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Une gestion des terres conflictuelle: du monopole foncier de l'état à  la gestion locale des Mongo (territoire de Basankusu, République Démocratique du Congo).

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par Ulysse BOURGEOIS
Université d'Orléans - Maà®trise de géographie 2009
  

Disponible en mode multipage

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Université d'Orléans - UFR des Lettres, Langues et Sciences Humaines

Département de Géographie

Une gestion des terres conflictuelle :

du monopole foncier de l'Etat à la

gestion locale des Mongo

(Territoire de Basankusu,

République Démocratique du Congo).

MEMOIRE DE RECHERCHE

Master en Sciences Humaines et Sociales

Mention: Géographie et Aménagement

Spécialité : Territoires et développement durable dans les pays industrialisés, en développement ou en émergence.

Présenté par : Sous la direction de :

Ulysse BOURGEOIS M. Denis CHARTIER

(Maître de conférences en Géographie)

Membres du Jury :

Pierre-Armand ROULET

(chercheur en Géographie)

Denis CHARTIER

(professeur des université et chercheur à l'Institut de recherche pour le développement)

28/09/2009

Ce travail est bien évidemment dédié au lecteur, à mes proches, familiaux ou non, mais je le dédie particulièrement aux Mongo avec une pensée pour les paysans.

Une gestion des terres conflictuelle :

du monopole foncier de l'Etat à la

gestion locale des Mongo

(Territoire de Basankusu, RDC).

Photographie 1 :

Une parcelle de manioc et des arbres servant pour les limites de propriétés

Présenté par : Sous la direction de :

Ulysse BOURGEOIS M. Denis CHARTIER

(Maître de conférences en Géographie)

Mots clefs : Afrique centrale, appropriation, conflit foncier, droit coutumier, droit foncier,

Etat, forêt tropicale, gestion foncière, histoire, propriété foncière, Mongo

Résumé :

Le propriété des terres en Afrique est marquée par des interactions entre deux manières de gérer les terres. D'après le droit juridique, l'Etat est le seul est le propriétaire foncier. Cependant, en zone rurale et forestière, il existe des pratiques foncières anciennes, et les population locales ont également des droits fonciers, indépendamment de l'Etat. Située au coeur des forêts du bassin du Congo, la République Démocratique du Congo est un pays où l'on observe des modes coutumiers de gestion des terres. De nombreuses populations dépendent de ces forêts pour leur survie. C'est le cas de la population Mongo vivant dans les forêts équatoriales au centre du pays. La gestion des terres de cette population est au coeur des enjeux que représentent les forêts. Entre un Etat aux multiples difficultés, et les populations Mongo, la gestion foncière est marquée par différentes manières de s'approprier la terre. D'où des tensions voire des conflits entre deux acteurs fonciers différents.

Keywords : central Africa, appropriation, land conflict, customary law, land rights, State,

tropical forest, land administration, history, landed property, Mongo.

Abstract :

The land property in Africa is marked by the interactions between two ways of land management. According to the legal right, the State is the only landowner. However, in rural and forestry areas, there are old land administrations and the local populations also have State-independent land rights. Located in the center of the Congo bassin forests, the Democratic Republic of Congo is a country with customary land administrations. Many populations depend on forest to survive. The way this population administrates the land is the stake which constitutes the forests. Between a numerous-problem State, after many years of political troubles, the landed property is marked by different ways of land appropriation . As a result we can notice tensions and conflits between two differents land players.

SOMMAIRE

Sommaire p. 04

Remerciements

Introduction p. 07

PARTIE I 

Le rôle de l'Etat en matière foncière depuis la colonisation jusqu'à la République Démocratique du Congo p. 14

Chapitre 1. La propriété de la terre lors de la période coloniale:

un autoritarisme foncier p. 15

1. La période pré-coloniale p. 16

2. La colonisation : les relations entre l'administration coloniale

et les populations locales p. 17

Chapitre 2. Les différentes lois régissant le foncier en zone rurale p. 30

1. La nouvelle constitution et la gestion des terres coutumières p. 30

2. La loi de 1973 : une référence p. 33

3. La loi foncière de 1980 p. 36

Chapitre 3. Le code forestier de 2002 p. 39

1. Les grands ensembles forestiers selon le droit forestier p. 39

2. Les droits d'usage selon les différents types de forêts p. 41

3. L'aménagement des forêts p. 42

Synthèse p. 45

PARTIE II 

La population Mongo : l'imbrication entre la société et le domaine foncier p. 46

Chapitre 1. Une population au coeur du bassin du Congo. p. 48

1. Localisation au sein de la RDC p. 48

2. L'arrivée de la population Mongo dans la cuvette du bassin du Congo et

en particulier dans le Territoire de Basankusu p. 49

3. Une culture très liée à la nature p. 53

Chapitre 2. Une société complexe et hiérarchisée p. 55

1. Les différenciations au sein de l'Ethnie Mongo p. 55

2. L'organisation sociale p. 56

3. L'organisation politique en zone rurale p. 58

Chapitre 3. La répartition des terres chez les populations Mongo p. 62

1. La propriété des forêts d'après les enquêtes p. 64

2. Les délimitations spatiales entre les différents propriétaires des forêts p. 70

3. Comment et pourquoi obtenir une portion de forêt

selon la coutume Mongo ? p. 72

Chapitre 4. Les règles foncières selon les modes d'utilisations de l'espace :

étude de cas à l'échelle d'un village p. 75

1. Les espaces anthropisés p. 76

2. Les espaces naturels : forêts et cours d'eau p. 81

3. Les limites entre les propriétaires p. 85

Chapitre 5. L'interdépendance entre les structures familiales

et la gestion des terres p. 86

1. La généalogie et l'évolution du finage p. 86

2. La répartition des terres entre les lignées d'un clan p. 88

3. Un acteur prépondérant en matière foncière : le chef de lignée p. 93

Synthèse p. 95

PARTIE III : Les relations difficiles entre deux manières de gérer les terres p. 96

Chapitre 1. Les conflits fonciers p. 97

1. Les conflits à l'échelle du village : à l'intérieur de la société Mongo p. 98

2. Les conflits entre les chefs de terres et les concessions privées p. 104

3. Les tensions entre les terres urbaines et les propriétaires coutumiers p. 112

4. Les différentes manières pour résoudre juridiquement

les conflits fonciers p. 114

Chapitre 2. Une gestion territoriale conflictuelle entre les populations et l'Etat p. 117

1. L'exercice de l'Etat en matière de foncier : un pouvoir à relativiser p. 118

2. Les acteurs fonciers dans le cas d'une cession de terre p. 120

3. La forêt limite-t-elle l'autorité de l'Etat ? p. 122

Chapitre 3. Les interactions entre la gestion coutumière et la conservation. p. 125

1. Modifier l'utilisation des forêts: le cas de la chasse p. 126

2. L'organisation foncière de l'espace: un atout pour la conservation? p. 129

Synthèse p. 132

Conclusion générale p. 133

Bibliographie p. 137

Liste des documents p. 141

Liste des entretiens p. 143

Annexe 1: Définitions p. 145

Annexe 2 : Entretien avec le Patriarche du clan Bafaka p. 148

Annexe 3 : Entretien avec le chef de la lignée Bokewa p. 159

Annexe 4 : Un titre foncier coutumier p. 161

Annexe 5 : Tableau récapitulatif sur l'évolution des principales activitées

économiques et leurs droits d'usage p. 162

Ces recherches furent une expérience marquante. Je tiens à remercier le professeur Denis Chartier, sans qui ce stage n'aurait pas eu lieu. Je remercie les membres d'African Wildlife Foundation et particulièrement ma maître de stage : Florence Mazzocchetti pour avoir pris le temps de nous aider à faire ces recherches de terrain. Je remercie aussi Jef Dupain pour ses conseils prudents et pour cette opportunité de stage en République Démocratique du Congo. Je salue profondément le professeur Antoine Tabu pour m'avoir donné de grandes indications et des aides pour mes recherches, et aussi Théo Way Nana pour son aide et son amitié. Nombreuses sont les personnes qui ont contribué à ce travail, d'une manière toujours dévouée. Je pense ainsi aux gardiens de AWF qui nous ont beaucoup appris sur les coutumes et les usages de mise auprès des Mongo : Pitchou, Antonio, Anifa, Cobra, Guyguy et les autres. Je pense également à Maoua et sa précieuse expérience.

Mes recherches avec les habitants du village de Boondjé, sont dues non pas à AWF, mais au Président Daniel Likemba Bokoto. Je peux affirmer sans le moindre doute que sans lui, ce travail de recherche aurait été incomplet et insuffisant. Je suis dans ce sens reconnaissant auprès de la Prodaelpi et d'Acebo1(*). Je pense à Valentin, Secrétaire de la Prodaelpi, et à Pierre Bokewa, Président d'Acebo. L'accueil qui nous a été réservé au village grâce à eux, et grâce aux habitants a été des plus chaleureux. Merci à Jean-Robert et Pierre de nous avoir offert un toit, et d'avoir pris soin de nous comme un père pour ses fils. Merci également à mes compagnons de travail : Luyéyé, l'Agronome, le chef de localité de Boondjé, et aussi Daniel Likemba Botoko. Ce travail est pour une bonne partie aussi le leur. Je les remercie pour tout cela.

De la même manière que l'Equateur et les Mongo furent pour moi une découverte, la géographie en fût une aussi pour les personnes citées précédemment. Ma dernière reconnaissance s'adresse à cette science : la géographie, qui apprécie les voyages.

Introduction

L'homme ne peut vivre sans la terre. Les ressources fournies par la nature sont indispensables à sa survie, qu'il s'agisse des activités de chasse, de cueillette ou de l'agriculture. La terre est un des biens le plus précieux des sociétés humaines. Elle est source de richesses autant que de rivalités. Chaque société a besoin de terres pour vivre, et de la même manière qu'il existe une grande variété de sociétés, il existe presque autant de type d'occupation de l'espace.

A l'échelle mondiale, l'histoire montre bien que les conquêtes militaires sont la plupart du temps liées à la volonté de s'approprier tel ou tel territoire. Pour des ressources par exemple, ou pour des stratégies politiques. Les conflits fonciers ont parfois des répercutions sur la géopolitique de certaines régions. Les exemples de telles tensions ne manquent pas en Afrique, entre des populations d'éleveurs et d'agriculteurs. Certains problèmes locaux peuvent se transformer en conflits régionaux plus graves comme des affrontements armés. Ces tensions sont très fréquemment analysées comme des conflits ethniques alors qu'ils concernent souvent des conflits d'usages sur les terres. Cubrilo M. et Goislard C. donnent l'exemple de la région des Grands Lacs : « les affrontements des dernières années de l'Afrique des grands lacs ne peuvent pas être analysés sous le seul angle des rivalités inter-ethniques. La dimension foncière paraît constituer un élément explicatif important 2(*) ». Les migrations (une des plus importantes dans l'histoire) qui ont eut lieu suites aux conflits et aux massacres dans cette région très instable de l'Afrique, entre le Rwanda, l'Ouganda le Burundi et la République Démocratique du Congo, posent à n'en pas douter de très graves tensions autour de l'accès à la terre.

Le continent africain est un exemple particulier des jeux d'échelles à propos de la question foncière. Au niveau national, l'Etat est l'acteur foncier principal, mais contrairement à l'Europe, d'autres types de gestions foncières existent selon les régions. En Afrique, l'Etat a été mis en place suite à l'implantation européenne lors de la période coloniale. Le rôle juridique et l'organisation des pouvoirs politiques sont hérités du droit européen. Pourtant d'autres maîtrises foncières existent, principalement en zone rurale. Anciennement, le foncier africain était marqué par des formes collectives de propriétés, interdépendantes de l'organisation sociale. La terre était perçue différemment par rapport à la conception des Etats coloniaux. Dans la gestion traditionnelle, la terre n'appartenait pas à l'homme, mais c'est l'homme qui appartenait à la terre. La maîtrise foncière de l'Etat sur les populations africaines est passée par la modification de gestions des terres dites traditionnels ou coutumiers. Au niveau local, le domaine foncier était régit par les sociétés présentes sur des terres qu'elles considéraient légitimement comme leurs propriétés. Considérée avec mépris par les administrations coloniales, la gestion coutumière a été volontairement réorganisée et modifiée pour assurer la mainmise de l'Etat sur les ressources naturelles et sur les populations locales. Aux yeux de la majorité des européens, elle semblait « primitive » dans un contexte où la civilisation était signe de modernité et de nouveauté.

Il existe encore en Afrique des modes de gestion hérités de traditions anciennes. On utilise alors le terme coutumier. Il désigne la manière dont une population gère localement ses territoires, avec des règles et des traditions anciennes. Qui plus est, ce sont des règles antérieures à la création des Etats-nations. La présence de systèmes fonciers anciens et de la maîtrise foncière de l'Etat rend la gestion territoriale complexe. Une grande variétée de systèmes fonciers agissent sur l'espace. Selon les échelles, la terre va être appropriée de différentes manières avec des interactions et parfois des divergences sur la façon dont on considère l'espace. La terre se retrouve donc au coeur de nombreux conflits liés à différentes conceptions du foncier.

Présentation de la République Démocratique du Congo.

Située en Afrique centrale, la République Démocratique du Congo est un pays où la diversité ethnique se traduit par une grande variétée de systèmes fonciers, dont certains sont « coutumiers ». Ce pays d'Afrique centrale dispose d'un territoire national très vaste : la troisième superficie des pays d'Afrique, soit 2 345 000 km². La population n'est pas importante, la densité de population est en effet d'environ 27 hab./km². La majorité de la population vit en zone rurale (68 % de la population totale3(*)) et dépend du travail de la terre et des ressources forestières. Le territoire national de la RDC est composé de nombreuses forêts dont le rôle est primordial pour la survie des populations. La pauvreté étant très importante, l'agriculture ainsi que les forêts sont bien souvent les seules richesses dont disposent les populations vivant en zone rurale. La RDC est située sur une partie du bassin du Congo que l'on nomme la cuvette centrale. Celle-ci se situe dans le vaste bassin versant du fleuve Congo. Ce bassin couvre une surface d'environ 750 000 km², et se trouve sur 9 pays d'Afrique Centrale (RDC, République du Congo, Angola, Zambie, Tanzanie, Rwanda, Burundi, République Centrafrique et Cameroun). Le bassin est localisé entre les parallèles 9°N et 14°S et entre les méridiens 11°E et 34°E. Le réseau hydrographique est plus important que la cuvette sédimentaire, et le fleuve Congo est le second fleuve au monde de part son débit, ainsi que le cinquième concernant la longueur de son cours (4700 kilomètres). Du fait de ces caractéristiques, ce bassin sédimentaire est « l'archétype africain du climat dit « équatorial », ou forestier 4(*)».

Cet ensemble forestier dispose d'une biodiversité d'intérêt mondial. On y trouve des espèces endémiques comme certaines espèces de primates (le bonobo par exemple). Le pays dispose dans certaines régions, d'un environnement naturel encore préservé.

La conservation de la nature par African Wildlife Foudation.

C'est dans ce contexte que l'ONG African Wildlife Foundation a décidé d'agir dans la Province de l'Equateur. AWF est une ONG internationale qui oeuvre dans la conservation d'espaces naturels. De nationalité kenyane, elle a été créée en 1961 à l'initiative d'un groupe de chasseurs influents. Elle a pour rôle la protection d'espaces écologiques à haute valeur en biodiversité afin de rendre écologiquement, économiquement et socialement viable certaines zones forestières. Le rôle d'AWF vise à assurer la sauvegarde d'espèces animales emblématiques telles que les bonobos, les rhinocéros et d'autres. Cette ONG est présente dans toute la partie sud de l'Afrique (Afrique du Sud, Botswana, Zambie, Zimbabwe, Mozambique, Tanzanie, Kenya), et depuis 2006, elle a étendu son action à la RDC. Depuis 2002, la RDC a établi un agenda prioritaire avec comme volonté du pouvoir congolais en place, de faire passer la superficie nationale des aires protégées de 8% à 15%. C'est pour répondre à ces objectifs chiffrés que l'ONG est en charge de l'aménagement de la Réserve de Lomako Yokokala. D'une superficie de 3600 km², elle s'inscrit dans une région plus vaste appelée Maringa-Lopori-Wamba. Elle se situe dans la Province de l'Equateur. Cet ensemble écologique a été délimité par le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC) qui regroupe une trentaine d'OG et d'ONG dont le but premier est de mettre en place des programmes de conservation et de gestion durable des forêts du bassin du Congo. AWF est chargée de coordonner les actions dans le paysage M.L.W., avec des partenaires tels que USAID avec le programme Central Africa Regional Programme for Environment (CARPE), ou encore avec l'Agence Française de Développement (FFEM). Le tout sous contrôle de l'Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN). La totalité du paysage est concernée par les programmes de conservation, avec la réalisation de mosaïques de conservation, avec des zones de chasses communautaires, ou encore avec la mise en place de forêts communautaires. D'une manière générale, il ne s'agit pas de faire de la conservation strictement in situ. Les besoins en développement économique sont importants pour les populations, et les acteurs environnementaux en ont conscience

Comment affirmez vous ça (source de l'info).

. Cela concerne par exemple le rétablissement des échanges commerciaux. En effet, l'impact des problèmes politiques des dernières guerres a bouleversé les activités et la pression sur les milieux forestiers. Ainsi, avec les difficultés de transport, les filières agricoles ont été stoppées lors des guerres, et il y a depuis cette période une forte prédominance de la chasse, qui concerne la totalité de la région. D'où la volonté de développer des infrastructures et des mesures économiques pour rétablir et réactiver les anciennes structures économiques.

De nombreuses populations se trouvent dans la Province de l'Equateur. La plus importante est la population Mongo. Issue du grand groupe Bantou, elle représente la grande majorité du peuplement de la région. En terme de population, c'est la troisième ethnie de la RDC. La conservation nécessite de prendre en compte la manière dont les populations locales perçoivent et utilisent leurs territoires. Le foncier est donc un domaine à intégrer dans la mise en place de zones protégées et de politiques de développement.

Entre la gestion des terres par l'Etat et les pratiques foncières locales, comment est géré le domaine foncier ? Quel est l'intérêt de comprendre le domaine foncier pour la conservation ? Nous essayerons de répondre à ces questions dans ce mémoire.

Cette étude s'articule en trois grands axes. Tout d'abord, l'analyse va concerner les outils juridiques nationaux mis en place dans la gestion foncière des terres sur une échelle de temps large, allant de la période pré-coloniale jusqu'à aujourd'hui. Puis, après une présentation de l'ethnie Mongo, nous allons voir comment sont gérées les terres à une échelle locale, et dans quelle mesure ce système foncier est interdépendant de l'organisation sociale des populations Mongo. Puis, une troisième partie va décrire les tensions relatives à la terre, avec des exemples détaillés. Les relations antagonistes entre les deux systèmes fonciers seront analysées. Nous verrons également comment la conservation s'intègre dans ce contexte foncier, et en quoi les pratiques foncières locales sont importantes à connaître pour mettre en place des politiques de conservation efficaces ?

Méthodes de recherche.

Ces questions font suites à une demande d'AWF consistant à comprendre les pratiques foncières des populations Mongo. C'est par l'intermédiaire d'un stage de terrain que les recherches présentes dans ce travail ont pu être réalisées. AWF a demandé que des recherches soient entreprises en zone forestière pour mieux comprendre les règles coutumières encadrant la gestion des terres et les droits d'usages des populations Mongo. C'est suite à cela que ces recherches ont été entreprises. Les données ont été obtenues par le biais d'entretiens et d'observations auprès de la population Mongo. L'analyse des différents outils législatifs concernant la propriété de la terre a été un préalable aux recherches de terrain avec la population locale, tout comme la littérature concernant les Mongo. C'est donc en partant d'une approche nationale que le champ d'étude s'est ensuite centré sur une zone précise : le territoire de Basankusu. Cela a permis d'avoir une vision plus générale de la gestion foncière pour ensuite la confronter à la réalité vécue par la population. Les observations ont été obtenues avec la participation des habitants d'un village, tant pour la réalisation de cartes participatives que pour la compréhension de l'organisation sociale. Cela a nécessité la collaboration d'un interprète originaire du village dans la mesure où il n'est pas évident de se faire accepter sans avoir le soutien d'une personne qui connaisse la population locale. C'est par cet interprète (M. Daniel Likemba Botoko) que le village de Boondjé a été choisi. Des raisons techniques ont également été prises en compte pour ce choix, telles que la proximité d'un centre urbain, l'accès par une route en bonne état, ou de la bonne réputation du village dans la région.

Lors de ces recherches de terrain, l'approche a consisté à rencontrer les acteurs en matière foncière : aussi bien les ayant droit coutumiers que les personnes en charge du domaine foncier dans les administrations de l'Etat. Cette approche par le droit a pour but de confronter une réalité législative à la pratique locale. L'approche juridique a donc été complétée par une approche sociologique pour comprendre le niveau local, lié à l'imbrication entre la société et la propriété de la terre. De nombreuses autres données ont été obtenues lors des recherches de terrain, par exemple, celles relevant de l'histoire.

Etat de la littérature.

Le foncier en zone rurale africaine est un domaine où de nombreux travaux de recherches ont été effectuées. La littérature est donc abondante. On trouve par exemple les publications des éditions Karthala : avec Le Roy E., Le Bris E., ou encore Karsenty A.. Cependant, elles concernent très souvent l'Afrique de l'ouest (pour la littérature en langue française). Peu de recherches récentes concernent la République Démocratique du Congo, particulièrement, sur le domaine foncier et sur la gestion des terres coutumières. Cela peut en partie s'expliquer par les différents conflits armés qui ont concerné la région depuis plus de dix ans. Une littérature abonde sur la population Mongo, liée essentiellement aux travaux des pères missionnaires Hustaert G. et Boelaert E. et à des recherches effectuées lors de la période coloniale, et après l'indépendance. Ces recherches sont cependant anciennes et à l'heure actuelle, le foncier des populations Mongo n'a pas vraiment fait l'objet de recherches. Il existe une littérature abondante sur les écosystèmes forestiers, et d'une manière générale sur la faune et la flore de cette partie du bassin du Congo, mais concernant les populations, il semble y avoir un déficit.

Définitions des principaux termes utilisés.

Par définition, la société est une collectivité régit par des institutions, ce qui renvoie à des liens de solidarités, des échanges, et à une organisation spécifique. Pris dans sa généralité, le foncier peut être défini comme les rapports entre une société et l'espace. Le foncier est interdépendant de l'organisation sociale. En effet, il est avant tout un « fait social » qui traduit comment les populations perçoivent l'espace. Toute société est installée sur un territoire et ce sont les interactions entre l'homme et l'environnement qui permettent de comprendre une organisation foncière. Cette organisation se traduit par des rapports sociaux, par une structure sociale ou encore par des règles précises. Le domaine foncier renvoie à la propriété de la terre. Ce domaine étant très large, il ne se limite pas à la sociologie. D'autres aspects sont importants tels que les aspects juridiques, politiques, ou encore économiques. Il est donc nécessaire d'avoir une approche pluri-disciplinaire pour mettre en évidence la manière dont les hommes vivent avec leur environnement, ainsi que la répartition des terres. L'histoire est également une discipline à intégrer dans une étude sur le foncier, car la propriété des terres n'est jamais figée. Elle s'adapte et s'intègre à un contexte précis. La manière dont chaque société, ou chaque communauté utilise la terre est appelée l'appropriation. De racine latine, cette notion traduit l'action de rendre propre à un usage (cf. Annexe 1, Définitions des termes clefs, p. 145-148). Il va donc exister des règles précises pour encadrer l'accès à la terre. Ces règles sont juridiques et elles sont gérées par certaines autorités. La maîtrise de la terre est très souvent le rôle de l'Etat. Cependant, il existe différentes échelles d'analyse du foncier. A l'échelle locale, la gestion des terres peut être pratiquée de manières différentes.

La compréhension du foncier est toujours difficile car elle englobe de nombreux domaines. Ces recherches ne sont donc qu'un aperçu du foncier chez les populations Mongo. Ce travail ne prétend pas décrire une situation homogène, notamment car les situations varient d'une région à une autre, et aussi parce que la diversité ethnique au sein des Mongo est importante. Selon les groupes sociaux, la gestion foncière peut être différente. Certains aspects liés au foncier ne sont donc qu'abordés brièvement, comme le droit juridique coutumier.

PARTIE I:

Le rôle de l'Etat en matière foncière depuis la colonisation jusqu'à

la République Démocratique du Congo

Le terme foncier est étymologiquement lié au domaine juridique. La gestion des terres est en effet toujours mis en relation avec le droit. Il peut y avoir différents types de droit pour encadrer le foncier. L'Afrique dans son ensemble a été marquée dans son histoire par des apports voulu ou non, entre un droit dit traditionnel et le droit européen (à l'origine) sur la propriété des terres.

Comment la propriété de la terre a-t-elle été gérée de l'arrivée des européens jusqu'à aujourd'hui ?

Quelle est la coexistence du droit écrit et du droit oral ?

Nous allons donc nous pencher sur la gestion coloniale de la propriété de la terre, puis nous verrons la législation contemporaine concernant le foncier en RDC. D'abord avec les lois foncières et le code forestier ensuite, en analysant les rapports entre la législation et les terres rurales.

Chapitre 1

La propriété de la terre lors de la période coloniale :

Un autoritarisme foncier

La colonisation du Congo débute officiellement le 1er août 1885, date où Léopold II de Belgique devient roi et seul propriétaire de l'Etat Indépendant du Congo et elle prend fin le 30 juin 1960. Cela marque la création de la première République du Congo.

Cette période de 75 ans donne naissance à de nombreuses modifications. Ce sujet étant vaste, l'analyse ne va concerner que le domaine du foncier, de l'appropriation des terres, et la manière dont l'administration coloniale va considérer les « indigènes », que l'on pourrait appeler aujourd'hui les « autochtones », ou les congolais.

Il est également important de préciser que l'Etat Indépendant du Congo n'est pas sous l'autorité de l'Etat belge, mais il est l'entière propriété privée de Léopold II. Il faudra attendre l'année 1908 pour que l'Etat Indépendant du Congo soit remplacé par le Congo Belge.

1. La période pré-coloniale.

L'organisation politique des populations avant la période coloniale est marquée par une ancestralité forte. Les pratiques semblent pour le colonisateur exister depuis des temps très anciens, et elles se reproduisent sur un schéma hérité de la tradition. Cette vision d'une « stagnation » n'est pourtant pas exacte dans la mesure où de nombreuses études postérieures montrent les évolutions de peuplement pour la seule province de l'Equateur 5(*). Néanmoins, le rôle des traditions est très fort : il organise les rapports sociaux, les rapports avec la terre, avec le domaine religieux, etc. Le village est selon les traditions l'unité politique très prédominante, « et chaque village est indépendant » selon C. Ibañez de Ibero. Il ajoute aussi que l' « on rencontre parfois une sorte de fédéralisme « anarchique » assez curieux, quand plusieurs agglomérations se rattachent entre elles pour des objets divers et par accords volontaires 6(*)».

L'autorité à l'échelle du village est représentée par un patriarche, qui est la personne dont l'autorité est la plus forte. C'est lui le garant du respect de la coutume. « Il exerce la police et en qualité de représentant de la communauté est propriétaire du sol non bâti dont les familles ne sont que les usufruitières. Il a parfois comme sanction de ses pouvoirs, le droit de vie ou de mort 7(*)». Néanmoins, l'autorité du chef, bien que située en haut de la hiérarchie se voit tout de même « limitée par une assemblée à laquelle tous les hommes libres [surtout les notables] peuvent prendre part et qu'on appelle palabre 8(*)».

Concernant l'organisation du foncier par rapport aux coutumes, la terre appartient à l'autorité la plus forte du village. Les terres peuvent être allouées ensuite aux familles, ou à d'autres entités. Mais elles n'en sont pas les propriétaires exclusives. Ce système doit permettre une gestion conforme aux coutumes, et donc, conforme également aux pratiques des ancêtres. En effet, les ancêtres ont une forte importance dans la vie religieuse, et comme le fait religieux est un élément lui aussi très important dans les coutumes, et dans la vie de ces populations, cela peut expliquer certains rapports à l'espace, à la terre, aux fleuves et aux cours d'eau, aux forêts.

2. La colonisation : les relations entre l'administration coloniale et les populations locales.

A. Une gestion souple en théorie : 1885-1891.

Les chefs traditionnels sont les représentants directs des populations de l'Etat Indépendant du Congo. Ils ont été en contact avec le pouvoir royal belge. Cela explique que l'Etat colonial ait dû mettre en place des lois, des décrets pour gérer la question du pouvoir et de la souveraineté. Toujours selon Ibañez de Ibero C. : « la plupart des chefs indigènes ont conservé en grande partie l'autorité dont ils étaient pourvus avant la création de l'Etat indépendant ». Il ajoute aussi que certains chefs ont été officiellement reconnus par le Roi-souverain, dans ce cas leur autorité a été préservée.

Les populations indigènes sont autorisées à disposer librement de leurs terres. Sur leurs propriétés collectives, elles peuvent donc pratiquer librement l'agriculture, la cueillette, le commerce des produits naturels du sol, la chasse, etc. Par ailleurs, elles ne peuvent pas être expropriées par un colon sans l'autorisation du chef de village. Le chef peut ainsi traiter avec le colon pour l'achat ou la location de parcelles. Cette politique ne va concerner qu'une brève période, car le décret qui suit va modifier ces rapports, en défaveur des populations locales. Lors de cette période, on constate peu de restrictions. L'Etat participe au bon maintient des rapports entre les colons et les populations locales. Personne ne peut empêcher les populations de pratiquer leurs activités économiques, et les usages locaux sont donc permis. Par exemple, l'Ordonnance du 1er Juillet 1885 et les décrets des 17 décembre1886 et du 8 juin 1888 autorisent les populations à exploiter les mines dont elles disposent 9(*).

La réalité des décrets cache une vérité moins visible au seul regard des textes de lois. En effet, cette période est marquée par le travail forcé pour la récolte de ressources précieuses (caoutchouc pour l'essor de l'industrie automobile, ivoire, produits agricoles, etc.). Les populations locales ont des quotas sur ces ressources qu'elles doivent remettre aux administrateurs, sous peine de « sanctions », autrement dit des pillages, des meurtres, voire même des guerres. Ainsi, un grand chef coutumier du nom de Wéssé refusa de payer le tribut imposé par les colons belges, et il entra en guerre dans le Territoire de Basankusu lors de cette période. Ce fût un des Territoires de l'actuelle Province de l'Equateur où les postes de commerce fûrent les plus nombreux, et cela très tôt. Par exemple, en 1895, la ville de Basankusu disposait de 11 postes commerciaux, soit plus que toute autre ville de cette vaste région.

Néanmoins, cette politique coloniale concernant la législation n'a pas perduré car elle n'était pas assez influencée par des considérations économiques et budgétaires aux yeux du propriétaire. En effet, le Roi Léopold II va rapidement changer ces rapports. Il se rend compte que cette politique est coûteuse et qu'elle ne permet pas à ses caisses personnelles d'augmenter significativement. D'où l'émergence d'une nouvelle politique, encore moins tolérante et plus motivée par le commerce.

A. Le durcissement de la politique coloniale :1891-1910.

1. Les nouveaux décrets

Le décret du 6 octobre 1891 est le principal changement d'orientation des rapports avec les populations locales. Il est annoncé que :

§ Article 1 : « dans les régions déterminées par le gouvernement général, les chefferies indigènes seront reconnues comme telles, si les chefs ont été reconnus par le Gouverneur général, ou en son nom, dans l'autorité qui leur est attribuée par les coutumes ».

§ Article 5 : « les chefs indigènes exerceront leur autorité conformément aux us et coutumes, pourvu qu'ils ne soient pas contraires à l'ordre public et conformément aux lois de l'Etat. » Ils sont donc placés « sous la direction et la surveillance des commissaires de districts ou de leurs délégués ».

 

Ce décret, qui fixe les modalités de reconnaissance des droits coutumiers au sens large, a été ensuite complété par un arrêté du Gouverneur général daté du 2 janvier 1892. Cet arrêté donne des compétence aux commissaires de districts, à certains fonctionnaires qui sont désignés par le Gouverneur général pour que ceux-ci puissent « accorder aux chefs indigènes reconnus comme tels, et dont ils jugeront l'autorité suffisamment établie, l'investiture prévue 10(*)». C'est donc le roi Léopold II et son administration qui décident eux-mêmes quels acteurs doivent bénéficier de l'autorité. Selon une stratégie géopolitique, des personnes plutôt favorables à la politique coloniale (les chefferies, sous-chefferies) auront la préférence des autorités. Les deux photographies ci-dessous rendent compte de deux types d'acteurs politiques : à gauche, on observe un chef nommé par l'administration coloniale en tenue européenne entouré de soldats coiffés . Le cliché traduit un certain asservissement. Sur la photographie de droite, on peut voir un chef coutumier, avec certains attributs traditionnels et guerriers ( peau de léopard , lances) : chaque notable en haut de la hiérarchie sociale a des pouvoirs politiques, guerriers et religieux.

Photographie 2 : Photographie 3 :

Chef nommé par l'administration coloniale. Chef coutumier avec ses femmes et ses

(Territoire d'Oshwe, 1920, Van Der Kerken) guerriers. (Territoire d'Inongo, Van Der Kerken)

Un autre décret revêt une importance dans l'évolution de ces rapports : le décret du 21 septembre 1890. Pourtant ce décret ne fut jamais officiellement publié. Néanmoins il va influencer la politique envers les populations locales 11(*).

Par ce décret, les terres du Congo deviendront la propriété du Roi des belges, exceptées quelques manufactures de l'actuel Bas-Congo. Ce décret comportait plusieurs interdictions, dont l'une concernait l'interdiction aux indigènes de prélever deux ressources : l'ivoire et le caoutchouc. Ce décret stipule que ces prélèvements sont autorisés dans les zones cultivées et dans les zones d'habitations. Autrement dit, l'interdiction est quasi-totale car c'est dans les zones forestières, les plaines, les savanes ou les marais que se trouvent les hévéas et les éléphants.

Cette interdiction provoqua une grande polémique chez les commerçants européens. Voici le discours du président de la Société du Haut-Congo Brugman M., lors d'une assemblée générale des actionnaires :

« Défendre aux indigènes de vendre de l'ivoire et du caoutchouc provenant des forêts et des savanes de leurs tribus et qui font partie de leur sol héréditaire est une véritable violation du droit naturel. Défendre aux commerçants européens d'échanger avec les indigènes cet ivoire et ce caoutchouc, les oblige à acheter des concessions pour commercer avec les natifs, est contraire à l'esprit et au texte de l'acte de Berlin12(*), qui a proclamé la liberté illimitée pour chacun de commercer et interdit la création de monopole13(*)».

Brugman M. émit un certain nombre de plaintes juridiques qui remontèrent en Europe. Suite à cela, un nouveau décret daté du 30 octobre 1892 fut mis en place pour répondre au problème de la propriété de la terre. Ce décret aborde la question difficile de la domanialité des terres vacantes. L'Etat ayant considéré que la grande partie des terres « inoccupées » par les populations était sa propriété.

Pourtant les terres vacantes au sens premier du mot n'existent pas. La terre ou la forêt qui n'est pas visiblement habitée est pourtant la propriété d'un groupe, d'un clan, ou d'une personne. L'ambiguïté vient du type de propriété présent dans la majorité du bassin du Congo. La propriété est perçue comme définitive et stable, « les indigènes la connaissent sous la forme collective, la communauté étant le village ou la tribu. Cette propriété s'étend d'ordinaire sur tout le territoire sur lequel le chef exerce sa juridiction. Les limites sont d'ailleurs nettement définies 14(*)».

2. La répartition des terres vacantes.

Le décret réparti ces terres en trois zones :

§ La zone libre : c'est la plus petite proportion car elle concerne environ 16% du total des terres. On y autorise par exemple la récolte libre du caoutchouc pour les colons et les populations locales.

§ Le domaine privé : C'est la plus grande partie concernée, elle englobe la grande majorité des terres soit plus de 65 % de la superficie totale du pays. C'est une zone commerciale, et les sociétés concessionnaires (des sociétés propriétaires et/ou commerciales pratiquant des activités soit forestières, soit agricoles) ont l'exclusivité du droit à exploiter certains produits agricoles. Dans cette zone, l'exploitation libre par les populations est interdite.

§ La zone provisoirement réservée : il y a peu d'informations sur cette dernière catégorie, et il ne m'est pas possible de définir quel est son but, peut être pour la chasse ? Néanmoins c'est une petite superficie qui est concernée par rapport aux deux autres zones.

Plusieurs modifications seront apportées à ce texte, telles que la création du domaine de la couronne en 1896, aux dépens du domaine privé et de la zone libre.

Il ressort de ce texte que sur une surface d'environ 85 % du territoire national, les populations locales n'ont plus le droit de vendre leurs ressources, sauf l'ivoire et le caoutchouc, qui sont tous deux des produits à forte valeur ajoutée. L'ivoire pour les bijoux, et le caoutchouc pour les besoins croissants de l'industrie (par exemple l'industrie automobile). Ces deux produits ont donc constitué un monopole pour tout le commerce du pays, malgré le non-respect de l'Acte de Berlin qui définissait les règles pour le commerce des pays signataires.

Cette période a donc augmenté les restrictions sur les activités et sur la survie même des populations locales. Que ce soit au niveau politique avec le contrôle colonial des chefferies, ou encore avec les interdictions fortes sur le commerce, la propriété de la terre est au coeur de ces problèmes car c'est par l'expropriation foncière que peuvent ensuite se mettre en place les politiques coloniales. On change volontairement les rapports à la terre pour servir l'intérêt de la puissance coloniale.

B. La politique coloniale de l'Etat Belge.

Le 18 novembre 1908, sous la pression internationale menée par le Royaume-Unis, la Belgique est contrainte d'assumer le Congo, alors qu'elle était plutôt réticente à l'annexion. Le contexte créé par le roi Léopold II rendit l'Etat belge plus tolérant dans sa manière de gérer cette nouvelle colonie15(*).

Un décret fut donc promulgué, c'est le décret du 10 mai 1910. Il marque le changement de politique par rapport à la période précédente marquée par le travail forcé, les tortures, etc. On donne quelques droits aux populations, et on cherche à rendre plus efficace et plus légitime l'administration coloniale.

Un fait important est également la mort en 1909 de Léopold II, ce qui amène son neveu Albert 1er à sa succession. Il hérite ainsi d'une situation difficile et il entreprend un assouplissement du droit envers les populations locales et envers le rapport à la terre.

1. La réorganisation des pouvoirs coutumiers.

Celui-ci organise la répartition politique des autorités coutumières. On répartie les pouvoirs selon deux niveaux différents : les chefferies et les sous-chefferies. Les limites territoriales de ces autorités coutumières « sont déterminées par le commissaire de district 16(*)».

L'apport de ce décret est important. Tout d'abord, il a différents buts :

§ Il facilite le prélèvement des impôts ;

§ Les chefferies deviennent un moyen de contrôle du colonisateur, en passant par les structures coutumières pour avoir une autorité plus légitimée ;

§ L'autorité de certains chefs se voit renforcée.

Ce décret a pour but de fixer les populations sur un territoire donné. Bien que la notion de territoire soit présente dans la gestion coutumière pré-coloniale, celle-ci se voit consolidée de manière volontaire. C'est donc une stratégie politique qui donne des moyens de contrôle sur les populations indigènes. Ce contrôle des populations a été critiqué par certaines personnes comme le Père Hustaert G. : « Beaucoup de villages ont été déplacés pour la facilité de la surveillance ou de la circulation établie sur les domaines d'autres clans 17(*)». Des recensements sont effectués, et cela permet de fixer les populations sur des espaces délimités. Ainsi, pour qu'une personne puisse quitter telle ou telle circonscription, il faut passer par le commissaire de district pour obtenir son avis. Voici comme un chef de clan parle de la réorganisation des terres claniques :

« Quand les blancs, les belges sont venus, ils dirent : « Non, nous ne pouvons pas continuer à marcher dans des pistes en se communiquant entre nous par Lokolé18(*). Des ruelles ! » Les blancs ont vu qu'ils devaient passer par-ici, par-là. Ils dirent : « ça ne va pas. Faisons une route pour que les hommes puissent s'aligner ». Lorsqu'on les a alignés, ce clan [sur la carte], on les a fait sortir ici. Celui-ci se met ici. La terre ici c'est pour ce clan. La terre ici appartient à ce clan. Le clan est là, quand on le fait sortir, on trouve un autre clan. On le superpose. Ils sont seulement là pour habiter, mais les terres sont propres aux autochtones. Pour qu'ils aient une place pour faire les cultures, ils doivent demander aux autochtones. C'est ainsi que se déroulaient les choses 19(*)».

« Les notables de chaque clan : clan de Bafaka, clan de Bonsombo se réunirent et se demandèrent : que pouvons nous faire ? Nous avions été là-bas [dans l'éladji], et nous sommes maintenant venu. Bolongo boi c'est l'alignement ancien et Bolongo boné c'est cet alignement. L'alignement où on a tué Elumbu19(*). Quand on fait l'alignement on fait étondo20(*). Le clan de Bafaka voilà votre piquet 21(*). Bonsombo voilà votre piquet. Les gens étaient brutaux. Où se limite le clan Bafaka ? Venez ! Où se limite le clan Bonsombo ? Venez ! Nous sommes maintenant dans un nouvel alignement. Toi, ta femme et tes enfants : mets toi ici ! Toi, ta femme et tes enfants : mets toi ici !, etc. fin. Mon père était le maître de cette opération 22(*)».

La référence au terme de « piquet » traduit bien cette répartition des clans sur les axes routiers nouvellement créés. Les gens vivaient de manière plus homogène sur l'espace, alors que la vie le long des routes pouvait poser des problèmes fonciers pour certains clans.

Figure 1.

Comme on peut le voir sur ce document, certains clans n'ont pas eu besoin de changer de terres. Mais d'autres ont été obligés de partager l'espace devenu plus restreint : 

« C'est là où se posent des problèmes. Alors on allonge le clan. Et ceux-ci peuvent se mettre ici. Alors ils ont juste la partie de terres pour leurs habitations et les installations hygiéniques et consort. Mais ils n'ont pas la partie de terre pour cultiver. Alors pour cultiver là-bas, ils doivent demander aux autochtones  23(*)».

Il est fort probable, que des notables ou des chefs qui ont obtenu certains droits spécifiques de « délégation de l'autorité », devaient régner sur des régions vastes et stratégiques économiquement. En effet, vu la grandeur du pays concerné par le colonisateur, il est peu plausible que tous les chefs aient bénéficié de ce décret.

Les attributions des chefferies et des sous-chefferies sont aussi définies par le colonisateur. Elles doivent par exemple « débrousser les alentours des villages et (...) maintenir ceux-ci dans un état constant de propreté : elles doivent également aménager ou entretenir, moyennant rémunération des travailleurs par l'Etat, les chemins, ponts, passages d'eau, gîtes d'étapes, et construire ou entretenir au chef-lieu du ressort une école et une habitation à l'usage des agents européens de passage 24(*)». Cette citation illustre très bien comment le pouvoir colonial conçoit de rôle des chefferies. Elles sont aussi des lieux par où passe la modification culturelle des populations, c'est le cas précisément avec l'école. Et ces modifications passent par l'édification de routes pour faciliter les déplacements, notamment commerciaux liés à l'esclavage. Le rôle de la route est déterminant dans la mesure où elles sont aussi des éléments de contrôle comme on peut le voir sur le schéma ci-dessus. L'entretien des routes était souvent à la charge des villages sous peine de sanctions par l'administration. La création des routes était sans doute réalisée grâce au travail forcé. Voici certaines photographies prises par Van Der kerken probablement dans les années 1920-1930 :

Photographie 4 :

Construction d'une route en zone de forêt inondée

(Bassin de la Lomela : Territoire de Boende, Van Der Kerken)

Photographie 5 :

Route traversant le village des Basengere

(Territoire d'Inongo, Van Der Kerken)

Parmi les autres mesures mises en place par ce décret, on peut également citer la suppression des impôts de travail ou encore le droit de disposer des produits du sol.

2. Le droit d'usage sur les ressources.

Concernant ce dernier point, un autre décret vient le compléter : le décret du 22 mars 1910 qui traite de la récolte des produits végétaux dans les terres appartenant à l'Etat. Cela ne restitue pas la propriété collective de ces terres aux populations locales, mais une avancée est tout de même à noter. Les populations peuvent à nouveau disposer librement des produits du sol. L'Etat est donc le propriétaire mais l'usufruit est en principe laissé aux populations. Pourtant, ces droits ne sont pas gratuits, et la personne qui désire récolter certaines ressources doit payer à l'Etat une certaine somme, par an pour le copal et le caoutchouc. Il est également possible de payer une personne pour qu'elle récolte les produits voulus. D'autres cas existent où les populations ne payent pas d'impôts pour leurs activités (hors exploitation forestière) : lorsque celles-ci n'exportent pas leurs récoltes.

Cela est très bien résumé dans les termes de Durpiez M., qui fût un administrateur colonial à cette période :

« La colonie propriétaire des terres domaniales croit que le meilleur mode d'usage qu'elle puisse faire actuellement de son droit de propriété c'est de permettre à tous, indigènes ou non indigènes, moyennant des conditions diverses, de récolter les produits végétaux naturels : mais elle n'entend pas par là restreindre en quoi que ce soit son droit de propriété. Elle veut pouvoir dans la suite aliéner des terres domaniales, à titre onéreux ou à titre gratuit au profit d'individus ou de communautés indigènes ou non indigènes, donner ces biens domaniaux en location ou concéder des droits de jouissance exclusive sans grever les futurs propriétaires ou occupants de l'obligation de respecter le droit de cueillette 25(*)».

Il est important de préciser que malgré la mise en place de ces décrets dans le droit et au sein du pouvoir colonial, ceux-ci mettront parfois du temps à être appliqués concrètement. Ainsi les décrets sur la création des chefferies ne se feront pas toujours facilement, et de nombreuses guerres ont eu lieu. Surtout concernant l'exploitation forcée du caoutchouc, qui fût une pratique dans les règles de l'esclavage.

On perçoit bien comment l'administration entend gérer ses propres terres. Après avoir dépossédée certaines populations de leur territoires coutumiers, elle donne des droits restreints, mais pas autant que lors de la période du règne de Léopold II où la situation était très dure, dictatoriale même. Néanmoins, le fait de concéder des terres aux populations locales est un changement juridique qui perpétue la domination coloniale sur les populations. Les moyens juridiques se révèlent donc des instruments politiques puissants pour permettre la libre disposition des forêts par l'Etat, et pour les compagnies privées.

Les quelques avancées énumérées ici sont tout de même à relativiser dans la mesure où les droits fonciers sont volontairement bouleversés pour servir les intérêts géopolitiques de la colonie, et où la coutume est perçue par l'administration comme une gêne et un danger. C'est un mode de gestion à moderniser par l'européanisation, tant pour l'appropriation des terres, que pour le contrôle politique, ou encore simplement par volonté de changer la culture des populations avec des jugements de supériorité liés à la civilisation européenne.

Chapitre 2

Les différentes lois régissant le foncier en zone rurale

1. La nouvelle constitution et la gestion des terres coutumières. 

La constitution d'un pays est toujours l'élément fondamental du droit. Celle en vigueur en RDC a été officialisée le 18 février 2006 après un référendum. Elle a pour but de définir les bases de l'organisation de l'Etat mais aussi de répondre aux problèmes de légitimation du pouvoir suite aux guerres entre 1996 et 2003.

Il ne s'agit pas ici d'analyser en détail son apport par rapport à la constitution antérieure, ou bien de discuter sur tous les points précis mentionnés dans cette constitution. Nous allons nous contenter de porter notre attention sur les articles qui concernent la coutume. La coutume étant considérée comme un mode de gestion des terres, avec son droit, ses acteurs, etc. La constitution dans ce sens tente de reconnaître et d'harmoniser les rapports entre la coutume et l'Etat.

A. L'autorité coutumière.

Article 207 (Titre III, chapitre 2, section 3) : De l'autorité coutumière.

« L'autorité coutumière est reconnue.

Elle est dévolue conformément à la coutume locale, pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à la Constitution, à la loi, à l'ordre public et aux bonnes moeurs.

Tout chef coutumier désireux d'exercer un mandat public électif doit se soumettre à l'élection, sauf application des dispositions de l'article 197 alinéa 3 de la présente Constitution.

L'autorité coutumière a le devoir de promouvoir l'unité et la cohésion nationales.

Une loi fixe le statut des chefs coutumiers. »

La coutume est perçue selon la constitution comme une autorité, au même titre que l'Etat, les institutions provinciales ou encore les autorités locales. Ces dernières peuvent ainsi être les territoires, les groupements ou les localités (les villages). La coutume représente donc un pouvoir, et elle a le devoir de s'intégrer à l'Etat, et par conséquent, elle ne doit pas s'opposer à la République et à l'exercice du pouvoir. C'est ce que stipule l'article 63 (Titre II, chapitre 4) :

« Toute autorité nationale, provinciale, locale et coutumière a le devoir de sauvegarder l'unité de la République et l'intégrité de son territoire sous prix de haute trahison. »

B. Le droit coutumier.

Chaque coutume ayant son propre mode de fonctionnement juridique, il existe des interactions avec l'Etat. La constitution n'oppose donc pas la justice d'Etat à la justice coutumière. L'Etat intervient donc dans l'exécution du droit coutumier. A une échelle provinciale et non nationale, comme le précise l'article 204 (Titre III, chapitre 2, section 2) :

« Sans préjudices des autres dispositions de la présente Constitution, les matières suivantes sont la compétence exclusive des Provinces :

(...)

28 : l'exécution du droit coutumier. »

C. La propriété.

Le mode coutumier de gestion concerne aussi la propriété de la terre, et la présente constitution reconnaît deux modes d'acquisition des terres : l'une se base sur le droit écrit (la loi) et l'autre se base sur la coutume (le plus souvent oralement, et très rarement de manière écrite). Voici ce que précise à ce sujet l'article 34 (Titre III, chapitre 2, section 3) :

« La propriété privée est sacrée. L'Etat garanti le droit à la propriété individuelle ou collective acquise conformément à la loi ou à la coutume. »

La constitution de la RDC intègre donc le mode coutumier de gestion des terres. Le foncier est régit administrativement par différentes lois, certaines sont anciennes comme le code foncier, ou récente comme le code forestier.

2. La loi de 1973 : une référence.

La principale loi qui établit le droit foncier à l'échelle nationale est la loi 73-021 portant sur le régime général des biens, sur le régime foncier et immobilier et sur le régime des sûretés. Elle a été mise en place le 20 juillet 1973. C'est aujourd'hui encore la loi de référence en matière foncière. Cette loi englobe de nombreux domaines comme la propriété des biens, l'immobilier, le droit concernant les concessions, le régime des sûretés26(*), la question du droit coutumier, etc.

Lors de cette analyse nous allons nous concentrer sur le droit foncier en milieu rural, forestier, et sur la manière dont la loi aborde le droit coutumier.

A. Le milieu rural.

1. Définitions de la propriété.

Il est définit par le droit, en rapport avec la définition de l'urbain. « Les terres urbaines sont celles qui sont comprises dans les limites des entités administratives déclarées urbaines par les lois ou les règlements en vigueur. Toutes les autres terres sont rurales. Selon leur vocation, les terres sont destinées à un usage résidentiel, commercial, industriel, agricole ou d'élevage 27(*) ».

Ces terres sont définies comme la propriété de l'Etat. Il y a deux types de propriétés sous l'autorité de l'Etat :

§ D'une part, le domaine foncier public, qui concerne « toutes les terres qui sont affectées à un usage ou à un service public 28(*)», il peut s'agir d'une entreprise sous contrôle de l'Etat, ou encore d'un bâtiment ministériel.

§ D'autre part, le domaine privé de l'Etat correspond à toutes les autres terres29(*). C'est la même manière de procéder que pour le milieu rural : le privé est définit en fonction du domaine public.

2. Les terres agricoles.

Il y a différentes manières d'attribuer la terre pour les activités de culture ou d'élevage. La première concerne les superficies importantes (de plus de 10 ha). Elles nécessitent au préalable un titre d'occupation provisoire pour ensuite être concédées, c'est-à-dire possédées légalement. Pour qu'une personne dispose de terres pour l'agriculture ou l'élevage par exemple, elle doit payer un loyer progressif pendant 5 années. Ce loyer ne peut être plus élevé que 5% du prix du terrain concédé pour la 4ème année. Ce droit d'occupation provisoire est fixé par les articles 155 et 156. Après la période obligatoire de cinq ans, la personne peut acheter les terres qu'elle occupe au prix fixé lors du contrat d'occupation provisoire.

Certains types d'occupation du sol ne nécessitent pas le même processus. Des seuils sont définis dans l'article 157. Ces terres ne doivent pas être couvertes par plus de 10% de constructions, 50% de cultures alimentaires, fourragères ou autres, 50% de plantations (avec des seuils concernant le nombre de plant par hectare30(*), et ces terres ne doivent pas être classées en vue de la conservation du sol. Ces terres « ne pourront jamais être considérées comme mises en valeur et occupées 31(*)», et ainsi, les paysans qui travaillent ces surfaces ne sont pas tenus de payer les impôts et l'emphytéose. L'emphytéose est un statut juridique de location de terres32(*), mais le locataire dispose de droits plus larges et c'est à peu de choses près un propriétaire. Ce statut concerne avant tout les propriétés rurales, et il permet au propriétaire de mettre en valeur ses terres sans pour autant avoir des charges à supporter dans la mise en culture, qui reviennent au locataire. Comme l'emphytéose est située sur un terrain appartenant à l'Etat, l'emphytéote (le locataire) se doit de payer « à l'Etat une redevance en nature ou en argent 33(*)».

B. Le droit coutumier et le droit foncier.

Il existe peu de références aux droits des communautés locales. Il n'y a pas non plus de définition du terme « communauté locale » alors qu'il est employé à plusieurs reprises. Seulement trois articles de la loi 73-021 concernent le droit coutumier.

L'article 387 explique que « Les terres occupées par les communautés locales deviennent (...) des terres domaniales ». L'Etat est donc le propriétaire de ces terres, qui sont essentiellement rurales et forestières.

L'article 388 vient ensuite définir brièvement quelles sont les terres concernées par le droit coutumier : « Les terres occupées par les communautés locales sont celles que ces communautés habitent, cultivent ou exploitent d'une manière quelconque -individuelle ou collective- conformément aux coutumes et usages locaux. »

Pour qu'une communauté puisse avoir les droits de jouissance sur ces terres, une ordonnance du Président de la République doit être obtenue. Le droit de jouissance est par définition, le droit donné par l'Etat sur une terre mise en concession. Il est très proche du droit de propriété, avec quelques obligations supplémentaires telles que le maintien de la terre en bon état, ou encore la limitation des droits de jouissance dans le temps à 25 ans, qui peuvent être renouvelables.

Pour obtenir une terre rurale située en terre coutumière, il n'est pas légal de faire les démarches auprès des autorités coutumières. Si un contrat est passé entre une personne privée et un chef de terre, cela n'est pas reconnu par la loi. Pour acheter une terre, la loi impose de demander et de faire les démarches auprès des autorités administratives de l'Etat.

3. La loi foncière de 1980.

Promulguée le 18 janvier 1980, elle s'intitule la loi portant sur le régime général des biens, sur le régime foncier et immobilier et sur le régime de sûreté n°80-008. C'est une loi qui définit plus précisément certains aspects de la loi de 1973. On y trouve ainsi des précisions concernant le droit coutumier, les enquêtes de vacance de terres, ou encore le régime foncier des terres coutumières. Cette loi aborde donc plus précisément la question de la coutume.

A. Le régime foncier et les terres coutumières.

Le régime foncier est par définition, l'ensemble des règles juridiques et des principes selon lesquels la terre appartient à l'Etat, et il informe comment une personne privée peut obtenir des possessions sur les terres.

On définit une nouvelle fois le domaine public de l'Etat et le domaine privé de l'Etat. La définition du domaine public est similaire à la loi précédente de 1973. Concernant le domaine privé, il est stipulé que « les terres coutumières appartiennent également au domaine privé de l'Etat ». C'est l'article 388 qui définit cette règle de droit foncier. Cet article est important car il détermine ensuite comment procéder à une concession. En effet, seules les terres du domaine privé peuvent être concédées.

Pour cela, l'Etat accorde divers contrats selon le type de terre obtenu. Ainsi, le contrat de concession perpétuelle ou de concession ordinaire donne un droit de jouissance sur la terre. Il existe d'autres contrats concernant les bâtiments mais étant donnés qu'ils concernent le domaine urbain, ils ne concernent pas directement cette étude.

Les acteurs peuvant accorder des concessions sont le Ministère des Affaires foncières, les représentants locaux de ce ministère que sont les Conservateurs des titres fonciers (le cadastre dépend d'eux par exemple). Mais pour obtenir une demande, il faut en premier lieu se présenter au Conservateur des titres fonciers : il évolue à l'échelle du District.

Une typologie détermine (en milieu rural) quels sont les acteurs qui peuvent donner une concession selon la superficie demandée :

§ Moins de 10 ha : le Conservateur des titres fonciers (le District)

§ Entre 10 et 200 ha : le Gouverneur de province ( la Province)

§ Entre 200 et 1000 ha : le Ministre des Affaires foncières (l'Etat : l'exécutif)

§ Entre 1000 et 2000 ha : le Président

§ Plus de 2000 ha : le Parlement à travers une loi (le pouvoir législatif)

B. Un point important concernant les terres coutumières : l'enquête de vacance de terres.

Cette enquête est une étape préalable importante pour obtenir n'importe quelle concession de terres rurales. Le rôle de cette enquête est de connaître les terres demandées et ainsi que les droits sur cette même terre.

Il est précisé par l'article 193 que :

« Le droit de propriété que l'Etat possède sur toutes les terres et même sur les terres coutumières n'éteint pas les droits de jouissance que les communautés traditionnelles possèdent encore sur ces terres. Ces droits de jouissance consistent en droits de culture, de chasse, de pêche, de ramassage, etc. ».

Cette enquête de vacance de terre est d'une grande importance pour les communautés coutumières car elle est créée pour que les droits des communautés soit reconnus et intégrés dans la demande de concession. De cette manière : s'« il s'avère que les communautés coutumières possèdent certains droits sur les terres demandées, elles devront être dédommagées intégralement avant que la concession puisse être accordée. Elle ne le sera pas si ces terres sont jugées nécessaires à l'entretien et au développement futur des villages environnants ».

Par cette enquête et par ces règles, on reconnaît aux communautés coutumières les droits d'usages, mais on ne leur reconnaît pas vraiment la propriété de leurs terres, de leurs forêts. Néanmoins cela traduit un certain pouvoir de la coutume sur les terres rurales.

C. Le cas du droit de pacage et la convention fermière.

Le droit de pacage est un droit lié à des terres destinées à faire paître le bétail. L'étymologie de pacage vient du latin pascuum (pâturage), et de pascere (paître). Le paysan emmène son bétail (souvent des chèvres, des moutons) pour que ceux-ci se nourrissent. Ce type de milieu est ouvert et il correspond à une propriété de la terre non pas privée mais collective. Il est très présent en Afrique, et surtout chez les sociétés dites traditionnelles. Cet espace n'est souvent ni arboré, ni cultivé. La loi de 1980 définit comment procéder à une demande de ce type de terre. Il est écrit que :

« La convention fermière s'en tient au droit coutumier ;

I. on adresse la demande de terre au chef coutumier ;

II. le Secteur enregistre le contrat contre le paiement d'un droit d'enregistrement ;

III. le dossier est transmis au Territoire pour contrôle par l'Administrateur du Territoire et l'Agronome de Territoire ;

IV. communication de la convention fermière 34(*) ».

Cet extrait montre bien qu'il faut consulter les autorités coutumières pour entreprendre une demande de terres. Pourtant, la suite de l'extrait ci-dessus précise que « cette manière de procéder n'est pas conforme en droit écrit 35(*)».

Les relations entre le droit écrit officiel et le droit oral coutumier ne sont pas évidentes à comprendre en analysant les règles de droit. Il est important donc de déterminer quelles sont les relations entre ces deux types de droit, qui paraissent antagonistes.

Chapitre 3 

Le code forestier de 2002

Le 29 août 2002, la loi n°011/2002 portant sur l'abrogation de l'ancienne législation forestière de 1949 a été promulguée par le Président de la République après avoir été adoptée par le pouvoir législatif (l'Assemblée Constituante et Législative-Parlement de Transition, soit un seul organe). Après une longue période sans changer la législation forestière, l'Etat a décidé de faire évoluer et d'apporter des précisions sur la gestion forestière. Ce nouveau Code définit les termes importants en matière de gestion tels que les produits forestiers non-ligneux (une définition à certains égards encore lacunaire), le plan d'aménagement forestier, la communauté locale36(*) pour ne citer que ces exemples.

1. Les grands ensembles forestiers selon le droit.

Un nouveau cadre juridique est donné aux forêts en apportant une classification des forêts (Les forêts classées, les forêts protégées et les forêts de production permanente).

§ Les forêts classées sont ainsi des forêts soumises « à un régime juridique restrictif concernant les droits d'usage et d'exploitation 37(*)». Elle sont propriétée de l'Etat, et elles ont souvent une importance écologique. Cette partie du Code mentionne la superficie de forêts classées dans le territoire national (15% de la superficie totale). On trouve ensuite deux grands types de forêts classées.

Le premier groupe est défini dans l'article 12 et ces forêts peuvent être des réserves de biosphère, des jardins botaniques et zoologiques, des forêts urbaines, etc. Elles sont marquées par leur rôle en matière de biodiversité, en matière « récréative » et scientifique.

L'article 13 définit le second groupe, et il concerne les forêts ayant un rôle à jouer en matière écologique. On parle de protection et de conservation : « les forêts nécessaires pour : la protection des pentes contre l'érosion ; (...) la conservation des sols ; la salubrité publique et l'amélioration du cadre de vie ( ...) ».

§ Les forêts protégées sont celles « qui n'ont pas fait l'objet d'un acte de classement et sont soumises à un régime juridique moins restrictif quant aux droits d'usage et aux droits d'exploitation 38(*)». Elles sont aussi sous propriété de l'Etat (article 20). L'article 21 définit comment ces forêts peuvent être mises en concession. L'article 22 explique les modalités d'attribution des concessions aux communautés locales, selon les coutumes, concernant les forêts de communautés locales, et c'est une des innovations par rapport à l'ancien code. Cet aspect est traité plus en profondeur par la suite dans le Code, notamment par les articles 111 à113.

§ Le dernier grand type de forêts concerne les forêts de production permanente. Selon le Code, ce sont des « forêts soustraites des forêts protégées par une enquête publique en vue de les concéder ; elles sont soumises aux règles d'exploitation prévues par la présente loi et ses mesures d'exécution 39(*)».

2. Les droits d'usage selon les différents types de forêts.

L'Etat, par l'intermédiaire du Code, autorise ou restreint l'utilisation de la forêt et précisément de ses ressources. Etant entendu que l'Etat est le propriétaire des espaces forestiers, il définit les lois concernant les populations en zone forestière. Selon la classification ci-dessus, ces droits vont être différents.

§ Les articles 38, 39 et 40 définissent les droits d'usage dans les forêts classées. Seules les populations riveraines de ces forêts sont autorisées à utiliser les ressources forestières, mais avec des clauses précises. Elles sont autorisées à ramasser le bois mort, à pratiquer la cueillette, le ramassage de produits forestiers non-ligneux (fruits, plantes alimentaires, médicinales, mais aussi chenilles, escargots ou grenouilles), et aux prélèvements de bois mais dans un cadre précis (pour la construction d'habitations et pour l'artisanat). Il est donc interdit de pratiquer la coupe d'arbres à des fins commerciales.

§ Concernant les forêts protégées (articles 41 à 44), les droits d'usages traditionnels sont libres, malgré la présence de taxes ou de redevances forestières. Ces droits peuvent être modifiés et contrôlés par le Ministère de l'Environnement, de la conservation de la Nature et des Eaux et Forêts, par l'intermédiaire d'un zonage ou de modalités spécifiques (par exemple, l'activité agricole, ou encore la récolte de produits forestiers). Le cadre juridique est donc flexible, et il peut si besoin être contraignant ou souple.

§ Les droits d'usages ne sont pas abordés pour les forêts de production permanentes, car le cadre n'est pas restrictif. Ces droits sont donc maintenu pour les populations riveraines concernées.

3. L'aménagement des forêts.

Par aménagement, on entend principalement la mise en exploitation des ressources forestières ligneuses. L'exploitation forestière est plus encadrée, notamment en ce qui concerne les étapes préalables à l'exploitation forestière.

A. Le code distingue trois grands types de préalables : l'inventaire, la reconnaissance et le plan d'aménagement.

§ Un inventaire forestier est obligatoire. C'est la première étape pour l'exploitation. Il est pris en charge par l'administration, qui peut ensuite l'externaliser40(*). L'inventaire est soumis à une autorisation par le Gouverneur de la province concernée, et un délais d'un an doit être respecté41(*).

§ Ensuite, l'inventaire débouche sur une reconnaissance forestière. Pour cela, il faut aussi obtenir une autorisation du Gouverneur de Province, pour que débutent les travaux, car, ni l'inventaire, ni la reconnaissance ne donnent droit à une concession forestière.

§ Le plan d'aménagement est l'élément le plus important pour l'aménagement forestier. Il peut concerner différents domaines tels que la production durable de tous les produits forestiers et de produits pour la biotechnologie : les services environnementaux, le tourisme et la chasse ; les autres objectifs compatibles avec le maintien du couvert forestier et de la protection de la faune sauvage 42(*). Le plan d'aménagement est ainsi « un ensemble de documents, outils de référence et de gestion, qui fixent un programme d'action à court, moyen et long terme, pratique et réaliste sur le plan social, écologique et financier 43(*)». La réalisation d'un plan d'aménagement se fait par les mêmes acteurs que l'inventaire. Les populations locales ne sont mentionnées que dans une phrase : « L'administration s'assure de la consultation des populations riveraines, des autorités locales compétentes et des particuliers concernés 44(*) ». Nous reviendrons plus tard sur cet aspect qui n'est pas clairement défini, malgré l'importance qu'il requiert.

B. L'exploitation passe par un titre de propriété.

Ce titre est le contrat de concession forestière, il donne les droits d'exploitation, mais aussi les devoirs qui incombent à l'exploitant. Selon la superficie forestière concernée, les signataires de la concession vont être différents45(*). De nombreuses règles sont présentes dans le Code sur la concession, et on trouve aussi mentionnées les relations entre l'exploitant et les populations présentes dans ces forêts. Ces règles défendent l'exploitant mais également les populations locales et leurs activités. L'article 106 va dans ce sens : « Sans préjudices de l'exercice de tous les droits reconnus par la loi aux communautés locales, le concessionnaire ou l'exploitant forestier a l'exclusivité d'utilisation du réseau d'évacuation qu'il a établi ».

C. Les Forêts de communautés locales et l'exploitation forestière.

Les forêts de communautés locales étaient auparavant appelées « forêts indigènes » dans l'ancien droit forestier. Cela correspond à une forêt coutumière, c'est-à-dire, une forêt qui s'inscrit dans un territoire coutumier. Le Code forestier définit les droits de ces populations par rapport à leur forêt . « Outre les droits d'usage, les communautés locales ont le droit d'exploiter leur forêt. Cette exploitation peut être faite soit par elles-mêmes, soit par l'intermédiaire d'exploitants privés artisanaux, en vertu d'un accord écrit 46(*). Les exploitants privés artisanaux ne peuvent opérer dans les forêts des communautés locales que moyennant la détention d'un agrément délivré par le Gouverneur de province, sur proposition de l'administration forestière locale47(*) ».

Ces forêts ne sont pas encore existantes. Pour disposer juridiquement de ces forêts, un décret présidentiel doit être rédigé pour valider la reconnaissance des possessions coutumières. Actuellement, un texte de loi a été proposé au gouvernement pour permettre aux communautés locales la reconnaissance de leurs forêts, mais il fait débat car la situation n'est pas uniforme en matière de gestion des forêts par les population à l'échelon national. En effet il existe en République Démocratique du Congo une grande variété d'ethnies et donc de nombreux modes d'occupation du sol qui peuvent être très différentes. Cela nécessite un état des lieux avec des connaissances sur les populations, des activités humaines (à l'aide de cartes par exemple), les règles foncières, la connaissance également des droits d'usage coutumiers, des conflits, etc. D'où la grande difficulté d'harmoniser le droit juridique et les procédures pour que les territoires villageois soient reconnus officiellement.

Synthèse

Depuis l'arrivée des européens, l'Etat a toujours été conçu comme un acteur prépondérant sur le domaine foncier. Le question de la propriété des terres a été cruciale pour la domination coloniale qui est passée par la réorganisation administrative de l'espace. L'objectif était de rendre facile l'appropriation de terres appartenant aux populations locales. Le droit foncier a donc été mis en place comme un outil politique et économique de contrôle territorial.

Le cadre juridique contemporain de la RDC est différent de la période coloniale. On reconnaît les droits fonciers coutumiers dans les textes de loi comme on peut le voir dans la constitution. Le récent code forestier aborde la question des populations locales, en reconnaissant l'existence des droits d'usages coutumiers. Cependant, certains aspects juridiques restent ambivalents par rapports aux populations locales. Le cas des cessions de terres est révélateur de ces différences. Pour acheter une parcelle de terre, il est interdit de consulter en premier les autorités coutumières. Le lois précisent bien que c'est l'administration qui peut céder des terres, et non les propriétaires coutumiers. La création de forêts communautaires est une avancée, mais dans la réalité, elles n'existent pas. Les territoires coutumiers ne sont donc pas officiels.

Il faut admettre que la reconnaissance des terres coutumières ne rend pas facile le rôle de l'Etat. Celui-ci cherche à affirmer son monopole foncier, mais la réalité traduit que le pouvoir de l'Etat est limité. Il faut faire une distinction entre les terres urbaines et les terres rurales. Le foncier en zone urbaine est géré par l'Etat, tandis que la gestion coutumière est influente en ce qui concerne les forêts et les campagnes. Les compétences de l'Etat en matière foncière sont donc à relativiser. Bien que le droit donne tous les pouvoirs à l'Etat, il doit tout de même tenir compte d'autres modes de gestion des terres.

Après avoir tenté de comprendre le cadre juridique du domaine foncier de la RDC, nous allons maintenant aborder la gestion des terres rurales à travers une population précise : les Mongo. Il s'agit d'analyser comment est gérée la terre non plus à l'échelle nationale et juridique, mais localement et dans la pratique.

PARTIE II:

La population Mongo : l'imbrication entre la société et le domaine foncier

Il y a plusieurs manières de se référer à la population Mongo. Certains emploient le nom d'ethnie Mongo, de grand groupe Mongo, de peuple, ou encore de population. Ces deux premiers termes ont été employé par Van Der Kerken G. qui a fait de très nombreuses recherches sur cette population entre les décennies 1920 et 1940, ce qui débouchera en 1941 sur sa publication du premier volume intitulé L'Ethnie Mongo, suivit par le volume II et III. Cette « terminologie » a été reprise par la suite et très discutée par les personnes qui se sont intéressées de près au Mongo.

L'ethnie renvoie le plus souvent à « une population d'une même origine, possédant une tradition culturelle commune, spécifié par une conscience d'appartenance au même groupe dont l'unité s'appuie en général sur une langue, un territoire et une histoire identique 48(*) ». Il est nécessaire de préciser que les auteurs (souvent de nationalité belge) qui parlent d'une certaine unité du peuple Mongo se sont pas tous des acteurs neutres. Ainsi, Van Der Kerken fût gouverneur de l'Equateur et il a plaidé en faveur d'un  « rassemblement Mongo » (ou « regroupement Mongo ») dans une seule province. Quand on parle de « regroupement » cela signifie qu'il faut créer un territoire administratif qui tienne compte de la population présente. On cherche ainsi à rendre plus homogène les délimitations à l'intérieur du pays.

Ces considérations sont très liées à deux pères missionnaires : Boelaert E. et Huslstaert G.. Ces deux pères sont considérés comme les plus grands connaisseurs des Mongo, et c'est par leur observations qu'ils en ont déduit une certaine unité des différentes tribus Mongo 49(*). Les éléments qui leur ont permis d'observer cette unité viennent de différents aspects culturels tels que la linguistique, ou encore une histoire que partage les différents groupes au sein de l'ethnie. Par exemple, il y a une histoire orale intitulé l'Epopée Nsong'a Lianja. Lianja est considéré comme l'ancêtre, et le héros des Mongo. Ce récit explique la création du monde, la naissance du peuple Mongo, ainsi que l'histoire (mythique) de ses ancêtres.

La notion d'ethnie a aussi des racines coloniales, et elle peut dans certains cas participer à un découpage arbitraire selon des critères ethniques. C'est ce qu'exprime Chrétien J.-P. : « L'ethnicité se réfère moins à des traditions locales qu'à des fantasmes plaqués par l'ethnographie occidentale sur le monde dit coutumier 50(*)». Le terme d'ethnie a été aussi un moyen pour ne pas accorder un statut plus élevé aux autochtones. On ne leur donne pas le qualificatif de nation ou de peuple, pour marquer une hiérarchie avec les sociétés européennes.

Néanmoins, des doutes subsistent sur l'unité des Mongo, et tous les historiens ne sont pas d'accord pour affirmer que les Mongo avaient -avant l'arrivée des européens- cette conscience commune. Une des raisons les plus plausible est l'enclavement des populations et du peuplement avant l'arrivée des belges. D'autres raisons sont les guerres tribales au sein des Mongo, ce qui explique clairement que même si ils disposaient d'un patrimoine commun, les rapports pouvaient être conflictuels au plus haut point.

Dans tout les cas, aujourd'hui, les Mongo forment une seule ethnie comme le souligne Bongango J. : « La seule chose sûre est que cette conscience existe à l'heure actuelle: la colonisation l'a rendue possible, par la mise en contact de groupes qui s'ignoraient. » De plus, il affirme qu' « on a certainement raison de mettre à l'avant-plan l'aspect unitaire lorsqu'on aborde l'histoire des Mongo ; mais cette unité, loin d'être un présupposé, est plutôt l'aboutissement d'un processus (...)51(*)».

Chapitre 1

Une population au coeur du bassin du Congo

1. Localisation au sein de la RDC.

Les Mongo vivent en grande majorité dans la Province de l'Equateur, mais on trouve aussi des Mongo dans d'autres Provinces de la République Démocratique du Congo comme le Kasai Oriental, le Kasai Occidental, le Bandundu, ainsi qu'au Nord-Kivu. Néamoins, c'est en Equateur que se trouve la grande majorité de la population Mongo. Leur répartition générale est limitée à l'est et à l'ouest par la boucle du fleuve Congo et par le Kasai au sud.

Figure 2.

On constate sur la carte que l'ensemble de la population Mongo tient une place importante au sein de la RDC et surtout dans la Province de l'Equateur. Elle est située dans un vaste espace. Cet espace est forestier et il se trouve intégralement dans la cuvette du Bassin du Congo.

Il n'est pas évident de connaître le nombre d'individus au sein de la population Mongo à l'heure actuelle dans la mesure où les données statistiques sont anciennes et qui plus est, les sources de ces données ne sont pas toujours connus.

Il existe des statistiques anciennes concernant les Mongo. Avant l'arrivée des Européens, la population était nombreuse. Selon Van Der Kerken, la population Mongo était estimée entre 3.000.000 à 6.000.000 d'individus, voire même plus encore selon lui 52(*). Toujours selon cet auteur, la population serait comprise entre 1.500.000 et 2.000.000 habitants pour la décennie 1940. La diminution de la population est imputable à diverses causes dont : les croisades de peuples Arabes à partir du XVIème siècle ; les guerres tribales, et plus récemment  l'esclavage arabe puis européen avec l'exploitation du caoutchouc.

Bongango J. estime avec quelques doutes le chiffre de la population Mongo pour l'année 1984 53(*) : elle serait de 11.124.031 habitants, soit 37,7% de la population zaïroise 54(*). On constate donc que la population Mongo est de taille importante dans le Zaïre de l'époque. La population de l'actuelle RDC, est évaluée à 62.635.723 habitants selon les données statistiques de l'Unesco pour l'année 2007. D'autres sources de l'ONU donnent le chiffre de 66.832.000 habitants en 2009 55(*). Il est très délicat d'affirmer que l'augmentation générale de la population se reflète aussi dans la population Mongo. En effet, les statistiques sont souvent invérifiables, comme le chiffre de la population actuelle Mongo de 400.000 habitants selon des sources peu fiables 56(*). Cet exemple précis rend compte de la difficulté d'évaluer précisément la population Mongo car le dernier recensement national date de 1984, le reste des statistiques se base sur des estimations en rapport avec l'accroissement démographique.

2. L'arrivée de la population Mongo dans la cuvette du bassin du Congo, et en particulier dans le Territoire de Basankusu.

Le peuplement du bassin du Congo est ancien. Les Mongo seraient originaires du Nord-Est de la RDC, dans la région du Haut-Nil (l'actuel Ouganda) vers les Lac Albert, Edouard et Victoria. Cette hypothèse fut avancée par Van Der Kerken G., et est corroborée par d'autres historiens plus contemporains comme Leysbeth A. (1963), Mikanza N. (1966), Hustaert G. (1972) ou encore Ndaywel è Nziem I., Obenga T. & Salmon
P.
(1998).

Il y aurait eu deux grandes migrations. La première se situe entre le XIV et XVIème siècle après J.C.. Ces groupes Mongo sont les Batetela et les Basuku et ils se sont installés non pas dans l'actuelle province de l'Equateur mais dans la Province de Mamiena et du Kasai-Oriental57(*).

La seconde migration, celle qui nous intéresse concerne l'arrivée dans la cuvette du bassin du Congo. Soit un trajet d'Est en Ouest. Cette migration se situerait entre le XVIème et le XVIIIème siècle. Malgré ces hypothèses, il reste de nombreux doutes sur l'histoire de ces migrations, et à ce jour les nombreuses tentatives d'explications scientifiques n'ont pas été concluantes. L'histoire de ces migrations (ou conquêtes) est principalement orale, et les travaux de recherche sur l'histoire des Mongo avant l'arrivée des européens sont inachevés.

Figure 3.

La guerre des chiens et les Mongo de Basankusu :

La tradition orale de l'histoire est très bien connue des Mongo. La grande guerre appelée guerre du chien selon les recherches de Bongango J., mais appelée guerre des chiens lors des recherches concernant ce travail. Du domaine du mythe et de l'histoire orale, cette guerre débuta ainsi :une jeune fille reçut de son défunt père un chien de chasse en héritage. Ce chien permettait à la famille de ne manquer de rien, et principalement de viande de chasse. Vint un jour où le mari tua le chien en l'absence de l'épouse. Le soir, le mari servit la viande préparée à son épouse, et celle-ci mangea le repas. Mais pendant ce repas, l'époux annonça que la viande était celle du chien de son père. L'épouse retourna dans sa famille, et c'est ainsi que commença la guerre qui divisa en deux groupes distincts la population. A partir de ce moment les Mongo se séparèrent des Ngombé, les Mongo Baseka Bongwlanga se sont installés dans la région de Basankusu. Les Ngombé sont actuellement eux aussi répartis dans la cuvette centrale de cette région de la RDC. Mais ils sont moins nombreux que les Mongo. Cette scission aurait eu lieu vers Kisangani, dans la province Orientale 58(*). La migration qui entraîna l'arrivée du peuple Mongo dans la région de Basankusu aurait traversé la rivière Lonkomo. Les descendants actuels datent cette migration au XVI ème siècle. Selon Bongango J. : « La majorité des Baseka Bongwalanga prétendent être originaires de la zone de Befale59(*)».

La guerre des chiens serait à l'origine du peuplement dans le territoire de Basankusu par les Mongo proprement dit, appelé aussi Baseka Mundji. Au sein des Baseka Bongwalanga, on distingue deux groupes : les baseka Bonwgwalanga proprement dit et les Basek'efekele. Cette distinction est principalement faite par rapport aux chefferies. Ainsi, la chefferie de Bongilima (qui va nous intéresser par la suite) est dans le groupe des Basek'efekele.

Figure 4 :

L'organisation des Mongo de Basankusu

source : Bongango J. (2008), Van Der Kerken G. (1944)

Mongo de Basankusu, ou Baseka Mondjé ou Baseka Mundji, ou Nsongo

(ancêtre commun : Bosungu'Ombala) 

Baseka Bongwalanga

Basek' efekele

Baseka

Bongwalanga

Basek'ekulu

Groupements (ou chefferies)

Bolima II, Ntomba, Mondjondjo I, Mondjondjo II, Boeke, Ndeke, Lolungu, Boyela, Wala, Waka, Lifumba, Bokenda, Bolima I, Boende

Buya, Euli, Lilangi I et Lilangi II

Lisafa, Bongilima, Ekombe, Buya-Bokakata, Lifumba-Bonamba, Ekoto et Mpombo (ou Bosombe)

3. Une culture très liée à la nature.

La culture des Mongo est très liée à la nature. Cela s'observe à différents niveaux comme la pratique religieuse. Auparavant, les cultes concernaient de manière forte des divinités secondaires (par rapport au Dieu Créateur). Cela concernait des forces dites telluriques (liées à des forces physiques comme la foudre, la pluie), des animaux (avec le totémisme), des mânes, etc. La pratique du totémisme ainsi que le culte des ancêtres (ancestrisme) semble avoir été les principaux cultes des Mongo avant la christianisation de la cuvette centrale de la RDC. Le totémisme peut être définit comme une relation étroite entre une communauté (le clan par exemple) et certains espèces vivantes. Un clan va, par exemple, avoir un totem comme le crocodile. Dans ce cas des interdits existent : on ne chasse pas l'animal, on lui dédit des cultes, des cérémonies. D'une manière générale, cela influence beaucoup le groupe, dans le mesure ou s'instaure une connexion avec le monde naturel. Pour Lévi-Strauss C., les groupes sociaux pratiquant ces relations avec le monde dit « naturel » (animaux, plantes, etc ) ont tissé de tels liens sociaux que la nature devient un guide : « une méthode de pensée ». Le totémisme est également une manière d'organiser la société en étroite relation avec la nature, comme le rappelle Descola P. quand il affirme que « dans un tel mode d'identification, les objets naturels ne constituent donc pas un système de signes autorisant des transpositions catégorielles, mais bien une collection de sujets avec lesquels les hommes tissent jour après jour des rapports sociaux 60(*)».

Ces traits culturels sont autant d'éléments pour tisser également des liens étroits avec la terre. Cela s'observe principalement avec le rôle des ancêtres : « Les terres sont occupées au terme d'une alliance passée par le premier occupant avec les puissances de la terre et les esprits du lieu. (...). Le chef ou le maître de la terre est le garant du respect de l'alliance. Il est généralement le descendant du premier occupant. Il est chargé des des sacrifices nécessaires à l'obtention de l'accord et de la protection des possesseurs mythiques des lieux. C'est de cette médiation qu'il détient son autorité 61(*)».

Voici un exemple pour illustrer le totémisme présent chez les Mongo, et en particulier chez les Baenga, qui sont des Mongo pratiquant essentiellement la pêche, répartis donc le long des ruisseaux, rivières et fleuves du bassin hydrographique du fleuve Congo. Certaines cérémonies importantes de la vie sociale de ces populations sont encore très marquées par le totémisme, et le culte des ancêtres.

Ces cérémonies religieuses peuvent concerner par exemple :

§ La résolution d'un problème lié à la sorcellerie : comme l'« enlèvement » d'un enfant par un crocodile

§ La résolution d'un problème dit « climatique » : comme le manque de poisson

§ La mort d'un notable important du groupe, etc.

Le manque de poisson est expliqué comme un problème avec les puissances naturelles. La cérémonie (Nkembi) a pour but de résoudre ce problème en se référant aux puissances totémiques. Dans ce cas, le notable le plus influent du groupe se rend en pirogue avec un enfant, un chien et une natte. Le lieu de la cérémonie n'est pas choisi au hasard, il peut s'agir d'un marécage, d'un cours d'eau précis. Le chien est offert en sacrifice, puis le notable se rend au port de son village sur une natte 62(*). Le crocodile est selon les dire, situé en-dessous de la natte, pour l'empêcher de couler. Dans ce cas, la cérémonie s'est déroulé comme prévu, c'est-à-dire qu'il y aura prochainement du poisson dans les nasses, et dans les filets des pêcheurs. En effet, l'observation de signes permet de déterminer si le problème va être résolu ou non. Ainsi, si la natte ne coule pas, on va interpréter qu'il n'y aura pas de sécheresse (période de capture du poisson), tandis que si elle coule, le signe est perçu comme négatif : il n'y aura pas de sécheresse, et donc peu de prises de poissons. Il faut ajouter que le crocodile est considéré comme l'animal le plus puissant concernant la pratique de la magie dans cette région.

L'apport du christianisme lié à la présence de missionnaires dans l'actuelle Province de l'Equateur tend à réduire voire combattre ces pratiques qualifiées parfois de sorcellerie, avec tout ce que cela comporte de jugements négatifs.

L'économie illustre également les relations fortes avec la nature. Les Mongo vivant intégralement de la forêt, cette dernière intervient dans toutes les activités, y compris l'agriculture. Ces activités sont, la chasse, la pêche, l'utilisation des ressources ligneuses, mais aussi non-ligneuses (les plantes médicinales ou alimentaires). Les relations avec la nature sont très fortes comme l'illustre les pratiques religieuses anciennes comme le totémisme, mais ces interactions entre les populations et leur milieu évoluent pourtant.

Chapitre 2

Une société complexe et hiérarchisée

Il y a un très grand nombre de tribus, de sous-tribus au sein de l'Ethnie Mongo. Une hiérarchisation à l'intérieur de ces populations permet, en plus de d'informer sur la structure sociale, et également sur l'histoire même des Mongo. Cette hiérarchisation reprend les travaux de Van Der Kerken (1944). Le terme tribu renvoie à des origines communes par rapport à un ancêtre dont sont originaires les membres du groupe. Observer cette organisation permet de mieux comprendre que l'utilisation du terme d'ethnie, pour regrouper ces différentes populations, peut être explicative dans la mesure où les liens de parenté traduisent également une pyramide des origines historiques et sociales.

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1. Les différenciations au sein de l'Ethnie Mongo.

On distingue deux grands types de Mongo. Les Mongo au sens restreint et les Mongo au sens étendu. Les premiers sont considérés comme les Mongo « véritables », ou bien les « originaux ». Les seconds auraient a priori des liens de parenté peu évidents avec un quelconque ancêtre commun. En revanche, ils ont des similitudes culturelles, ou encore linguistiques. Il n'est pas simple d'affirmer le contraire de ces idées dans la mesure où peu de recherches ont eu lieu sur ce domaine.

Figure 5.

Cette classification de Van Der Kerken fait aussi des différenciations régionales. Les Mongo au sens restreint sont ainsi définis selon des régions. Il y a les Mongo du Nord, ou « Mongo proprement dit ». Ils sont Mundji ou Nsongo, Ntomba, Yamongo, ... Ils se trouveraient dans les territoire de Basankusu, Befale, et Bongandanga. Il y a ensuite les Mongo du centre, et enfin ceux du Sud.

Il convient d'ajouter que les Mongo du Territoire de Basankusu se définissent eux mêmes comme les Mongo. C'est-à-dire que cela va dans le sens des observations et des recherches anciennes.

2. L'organisation sociale.

Chez les Mongo la société est très hiérarchisée, et la succession est de type patrilinéaire 63(*). Cette filiation est marquée par le statut important de l'homme : « La transmission du nom, des biens et des droits s'opère entre père et fils, la résidence étant le plus souvent celle de la famille du mari64(*) ».

Comme nous venons de le voir, les Mongo sont répartis en groupes (appelé « tribu » lors de la période coloniale ). Ensuite, chaque groupe est réparti dans des clans, puis dans des lignées.

Un clan est défini comme un ensemble de personnes ayant des liens de parenté avec un ancêtre commun (extension de la famille nucléaire). Le clan n'est pas figé, et sa structure est sans cesse changeante. Ainsi, les mariages des enfants du clan étendent la taille du clan lui-même. En effet, lors d'un mariage, c'est très souvent la femme qui vient vivre sur les terres du clan (voire du lignage). La société Mongo suit l'organisation segmentaire de type patriarcal : un ancêtre commun est obligatoirement une personne de sexe masculin.

Les lignées peuvent être de deux sortes. On parle de lignée primaire et de lignée secondaire. Cette différenciation est liée à la structure sociale et familiale. Les lignées primaires sont les enfants (masculin) né du père de la lignée, tandis que les lignées secondaires sont composés des petits-enfants du père de la lignée. Le père de la lignée est également appelé patriarche ou chef de lignée. Le chef de lignée est très fréquemment un homme âgé, mais pas obligatoirement, car c'est le descendant direct de l'ancêtre commun (le fils aîné par exemple). Il dispose d'un pouvoir social et juridique au sein du groupe. Cela signifie qu'il a un pouvoir sur les femmes et les enfants du clan. Un patriarche a une responsabilité forte, il est en quelque sorte de garant de l'harmonie et de la sauvegarde de la vie de son groupe (Hustaert G., 1990). Il est politiquement autonome dans cette gestion. Toutes les personnes âgées ne sont pas pour autant toutes des patriarches, et un patriarche peut être le chef d'une section de la lignée, lorsque cette dernière est très ramifiée (lignées secondaires, primaires,...).

L'autorité juridique et politique du groupe est de type oligarchique. C'est-à-dire qu'elle se transmet par hérédité. Cette transmission du pouvoir est la même pour les guérisseurs (nkanga en lomongo), de père en fils, mais, contrairement à la fonction de patriarche où c'est une personne de sexe masculin qui forcément est investi, les guérisseurs peuvent être selon les cas des femmes.

Le rôle de l'homme est très fort dans les sociétés patriarcales. Les fils ont donc une grande importance, mais il y a, là aussi, une hiérarchie. Le fils aîné est le fils le plus importante au sein de la famille et du lignage car c'est lui qui héritera du pouvoir, tandis que les frères du fils aînés sont parfois en retrait. Cette différence entre l'aîné et le cadet ou le puîné, s'observe pour le transmission du pouvoir, mais aussi dans les partages comme le souligne Mune P. : « Qu'ils [les ancêtres] partagent du poisson, de la viande, de la terre, des valeurs ou n'importe quoi, ils font toujours ainsi : ils donnent plus à l'aîné, moins au cadet 65(*)». Cette organisation de la famille est directement liée à l'organisation politique dans la mesure où la société et le droit se confondent.

3. L'organisation politique en zone rurale.

Il existe en RDC une grande variété de types d'organisation selon chaque société. On trouve des sociétés matriarcales dans les Provinces de l'Est du pays par exemple. Différentes échelles interviennent comme le groupement (ou chefferie), le village (ou localité), le clan, et les lignées. Le groupement et le village sont liés à l'administration tandis que les clans et les lignages (des échelles plus locales) sont marqués par des modes de gestions plus traditionnelles.

Figure 6 :

Schéma de l'organisation du territoire

de l'échelle régionale à l'échelon local.

Source : entretiens dans la localité de Boondjé (2009)

et De Saint Moulin L. & Kalombo Tshibanda J.-L. (2005)

A. Les pouvoirs en relation avec l'Etat.

Le groupement est un découpage administratif mais qui conserve dans certains cas des liens très forts avec les pratiques anciennes : la lignée régnante peut diriger une chefferie depuis longtemps (depuis la nomination par les belges du clan régnant). Le groupement est très souvent investi par un clan ayant une filiation avec l'ancêtre commun du groupement. A leur création (au XX ème siècle), les chefferies étaient établies sur des critères d'homogénéité ethnique. Ce n'est plus toujours le cas, comme pour le groupement de Bongilima où le pouvoir a beaucoup changé de clan (3 clans différents depuis l'arrivée des européens). Les mouvements de population devenus de plus en plus fréquents ont modifié cette homogénéité. Les règles concernant la gestion d'une chefferie ont été mises en place lors de la colonisation. Dans la gestion des clans et des lignées, le chef ne peut pas choisir lui-même son héritier. Les chefferies fonctionnent différemment. Le chef du groupement (ou la cheftaine car une femme peut être investie à ce poste, de manière peu courante, mais pas non plus de façon sporadique) transmet parfois le pouvoir par héritage en remettant le titre écrit de chef à une personne de son clan qu'il juge digne de ce poste (par exemple du côté maternel comme un neveu). Une règle existe concernant le clan régnant : le pouvoir ne peut rester plus d'une génération en possession d'une lignée, il est obligatoire que ce ne soit pas la même lignée au sein du clan, qui soit investie de la position de chef. Le clan investi de la chefferie n'est pas toujours bien perçu par les habitants dans la mesure où il peut y avoir des tensions entre l'Etat et les chefs coutumiers.

Le village dispose aussi d'un chef : que l'on nomme le chef de localité. C'est une autorité d'Etat, dont le but est de faire l'intermédiaire entre l'Etat et les chefs de clans. Par exemple, il intervient lors d'une demande de terre. Ce pouvoir est transmis de manière héréditaire au sein de la lignée, et non du clan comme pour les chefferies.

B. Du clan aux familles : une organisation marquée par la structure sociale des Mongo.

Le clan se réfère à une organisation ancienne, mise en place bien avant l'arrivée des européens. Chaque clan dispose de ses terres qui sont ensuite réparties entre les lignées et entre les familles. Cette structure est très importante en zone rurale, voir prépondérante dans le mesure où la gestion des terres ne peut se faire selon l'accord du patriarche. Chaque clan dispose d'une organisation qui lui est propre. Dans ce sens, la chefferie et le chef de localité sont en relations étroites entre l'Etat et les chefs coutumiers. Le clan est le propriétaire des terres, et c'est sûrement l'acteur foncier le plus présent dans les zones rurales de la RDC. Comme il a été précisé précédemment, le clan est en constante évolution, principalement sa structure sociale. Ce phénomène a des conséquences fortes dans la mesure où la segmentation croissante (dans le temps) des lignages au sein du clan tend à réduire de plus en plus son autorité. De même, la mort d'un patriarche est souvent un moment où le clan peut se diviser entre les différents lignages qui le composent.

Le lignage est la structure sociale située en dessous de la hiérarchie du clan. Plusieurs lignées forment donc un clan. Chaque lignage a un chef qui est le représentant de la famille et de l'autorité. Comme pour le clan, la transmission de ce pouvoir est régi par la coutume: l'héritier est celui qui a la plus proche parenté avec les anciens chefs : un fils (ou un neveu lorsque la lignée ne comporte pas de fils). La lignée de l'aîné de la famille dispose d'un pouvoir plus important que les lignées « inférieures » comme pourrait l'être la lignée d'un puîné.

Chapitre 3

La répartition des terres chez

les populations Mongo

« Si le père n'a pas abattu une forêt, les enfants n'auront pas une jachère. »

« Celui qui ignore le clan de son grand-père est un esclave. »

Proverbes Mongo

La région où vit le peuple Mongo est essentiellement forestière. Pour donner un aperçu de la superficie forestière, prenons le cas de l'aire Maringa-Lopori-Wamba. Cet espace est composé de près de 93,5% de forêts. Il est important de préciser que cette aire a été délimitée car elle comporte de très nombreuses forêts. Il est donc nécessaire de comprendre et d'analyser les rapports de propriété en zone forestière dans le mesure où la forêt couvre quasiment tout l'espace. Il va donc exister des rapports très forts à la forêt car c'est un espace vécu, et plus que nécessaire à la survie des populations. La pauvreté de la région étant forte, la forêt, de part la « gratuité » de ses services tient une place considérable pour les populations. Parler de rapports très forts part d'un postulat, qui s'explique par le fait que les populations vivent, non pas seulement dans les zones rurales, mais également en zone forestière, et que la forêt influence les modes de vies, les activités, etc.

Plusieurs interrogations apparaissent :

§ Comment s'organisent les rapports de propriété forestière ?

§ Comment s'organisent les rapports fonciers, ainsi que les rapports entre les populations ?

§ Quel est l'attachement à la forêt ?

En effet, en observant les photographies aériennes ou satellites de la forêt de manière très brève, on peut conclure qu'elle est « vierge » (non-habitée et non-exploitée par l'homme). Les activités et le peuplement humain semblent très concentrés en certains points : le long des routes, autour de pôles urbains.

Ce constat est aussi celui de l'Etat en RDC. Le droit foncier parle de terres vacantes. Comme cela a été précisé dans la Partie I, cette enquête qui comporte des volets d'ordre socio-économique vise à connaître les utilisations du territoire concerné. L'Etat étant le propriétaire de la majeure partie des terres qui se trouvent sur son territoire, des jeux d'échelles vont donc avoir lieu, et ils ne sont ni simples, ni paisibles. Ce problème n'est pas nouveau, et la propriété des forêts est depuis longtemps un enjeu important, emprunt de conflits d'usages.

Voyons cela dans l'histoire récente. Récente car il n'y pas de sources disponibles dans la littérature avant la présence belge dans le bassin du Congo. Prenons comme exemple les travaux du père missionnaire Edmond Boelaert. Celui-ci fut un ardent défenseur des populations indigènes pendant les années cinquante, notamment par l'intermédiaire de la Commission pour la Protection des Indigènes 66(*). Cette analyse va porter sur l'Enquête menée par BOELAERT en 1954 sur la propriété foncière chez les Mongo dans le contexte colonial. Cette enquête comprend 45 entretiens réalisés par le père Boelaert, repris et édités par Honoré Vinck, l'actuel directeur de annales Aequatoria.

Les annales Aequatoria sont les publications du Centre Aequatoria, un Centre de Recherches Culturelles Africanistes. Leur domaine est très varié : on y pratique l' « étude des langues, des cultures et de l'histoire (pré-coloniale et coloniale) de l'Afrique sub-saharienne. 67(*)».

Les entretiens ont été réalisés au début de la décennie 1950, et dans l'actuelle Province de l'Equateur. Les personnes sont de différents milieux, on trouve ainsi beaucoup d'élèves, de moniteurs, de personnalités politiques (comme un Administrateur de Territoire ou des Chefs de District) un juge-conseiller, deux catéchistes et trois autres personnes sans véritable spécification. Les entretiens ont été réalisés par lettres (des questions), d'où une certaine exactitude des informations car les élèves ont eu la possibilité de questionner leurs familles et leurs chefs de lignages par exemple.

Boelaert E. part du principe qu'il y a un décalage entre la vision de l'Etat Belge et celui des populations autochtones. Selon l'administration, il y a des forêts sans propriétaire. C'est cela que conteste le père, et c'est pour le prouver qu'il réalisa cette enquête.

1. La propriété des forêts.

Sur les 45 entretiens, pas un seul ne conteste le fait que la forêt sans propriétaire n'existe pas.

A. Toute portion de terre a un propriétaire.

Pour ne citer que quelques exemples :

§ Pierre Mune, qui a la profession de moniteur dans une école à Bomputu s'exprime ainsi dans le troisième entretien: « Aucune forêt n'est sans propriétaire ; même les forêts qui ne sont pas trop souvent fréquentées par les gens à la recherche des biens, celle-là ont des propriétaires. ».

§ Joseph Batokwa explique aussi cela en d'autres termes, et avec un peu plus de précision : « Tu ne trouveras jamais des forêts sans propriétaires. Que ce soient des forêts vierges, des forêts distantes ou des forêts anciennes, elles ne sont pas sans propriétaires. »

B. Qui sont les propriétaires des forêts ?

Les entretiens révèlent qu'il a trois sortes de propriétaires qui se dégagent. Ces trois différents « entités » se réfèrent aussi à une échelle de temps particulière.

1. Le moins présent dans les entretiens, et le plus ancien dans le temps : Dieu (Njakomba)

§ « Le monde entier appartient à Dieu. Il avait partagé lui-même ce monde à ses enfants. Ce sont les hommes. Dans ce partage du monde, il avait tracé des limites tout en prévoyant la part de chacun. Dieu n'avait pas prévu que quelqu'un pourrait ravir la part de son semblable. » Tels sont les mots de Pierre Mune pour qui Dieu est le « propriétaire du monde ».

§ « Depuis les temps immémoriaux, nous savons que tous les hommes viennent d'Adam et d'Eve, les parents de tous les hommes. Comme ils avaient donné naissance aux enfants, ceux-ci à leur tour, ont donné naissance à leurs enfants et il y eut beaucoup d'hommes sur la terre. Il (Dieu) ne leur a pas dit de vivre sur un même endroit. C'est ainsi qu'ils se sont divisés en nombreuses familles en nombreuses villes. C'est ainsi qu'il y a beaucoup de villages et villes disséminés comme vous le voyez dans l'Histoire Sainte. Depuis la chute de la Tour de Babel il y eut diaspora de la race humaine. Certains avaient traversé la rivière et certains étaient restés sur place. Si y avait des gens un peu il partout. Chaque village avait reçu un lieu de travail. C'est à-dire la forêt. » Selon Gaston Efoloko, moniteur dans une école.

Nous percevons bien la dimension temporelle dans ces deux exemples. Dieu intervient dans l'histoire très ancienne, lors du début de la présence humaine. On retrouve très fréquemment l'expression « depuis les temps immémoriaux », et cela dans presque tout les entretiens. Nous constatons aussi l'influence de la religion chrétienne bien que celle-ci soit plus ou moins intégrée dans la culture locale. Néanmoins, on se réfère à Dieu pour ce qui est très ancien lorsque la mémoire humaine se perd.

Dieu est également une explication pour déterminer qui est propriétaire de la forêt . Après lui viennent les ancêtres  à qui il a donné la propriété de la terre. Le Dieu des Mongo est considéré comme un père biologique. Cette image du père est liée à une certaine conception de l'autorité : cette autorité de Dieu étant primaire et primordiale (Hustaert G., 1980). L'échelle de temps est donc plus récente. Les mots de Bassay Alphonse, lui aussi moniteur explicitent bien ces idées :

§ « Le propriétaire de nos forêts est Dieu, le créateur de toutes les choses. Viennent ensuite nos premiers ancêtres qu'il (Dieu) avait créés. »

2. Une référence obligatoire et primordiale : les ancêtres.

Les ancêtres tiennent une place très importante dans la culture Mongo, mais également pour l'ensemble des populations Bantou. En effet, Dieu en tant que créateur n'est pas vraiment l'objet d'un culte chez les Bantou. Des cultes ont lieu en ce qui concerne les esprits tutélaires, mais « leur véritable culte est le culte familial et tribal des mânes et des ancêtres 68(*)». Le culte des ancêtres est plus important que l'animisme vis-à-vis des puissances naturelles et spirituelles. Chez certaines populations, les ancêtres peuvent même être des divinités de premier ordre, plus important que Dieu (Thomas L.-V. et Luneau R., 1969). Quel est leur rôle dans l'appropriation des terres plus précisément dans celui des forêts, pour cette période ?

Voyons les mots des interviewés :

§ « Toutes les forêts ont des propriétaires et cela remonte aux temps de nos ancêtres. Ceux-ci sont les auteurs de notre terre. » Tels sont les dires de Bassay Alphonse.

§ « Les ancêtres sont les premiers possesseurs des forêts.» Selon Louis Bosio, chef catéchiste à Yali, aidé par quatre anciens du village, et Ambroise Bondamba pour l'écriture de la lettre.

Ce rôle est primordial car il détermine à qui appartient ensuite la forêt. C'est lié aux lignages, aux clans, et à la généalogie. Si tel ancêtre avait telle forêt, cela a perduré jusqu'aux générations vivantes.

Les ancêtres sont le « fil conducteur » dans le temps pour déterminer la propriété présente de la forêt. Les ancêtres peuvent être considérés comme des lignages intermédiaires entre l'homme et Dieu. Nous en venons au temps présent.

3. Le chef de lignage: le détenteur (présent) de la propriété sur les forêts :

Le propriétaire des terres est le père de la lignée. C'est le gestionnaires des forêts et par là même, des terres que lui ont laissées en héritage ses ancêtres. Il a le pouvoir sur la forêt tant qu'il est en vie. Le lignage tient donc une place cruciale dans l'appropriation des forêts. Ce système de propriété est très ancien et il est développé partout. Les détenteurs des forêts sont tous des hommes dans les entretiens réalisés par le Boelaert E.. Ces pères des lignées, puisqu'ils descendent d'ancêtres ayant la propriété des forêts, sont le prolongement familial. La propriété des forêts n'est donc pas concevable sans ces personnes au pouvoir considérable.

§ « Le père de la progéniture est le propriétaire de la forêt. C'est lui qui avait tracé des limites entre lui et les villages voisins, et il avait distribué à son lignage des portions de la forêt et il s'était réservé lui-même une portion. » Selon Joseph Bonkingo et les vieillards qu'il a interviewé pour répondre aux questions du père.

§ « C'est au géniteur que retient le problème de la forêt. Depuis les ancêtres, si le père n'a pas abattu une forêt, l'enfant n'aura pas une jachère. On parle d'une forêt depuis les ancêtres jusqu'au père qui t'a engendré. » Louis Efonge

§ « Pour ce qui concerne le village c'est le père de sa lignée qui est a sa source. On n'a un village que grâce au père de la lignée. Le village n'est pas une personne pour avoir une chose, c'est une personne qui peut l'avoir. C'est la raison pour laquelle le père de la lignée a une forêt. » Selon le moniteur à Ingende : Gabriel Ekonya.

On constate bien le rôle qui est attribué par les coutumes au chef de lignage. Ces compétences sont vastes puisqu'il a un pouvoir sur la terre mais aussi sur les hommes. En effet, le rôle des forêts étant déterminant dans la vie des villages, cela influence logiquement les hommes. Dans un même village, il peut y avoir plusieurs pères de lignées, et dans ce cas, chacun dispose d'un territoire forestier propre. Ce pouvoir des pères de lignées est justifié par la généalogie, et aussi par Dieu. Les trois « entités » se complètent pour donner une légitimité forte au propriétaire pour que ce pouvoir ne puisse pas être contesté.

Cette citation de Barthélémie Yefa explique cette idée :

§ « Le propriétaire de nos forêts c'est Dieu. C'est aussi le père de la lignée .»

On assiste ici à une comparaison entre Dieu (le Père) et le père de la lignée. Son pouvoir est donc aussi d'ordre religieux car il a reçu ses terres du partage effectué dans les « temps immémoriaux » par Dieu lui-même.

4. Qui hérite des forêts à la mort du père de la lignée ?

Une préoccupation forte est de ne pas laisser la famille sans héritage, et dans le même temps, de ne pas laisser la forêt sans propriétaires. Les deux se combinent et les règles d'héritage sont les suivantes :

§ « Même si le propriétaire est mort, ses arrières petits-fils y sont et ils doivent hériter la forêt. Ils ne devront pas abandonner sans raison le bien de leur ancêtre. C'est ainsi que toutes les forêts ont des propriétaires. » Gabriel Ekonya.

§ « On ne parle pas de l'héritage si ton ancêtre n'a rien laissé pour toi. Celui qui hérite c'est le fils aîné du père de la lignée. Il hérite comme les pères avaient eu en héritage les forêts de leurs grands-pères, les possesseurs des forêts : enfin c'est le tour du fils d'avoir une forêt. » Louis fonge.

C'est la coutume qui fixe les règles de succession, et c'est parce que les ancêtres (ici, les grands-parents, les parents) ont hérité de la forêt, que le fils lui aussi aura sa propriété. Si jamais la famille n'a pas de fils, ou si il y en a plusieurs, des règles existent pour établir qui hérite :

§ « Quand le propriétaire de la forêt meurt, son frère cadet ou son petit-fils hérite de sa forêt. Mais ; il est dit que s'il n'a pas de frères cadets ou des enfants, qu'on cédera la forêt même à un petit-enfant qui fait partie de ce lignage. La forêt ne reviendra pas à la famille maternelle. » Selon André Bondenge.

Il est même mentionné qu'un pygmée peut hériter de la forêt si le propriétaire de la forêt est son maître et qu'il n'a aucune descendance masculine.

Bien évidemment, ces règles qui organisent la propriété ne sont pas écrites, il ne s'agit que de règles orales transmises de générations en générations. Ce qui veut également dire que ce savoir est précieux et la personne qui hérite, en plus d'avoir des liens de parenté avec les ancêtres, doit aussi avoir la connaissance précise de ce savoir.

Ce savoir est vaste. Il faut connaître les délimitations, connaître la forêt, par exemple : savoir situer les endroits tabous ou interdits, ainsi que les zones dangereuses. Il faut aussi connaître où se trouvent les ressources précieuses pour la médecine, les rituels, etc. L'héritier doit aussi être quelqu'un qui a appris la gestion des terres, la diplomatie avec les autres villages ou les autres clans. Ces compétences sont larges car il faut agir comme un père envers la famille, le clan, être aussi instruit sur les rites religieux, les relations avec le monde surnaturel que sont les ancêtres, les esprits de la nature, etc. Il peut aussi avoir à agir comme un juge lors des conflits d'usages par exemple. Il est aussi le propriétaire et il doit donc agir en conséquence. Par exemple, défendre son bien (aspect primordial) mais il peut aussi vendre certaines terres ou les louer à quelqu'un.

Le chef de lignage n'agit pas tout seul, on trouve des notables, des anciens qui l'aident, le conseillent. Cela confère, aux personnes âgées, un rôle fort car elles ont les connaissances et donc la légitimitéaux yeux des villageois.

2. Les délimitations spatiales entre les différents propriétaires des forêts.

De la même manière que toutes les forêts ont des propriétaires, toutes les forêts ont logiquement des noms.

Puisque chaque forêt appartient à quelqu'un, il y a des limites de propriétés. Ces limites ne sont pas connues de l'Etat mais elles le sont des populations locales. C'est du moins ce qui ressort des enquêtes.

§ « En effectuant de longues distances dans ce monde, tu trouveras des limites entre les villages ou entre les lignages. C'est un véritable constat car ils avaient tracé les limites lorsqu'ils se partageaient les forêts. Dans nos villages, nous avons certaines forêts proches de nous, et si deux personnes font leur deux champs à proximité, ils doivent tracer la limite entre ces deux champs. » D'après Pierre Mune pour qui les limites sont des facteurs pour expliquer que toutes les forêts ont des propriétaires. 

§ « C'est entre les villages que nous voyons les limites des forêts. Ceux qui connaissent ces limites ne sont que les autochtones. » Pierre Célestin.

Ces limites sont la plupart du temps des frontières naturelles : les cours d'eau servent de délimitation dans de très nombreux exemples. Le réseau hydrographique étant très développé dans tout le bassin du Congo, c'est un élément qui fractionne l'espace, et les populations humaines ont utilisées les avantages de ce réseau. De plus, la pêche étant pratiquée par les Mongo, il est très important pour une famille ou clan par exemple, d'avoir un accès aux poissons et aux cours d'eau qui servent également de voies de communications.

Parfois, les limites sont définies avec une extrême précision, que les propriétaires se trouvent dans des situations confuses. Ghislain Nkonyi donne un exemple frappant :

§ « Quelqu'un avait reçu tout un lac, c'est-à-dire, les eaux du lac seulement, mais en voulant accoster sa pirogue sur le bord du lac, un certain lignage vint lui dire qu'il n'avait que les eaux du lac, et non le bord car son ancêtre n'avait pas été le propriétaire de cette partie de la terre. C'est étonnant mais c'est vrai. »

Ce cas précis et peu commun illustre bien le fait que les limites sont précises et qu'on ne s'approprie pas la terre de manière facile. Les règles de partages sont établies depuis longtemps et elles ne semblent pas avoir beaucoup évoluées depuis les lointains ancêtres.

Pour autant, si les règles ont peu changé, les limites de propriété ne sont pas figées. Les guerres les ont fait évoluées dans le temps, car pendant la période pré-coloniale elles fûrent majoritairement le seul moyen d'obtenir de nouvelles forêts.

§ « Du vivant de nos ancêtres jusqu'à maintenant, nous avons un problème sérieux relatif à la forêt. Les propriétaires des forêts n'ont jamais toléré qu'un certain village s'attribue leurs forêts. Si quelqu'un s'en attribue, il y aura une guerre, et beaucoup de gens auront à perdre la vie. » Selon Odilon Lokwa.

Lorsqu'un conflit foncier opposait deux protagonistes, et si aucune issue ne venait résoudre le conflit, c'est la guerre qui déterminait à qui devait appartenir la forêt.

L'Etat Belge, et l'Etat de la RDC aujourd'hui on un rôle d'arbitre des conflits. Cela explique pourquoi les guerres tribales concernant la propriété des forêts n'existent plus aujourd'hui.

3. Comment obtient-on une portion de terre ?

Les forêts et les terres étant toutes appropriées, la question de l'obtention de portions de terres se pose. Dans quelle mesure la forêt peut-être allouée à une personne du village, mais aussi à une personne étrangère telle qu'un immigrant ou bien un européen ? Voici ce que répond Marc Bolumbu aux questions du père Boelaert :

§ « Si les immigrants et les étrangers demandent au propriétaire de la forêt un endroit pour faire les champs ou pour construire des maisons, peut-être pour y habiter, le propriétaire de la forêt ne peut pas les interdire. Mais le propriétaire de la forêt ne peut pas leur céder la forêt pour toujours. Personne n'a le droit de vendre une portion de sa forêt. Car la forêt d'un homme n'est que la conservation de tous ses biens. Il capture des poissons, des gibiers, des chenilles et certaines choses à partir de sa forêt. Sauf les Blancs s'ils achètent une portion du terrain, et c'est à ce moment que le village leur donne une portion de terrain acheté. Mais l'on ne distribue pas la forêt. Non

On voit bien avec ces paroles que la forêt peut être cédée à une personne étrangère au village, mais il y a des règles précises pour obtenir cette propriété. M. Bolumbu affirme que l'on ne peut vendre la forêt, pourtant d'autres entretiens le contredisent comme Joseph Batokwa :

§ « Le propriétaire de la forêt peut vendre une portion de sa forêt. Comment peut-il la vendre ? Il la vend s'il a une dette, et comme il n'a pas d'argent à donner à son créancier, il lui remet une portion de sa forêt. »

Il est marquant de constater que la forêt peut servir de moyen de paiement. Ainsi, une portion de forêt peut servir pour payer une dette pour un mariage, ou pour payer une indemnité de mort. Cette indemnité de mort est demandée en cas de faute grave, et si l'accusé n'a pas l'argent pour payer la somme requise, il doit céder une portion de forêt.

Cependant, il n'est pas recommandé de vendre sa forêt car cela pénalise les générations futures du lignage ou du clan, qui disposeront de moins de terres et seront moins riches que leurs ancêtres. C'est pour cette raison que vendre sa forêt est parfois considéré comme un acte fou, insensé. C'est ce que résume ces mots de Arsène Pambi :

§ « Un père qui est riche mais imbécile, peut gaspiller sauvagement ses biens sans toutefois se rendre compte qu'il a derrière lui une grande famille. Et il peut aussi vendre sa forêt aux gens qui en manquent. Pense-t-il qu'il aura une autre forêt et d'autres biens ? Ils vont errer ça et là et ils deviendront des cancres. Nous ne pouvons pas distribuer nos forêts car Dieu ne viendra pas créer un autre monde. »

Ces paroles montrent bien quelles peuvent être les conséquences dramatiques d'une mauvaise gestion des forêts. Cela pénalise les futurs propriétaires des terres issu du même lignage. Les erreurs ne s'effacent pas, et lorsqu'une forêt est vendue, elle est perdue à jamais. Cela occasionne des tensions entre les nouveaux propriétaires et les anciens.

La mauvaise gestion de la propriété du clan, du lignage est donc la plus grave erreur qui puisse être commise. La forêt étant souvent tout ce dont dispose le clan ou le lignage, perdre cette richesse équivaut à être complètement démuni.

Être chef des terres est donc une responsabilité lourde qu'il ne faut pas prendre avec légèreté sous peine de se voir condamné à la pauvreté. De même, les cas d'adultère peuvent aussi être des raisons qui peuvent faire perdre des portions de forêts aux clans. La pauvreté est aussi une cause de la perte de forêt. Si le propriétaire est dans un état de besoin extrême, il peut être contraint de vendre une partie de sa forêt.

Après avoir tenté de comprendre comment les règles d'appropriation chez les Mongos en 1954, nous allons nous pencher en détail sur la situation actuelle d'un village. L'interrogation principale est la suivante : les pratiques foncières sont-elles similaires ? Quelles sont ces pratiques ? Selon quel type d'utilisation de l'espace (chasse, pêche, agriculture, plantations, etc) ? Nous allons aussi tenter de voir quelles sont les interactions spatiales entre la société et le domaine foncier.

Chapitre 4

Les règles foncières selon les modes d'utilisations de l'espace : étude de cas à l'échelle d'un village

Cette analyse reprend les recherches effectuées dans la localité de Boondjé. Ce village se situe le long de l'axe routier entre Basankusu et le groupement de Bongilima. Long d'environ quatre kilomètres, la population de ce village est répartie le long de la route. L'activité principale est l'agriculture, principalement le maïs et le manioc, viennent ensuite la chasse et aussi la pêche, lors de la saison sèche.

Les informations requises sur les pratiques foncières et la gestion locale ont été obtenues avec les populations d'une partie du village, toutes n'ont pas été consultées. Seulement quelques clans sont à l'origine de ce travail.

Cette partie va être donc consacrée à décrire les aperçus de la pratique foncière des populations Mongo. Par exemple, en comprenant quel est le rôle d'un chef de terre, ou encore en analysant les droits d'usages selon le type de ressource (forestières, agricoles, etc).

On distingue ici deux types d'espaces. Le premier est fortement approprié par les populations, cela va concerner les habitations, les zones cultivées, les plantations, etc. Le second se situe plus en zone forestière. Il va concerner les pratiques de chasse, mais aussi de pêche pour les ruisseaux.

Le premier type d'espace est situé le long des routes, et dans un périmètre peu éloigné autour des lieux d'habitations

1. Les espaces anthropisés.

A. L'habitat.

Il n'y a pas de restrictions pour l'établissement de maison à l'échelle du clan. Chaque personne d'un même clan a le droit de construire sa maison où il le souhaite. Le chef de lignage peut tout de même s'opposer à la construction d'une maison sur ses terres, mais dans la pratique, il ne refuse jamais à quelqu'un de son groupe de s'établir sur ses terres. Cela est beaucoup plus compliqué lorsqu'une personne étrangère au clan, ou au groupement demande la permission de s'établir sur les terres d'un clan. Bien que cette pratique d'accueil ait été fréquente dans le passé, il semble qu'aujourd'hui cela soit moins facile. La pression sur les terres étant plus forte qu'auparavant (avec l'augmentation des surfaces agricoles), des freins existent actuellement pour l'implantation de familles et de lignages étrangers au groupement. Au sein d'un lignage, lorsqu'un fils désire s'installer seul, le père de la lignée lui donne son accord, et lui choisit un lieu où s'implanter. Pourtant, les habitations ne donnent pas de droit de propriété sur le sol. Seul le travail permet de s'approprier la terre. C'est ainsi qu'une famille peut être accueillie par le clan A, mais c'est le clan B qui va donner une parcelle de terre pour l'agriculture ou pour réaliser une plantation. En effet, le clan A ne veut pas céder des terres, malgré le fait que la famille vive sur ses terres.

B. Les plantations : le droit de l'arbre.

Que ce soit des palmeraies ou des bananeraies, elles sont localisées très fréquemment à proximité des habitations, et cela pour plusieurs raisons. Il est plus pratique pour la cueillette que les plantations ne soient pas trop éloignés : donc pour faciliter l'usage. Il est également plus facile de surveiller les fruits vis-à-vis des voleurs, car lorsque la cueillette des fruits est proche, cela peut attirer la convoitise. Dans ce sens, certains propriétaires disposent des pièges pour protéger certains arbres fruitiers (par exemple, un piège à fils déclencheur relié à une brique de terre). Les principaux arbres fruitiers, autres que les palmiers et les bananiers sont les safoutiers et les papayers. Il y a aussi des raisons biologiques à l'établissement de plantations proche de l'habitation. Les déchets ménager, surtout ceux de la cuisine sont donc volontairement situés à côté de bananiers qui vont bénéficier de ces apports nutritifs. On trouve aussi des bananiers dans les jachères, ou dans les forêts secondaires, mais de manière diffuse et il ne s'agit pas de plantation en tant que telle. Le propriétaire de la bananeraie est la personne qui a planté les arbres.

Photographie 6

Une bananeraie située à quelques mètres derrière les habitations du propriétaire.

Photographie 7

Une bananeraie et son propriétaire.

Le type de plantation le plus répandu est la palmeraie. Les palmiers fournissent beaucoup de produits aux habitants (huile, balais, toitures, poutres, savon, etc.), ils sont donc un signe de richesse, et les arbres en général sont des ressources indispensables pour les populations, ils sont au coeur de l'économie rurale. Tout comme les bananeraies, les palmeraies appartiennent à la personne qui a travaillé pour l'obtenir. Elle nécessite par ailleurs un travail important, et c'est le rôle des hommes du lignage de les entretenir. Les palmeraies peuvent donc appartenir soit au clan, soit à une personne. Le cas le plus fréquent est l'appropriation par foyer. Le travail est encore une fois synonyme d'appropriation, si bien que, si quelqu'un n'entretient plus sa plantation et que les broussailles l'envahissent, le droit de propriété cesse. Lorsqu'une famille s'établit sur les terres d'un clan qui n'est pas le sien, les arbres qui se situent proche de son lieu de vie ne peuvent lui appartenir. Lors de l'abatage pour réaliser un champ, les arbres tombés reviennent au clan propriétaire. Sa propriété sera ce qui poussera par la suite. Une différence s'opère entre les autochtones et les allochtones.

La palmeraie est généralement située à côté de l'habitation du propriétaire. Cela rend l'utilisation facile d'autant plus qu'elle peut être fréquente. Cela facilite aussi la surveillance lorsque les fruits (noix) sont à maturités. Les plantations permettent également de faire une barrière de protection entre les habitations et les champs cultivés. En effet, l'élevage se pratique par « divagation ». Les chèvres, moutons et les rares porcs se déplacent librement, et les plantations les empêchent de se rendre dans les champs pour nuire aux récoltes. Certaines palmeraies peuvent être grandes, selon les ressources financières disponibles, car les plants sont chers. Cela explique pourquoi les palmiers utilisés sont souvent des races sauvages, les plants améliorés étant chers 69(*).

Photographie 8

Une petite palmeraie

.

Il existait avant la guerre des plantations de caféiers, mais elles semblent ne pas avoir perdurées jusqu'à lors. En effet, le café ne permet pas des revenus réguliers comme pour les palmeraies. Les rentes sont donc plus sporadiques. Et par ailleurs, cela ne permet pas se nourrir. La création d'une caféraie étant uniquement à but commercial. C'est également une culture exigeante par rapport au climat.

C. L'agriculture.

Chaque famille dispose de ses propres parcelles, et de ses propres jachères. Il n'existe aucune famille ni aucun lignage qui ne pratique pas l'agriculture. Très répandu, l'agriculture concerne principalement le maïs et le manioc, et plus rarement l'arachide, le niébé ou encore l'igname. Le maïs est plutôt une culture de rente et le manioc se situe entre l'autosubsistance et la culture de rente. La proximité de zone urbaine entraîne souvent ce type de cultures.

Lorsqu'une personne décide de défricher pour faire l'agriculture elle demande au père de la lignée. Un père d'une lignée ne peut refuser à un membre de sa famille une portion de terre. L'agriculture se pratique donc sur les terres lignagères. Le clan n'étant plus toujours une autorité forte sur les terres par rapport aux différents lignages qui le compose. Ainsi, lorsqu'un fils décide de ne plus travailler dans la parcelle de son père, il demande une portion de terre. Cette portion de terre (souvent une jachère), une fois cédée, appartient à la personne qui la travaille. Il devient donc propriétaire. La personne qui défriche une jachère pour faire son propre champ réalise elle-même les limites de son champ, dans la mesure où cela ne gène pas le père de la lignée, et les autres champs du lignage. Le père de la lignée peut favoriser un fils plutôt qu'un autre, en donnant une bonne terre à celui qu'il préfère.

Pour les personnes cherchant à cultiver sur des terres ne leur appartenant pas, il existe diverses possibilités. Il est possible de louer une partie de terre. La durée d'une location va dépendre des plantes cultivées. Cette durée peut être de quelques mois à quelques années. Ces contrats de locations peuvent être de différents types. Le propriétaire peut avoir recours à de la main d'oeuvre pour défricher. Dans ce cas, le défricheur peut avoir le droit de cultiver du maïs, mais il doit laisser une partie de la parcelle défrichée au propriétaire pour cultiver du manioc le plus souvent. Cette partie laissée au propriétaire dépend du contrat passé entre les deux personnes. Réalisé de manière orale, ce contrat est avantageux pour le défricheur qui ne dispose pas de terres pour cultiver, et le propriétaire bénéficie d'une partie du travail du locataire pour sa propre récolte. D'une manière générale, la partie laissée au propriétaire ne peut pas excéder le tiers de la superficie.

Un autre cas existe pour la location. Le propriétaire laisse à certaines femmes le droit de cultiver du manioc ou de l'igname sur une de ses parcelles de maïs. En échange de cette mise à disposition de terres, elles vont pratiquer le désherbage obligatoire pour la culture du maïs. Il y a donc une association de culture. Le plus souvent c'est le manioc qui est cultivé par ces femmes. Elles n'ont pas le droit de cultiver le maïs car cela nécessite d'autres contrats. Il est aussi possible de louer une terre à un propriétaire, et les droits de jouissances coutumiers seront définit entre les deux personnes. Il s'agit en général d'une partie des récoltes, souvent 10% de celles-ci, mais c'est au propriétaire de définir ce qu'il désire. Cela peut être de l'argent, des biens selon les besoins. Chaque demande de terre en location impose d'informer le chef du groupement ou le chef du village selon les cas, selon les disponibilités de chacune des autorités.

Photographies 9 et 10 :

A gauche, un champ défriché et les femmes y travaillant.

A droite, une jeune parcelle de maïs.

2. Les espaces naturels : forêts et cours d'eau.

On considère ici les espaces naturels comme des espaces peu marqués dans le paysage par l'activité humaine. Il s'agit donc des zones périphériques aux villages. Il y a une différenciation qui se fait en matière de droit foncier entre les ruisseaux, les rivières (les zones humides), et la forêt. Le système foncier ne régit pas de la même manière ces deux types d'espaces, car les usages sont différents. Les usages forestiers sont nombreux. Ils concernent la chasse, la cueillette d'arbres fruitiers, le bois, mais également toutes autres ressources forestières non-ligneuses.

A. La forêts : à l'origine de nombreuses ressources.

Chaque clan dispose de ses propres forêts. L'appropriation des forêts ne se fait pas vraiment au niveau du lignage, mais au niveau supérieur qu'est le clan. La forêt est revêtue d'une grande importance car elle pourvoit de nombreuses ressources essentielles aux Mongo.

Pour commencer nous allons nous intéresser à la chasse en relation avec les droits d'usages. Dans le village où se sont déroulés ces enquêtes, la chasse n'est plus une pratique très encadrée par des règles précises de propriété. En effet, les droits d'usages sont directement liés à la présence d'une ressource. De ce constat découle un « relâchement » vis-à-vis de la chasse. Tout le monde peut ainsi chasser sur les terres du village. Par exemple, une personne du clan A peut chasser sur les terres du clan B sans que cela pose des problèmes. Le chasseur est en effet le propriétaire du gibier qu'il a lui même chassé, et cela ne s'oppose pas au partage qu'il fait avec le propriétaire de la forêt.

Dans d'autres groupements, par exemple, en zone forestière très enclavée, où se trouve encore du gibier en abondance (singes, céphalophes, etc), des règles très précises encadrent cette pratique. Un chasseur étranger au clan ou au village où il se rend pour chasser à l'obligation de consulter le chef coutumier. Lors de cette consultation, le propriétaire des forêts peut demander des dons comme de l'argent, des cartouches de chasse, ou encore une portion de viande. Ces règles existent depuis longtemps mais elles semblent s'être assouplies par rapport à la situation qui prévalait il y a cinquante ans. En effet, chasser sans l'accord du chef sur les terres d'autrui pouvait être sévèrement punit : la punition pouvant aller jusqu'à la mort du chasseur. Dans ce cas, le propriétaire pouvait aller jusqu'à demander une « rançon de mort » : une somme à payer pour que la vie soit laissée au chasseur.

Un autre exemple illustre très bien le rôle que pouvait avoir le chef : lorsqu'un animal important était tué, il était obligatoire de faire un partage selon des règles très précises. Certains animaux étaient considérés comme royaux : le léopard (Nkoy), ou encore Bonkono (en lomongo cela désigne un félin de petit taille, tacheté comme léopard). Symbole des clans guerrier, la peau de léopard revenait au patriarche du clan. Aujourd'hui, il semble que cela ne se pratique plus que dans certaines forêts très enclavées. Malgré tout, quelqu'un qui se fait surprendre par le propriétaire coutumier des forêts peut se voir saisit de tout ces biens (armes de chasse, gibier abattu, etc.). Une croyance existe aussi concernant la chasse. Elle dit que celui qui ne se présente pas au chef ne pourra rien chasser car cet accord avec le chef coutumier est synonyme d'abondance de gibier. Autrement dit, c'est par la consultation du chef que le gibier sera chassé. Cette règle vaut aussi pour la pêche.

Un autre type de chasse existe : par piégeage. Ils sont disposés dans les forêts, parfois très loin des lieux d'habitations, et parfois, un chasseur peut en avoir plus d'une centaine. Ils vont concerner de petits mammifères (des rats par exemple), mais ils peuvent aussi concerner des singes ou des céphalophes. Il est possible que certains propriétaires refusent qu'une personne dispose des pièges sur ces terres, mais cela semble ne pas être le cas lors des enquêtes. Il y a souvent des arrangements entre les deux protagonistes : le piégeur offre s'il le faut, une portion de sa chasse au propriétaire de la forêt concerné. Le droit de regard sur la pratique de la chasse par les pièges n'est pas facile dans la mesure où certaines terres sont vastes.

B. Les lieux d'eau : sources, ruisseaux et rivières.

L'eau étant une ressource vitale, chaque lignage a établi ses habitations à proximité d'une source. Chaque source est donc appropriée par plusieurs familles (ou foyers). La répartition des sources explique en partie la répartition des lignages, et donc des populations. Cela peut être un facteur limitant l'implantation de population, lorsque toutes les sources proches des routes sont appropriées, où bien, lorsque les sources sont éloignées des routes et des zones de peuplement.

Photographie 11 Photographie 12

Source Ekiloko appartenant au lignage Nkoy Pose d'une nasse sur une clotûre de pêche

Les sources étant le point de départ d'un cour d'eau, les ruisseaux vont donc avoir des propriétaires. En effet, le poisson fait partie des ressources importantes pour les populations. Les Mongo pratiquent le piègeage à l'aide de nasses disposées selon le sens du courant, et selon la saison. D'une manière générale, chaque clan et chaque lignage qui est présent depuis longtemps sur les mêmes terres dispose d'une portion de ruisseau qui lui appartient. C'est-à-dire, que les ressources dispensées par le ruisseau sont appropriées, et il semblerait que ce soit l'administration coloniale qui ait réparti les différentes portions de ruisseau pour les clans et ensuite pour les lignages. Mune P. affirme même que les domaines de pêches peuvent, dans certains cas, appartenir à une personne. Un même ruisseau peut avoir différents propriétaires. Un ruisseau est donc divisé en portions bien délimitées selon les propriétaires. Certaines portions peuvent aussi être collectives : c'est-à-dire qu'une portion peut appartenir à un clan. Dans ce cas, l'appropriation se fait par le travail : quelqu'un qui attrape des poissons en est le propriétaire. En revanche, si le propriétaire d'une partie de ruisseau a recours à l'aide d'autres personnes (par exemple pour l'écopage collectif réalisé par les femmes, l'endiguement pour la réalisation de clôtures, ou bien la saisie des poissons), ces personnes recevront une partie des poissons capturés. Ce partage est très important. La pratique de la pêche se réalise de deux manières différentes, et ces deux manières ne sont pas gérées de la même manière. Ainsi, tout le monde peut pratiquer la pêche à l'hameçon. Aucune restriction semble exister pour cette pêche.

En revanche, la pose de nasses nécessite un accord passé avec le propriétaire. Entre l'individu et le propriétaire, la « location » d'une portion de ruisseau se réalise par des dons, également appelé des droits de jouissance. Le chef du lignage Bokewa explique ainsi qu'une personne du groupement voisin lui a remis un porc en échange de la pose de nasse sur une partie du ruisseau Kungu, et cela pour une année. Un problème s'est posé lorsqu'une fois l'année écoulée, les droits de jouissance n'ont pas été prolongé. Le « locataire » s'est donc vu interdire l'accès au ruisseau. Les droits de jouissance peuvent être très variés. C'est le propriétaire qui décide ce qu'il veut en échange. Cela peut ainsi être de l'argent, mais aussi une partie des poissons capturés, ou autre. Il semblerait que cette pratique ait évolué dans la mesure où la pose de nasse était non-restrictive auparavant (cf. Annexe 5 : Tableau récapitulatif des droits d'usage, p. 161).

Les forêts et les ruisseaux ont donc des règles de propriétés précises et distinctes. Il est possible que la forêt et un ruisseau à proximité aient différents propriétaires. Si un conflit existe entre les deux propriétaires, le propriétaire de la forêt peut en interdire l'accès en pirogue au pêcheur propriétaire.

3. Les limites entre les propriétaires.

Les limites sont très importantes. Il n'existe pas de carte, ni de cadastre agricole à l'échelle des villages, alors les limites sont liées à des éléments naturels. Il peut s'agir très souvent d'un arbre de forêt primaire (trop volumineux pour l'abattage), mais aussi les ruisseaux ou des buttes de terres (appelés collines). Il peut aussi exister des éléments servant de limites, crées uniquement à cet effet. Il peut s'agir d'arbres fruitiers, ou encore de rangées de fleurs. Les sentiers en dehors de la route servent aussi dans certains cas de limites de propriétés. Il est aussi possible que des troncs d'arbres soient disposés en ligne sur le sol pour différencier les propriétaires des champs. Ces limites concernent dans la majorité des cas l'agriculture et les plantations, les zones de forêts n'étant souvent pas appropriés de la même manière. La forêt ne peut appartenir à une famille précise, elle est la propriété d'un clan, et plus fréquement d'un lignage.

Les buttes ont une importance car elles servent de repères dans l'espace. N'ayant pas d'unité de mesure, les habitants estiment leurs propres superficies selon ces buttes. Par exemple un hectare est l'équivalent de deux buttes sur une même parcelle agricole.

Photographies 13 et 14

A gauche : limite lignagère (arbre Entandrofihragma Congoense ou

Lifake en lomongo)

A droite : limite clanique, située le long de la route, délimitant les clans Bokolo et Baolongo (arbre Dacryodes Eduli : Safoutier)

Chapitre 5

L'interdépendance entre la structure familiale et la gestion des terres

« Dans la conception endogène et traditionnelle, l'affectation de l'espace vise principalement à assurer la reproduction du groupe dans ses dimensions matérielles, sociales et idéologiques ».

Le Roy E.70(*)

Pour illustrer les interactions entre l'appropriation des terres et la société, le cas d'un clan va être présenté. Il s'agit du clan Bokolo, aujourd'hui divisé en plusieurs lignées. Certaines de ces lignées ne sont pas originaires du groupement, et d'autres y vivent depuis très longtemps. Cette différence est intéressante dans la mesure où les situations ne sont pas les même selon que les lignées sont dites autochtones ou allocthones.

Les informations cartographiques ont été obtenues par des relevés GPS, avec les différents chefs de lignées. Toutes les terres ne vont pas être concernées par cette cartographie participative. Les domaines forestiers sont exclus, il s'agit seulement du finage agricole. Les forêts de chaque lignage sont en effet très étendues (plusieurs kilomètres de long pour les lignages originaires du village), et le manque de temps pour les recherches n'a pas permis de réaliser cette cartographie.

1. La généalogie et l'évolution du finage.

La structure familiale et la manière dont elle change dans le temps se répercute sur l'appropriation des terres. Un lignage présent il y a 100 ans sur des terres peut aujourd'hui avoir engendré plusieurs autres lignages. Chaque groupe a donc obtenu des terres pour ses activités agricoles ou autres. Cette évolution de la structure sociale va donc se traduire par une fragmentation accrue des terres. Cette corrélation entre la société et le foncier est un trait marquant de la société Mongo, et l'imbrication entre les deux est très forte. C'est ce que tente de montrer les deux schémas suivants. Ces évolutions se font sur une échelle de temps importante, au minimum un siècle. Il n'est pas possible de dater cela avec précision.

Figure 7 (à gauche) et 8 ( ci-dessus à droite).

On constate que le clan s'est fractionné au fur et à mesure que la population de chaque famille a augmenté. L'espace autrefois réservé à un lignage est donc logiquement devenu trop restreint, et le clan s'est séparé en deux lignages. Cela a permis à chaque lignée d'avoir des terres plus vastes, sans que la proximité engendre des conflits d'usages. Ensuite, et c'est la période la moins éloignée dans le temps, d'autres lignées ont été accueilli par les lignées propriétaires des terres. Cet accueil a sûrement été réalisé lorsque l'activité agricole n'était pas aussi importante qu'à l'heure actuelle. En effet, il ne serait plus possible pour les lignages Bokewa et Elumbu que d'autres lignées puissent disposer de terres agricoles. Par ailleurs, un lignage peut accepter d'accueillir des lignées, seulement pour les habitations, et non pas pour les terres agricoles. Ainsi, les habitations du lignage Nkoy se trouvent sur les terres de Bokewa, mais c'est Elumbu qui lui a donné des terres agricoles.

Le pouvoir du clan s'est transmis dans la lignée Elumbu, car l'ancêtre Bokolo y est affilié par la parenté. Il faut préciser que le clan n'est plus une structure importante à présent. Le pouvoir des clans est de moins en moins fort. Peut être pas dans toute la région, mais, ce sont les lignées qui ont actuellement de l'importance. Même si certaines cérémonies ont toujours lieu à l'échelle du clan, ce type de pouvoir disparaît peu à peu.

2. La répartition des terres entre les lignées du clan Bokolo.

A. Vue générale des terres et des lignées.

Nous allons donc nous pencher plus en détail sur le partage de l'espace entre les lignées. Cet espace est approprié dans la mesure où il est exploité par la population. Etant donné que le travail garanti des droits de propriétés, chaque espace où travaille telle ou telle lignée lui appartient.

On constate tout d'abord que les lignées présentes depuis longtemps sur ces terres vont avoir de plus grandes terres que les lignées qui ont été accueillies plus récemment. La carte schématique ci-dessus permet d'observer cela. Cette carte ne représente pas l'ensemble du clan Bokolo. Il ne comprend pas le lignage Bokewa. Néanmoins, les lignées présentes permettent d'observer des cas variés : des lignées anciennes et d'autres récemment installées sur les terres du clan.

Figure 9 :

On peut observer comment est organisé l'espace « vital » de chaque lignée. Les limites entre les différents lignages sont souvent liées à des éléments naturels qui servent principalement de repères dans le paysage. Les habitations sont situées le long de la route, et c'est de manière concentrique par rapport à la route que se déploie l'espace agricole. En effet, les terres autour des routes sont essentiellement liées à l'agriculture, et aux plantations. On constate aussi une certaine répartition des sources. On peut voir que le lignage Elumbu dispose de deux points d'eau, contrairement aux autres lignées. Plus l'espace lignager est vaste, plus la lignée est ancienne sur ces terres. Ainsi, entre les lignées Iyokwa et Bokwala (non-originaires du village), il peut y avoir des disparités. La lignée Iyokwa est en effet plus ancienne que Bokwala, la superficie des terres exploitées va donc être plus importante.

Pourtant, ces deux lignées se trouvent dans une situation de plus en plus exiguë : le manque de terre entraîne une exploitation agricole de tout leur espace respectif. Cela entraîne dans certains cas des conflits d'usages.

B. L'espace propre à chaque lignée.

1. Les lignées dont les origines généalogiques sont étrangères au village.

Figure 10 : Figure 11 :

Ces deux représentations des terres lignagères montrent comment sont réparties les terres au sein des lignages, et cela montre aussi quelles peuvent être les différences entre deux lignées non-originaires du village.

Les terres du lignage B (à droite) ont une superficie assez faible. Cela va avoir des conséquences, car les fils du chef de la lignée ne vont pas pouvoir accueillir d'épouses facilement car les terres ne peuvent plus s'étendre. Lors d'un mariage, c'est la femme qui, en théorie, vient vivre sur les terres de l'époux. Pourtant, lorsque cela est difficilement possible, l'époux peut obtenir de la part de la lignée de l'épouse des terres si ce lignage en dispose. Ainsi, un fils s'est marié avec une femme du groupement voisin, ce qui permet de cultiver plus facilement que sur l'espace représenté ci-dessus. On peut voir qu'il y a des friches dans la partie sud de la route. Cela vient du fait que la terre n'a pas pu être cédée à nouveau à cause de rivalités avec la lignée qui peut autoriser la mise en place d'une autre plantation. Les propriétaires sont la lignée Elumbu, et ils ne permettent pas au lignage B. de renouveler sa palmeraie. C'est un phénomène plutôt néfaste pour la lignée B dans la mesure où on lui refuse d'exploiter la terre, et ainsi, elle doit chercher à étendre ses terres pour vivre, en dehors du village. Le mariage dans ce cas est donc un moyen de s'approprier la terre car il peut donner des droits d'exploitation.

Le lignage I ( à gauche), est lui aussi de petite taille. Néanmoins, il dispose de palmeraies, et d'espaces agricoles plus étendus que pour le lignage précédent. Les terres sont réparties entre les hommes les plus âgés du lignage. Chaque frère a donc ses propriétés : plantations et champs. Un des deux frères dispose de plus de terres que l'autre (en vert sur le schéma). Cela s'explique par le fait que le frère aîné n'est plus en mesure de travailler la terre à cause de son âge. Ses propres parcelles ne sont donc plus exploitées et sa palmeraie n'est plus vraiment entretenue. Le travail d'entretien d'une palmeraie est en effet difficile et doit bien évidemment être continuel dans le temps.

On peut voir qu'un des jeunes fils a obtenu une terre qui lui est propre (en jaune). Il y pratique l'agriculture. C'est son père biologique qui lui a donné une parcelle cultivable dans une ancienne jachère, comme c'est très souvent le cas. Le père est libre de répartir à ses fils des terres selon sa propre volonté. Par exemple, un fils est très travailleur : le père va lui donner à exploiter des terres vastes au possible. Il n'y a pas de règle précise, mis à part qu'un père ne peut pas refuser à un de ses fils de cultiver une parcelle. Ce système de répartition des terres est différent de la mise en place d'une palmeraie. Il est plus complexe qu'un jeune fils dispose d'une palmeraie, du fait du coût élevé inhérent à sa mise en place. De la même manière que le fils dispose de son propre espace pour cultiver, il va disposer de sa propre maison familiale. Les deux semblent fréquemment corrélés.

On observe aussi que l'espace réservé aux jachères est plus faible, dans la mesure où la pression sur les terres s'accroît plus le lignage devient étendu. La durée de culture est de deux années environs, la jachère elle nécessite quatre ou cinq années pour pouvoir être à nouveau mise en culture. Donc, la pression est forte sur un espace bien délimité, ce qui peut entraîner, au fur et à mesure que la population du lignage s'agrandit, une augmentation des terres cultivées en zone de forêt primaire. Elle se situe au delà de l'espace représenté sur ces deux schémas.

2. Une lignée ancienne sur ses terres.

Figure 12.

Nous allons maintenant nous pencher sur les terres du lignage E., qui sont plus vaste que les terres des deux précédentes lignées. Elles sont réparties entre trois personnes : trois frères, soit les hommes les plus âgés du lignage. Ces propriétés semblent réparties de manière homogène entre les trois personnes, mais l'exploitation de chacune de ces propriétés ne va pas être similaire. Ainsi, un des frère est absent et ses terres (en jaune) ne vont donc pas être exploitées. C'est pour cela que l'on observe des jachères ou des friches. En revanche, les parcelles de couleur verte sont exploitées entièrement. On y trouve des champs de maïs et de manioc principalement. A noter qu'il n'y a aucune palmeraie, faute de moyens financiers. Les jachères sont importantes, ce qui permet de supposer que la pression sur les terres est moins forte que pour les deux lignages observés précédemment. On remarque aussi la mise en location d'une parcelle (en bleu). Cette location a été octroyée à une personne extérieure au village, pour la durée d'une récolte. Cela traduit un certain pouvoir sur les terres dans la mesure où octroyer une parcelle ne peut se faire que si les terres du lignages sont vastes. C'est pour cela que les lignées non-originaires du village ne peuvent pas se permettre de mettre une parcelle de terre en location.

C. Un acteur prépondérant en matière foncière : le chef de lignée.

Nous allons voir quelles sont les compétences des chefs de lignées sur les terres. Le chef de lignée est également appelé patriarche ou encore chef de terre. Il a un rôle très important car il gère les terres de son lignage. Il est le garant de la survie des membres de sa famille au sens large.

Transmis par la descendance du côté masculin, le pouvoir sur la lignée revient donc à l'homme le plus âgé. Ensuite, ce sera le fils aîné qui sera investi comme chef. Cette règle de transmission du pouvoir est ancienne, et c'est pour cela que l'on parle de chef coutumier. Le chef de lignée ne choisit pas son héritier, ce sont les règles mises en place par les ancêtres qui déterminent qui obtiendra le pouvoir, lors de la mort du chef. Il faudrait mieux parler de représentant du lignage plutôt que de chef. En effet, l'idée de chef tel qu'on l'entend en Europe n'a pas la même fonction. Il ne s'agit pas de gérer les terres et les « affaires » du lignage selon la simple volonté du chef. Il y a des impératifs à respecter, comme par exemple, permettre aux générations futures d'avoir un espace où exploiter la terre. Ce pouvoir à donc aussi pour but de conserver les acquis du lignage, pour que les descendants n'aient pas de problèmes pour obtenir des terres. En effet, le chef est responsable de tout le lignage, et son pouvoir peut aller à l'encontre de la population qu'il représente. Par exemple, si ce dernier vend des terres. De la même manière que la vente de terre n'est pas bien perçue par la population Mongo, un chef de terre se doit aussi d'exploiter ses terres, car ne pas utiliser l'espace (friches) peut être une raison d'appropriation par les lignages et familles voisines. Laisser la terre à l'abandon est mal considéré par les membres du lignage dans la mesure où ceci est vu comme une mauvaise gestion, ce qui peut entraîner des tensions entre les personnes d'un même lignage. Voici comment un chef de lignage perçoit une gestion mauvaise :

« Lui, il est chef, mais il ne s'occupe pas [de ses terres]. Mais pour l'usage, il fait peut-être l'usage abusif en vendant des terres aux autres, ou bien il vend pas, mais s'il laisse la terre comme ça, les autres peuvent l'envahir, alors il n'est pas un bon chef. Mais de toute façon, il reste quand même chef. On doit le respecter, et si il y a quelque chose qui ne va pas, on doit le consulter71(*)». 

C'est le chef de lignage qui a le pouvoir d'allouer des terres, ou de mettre à disposition des parcelles agricoles. Evidement, le chef de lignage est tenu de rester vivre sur les terres du lignage dont il a la responsabilité. S'il décide de vivre en zone urbaine par exemple, un autre chef est investi du pouvoir. Il n'existe pas de terre sans représentant. Les disparités entre les lignage peuvent être fortes. Par exemple, certains lignages peuvent être composés de peu de personnes, tandis que d'autres vont être très peuplés. Lié à l'attrait des pôles urbains et à l'exode rurale, chaque lignage doit impérativement garder au moins une famille de peur de se voir approprier les terres par les lignages voisins. Lorsque beaucoup de membres d'un lignage sont partis vivre ailleurs, les familles restantes vont donc être en position difficile car ils peuvent subir des pressions pour que leurs terres soient cédées. Il est important pour un lignage d'avoir une descendance masculine pour ne pas perdre la propriété des terres. En effet, les filles sont amenées à quitter les terres de leur lignage (en général car il existe toujours des contre-exemples). Donc, il est important pour une famille d'avoir des fils pour s'occuper des propriétés. Cela est encore plus vrai pour les plantations (par exemple pour les palmeraies) car ce sont les hommes qui s'occupent de ce type de travail. Si une lignée n'a pas de descendance masculine, la propriété du lignage est donc mise en danger. Le travail du chef (ou du père de famille) a aussi pour but d'être transmis à ses enfants.

Synthèse

L'imbrication entre la sphère sociale et l'appropriation des terres est très forte. C'est la société qui détermine comment vont être réparties les terres. Les lignées disposant d'ancêtres lointains sur les terres disposent de pouvoir plus fort sur les terres que les lignées arrivées plus récemment sur les terres claniques et/ou lignagères.

L'appropriation se fait par lignage, et c'est au chef de lignée que revient la responsabilité de la gestion des propriétés collectives. Etant donné que c'est l'usage et le travail de la terre qui est le principal garant de la propriété, le rôle du chef est primordial pour les générations futures de son propre lignage. La gestion des terres propres au lignage est libre dans la mesure où le pouvoir de chef ne dépend pas d'une autre autorité.

Cependant, la responsabilité sur les terres est importante, si bien qu'une mauvaise gestion de cet espace peut avoir des conséquences graves pour les membres du lignage. Le plus souvent, il s'agit de conserver les acquis, et dans un contexte de pression foncière accrue, et de migrations vers les pôles urbains, le rôle de chef tend à prendre de l'importance. Ainsi, lorsqu'une lignée cède, par la vente ou la location, trop de terres, les membres de la lignée peuvent subir les conséquences de cette gestion.

PARTIE III :

Les relations difficiles entre deux manières

de gérer les terres

Après avoir tenté de comprendre l'organisation foncière des populations Mongo, nous allons donc nous pencher sur les problèmes que cela génère. Ces problèmes, ou ces tensions sur les terres sont parfois à l'origine de conflits, qui vont avoir lieux entre différents acteurs, et donc à des échelles très variables.

Il y a une grande variété de conflits. Ils peuvent concerner seulement une famille, ou encore concerner deux clans, mais aussi, des entrepreneurs privés et des ayant droits, des chefs coutumiers et les autorités d'Etat, etc. Une typologie des conflits va être établie selon qu'ils concernent le village seulement, les concessions privées, ou l'Etat. Nous verrons ensuite comment peuvent être résolus ces conflits : quels sont les acteurs qui interviennent ? Autrement dit, comment sont localement gérés les conflits, et dans quels cas vont-ils devant la justice provinciale ?

Chapitre 1

Les conflits fonciers

« On ne dispute pas la palmeraie avec le propriétaire d'un ancien emplacement. » 

Proverbe Mongo

« Les conflits sont inhérents à la vie sociale (...) : entre des désaccords et des litiges qui se règlent au sein du groupe familial, et des conflits violents, impliquant de nombreux acteurs et l'intervention de la force publique, il existe une large gamme de situation intermédiaires72(*) ».

Lavigne Delville P.

1. Les conflits à l'échelle du village : à l'intérieur de la société Mongo.

Le village est dans ce raisonnement le point de départ de la majorité des conflits qui touchent de près ou de loin la propriété de la terre. Etant donné que les terres rurales sont toutes sous la propriété d'un chef coutumier, on peut tout d'abord affirmer que les conflits sont particuliers, et qu'ils ne se règlent pas toujours selon les lois d'Etat, ainsi que par la justice des Provinces. L'échelle du village est pour autant un angle d'analyse qui semble restreint mais cela n'est pourtant pas forcément le cas dans la réalité. Il y a une grande variété de relations conflictuelles sur les terres.

a. La famille, le lignage.

Il serait illusoire de croire que parce que l'organisation sociale, et la propriété de la terre sont à certains égards solidaire et collective, cela empêche tout conflit d'émerger. La propriété des terres étant obtenue le plus souvent par l'héritage, les premiers types de conflits analysés ici vont être ceux présents au sein de la famille, étendu ou non.

L'héritage est générateur de conflits. Ainsi, il existe des rivalités entre héritiers pour la succession au rang de patriarche. Par exemple, un père de lignée (un patriarche) a trois fils. Selon la coutume, c'est l'aîné qui, à la mort du père, héritera du pouvoir. Seulement, si des jalousies existent, le second frère peut chercher à avoir la place d'héritier. Ces conflits sont de l'ordre de la succession, mais étant donné que cette transmission du pouvoir concerne les terres, les deux sont liés. De plus il est indéniable que le patriarche dispose d'un pouvoir important, tant sur la famille que sur la terre. Cela peut donner lieu à des rivalités pour l'obtention du pouvoir.

L'unité de la famille étant la plus petite possible en matière de conflit foncier, il convient donc d'élargir le cadre avec le lignage. Un lignage étant une famille au sens étendu, il peut exister des rivalités entre deux lignages voisins. Si deux lignages sont proches les uns des autres, et que l'un deux ne respecte pas les limites des propriétés, il va s'ensuivre des conflits, souvent de moindre gravité mais qui peuvent devenir de plus en plus fort avec le temps. Par exemple, si un lignage dispose de moins de terres que le lignage voisins. De plus, certaines terres sont moins bonne pour l'agriculture que d'autres. Le lignage ayant des terres de petites superficies peut avoir la volonté de s'étendre sur les terres d'un autre. Dans ce cas précis, il n'est pas évident d'obtenir de nouvelles terres, d'où, il peut ne pas être possible d'avoir d'autres terres pour pratiquer cette activité indispensable à l'heure actuelle : l'agriculture. Des conflits peuvent donc apparaître dans un contexte d'augmentation de l'activité agricole lié au déclin de la chasse et dans une moindre mesure de la pêche. Certains n'ont donc pas toujours la capacité d'obtenir la terre, tandis que le voisin peut en avoir en abondance.

Souvent ces types de conflits sont aussi liés à de mauvaises relations de voisinage. Les raisons peuvent être variés. Par exemple, untel n'apprécie pas le fils d'untel car il n'aurait pas toujours des relations honnêtes avec les autres. Comme il l'a déjà été précisé, les bonnes relations sont importantes pour qui cherche à s'implanter. Souvent, les gens qui disposent de petites surfaces ne sont pas des autochtones, mais des venants. Ils ont moins de droit sur la terre que les autres. Leurs ancêtres ont été accueilli pour leur permettre de vivre avec leurs familles. Cela leur a conféré certains droits sur leur terres. Ils exploitent la terre, et cette dernière leur est acquise par le travail. Cependant, des cas plus complexe s'observent avec les plantations. Elles génèrent des revenus non-négligeables pour les propriétaires. Cela peut attirer des convoitises, surtout que la création d'une plantation nécessite un apport financier important, que tout paysan ne peut s'offrir. Un cas existe dans le village de Boondjé : un père de famille est venu demander l'hospitalité d'un clan. Celui-ci lui a accordé des terres de petites superficies, mais suffisantes pour la famille. De bonnes relations ont été instaurées entre les deux voisins. Des terres, pour faire des palmeraies, ont été cédés sans problème. Mais avec le temps, les deux chefs sont morts, et il est toujours possible pour le propriétaire de demander des droits d'usages. C'est ce qui se passe : les relations entre les voisins sont devenues mauvaises (liés à des conflits d'ordre religieux par exemple), et les ayant droits n'ont pas redonné l'autorisation au descendant de la famille venante pour la création d'une palmeraie. La création d'une palmeraie nécessite de plus en plus un contrat écrit entre les propriétaires et la personne qui désire obtenir une palmeraie. Il faut préciser que s'intégrer dans un village n'est pas chose facile dans la mesure où l'on est considéré comme un étranger. Néanmoins, les exemples ne manquent pas de gens venus de l'extérieur et qui se sont très bien intégrés avec les voisins et plus largement, avec le village. A noter également que les gens qui quittent leur terres pour en chercher de nouvelles, le font parfois à cause de conflits qu'ils peuvent avoir avec certains voisins, ou même le village.

b. Le rôle de la sorcellerie dans les conflits.

Ainsi, il existe quelques cas de migrants qui se sont fait chassés pour des accusations de sorcellerie. Ces accusations n'étant pas majoritairement rationnelles, il n'est pas facile de connaître la vérité car les rumeurs peuvent aussi être puissantes, d'autant plus que la sorcellerie est elle aussi très puissante. Les Mongo lui portent une attention très forte. Certaines personnes moins que d'autres, mais c'est un fait à ne pas sous-estimer dans les conflits fonciers. En effet, la sorcellerie est une manière de régler les conflits, ou de les aggraver selon le point de vue. La sorcellerie n'est pas une pratique comme les autres. Pris dans le sens d'une intervention magique elle est toujours un moyen de nuire à autrui. Il ne s'agit pas ici de parler de la magie en général. La sorcellerie est souvent considérée comme très dangereuse, et beaucoup de suspissions existent à son égard. Elle intervient beaucoup dans les conflits de terre. A tout les niveaux de conflit, et même lorsqu'ils concernent l'Etat, la sorcellerie intervient pour régler certains problèmes. Ce sont des méthodes illégales en théorie, mais bien réelles dans la pratique. On parle de magie noire, d'empoisonnements, etc. et cela de manière très récurrente quand on parle de conflits fonciers. Dans tout les cas c'est le point le plus grave des conflits car ils peuvent rapidement conduire à la mort. La mort est la manifestation la plus grave en ce qui concerne les rivalités de terres. Voici un exemple raconté par Daniel Likemba Bokoto :

« Je connais dans mon village [Boondjé], un chef de terre et là il a eu des problèmes avec quelqu'un d'autre. Et celui-là a utilisé des enfants la nuit qui sont venus brûler la maison. Lui et ses enfants à l'intérieur. Heureusement, il n'y a pas eu de dégâts mortels mais tout les objets ont été brûlés et il s'est vite avisé. Il voit qu'il est danger. Il ne peut pas rester habiter ici. Il s'est déplacé, éparpillé. Lui, il est maintenant à Kinshasa et on a reconnu que sa maison a été brûlée par son ennemi. L'enfant qu'il a envoyé a révélé. Au début ce n'était pas connu mais cet enfant commence maintenant à dévoiler. Dans ce sens, il cherche le pardon ; il a dit aux enfants de celui-ci qui est parti :'escuser moi, l'acte qui a été commis, c'est moi. J'ai été utilisé par celui qui voulait votre terre et il m'a dit de faire cet acte.' Le monsieur [l'avoueur] est devenu en danger. Donc être propriétaire des terres, ou bien gérer des biens cela comporte tout ce qui est risques 73(*) ».

De nombreux exemples existent sur les pratiques de sorcelleries en liens avec la propriété des terres. Comme par exemple, faire en sorte que sur deux fils héritiers du lignage, l'un des deux devienne stérile, ce dernier aura ainsi de grandes difficultés pour être mis à la place de chef de terre dans la mesure où être stérile, est très mal considéré par la population (accusation une nouvelle fois de sorcellerie ). Il ne pourra pas non plus avoir des descendants, et donc cela limite la transmission du pouvoir s'il n'a pas d'héritiers.

On peut également citer l'exemple de trois fils. L'un d'eux peut décider de faire fuir les autres car il est le dernier fils. Il ira voir un sorcier (nkanga) pour qu'il soit l'héritier et donc le chef des terres. C'est ce qu'explique Bangundu Luyéyé, chef de lignage, âgé de 59 ans :

« si celui-là [le chef] ne s'occupe pas [des terres], l'autre peut être jaloux et veut s'approprier les terres. Et parfois, il y a même des difficultés et les autres s'empoisonnent et tout consort 74(*)».

En effet, la sorcellerie est avant tout utilisée pour faire fuir une personne ou une famille. Cela consiste en des menaces qui vont d'une intensité faible à forte. Elle peut juste faire peur, elle peut détruire des récoltes, rendre malade ou bien tuer des individus. Les puissances naturelles par exemple peuvent être selon les Mongo des forces que le sorcier se met à profit. Par exemple, les catastrophes naturelles vont trouver leurs explications dans des sorts jetés par quelqu'un qui cherche à obtenir des terres. Il faut convenir qu'il n'est pas important de prendre un parti pris, ou de porter des jugements sur la sorcellerie qui sait aussi entretenir tout ces mystères. Pour autant, la sorcellerie doit être prise dans un sens large, et aussi comme une perception des populations elles mêmes. En effet, les populations villageoises sont rares à douter de ces pratiques. Même la christianisation a peu de poids face à la tradition de la sorcellerie, et des pratiques magiques. De nombreux aspects de la vie quotidienne peuvent se référer à la sorcellerie car le sentiment religieux est très fort chez les Mongo.

c. Le clan.

Concernant les conflits liés aux clans, ils semblent ne pas être très différents de ceux que nous venons de décrire. Ainsi, les conflits sont toujours liés à une volonté d'expansion des propriétés foncières. Cette extension étant le plus souvent obtenue en défaveur d'un propriétaire. Il existe donc également des conflits entre les clans lorsqu'il y a un non-respect des droits coutumiers de propriétés. Et les conséquences sont les mêmes. Nous verrons plus tard comment sont réglés par le droit coutumiers ces différents. Un cas particulier est celui de la proximité des activités agricoles ou des habitations. Si l'espace agricole est restreint, deux clans peuvent entrer en conflit si les limites ne sont pas respectées. C'est le cas entre deux clans de la localité de Boondjé. Une famille a donc dû chercher un nouvel emplacement pour vivre et travailler la terre. En effet, si les lieux d'habitations sont très rarement la cause de conflits, l'agriculture est bien plus sujette à des tensions. C'est la principale conséquence pour expliquer l'importance croissante que revêt l'agriculture liée à la modification des pratiques et des besoins des habitants.

d. Conflits de propriétés liés aux rivalités de pouvoir au sein des chefferies.

Il existe également certains conflits liés au pouvoir, mais dont le « théâtre des tensions » se déroule au sein de la famille. Souvent cela concerne la famille régnante. Le cas le plus fréquent à lieu au sein de la famille qui dirige un groupement. Nous avons vu précédemment que l'héritage du pouvoir de chef de groupement est différent de ce qui se passe au sein d'une lignée ou d'un clan. L'héritier n'est pas choisit de la même manière. C'est le vieux chef qui choisit lui même (par exemple par un testament ou par la remise personnelle du titre écrit de la chefferie) l'héritier de la chefferie. Il peut s'agir d'un neveu. Ce système peut parfois générer des conflits au sein de la famille régnante. La jalousie débouche ainsi sur des rivalités qui peuvent être fortes. L'organisation familiale rendant du plus en plus large généalogiquement les familles peut aussi entraîner ce type de conflits. Au sein d'une même famille il peut y avoir des personnes ayant des origines proches extérieures aux villages du groupement. Ce cas entraîne des conflits, qui commencent à l'échelle de la famille pour concerner le village lui-même. Les habitants ne préfèrent pas exclusivement les familles originaires depuis longtemps du village, mais lorsque la chefferie ne pratique pas une gestion appréciée des habitants, cela peut rapidement être une justification. Le pouvoir d'une chefferie appartenant à un clan, il est obligatoire que ce pouvoir change à chaque génération de lignage. D'où des oppositions se créent et cela peut empêcher la chefferie de diriger comme elle le doit. Des rivalités peuvent exister également entre le chef de la localité et la chefferie. Dans ce cas, en l'absence du chef de groupement, certains contrats de cession de terre peuvent être conclu avec le chef de village.

Le choix de l'héritier peut de plus, être lié à des manoeuvres d'ordre politique, c'est-à-dire que le chef peut être illégitime pour une majorité d'habitants du groupement, mais des appuis politiques rendent la chefferie légitime au niveau territorial, régional, voire national. Pour illustrer un exemple à l'échelle nationale, le cas du groupement de Bongilima où la chefferie a des difficultés pour régner efficacement car le pouvoir auparavant était au sein d'une autre famille. Le pouvoir est donc passé au sein d'une autre famille, et le pouvoir est en place du fait de liens avec les autorités politiques nationales. Pour le Territoire cela vient par exemple des possibles recommandations de l'Administrateur du Territoire pour qu'une personne soit nommé plutôt qu'une autre.

Les conflits présent à cette échelle locale peuvent dans certains cas avoir des conséquences graves, mais la plus part du temps ce n'est pas le cas. Ces sont des conflits inhérents à la société Mongo. Nous allons donc nous pencher maintenant sur les conflits qui concernent les populations locales avec des acteurs extérieurs à la société Mongo. Ces conflits sont en général plus lourd de conséquences. En effet, l'espace est utilisé de manière différente par certains acteurs fonciers étrangers aux populations locales.

2. Les conflits entre les chefs de terres et les concessions privées.

Dans ce type de conflit, deux échelles sont concernés. Les jeux d'échelle sont importants car selon qu'il s'agisse de conflits entre des lignées (ou des familles) et d'une entreprise privée qui pratique l'exploitation vivrière, cela va induire des disproportions en matière de pouvoir et donc de droits fonciers. On entend ici par concession privée, une entreprise ( il s'agit d'une entreprise internationale, de nationalité américaine) installée sur les terres de différents groupements (le groupement de Bongilima majoritairement, mais aussi de Bomaté, et Lisafa). La société GAP dispose de deux sites d'exploitations : la plus importante et la plus ancienne à Lisafa, et la seconde plus récente à Ndeke. Toutes les deux se trouvent sur le Territoire de Basankusu, et la superficie des terres de la société se situe autour de 17 000ha. Cette société appartient à une multinationale : le Groupe Blattner International. De nationalité américaine, ce groupe est un des plus important en RDC de part le nombre d'employés qui est d'environ 6000 personnes. Cette multinationale est propriétaire de 22 sociétés dans des domaines divers tels que l'industrie (pneumatiques, scieries) mais aussi les transports (compagnie aérienne, installations portuaires, transport fluvial, etc.) ou encore le tertiaire (informatique, assurances). Neanmoins, le secteur primaire (agriculture et élevage) semble être le plus important secteur d'activité du groupe. On trouve ainsi des plantations pour le caoutchouc, l'huile de palme, le café, le cacao et l'élevage de bétail.

Ce cas va être étudier en détails car il est révélateur de beaucoup de tensions liées à la terre. Tensions qui peuvent être variées, et qui ont une histoire. C'est également un exemple qui illustre la difficulté que peuvent connaître les populations locales vis-à-vis d'acteurs extérieurs venu pratiquer des activités économiques.

a. Les plantations de la société Groupe Agro-Pastoral (GAP) : des conflits déjà anciens.

 

Photographie 15 Photographie 16

Plantations de G.A.P. En premier plan ; une caféraie, Chemin séparant deux plantations.

en second plan ; une palmeraie, et plus loin dans A gauche ; R4, et à droite ; R19.

le paysage ; des forêts.

D'après les riverains, cette compagnie fût vraisemblablement crée en 1909 par des colons de nationalité belge. Le nom de cette entreprise semblait être la C.C.B75(*). L'exploitation ne commença que deux années plus tard : en 1911, toujours selon les habitants. Les plantations sont en grande majorité des palmiers à huile (le liya en lomongo, et scientifiquement Elaeis guineensis,), mais le café semble occuper de plus en plus de parcelles, et cela depuis le rachat de la compagnie. Le contexte de cette période est bien évidemment lié à la domination coloniale. Les terres où se situe les palmeraies ont été cédés par les propriétaires de l'époque. Il n'y a pas de précisions sur la manière dont on été obtenues ces terres. On peut supposer en toute logique, que cela s'est fait au prix d'avantages économiques. Les chefs et les notables coutumiers auraient ainsi perçus « quelques sacs du sel et un montant insignifiant soit 200 F.C. de l'époque 76(*)». Il ne faut pas non plus négliger le fait que le colons étaient perçu comme dominants les habitants de l'époque, et ceux-ci avaient souvent peur des européens à cause des guerres, et de l'esclavage très marqué dans cette région de la RDC. Cette société sera ensuite renommé comme la Compagnie de Commerce et des Plantations (CCP). Compte tenu de l'organisation foncière, et de la répartition plus ou moins homogène des familles sur les terres et les forêts, l'arrivée d'une entreprise qui utilise les terres à grande échelle, va générer des tensions pour l'utilisation du sol. Des anciens témoignages obtenus par Boelaert E. en 1954 dans la province de l'Equateur témoigne déjà de ce phénomène. Voici les mots de Nkoi J., recueillit à Lisafa dans le Territoire de Basankusu :

« Nous sommes très mécontents, Père, pour nous c'est le comble du malheur car notre village est à proximité d'une certaine compagnie dénommée C.C.B . Lisafa. Ils nous ont ravi toutes nos terres ils ont construit de longues routes à partir de nos maisons jusqu'aux lieux où ils ont indiqué les distances en kilomètres soit 20 ou 15 km sur les routes. Toutes ces bornes ne sont là que pour dire aux étrangers Blancs, qui vont venir nous ravir notre village. Pourquoi doivent-ils se permettre d'organiser une dispute de nos forêts? Tout cela parce que nous sommes des Noirs? Ainsi soit-il 77(*) ».

Ces mots traduisent bien les problèmes auxquels sont confrontés les populations par rapport aux palmeraies. On constate une domination des exploitants étrangers sur l'espace, et cela ne va pas sans poser des problèmes pour les villages et les populations qui se situent dans la zone de culture ou dans un périmètre autour des plantations. Cela semble être perçut par les populations comme une spoliation de leurs terres. Voici ce que rajoute Nkoi J. :

« Ce que l'Etat et la Compagnie ont fait sur nos terres ne nous plaît pas. Lorsque nous allons terminer nos études; lorsque ceux qui étaient partis ailleurs vont revenir au village, où construiront-ils leurs maisons? Iront-ils de nouveau acheter les terres auprès de l'Etat ? »

Le besoin en terres est très important pour les populations villageoises. L'Etat et la compagnie agissent d'une manière coordonné pour réaliser l'appropriation des terres en vue de l'exploitation des plantations. La période coloniale en RDC est marquée par de nombreux conflits fonciers entre les populations rurales et l'Etat Belge. Les chefs de terres ne sont pas tous concernés par les cessions de terres. Certains cèdent aux compagnies des terres pour bénéficier des avantages économiques qu'apportent les européens, d'autres ont certainement refusés de céder leur terres, tandis que certains chefs y ont été contraint. En effet, la coutume dans son sens traditionnel autorise difficilement ce processus de cessions de terres car ces mêmes terres sont aussi perçus comme un espace vital pour les vivants et pour les enfants, petits-enfants, et ainsi de suite.

Selon les entretiens réalisés, la gestion par les Belges qui s'est prolongée jusqu'en 1990 permettait d'obtenir des avantages et des « aides » telles que la possibilité de faire des études en ville pour les enfants des ayant droits concernés, ou encore des matériaux tels que des tôles pour les toitures, mais aussi du ciment pour les construction d'habitation. Il y avait aussi des pratiques d'échanges : les produits agricoles et de la forêt obtenu par les villageois contre des produits importés des pôles urbains, voire même de l'extérieur de la région. Le rachat des plantations et de l'usine par des américains a modifié ces relations. La dégradation de la situation politique et économique depuis le début les émeutes nationales du début de la décennie 1990 jusqu'à aujourd'hui tend a augmenter de plus en plus les conflits entre les ayant droits et la compagnie.

De nombreux conflits ont eu lieux vers les années 2005. Des cas de violences perpétrées à l'encontre de chefs coutumiers : « inquiet du mouvement Insurrectionnel du Mlc78(*) qui, à en croire certaines sources, se seraient rendus sur les lieux. Conséquence de cette épreuve punitive les soldats ont pillé et saccagé tous les biens et maisons de toute la population et cela, au vu et au su de tout le monde. Scènes macabres : deux chefs coutumiers furent dénudés, molestés, flagellés et arrêtés. Jusqu'au moment où nous couchons ces lignes, ces deux grands chefs se trouvent encore détenus par les éléments de la police locale 79(*)».

La compagnie employait dans le passé proche de nombreux hommes des villages environnants, mais les conditions de travail, et les salaires sont deux raisons qui ont fait que de très nombreux travailleurs ont quitté la compagnie pour retourner travailler la terre dans leurs propriétés ancestrales. Il n'y a plus que deux personnes de Boondjé qui sont engagés pour travailler dans la société, les autres sont souvent des journaliers. La saison agricole, mais aussi de pêche n'étant pas régulière tout le long de l'année, les besoins conduisent parfois certains hommes à travailler pour la compagnie. Les salaires sont plus bas qu'auparavant.

Les salaires :

Selon le type de travail, le salaire va être de plus ou moins élevé, avec des disparités fortes. Une sentinelle des plantations dispose d'un salaire d'environ 0,5 dollars par jour, tandis qu'un ramasseur de noix de palme peut gagner autour de 1,6 dollars par jour, et c'est un des travaux manuel dans les plantations les mieux payer. Il faut noter aussi que les payes ne sont pas régulières. Ainsi, il y a des périodes parfois longues où les salaires ne sont pas versés. C'est devenu très fréquent depuis 2007-2008, et cela continue encore actuellement. Par exemple, au mois de mai, les salaires des mois de février, mars et avril n'étaient pas encore arrivés aux travailleurs.

Toutes ces difficultés conduisent de nombreuses populations à quitter les terres de la plantation pour retourner cultiver leurs propres terres. En effet, la compagnie étant la seule dans tout le Territoire, les populations arrivent de très loin, parfois, de plus de 150 km. Les migrants quittent souvent des zones exclusivement forestières (exemple du Territoire de Befale) à cause des conditions de vie difficiles et du fort enclavement.

Ce contexte est important pour comprendre ensuite les rivalités et les conflits qui découlent de la politique de la compagnie.

b. GAP et les ayants droits coutumiers : des relations conflictuelles.

La surface exploitée par la compagnie est très majoritairement située sur le groupement de Bongilima comme il l'a été précisé ci-dessus. Pour observer ceci, il est nécessaire d'utiliser des photographies satellites pour constater ces jeux d'échelles. Avant tout, il faut préciser que la délimitation du groupement n'est pas la même selon les cartes officielles de l'Atlas de l'organisation administrative de la RDC80(*). Il n'est pas aisé de connaître précisément ces limites. Pourtant, il semblerait que le tracé effectué avec les habitants du groupement soit plus proche de la réalité administrative que la cartographie de l'Atlas. En effet, les délimitations ont surtout été réalisées d'après les éléments hydrographique : des cours d'eau et des ruisseaux, ce que traduit la cartographie participative (en rouge).

Figure 13.

On constate dans les deux cas, que les plantations (de formes géométriques, et de teintes de couleurs d'un vert plus clair que les forêts primaires) occupent une partie importante de la partie nord du groupement. La localité de Boondjé est le village le plus proche des plantations, et la partie sud des plantations est située sur les terres d'ancêtres du village.

Pour illustrer ce type de conflit, nous allons nous focaliser sur un chef de terre en particulier. Les terres ancestrales de ce lignage sont très vastes et les ancêtres du propriétaire actuel ont réalisé des contrats avec la société. Ce sont donc les descendants qui héritent de cette situation. Chaque palmeraie nécessite tous les 25 ans un nouveau contrat entre les ayants droits qui possèdent coutumièrement la terre et la compagnie. Auparavant, les démarches nécessaires pour obtenir des terres en vue de les exploiter étaient plus faciles à obtenir. Cette duré de contrat sur 25 ans vient de l'exemple efficace de l'ancienne CCP. Ce cas est celui de la palmeraie R4 qui comprend 294 ha. Lorsqu'un contrat est passé, c'est la chefferie du groupement qui fait l'intermédiaire entre ces deux groupes. Chaque contrat nécessite un cahier des charges, avec donc une négociation. Un cahier des charges contient un certains nombre de « doléances » qui se matérialisent le plus généralement par des politiques ponctuelles de développement. Cela peut être la construction de ponts, de routes, de structures de santé, mais aussi d'écoles, ...La plupart du temps, le cahier des charges a pour but de répondre aux besoins de la population (un lignage, un clan) concernée. Cette négociation n'a pas toujours lieu, c'est-à-dire que le contrat de cession de terre n'est pas réalisé avec les ayants droits. Cela donne lieu -évidemment- à des conflits. Sur ce sujet, voici quelle est la situation d'un chef de terre vis-à-vis de GAP et de l'ex-CCP, selon les mots d'un voisin :

« En ce qui concerne les terres que nous venons de visiter : les terres qui ont été vendu à la CCP, c'est bien les terres du village Boondjé. Mais il y a quand même le clan qui a la propriété de cette terre. Donc ces terres là ce sont des terres propres aux ancêtres et ce sont les lignages (...) qui sont les autochtones. Bien que le groupement ait eut les droits de jouissances coutumières, mais ils doivent songer d'abord aux autochtones : les propriétaires des terres. Mais la chose ne se fait pas parce que nous voyons comme on avait dit l'autre fois que le groupement n'a pas vraiment eut les jouissances coutumières pour la replantation de R4. Hors selon les conventions, chaque 25 ans, on doit renouveler le contrat, et pour renouveler le contrat on doit venir ici voir les notables, et faire un cahier des charges et voir les besoins de la population. Mais cela ne se fait pas. Les autorités sont à Kinshasa, et ici au village, personne n'est contacté ».

Un autre problème émerge de cet entretien : le groupement ne contacte pas toujours les ayants droits. Ce cas précis rend les droits des propriétaires coutumiers inexistants, et cela n'est pas synonyme de paix sociale. En effet, le groupement dispose d'une autorité plus importante aux yeux de l'Etat que ne peut l'être un chef de lignage ou un chef de clan. Dans ce cas précis, voici les difficultés que rencontre un chef de terre pour faire valoir ses droits :

« ...Chez nous, quand nous écrivons des pétitions, cela va créer des conflits. Entre nous et le chef. Nous n'avons pas mot à dire. Nous n'avons pas de moyens. La société est plus forte. Elle peut nous combattre de toutes les façons. Plus, nous n'avons pas moyen de parler, même pas mot à leurs oreilles. (...) Ce n'est pas réveiller les morts, c'est bien nous : moi et mon frère ici ! Surtout les problèmes d'R4. On avait renouvelé des conventions, on a vu que la société apporte des briques et d'autres histoires. Est-ce que lui il est au courant ? Est-ce que moi je suis au courant ? Nous ne sommes plus que les deux ! ».

Cet exemple traduit bien l'impuissance que peut avoir un propriétaire coutumier pour faire valoir une certaine justice. Un autre cas est le dépôt d'une plainte du chef du groupement de Lisafa, M. Thy René Essolomwa Nkoy ea Linganga contre le Gouvernement Belge. Il cherche à rappeler que la chartre qui régit cette société est toujours liée à une charte écrite lors de la colonisation. Par ailleurs, il réclame la saisie de la société ainsi que des dommages et intérêts d'un millions de dollars pour les préjudices concernant les ayants droits coutumiers. Etant donné la pauvreté très importante dans cette région de la RDC, des arrangements vont donc avoir lieu pour bénéficier soit d'argent, soit de biens matériels. Certaines chefferies sont parfois très pauvres, et le contexte d'après-guerre étant très difficile pour la population dans son ensemble, des cas de corruptions peuvent être fréquents, et ils peuvent parfois être généralisés comme une règle. L'appropriation de terres peut donc être réalisée facilement plus la pauvreté des ayants droits est forte. Certaines familles et lignages n'ont donc pas d'autre alternative que de vendre leur terres à la compagnie. La dernière vente de terre, au village de Bosulu (un des trois village du groupement) s'est passé en 2008. La vente concernait 50 ha au sud des propriétés de GAP. Ces 50 ha étaient des forêts primaires, et la vente a été réalisée pour une somme d'environ 600 dollars. Il y a eu des plaintes des membres de la famille pour augmenter le prix de vente mais elles n'ont pas abouti. Le chef de terre ne voulait pas vendre ces terres, mais la compagnie a longtemps insisté, et il a donc décider de faire cette cession. Certaines ventes de terres se font pour des sommes inférieures à celles cité ci-dessus. La pauvreté est donc un facteur de vente, mais certains refusent désormais toute cession à des personnes étrangères. On préfère ainsi être pauvre sur ses terres que riche sur une faible superficie. En effet, il est est très difficile, voire impossible financièrement de s'approprier à nouveau une terre auparavant cédée.

3) Les tensions entre les terres urbaines et les propriétaires coutumiers en zone péri-urbaine.

Les groupements sont des délimitations administratives plus larges que les villages ou que les concessions privées. Ils ont des relations avec l'Etat mais ils disposent aussi d'une influence coutumière dans la mesure où les chefferies sont gérées par un clan ou une famille reconnues par l'Etat.

De nombreux conflits existent dans ce sens entre les zones urbaines et les groupements. Etant donné que les villes ne cessent de s'étendre en zone rurale, deux types de droits sur les terres vont entrer en contacts. Les groupements étant gouvernés principalement par la coutume, l'annexion des villes posent de nombreuses difficultés.

Les exemples ne manquent pas, et pour chaque pôle urbain, des conflits vont opposer l'Etat et les chefferies. C'est le cas pour la ville de Basankusu, mais aussi Mbandaka, et de manière encore plus marqués pour Kinshasa. Les limites urbaines (le bornage) ont été principalement établies pour la ville de Basankusu en 1957. Ces bornes sont des limites géographiques telles que les ruisseaux, des rivières (la rivière Lulonga), et parfois des concessions privées (dans le cas de Basankusu, il s'agit des terres d'une mission catholique). Compte tenu de l'augmentation de la population urbaine liée à l'exode rural, les villes s'étendent obligatoirement au-delà des bornages anciens devenu très contraignant. Cela entraîne des conflits fonciers entre les chefs de groupements et les zones urbaines.

Par exemple, le groupement de Lisafa à Bompanga conteste dans les tribunaux provinciaux depuis plusieurs années le bornage de la ville. Un autre exemple concerne la ville de Basankusu et Bokela. La ville ayant étendu elle-même ses limites, elle perçoit l'impôt sur des terres gérées habituellement par la coutume. Le point de tension vient du non-respect des droits de jouissance que veulent continuer à exercer les autorité coutumières même vis-à-vis de l'Etat. La justice provinciale a, par ailleurs donné raison à Bokela.

Pour la ville de Mbandaka (capitale de la province de l'Equateur), l'extension urbaine pose de nombreux problèmes. Bien que la ville se soit développée sur des terres coutumières, la plupart des cessions de terres ont commencées à être remises en question à partir des années de la décennie 1960 81(*). Cela correspond souvent à l'indépendance : moment du départ des administrateurs coloniaux (Piermay J.-L., 1993). Certains chefs de terres écartés sont devenu illégitimes lors de la période coloniale. Ils revendiquent donc la légitimité sur leur patrimoine.

Lorsque la ville étend sa juridiction sur les terres d'un village, cela met un terme à l'autorité coutumière du chef de village. Il faut préciser que l'autorité d'un chef de village est bien moins importante que l'autorité de la justice et de la loi, et ce cas précis est encore plus frappant pour une mégapole telle que Kinshasa qui ne cesse de s'étendre sur les terres rurales environnantes.

4) Les différentes manières pour résoudre juridiquement les conflits fonciers.

La résolution des conflits fonciers se fait de deux manières. La première est le droit coutumier, la seconde est la justice d'Etat. Il n'y a pas forcément d'opposition entre ces deux méthodes. La première intervient en amont, et lorsque qu'aucune issue favorable est trouvée, c'est dans les tribunaux administratifs que transitent les dossiers relatifs aux conflits.

a) Les résolutions locales et coutumières.

Les conflits étant le plus souvent liés à des limites de propriétés non respectés, c'est à l'échelle du village et du groupement que vont être transmises les plaintes. Par exemple, si deux chefs de terres contestent des limites, on cherche toujours une personne neutre pour servir d'arbitre entre les deux chefs. Il peut s'agir d'un notable d'un autre clan ou d'une autre famille, mais aussi du chef de localité. Dans tout les cas un juge coutumier (un notable) sert d'intermédiaire entre les deux plaignants. Son but va être de trouver un « terrain » d'entente, le plus souvent par la discussion (plutôt une négociation)82(*). Ainsi, ces cas sont fréquents lorsque des limites de terres ne sont plus vraiment visibles dans le paysage. Etant donné que les limites sont souvent liées à un arbre, si celui-ci vient à mourir, la contestation des limites peut être l'occasion de redéfinir ces frontières. De même lors de la mort d'un propriétaire, on fait appel à l'histoire et aux ancêtres pour déterminer qui a raison. Une technique nouvelle intervient de plus en plus dans un contexte de pression accrue sur les terres. Il s'agit de planter une rangée de palmiers. Auparavant, la méthode consistait à mettre des troncs d'arbres.

Voici un exemple de résolution d'un différent entre deux propriétaires : le point de rivalité concernait une marge de terre de trois mètres de long. Plutôt que de donner raison à l'un ou l'autre des protagonistes, le juge coutumier a donc séparé en deux cette marge de terre, de manière égalitaire. Le rôle du juge va donc être d'apaiser les différents entre des propriétaires. Loin d'être une justice rudimentaire, le droit et la justice coutumière sont très organisés et ils semblent être des moyens efficaces et très adaptés à l'échelle locale83(*). Ces règles ne sont jamais figées, et c'est une des particularité du droit coutumier. Bien qu'il soit socialement peu favorable de vendre une partie de terre, il est tout à fait possible de le faire. Aussi bien avant l'arrivée des européens que maintenant, même si la pratique a subit des évolutions. De même, une femme peut être propriétaire de terres. C'est un phénomène très rare, tout comme le don de terre par héritage à un esclave (un pygmée) autrefois. Les règles ne sont pas figées, et d'une certaine manière, ce type de droit reste flexible selon les cas. Un autre exemple de ces évolutions est la mise en place d'une durée dans la cession de terre pour les palmeraies. S'inspirant de l'exemple de GAP, les propriétaires ont repris cette manière de faire dans les cessions de terres sur 25 années.

Malgré cela, de nombreux conflits ne trouvent pas de résolution au niveau du village, et c'est dans ce cas l'Etat qui intervient pour rendre la justice.

b) L'intervention de l'Etat.

Dans les cas où des différents sur les terres ne trouvent pas d'issues locales, c'est en premier lieu l'Administrateur du Territoire qui peut tenter de régler ces problèmes. Il dispose du pouvoir de l'Etat, mais il peut aussi se retrouver dans une situation trop complexe pour avoir une influence favorable. Dans ce cas, c'est aux tribunaux de convoquer les propriétaires. Pour régler ces conflits la justice procède comme ceci : elle cherche à déterminer qui est le plus ancien propriétaire terrien. Cela passe par des entretiens avec les notables, l'observation des traces anciennes d'exploitations ( surtout les arbres tels que les palmiers à huile, les bananiers, etc.). Ces traces sont souvent localisées dans le finage des anciens villages avant la politique coloniale d'alignement. Ces anciens villages sont appelés Liladji en Lomongo (Eladji au singulier). C'est un processus qui peut être très long si des documents écrits (des titres de propriétés) sont inexistants, ce qui est presque toujours le cas.

Ces enquêtes de terrains débouchent souvent sur une issue favorable, mais il y a également des cas où la justice ne parvient pas à trancher des situations conflictuelles. Cela s'explique par différents facteurs. Le premier est que la justice n'est pas gratuite. Les propriétaires ne disposant pas de revenus leur permettant, soit de se rendre dans les tribunaux, soit de s'offrir les services d'un avocat, un bon nombre de conflits fonciers restent non-réglés. Beaucoup de conflits ne vont même pas en justice car les déplacements sont important. Par exemple, pour la Province de l'Equateur, cela impose de se rendre à Mbandaka, le seul lieu où se trouve des tribunaux. Les Territoires étant dépourvu d'instances juridiques. Une solution a été trouvée pour palier à ce problème : une ONG de nationalité belge (Avocat Sans Frontière) finance la justice provinciale de Mbandaka. Ce financement permet à un tribunal de se déplacer tout au long de l'année dans les différents Territoires pour instruire les dossiers. Les problèmes financiers de l'Etat et par là même de la justice sont une des explications du recours aux institutions coutumières. En zone rurale, c'est donc la justice coutumière qui est largement prédominante. En effet, la justice est sujette à des cas de corruptions, des rançonnements que la majorité de la population ne peut payer : « le phénomène de corruption a atteint un niveau systémique (...) embrassant toute la vie nationale au niveau de l'Etat, de la société et des individus » selon Kilubi F. 84(*). Un autre facteur explicatif est la lenteur de la justice d'Etat par rapport aux tribunaux coutumiers.

Voici quelques exemples donné par Gambambo Gawiya P. qui cite les chiffres d'Unicef et du Ministère des Affaires Sociales,  illustrant l'importance du recours aux tribunaux coutumiers :

§ Les conflits fonciers sont réglés à 47% par les tribunaux coutumiers, contre 25% par le droit écrit, et 27% pour les deux types de tribunaux.

§ Les conflits liés à l'héritage sont réglés à 69% par les tribunaux coutumiers, contre 13% par le droit écrit, et 18% pour les deux types de tribunaux.85(*)

Les conflits fonciers sont majoritairement résolus par la justice coutumière. Liés à un déficit très clair de l'Etat pour rendre la justice, les populations n'ont pas d'autres possibilité. De plus, la justice coutumière est une manière conciliante concernant les conflits fonciers. Elle participe ainsi à réduire les tensions, d'une manière différente de l'Etat car elle est plus légitime pour la population. La justice de droit écrit est donc presque inexistante dans un pays où certaines régions sont très enclavés, et où l'Etat dispose de moins d'influence et de pouvoir par rapport aux instances coutumières locales.

Chapitre 2

Une gestion territoriale conflictuelle entre les populations locales et l'Etat

« Les rivalités entre le droit de l'Etat et les droits locaux, la persistance de ces droits face aux lois nationales montrent bien qu'un droit, pour exister, doit être accepté. Chaque pouvoir, une fois fondé, même mythiquement, et accepté, devient légitime ».

Chrétien J.-P. 86(*)

Dans le contexte qui vient d'être décrit, nous allons maintenant tenter de comprendre les interactions entre l'Etat et les pratiques foncières des Mongo. Entre le droit écrit, que l'on peut qualifier de théorique et les pratiques locales (orales le plus souvent), on peut se demander lequel de ces deux types d'acteurs fonciers dispose de l'autorité sur les terres ?

Nous allons aborder dans un premier temps l'Etat, son influence dans la région, et la manière dont les populations perçoivent son rôle et ses actions, notamment à travers la propriété des terres, qui est un point central.

Il ne fait aucun doute que la région délimitée par les rivières Maringa et Lopori sont des zones enclavées, reculées, en comparaison à d'autres régions et provinces de la RDC. Le manque d'infrastructures routières est un des facteurs explicatif, ainsi que le manque d'entretien des routes actuelles. L'enclavement de cette région rurale et forestière se fait tant au niveau économique que politique. Les périodes de guerres des décennies 1990 jusqu'en 2003 ont entraîné un replis des instances administratives d'Etat dans cette région. Les populations se sont donc tournées vers les modes de gestion coutumiers pendant l'absence de l'Etat lors des conflits qui ont touchés Basankus dans le début des années 2000. Certains Territoires n'ont donc pas été administré pendant cette période. De cette manière l'Etat n'a pas gagné en légitimité, et le retour de la paix civile dans cette région a été le moment du retour de l'Etat. Dans ce contexte, les pratiques foncières ont donc été marquées par l'influence accrue des coutumes locales et anciennes.

1. Le rôle de l'Etat en matière de foncier : un pouvoir à relativiser.

A. La prédominance du pouvoir coutumier sur les terres rurales.

1. La propriété de l'Etat et les populations locales.

Le sol et le sous-sol appartiennent dans les lois sur le foncier à l'Etat. L'Etat est le propriétaire des terres. Cette question de la propriété des terres rurales et/ou forestières est révélatrice des divergences entre le droit écrit et le droit coutumier. Selon les réglementations, certaines terres seraient sans propriétaires. Ce présupposé se retrouve dans l'enquête de vacance de terre. Affirmer que certaines terres sont dépourvues de propriétaires pose de nombreux problèmes par rapport aux ayants droits. En effet, de nombreuses parties de forêts éloignées des villages peuvent paraître vacantes mais ce n'est pas le cas dans la réalité. En majorité, les terres sont réparties aux chefs coutumiers. Peut être existe-t-il des terres vacantes mais aucun cas me permet de l'affirmer. Cette notion de terre vacante est présente depuis la colonisation belge.

Elle est depuis longtemps un instrument au service du milieu politique et économique pour octroyer des terres. Pour les des sociétés étrangères par exemple. Les populations locales font souvent références à cela car en zone rurale, plus que l'Etat, c'est les chefs coutumiers qui disposent de l'autorité sur des terres qu'ils estiment les leurs. Voici ce qu'affirme le fils ainé de Lingolo Isa'Isomba (patriarche du clan Bafaka), José ITONGA :

« Le sol et le sous-sol appartiennent à l'Etat. Mais l'Etat a donné la primauté à celui qui a occupé pour la première fois cette terre. Ici chez nous, si l'Etat veut planter une palmeraie, ou si il veut partager à sa population une partie de terre pour les cultures vivrières, l'Etat envoie le message au chef de groupement qui demandera à ses notables pour chercher les terrains qui suffit pour répartir la population. Les terrains appartiennent aux autochtones, et non à l'Etat. L'Etat c'est l'ensemble de toute les populations. Ce n'est pas qu'il y a une personne qui est choisit pour être le propriétaire des terres 87(*)».

Les chefs coutumiers vont donc se retrouvent dans une position particulière. Eux mêmes sont aussi les propriétaires des terres. Les lois concernant les terres vacantes participent à un long processus en Afrique, depuis la présence europèenne. L'Etat dispose toujours d'un certain monopole (ou appropriation d'Etat) comme le souligne Cubrilo M. et Goislard C., en reprenant Le Roy E. :

« L'Etat colonial a construit son monopole foncier en appliquant la théorie du domaine éminent et en imaginant la catégorie des terres vacantes et sans maître. La revendication du monopole foncier a été reprise par les Etats contemporains, avec parfois des compromis. Car le monopole foncier de l'Etat appliqué au niveau national est concurrencé par d'autres formes d'organisation à l'échelle locale88(*) ».

Historiquement, c'est également à travers des politiques rurales que l'administration coloniale a tentée de modifier les pratiques foncières. C'est le cas avec la création du paysannat dans le Congo Belge. Cette politique agricole a été mise en place à partir de 1936. Cela se traduit par l'accession à la propriété qui permet en théorie de jouir d'une liberté économique. En pratique, cela consiste à établir sur un espace délimité (après des enquêtes préliminaires) les populations sur des lots choisit par l'administration. C'est une pratique qui a permis à l'Etat d'exercer un monopole foncier sur des populations.

Le changement de statut de l'espace est une continuité qui n'est pas remise en cause encore actuellement. C'est un facteur qui augmente l'illégitimité de l'Etat auprès des populations locales, et auprès des chefs de terres. De même, l'Etat africain est souvent un relais d'enjeux extérieur liés à des processus économiques globalisés. Pourtier R. parle de « domination extérieure 89(*) » pour décrire ces phénomènes en Afrique, où l'on privilégie les enjeux extérieur plutôt que locaux. Par exemple, on favorise la mise en place de grandes sociétés d'exportations plutôt que de développer l'agriculture paysanne qui représente une activité indispensable pour la très grande majorité de la populations de la Province de l'Equateur, pour ne citer qu'elle. Dans ce contexte, on comprend l'utilité des lois sur des terres qui seraient sans propriétaires, et par là même, on comprend également que les chefs coutumiers, ou tout ce qui se réfère à une gestion de type coutumière va s'opposer au projet de l'Etat.

2. Les acteurs fonciers dans le cas d'une cession de terre.

Il y a un décalage entre le droit écrit et la pratique en matière foncière. Les lois sur la propriété imposent de se référer à l'Etat dans la cession de terre. Il est donc illégal d'obtenir une portion de terre sans se référer à l'administration. Selon les lois, chaque cession de terre doit être obtenue par l'administration en charge du foncier. A l'échelle du Territoire de Basankusu ce n'est pas l'administration du Territoire mais auprès du District faute de mieux. Le district est l'échelon inférieur au Territoire. L'Etat est le premier interlocuteur pour gérer les affaires foncières en zone rurale car toute demande de terre est considéré comme illégale (non conforme au droit écrit) si elle est réalisée uniquement au niveau des chefs coutumiers. Il existe deux manières écrites pour les mouvements fonciers en zone rurale : les titres fonciers coutumiers et l'acte de cession. Ces deux méthodes permettent la reconnaissance des propriétés.

Un titre foncier coutumier rend officiel vis-à-vis de l'Etat une propriété. Lorsqu'une personne exploite une terre (essentiellement pour les plantations de palmiers, de caféiers ou de cacaoiers), cela peut permettre une sécurisation foncière. Ce document (Annexe n°4, p. 160) est principalement utilisé pour transmettre par héritage des biens fonciers. La mise en place de ce système est récent, et il n'est pas du tout généralisé en zone rurale. Ce document étant payant (3 dollars environ), certains propriétaires n'ont pas les moyens financiers pour sécuriser leurs biens. Etant donné que le phénomène de propriété s'accentue, et que la terre est de plus en plus demandée pour l'agriculture, les titres fonciers coutumiers peuvent résoudre certaines disputes à propos de la propriété, par exemple, avec le bornage et le calcul de la superficie effectués lors de la remise du titre. Malgré tout, les titres sont aussi parfois remis sans que ces préalables soient effectués.

L'acte de cession est un moyen lui aussi récent. Il permet «d'échapper » à la transmission des terres par les clans, et donc d'échapper aux règles foncières coutumières. Cette méthode est proche des titres fonciers car elle concerne le long terme. En effet, les titres permettent de céder des terres de manière durable. Lors d'un acte de cession les signataires vont être le chef de groupement, le chef de localité, ainsi que les notables coutumiers. Il semble que l'acte de cession soit plus efficace vis-à-vis de la loi qu'un titre foncier coutumier. Tout comme les titres fonciers, l'acte de cession est très peu utilisé, de plus tous les mouvements fonciers ne sont pas pris en compte.

D'après les enquêtes et les entretiens réalisés auprès des autorités foncières du District de l'Equateur 90(*), il est primordial d'obtenir une parcelle de terre en accord avec le droit coutumier local. Ensuite, munit d'un document écrit, l'acquéreur se rend chez les représentants de l'Etat pour officialiser la concession. Octroyer des terres sans le consentement du chef coutumier n'est pas concevable car les conséquences peuvent être graves si le pouvoir coutumier est ignoré.

Ces conséquences auront pour but de faire partir le nouveau propriétaire, par la sorcellerie par exemple. Comme cela a été vu précédemment, les recours dont disposent les chefs coutumiers pour s'opposer à l'Etat où à une main-mise dans leur gestion des terres ne sont pas officiels, et ils peuvent ne pas être rationnels. La sorcellerie, de part son caractère mystérieux et dangereux représente un moyen de pression très puissant. De plus, les problèmes dans l'exécution de la justice et dans les recours officiels quels qu'ils soient sont très largement inefficaces, d'autant plus lorsque les chefs coutumiers ne disposent pas de relations avec le milieu politique, ni de moyens financiers importants. A cela s'ajoute le fait que la régularisation des titres fonciers coutumiers par les représentants locaux de l'Etat n'est pas fréquente.

Ils sont nécessaires pour un étranger, mais pour les clans, les lignages ou les familles, cela se réalise rarement par écrit. Des documents fonciers officiels représentent un coût financier que ne peuvent assumer bon nombre de personnes. Il ne m'est pas possible de le quantifier, cela reste donc du domaine de l'hypothèse. Néanmoins, les Territoires étant vastes et pas toujours facile d'accès, l'administration a de grandes difficultés pour gérer le foncier en zone rurale. Les voies de communications sont pourtant extrêmement importantes dans l'édification d'un Etat-nation comme le souligne Pourtier R. : «  Dans l'immense Zaïre la cohésion de l'Etat est affaiblie par l'incapacité à maîtriser le transport au sol ; en dehors de quelques rares axes de qualité, le contrôle des pouvoirs publics se dilue rapidement dès que l'on quitte les centres urbains91(*) ». De part le manque de personnel et de moyens adéquats, la gestion foncière est surtout le fait des chefs coutumiers.

L'Etat n'a donc qu'un rôle d'intermédiaire vis-à-vis d'un pouvoir coutumier, qui, pris dans son sens large est très important en zone rurale, voire prédominant. On peut ajouter également que le pouvoir coutumier est toujours en rivalité avec l'Etat pour qui le sol et le sous-sol lui appartiennent. Depuis l'époque coloniale jusqu'à aujourd'hui, la législation concernant la propriété de la terre est au coeur d'enjeux qui vont de l'échelle globale pour concerner le local.

Le problème principal vient du fait que l'Etat cherche légitimement à interférer avec les pratiques foncières locales, mais sans qu'il y ait de véritables consensus entre ces deux échelles dans la mesure où la reconnaissance des droits de propriétés n'est que partielle.

3. La forêt limite-t-elle de l'autorité de l'Etat ?

La Province de l'Equateur est avant tout marquée par un tissu forestier très dense. Dans cet espace de forêts, l'occupation humaine est très peu marquée dans le paysage. On peut même dire que le peuplement ressemble à un îlot au milieu d'un océan de forêts. Dans ce contexte, la prédominance de la forêt entraîne un enclavement important. Cela rend les déplacements difficiles d'autant plus que cela est aggravé par le manque d'axes de communication. Les forêts ont souvent été un frein à l'établissement de l'autorité de l'Etat. L'histoire donne de nombreux exemples où la mise en place d'autorité politique régionale a nécessité des politiques de désenclavement forestier, pas toujours avec succès comme le souligne Pourtier R.: « La forêt (...) fit longtemps écran à l'établissement d'une autorité centrale efficace : maints administrateurs coloniaux devaient constater impuissants qu'elle s'y engloutissait 92(*)».

Par exemple, les routes coloniales ont été conçues à cet effet : pour administrer plus efficacement le territoire en augmentant les échanges et les déplacements. Les axes de communications sont d'une grande importance pour la maîtrise territoriale de l'Etat, et « c'est principalement les routes qui, aujourd'hui, facilitent le désenclavement et les mouvements de population 93(*)». L'axe de transport le plus présent en Afrique est avant tout le réseau routier. Plus de 80% des transports se font par les routes, et les pays d'Afrique centrale disposent de la plus faible longueur du réseau routier à l'échelle du continent avec environ 120 000 km de routes, dont environ 75% sont considérées en mauvais état. (Ben Hammouda H. & Koumaré H.94(*), CEA-Bureau d'Afrique Centrale 95(*)) .

La forêt est dans ce raisonnement un facteur qui limite l'implantation d'une autorité d'Etat. C'est parce que les accès sont difficiles que l'Etat ne peut prétendre avoir une influence forte au sein de certaines régions forestières comme c'est le cas dans cette partie du Bassin du Congo. C'est une explication possible (parmi d'autres) pour comprendre pourquoi des modes anciens de gestion foncière semblent restés importants en zone rurale forestière. L'Etat et l'autorité qui en découle est en effet bien souvent un facteur non-négligeable de la transformation de ces modes de gestion. Les diverses lois dont est à l'origine l'Etat centralisé n'ont qu'une influence faible pour les populations Mongo et sur leurs manières de gérer le domaine foncier.

Chapitre 3

La prise en compte de telles pratiques foncières dans la conservation d'espaces naturels

La conservation d'espaces naturels importants en terme de biodiversité nécessite de s'intégrer dans un contexte local précis. Les politiques des acteurs environnementaux passent par des politiques territoriales et le domaine foncier est un élément nécessaire à prendre en compte.

En effet, les politiques de conservation et de développement agissent sur le domaine foncier, précisément sur la manière d'utiliser l'espace. Par exemple, lorsque l'on cherche à modifier certains usages des forêts.

L'utilisation des ressources forestières est liée à la manière dont est approprié l'espace. La propriété des forêts est ainsi importante à connaître si on cherche à interdire certains prélèvements aux populations locales.

Nous allons donc nous pencher sur le cas de la pratique de la chasse et comment elle interagit avec les politiques environnementales. Ensuite, nous tenterons de mettre en évidence en quoi les forts taux de couverture forestière sont dû ou non à la manière dont est organisé le foncier des populations Mongo.

1. La réserve Lomako Yokokala : la volonté de modifier l'usage de la chasse.

Figure 14.

Cette réserve fût crée en 2006 par l'Etat. Elle a pour but de protéger la faune encore présente dans la partie centrale de l'aire M.L.W. Notamment l'espèce Pan paniscus, c'est-à-dire le singe Bonobo qui se trouve uniquement en RDC. La création de la réserve est principalement le fait de l'Etat et AWF intervient pour sa mise en place et sa gestion. Les chefs coutumiers ont été consultés pour obtenir leur accord visant à mettre en place cette réserve sur leurs terres. Bien que ces politiques de conservations soient liées à un besoin de l'Etat, les populations locales ont en grande majorité la conviction que cette zone est la propriété de AWF.

Cette réserve à pour but de procurrer un refuge pour la faune de la région. La pratique de la chasse est en effet très largement répandue dans toute zone forestière M.L.W. La chasse est responsable de la raréfaction du gibier dans de nombreuses forêts. Il faut ajouter que la chasse est une pratique très ancienne qui est également un trait culturel très important chez les Mongo, et c'est sans doutes la pratique ancienne la plus importante (avec la pêche), beaucoup plus que l'agriculture et les plantations. Les différentes guerres, la pratique agricole a but commerciale ainsi que les difficultés que connaissent les activités d'élevages dans la région ( avec la peste porcine par exemple) sont certains des facteurs qui peuvent permettre de comprendre la disparition du gibier autour des villages et des pôles urbains de la région. De nombreux témoignages traduisent des rarefactions d'espèces comme les singes, mais aussi les éléphants. Auparavant, les éléphants pouvaient détruire les cultures villageoises voire le village lui-même. Ce n'est plus le cas, et pour chasser, il est nécessaire de pénétrer toujours plus loin en forêt. La pratique de la chasse permet également d'obtenir des revenus importants aux chasseurs, en plus d'obtenir une nourriture de qualité, et qui plus est gratuite. En effet, une famille ou une lignée peut chasser et mettre des pièges dans leurs forêts, voire même dans des terres ne leur appartenant pas.

Pourtant, ce n'est pas vraiment les populations villageoises qui pratiquent la chasse. Cette pratique existe mais elle a fortement perdu son importance, surtout dans les zones proches de pôles urbains, du fait de la surexploitation de la ressource. La chasse est surtout le fait de campements localisés profondément en forêt, et par des braconniers. Un campement peut être composé d'une population très faible (par exemple une famille), mais il est fort possible de trouver de très nombreuses populations au sein d'un campement (400 personnes par exemple). On trouve ainsi des campements autour de la réserve, d'où des conflits d'usage. Des groupes de chasseurs se rendent fréquemment dans la réserve. Très enclavé de part les forêts et les marécages, le gibier y est encore plus abondant que dans d'autres parties de la région M.L.W. Des conflits opposent les gardes de la réserve (gardes de l'ICCN 96(*)) à des chasseurs. Parfois de manière violente comme c'est le cas au Nord de la réserve, dans le territoire de Bongandanga. La réserve est majoritairement située sur ce territoire, et c'est une des régions les plus réticentes à la conservation. Cela vient du fait que la chasse est très pratiquée par les populations présentes dans cette région, et l'agriculture n'y est que très faible par rapport à d'autres territoires comme Djolu ou Basankusu. Ces conflits d'usage ne concernent pas exclusivement la chasse mais aussi la pêche. Des populations vivent de la pêche dans toute le paysage M.L.W. et cela comprend aussi la bordure de la réserve délimitée par les rivières Lopori au Nord, et Maringa au Sud. L'ICCN avait interdit l'accès pour la pêche, mais la pêche semble autorisée aujourd'hui suite à des conflits entre les pêcheurs et les gardes. Beaucoup de personnes de toute la région forestière où agit AWF pensent que la chasse est interdite partout, et que la protection du Bonobo se fait à l'encontre de leurs activités de subsistances. L'enclavement de la région explique ce manque d'information et de communication aux populations forestières et villageoises. De plus, la politique de conservation est récente, et les voies d'accès et de communications étant rares et dans un état très mauvais, ces conflits demeurent.

La modification de l'accès au gibier par la création de la réserve peut aussi entraîner un phénomène de surchasse dans les périphéries de la zone protégée. Néanmoins, les droits d'usages sont stricts concernant les propriétaires des forêts où le gibier est encore abondant. Il est nécessaire pour un groupe de chasseurs des villages voisins de demander les autorisations coutumièrement : par des dons, des contre-partie comme une part de viande, ou autre, le chasseur va être autorisé à prélever du gibier. Ainsi, les droits d'usages deviennent ignorés volontairement lorsque le gibier vient à disparaître. En effet, cette pratique est liée à l'appropriation des ressources forestières, et les droits d'usages disparaissent dès que l'usage n'est plus fréquent.

Corrélée à un engagement très peu important de l'Etat dans cette zone forestière, la gestion du domaine foncier est marquée par des pratiques anciennes. Qui plus est, cette gestion est légitime face à un Etat aux multiples difficultés. Que ce soit en matière de justice foncière ou en matière de distribution des terres, la gestion coutumière exerce donc un pouvoir important dans cette région. C'est dans ce contexte que la conservation du patrimoine naturel est prise en charge par des acteurs extérieurs car l'Etat seul ne peut assumer financièrement de mettre en place de telles politiques. La difficulté vient du fait que l'ONG, au même titre que l'Etat est considéré par de nombreuses populations locales comme étrangère. Les critiques ne vont donc plus se tourner vers l'Etat mais vers l'AWF. Bien que les ONG ne remplacent pas le rôle d'un Etat, les différentes politiques d'aménagement mises en place (ou en projet) montrent bien que cela y ressemble. L'exercice de l'Etat est par ailleurs très lié à la conservation comme le souligne Rodary E. :

« La conservation s'inscrit en continuité des logiques étatiques de contrôle des populations, de contrôle territorial, de marchandisation et d'étatisation des ressources. Le secteur se construit sur une homothétie avec l'Etat97(*) ».

Pratiquer des politiques de conservation dans une région où les défaillances de l'Etat sont flagrantes (pauvreté, santé, enclavement, corruption, déficit de l'administration,...) peut être problématique car toutes ses difficultés seront autant de problème pour les acteurs extérieurs. Par exemple,  bien que l'ONG cherche à appuyer l'agriculture, le manque d'axes de transports et l'enclavement de certaines parties du paysage M.L.W. ne relèvent pas du rôle d'une ONG environnementale, mais bien d'une politique de l'Etat. AWF ne cherche pas à remplacer le rôle que pourrait jouer un Etat bien ancré dans son territoire, mais pour limiter la pratique de la chasse elle est pourtant contrainte d'assumer un peu de ce rôle. Et d'une certaine manière, la préservation de la faune implique des contreparties pour développer l'agroforesterie et l'élevage, et donc cela s'entraîne obligatoirement sur une perte de superficie forestière. En effet, l'agroforesterie bien que fixée sur un territoire n'est actuellement pas encore une alternative puissante : elle semble être encore, qu'un complément pour les paysans concernés. Cela ne limite donc pas forcément l'agriculture itinéraire sur brûlis. Ces régulations sur l'espace correspondent à une maîtrise foncière.

2. L'organisation foncière de l'espace : un atout pour la conservation ?

Ce système foncier est le reflet de l'organisation de la société Mongo. Les liens familiaux sont interconnectés à la gestion foncière. Les familles, les lignages et enfin les clans ont un rôle important en matière foncière. Héritée d'une organisation ancienne, la gestion des terres traduit une adaptation des populations locales. Ce sont elles qui sont les garants de l'organisation de l'espace face à un Etat qui a peu d'influence en zone rurale et forestière

Il est donc possible de poser la question de l'impact de ce type de gestion de la propriété de la terre par rapport aux milieux naturels : les forts taux de couverture forestière observables dans cette région sont-ils reliés à cette organisation foncière ?

Le type d'appropriation des terres peut dans certains cas être un facteur limitant l'implantation humaine, et les activités humaines. La terre est précieuse, c'est même un des biens les plus important pour les Mongo comme il l'a été précisé à maintes reprises. Les règles de propriétés, ou encore les droits d'usages limitent l'utilisation intensive de l'espace. L'agriculture ne peut pas être pratiquée partout, il faut des autorisations des chefs de terres car les règles sont précises et il est de plus en plus difficile d'obtenir des parcelles cultivables en dehors des terres gérés collectivement par les structures familiales, lignagères et claniques. En attestent les difficultés des entreprises étrangères et privées qui exploitent les ressources dans la Province.

Cette gestion foncière est un trait marquant de l'espace. Etant donné que c'est un système qui peut s'adapter rapidement car les règles ne sont jamais fixes et lorsque les besoins le permettent, elles peuvent évoluer. D'après les entretiens, on constate que ces règles se sont durcies récemment, dans un contexte de pression accrue sur les terres. Il est primordial que les propriétés collectives soient transmises aux générations futures, et la dimension temporelle sur les terres a donc une influence. Par exemple, si toutes les terres d'un lignage sont vendues, cela va avoir des conséquences sur les membres - présents et futurs - du lignage. C'est un contexte très différent de ce que l'on peut observe dans les forêts du bassin amazonien où l'appropriation des terres est plus facile à réaliser par les petits paysans, puis par de grands exploitants agricoles.

Cette gestion des terres limite donc l'utilisation des terres en dehors d'une utilisation collective. Pour un étranger, le contexte foncier actuel peut donc être un problème pour obtenir des surfaces où pratiquer l'agriculture. La gestion coutumière semble plus favorable aux membres des familles ou des lignages, et au contraire, elle est plus restrictive concernant les étrangers lorsqu'ils sont demandeurs de parcelles pour des activités économiques. L'importance que revêt les forêts explique aussi qu'il est utile de conserver ces espaces à l'origine de nombreuses sources de produits naturels indispensables pour les populations rurales (cf. Fournier T. : Mémoire de recherche concernant l'utilisation des plantes et des produits forestiers non-ligneux chez les populations Mongo - 2009).

Une autre explication de la présence d'un couvert forestier qui n'a pas beaucoup subit d'évolutions dans le temps, est liée à la pauvreté. Le manque d'outils explique pourquoi les populations rurales n'utilisent que rarement le bois d'oeuvre dans les constructions d'habitations. L'exploitation des arbres nécessite des scies, et de nombreux outils pour travailler le bois, et peu de personnes dans les villages où se situent ces recherches disposent de tels outils. C'est pourquoi on peut observer que le défrichage des champs est difficile et que les arbres présents sur les parcelles ne sont que rarement utilisés.

Le manque de moyens économiques aux mains des populations villageoises est donc un facteur explicatif important. Cela semble être la raison principale de la prédominance du couvert forestier. Pourtant, l'exploitation des arbres pourrait permettre des revenus financiers aux populations, dans le cas où ce serait elles mêmes qui pratiqueraient cette activité, et non une entreprise privée. La pauvreté limite donc aussi certains prélèvements de ressources forestières.

Synthèse

Les difficultés que connaît l'Etat sont révélatrices des tensions autour des terres dans cette région forestière. La gestion coutumière semble être très influente, et il ne fait aucun doute que le domaine foncier est avant tout géré par ce système ancien, plutôt que par le droit moderne. Le manque d'influence de l'Etat en zone rurale explique que les populations locales se réfèrent toujours à des pratiques foncières héritées d'une longue tradition. La résolution des conflits fonciers est la preuve que la gestion coutumière est adaptée aux populations. Cette justice s'intègre à un contexte social et économique spécifique aux Mongo. Les conflits fonciers sont parfois inhérents à la vie des habitants et à la structure de la société. La gestion coutumière tend à réduire ces problèmes liés à la terre.

Le cas des conflits entre les acteurs privés et les populations locales traduisent différentes manières de concevoir l'appropriation des terres. Ils peuvent rarement trouver de résolution locale, et ils nécessitent de se rendre dans les tribunaux provinciaux. La terre se retrouve donc au coeur de rapports de forces. Le plus souvent, entre l'Etat et les chefs coutumiers, comme cela s'observe avec les limites urbaines et rurales. Le monopole foncier de l'Etat est donc faible dans la pratique. La gestion coutumière des terres s'intègre difficilement dans le cadre juridique de la RDC, d'autant plus lorsque les régions sont enclavées physiquement. La perméabilité des forêts en matière de communications, d'échanges, met l'Etat dans une position complexe. Les territoires sont donc influencés par des pratiques foncières anciennes même si des évolutions existent. La pression accrue sur les terres liée à l'augmentation de l'agriculture est un exemple particulièrement d'actualité.

Ce contexte rend la conservation difficile à mettre en place. Les acteurs environnementaux sont au coeur des tensions entre la maîtrise foncière de l'Etat et les pratiques foncières locales. Les relations (obligatoires) entre les ONG et l'Etat entraînent des critiques de la part des populations locales, et la modification de l'utilisation des terres et des forêts suite à la création de la réserve nécessite une approche intermédiaire. Cette position d'intermédiaire est complexe à mettre en place dans la mesure où elle doit s'intégrer dans le droit de l'Etat et en même temps dans les pratiques foncières des Mongo.

Conclusion générale

L'organisation foncière avant la présence européenne était réalisée de manière homogène sur les territoires. Les terres étaient réparties pour que chaque clan, ou chaque structure sociale dispose de terres assez vastes pour ses besoins vitaux. Le mode de vie étant fortement tourné vers la chasse, l'utilisation des ressources était encadrée par des règles précises, qui ne mettaient pas en péril les populations animales. En effet, le bassin du Congo est peuplé d'agriculteurs depuis longtemps. Chaque village (ou campement) avait ses propres terres, et la répartition des populations semblait être adaptée aux milieux naturels, avec un certain équilibre. Ce peuplement limitait par exemple l'apparition de certaines maladies comme la maladie du sommeil (liée à la mouche Tsé-Tsé). La réorganisation coloniale avec l'alignement a favorisé « le réveil » de cette maladie. Suite à cette modification de l'organisation des terres, de nombreux villages ont été dépeuplés. Après la colonisation, la répartition des populations le long des routes n'a pas empêché la prolongation d'un système foncier hérité des lointains ancêtres.

Le système de gestion des terres chez les populations Mongo traduit des interactions très fortes entre l'organisation de la société et la propriété de la terre au point que les deux se confondent. Les populations Mongo ont tissé des liens étroits avec les terres. Le foncier est en corrélation avec un type de société. Il est également légitimé par une histoire particulière et des pratiques religieuses comme le totémisme ou le rôle des ancêtres qui expliquent encore certains rapports à la terre.

Une gestion coutumière prépondérante sur les terres.

La grande majorité du pays est rurale. Le droit d'Etat est principalement efficace en zone urbaine, contrairement aux campagnes et aux forêts où la propriété des terres est gérée par les populations locales elles-mêmes. Le foncier est donc géré localement sans trop d'interférences avec l'Etat. La gestion foncière telle qu'elle est pratiquée par l'Etat est parfois en opposition avec une gestion foncière locale complexe. Le droit national en matière foncière semble beaucoup moins adapté à la société Mongo. Entre un système foncier hérité du droit européen et une gestion marquée par des pratiques foncières anciennes et orales, il existe des divergences. Les difficultés rencontrées par l'Etat en RDC, principalement en zone forestière, participent à la continuité de cette gestion foncière.

Il existe des tentatives pour intégrer plus efficacement dans le droit la gestion coutumière, mais la grande diversité des systèmes fonciers en RDC rend très complexe la création d'une loi à une échelle nationale centralisée. Il se pourrait par ailleurs que les hommes politiques craignent de mettre en place une telle loi. C'est un constat propre à la RDC. La République du Congo voisine impose que tous les titres de propriétés soient déclarés aux autorités foncières sous peine d'amendes. Il n'existe pas de telles mesures en RDC. Il est souvent admis que l'Etat est le seul garant d'une équité de gestion sur les terres. Ce n'est pourtant pas toujours le cas. L'Etat peut aussi être à l'origine d'insécurité foncière. La superposition de différentes manières de gérer le domaine foncier peut se faire aux dépends des populations locales. C'est principalement le cas lorsque la gestion de l'Etat est fortement corrélée à des élites urbaines. Les populations locales peuvent se retrouver dans des jeux d'échelles qui leurs sont défavorables.

Les changements récents concernant l'utilisation des terres.

Ce sont plutôt les logiques extérieures comme la demande des populations urbaines en viande de brousse, qui modifient les prélèvements sur les écosystèmes et peuvent par-là nuire à la préservation des forêts. Ce n'est pas vraiment l'augmentation de l'agriculture qui est responsable de cela. En effet, l'agriculture telle qu'elle est pratiquée faute de moyens techniques financièrement trop coûteux pour les paysans, reste peu importante dans la région. Les superficies cultivées par famille sont dans tous les cas assez faibles. Les logiques économiques extérieures sont prises en compte par AWF, notamment avec la coupe de bois pour les besoins en chauffage pour la cuisine. Les terres et les forêts sont donc aussi exploitées pour des populations urbaines. Les populations locales se trouvent encore une fois au coeur d'enjeux régionaux, et la faible utilisation des terres de cette région font qu'elles sont perçues comme disponibles vis-à-vis d'autres régions de la RDC, exploités plus intensivement.

L'urbanisation croissante de la région entraîne des modifications dans l'utilisation des terres. Les périphéries urbaines sont beaucoup plus exploitées par l'agriculture que les villages en zone forestière. Les besoins des populations ont évolué, mais le système de gestion des terres reste en partie le même. L'agriculture est pratiquée dans le but d'avoir des revenus, et c'est un trait marquant des changements dans l'usage des terres. C'est une des explications de l'augmentation des conflits fonciers. Les conflits sont fréquents mais leurs conséquences sont malgré tout atténuées par le droit coutumier. Les problèmes sont en effet plus graves lorsque ces conflits concernent les populations locales et des acteurs extérieurs comme les sociétés privées. Ces types de conflits sont de plus rarement résolus à l'échelle locale.

L'enclavement très fort de cette région de la RDC limite malgré tout les échanges économiques et sociaux, ce qui participe également à la « préservation » d'un système foncier ancien, même si des évolutions ont eu lieu depuis plus de 100 ans. Le rôle du clan est le meilleur exemple de ces changements, son pouvoir diminuant de plus en plus.

L'intégration de la conservation aux pratiques foncières locales.

En tant que vecteur d'une organisation territoriale marquée par la présence de très vastes forêts, la gestion foncière des populations Mongo a longtemps été une manière efficace de préserver ces milieux naturels. En effet, c'est parce que l'environnement a été utilisé de manière contrôlé, par une gestion des terres qui implique de ne pas détruire la forêt car elle doit être disponible pour les générations futures, que cette région du bassin du Congo est encore aujourd'hui préservé, mis à part pour certaines espèces animales comme l'éléphant ou encore les espèces de singes. Il semble que cette organisation ne mette pas en péril la forêt. La gestion coutumière peut donc être perçue comme un facteur de préservation des forêts chez les Mongo. Cependant, les nouveaux besoins des populations (agriculture, éducation, santé), tendent à changer les rapports à la terre. De plus, la vie en zone forestière est parfois considérée par les populations locales comme un asservissement, ce qui s'oppose à la vision des acteurs environnementaux.

La difficulté de pratiquer un développement en y alliant la conservation de la nature est forte, qui plus est si la région est aussi très enclavée et marquée par une grande pauvreté. Travailler de consort avec les populations locales est une avancée positive de la conservation, mais cela étend aussi les compétences des ONG environnementales. Elles doivent intégrer les populations et tout ce que cela implique. C'est-à-dire, leur manière de gérer l'espace, leurs pratiques économiques, politiques et culturelles. Cet élargissement du champ d'action des ONG est nouveau, et il nécessite de concevoir différemment les espaces naturels. En effet, alors que les populations peuvent concevoir leurs forêts comme des sources potentielles de développement, les acteurs environnementaux ont parfois certaines réticences à totalement l'accepter. De la même manière que le développement durable, lorsqu'il est mis en place, considère souvent en priorité l'environnement par rapport aux hommes. Certaines politiques de conservations n'échappent pas à ce constat.

Quelles peuvent être les conséquences de la modification des activités économiques, et principalement, favoriser l'agriculture, pour des sociétés où l'interaction entre l'organisation sociale et l'usage des terres est très forte ?

Les politiques des acteurs environnementaux correspondent aussi à des choix de société. Dans quelle mesure les populations locales sont prêtes à les accepter ?

Il semble que les populations de certaines régions seraient d'accord pour modifier certaines pratiques, mais d'autres en revanche y semblent très attachées.

Faut-il imposer certaines politiques chez des populations peu enclines à changer leur manières d'utiliser les forêts sous peine de voir émerger des conflits d'usages ?

Dans quelle mesure est-il possible de limiter ces tensions ?

Le contact avec les populations locales révèle que des politiques de développement rural (élevage et agriculture) semble être bien adaptées aux nouveaux besoins des populations et permettrait, pour l'élevage, de limiter la chasse. Les populations présentes où se sont déroulées ces recherches semblent concernées par l'idée d'encadrer la pratique de la chasse, à condition que des alternatives soient mises en place. Dans ce sens, il est fort possible qu'elles désirent s'impliquer dans de telles politiques. La difficulté est principalement le manque de moyens économiques et donc matériels. Appuyer les associations paysannes pourrait, sur le long terme être source de développement. C'est un travail long qui passe avant tout par la communication avec les populations locales, pour les impliquer dans ces programmes de conservation. Cette communication semble être la clef pour que les politiques mises en place ne se traduisent pas par des rejets de la part des populations.

Selon moi, la conservation doit avant tout être une opportunité pour les populations paysannes de faire évoluer les modèles agricoles et l'élevage qui pourraient être considérablement développés, tout en créant des revenus pour les populations. Cela rendrait plus aptes des populations à accepter certaines limitations vis-à-vis de la chasse, qui est une activité très ancrée dans la culture des Mongo.

Les recherches sur le foncier concernent de nombreux domaines d'études. Compte tenu de la complexité des jeux d'échelles entre l'Etat et les pratiques foncières locales, il ne m'est pas possible de répondre à toutes les questions soulevées par ces recherches. Dû au manque de temps pour les recherches de terrain, les relations entre la gestion coutumière nécessitent des approfondissements, ainsi que d'autres recherches pour corroborer ou non celles présentées dans ce travail.

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Liste des documents

· Page 4 : Photographie 1 : Une parcelle de manioc et des arbres servant pour les limites de propriétés

(auteurs : Fournier T. & Bourgeois U.)

· Page 18 : Photographie 2 : Un chef de terre nommé par l'administration belge

Photographie 3 : Un chef coutumier

(auteur : Van der Kerken G.)

· Page 24 : Figure 1 : Carte schématique de la réorganisation de l'espace lors de la colonisation belge

(auteur : Bourgeois U.).

· Page 26 : Photographie 4 : Construction d'une route en zone de forêt inondée

Photographie 5 : Route traversant le village des Basengere

(auteur : Van der Kerken G.)

· Page 47 : Figure 2 : Carte de la localisation des populations Mongo en RDC

(auteur: Bourgeois U.)

· Page 50 : Figure 3 : Carte schématique de l'arrivée puis du peuplement des Mongo de Basankusu

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 51 : Figure 4 : Organisation des Mongo de Basankusu

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 55 : Figure 5 : Schéma de l'organisation sociale interne d'une ethnie selon G. Van Der Kerken

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 58 : Figure 6 : Schéma de l'organisation du territoire de l'échelle régionale à l'échelon local.

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 76 : Photographie 6 : Une bananeraie située à quelques mètres derrière les habitations du propriétaire.

( auteurs : Fournier T. & Bourgeois U.)

Photographie 7 : Une bananeraie et son propriétaire.

(auteur : D. Likemba Bokoto)

· Page 78 : Photographie 8 : Une petite palmeraie

(auteurs : Fournier T. & Bourgeois U.)

· Page 80 : Photographie 9 : Un champ défriché et les femmes y travaillant

Photographie 10 :Une jeune parcelle de maïs.

(auteurs : Fournier T. & Bourgeois U.)

· Page 82 : Photographie 11 : Source Ekiloko appartenant au lignage Nkoy

Photographie 12 : Pose d'une nasse sur une clotûre de pêche

(auteurs : Fournier T. & Bourgeois U.)

· Page 84 : Photographie 13 : Limite lignagère

Photographie 14 : Limite clanique, située le long de la route, délimitant les clans Bokolo et Baolongo

(auteurs : Fournier T. & Bourgeois U.)

· Page 86 :Figure 7 : Schéma de l'évolution du finage à l'échelle d'un Clan

Figure 8 : Généalogie du clan Bokolo et les lignées accueillies

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 88 : Figure 9 : Exemples de parcellaire agricole à l'intérieur du clan Bokolo

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 89 : Figure 10 : Carte schématique des propriétés du lignage B.

Figure 11 : Carte schématique des propriétés du lignage I.

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 91 : Figure 12 : Carte schématique des propriétés du lignage E.

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 104 : Photographie 15 : Plantations de G.A.P.

Photographie 16 : Chemin séparant deux plantations

(auteurs : Fournier T. & Bourgeois U.)

· Page 109 : Figure 13 : Carte des plantations de G.A.P. et le groupement de Bongilima

(auteur : Bourgeois U.)

· Page 126 : Figure 14 : Carte de localisation de la réserve Lomako-Yokokala et de l'Est du paysage Maringa-Lopori-Wamba

(auteurs : CARPE & partners)

Liste des entretiens

Phila Kasa, membre d'AWF (03/2009)

Antoine Tabu, membre d'AWF (04-05/2009)

Le chef de service des affaires foncières du District, M. Bangoni (13/04/09)

M. le Procureur du tribunal provincial intinérant (13/04/09)

Patriarche du clan Bafaka M. Lingolo Isi'Somba (29/04/2009 et 21/05/2009)

M. José Itonga (29/04/2009)

Le chef de lignée du lignage Bokewa (04-05/2009)

Le chef de lignée du lignage Elumbu : Ikolombe Elanga (également Agronome de Secteur) et son frère Pablo Lokamba Elanga (04-05/2009)

Le chef de lignée du lignage Bokona Bokwala (25/04/09)

Le chef de lignée Paul Loambo (26/04/09)

Le chef de lignée Luyéyé Bangundu (26/04/09)

Le chef de localité de Boondjé, M. Bowangala, et son fils Jean-Calvin (04-05/2009)

Le juge de la localité de Boondjé (25/04/09)

M. Pierre Bokewa (04/2009)

M. Balima Ezeckiel Nono (05/2009)

M. Valentin Longoy et M. Daniel Likemba Bokoto (les interprètes) (04-05/2009)

M. Guillaume Essalo Lofele, bibliothécaire de Bamanya (03/06/2009)

ANNEXES

ANNEXE 1 :

Définitions

Le foncier se définit comme le mode d'organisation de l'espace et des populations humaines qui le composent. Il est au carrefour entre l'environnement et l'homme, avec une priorité pour la société. Chaque société humaine s'est installée sur ce que l'on peut appeler un territoire, et c'est par la compréhension de la manière dont les sociétés s'installent que l'on peut analyser le foncier. C'est une notion complexe car elle nécessite de comprendre une société dans son ensemble. Il faut analyser le droit, le domaine politique, la société concernée, l'histoire ou encore l'économie pour le comprendre. Tous ces domaines énumérés sont en interaction, en imbrication. L'étude du domaine foncier est donc une étude pluridimensionnelle qui doit aborder différents aspects pour comprendre un système foncier donné. Il renvoie à une notion de territoire car il est délimité par des frontières, des limites, et c'est aussi un fait social total. Le foncier est par définition l'« Ensemble des éléments ayant trait à la terre ou plus précisément à la propriété de la terre98(*)» Cela renvoie à l'organisation des rapports sociaux, à la structure sociale des populations villageoises, et donc aux statuts sociaux. La propriété de la terre est également marquée par les pratiques locales qui ont trait au fait religieux qui influence les rapports entre les hommes et leurs milieux. Pour comprendre le foncier il est donc nécessaire de comprendre comment les hommes vivent avec leur environnement, qui est de manière pratique, leur territoire. Le foncier est aussi une propriété, et on utilise l'expression d' « ayant droit [pour parler de] toute personne ou entité titulaire des droits fonciers coutumiers 99(*) ». L'accès à la terre va donc être déterminé par des droits d'usages. Dans notre lieu de recherche, cela concerne les coutumes, car ce sont ces dernières qui déterminent comment accéder à une ressource particulière telle que le gibier, la pêche, mais aussi l'agriculture. L'économie détermine aussi l'accès aux ressources, avec l'influence du commerce, et du marché au sens d'offre et de demande.

L'appropriation est une notion proche du foncier mais qui met l'accent sur l'utilisation des terres. La racine latine d'approprier traduit l'action de rendre propre à un usage (ad proprius). C'est un sens juridique, car l'action qui vise à s'approprier, à bénéficier de la terre s'obtient selon des règles précises. On parle aussi d'affectation de l'espace dont le but est d'« assurer la reproduction du groupe dans ses dimensions matérielles, sociales et idéologiques 100(*)». L'appropriation de l'espace par les sociétés humaines est aussi liée à l'appartenance. C'est l'appartenance à un groupe social qui permet ensuite d'obtenir des droits sur les terres, ces droits permettant l'utilisation de l'espace et des ressources présentes. L'appropriation est intimement corrélée à la société. Des autorités et des règles vont organiser les rapports entre l'homme et le territoire vécu. Ces autorités et ces règles juridiques sont souvent appelées droit coutumier en Afrique. Elles se réfèrent à une gestion foncière ancienne, avant l'influence du droit européen à travers la période coloniale. Le terme coutumier est souvent connoté pour parler d'un mode de gestion différent vis-à-vis du droit de type européen qualifié de moderne. La gestion coutumière des terres est en réalité un mode d'appropriation très complexe, où on trouve des formes de propriétés collectives et individuelles, et où c'est plus souvent l'homme qui appartient à la terre que l'inverse. L'emploi du terme « coutume » est également justifié par l'emploi juridique de cette terminologie dans les textes de lois et dans la constitution nationale, ainsi que dans de nombreux travaux de recherches sur le sujet. La maîtrise de la terre ne se fait pas par une gestion centralisée mais plutôt par une gestion locale d'un groupe qui a tissé des liens étroits avec un territoire. A l'heure actuelle, la gestion coutumière a subit des évolutions suite au contact forcé avec le droit des Etat-nation. C'est la société dans son ensemble qui gère les relations aux territoires, spécialement en zone rurale et forestière. Ces territoires sont aussi appelés terroir et finages. Les deux termes renvoient à des définitions différentes.

Le finage (du latin arcfinus ) est une limite (ou un bornage), une frontière qui permet de définir l'aire d'influence d'un village. Le finage est donc très lié à la propriété de l'espace. Il délimite un territoire où s'exercent les activités des populations qui y demeurent. Historiquement en Europe, le finage renvoyait aussi à un territoire sur lequel le propriétaire des terres (au Moyen-Age, le propriétaire était le seigneur) disposait de droits de juridiction spécifiques. Le finage, tout comme le terroir sont les « expressions spatiales d'un système socio-économique et culturel, [qui] reflètent nécessairement les modifications que ce système subit au cours du temps 101(*) ».

On distingue plusieurs grands ensembles dans le finage qui sont différentiables par leur influence (dans le sens d'utilisation) sur l'espace : il y a tout d'abord l'habitat, donc majoritairement le village même s'il existe aussi de petites structures d'habitations dans les zones forestières appelées campements, où réside très souvent une famille et plus rarement un petit nombre de familles. Ensuite on trouve le parcellaire agricole, et dans le cas précis de notre étude cela concerne surtout des zones cultivées, et non des pâtures dans la mesure où l'élevage n'est pas culturellement pratiqué de manière organisée. Un autre grand ensemble est celui des forêts. C'est le plus complexe et le plus varié car on y trouve de nombreuses activités telle la cueillette, la chasse, et autres. Un autre espace est celui qui concerne les zones humides (forêts inondées, marécageuses, les fleuves et les cours d'eau). La pêche y est l'activité majoritaire. La représentation de ces portions d'espaces est aussi liée à un centre (souvent le village habité), avec l'idée de proximité et de confins. L'activité humaine agit dans ce cas comme un gradient où elle s'affaiblit plus on s'éloigne du centre. Ce type de représentation est appelée topo-centrique, et elle peut également permettre de connaître les représentations propres des populations locales sur leur territoire.

ANNEXE 2 :

Entretien avec le Patriarche du clan Bafaka, Localité de Boondjé, RDC, avril 2009 ( avec Fournier T.)

Photographies durant l'entretien.

Assis à gauche : Lingolo ISI'SOMBA.

Assis au centre son fils aîné : José Itonga

(Auteurs : Fournier T. & Bourgeois U. 29/04/2009)

Sur la gauche : Valentin LONGOY  A droite : Daniel LIKEMBA BOKOTO

(interprète de Fournier T.) ; (mon interprète)

à droite : Lingolo ISI'SOMBA

Ø Est-ce que la coutume a été conservé par le clan ?

Lingolo ISI'SOMBA :

« Le désordre provient des autorités. Si le village disparaît ou a des mauvais sorts c'est à cause des autorités. Les autorités et ses compagnons sont des fausseurs. Parce qu'à l'époque on avait tué beaucoup de gibier, parce que les anciens faisaient beaucoup de flèches, avec des filets. Ces ancêtres peuvent tuer les animaux. Ils ont mis des règles. Si un homme tue un gibier, il donnera une patte pour le chanteur, et une pour le groupe tout entier. L'ensemble des personnes, on leur a donné le nom de Mpao102(*). Une patte pour le chanteur, une patte pour le reste des gens. Et on partage petit à petit en petits morceaux. Chaque personne a un petit morceau. C'est ainsi que personne ne pouvait rentrer au village les mains vides. Tout le monde ne pouvait rentrer les mains vides. Donc il n'y aura pas de querelles, car chacun aura sa part selon les règles établies par la coutume. Actuellement il n'y a pas de règles, il n'y a pas de lois. Si aujourd'hui vous venez chez moi comme étant beau-frère et vous me demander la terre et je vous octrois, après vos activités vous avez de l'argent mais vous m'oubliez. Moi qui vous ait cédé la terre... »

José ITONGA :

« Ce que vous êtes entrain de dire ça montre comme si vous faîtes une accusation. Ils veulent avoir des renseignements de nos ancêtres. Depuis l'au-delà sur la répartition des terres jusqu'à notre installation ici. Comment nous avons acquis les terres sur place, et même si quelqu'un venait demander une portion de terre pour cultiver ? Quelles sont les conventions remplis avec celui-là ?

Les gens vivaient d'une façon séparée à l'éladji103(*). Cinq personnes dans un campement, trois personnes dans un campement ; les autres vivaient dans les agglomérations jusqu'à l'arrivée de l'homme blanc. L'homme blanc venu nous coloniser, jusqu'à nous imposer sa civilisation. Et comment on est parvenu à se mettre sur une route ? Comment on a arrangé les gens pour se mettre sur une route ? On a du répartir les terrains. Ceux qui n'avaient pas de terre pour se mettre à côté de la route, ceux-là rentraient dans leur éladji pour leurs travaux des champs,...Ou soit demandaient aux propriétaires ou aux autochtones un lopin de terre pour faire la culture. C'est ça ce qui cadre avec leur travail. »

Esulu'o Kungu eki lifumba ofendaka Lonkomo :

La traversée du peuple Lifumba par la rivière Lonkomo en passant sur les racines de l'arbre Esulu

Auteur : Itonga J., 29/04/09

(modèle pour les cartes schématiques p. 24 et p. 50)

Ø Comment le colonisateur a-t-il modifié les villages ?

Lingolo ISI'SOMBA :

« Les notables de chaque clan : clan de Bafaka, clan de Bonsombo se réunirent et se demandèrent : Que pouvons nous faire ? Nous avions été là-bas [dans l'eladji], et nous sommes maintenant venu. Bolongo boi c'est l'alignement ancien et Bolongo boné c'est cet alignement. L'alignement où on a tué Elumbu 104(*). Quand on fait l'alignement on fait étondo105(*). Le clan de Bafaka voilà votre piquet 106(*). Bonsombo voilà votre piquet. Les gens étaient brutaux. Où se limite le clan Bafaka ? Venez ! Où se limite le clan Bonsombo ? Venez ! Nous sommes maintenant dans un nouvel alignement. Toi, ta femme et tes enfants : met toi ici ! Toi, ta femme et tes enfants : met toi ici !, etc...fin. Mon père était le maître de cette opération. »

Ø Comment vos ancêtres sont-ils parvenu à obtenir ces terres ?

José ITONGA :

« Ils étaient venu au début par la guerre. Il faut commencer avec la guerre. Chasser ceux qui étaient les autochtones et prendre leurs terres en occupation. Les uns s'enfuyaient et les autres mourraient. Et ceux qui venaient après récupéraient ces terres et partageaient la terre. Un autre guerrier se met à Bokolo et il reçoit sa partie de terre. Celui qui est assis à Bolena aura ses terres et ses ruisseaux qui sont reconnus. Après c'est l'homme blanc qui est venu installer la route que nous voyons. Mais les parties de terres sont reconnues. Le guerrier de Bafaka reçu aussi les siennes. »

Ø Est-ce qu'il y a des clans qui ont refusé l'alignement par manque de terres ?

Daniel LIKEMBA BOTOKO:

« Bon, à ce temps là, on ne pouvait pas refuser parce qu'on faisait peu de cultures. Ce qu'on cultivait c'était juste pour manger. Donc les terres étaient vides. »

Ø L'utilisation des terres :

José ITONGA  :

« Actuellement cela devient un grand problème parce qu'on a envie de cultiver deux hectares par personne. A l'époque, c'était trente ares. Pour mettre des bananes et le manioc pour l'usage comestible. Actuellement, on fait les cultures industrielles. Pour avoir beaucoup de mais, il faut demander les terrains chez les propriétaires ou encore il peut prendre ça volontairement. C'est ainsi qu'on arrive dans les tribunaux. »

Ø Est-ce qu'avant que les blancs arrivent il y avait beaucoup de monde au village ?

José ITONGA :

« Beaucoup beaucoup ! La civilisation actuelle a donné l'envie aux hommes du village de se déplacer plus en ville. Pour permettre à leurs enfants d'étudier dans les école. Hors auparavant, les enfants vivaient dans les villages pour tuer les gibiers et aider leurs parents. C'est pourquoi avant, dans les villages, il y avait beaucoup de gens. Actuellement, comme la civilisation a changé, on a l'habitude de faire étudier les enfants dans les villes. Parce que les villes ont été construites et tout cela. C'est la raison pour laquelle la plupart des gens dans les villages sont allés s'installer dans les villes. Et les villages ont manqué de population. Avant il n'y avait pas de sous-bois 107(*) comme vous le voyez. Lorsque les blancs sont venus et ont aligné les gens, il n'y avait pas beaucoup de sous-bois. Donc il y avait des gens et peu de terrains. Vous voyez actuellement des sous-bois, des sous-bois, parce que les gens veulent vivre en ville. »

Ø Y-a-t-il des propriétaires en ville ?

José ITONGA :

« Les propriétaires sont là, en ville. »

Ø Est-ce qu'à partir de l'arrivé des blancs il y avait encore des guerres pour la terre ?

Lingolo ISI'SOMBA :

« Il n'y avait pas de guerres parce que le blanc avait dominé. On l'écoutait lui seul. »

« En général, les guerres étaient entre les groupements et les tribus. Mais quand même, il y avait aussi des guerres entre les clans d'un seul groupement. Si une personne d'un clan du groupement Boondjé [Bongilima] touche une femme ou les enfants de Imbolo : lui (Imbolo) dira : « Attendez, vous qui êtes Djendé Mongo 108(*) ». Et il part provoquer une guerre en tuant une personne du groupement Nsongo ou Lilangi. Ceux-ci viendront à leur tour faire la guerre au clan qui a provoqué Imbolo. Et Imbolo dira : « Vous voyez, vous avez touché à l'enfant du léopard. Après cela, la guerre est sortie et les gens meurent. » Mais comme Bonsombo fait la guerre avec Bafaka, Bolena avec Bafaka, Nkaké et Bafaka, ce n'est pas Is'Imbolo. »

Lingolo ISI'SOMBA :

« Is'Imbolo était le premier guerrier. Lui était devant, les autres derrière. Quand Is'Imbolo crie deux fois, ils se déplacent 109(*). Parce que le guerrier ne peut pas crier deux fois consécutivement. Alors, les ennemis diront : « C'est un dangereux guerrier. » Alors le village se retire, et eux avancent. »

« Moi, je m'appelle Lingolo Isi'Somba. Is'Imbolo avait fait la guerre contre les Ngombé. Quand il reculait, il est tombé sur une force. C'est ainsi que les Ngombé sont venu l'abattre. Après sa mort, le premier né du village, on l'a surnommé Boondjé Oua. Is'Ifelo. Le premier né après sa mort, on l'a surnommé Boondjé, mais il n'était pas de Bafaka, mais de Ntomba. »

Ø La propriété de l'Etat et les propriétaires coutumiers :

José ITONGA :

« Le sol et le sous-sol appartiennent à l'Etat. Mais l'Etat a donné la primauté à celui qui a occupé pour la première fois cette terre. Ici chez nous, si l'Etat veut planter une palmeraie, ou si il veut partager à sa population une partie de terre pour les cultures vivrières, l'Etat envoie le message au chef de groupement qui demandera à ses notables pour chercher les terrains qui suffit pour répartir la population. Les terrains appartiennent aux autochtones, et non à l'Etat. L'Etat c'est l'ensemble de toutes les populations. Ce n'est pas qu'il y a une personne qui est choisie pour être le propriétaire des terres. »

Ø Les moments importants entre les permiers blancs et le village de Boondjé:

Lingolo ISI'SOMBA :

« Je veux donner trois choses.

La première chose : Le jour de mon baptême, Père Louis 110(*) était venu à Boondjé. Il donna le baptême aux gens puis il dit : « Aujourd'hui, comme je suis venu à la messe, la lune et le soleil vont se rencontrer à midi ». Mais il y eut des doutes. Même moi j'étais parmi les douteurs. Mais c'était accompli.

La deuxième chose : Le groupement était parti construire les maisons au camp. On avait construit des maisons, et l'administrateur du Territoire (Italé, un blanc belge) demanda : « Qui a construit ces maisons ? » Et Pierre Bolefo répondit : « C'est Boondjé ». Et l'Administrateur du Territoire ajouta à Boondjé : Bruxelles. Et depuis se temps, Boondjé se nomme Mpoto Bruxelles 111(*).

La troisième chose : Le Père Louis, quand il voullait rentrer en Europe il dit : « Moi je suis un blanc religieux. Vous m'avez bien servit en m'aidant avec les chaumes, et mon église est devenu forte à cause de vous Boondjé. Je vous donne une truie et un verra pour se reproduire en votre faveur. C'était juste pour montrer la renommé du village de Boondjé. »

Ø Lors de l'arrivée des Belges, qui était le premier chef de groupement ?

Lingolo ISI'SOMBA :

« C'est Is'omolo Ea Lowoso. Is'omolo Ea Lowoso pris conscience de devenir chef et de travailler avec les blancs. Les blancs venu chez lui dirent : « Toi a Boondjé tu es compétent pour être chef. » C'est monsieur Charles Batalatala 112(*) qui demanda la coutume pour savoir l'endroit où on disséquait le léopard. Ils répondirent cela se fait chez Lompolé Is'Efanga. On disséquait le léopard chez Lompolé Is'Efanga. Batalatala dit : «  Boondjé dissèque le léopard chez Lompolé Is'Efanga ». Même aujourd'hui, il y a des gens qui ont de l'argent et qui étaient grands. Il donna la chefferie à Lompolé Is'Efanga. On avait donné à Is'Efanga la lettre de momination du chef de groupement. On donne à Lofoko une lettre de nomination de chef de localité. Un jour, il avait plu et Lofoko vient chez Is'Efanga avec une couverture et il lui dit : « Vous êtes chef. Inutile de vous déplacer, il fait froid. Je vous donne la couverture, je vais prendre la chefferie en votre faveur. Vous entendez ? Je dis la vérité au nom de Dieu » En revenant de là [de Basankusu], il pris la lettre au chef de localité. Il garda la lettre de nomination de la chefferie mais donna la lettre de nomination de la localité. Après cette nomination, il était invité de temps à autre à Basankusu. Dans les réunions des chefs de groupements. Lui, à son tour, demanda à Ifeko de partir à Basankusu. Celui-ci répondit : «Non ! Botoko, partez pour moi à Basankusu ». Celui-ci refusa encore, et il appela Ifote. Ifote dit : « Envoie-moi. » A force de l'aider à ses occupations, il mit Ifote chef de localité. Il dit : « Même si je meurs, c'est toujours Ifote le chef. » Et c'est ainsi qu'après sa mort, Ifote devint le chef de groupement. Les blancs dirent : « Les fils des chefs de groupements doivent étudier ». Lingomo (chef de groupement de Lisafa) fit sortir Bénkanga. Ifote fit sortir Bangondo et Bokufa fit la même chose. Et les enfants se rendirent à l'école. Même si je trouve la mort, la chefferie appartient à Ifote. Quelqu'un qui refuse les demandes des anciens, qui n'est pas respectueux envers les anciens : tu n'es qu'un vaurien ! Il ne peut pas te laisser la salive113(*). Bangondo a raté la bénédiction à cause du refus des demandes. C'est ça la plaie. Les uns disent : « Nous avons de l'argent ». Mais l'argent ne peut pas acheter la bénédiction. La force de la parole fait mûrir les safoux114(*). »

Ø Pourquoi la chefferie n'est pas dans le clan Bafaka ?

Lingolo ISI'SOMBA :

« Vous demandez à ce qu'Is'Imbolo puisse réclamer la chefferie ? Mais non. Les blancs étaient venu pour dominer les noirs. C'est ainsi que les vaillants guerriers comme Wéssé à Lilangi et Is'Imbolo à Boondjé, ceux-là ne pouvaient pas devenir chefs. Parce qu'ils ont fait un geste. Ils ne voulaient pas entrer en contact avec les blancs. De peur qu'ils soient dépeuplés des forces de la coutume. Mais il y a un moment qui est prévu pour que ce pouvoir retourne à Bafaka. Je vous le prédit. »

Ø D'où provient le nom de Boondjé ?

Lingolo ISI'SOMBA :

« Le nom de Boondjé c'est ici, à Bafaka. Puis on vient mettre le nom commun du village Boondjé et du groupement Bongilima à l'arrivée des blancs. Les blancs ont mis le nom du groupement Bongilima parce que Boondjé c'est le nom du village. Boondjé c'est un seul village, mais le groupement entier c'est Bongilima. Tu entends ? Boondjé c'est ici. Dans tout les groupement de Bongilima, est-ce que quelqu'un d'autre a le nom de Boondjé ? Non. Car Boondjé c'est le nom de l'ancêtre de Bafaka. Personne d'autre n'a mis le nom de Boondjé. Je met le nom Boondjé pour renouveler le nom de cet ancêtre. Il était ici. Son nom c'est Is'Aimbolo115(*). Le nom propre c'est Boondjé. L'authenticité c'est Is'Aimbolo. Après avoir mis au monde un enfant appelé Imbolo, on l'a appelé Is'Aimbolo. »

Le dernier message de Lingolo ISI'SOMBA :

« Les européens étaient venu ici. Les enfants de l'Europe. Ils étaient venu au Congo. Ils sont arrivés chez Lingolo Isa'Isomba : une force qui ramasse les troncs d'arbres116(*). Le léopard est mort mais ses tâches ne sont pas effacées117(*). »

Chants d'adieu :

« Bosisé Ilonga W'okendaka,

W'okendaka,

One onemba wa emi Lingolo boci Bafaka,

Elo Lonkémaé ?...Hé !

Adieu pour toujours, toi tu pars,

Toi tu pars,

Celui qui chante c'est Lingolo originaire de Bafaka,

Le mâle fait Elo ?...Hé !

Bonkono nyama ikenda la nkoy,

Baokéta nda lokolé,

Bonkono bokilengé,

Sombaé ?...Hé !

Bonkono, l'animal qui marche près du léopard,

On t'appelle avec le lokolé,

Bonkono de Ilengé

Déposez ?...Hé !

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Les blancs sont partis, sont partis en Europe.

Ils partent en haut par avion. 

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Afio fekwa kelantswé mpoto,

Afio fekwa ntswé mpoto,

Ngokendéké,

Sombaé ?...Hé !

L'avion vole pour que je m'en aille en Europe,

L'avion vole que je m'en aille en Europe,

Comme les blancs,

Déposez ?...Hé !

Bayauné bayauné,

Mpoto bayauné,

Mbendélé Bayaunkendé,

Bayaukendé nda baliko bafiko.

Afio fekwa.

Sombaé ?...Hé !

Ils combattent, ils combattent,

Ils combattent en Europe,

Ils marchent, ils marchent,

En-dessous des avions,

L'avion vole,

Déposez ?...Hé !

Toyotungola bonkono atungi,

Bonkono myama ikenda la nkoy.

Sombaé ?...Hé !

Nous voulons délivrer Bonkono qui est lié,

Bonkono, l'animal qui marche avec le léopard,

Déposez ?...Hé !

Isa'ISOMBA ouna nkoy befosa,

Mbendélé bouna nkoy befosa,

Bokwokwo ouna nkoy befosa,

Bokwokwo nyama ya liladji.

Isa'Isomba combat le léopard avec les mains,

Les blancs combattent le léopard avec les mains,

Bokwokwo combat le léopard avec les mains,

Bokwokwo, l'oiseau des Eladji. »

ANNEXE 3 :

Entretien avec le chef de la lignée Bokewa, Localité de Boondjé, RDC, avril 2009

Le chef de la lignée Bokewa (à droite) et sur la gauche,

un autre notable du village : le juge.

Ø Quelle propriété pour le ruisseau appellé Kungu ?

Patriarche de la lignée BOKEWA :

« On ne partage pas le ruisseau avec quelqu'un. C'est pour le lignage. Ce ruisseau nous appartient à nous même. Pas d'autres personnes. Il y a deux ruisseaux. Le ruisseau de Liyoko et de Kungu. Le ruisseau Kungu nous appartient. Du côté Lilangi aussi. En ce qui concerne pêcher : en tout cas, on ne peut pas priver les gens de pêcher. Mais pour les nasses, là pour aller faire des nasses, il faut demander aux propriétaires, il vous donne et là vous allez faire des nasses. Quand il [le pêcheur] vient faire des nasses dans ma partie, il faut qu'il y ait des permissions : des droits de jouissance. Même les gens de Lilangi, malgré ils ont quelques parties là-bas, il ne peut jamais aller violer sans toutefois nous consulter. Puisque c'est notre ruisseau qui sépare le groupement Lilangi et Boondjé [groupement Bongilima]. Les deux rives : cela nous appartient. »

« Auparavant, dans le temps des blancs belges, on séparait deux groupements avec des ruisseaux. Et ce ruisseau, c'est peut-être pour Lilangi ou pour Boondjé [Bongilima]. Mais pour le Kungu c'est pour Boondjé. C'est pourquoi le ruisseau Kungu appartient à nos familles. C'est les belges qui ont donnés ça à nos ancêtres. »

Ø Conflits de terres. L'Etat est-il le propriétaires des terres ?

Patriarche de la lignée BOKEWA :

« Ce sont des mensonges! »

Pierre BOKEWA :

« Même pour les forêts primaires, l'Etat a donné des limites. Dix hectares, vingt hectares appartiennent à une personne. Malgré, on dit que le sol et le sous-sol appartiennent à l'Etat, mais l'Etat a déjà partagé ça. Ca c'est telle terre qui appartient à tel lignage. Quand il veut travailler [un locataire], il faut consulter le propriétaire. »

ANNEXE 4 :

Un titre foncier coutumier

ANNEXE 5 :

Tableau récapitulatif sur l'évolution des principales activités économiques et leurs droits d'usage

 

Chasse

Pêche

(par piégeage)

Agriculture

Plantation

Anciennes pratiques :

 

Ressource

Abondance du gibier

Abondance du poisson

Peu de parcelles (1/2 ha environ par famille)

Peu de superficies

Rôle de l'activité

Activité principale

Activité secondaire

Activité secondaire d'autosubsistance

Activité secondaire

Droits d'usages

Forts et respectés

Forts et respectés

Peu développés

Forts et respectés

Pratiques actuelles :

Zone peu densément peuplée,

enclavée

Zone au

Peuplement

dense

 

Ressource

Présence du gibier

Rareté du gibier

Rareté du poisson

Augmentation des parcelles (2ha environ par famille)

Augmentation des superficie

Rôle de l'activité

Activité principale

Activité secondaire

Activité secondaire

Activité

Principale, de rente

Activité

Principale, de rente

Droits d'usages

Maintenu

/accru

Caduques

Maintenu

Accru

Accru

Les règles sur le contrôle de la ressource

Restriction ; nécessite une autorisation

Usage plus ou moins libre

Restriction ; nécessite une autorisation

Restriction ; nécessite une autorisation

Restriction ; nécessite une autorisation

* 1 La PRODAELPI est une association à but non lucratif intitulé: Projet de Développement Agricole,

Elevage et Pisciculture. Elle fonctionne comme une plate-forme qui regroupe différentes associations

d'agriculteurs, de planteurs et d'éleveurs de différents endroits du Territoire de Basankusu. Association

dont fait partie ACEBO pour le village de Boondjé. La Prodaelpi est un partenaire d'ICRAF et d'AWF

pour le soutien à la paysannerie et au développement rural.

* 2 Cubrilo M., Goislard C., Association pour la promotion des recherches et études foncières en

Afrique (1998). Bibliographie et lexique du foncier en Afrique Noir. Paris, p. 5

* 3 D'après l'INSEE, source Internet pour l'année 2007:

http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=98&ref_id=CMPTEF01105

* 4 Veyret Y.& Vigneau J.-P. (sous la dir.)(2002). Géographie physique. Milieux et environnement dans

le système terre. Armand Colin, Paris, p. 282

* 5 Van Der Kerken détaille bien les nombreuses migrations à l'intérieur de l'ethnie Mongo, liées à des

guerres de possession de la terre, mais aussi liées à des impératifs comme la proximité de telle ou telle ressources (un cour d'eau fertile par exemple pour les ethnies qui pratiquent principalement la pêche et la chasse comme les Ngombé).

VAN DER KERKEN G. (1944). L'Ethnie Mongo Volume 1 Livre I. Bruxelles, 512 p.

* 6 Ibañez de Ibero C. (1913). La mise en valeur du Congo belge; étude de géographie coloniale. Paris,

p. 75.

* 7 Ibañez de Ibero C., op. cit., p. 76.

* 8 Vauters A.-J. (1899). L'Etat Indépendant du Congo ; historique, géographique, physique,

ethnographique, situation économique, organisation politique. Bruxelles, p. 292.

* 9 Ibañez de Ibero C., op. cit., p.127.

* 10 Ibañez de Ibero C., op. cit., p. 77.

* 11 Ibañez de Ibero C., op. cit., p. 127-128.

* 12 Conférence de Berlin (15 novembre 1884 au 26 février 1885). Suite à cette conférence

européenne, le Congo va devenir officiellement la propriété privée du Roi

* 13 Cité par Ibañez de Ibero C., op. cit., p. 128.

* 14 Selon le Père Vermeersh, cité par Ibañez de Ibero C., op. cit., p. 131

* 15 Par exemple, l'article 3 de la Charte Coloniale de 18 octobre 1908 précise bien que « Nul ne peut être

contraint de travailler pour le compte de sociétés ou de particuliers ».

* 16 Ibañez de Ibero C., op. cit., p. 78.

* 17 Hulstaert G. (1955). Droits fonciers indigènes. Archives Aequatoria, Mbandaka, p.142

* 18 Le lokolé un instrument qui servait à la communication entre les villages, entre les familles, etc. C'est

un morceau de tronc d'arbre qui est évidé pour créer une résonance. Il en existe de différentes sortes que l'on frappe avec des bâtons. Chaque Lokolé ayant un son spécifique est utilisé pour un message particulier tel que l'annonce d'un décès, d'une naissance et autres.

* Entretien réalisé chez le chef du clan Bafaka ; Fils aîné de Lingolo Isa'Isomba, localité de Boondjé, avril 2009

* 19 Un guerrier originaire du clan Bokolo et il fût patriarche du clan toujours présent dans la localité de

Boondjé.

* 20 Terme inconnu

* 21 Le terme de piquet renvoie à une portion de terre. Il traduit aussi l'idée de servitude imposée par

le colonisateur.

* 22 Entretien réalisé chez le chef du clan Bafaka ; Lingolo Isa'Isomba, localité de Boondjé, 2009

* 23 Op. cit.; Fils aîné de Lingolo Isa'Isomba, localité de Boondjé, 2009

* 24 Ibañez de Ibero C., op. cit., p. 78.

* 25 Dupriez M., in Ibañez de Ibero C., op. cit., p. 137-138

* 26 Il concerne précisément la gestion des immeubles et biens immobiliers, avec des règles concernant les

assurances, les moyens de paiement envers l'Etat par les impôts, mais également entre le locataire et le propriétaire. On trouve également les règles de gestion des hypothèques.

Cf. Quatrième partie de la Loi 73-021

* 27 Loi 73-021, 20 juillet 1973, Titre Ier Du Régime Foncier, Chapitre 2, Article 60.

* 28 Loi 73-021, 20 juillet 1973, Titre Ier Du Régime Foncier, Chapitre 2, Article 55

* 29 Loi 73-021, 20 juillet 1973, Titre Ier Du Régime Foncier, Chapitre 2, Article 55 :

« Toutes les autres terres constituent le domaine privé de l'Etat. Elles sont régies par la présente loi et

ses mesures d'exécutions. »

* 30 Exemples de plantations ; « palmier, à raison d'au moins 100 unités par hectare ; de caféiers, a raison

d'au moins 900 unités par hectare ; qui quinquina, à raison d'au moins 6.940 unités par hectare »etc...

Article 157.

* 31 Loi 73-021, 20 juillet 1973, Titre Ier Du Régime Foncier, Chapitre 2, Article 157.

* 32 Pour une durée qui ne peut excéder 25 ans, mais qui peut être renouvelable.

Loi 73-021, 20 juillet 1973, Titre Ier Du Régime Foncier, Chapitre 2, Article 111

* 33 Loi 73-021, 20 juillet 1973, Titre Ier Du Régime Foncier, Chapitre 2, Article 110

* 34 De Quirini P. (1987). Comment procéder pour acheter une parcelle et louer une maison ? CEPAS,

Kinshasa, p. 37

* 35 De Quirini P., op. cit. p.37

* 36 Code forestier de 2002 ; article 1, définition n°17. La communauté locale est ainsi « une population

traditionnellement organisée sur la base de la coutume et unie par des liens de solidarité claniqué ou

parentale qui fondent sa cohésion interne. Elle est caractérisée, en outre, par son attachement à un

terroir déterminé ». C'est la première définition présente dans le droit en RDC, et il est important de noter que cela ne confère pas à la communauté locale une personnalité juridique. De plus, cette définition est très brève, et n'entre pas dans les détails, par exemple concernant la gestion des terroirs coutumiers.

* 37 Code Forestier, Op. cit., article 10, paragraphe 2

* 38 Code Forestier, Op. cit., article 10, paragraphe 3

* 39 Code Forestier, Op. cit., article 10, paragraphe 4

* 40 Cette externalisation peut être réalisé sur commande par l'administration, un bureau d'études

privées par exemple.

* 41 Toutefois, une seconde année peut éventuellement être à nouveau accordé : « Le délai accordé pour la

réalisation de l'inventaire peut être prorogé d'une année au maximum et une seule fois sur demande motivée du requérant. » Article 68.

* 42 Code forestier, op. cit., article72

* 43 Association Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT), (2007).Etude sur les pratiques

d'aménagement des forêts naturelles de production tropicales africaines. Paris, p. 21

Application au cas de l'Afrique Centrale ; Volet 1 « Production forestière »

* 44 Code forestier, op. cit., article 74, paragraphe 2

* 45 Selon l'article 92 : Pour une superficie supérieure à 300.000 ha, le contrat est approuvé par décret du

Président de la République.

Pour une superficie de plus de 400.000 ha, c'est une loi qui doit autoriser le contrat.

Aucune superficie ne peut être mise sous contrat si elle dépasse 500.000 ha.

* 46 Certaines conventions autorisant l'exploitation forestière ne sont pas écrites mais seulement de nature

orale

Cf. Actes de l'atelier national sur le développement de la foresterie communautaire en République

Démocratique du Congo (15-16 mai 2007). Vers une gestion forestière de proximité. Kinshasa, p. 69

* 47 Code forestier, op. cit., article 112

* 48 BOUDON R., BESNARD P., CHERKAOUI M., LECUYER B.-P. (1989). Dictionnaire de

Sociologie. Larousse, Paris, p.83-84

* 49 D'après le travail historique de Ndaywel è Nziem I., Obenga T. & Salmon P. (1998). Histoire

générale du Congo. De l'héritage ancien à la République Démocratique. p. 468.

* 50 Amselle J.-L., M'Bokolo E. ( sous la dir.) & Chrétien J.-P.(1985). Au coeur de l'ethnie, Ethnie,

tribalisme et Etat en Afrique. Paris, p. 129

* 51 Ndaywel è Nziem I., Obenga T. & Salmon P. (1998). Histoire générale du Congo. De l'héritage

ancien à la République Démocratique. p. 165-166.

* 52 Van Der Kerken G. (1944). L'Ethnie Mongo Volume 1 Livre II. Bruxelles, page 782

* 53 Bongando J. (2008), L'organisation sociale chez les Mongo de Basankusu et sa transformation,

Editions Publibook, 247 p.

* 54 Ces données cités par Bongango se réfèrent à De Saint Moulin L., « Art :Essai d'Histoire de la

Population du Zaïre», Zaïre-Afrique, n°217, septembre 1987, Kinshasa, p. 391-405.

* 55 Source :World Population Prospects :the 2008 Revision Population Database,

Internet : http://esa.un.org/unpp/p2k0data.asp

* 56 Source : http://www.congolite.com/page5.htm

* 57 Selon Bongando J., op cit, pp. 29-30

* 58 Selon les entretiens réalisés chez le patriarche du clan Bafaka ; Lingolo Isa'Isomba (localité de Boondjé,

groupement Bongilima).

* 59 Selon Bongando J., op cit, p. 39

* 60 Descola P. (2005). Par-delà nature et culture. Ed. Gallimard, Paris, p. 178.

* 61 Bridier B. (1991). « La répartition des terres entre unités d'exploitation. Quelques classifications de la

recherche-développement ». In, Le Bris E.., Le Roy E. & Mathieu P. (1991). L'appropriation de la

terre en Afrique Noire. Manuel d'analyse, de décisions et de gestion foncières. Karthala, Paris, p.59

* 62 Le chien est pour les Mongo une des viandes les plus appréciées. Depuis longtemps, il est sacrifié du

fait de sa valeur « culinaire » si on peut dire. Aussi bien pour les Baenga que les Mongo « des terres ».

* 63 Hulstaert B. Les droits fonciers Mongo. Centre Aequatoria Bamanya, Mbandaka, p. 8

* 64 Roux J.-P., Etienne J., Bloess F., Noreck J.-P. (2004). Dictionnaire de Sociologie, Patrilinéaire.

Hâtier, Paris, p. 193

* 65 Mune P. (1958). Le groupement de Petit-Ekonda. Bruxelles, p.44.

* 66 Instaurée dès 1896 par Léopold lui-même suite à la médiatisation d'exactions dans l'actuelle province

de l'Equateur liées à la sanglante récolte du caoutchouc. Cette commission semble avoir évolué dans le temps pour être de moins en moins un outils politique, mais plus pour défendre les droits des populations, dont les Mongo.

* 67 Site Internet du Centre Aequatoria : http://www.aequatoria.be/French/HomeFrenchFrameSet.html

* 68 Le Roy A. (1909). La religion des primitifs. Paris, p.275

* 69 Pour réalisé un hectare de palmeraie, il faut 144 plants, et le coût d'une graine est aux alentours de 2

dollars. Sans parler des concessions privées, les palmeraies ne font donc rarement plus d'1 hectare.

* 70 Le Roy E., « L'appropriation et les systèmes de production ». In, Le Bris E.., Le Roy E. &

Mathieu P. (1991). L'appropriation de la terre en Afrique Noire. Manuel d'analyse, de décisions et de

gestion foncières. Karthala, Paris, p.33

* 71 Entretien réalisé dans la localité de Boondjé (avril 2009) avec Bangundu Luyéyé et D. Likemba

Bokoto.

* 72 Lavigne Delville P. (2002). « Le foncier et la gestion des ressources naturelles ». in,

ANONYME (2003). Mémento de l'agronome. GRET & Editions Quae, Paris, 1692 p.

Source internet  http://www.foncier-developpement.org/analyses-et-debats/enjeux-de-methode/gretpublication.2007-10-02.7281890893/view:

* 73 Entretien réalisé dans la localité de Boondjé (avril 2009) avec Bangundu Luyéyé et D. Likemba

Bokoto.

* 74 Entretien réalisé dans la localité de Boondjé (avril 2009) avec Bangundu Luyéyé et D. Likemba

Bokoto.

* 75 Vinck H. . op. cit. Enquête menée par Boelaert en 1954 sur la propriété foncière chez les Mongo dans

le contexte colonial.

* 76 Selon un article journalistique de Digitalcongo.net (2005). Basankusu en ébullition !

Kinshasa : http://www.digitalcongo.net/article/26703 

* 77 Vinck H., op. cit., Entretien n°38 :Jean Nkoi, C.C.B., Lisafa, Elongo-Kombe, Basankusu. Daté du 25

juillet 1954.

* 78 M.I.C. :Mouvement de Libération du Congo. Ce groupe armé fût crée lors de la seconde guerre (1998-

2003), à l'initiative de J.-P. Bemba en 1998, et soutenu par l'Ouganda.

* 79 Op. Cit. Digitalcongo.net (2005). Basankusu en ébullition !

Kinshasa : http://www.digitalcongo.net/article/26703 

* 80 De Saint Moulin L.& Kalombo Tshibanda J.-L. (2005). Atlas de l'organisation administrative de la

République Démocratique du Congo. Kinshasa, p. 54

* 81 Vangroenweghe, Lufungula & Hulstaert (1986). L'histoire ancienne de Mbandaka. Mbandaka,

pp.124-125

* 82 Autrement appelée :palabre.

* 83 Cf : Sohier A.(1935). Une branche inexplorée du droit - Le droit coutumier congolais. Revue générale

de la colonie belge, Editions Goemaere, Bruxelles, 37p.

* 84 Kilubi F. (14/01/2008). La corruption en RDC a atteint son paroxysme. Le Phare, article de presse,

Kinshasa

Source internet : http://realisance.afrikblog.com/archives/2008/07/23/index.html

* 85 Unicef et Ministère des Affaires Sociales et familles ; P. Gambambo Gawiya (consultant) (1999).

Situation des lois coutumières en RDC. Kinshasa

* 86 Chrétien J.-P. (1983). Histoire rurale de l'Afrique des Grands Lacs. AFERA, Paris, p.156

* 87 Entretien réalisé chez le chef du clan Bafaka ; José ITONGA, localité de Boondjé, 2009

Cf. Annexe 2, p. 148

* 88 Cubrilo M., Goislard C., Association pour la promotion des recherches et études foncières en

Afrique (1998). Bibliographie et lexique du foncier en Afrique Noir. Karthala, Paris, p.340

Le Roy E. (1987). La réforme du droit de la terre dans certains pays d'Afrique francophone. FAO, Rome, pp. 10-20

* 89 Pourtier R. (1989). Les espaces de l'Etat in, Tropiques. Lieux et liens. Editions Orrtom, Paris, p.395

* 90 D'après un entretien réalisé auprès du Chef de service des affaires foncières (District) :M. Bangoni

(avril 2009, Basankusu)

* 91 Pourtier R. (1989). Les espaces de l'Etat in, Tropiques. Lieux et liens. Editions Orrtom, Paris, p.395

* 92 Pourtier R. (1989). Les espaces de l'Etat in, Tropiques. Lieux et liens. Editions Orrtom, Paris, p. 395

* 93 Bouly De Lesdain S. (2000). Les Peuples des Forêts Tropicales Aujourd'hui - Volume II, Du sentier à

la route. APFT, Bruxelles, p. 289

* 94 Ben Hammouda H. et Koumaré H (2004). Les transports et l'intégration régionale en Afrique.

Maisonneuve & Larose, Paris, p. 51

* 95 CEA - Bureau d'Afrique Centrale (2004). Les économies d'Afrique centrale. Maisonneuve & Larose,

Paris, p. 115

* 96 ICCN : Institut Congolais pour la Conservation de la Nature

* 97 Rodary E. et Castellanet C. (2003). Conservation de la nature et développement : l'intégration

impossible ?. Karthala, Paris

* 98 SAFFACHE P., Dictionnaire simplifié de géographie humaine

* 99 Actes de l'atelier national sur le développement de la foresterie communautaire en République

Démocratique du Congo (15-16 mai 2007). Vers une gestion forestière de proximité. Kinshasa, p. 50.

* 100 LE BRIS E., LE ROY E. et MATHIEU P. (1991). L'appropriation de la terre en Afrique Noire. Manuel d'analyse, de décisions et de gestion foncières. Paris, Karthala, p. 33

* 101 VERMEULEN C. ( ?). Place et légitimité des terroirs villageois dans la conservation. APFT,

Bruxelles

* 102 Qui signifie groupe de gens en Lomongo.

* 103 L'éladji est le nom traditionnel pour désigner un campement. Dans ce cas, c'est le campement où

vivaient les populations avant l'arrivée des colons belges.

* 104 Un guerrier originaire du clan Bokolo et il fût patriarche du clan toujours présent dans la localité de

Boondjé.

* 105 Terme inconnu

* 106 Le terme de piquet renvoie à une portion de terre. Le terme traduit aussi l'idée de servitude imposé par

le colonisateur.

* 107 Par sous-bois on entend; une partie de terre où il n'y a pas d'habitation. Cela sépare le plus souvent les

villages entre eux, mais également les clans et les maisons.

* 108 En lomongo cela veut dire un homme fort.

* 109 Cette phrase est un adage traditionnel. Is'Oyoko s'exprime beaucoup par des adages et des proverbes.

Cela vient de son anciennetée car les descendants ne s'expriment plus ainsi.

.

* 110 Le Père Louis Smolders (1899-1972). Il se trouva comme missionnaire au Congo Belge entre 1929 et

1969. Voici le témoignage de Gabriel Bosamba en 1952 : « un bateau appelé Joseph à bord duquel se

trouvaient beaucoup de prêtres accosta le beach de Nsombo. Mais les gens en prenaient la fuite. Le prêtre qui connaissait le lonkundo, le Père Louis, demanda : « Où sont allés les gens ? » Et tous le monde s'arrêta, les vieux s'y approchèrent, pas les jeunes, car il y avait 10 personnes, toutes barbues et vêtues de robe noires. C'était très effrayant. Le préposé au bateau dit : « Ce sont des Pères qui prêchent l'enseignement de Dieu ». Il leur montra une médaille, et enchaîna : « Nous avons cette médaille d'eux, lors du baptême. » Nous pensions que le baptême est une chose appartenant à un notable. Alors tout le monde aller demander le baptême du Père. Mais le Père donna à chacun la médaille du paîn. « Si vous voulez le baptême, vous aurez une carte de baptême. »

* 111 Mpoto signifie en Lomongo l'occident au sens large, et plus précisément l'Europe et donc la Belgique.

* 112 Un européen d'origine belge. Batalatala est un surnom simple pour la population.

* 113 Par cette expression il veut dire qu'on « ne peut pas te donner la bénédiction ou l'héritage ».

* 114 Un proverbe Mongo qui peut s'expliquer ainsi :les bonnes choses (ici les bonnes paroles, et/ou les

bonnes actions) sont bénéfiques (elles font mûrir les safoux). Quelqu'un qui agit convenablement en

respectant les anciens, et donc par-là même la coutume, peut grâce à ce respect être gratifié par les anciens de leurs pouvoirs et de leurs biens par héritage. L'héritage est par ailleurs la plus haute considération (ou « récompense ») que peut faire un Père à ses enfants (ses descendants).

* 115 Is'Aimbolo et le même nom que Is'Imbolo. On peut l'écrire de deux manière différentes. En effet, le

« a » peut disparaître s'il est devant une voyelle.

* 116 En lomongo : Yemba bontona mbolaka befoka. C'est un surnom que l'on donne aux jeunes hommes

selon leurs caractères et leurs aptitudes dans la vie. Par exemple, le surnom coutumier de Daniel LIKEMBA est : Botoko waéké : Le jeune palmier (qui a des épines).

* 117 Un adage en lomongo : Botsulu boki nkoy. Les tâches du léopard perdurent après la mort de l'animal. Le

léopard (nkoy) est l'emblème par excellence des clans guerriers. Et donc c'est toujours un animal qui est très symbolique pour le clan Bafaka mais d'une manière générale pour les Mongo qui vivent dans les villages et les forêts.






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote