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Construction du cadre éducatif et mise en autonomie des élèves

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par Emmanuel FOUCHEROT
IUFM de Nevers - 2ème année de Professeur des Ecoles 2010
  

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2. Prendre en compte le rythme de l'élève

Lors de mon arrivée en petite section, ma surprise a été grande de constater combien les élèves présentaient des signes de stress face à la rupture que l'école représentait, en comparaison du foyer qu'ils quittaient, mais aussi face à la déferlante de consignes, de règles et d'activités qui leur arrivait du jour au lendemain. C'est pourquoi j'en suis arrivé assez tôt à la conclusion que l'enseignant doit savoir s'adapter aux capacités des élèves de sa classe, afin notamment que les activités ne soient ni trop simples ni trop complexes pour eux et qu'ils puissent entrer dans les apprentissages.

Le rapport à l'autre étant en construction à cet âge, il faut par exemple amener progressivement l'enfant à prendre conscience de l'autre avant de proposer une activité par deux. A deux ou trois ans, les enfants sont à un stade de développement où certaines notions ne sont pas acquises. Ainsi, pendant une séance d'APS sur la manipulation de balles dans les jeux de coopération collective, j'ai réalisé que l'organisation face-à-face par deux est trop difficile à comprendre pour des élèves de deux ou trois ans. Ils ne restaient pas en face de leur « binôme » et, lorsqu'ils faisaient rouler la balle, ils allaient la chercher au lieu d'attendre que ce dernier la leur renvoie. De plus, étant donné qu'ils n'avaient qu'une balle pour deux, celui des deux qui ne l'avait pas s'en plaignait en ne comprenant pas pourquoi on lui prenait « sa » balle.

J'ai donc veillé à favoriser dans les premières minutes de l'activité un temps de manipulation libre du matériel qui allait être utilisé par la suite. D'une part cela permettait aux élèves de se défouler, d'autre part cela me permettait également de responsabiliser ceux-ci en les intégrant à la mise en place du matériel. De cette manière, une partie de leur énergie était canalisée dans un but commun : se rendre utile en se faisant plaisir. Les meilleurs moments restent sans doute l'installation des tapis de sol, où cinq élèves et plus parviennent à déplacer du gros matériel d'un commun accord, créant ainsi une dynamique de groupe.

Durant les jeux des « sorciers », où les élèves touchés doivent s'immobiliser tels des statues, ou de la « rivière aux crocodiles », où ils doivent quitter le jeu une fois « croqués » par les crocodiles dans une zone délimitée, les élèves ont mis du temps à comprendre le système de l'élimination. Quand l'un d'eux se trouvait pris, il avait pour consigne de sortir temporairement du jeu et s'asseoir sur un banc sur le côté, mais soit il ne voulait pas, soit il revenait dans le jeu par la suite. J'ai compris par la suite que ces réactions sont normales, car à cet âge, les enfants pensent qu'on ajoute mais qu'on ne retire jamais : ils comprennent donc assez difficilement la notion d'élimination. De plus, il est peu concevable pour eux de cesser de jouer alors que les autres continuent.

En outre, le fait de perdre n'est pas toujours compréhensible pour de si jeunes élèves : soit ils n'en comprennent pas le sens, soit ils le voient comme une sorte de punition. Ainsi, comme pour le travail par deux, il a fallu attendre que l'un ou l'autre en soit à un stade de développement cognitif plus avancé avant d'introduire la notion d'élimination.

L'autorité de l'enseignant en maternelle oscille donc entre un subtil dosage d'autoritarisme et d'affectif. Il doit trouver l'équilibre entre une attitude trop proche, voire paternaliste, ou à l'inverse trop distante. Durant ce stage avec de très jeunes élèves, j'ai éprouvé progressivement du plaisir à trouver cet équilibre. D'abord réticent à l'idée de me montrer trop attachant ou attaché, j'ai ensuite compris que l'enseignant devait veiller à ce que chaque élève puisse se sentir valorisé, mais qu'il devait également se montrer attentif aux comportements verbaux et non verbaux, et être capable d'évaluer ses élèves en les observant et en leur répondant de manière appropriée. Cet équilibre me paraît plus délicat à atteindre pour un homme, au regard de toutes les accusations d'attouchements ou de violences qui font régulièrement la une des journaux. A mon sens, l'opinion publique ne permet pas aux hommes d'agir avec la même tendresse et la même capacité que les enseignantes. Aujourd'hui, les parents, la police ou les médias ont tendance à tirer la sonnette d'alarme très rapidement et à monter au créneau pour protéger les enfants.

Nombreux sont les exemples de professeurs masculins accusés, à tort ou par vengeance, des années plus tard par d'anciens élèves. S'il est évident que ceux-ci doivent être protégés, il n'en demeure pas moins que cette appréhension persiste et la crainte de voir mon emploi, ma famille, ma réputation et ma crédibilité démolies en quelques instants m'incite à cultiver une distance affective avec mes élèves. Je calque donc dorénavant ma conduite sur les souvenirs que j'ai de mes propres professeurs d'école, en particuliers masculins. Si je garde aujourd'hui une image attendrie de ces hommes, c'est parce qu'ils étaient crédibles. Ils étaient mes pédagogues, fermes et justes dans leurs comportements et leurs décisions, mais ils étaient aussi mes complices lors de fugaces instants où j'étais désemparé affectivement face à une situation ou lors de temps moins formels. C'est cette perspective qui m'a attirée dans le professorat et c'est, je l'espère, ce que mes élèves retiendront de moi avant tout.

En outre, la maturation affective varie d'un élève à l'autre. Les différences individuelles doivent être respectées dans le cadre des règles de l'école, afin que l'enfant y épanouisse ses savoirs-faire. Il en va autrement des différences affectives. Les expériences individuelles hors temps scolaire influent largement sur la maturité des élèves et c'est avec celles-ci que l'enseignant doit apprendre à composer.

J'ai en effet appris que bien souvent, lorsqu'un élève de petite section manifeste de l'opposition, cela signifie qu'il éprouve une peur vis-à-vis d'un élément nouveau ou perturbateur dans son environnement habituel et non qu'il rejette l'autorité du professeur. Au moyen de la négation, il trouve un compromis pour maîtriser cette crainte et montre une première forme d'indépendance vis-à-vis d'un contenu affectif. Sa personnalité s'affirme et il donne l'occasion au maître de l'écouter et de le comprendre.

Depuis mars, je ressens de moins en moins ce stress des premiers jours. Les élèves semblent s'acclimater à l'école, en saisir les règles. Je peux leur en demander plus en termes de concentration, d'investissement dans les activités que je leur propose. Il serait prétentieux d'affirmer que ces progrès sont de mon seul fait puisque je bénéficie du travail effectué en parallèle par la titulaire et de son expérience. Il n'en demeure pas moins que, si au fil du temps j'ai pris de l'assurance dans ma pratique et que les élèves se sont adaptés à mon mode de fonctionnement, la réciproque est vérifiable : c'est parce que j'ai veillé à m'adapter à leur mode de fonctionnement que j'ai pu progresser et instaurer des règles de vie dans un climat de confiance.

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