 2002162(*). En somme, 4 ou 5 ans d'étude bilingue (ADI-F ou EPB), permettent aux élèves d'apprendre plus que leurs camarades du circuit classique en 6 ans.

En troisième année, ils obtiennent le niveau de français des quatrièmes années de l'école classique. La compréhension de la langue étant très déterminante dans l'acquisition des connaissances et des compétences, « quand l'enfant arrive à s'exprimer dans sa propre langue en première année, il est à l'aise et participe lui-même à sa propre éducation »163(*). Mais selon des études comparatives, il semble que les écoles classiques permettent aux élèves d'acquérir plus tôt une bonne prononciation du français, qui est introduit au fur et à mesure dans le bilingue et ils sont plus à l'aise en général, dans la langue. Cependant, à la fin de scolarité dans les écoles bilingues, qui, rappelons-le, est plus courte d'au moins un an, les résultats sont meilleurs. Les résultats dans les autres matières sont également supérieurs (ils maîtrisent des opérations sur des nombres à trois chiffres alors que leurs camarades ont du mal à faire les opérations sur les nombres de 1 à 20). « On est aujourd'hui à peu près sûr d'une chose : les acquisitions cognitives de l'enfant se font mieux dans sa langue maternelle. »164(*)

Ainsi, le système de l'école bilingue permet une réelle acquisition des fondamentaux et un excellent niveau de deuxième langue. « Des travaux entrepris par Commins (1984) montrent que l'acquisition et la consolidation des compétences académiques dans la langue que l'on maitrise bien (langue maternelle) facilitent les autres tâches d'acquisition dans la langue seconde (français) dans les situations de bilinguisme. »165(*) Or, comme le niveau d'alphabétisation, et notamment le niveau de lecture est très bas au Burkina Faso, l'école bilingue semble très prometteuse à cet égard. Et en plus de réussir mieux en français et dans les autres matières scolaires, les élèves des écoles bilingues savent lire et écrire dans leurs langues nationales et ils savent cultiver leur terre et faire d'autres activités manuelles utiles au Burkina Faso.

Selon un article paru dans Le Pays, ces taux de réussite se répercutent sur les taux de redoublement qui sont bien inférieurs dans les écoles bilingues : 7,8% en 2004-2005 (contre une moyenne nationale de 25,26%166(*)). Cette différence s'explique, 1) par le fait que l'enseignement dispensé est adapté aux réalités socioéconomiques locales (en langue nationale et avec une formation professionnelle utile dans la région), 2) parce que les parents - et donc les enfants - sont plus impliqués dans l'apprentissage et 3) donc la valeur de l'école et de l'instruction est réévaluée à la hausse.

Grâce à l'économie de temps, à l'efficacité et à l'organisation de l'enseignement bilingue, dont nous avons parlé précédemment, le coût de l'enseignement est considérablement réduit. En effet, un an de moins en moyenne par élève soulage les parents et l'école, qui dans le système bilingue, s'autofinance en partie.

De plus, « les "connaissances théoriques" ne servent pas, il faut conjuguer la théorie à la pratique c'est-à-dire tendre vers la professionnalisation, »167(*) des activités manuelles et professionnelles sont donc proposées par l'école (l'agriculture, l'élevage, le jardinage, la menuiserie, la maroquinerie selon les écoles et les besoins locaux) et ont une double vocation : 1) de refaire le lien entre éducation et production, brisé par l'école classique qui forme des fonctionnaires ; et 2) de financer une partie des dépenses de l'école (salaires des maitres, construction et entretien des locaux, matériel didactique et autre fournitures) et d'apporter un revenu supplémentaire à la communauté. A titre d'exemple, une école a lancé un projet, "jardin potager scolaire", qui a pour objectifs « d'assurer la sécurité alimentaire par une amélioration de la qualité nutritionnelle des enfants, de promouvoir l'éducation pratique et doter les enfants de compétences en agriculture durable. »168(*) Ces activités de production apportent des revenus non négligeables à l'école et aussi aux familles. Par exemple, en 1998, un élevage de mouton a renfloué les caisses de deux écoles bilingues  à Nongana et à Goué avec 233 000 FCFA après la vente de 55 animaux169(*).

D'après l'inspectrice de Loumbila, le gouvernement aussi y gagne financièrement : l'économie réalisée par la vulgarisation de l'enseignement bilingue représenterait une somme de 23 milliards de FCFA pour atteindre des résultats supérieurs que dans le circuit classique.170(*)

Enfin, les taux de scolarisation pourraient augmenter parce que selon une étude sur les anciens élèves, « chacun compte y envoyer son enfant si toutefois ils se trouvent dans une zone où il y a l'école bilingue »171(*).

Autre argument de taille : l'objectif de parité semble être aussi atteint dans certaines écoles, comme à l'école bilingue de Gambastenga, dans la commune rurale de Dapelgo, par exemple : « avec ses trois classes, elle compte plus de filles que de garçons (39 filles contre 35 garçons). »173(*)

31) Evolution des écoles bilingues au Burkina Faso

Année

Ecoles bilingues

Nombres de langues nationales

Nombres de candidats à l'examen

Taux de réussite (après 5 ans d'enseignement)

1998

1

53

52,83

2002

2

92

85,02

2003

1

88

68,21

2004

4

259

94,59

2005

6

508

91,14

2006

7

960

77,19

2007

8

1182

73,69

Source : UNESCO174(*)

Ainsi, l'école bilingue est efficace : moins de redoublements, d'échec, et de meilleurs résultats dans les matières scolaires et plus de parité ; et plus rentable. L'augmentation du nombre d'écoles, d'élèves et de langues (au nombre de 8 aujourd'hui) est exponentielle et le taux de réussite s'améliore (Cf. tableau 31) - avec une petite baisse récente, que nous ne pouvons expliquer. Le succès en termes de rentabilité et d'efficacité est tel que le MEBA accorde à toute communauté qui le souhaite la transformation de son école en école bilingue. L'intérêt que ce système suscite est de plus en plus visible : « plus de 500 demandes d'écoles bilingues [...] n'ont pas encore eu de satisfaction »175(*). Le Conseil de l'Europe réfléchit d'ailleurs à un système semblable (enseignement bilingue axé sur la langue maternelle) pour enseigner les langues nationales aux immigrés européens176(*).

Selon les journaux disponibles qui ont abordé la question, il y a unanimité sur l'efficacité de l'école bilingue. Une dizaine d'articles du corpus s'accordent à dire que le système est rentable, efficace. L'étude sur la parité est encore en cours mais il semble qu'elle soit atteinte.

II.2.2) Un système ancré dans le contexte local et valorisant la culture et les langues burkinabés

Dans une majorité des articles étudiés, la quasi-hégémonie des conceptions économiques, la pression institutionnelle et la sensation de déculturation transparaît, souvent en filigrane : « nous avons été depuis plus d'un siècle dépossédés de nos langues qui ont été vouées aux gémonies, et de nos cultures qui étaient simplement classées au rang de pratiques barbares et sataniques »177(*). Dans la presse, l'enseignement en langue maternelle est associé à l'autonomisation ou l'empowerment, et au développement humain ; c'est-à-dire le développement des personnes visant leur bien-être et leur libre choix améliorant l'égalité des chances et le processus démocratique car « aucun peuple ne s'est véritablement épanoui avec la langue d'un autre. »178(*)

Par l'utilisation de la langue nationale, l'école est de nouveau enracinée dans l'environnement socioculturel du village et une nouvelle harmonie se créé entre lui et l'école, car « la fonction d'accueil, de communication et d'affirmation de soi dans la langue dans laquelle l'enfant a appréhendé son monde avant d'arriver à l'école est fondamentale »179(*). La communauté s'approprie l'école, qui devient un outil de développent endogène et les villageois perçoivent son utilité et son importance et par conséquent s'y investissent. Si le système est facilité par l'OSEO et de l'Etat, c'est la demande des communautés elles-mêmes qui stimule la création d'une école bilingue, et ça fait toute la différence avec le système éducatif classique, rigide et « imposé à la base »180(*). De la même façon que "l'école de base" au Mali, l'école bilingue burkinabé « redonne donc a l'enseignement une dimension humaine. Elle rapproche l'institution de la population. L'école n'est pas subie. Elle est construite. »181(*) La gestion est souvent faite par les communautés, qui définissent les curricula, les activités manuelles, en fonction des besoins locaux et qui des services de « cantine endogène »182(*) par exemple.

Les savoirs locaux et les cultures sont reconsidérés et valorisés par leur apprentissage à l'école où on enseigne « les contes et proverbes, les chants et danses, la musique du milieu et les instruments traditionnels de musique »183(*). Les aspects civilisationnels et socioculturels sont réintégrés et l'école n'est plus déracinante, comme l'était l'école coloniale ou même l'école classique, qui forme l'élite de la nation. « Des récitations en mooré comme "Rogem Yôodo", l'importance de la maternité ou de la paternité ont permis d'inculquer bien de nos valeurs traditionnelles aux enfants. »184(*) D'autre part, l'intégration d'activités tel que l'élevage dans le curriculum des écoles bilingues fait que certaines ethnies nomades, les Peuls par exemple, font davantage confiance en l'école et décident d'y envoyer leurs enfants. Dans la région du Sahel, ont été créées six « écoles des bergers et des bergères » qui forment en fulfuldé et en français des enfants, pour la plupart peuls, de 9 à 15 ans pour devenir des bergers. Ils y apprennent « les mathématiques, notamment la technique des quatre opérations (...) ; la gestion (pouvoir par exemple tenir un cahier de stocks, de sorties, d'entrées...) ; des notions en système métrique ; la géométrie ; les sciences de la vie et de la terre, à savoir l'élevage, l'agriculture, l'environnement (restauration, conservation), les techniques élémentaires sur les fosses fumières, les diguettes antiérosives, la santé humaine (paludisme, VIH/SIDA, etc.) et animale, la ration alimentaire du bétail, l'hygiène, la nutrition ; les sciences sociales : éducation civique et morale, histoire-géographie de sa province, de sa région, de son pays... »185(*). Ce système a apporté satisfaction aux parents, qui autrefois pensaient : « qu'ils réussissent à l'école ou qu'ils ne réussissent pas, ce sont des enfants perdus pour nous ». Désormais, ils considèrent que l'école a « apporté la lumière à [leurs] enfants, [qui] seront des citoyens plus avertis et des producteurs modernes et modèles »186(*).

Grâce à cette prise en compte des valeurs, des cultures et de la langue locale, les parents s'impliquent dans la vie de l'école et dans l'apprentissage de leurs enfants et, à leur tour, valorisent l'école qui est ré-institutionnalisée. L'organisation de l'école bilingue, avec la gestion communautaire prévoit que les curricula et les activités manuelles soient définies par les parents d'élèves, en fonction des besoins locaux et des possibilités de débouchés. Ils participent directement à l'organisation de la vie de l'école : «  les parents d'élèves ont mis en place une cantine endogène qui a fonctionné sans s'arrêter jusqu'à la fin de l'année. »187(*) Ce sont souvent eux qui organisent la formation manuelle des élèves en intervenant dans les activités de production : élevage, agriculture, jardinage, artisanat, etc.

Les liens entre génération ont d'ailleurs tendance à se resserrer grâce à cette participation. De plus, ils ont souvent la possibilité de suivre des campagnes de sensibilisation au sein des écoles bilingues, ce qui leur permet de superviser plus efficacement les devoirs scolaires de leurs enfants. Ceux qui maîtrisent bien les langues nationales peuvent suivre des cours de français parlé basés sur une méthode d'enseignement selon le degré d'acquisition de la lecture et de l'écriture (ALFAA188(*)), qui donne l'équivalent du niveau de CM2 de l'école classique et ainsi être alphabétisé en deux langues. Ils peuvent aussi alphabétiser les autres et ainsi participer activement dans le développement durable et local.

En plus de l'implication accrue des parents, celles des enfants aussi est plus importantes dans les écoles bilingues, ils sont plus attentifs, plus motivés, participent plus car l'utilisation de leur langue nationale (interdite dans le circuit classique) leur permet d'appréhender l'apprentissage de façon plus positive. « Dans les écoles où la langue officielle est utilisée comme langue d'instruction, les méthodes d'enseignement sont centrées autour de l'enseignant ; c'est-à-dire que l'enseignant parle et les enfants écoutent et l'apprentissage est alors basé sur les répétitions et la mémorisation. Par contre dans les classes où la langue maternelle est utilisée comme langue d'instruction, on assiste à une véritable interaction entre l'enseignant et les élèves. »189(*) La relation avec le maître n'est plus unilatérale mais elle est facilitée car ils peuvent communiquer plus facilement dans une langue commune. La classe est vivante et la culture et les connaissances du milieu sont souvent utilisées comme d'outils d'apprentissage. Les élèves peuvent prendre plus d'initiatives et s'autonomiser dans la classe car l'enseignement est moins éloigné de leur réalité.

L'école bilingue forme donc des hommes et des femmes « utiles à eux-mêmes et à leurs communautés »190(*). Contrairement à l'école classique qui s'avère être déracinante (les sortants diplômés ou non n'arrivent pas à s'intégrer dans leur milieu car l'école les prépare spécifiquement au travail de bureau et de salarié), dont les programmes sont inadaptés aux réalités et aux possibilités d'emploi ; l'école bilingue possède une plus grande efficacité externe. En effet, elle est ancrée dans le contexte de développement local et les individus peuvent participer à l'amélioration à la vie de la communauté et à son développement endogène. « L'école bilingue ne prépare pas l'élève seulement au travail de bureaucrate. [Elle] prépare l'enfant dès son jeune âge à gagner sa vie même s'il n'arrive pas à se faire employer par le gouvernement à travers les concours que celui-ci organise chaque année. Elle aide aussi l'enfant à avoir une certaine connaissance dans sa propre culture. »191(*) Les sortants de l'école bilingue savent écrire et lire en langue locale, et ont des compétences techniques utiles aux besoins locaux. Une étude comparative a montré que « les anciens des écoles bilingues (...) sont pour la plupart des gens qui travaillent pour leur propre compte. » Les formés ne sont plus « candidats à l'exode, à la paresse, voire à la délinquance » mais qui deviennent « acteurs et bénéficiaires du développement »192(*). Il arrive que les sortants alphabétisent à leur tour les villageois ou des membres de leurs familles.

Le tableau suivant répertorie les différences et les similitudes entre les deux systèmes : classique et bilingue et montre qu'en tout point l'éducation bilingue est préférable, rentable et efficace et adapté aux réalités locales, notamment parce que les curricula sont définis par les communautés elles-mêmes et qu'une formation à un métier est introduite.

302) Ressemblances et divergences des écoles bilingues et des écoles classiques

Ecoles bilingues

Ecoles classiques

Plus de motivation de la part des élèves

Plus d'incompréhension

Les élèves sont plus actifs en classe

Meilleure prononciation du français surtout au CE1 (3e année)

Niveau beaucoup plus élevé en 1e année

Les enfants ont plus confiance en eux pour s'exprimer en français

En 5 ans, les élève du bilingue ont le même niveau que ceux du classique en 6 ans

Scolarité primaire de 6 ans

Apprentissage de métiers : menuiserie, agriculture, élevage, teinture, couture, etc.

Peu ou pas d'activités culturelles ou de production

Participation des parents d'élèves ou activités de production

Moins de participation des parents, moins de suivi

Meilleure compréhension des concepts enseignés

Incompréhension et peur chez les enfants durant les premières années

L'école est en lien avec la culture et le milieu de l'enfant

Reconnaissances des écoles classiques par les intellectuels et des fonctionnaires burkinabés

Source : Constance Lavoie193(*)

Tirant les leçons de l'éducation bilingue, et dans le but de proposer une offre éducative aussi diversifiée que possible dans le but de scolariser le maximum d'enfants, une innovation de l'enseignement trilingue (en langues nationales, français et arabe) est prévue à la prochaine rentrée (2008-2009), sous l'impulsion de l'OSEO.

D'ailleurs, le concept connaît un tel succès, notamment au Burkina Faso, que le Conseil de l'Europe réfléchit à un système semblable (enseignement bilingue axé sur la langue maternelle) pour enseigner les langues nationales aux immigrés européens194(*).

L'avantage culturel et la valorisation des langues est celui qui apparait le plus dans les articles étudiés, comme si l'école burkinabé allait enfin être réappropriée par la population. Une nouvelle école populaire burkinabé est née et elle semble avoir fait ses preuves jusqu'à présent.

Nous allons voir cependant que dans certains articles, on peut percevoir que la vulgarisation du système se fera dans la douleur car de nombreuses difficultés et réticences risquent de faire surface.

II.3) Conclusion et bilans

II.3.1) Quels enseignements tirer ?

Cette expérience bilingue a tout d'abord permis de mettre en lumière l'importance de l'utilisation des langues nationales dans l'enseignement et le fait que cela facilite l'apprentissage des autres matières, tout en améliorant son efficacité interne et externe. La réussite des écoles bilingues laisse à penser « qu'un jour, l'enseignement bilingue dépassera son étape d'expérimentation pour être pratique dans toutes les écoles du Burkina. »195(*) En effet, les taux de réussite au certificat d'enseignement primaire est supérieur dans les écoles bilingues et les taux de redoublement sont moins élevés. De plus, les élèves passent un an - ou deux - de moins à l'école, ce qui diminue le coût pour les parents et la communauté, et qui rend les enfants plus vite disponibles pour travailler. L'école bilingue est récente mais, de par sa pertinence et son efficacité, a montré de nombreux atouts, et a conquis le coeur de la population, qui avait soif de changement et de reconnaissance. « Lentement mais surement, le bilinguisme est en train de s'imposer dans le système éducatif burkinabé. »196(*)

Pour résumer, l'école bilingue a des impacts très importants sur tous les acteurs concernés : élèves, parents et autres membres de la communauté. Les répercussions sur l'individu sont multiples : i) elles sont tout d'abord sociales : amélioration des conditions de vie, de la santé, de l'hygiène, de l'esprit civique ; ii) elles sont aussi d'ordre économiques : meilleure productivité agricole, augmentation des revenus familiaux et de la communauté dans son ensemble ; iii) ou encore éducatives avec une meilleure fréquentation et participation scolaire, des meilleurs taux de réussite aux examens, plus de filles scolarisées et plus d'échanges intergénérationnels ; iv) et enfin une amélioration en termes d'organisation et de gestion de la communauté.

Au niveau de la communauté, la cohésion sociale est renforcée, car les parents participent à l'éducation de leurs enfants ; les exclus du système classique peuvent être réintégrés et le village perçoit mieux les bénéfices de l'instruction. De plus, le coût global de l'éducation est réduit grâce à une réduction significative du temps passé à l'école et à la création de richesse par les activités productives de l'école.

II.3.2) Limites, objectifs et défis

Limites du système

La seule limite que nous avons trouvée à ce système est que lorsque l'on compare les élèves de 3e année (CE1) des deux systèmes, on peut noter que ceux du classique ont une meilleure prononciation et plus d'aisance, de confiance en eux-mêmes en langue française. Cela est dû au fait que dans le bilingue, l'apprentissage est progressif et que les élèves transfèrent leur savoir du mooré vers le français. S'ils sont moins à l'aise en français, ils le sont plus dans toutes les autres matières, car ils ont dédramatisé l'acte d'apprentissage et se sont approprié les enseignements. De plus, les écarts de niveau s'estompent car en fin de cycle, comme nous l'avons vu, ils ont un niveau moyen supérieur que leurs camarades des écoles classiques, avec des résultats supérieurs à l'examen du CEP.

Difficultés et défis :

Aujourd'hui, l'ambition du système est de se généraliser (500 demandes de transformations ne seraient pas satisfaites197(*)), en proposant plus de langues, en accueillant plus d'enfants et en transformant plus d'écoles classiques en bilingues. L'objectif est d'enseigner en 14 langues nationales les plus parlées, qui représentent 90 % de la population burkinabé198(*).

Un besoin d'investissements

« Le plus grand ennemi de la nouvelle campagne d'alphabétisation, c'est le manque de moyens pour conduire l'opération sur tout le territoire national jusqu'au bout. »199(*) En effet, les difficultés majeures sont de l'ordre des moyens humains et financiers qu'il faudra débloquer pour faire face à l'expansion du système. Même si le projet global a pour but l'autonomisation des communautés et la reconnaissance et la valorisation des réalités et des cultures locales, le besoin de partenaires financiers extérieur est indéniable, « la majeure partie [des] projets et programmes étant bâtis en comptant sur l'aide de nos partenaires au développement. Il y a cette vérité qui veut que le partenaire ne finance que ce qu'il veut financer, c'est-à-dire ce qui va lui profiter, à lui et à son pays. »200(*) Ainsi, il faut persuader les bailleurs de fond de l'utilité d'un tel système, en la légitimant avec des arguments économiques surtout. Les performances de l'école bilingue mesurées jusqu'à présent, ainsi que les économies qu'elle peut faire réaliser au gouvernement et les incitations auprès des familles que représente l'utilisation de la langue locale sont des arguments de taille. De plus, l'aspect civilisationnel et identitaire suscitant de plus en plus d'intérêt auprès d'eux, ils devraient bientôt se bousculer pour financer de nouvelles écoles ou la formation de personnel enseignant.

D'ailleurs, les formations des enseignants doivent être généralisées au niveau national. Le MEBA prévoit par exemple d'introduire les langues nationales dans les ENEP (écoles nationales des enseignants du primaire). Il semblerait que la formation des enseignants des écoles bilingues entraine des coûts supplémentaires (surtout s'ils ne sont pas lettrés en langues nationales, qui rappelons-le sont surtout basées sur l'oralité) mais cela est certainement dû à l'état d'expérimentation du système. Un besoin urgent de matériel se fait également ressentir dans beaucoup d'écoles bilingues : des manuels, des guides et supports pédagogiques, des logiciels pédagogiques, CD ou films sont nécessaires201(*) ainsi que du matériel sur la culture burkinabé (danse, musique, contes...).

A présent, les outils didactiques sont élaborés, publiés et reproduits localement pour chacune des huit langues et ils sont réutilisables. Mais avec la démocratisation de ce système et le projet de passer à plus de langues, la création de matériel pédagogique est indéniablement un des problèmes dont devront faire face le MEBA ou les communautés qui se chargeront. En effet, la situation multilingue du pays et la volonté de diversifier les langues d'enseignement nécessitent un aménagement linguistique important et ce en plusieurs langues, ce qui signifie que les économies d'échelles réalisées ne seront plus les mêmes et que, par conséquent, les coûts unitaires des manuels seront supérieurs. Comme les programmes sont généralement les mêmes, il faut traduire en langue(s) nationale(s) sachant qu'une difficulté actuelle majeure est déjà celle de « la non-disponibilité et la complexité des programmes d'enseignement. »202(*) Un effort supplémentaire doit aussi être fait dans l'édition en langues nationales car il existe très peu de livres, journaux et autres publications dans ces langues. Pourquoi la population devrait être alphabétisée en mooré ou dans une autre langue nationale si elle ne s'écrit pas dans le pays ? Le Conseil économique et social, qui a récemment mené une étude sur l'alphabétisation, souhaite « que les acquis soient valorisés par la production de documents administratifs, de journaux, de panneaux d'indication en langues nationales, de bibliothèques villageoises. »203(*)

Une autre difficulté de taille réside dans le transfert entre langue nationale et français. Les problèmes de terminologie en fulfuldé204(*) ou la façon de compter, par exemple, est différente : alors que le français utilise le système décimal, certaines langues se servent d'un système en base 5. Le passage de la langue nationale au français risque en mathématique notamment de compliquer l'apprentissage.

Une organisation bien ficelée

Une harmonisation doit aussi être faite au niveau des examens concernant la « non-prise en compte des spécificités de l'éducation bilingue dans les évaluations scolaires »205(*), car si cette formation est reconnue utile par les autorités gouvernementales, les élèves doivent tous pouvoir passer les examens nationaux, pour que leur éducation soit officiellement reconnue sur papier. Et pour cela, les examens doivent être adaptés aux curricula des écoles bilingues. Est-ce que l'Etat burkinabé acceptera de faire de telles concessions pour un système qu'il ne contrôle pas et dont il ne profite pas directement (financièrement du moins) ?

Au niveau local, une efficacité optimale du bilingue impose que la transition entre les deux systèmes soit bien organisée, pour ne pas faire les mêmes erreurs que dans le passé206(*). Il faut procéder par étapes : 1) il faut commencer par élaborer une politique linguistique précise et généralisée (ce qui implique le choix de la langue et la définition de programmes professionnalisants et de qualité) ; 2) créer du matériel pédagogique de qualité : manuels, guides de l'enseignants, matériel pédagogique pour les matières générales et culturelles, en plusieurs langues (ce qui est plus coûteux qu'en une langue) ; et 3) former des enseignants, si possible du village ou au moins de la langue (pour un coût moindre et un développement durable et endogène). Pour un développement du système, il faut donc trouver des ressources financières, ce qui implique bien souvent la participation des bailleurs de fond, même si cela va à l'encontre d'un mouvement d'initiative locale et dont un des objectifs est l'autonomisation des communautés. La participation financière des institutions, ONG ou associations non-nationales pourrait aussi avoir comme conséquence néfaste d'entretenir la dépendance envers les pays « du Nord », que nous avons évoqué précédemment. Ainsi, un financement totalement interne serait à envisager, dans l'optique d'une « école de développement endogène ».

Les craintes

Des réticences sont aussi prononcées de la part des autorités sur « l'utilité et l'utilisation de l'apprentissage des langues locales, les risques de marginalisation des apprenants en langues locales, les perceptions défavorables des parents et des communautés vis-à-vis de l'instruction en langues nationales »207(*), alors qu'au contraire, il semble que tout l'intérêt du système bilingue est la lutte contre l'exode rural et la dynamisation des zones rurales, où le français est très peu usité et où les familles cherchent des solutions alternatives à la scolarisation classique.

La plupart des réticences se font entendre de certains cadres, de l'élite lettrée et francophone, coupés des zones rurales et des langues nationales, qui ont peur de perdre la maitrise d'un domaine important dont dépend le futur de la nation : la formation de la jeunesse. Ces réticences qui sont encore peu apparentes, du moins dans les articles que nous avons étudiés, semblent bien réelles et risquent de mettre en péril le développement du système bilingue. En effet, le rôle de l'Etat dans un domaine aussi important que l'éducation est réduit à néant, du fait de l'autogestion du système et le risque est qu'il voit en l'école bilingue un concurrent sérieux de pouvoir et qu'il empêche son développement d'une manière ou d'une autre.

Conclusion

Ainsi, cette étude nous a permis de voir que les taux de scolarisation sont en progression au Burkina Faso mais que le système éducatif est coûteux, discriminatoire et déracinant et totalement inadapté aux réalités et aux besoins locaux. En effet, tandis que le système classique, basé sur l'école coloniale, forme des fonctionnaires, les activités principales sont essentiellement agraires et la structure du marché du travail ne permet pas d'absorber les diplômés. Etant donnés les manquements du système classique et la situation financière instable, l'Etat burkinabé se désengage progressivement et l'offre éducative se diversifie, notamment par des initiatives privées et communautaires.

D'autre part, l'utilisation du français dans l'enseignement semble être un facteur de sélection (quantité et équité) et de mauvaises performances (qualité). C'est dans ce contexte de demande éducative croissante et de volonté de changement que l'alternative de l'école bilingue est née.

Les fondements de ce système étant l'utilisation et la valorisation des langues et des cultures nationales, il semble pouvoir pallier aux manquements du système éducatif, dans la perspective d'un développement durable et endogène, et sinon le remplacer, le compléter. En effet, les résultats mesurés jusqu'à présent sont tout à fait concluants et son évolution fulgurante prouve son dynamisme et l'intérêt qu'il suscite. Mais le développement de l'école bilingue semble être conditionné par de nombreuses contraintes et freiné par des réticences qui apparaissent avec sa généralisation.

L'émergence de ce système et sa dynamique démontre l'intérêt de cette démarche endogène puisqu'elle est basée sur les connaissances et les besoins locaux, avec la participation des adultes de la communauté. Cette approche nouvelle peut permettre de préfigurer une évolution de l'orientation du développement dans le sens de la valorisation des techniques et des activités traditionnelles.

L'instauration d'un système bilingue pourrait avoir une conséquence néfaste importante, que nous énonçons ici à titre d'élargissement : il s'agit d'un risque d'éclatement de la société en communautés linguistiques, qui deviennent concurrentes pour l'accès à la formation et à l'information. En effet, étant donné que la population burkinabé est composée de près de la moitié par l'ethnie mossi, le développement d'écoles bilingues avec l'utilisation de la langue principale pourrait renforcer son pouvoir et créer un conflit interethnique. La langue française comme vecteur évite d'une certaine manière ce risque car elle sert de fédérateur neutre.

ANNEXES

1) Taux d'alphabétisation dans le monde (2008) page 92

2) Structure du système éducatif page 93

3) Les principaux groupes ethniques au Burkina Faso page 94

4) Carte des langues du Burkina Faso page 95

1) Taux d'alphabétisation dans le monde (2008)

Source : Index Mundi208(*)

2) Structure du système éducatif

3) Les principaux groupes ethniques au Burkina Faso

Source : Les Atlas Jeune Afrique : Burkina Faso, éd. JA.209(*)4) Carte des langues du Burkina Faso

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* 1 L'IDH est un indice composite, créé en 1990 par le PNUD, qui fait la synthèse de trois composantes : le niveau de vie (PIB réel par habitant en PPA), l'espérance de vie à la naissance et le niveau d'éducation (le taux d'alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation).

* 2 Programme des Nations Unies pour le Développement http://hdr.undp.org/en/media/hdr04_fr_HDI1.pdf

* 3 Tandis que le taux brut de scolarisation (TBS) rapporte l'effectif des élèves du primaire, quel que soit l'âge, à l'effectif du groupe d'âge pour ce niveau, le taux net (TNS) considère au numérateur uniquement les élèves du groupe d'âge du niveau.

* 4 http://www.mitpress.mit.edu/books/chapters/Cohen_figure1_color.pdf

* 5 Cf. carte en annexe page 92

* 6 Source : http://tnmonde.tableau-noir.net/pays_riches_pays_pauvres/pnb_par_habitants.jpg

* 7 Nombre total de nouveaux inscrits, quel que soit leur âge, en pourcentage de la population ayant l'âge officiel prescrit pour l'inscription dans l'année étudiée (les différences peuvent être dues au travail des enfants, domestique ou rémunéré, aux difficultés liées au transport lorsque les distances entre le lieu d'habitation et l'école sont grandes, etc.)

* 8 http://www.meba.gov.bf/SiteMeba/documents/textes/loi-orientation-education-decembre96.pdf

* 9 « Aucun enfant ne doit être exclu du système éducatif avant ses 16 ans révolus, dès lors que les infrastructures, les équipements, les ressources humaines et la réglementation scolaire en vigueur le permettent. » Cf. article 2, page 24

* 10 Malinvaud Edmond, 1994 Education et développement économique, Economie de l'éducation - Economie et Prévision, Paris, page 13

* 11 http://eprints-scd-ulp.u-strasbg.fr:8080/861

* 12Logossah, Kinvi D.A. (1994), Capital humain et croissance économique : une revue de la littérature Economie de l'éducation - Economie et Prévision, Paris, page 21

* 13 « Car les femmes sans aucune instruction ont en moyenne 4 enfants de plus que celles de niveau secondaire et plus (respectivement 7,1 et 2,9) » La démocratisation de l'enseignement au Burkina Faso : que peut-on en dire aujourd'hui ? Cahiers d'études africaines - Paru dans : 169-170 (janvier 2003) Marc Pilon et Madeleine Wayack http://etudesafricaines.revues.org/document190.html?format=print#tocfrom2#tocfrom2

* 14 Logossah, Kinvi D.A. (1994), « Capital humain et croissance économique : une revue de la littérature » Economie de l'éducation - Economie et Prévision, Paris, page 24

* 15 Psacharopoulos, G. et Woodhall, M., (1988) L'éducation pour le développement. Une analyse des choix d'investissements. Economica, Paris page 284

* 16 Cf. la partie I.2.2) du chapitre 1 sur les déterminants extra-économiques de l'éducation et le chapitre 3

* 17 Malinvaud Edmond, 1994 Education et développement économique, Economie de l'éducation - Economie et Prévision, Paris page 13

* 18 En ce sens, c'est donc un système méritocratique où l'individu est entièrement libre de ses choix, où l'offre est homogène et où l'information est parfaite et gratuite.

* 19 Le manque à gagner selon Becker correspond à la productivité marginale actuelle (supposée égale au salaire) moins les coûts directs de l'investissement en capital humain (coût des études)

* 20 Gérard Etienne (1997), La tentation du savoir en Afrique. Politiques, mythes et stratégies d'éducation au Mali. Karthala, Paris, page 51

* 21 http://www.acdi-cida.gc.ca/CIDAWEB/acdicida.nsf/Fr/ANN-61510831-JLE#22

* 22 Psacharopoulos, G. et Woodhall, M., (1988) L'éducation pour le développement. Une analyse des choix d'investissements. Economica, Paris, page 121

* 23 Organisation Internationale du Travail http://www.ilo.org/public/french/bureau/inst/papers/1993/dp57/ch4.htm

* 24 UNESCO http://www.cifedhop.org/publications/perspectives/vuesdafrique3/Nama.pdf

* 25 Etude sur la sous scolarisation des filles réalisée par Sanou Fernand en 1995.

http://www.whep.info/spip.php?article102

* 26 Si on peut différencier la demande sociale d'éducation de la demande privée, nous restreindrons notre étude sur cette-dernière.

* 27 World Bank - Returns to Investments in Education - A global update http://www-wds.worldbank.org/servlet/WDSContentServer/WDSP/IB/1993/01/01/000009265_3961003230826/Rendered/PDF/multi_page.pdf Et UNESCO http://www.cifedhop.org/publications/perspectives/vuesdafrique3/Nama.pdf

* 28 Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture

* 29 Psacharopoulos, G. et Woodhall, M., (1988) L'éducation pour le développement. Une analyse des choix d'investissements. Economica, Paris, page 21

* 30 UNESCO http://www.cifedhop.org/publications/perspectives/vuesdafrique3/Nama.pdf

* 31 Malinvaud Edmond, 1994 Education et développement économique, Economie de l'éducation - Economie et Prévision, Paris, page 2

* 32 Psacharopoulos, G. et Woodhall, M., (1988) L'éducation pour le développement. Une analyse des choix d'investissements. Economica, Paris, page 285

* 33 La demande sociale est constituée de l'ensemble des décisions individuelles

* 34 Psacharopoulos, G. et Woodhall, M., (1988) L'éducation pour le développement. Une analyse des choix d'investissements. Economica, Paris, page 179

* 35 Idem

* 36 Malinvaud Edmond, 1994 Education et développement économique, Economie de l'éducation - Economie et Prévision, Paris, page 1

* 37 Gérard Etienne (1997) La tentation du savoir en Afrique. Politiques, mythes et stratégies d'éducation au Mali. Karthala, Paris, page 25-26

* 38 Antonioli Albert (1993) Le droit d'apprendre. Une école pour tous en Afrique. L'Harmattan, Paris, page 41

* 39 http://www.achpr.org/francais/_info/charter_fr.html

* 40 http://droit.francophonie.org/df-web/publication.do?publicationId=4245

* 41 http://www.meba.gov.bf/SiteMeba/documents/textes/loi-orientation-education-decembre96.pdf

* 42 UNESCO, EPT « L'éducation pour tous en 2015. Un objectif accessible ? » Rapport Mondial de suivi sur l'EPT 2008

* 43 Ce qui signifie qu'une augmentation des facteurs de production engendre une augmentation de la production de plus en plus faible.

* 44 Taux net de scolarisation : nombre d'enfants inscrits à l'école primaire qui sont en âge officiel de fréquenter l'école primaire, exprimé en pourcentage du nombre total d'enfants qui sont en âge officiel de fréquenter l'école primaire. On peut aussi utiliser le taux net de fréquentation scolaire : nombre d'enfants qui fréquentent l'école primaire ou l'école secondaire qui sont en âge officiel de fréquenter l'école primaire exprimé en pourcentage du nombre total d'enfants qui sont en âge officiel de fréquenter l'école primaire.

* 45 Rapport annuel 2007 du PNUD http://www.undp.org/french/publications/annualreport2007/mdgs.shtml#goal2

Note : les pays à revenus élevés, selon la définition de la Banque Mondiale, sont exclus.

* 46 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, page 190

* 47 Nous verrons plus loin l'histoire des politiques éducatives et linguistiques du pays depuis la décolonisation.

* 48 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, page 190

* 49 Respectivement le MASF (Ministère de l'Action Sociale et de la Famille), le MEBA (Ministère de l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation) et le MESSRS (Ministère des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique)

* 50 Cf. schéma en annexe page 93 « Structure du système éducatif »

* 51 Ministère de l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation

* 52 UNESCO, EPT « L'éducation pour tous en 2015. Un objectif accessible ? » Rapport Mondial de suivi sur l'EPT 2008, page 74

* 53 Aghion, P. et Howitt P., (2000). « Théorie de la croissance endogène. » Editions Dunod Théories économiques, Paris, p 362

* 54 Cf. carte des ethnies en annexe page 94

* 55 Cf. carte des langues au Burkina Faso du Summer Institute of Linguistics en annexe page 95 http://www.ethnologue.com/show_map.asp?name=BF&seq=10

* 56 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, page 37

* 57 Association des Universités Partiellement ou Entièrement de Langue Française http://www.unice.fr/ILF-CNRS/ofcaf/6/introduction.htm

* 58 Cf. carte en annexe page 95

* 59 En ce sens, on peut rajouter qu'un Etat est « un groupe d'humain (...) qui se caractérise par la conscience de son unité et la volonté de vivre en commun » et qu'il est difficile de parler de l'« Etat burkinabé » en tant qu'unité étant donné le découpage géographique artificiel des anciennes colonies, dont le Burkina Faso - bien qu'une coexistence pacifique règne entre les peuples qui composent le pays - et la preuve en est la mosaïque culturelle et la situation de multilinguisme avec une langue minoritaire dominante.

* 60 Elle sert de langue d'échange et de communication seulement si les interlocuteurs n'ont aucune langue commune et s'ils sont tout deux lettrés.

* 61 Antonioli Albert, (1993) Le droit d'apprendre. Une école pour tous en Afrique. L'Harmattan, Paris, page 45

* 62 Psychologie de la colonisation française, Ferdinand de Saussure (1898)

* 63 Antonioli Albert, (1993) Le droit d'apprendre. Une école pour tous en Afrique. L'Harmattan, Paris, page 47

* 64 L'Appel de Gaoua sur la qualité de l'enseignement au Burkina Faso du 17 octobre 1986 : http://www.ecoledemocratique.org/spip.php?article442

* 65 Pilon Marc et Wayack Madeleine, 2003 « La démocratisation de l'enseignement au Burkina Faso : que peut-on en dire aujourd'hui ? » Cahiers d'Etudes Africaines. Enseignements. N° 169-170. Paris : édition de l'EHESS, page 66

* 66 Stratégie économique pour un Etat de Démocratie Populaire, éditée par la Direction de la Presse Présidentielle

* 67 Séminaire de Koudougou, Burkina Faso, 1989

* 68 Résultats de l'enquête démographique de 1991, Edition de INSD (1992)

* 69 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, page 211

* 70 Les OMD au Burkina Faso selon le PNUD http://www.pnud.bf/FR/OMD.HTM et le FMI http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2002/03/pdf/mingat.pdf

* 71 http://millenniumindicators.un.org/unsd/mdg/Data.aspx?cr=854

* 72 Les disparités peuvent être vues sous des angles très différents que nous ne verrons pas de manière exhaustive.

* 73 http://www.solidarite-en-action.com/Docs%20sur%20le%20Burkina/Education/politiques_ducatives_et_syst_scolaire_actuel.pdf

* 74 ISU Statistiques - En bref  http://stats.uis.unesco.org/unesco/TableViewer/document.aspx? ReportId=120&IF_Language=fra&BR_Country=8540&BR_Region=40540

* 75 Cela jette un doute sur la qualité des informations disponibles, ce que nous développerons plus loin dans l'analyse.

* 76 http://ddp-ext.worldbank.org/ext/ddpreports/ViewSharedReport?&CF=1&REPORT_ID= 1336&REQUEST_TYPE=VIEWADVANCED&HF=N/IDGProfile.asp

* 77 Groupe d'Etudes sur l'Education en Afrique

http://www.solidarite-en-action.com/Docs%20sur%20le%20Burkina/Education/stats_du_GRETAF.pdf

* 78 Idem

* 79 Gérard Etienne (1997), La tentation du savoir en Afrique. Politiques, mythes et stratégies d'éducation au Mali. Karthala, Paris, page 36

* 80 Idem

* 81 Educating All Children: A Global Agenda, Joel E. Cohen, David E. Bloom, Martin B. Malin (2007) page 2

* 82 Même s'ils informent finalement peu. Le taux de participation (nombre de jours où un élève est présent à l'école, par rapport au nombre de jours que l'école est ouverte) est plus explicite mais les données manquent.

* 83 Malinvaud Edmond, 1994 Education et développement économique, Economie de l'éducation - Economie et Prévision, Paris, page 4

* 84 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, page 3

* 85 Nombre probable d'années qu'un enfant est appelé à passer dans le primaire, y compris les années de redoublement (somme des taux de scolarisation par âge dans l'enseignement primaire).

* 86 http://www.asmp.fr/travaux/gpw/dvptdurable/education_afrique.pdf

* 87 Nombre de redoublants dans une année d'étude donnée lors d'une année scolaire donnée, exprimé en pourcentage de l'effectif de cette année d'étude de l'année scolaire précédente

Rapport mondial de suivi sur l'EPT 2008, UNESCO p. 415

* 88 Pourcentage d'élèves qui abandonnent une année d'études en cours d'année. Il s'agit de la différence entre 100% et la somme des taux de passage (dans l'année d'études suivante) et de redoublement.

* 89 Pourcentage d'une cohorte d'élèves entrés en 1re année d'un cycle d'enseignement (ici, le primaire) lors d'une année scolaire donnée et qui sont censés atteindre une année d'études donnée (ici, la dernière année), avec ou sans redoublement.

* 90 Nombre d'années qu'un individu est susceptible de passer dans le système scolaire, années de redoublement comprises.

* 91 http://www.geopopulation.com/statistiques-mondiales/education/esperance-vie-scolaire/

* 92 Lange Marie-France « Les politiques d'éducation dans les pays du sud », http://www.solidarite-en-action.com/Docs%20sur%20le%20Burkina/Education/politiques_education_pays_du_sud.pdf

* 93 La déperdition scolaire désigne la diminution des effectifs d'une cohorte d'élèves qui résulte essentiellement de la combinaison des exclusions, abandons et redoublements

* 94 http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays? langue=fr&codePays=BFA&codeTheme=4&codeStat=SE.XPD.TOTL.GD.ZS

* 95 http://devdata.worldbank.org/atlas-mdg/

* 96 Le taux de survie est le pourcentage d'élèves entrés en 1re année d'un cycle d'enseignement (ici, le primaire) qui sont censés atteindre une année d'étude donnée (ici, le CM1), avec ou sans redoublement

* 97 Encore une fois, ces chiffres contredisent d'autres données analysées préalablement et qui remettent en question leur validité.

* 98 Il faut prendre en compte le fait que le PNB burkinabé est un des plus faibles du monde.

* 99 http://www.adeanet.org/wgesa/fr/doc/burkinafr/chapitre3.htm

* 100 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, p 141

* 101 « ... promising looking ideas cannot be transported to other places with the same success. » page 903

* 102 L'Initiative de l'UNESCO pour la formation des enseignants en Afrique subsaharienne (TTISSA) (pages 5 et 10) http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001452/145294F.pdf

* 103 «There are no general results regarding which teacher and school variables raise learning in developing countries.» Glewwe Paul (2006) « Schools, teachers, and education outcomes in developping countries », (Handbooks in Economics 26 - Handbook of the Economics of Education - Volume 2) page 987

* 104 Mingat Alain et Suchaut Bruno, (2000), Les systèmes éducatifs africains. Une analyse économique comparative. Pédagogie en développement. DeBoeck Université, Paris, page 269

* 105 Idem page 195

* 106 Déclaration de la Conférence d'écrivains et d'intellectuels d'Afrique : Contre Toute Attente: Langues et littératures africaines dans le 21ème siècle, Asmara, Erythrée, janvier 2000, http://www.bisharat.net/Documents/declaration.htm

* 107 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, page 153

* 108 Résultats de l'enquête démographique de 1991, Edition de INSD (1992)

* 109 Mais les risques de tension entre les ethnies pourraient avoir des conséquences dramatiques, comme nous l'évoquerons plus loin.

* 110 Antonioli Albert, (1993) Le droit d'apprendre. Une école pour tous en Afrique. L'Harmattan, Paris, page 96

* 111 Psacharopoulos, G. et Woodhall, M., (1988) L'éducation pour le développement. Une analyse des choix d'investissements. Economica, Paris, page 160

* 112 Glewwe Paul (2006) « Schools, teachers, and education outcomes in developping countries », Handbooks in Economics 26 - Handbook of the Economics of Education - Volume 2, page 959

* 113 Psacharopoulos, G. et Woodhall, M., (1988) L'éducation pour le développement. Une analyse des choix d'investissements. Economica, Paris, page 163

* 114 Antonioli Albert, (1993) Le droit d'apprendre. Une école pour tous en Afrique. L'Harmattan, Paris, page 98

* 115 Idem, page 99

* 116 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, p 146

* 117 Déclaration de la Conférence d'écrivains et d'intellectuels d'Afrique : Contre Toute Attente: Langues et littératures africaines dans le 21ème siècle, Asmara, Erythrée, janvier 2000, http://www.bisharat.net/Documents/declaration.htm

* 118 La langue maternelle est définie comme la langue première, celle qui est apprise en premier par l'enfant et pas forcément la langue de la génitrice

* 119 Définition du Dictionnaire de notre temps Hachette (1992)

* 120 Delamotte Éric, (2004), « Anthropologie de l'éducation : pour un tour du monde » no 17 -2006/1 « Du partage au marché. Regards croisés sur la circulation des savoirs » Education et société De Boeck Université (coord.), http://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2006-1-page-159.htm

* 121 Houtman Gustaaf, 2004, Why education matters to anthropology. An interview with Sue Wright. Anthropology today, special issue anthropology and education, vol 20 n° 6, dec. 2004, London: Royal Anthropological Institute Collection, page 16

* 122 Idem

* 123 Olivier De Sardan, J.P., 1991, « Savoir populaires et agents de développement » D'un savoir à l'autre. Les agents de développement comme médiateurs, Olivier de Sardan et Paquot (eds), Paris : GRET-Ministère de la Coopération et du Développement, page 27

* 124 Kellermann Luce, (1992) La dimension culturelle du développement. Bibliographie sélective et annotée 1985-1990, UNESCO. L'Harmattan, Paris, page 195

* 125 Olivier De Sardan, J.P., 1998, « Une anthropologie de l'innovation est-elle possible ? » Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social, Edition APAD, Karthala, page 77

* 126 Kellermann Luce, (1992) La dimension culturelle du développement. Bibliographie sélective et annotée 1985-1990, UNESCO. L'Harmattan, Paris, page 195

* 127 Idem

* 128 Il prend l'exemple d'une campagne de vaccination qui ne prendrait pas en compte, au préalable des procédures thérapeutiques locales ou des « rapports entre hommes et génies ».

* 129 Olivier De Sardan, J.P., 1991, « Savoir populaires et agents de développement » D'un savoir à l'autre. Les agents de développement comme médiateurs, Olivier de Sardan et Paquot (eds), Paris : GRET-Ministère de la Coopération et du Développement, page 23

* 130 Idem, page 20

* 131 Idem, page 22

* 132 Sotiropoulos, L. (2003), « La recherche anthropologique en éducation : quelques adaptations possibles de la méthode », SPIRAL Revue de recherches en Éducation, 31, pp.88

* 133 Hallu R, (1978) Bilan et limites des enquêtes statistiques à objectifs macro-économiques réalisées en Afrique francophone de 1955 et 1970 Enquête et outils statistiques. Volume 2. Bilan critique et propositions. Brochure n° 19. Amélioration des Méthodes d'Investigation et de Recherches Appliquées au Développement (amira), Paris, page 78

* 134 Idem

* 135 Idem

* 136 Charlier Jean-Émile (2003) « L'influence des organisations internationales sur les politiques d'éducation. La douce violence de la «Méthode ouverte de coordination» et de ses équivalents » Education et société, no 12 2003/2 De Boeck Université, Paris http://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2003-2-page-5.htm

* 137 Hallu R, (1978) Bilan et limites des enquêtes statistiques à objectifs macro-économiques réalisées en Afrique francophone de 1955 et 1970 Enquête et outils statistiques. Volume 2. Bilan critique et propositions. Brochure n° 19. Amélioration des Méthodes d'Investigation et de Recherches Appliquées au Développement (amira), Paris, page 79

* 138 Lange Marie-France, 2002, « Vers de nouvelles recherches en éducation » Cahiers d'Etudes Africaines. Enseignements. N° 169-170. EHESS, Paris, page 10

* 139 Olivier De Sardan, J.P., 1998, « Une anthropologie de l'innovation est-elle possible ? » Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social, Edition APAD, Karthala, page 81

* 140 Lange Marie-France, 2002, « Vers de nouvelles recherches en éducation » Cahiers d'Etudes Africaines. Enseignements. N° 169-170. EHESS, Paris page 12

* 141 Roser Cussó (2003) « L'influence des organisations internationales sur les politiques d'éducation. Les statistiques de l'éducation de l'UNESCO : restructuration et changement politique » Education et société no 12 2003/2 De Boeck Université http://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2003-2-page-57.htm

* 142 Concrètement, en raison de procédures techniques et statistiques désuètes, des problèmes comme la non-mise à jour automatique des données démographiques, l'absence de validation auprès des sources nationales officielles, ou encore la comparaison de données de différentes périodes temporelles, ont fourni des données erronées.

* 143 Roser Cussó (2003) « L'influence des organisations internationales sur les politiques d'éducation. Les statistiques de l'éducation de l'UNESCO : restructuration et changement politique » Education et société no 12 2003/2 De Boeck Université http://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2003-2-page-57.htm

* 144 Idem

* 145 Charlier Jean-Émile (2003) « L'influence des organisations internationales sur les politiques d'éducation. La douce violence de la «Méthode ouverte de coordination» et de ses équivalents » Education et société, no 12 2003/2 De Boeck Université, Paris http://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2003-2-page-5.htm

* 146 Beaucoup d'enfants sont confiés chez des membres de la famille élargie pour poursuivre des études et l'origine sociale a considérer est donc celle de cette famille. De plus, dans certains cas, et de plus en plus avec les projets de microcrédits notamment, la mère de famille apporte une part importante du revenu, c'est donc la profession ou le revenu du « chef de famille » sur auquel il faut s'intéreser. Enfin, dans le cas d'enfants orphelins, la catégorie sociale "décédé" « ne renseigne en rien sur l'origine sociale de l'élève. » - M. Pilon et M. Wayack (2003) page 69

* 147 Pilon Marc et Wayack Madeleine, 2003 « La démocratisation de l'enseignement au Burkina Faso : que peut-on en dire aujourd'hui ? » Cahiers d'Etudes Africaines. Enseignements. N° 169-170. Paris : édition de l'EHESS page 69

* 148. Hallu R, (1978) Bilan et limites des enquêtes statistiques à objectifs macro-économiques réalisées en Afrique francophone de 1955 et 1970 Enquête et outils statistiques. Volume 2. Bilan critique et propositions. Brochure n° 19. Amélioration des Méthodes d'Investigation et de Recherches Appliquées au Développement (amira), Paris, page 81

* 149 D'autres journaux comme l'Indépendant, le Bendré, Le journal du Jeudi, le Centre National de Presse Norbert Zongo, San Finna ou encore l'Evénement ne proposent pas en ligne d'article sur le sujet.

* 150 Norbert Zongo, journaliste burkinabé et directeur de l'hebdomadaire L'Indépendant a été assassiné en 1998 avec trois autres personnes, alors qu'il enquêtait sur la mort suspecte du chauffeur de François Compaoré, le frère du président du Burkina Faso. Si l'affaire n'a jamais été résolue, parce que le gouvernement l'aurait étouffée, l'implication du président actuel Blaise Compaoré est plus que soupçonnée.

* 151 Article « L'école bilingue au Burkina Faso : les réalités socioculturelles prises en compte » paru le jeudi 8 mai 2003 dans l'Observateur Paalga (Cyr Payim Ouédraogo) http://www.abcburkina.net/content/view/50/45/lang,fr/

* 152 Article « L'éducation bilingue : une alternance sûre pour l'intégration de l'école dans son milieu » paru le 1er juin 2004 dans Sidwaya (Clarisse HEMA) http://lefaso.net/spip.php?article2438

* 153 Article « L'éducation bilingue : une alternance sûre pour l'intégration de l'école dans son milieu » paru le 1er juin 2004 dans Sidwaya (Clarisse HEMA) http://lefaso.net/spip.php?article2438

* 154 Idem

* 155 Article « Finies les vacances, vive la rentré scolaire ! » paru dans Sidwaya, le 1er octobre 2007, (Jean-Paul KONSEIBO) http://lefaso.net/spip.php?article23734

* 156 L'OSEO (l'OEuvre suisse d'entraide ouvrière), association créée en 1936 par le parti socialiste pour éliminer les discriminations et les privilèges, qui s'intéresse depuis 1947 à l'éducation de base formelle et non formelle et qui est à la base de l'école bilingue au Burkina Faso.

* 157 Géraldine André, 2008, L'éducation comme entreprise. Légitimations marchande, civique et culturelle dans le champ scolaire au Burkina Faso (Fucam/Gresas) publication à venir, page 8

* 158 Article « L'éducation bilingue : une alternance sûre pour l'intégration de l'école dans son milieu » paru le 1er juin 2004 dans Sidwaya (Clarisse HEMA) http://lefaso.net/spip.php?article2438

* 159 Article « Education bilingue : L'OSEO prospecte à Barga » paru dans Le Pays le 18 octobre 2005 (Lassina SANOU) http://lefaso.net/spip.php?article10269

* 160 http://www.unesco.org/uil/literacyprogrammes/02_fr.html

* 161 Article « Yuumda kumbame » paru le 16 juillet 2008 dans l'Observateur Paalga (Abdou Karim Sawadogo) http://www.lobservateur.bf/spip.php?article8629

* 162 Article « L'éducation bilingue : une alternance sûre pour l'intégration de l'école dans son milieu » paru le 1er juin 2004 dans Sidwaya (Clarisse HEMA) http://lefaso.net/spip.php?article2438

* 163 Article « Ecole classique et enseignement bilingue : D'anciens élèves témoignent » paru le 28 juin 2007 dans Le Pays (Jacques Sibalo, Désirée Tapsoba & Constance Lavoie) http://www.fasopresse.net/article.php3?id_article=10759

* 164 Article « Le soleil des indépendances « Entretien avec M. Soungalo Ouédraogo : Notre priorité reste l'enseignement de base » paru dans Le français dans le monde N°16 mai 2008 CLE International

* 165 Article « L'école bilingue au Burkina Faso : les réalités socioculturelles prises en compte » paru le jeudi 8 mai 2003 dans l'Observateur Paalga (Cyr Payim Ouédraogo) http://www.abcburkina.net/content/view/50/45/lang,fr/

* 166 Article « Education bilingue : L'OSEO prospecte à Barga » paru dans Le Pays le 18 octobre 2005 (Lassina SANOU) http://lefaso.net/spip.php?article10269

* 167 Article « Alphabétisation et éducation non formelle : Des fonds privés sollicités pour plus de résultats » paru le 24 septembre 2007 dans le Sidwaya (Lassiné KONE) http://lefaso.net/spip.php?article23599

* 168 Article « Sport et production agricole à l'école : Ziniaré II sur la bonne voie » paru le 9 mai 2007 dans Sidwaya (Daouda Emile OUEDRAOGO) http://www.fasopresse.net/article.php3?id_article=10236

* 169 Article « L'école bilingue au Burkina Faso : les réalités socioculturelles prises en compte » paru le jeudi 8 mai 2003 dans l'Observateur Paalga (Cyr Payim Ouédraogo) http://www.abcburkina.net/content/view/50/45/lang,fr/

* 170 Paul Taryam Ilboudo, responsable de l'OSEO-Burkina Faso, dans l'article « Enseignement bilingue : une délégation suisse à Nomgana » paru le 24 janvier 2005 dans Sidwaya (Boureima SANGA) http://lefaso.net/spip.php?article5673

* 171 Article « L'éducation bilingue : une alternance sûre pour l'intégration de l'école dans son milieu » paru le 1er juin 2004 dans Sidwaya (Clarisse HEMA) http://lefaso.net/spip.php?article2438

172 Article « Ecole classique et enseignement bilingue : D'anciens élèves témoignent » paru le 28 juin 2007 dans Le Pays (Jacques Sibalo, Désirée Tapsoba & Constance Lavoie) http://www.fasopresse.net/article.php3?id_article=10759

* 173 Article « Yuumda kumbame » paru le 16 juillet 2008 dans l'Observateur Paalga (Abdou Karim Sawadogo) http://www.lobservateur.bf/spip.php?article8629

* 174 http://www.unesco.org/uil/literacyprogrammes/02_fr.html

* 175 Paul Taryam Ilboudo, responsable de l'OSEO-Burkina Faso, dans l'article « Enseignement bilingue : une délégation suisse à Nomgana » paru le 24 janvier 2005 dans Sidwaya (Boureima SANGA) http://lefaso.net/spip.php?article5673

* 176 http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc06/FDOC10837.htm

* 177 Article « Alphabétisation au Burkina : S'adapter aux enjeux de la mondialisation » paru le 21 septembre 2007 dans Le Pays (Le Fou) http://www.lefaso.net/spip.php?article23577

* 178 Idem

* 179 Article « Enseignement des langues nationales en Afrique : Un facteur essentiel d'efficacité de l'éducation » paru le 16 août 2005 dans Sidwaya (Hamado NANA) http://www.lefaso.net/spip.php?article9062

* 180 Article « L'école bilingue au Burkina Faso : les réalités socioculturelles prises en compte » paru le jeudi 8 mai 2003 dans l'Observateur Paalga (Cyr Payim Ouédraogo) http://www.abcburkina.net/content/view/50/45/lang,fr

* 181 Antonioli Albert, (1993) Le droit d'apprendre. Une école pour tous en Afrique. L'Harmattan, Paris, page 134

* 182 Article « Yuumda kumbame » paru le 16 juillet 2008 dans l'Observateur Paalga (Abdou Karim Sawadogo) http://www.lobservateur.bf/spip.php?article8629

* 183 Article « L'école bilingue au Burkina Faso : les réalités socioculturelles prises en compte » paru le jeudi 8 mai 2003 dans l'Observateur Paalga (Cyr Payim Ouédraogo) http://www.abcburkina.net/content/view/50/45/lang,fr

* 184 Article « Yuumda kumbame » paru le 16 juillet 2008 dans l'Observateur Paalga (Abdou Karim Sawadogo) http://www.lobservateur.bf/spip.php?article8629

* 185 Article « Ils ont apporté la lumière à nos enfants » paru le 7 juin 2007 dans l'Observateur Paalga (Ousséni Ilboudo) http://www.lobservateur.bf/spip.php?article6451&var_recherche=bilingue

* 186 Idem

* 187 Article « Yuumda kumbame » paru le 16 juillet 2008 dans l'Observateur Paalga (Abdou Karim Sawadogo) http://www.lobservateur.bf/spip.php?article8629

* 188 Sanogo Mamadou Lamine Le rôle des mouvements associatifs dans la défense des minorités linguistiques au Burkina Faso, INSS-CNRST, Ouagadougou http://www.dcam.auf.org/IMG/rtf/sanogo.rtf

* 189 Article « Enseignement des langues nationales en Afrique : Un facteur essentiel d'efficacité de l'éducation » paru le 16 août 2005 dans Sidwaya (Hamado NANA) http://www.lefaso.net/spip.php?article9062

* 190 Article « L'école bilingue au Burkina Faso : les réalités socioculturelles prises en compte » paru le jeudi 8 mai 2003 dans l'Observateur Paalga (Cyr Payim Ouédraogo) http://www.abcburkina.net/content/view/50/45/lang,fr/

* 191 Article « Ecole classique et enseignement bilingue : D'anciens élèves témoignent » paru le 28 juin 2007 dans Le Pays (Jacques Sibalo, Désirée Tapsoba & Constance Lavoie) http://www.fasopresse.net/article.php3?id_article=10759

* 192 Article « L'école bilingue au Burkina Faso : les réalités socioculturelles prises en compte » paru le jeudi 8 mai 2003 dans l'Observateur Paalga (Cyr Payim Ouédraogo) http://www.abcburkina.net/content/view/50/45/lang,fr/

* 193 « Famine éducative en Afrique, j'ai soif de comprendre : éducation bilingue au Burkina Faso » Revue des Sciences de l'Education de McGill, vol. 43 no 1 hiver 2008 McGill University http://mje.mcgill.ca/article/viewFile/1043/2084

* 194 http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc06/FDOC10837.htm

* 195 Article « Enseignement de base : Des partenaires au Centre Manegdbzanga et aux écoles bilingues de Loumbila » paru le 6 avril 2006 dans Sidwaya (Karim Nongba SAWADOGO) http://www.ibe.unesco.org/French/poverty/Services/Seminaire/3seminaire/Articles_Presse_Ouaga_mars06/Sidwaya_Visite_Centre_Edu_Bilingue.pdf

* 196 Article « Enseignement bilingue : La 110e école bilingue inaugurée à Koudougou » paru dans le Fasozine le 16 mai 2005 (François KABORE) http://www.lefaso.net/spip.php?article7299

* 197 Paul Taryam Ilboudo, responsable de l'OSEO-Burkina Faso, dans un article du Sidwaya paru le 24 janvier 2005 « Enseignement bilingue : une délégation suisse à Nomgana » (Boureima SANGA) http://lefaso.net/spip.php?article5673

* 198 Discours de Kédrébéogo, G. le 19 octobre 1998 « La situation linguistique du Burkina Faso. Communication au séminaire-atelier » organisé par le Conseil Supérieur de l'Information. Ouagadougou.

* 199 Article « Alphabétisation au Burkina : S'adapter aux enjeux de la mondialisation » paru le 21 septembre 2007 dans Le Pays (Le Fou) http://www.lefaso.net/spip.php?article23577

* 200 Article « Alphabétisation au Burkina : S'adapter aux enjeux de la mondialisation » paru le 21 septembre 2007 dans Le Pays (Le Fou) http://www.lefaso.net/spip.php?article23577

* 201 Pour de nombreux spécialistes des sciences de l'éducation, il est temps d'introduire les NTIC dans les formations et à l'école.

* 202 Article « Education bilingue : Radioscopie d'une décennie » paru le 24 février 2006 dans l'Observateur Paalga (Abdou Karim Sawadogo) http://lefaso.net/spip.php?article12628

* 203 Article « Alphabétisation et éducation non formelle : Le CES en appelle à une mobilisation sociale » paru le 13 septembre 2007 dans Sidwaya (Hamadou TOURE)

http://www.fasopresse.net/article.php3?id_article=11397

* 204 Article « Ils ont apporté la lumière à nos enfants » paru le 7 juin 2007 dans l'Observateur Paalga (Ousséni Ilboudo) http://www.lobservateur.bf/spip.php?article6451&var_recherche=bilingue

* 205 Article « Education bilingue : Radioscopie d'une décennie » paru le 24 février 2006 dans l'Observateur Paalga (Abdou Karim Sawadogo) http://lefaso.net/spip.php?article12628

* 206 Comme en 1979 avec le projet de division du pays en trois zones linguistiques qui s'était soldé par un échec du fait du manque d'organisation.

* 207 Article « Enseignement des langues nationales en Afrique : Un facteur essentiel d'efficacité de l'éducation » paru le 16 août 2005 dans Sidwaya (Hamado Nana) http://www.lefaso.net/spip.php?article9062

* 208 http://indexmundi.com/map/?v=39&l=fr

* 209 http://www.deza.admin.ch/ressources/resource_fr_157235.pdf






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo