UNIVERSITE DE KOUDOUGOU BURKINA FASO
ECOLE NORMALE SUPERIEURE
Unité -- Progrès - Justice
FILIERE : IEPD 2ème ANNEE
MEMOIRE DE FIN DE FORMATION A L'EMPLOI
D'INSPECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRE
THEME:
LES ECOLES CORANIQUES ET L'EDUCATION DES ENFANTS
TALIBES DANS LA VILLE DE DEDOUGOU (MOUHOUN)
PRESENTE PAR : SOUS LA DIRECTION
DE :
ZERBO Abdoulaye Dr. Vincent OUATTARA
Maître -Assistant à l'Université
de KOUDOUGOU
UFR/LSH
Juin 2012
v' mon oncle paternel, feu ZERBO Eugène Kanama
Yâbô ;
v' Feue Madame ZERBO/ZERBO Albertine, précédemment
Conseillère Pédagogique Itinérante dans la Circonscription
d'Education de Base de Ouagadougou n° IX ;
v' mon Maître d'école primaire, feu OUEDRAOGO Adama
Fulgence.
REMERCIEMENTS
En cet instant où nous terminons nos travaux de
recherches, nous ressentons un devoir de reconnaissance envers certaines
personnes sans l'aide et l'accompagnement desquelles le présent
mémoire n'aurait pas été réalisé. Nous
voulons traduire notre gratitude :
' à Monsieur OUATTARA Vincent, notre Directeur de
Mémoire, pour l'intérêt qu'il a
bien voulu porter à notre travail, et aussi pour sa
disponibilité et son encadrement ;
' à Monsieur SOARA Missa, Directeur régional de
l'Enseignement de Base et de
l'Alphabétisation de la Boucle du Mouhoun ;
' à Monsieur BITIBALY Zondon, Directeur provincial de
l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation du Mouhoun ;
' à Monsieur BONANE Dimi, Inspecteur, Chef de la
Circonscription d'Education de Base de Dédougou I ;
' à Monsieur DIALLO Bièra, Inspecteur, Chef de la
Circonscription d'Education de Base de Dédougou II ;
1' à l'Imam de la Grande Mosquée de
Dédougou, TRAORE Famanta, et ses collaborateurs ; v' à l'ensemble
du personnel de la Direction Régionale de l'Enseignement de Base et de
l'Alphabétisation de la Boucle de Mouhoun ;
v' à nos parents, amis, collègues stagiaires, et
professeurs de l'Ecole Normale Supérieure de l'Université de
Koudougou ;
v' à notre chère épouse, à nos
enfants et à toute notre famille pour la compréhension, le
soutien moral et les nombreux sacrifices ;
v' à tous pour les conseils, les encouragements, les
soutiens et les contributions qui ont pu enrichir nos travaux.
Que chacun trouve ici le témoignage de notre grande
reconnaissance et l'expression de nos sincères remerciements !
RESUME
Le theme abordé dans la présente étude
porte sur les écoles coraniques et l'éducation des enfants
talibés. L'école coranique est une structure éducative
d'enseignement privé musulman qui relève de l'informel. Elle
existe en marge du système éducatif qui ne la reconnaît pas
ou qui l'ignore simplement. Le présent mémoire a
été réalisé dans le but de découvrir cette
école, de comprendre son fonctionnement, et situer sa place dans la
société. Le champ choisi pour l'étude est la ville de
Dédougou dans la province du Mouhoun. Pour sa réalisation, trois
hypothèses ont orienté nos recherches dont la principale est
formulée comme suit : les écoles coraniques dispensent un
enseignement religieux qui prépare les enfants à être de
bons croyants musulmans. Les hypothèses secondaires sont
formulées de la manière suivante : la durée de la
scolarité, les conditions de recrutement et d'études permettent
d'assurer aux élèves des écoles coraniques une
éducation de qualité ; les élèves des écoles
coraniques se livrent à la mendicité seulement par principe
religieux.
Les résultats auxquels nous sommes parvenu confirment
la première hypothèse pendant que les deux autres restent
infondées. La méthode utilisée pour y parvenir est
l'enquête basée sur l'approche qualitative avec pour technique
l'entretien, l'observation directe et la recherche documentaire. Somme toute,
les écoles coraniques ont des ambitions nobles ; mais elles n'arrivent
pas à assurer aux enfants une éducation de qualité telle
que voulue par l'Islam et l'Etat. Aussi, nos suggestions à l'endroit de
l'Etat, de la communauté musulmane et des autres acteurs vont-elles dans
le sens de la réforme de ces écoles qui est aujourd'hui une
nécessité absolue.
Mots-clés : Ecole coranique,
talibé, mendicité, marabout.
SOMMAIRE
Titre Pages
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : THEORIE ET METHODOLOGIE 4
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE 5
I.1. Contexte et justification 5
I-2. Problématique 8
CHAPITRE II : METHODOLOGIE 38
II.1. Présentation du champ d'étude 38
II.2. Population-cible 40
II.3. Echantillon 42
II.4. Méthodes de recherche et techniques de collecte des
données 43
II.5. La validation des outils 45
II.6. Le déroulement de l'étude 45
II.7. L'analyse des données 46
II.8. Les difficultés de la recherche 46
DEUXIEME PARTIE : ASPECTS PRATIQUES 47
CHAPITRE I : PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATION
DES
RESULTATS 48
I.1 Présentation et analyse des données de
l'enquête 48
I.2. Interprétation des résultats et
vérification des hypothèses 67
I.3. Synthèse générale 75
CHAPITRE II : SUGGESTIONS 78
CONCLUSION 81
BIBLIOGRAPHIE 83
ANNEXES VII
LISTE DES TABLEAUX
Tableaux Pages
Tableau n°1 : Situation 2010-2011 des
écoles primaires de la ville de Dédougou 9
Tableau n°2 : Situation provisoire des
foyers coraniques de la ville de Dédougou 10
Tableau n°3 : Répartition de la
population de la Boucle du Mouhoun par province
et selon le sexe 39
Tableau n°4 : Répartition de la
population de la province du Mouhoun par commune.... 39
Tableau n°5 . Répartition
spatiale de la population de la commune en 2006 40
Tableau n°6 : Evolution des effectifs des
élèves dans la commune 41
Tableau n°7 : Evolution du Taux Brut de
Scolarisation dans la commune (2006-2009)... 42 Tableau
n°8 : Situation des entretiens réalisés 48
Tableau n°9 : Répartition des
maîtres coraniques suivant les effectifs 49
Tableau n°10 : Répartition des
parents suivant la situation socioprofessionnelle 50
Tableau n°11 : Répartition des
responsables de la communauté musulmane
suivant leur fonction 50
Tableau n°12 : Répartition des
responsables des services déconcentrés du MENA 51
Tableau n°13 : Répartition des
enfants talibés par groupe d'age 51
Tableau n°14 : Situation des foyers
coraniques de la ville de Dédougou 53
Tableau n°15 : Synthèse des horaires
et jours ouvrables de la semaine 54
Tableau n°16 : Synthèse des
disciplines et matières d'enseignement des écoles
coraniques 55
LISTE DES ANNEXES
ANNEXE I : Guide d'entretien avec les personnes
ressources des services
techniques : le DREBA, le DPEBA, et le C.CEB de la ville de
Dédougou.
ANNEXE II : Guide d'entretien avec les
promoteurs d'école coranique.
ANNEXE III : Guide d'entretien avec les
responsables de la Communautémusulmane : le président
de la communauté musulmane de Dédougou,
et l'Imam de la grande mosquée.
ANNEXE IV : Guide d'entretien avec les parents
d'élève des foyers coraniques.
ANNEXE V : Guide d'entretien avec les enfants
talibés des écoles coraniques.
ANNEXE VI : Grille d'observation directe.
ANNEXE VII : Album photos d'enfants
talibés.
SIGLES ET ACRONYMES
AEEMB : Association des Elèves et
Etudiants Musulmans au Burkina
BICE : Bureau International Catholique de
l'Enfance
BMHN : Boucle du Mouhoun
C.CEB : Chef de Circonscription d'Education de
Base
CE2 : Cours Elémentaire
2ème année
CEB : Circonscription d'Education de Base
CEBNF : Centre d'Education de Base Non
Formelle
CEEP : Centre d'Eveil et d'Education
Préscolaire
CELPAC : Centre de Lecture publique et
d'Animation culturelle
CERFI : Cercle d'Etudes, de Recherches et de
Formation Islamique
CM2 : Cours Moyens 2ème
année
CMBF : Communauté Musulmane du Burkina
Faso
CP1 : Cours Préparatoire
1ère année
CPAF : Centre Permanent d'Alphabétisation
et de Formation
DEP : Direction des Etudes et de la
Planification
DPEBA : Direction Provinciale de l'Enseignement
de Base et de l'Alphabétisation
DREBA : Direction Régionale de
l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation
FDC/BF : Fondation pour le Développement
Communautaire du Burkina Faso
INSD : Institut National de la Statistique et de
la Démographie
MENA : Ministère de l'Education Nationale
et de l'Alphabétisation
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
PACTE : Projet de lutte contre le trafic des
enfants en Afrique de l'Ouest
PCD : Plan Communal de Développement
PDDEB : Plan Décennal de
Développement de l'Education de Base
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
TBS : Taux Brut de scolarisation
UCM : Union Culturelle Musulmane
1
INTRODUCTION
L'éducation s'impose comme une condition pour
réussir tous les aspects de la vie politique, économique,
sociale, culturelle et religieuse. Elle est un facteur essentiel à
l'émancipation des peuples, au développement humain durable.
Cette importante dimension de l'éducation apparaît dans les
réflexions de Pascal MOUKENE: «Le domaine de l'éducation
est pour toute société la pierre angulaire de la construction de
son avenir. L'éducation traduit les tendances et les options
présentes dans la société et en même temps elle
constitue un processus de projection dans le futur »1
En Afrique précoloniale, le type d'éducation qui
a existé était traditionnel et communautaire. Pour Ousmane
SAWADOGO2, cette éducation valorisait la cohésion du
groupe. L'important était le rôle social que chaque individu
devait jouer. L'éducation visait à apprendre à chacun
à se situer par rapport au groupe, à en respecter les
règles et les valeurs, en un mot à se conformer au rôle qui
lui était assigné. L'épanouissement personnel
n'était pas valorisé; mais la sécurité et la
perpétuation du groupe. L'enfant n'était pas encouragé
à développer son moi, mais l'identité du groupe, l'esprit
communautaire et le sens des responsabilités envers les autres.
Par la suite, les écoles coraniques sont
arrivées. Introduites en Afrique à travers l'Egypte et l'Afrique
du Nord par les marins et commerçants arabes, elles ont joué un
rôle de premier plan dans la diffusion de la culture arabo-musulmane.
C'est ainsi que Tombouctou a connu au XVIème siècle un
rayonnement intellectuel extraordinaire. Toutefois Youssif ELIAS3
écrit à propos de cette école : « Si elle
apparaît aujourd'hui en rupture avec le monde moderne et ses exigences
matérielles, c'est probablement parce qu'elle n'a pas su s'engager
à temps dans les voies ouvertes par la recherche pédagogique
moderne. Refusant de repenser sa stratégie en fonction des besoins d'un
monde en pleine mutation et livré à la rude concurrence de
l'école moderne, mieux adaptée aux nouvelles conditions et
utilisant un
1 Pascal Mukene, L'ouverture entre l'école
et le milieu en Afrique noire. Pour une gestion pertinente des
connaissances, Editions universitaires de Fribourg -- Suisse, 1988, p.
253.
2 Ousmane Sawadogo, Les représentations des
paysans de Koulouégo (Burkina Faso) confrontés aux nouvelles
technologies agricoles, Mémoire de maîtrise,
Université Paris 8, 1994.
3 Youssif Elias, « Islam et vie culturelle en
Afrique », in Ethiopiques numéro 29, Revue socialiste de
culture négro-africaine, février 1982.
matériel pédagogique de plus en plus
sophistiqué, l'école coranique apparaît aujourd'hui
à la recherche d'un nouveau souffle ».
Avec la colonisation de l'Afrique entre le
XVIème et le XIXème
siècle4, l'école formelle est créée par
les colonisateurs européens. Appelée école des otages au
départ, du fait que les premiers enfants qui la fréquentaient
étaient enlevés aux chefs africains, elle visait la formation des
cadres de l'administration coloniale. En fait le gouvernement avait besoin
« de se faire seconder par des cadres autochtones subalternes pour
servir de «courroie de transmission» et d'agents d'exécution
entre les dirigeants européens et les masses, et cela à tous les
niveaux de l'activité économique ».5
En conséquence, la nécessité de
réformer l'école africaine est apparue aprés la
colonisation. Jean-Blaise KENMOGNE6 évoque les circonstances
de ce changement en écrivant : « Il y a près de
quarante-cinq ans, le tout premier constat officiel de la faillite de
l'école africaine a été fait, sans complaisance aucune.
C'est en effet en 1961, alors que de nombreux Etats viennent à peine
d'accéder à l'indépendance que les ministres africains de
l'Education nationale, réunis à Addis Abeba en Ethiopie, ont
clairement posé le diagnostic.
D epuis lors, de multiples tentatives de réforme
scolaire ont été opérées, aussi bien par
les
E tats que par les institutions religieuses. Sans que les
résultats obtenus soient véritablement à la hauteur des
espoirs».
Dans cette recherche de solution, le Burkina Faso a
adopté une politique participative dans la perspective d'accroître
l'offre éducative en permettant que le secteur privé intervienne
dans le domaine. Cela a eu pour conséquence le développement
rapide du secteur de l'éducation de base qui compte de nos jours un
grand nombre d'écoles privées7. Ces écoles se
subdivisent en écoles privées confessionnelles ou laïques et
se classent selon leur statut comme suit : école privée
catholique, école privée protestante, école franco-arabe,
école medersa, école privée laïque.
4 Encarta Junior, 2009.
5 INADES -formation- L'Afrique en mutation,
cité par Issa Barthélemy KABORE dans Préparation
aux
ome2C=1TfnTrfi.2222s. nais,
directeur général du Cercle international pour la protection de
la Création (CIPCRE).
7 1 965 écoles privées contre 8 831
publiques en 2010-2011 ; source : DEP-MEBA
3
L'Etat exerce son contrôle sur ces écoles
à travers un contrat dont les termes sont consignés dans les lois
et textes règlementaires que sont : la loi 013 portant Loi d'orientation
de l'éducation ; l'arrêté 2004 - 05/MEBA/SG/DGEB/DEBP du 05
février 2004 portant cahier des charges des établissements
privés de l'enseignement de Base privé ; le décret
n°99-221/PRES/PM/MESSRS/MEBA du 29 juin 1999 portant réglementation
de l'enseignement de Base privé au Burkina Faso ; et le décret
n° 2008-236 /PRES/PM/MEBA/MESSRS/MASSN/MATD du 08 mai 2008 portant
organisation de l'enseignement primaire.
Conformément aux dispositions, les fondateurs et
promoteurs d'écoles privées ont l'obligation de fonctionner en
respectant toutes les règlementations relatives à la
création, à l'ouverture et au fonctionnement des
établissements. Parmi celles-ci, l'application des horaires et
programmes officiels en vigueur au Burkina Faso qui n'exclut pas la
liberté d'ajouter d'autres programmes spécifiques.
Malheureusement, certaines écoles, les medersas et
franco-arabes pour la plupart, semblent avoir des difficultés pour
appliquer le programme officiel d'enseignement et à se distinguer des
écoles coraniques qui, elles, sont en marge du système
éducatif. Cette situation nous a conduit à nous pencher sur le
phénomène spécifique à l'enseignement de Base
privé confessionnel musulman. Le thème que nous avons choisi est
« Les écoles coraniques et l'éducation des enfants
talibés ».
Notre étude se subdivise en deux grandes parties. La
première partie est consacrée à la théorie et
à la méthodologie. Elle comprend le contexte et la justification,
la problématique et enfin la méthodologie.
La deuxième partie traite des aspects pratiques. Elle se
compose de : la présentation, l'analyse et l'interprétation des
données ; puis les suggestions.
PREMIERE PARTIE :
Théorie et méthodologie
5
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
I.I. Contexte et justification
Il est indéniable que l'éducation est l'un des
secteurs prioritaires de l'Etat. Elle relève du domaine de ses
prérogatives. Néanmoins celui-ci a voulu bien concéder une
partie de ce pouvoir au secteur privé. C'est ainsi que les
écoles, les centres, les lycées et collèges, les instituts
et grandes écoles sont les institutions spécialisées
chargées d'assurer cette éducation. Bien entendu, le nombre de
ces structures éducatives va croissant d'année en année ;
mais elles n'échappent pas pour autant au contrôle de l'Etat. Les
Directions des Etudes et de la Planification (DEP) des ministères en
charge de l'éducation disposent de données statistiques sur les
nombres d'écoles, de classes, des effectifs d'élèves et
d'enseignants présents sur toute l'étendue du territoire
national. Cependant, une catégorie d'écoles semble avoir
été oubliée et avec elle ses élèves et
enseignants. Il s'agit des écoles coraniques encore appelées
foyers coraniques. Ces écoles n'ont pas une reconnaissance officielle,
pourtant elles ne sont pas inconnues des populations qui y ont envoyé
environ 37 000 enfants en 2006, selon une étude menée la
même année par la Fondation pour le Développement
Communautaire du Burkina Faso (FDC/BF). En termes de
représentativité, ce chiffre constitue 2,66 % de l'effectif
national des élèves qui était de 1 390 5718
dans la même période.
Au regard de ce chiffre non négligeable, il nous
paraît important de jeter un regard sur ces « laissés
pour comptes du système éducatif » qui connaissent bien
de difficultés.
L'une des difficultés, nous rapporte Adama
OUEDRAOGO9, est que les enseignants des écoles coraniques ne
sont pas salariés car, selon la religion, l'éducation est une
obligation pour les parents et pour les ulémas qui sont les
érudits. A partir de ce principe, les parents emmènent leurs
enfants chez le maître en pensant que c'est Dieu qui le
récompensera. Les maîtres ne demandent rien ; mais les parents ont
la latitude d'apporter des céréales, de l'argent, des habits et
autres dons en nature. Cet apport insuffisant et irrégulier subvient
à peine aux besoins du maître et de ses élèves qui
sont obligés de pratiquer des activités agricoles ou pastorales.
Cependant, lorsque les élèves sont nombreux et très
jeunes, il devient difficile pour le maître de pouvoir les nourrir
à cause de la pauvreté des sols, du manque
8 DEP-MEBA, Statistiques 2006.
9Adama OUEDRAOGO, L'enseignement de la culture
arabe et islamique dans le département de Soaw province de
Bulkiemdé, Burkina Faso, in Revue des mondes musulmans et de la
Méditerranée,]En ligne], 124/ novembre 2008, mis en ligne le 03
septembre 2009.
d'équipement moderne de production et surtout de
l'insuffisance du nombre d'élèves pouvant cultiver. Alors, les
élèves sont obligés de recourir à la
mendicité pour vivre et étudier.
La démission des parents à l'éducation de
leurs enfants laisse les mains libres aux maitres de disposer de ceux-ci
à leur guise. C'est ainsi qu'ils peuvent se déplacer avec les
enfants à travers villes et villages. Cette transhumance met en
péril la santé et la vie des talibés. La
FDC/BF10 a rapporté le cas malheureux d'un enfant
talibé : celui-ci, confié à une famille parce qu'il
était malade et incapable de se déplacer avec son maître, a
succombé à son mal. Le maître, alors qu'il l'avait promis,
n'est jamais retourné prendre des nouvelles du pauvre talibé.
Ali HAMADACHE11 cite le manque de matériels
didactiques comme difficulté tant pour les élèves que pour
les maîtres. Cela serait lié d'abord au coüt onéreux
des livres arabes et islamiques sur le marché et surtout au manque de
moyens financiers pour se les procurer. Les outils des talibés se
résument à l'encre fabriquée avec de la suie, un roseau
taillé en biseau et une tablette sur laquelle les leçons sont
recopiées, récitées à haute voix et apprises par
coeur à force de répétition. Pour cet auteur, les
fournitures scolaires sont les mêmes depuis des siècles, se
résumant à peu de chose : une planchette en bois
(alluha) faite en général de bois ordinaire poli sur
laquelle on étale de l'argile humidifiée et qu'on laisse
sécher avant d'écrire ; un roseau taillé en guise de
stylet (qalam) que l'élève fabrique lui-même
à partir d'une tranche de bambou ou de roseau choisie parmi les plus
droites, taillée en pointe, puis fendillée au milieu ; et un
encrier fait d'une petite calebasse de la grosseur d'une pomme, ou d'une tasse
en terre ou en verre. L'encre est composée d'un mélange d'eau, de
gomme arabique pilée et de noir de fumée recueilli sous les
marmites ou de charbon de bois pilé.
De même, l'absence de locaux adéquats et de
mobiliers rendent les conditions d'apprentissage difficiles. Les enfants
s'asseyent par terre et apprennent à l'ombre des abris de fortune comme
des hangars, des arbres ; ou à ciel ouvert dans la cour du maître.
Le maître lui-même s'asseyant sur un tapis ou une peau de
prière.
Le manque de dispositif national et de moyens pour la prise en
charge sanitaire des enfants est également une gêne pour les
foyers coraniques. Les talibés vivent souvent dans un
10 Forum régional sur la réforme des
foyers coraniques tenu à Bobo du 27 au 29 avril 2010
11 Stefania Gandolfi, Cahiers d'études
africaines, 169-170, 2003, mis en ligne le 21 décembre 2006.
7
état de dénuement tel que les regles minimales
d'hygiene et d'assainissement ne sont pas respectées. Vêtus de
guenilles, couchant à même le sol nu, mangeant les restes de
nourritures et privés de suivi médical, ces enfants sont
exposés aux maladies et aux risques épidémiques. Une
étude12 a révélé que 44,04 % des enfants
de la rue de Ouagadougou seraient issus des écoles coraniques.
Le faible niveau d'alphabétisation et d'instruction des
maîtres coraniques fait qu'ils sont incapables de changement dans leurs
visions et leurs pratiques. Ils voient souvent les autorités d'un oeil
suspect, laquelle attitude les rend réfractaires aux formalités
administratives. Ali HAMADACHE écrit à ce propos que «
le bas niveau des maîtres et du savoir acquis sont souvent la
contrepartie des conditions et des modalités d'enseignement
»
Nous notons également dans ces foyers l'absence de
pédagogies et de programmes standardisés pour l'enseignement.
Tres souvent ces écoles n'ont qu'un seul maître qui peut se faire
aider par certains élèves ayant un niveau avancé et qui
ont sa confiance. Ils suppléent le maître et le remplacent pendant
ses temps d'absence pour instruire leurs camarades de niveau inférieur ;
mais ils ne sont pas reconnus comme enseignants. C'est dire que l'enseignement
est individuel ; que chaque élève progresse à son rythme
et en fonction de ses capacités, en apprenant une partie
déterminée du Coran. C'est dire que ce secteur releve de
l'informel : « une école s'éteint avec le maître
qui l'anime. Une autre renaîtra peut-être, ailleurs, dans plusieurs
années sans aucune liaison avec la première
»13.
Au-delà de tous ces aspects, il y a les
réalités sur le terrain. Le constat montre une absence de
collaboration entre les encadreurs pédagogiques en circonscription et
les foyers coraniques. D'ailleurs la majorité des acteurs les confondent
avec les medersas. L'un de nos buts est de faire ressortir la différence
entre les écoles coraniques et les medersas.
De même, les dispositions de l'article 8 de la loi
d'orientation de l'Education nous réconfortent dans notre choix pour ce
theme. Elles mentionnent que l'organisation des écoles à
caractere confessionnel et des rites initiatiques est laissée à
l'initiative des différentes communautés religieuses et des
groupes sociaux concernés. Toutefois cette loi oblige à
l'observance de certaines regles telles que : le respect des bonnes moeurs de
l'éthique et des
12 L'Evénement, décembre 2001 ; mis en
ligne le 16 septembre 2007
13 IIPE ; 1984; p. 52
lois de la République, le respect du curriculum ainsi que
le programme national, le bon déroulement de la scolarité
obligatoire, et l'obligation scolaire de l'enfant de 6 à 16 ans.
Il nous semble alors que l'examen des programmes et des
conditions d'enseignement / apprentissage des enfants talibés
contribuera à éclairer un tant soit peu les jugements quant aux
décisions à prendre par rapport aux foyers coraniques.
I-2. Problématique
Le Burkina Faso est un pays qui connaît un taux
élevé d'analphabétisme (environ 72 %)14. Cette
situation fait partie de l'une des variables qui tire le pays vers le bas de
l'échelle du classement mondial du Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD).
Evidemment, l'éducation n'est pas le seul secteur
prioritaire. La santé et l'accès à l'eau potable sont
également à prendre en considération. Néanmoins, il
faut considérer que le Burkina Faso a souscrit à l'initiative
mondiale des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)
dont l'éducation pour Tous d'ici 2015 est l'un des volets cruciaux.
Dans cette dynamique, le Plan Décennal de
Développement de l'Education de Base (PDDEB) a été mis en
oeuvre dans la perspective d'atteindre 70% de taux de scolarisation et 40%
d'alphabétisation dans la période 2001-2010. Malheureusement, le
nombre considérable d'enfants déscolarisés et non
scolarisés15 constitue une contre- performance qui sape tous
les efforts en matière d'alphabétisation et de scolarisation dont
les taux actuels sont respectivement de 28,7% et 77,6 %.16
Par ailleurs, une autre réalité rend plus
difficile la situation, c'est celle des enfants talibés qui
fréquentent les écoles coraniques. En 2006, la seule ville de
Ouagadougou comptait 347 foyers coraniques avec 7 552 talibés dont 6 643
garçons et 909 filles17.
14 MEBA, Formules et pratiques en
Alphabétisation et Education Non formelles/ Rapport final
définitif, août 2008 ; P.1
15 2 205 295 enfants scolarisés sur une
population totale de 6-11ans de 2 840 873 (Annuaire Statistique de l'Education
Nationale 2010-2011).
16 MEBA, Annuaire Statistique de l'Education Nationale
2010-2011
17 Fondation pour le Développement
Communautaire du Burkina Faso (FDC/BF).
9
L'enquête préliminaire que nous avons
menée auprès de la Direction Régionale de l'Enseignement
de Base et de l'Alphabétisation de la Boucle du Mouhoun (DREBA-BMHN)
révèle que la ville de Dédougou compte 23 écoles
avec un effectif total de 8 251 élèves dont 4 103 garçons
et 4 148 filles.
Tableau n°1 : Situation 2010-2011 des
écoles primaires de la ville de Dédougou
STATUT DE L'ECOLE
|
Nbre d'écoles
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
ECOLE PUBLIQUE
|
14
|
3366
|
3404
|
6770
|
ECOLE CATHOLIQUE
|
03
|
351
|
399
|
750
|
ECOLE PROTESTANTE
|
02
|
103
|
105
|
208
|
FRANCO-ARABE
|
02
|
135
|
91
|
226
|
ECOLE PRIVEE LAIQUE
|
02
|
148
|
149
|
297
|
TOTAL
|
23
|
4103
|
4148
|
8251
|
Source : DREBA-Boucle du Mouhoun.
Une autre enquête provisoire réalisée
auprès des promoteurs d'écoles coraniques nous a permis de
recenser quelques sites. Elle a révélé que la ville de
Dédougou abrite 11 foyers coraniques repartis dans les secteurs de la
ville. A ce niveau, le nombre d'enfants talibés n'est pas bien
maîtrisé. Lorsqu'ils ont été interrogés sur
la question des effectifs, les promoteurs visés se sont montrés
quelque peu réservés. Néanmoins, ils varient entre 03 pour
le plus faible et 30 pour le plus élevé. La moyenne de ces
effectifs fait 18 talibés et le total est estimé à environ
198 enfants.
Le tableau ci-dessous présente la situation provisoire
des foyers coraniques de la ville de Dédougou. Il indique leur
localisation mais ne précise pas tous les effectifs. Toutefois, les
données concernant le nombre d'enfants talibés présents
dans chaque foyer apparaissent dans la deuxième partie de nos
travaux.
10
Tableau n°2 : Situation provisoire des
foyers coraniques de la ville de Dédougou
Nom du promoteur du Foyer
|
Localisation
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
Aboubacar DICKO
|
Secteur n°5
|
22
|
00
|
22
|
Nouhoun DIALLO
|
Secteur n°6
|
-
|
-
|
-
|
Sambo GADIAGA
|
Secteur n°6
|
13
|
00
|
13
|
Ousséini TALL
|
Secteur n°3
|
-
|
-
|
-
|
Idrissa DIALLO
|
Secteur n°2
|
-
|
-
|
-
|
Djibril DIALLO
|
Secteur n°2
|
-
|
-
|
-
|
Yéro DIALLO
|
Secteur n°2
|
-
|
-
|
-
|
Diahé DICKO
|
Secteur n°5
|
-
|
-
|
-
|
Lamine SORE
|
Secteur n°5
|
30
|
00
|
30
|
Ibrahima TALL
|
Secteur n°5
|
20
|
00
|
20
|
Yéro TALL
|
Secteur n°5
|
03
|
00
|
03
|
TOTAL
|
11 foyers C.
|
|
|
|
Source : Nos enquêtes
préliminaires sur le terrain.
En faisant le rapport avec les autres structures, les
écoles coraniques se classent avant les écoles privées
protestantes, les écoles medersas et les écoles privées
laïques. Dans l'ordre, elles se rangent après les écoles
publiques et les écoles privées catholiques.
I.2.1. Questions de recherche
A travers sa politique éducative, l'Etat
burkinabé manifeste sa volonté d'assurer l'éducation
à tous les enfants. La loi sur l'obligation et la gratuité
scolaire, la distribution gratuite des manuels et fournitures scolaires,
l'accroissement du nombre des écoles ainsi que le nombre important
d'enseignants recrutés annuellement sont autant d'éléments
qui témoignent de cette volonté. Dans la période
2007-2011, le nombre d'écoles publiques est passé de 7 513
à 8 831, soit un accroissement de 1 318 écoles. Dans le
même temps, on est passé de 29 780 à 37 476 enseignants,
soit une augmentation de 7 69618.
De plus, nous constatons la mise en application concrète
de cette politique sur le terrain par les autorités pédagogiques.
En rappel, les instructions officielles de rentrée
18 Annuaires statistiques du MEBA
mentionnent que : « Tous les enfants en age d'aller
à l'école de six (6) ans au moins et de huit (8) ans au plus, au
31 décembre de l'année de recrutement qui seront
présentés à la commission devront être
recrutés. La priorité doit être donnée aux enfants
âgés de huit (8) et sept (7) ans en cas de difficultés
sérieuses de capacités d'accueil. En cas d'effectifs
pléthoriques, un rapport circonstancié doit etre adressé
au CCEB en vue des mesures à prendre en collaboration avec la commune et
les partenaires de l'école. Une attention particulière doit
être portée au recrutement des filles ». 19
L'ensemble de ces mesures portent à croire que tous les
enfants burkinabé en âge de scolarisation sont tous à
l'école n'eut été cette réalité
présentée par les statistiques de 2010 - 2011 faisant état
de 77, 6 % de taux de scolarisation. Où donc faut-il aller rechercher
les 22,4 % manquants ? D'emblée, on est tenté de voir dans le lot
d'enfants non scolarisés et déscolarisés qui se chiffrent
à 635 57820. C'est effectivement une piste de
réflexion et de recherche ; mais que dire de ces enfants trainant dans
les rues avec une boîte vide de tomate en guise de sébile ?
Du fait que ces enfants appelés couramment enfants
talibés appartiennent à des types d'écoles officiellement
non reconnus, cela suscite quelques interrogations. C'est à se demander
si les écoles coraniques fonctionnent dans la légalité et
s'il est normal d'y envoyer les enfants. Dans le cas contraire, comment faire
pour que les talibés puissent bénéficier d'une bonne
fréquentation scolaire à l'instar de leurs camarades des autres
structures éducatives ?
Même si cette question trouve une réponse
satisfaisante, cela ne résoudra pas le probleme des talibés pour
autant, car il restera l'épineuse question de la mendicité qu'il
faut résoudre à tout prix. C'est dire que la bataille est
polymorphe et se situe sur plusieurs fronts. Elle ne saurait se mener sans
l'apport de tous les acteurs que sont l'Etat, la communauté musulmane,
les promoteurs, les parents qui ont foi en ces écoles et les apprenants
eux-mêmes constitués parfois d'adolescents.
Certes l'Etat a déjà fait un pas vers la
reconnaissance de ces écoles en mettant en application la Loi
d'orientation de l'Education. Il reconnaît en effet l'enseignement
privé et
19 MEBA, Instructions officielles de
rentrée, 2008, p.34
20 Chiffre obtenu en faisant la différence
entre enfants scolarisés et nombre total d'enfants de 6-11ans de
2010-2011.
12
autorise les personnes physiques ou morales à
créer et à diriger des établissements. Cependant,
même si les promoteurs d'écoles coraniques venaient à se
prévaloir de ce droit de création et d'ouverture
d'établissement d'enseignement privé, il leur faudrait satisfaire
aux conditions exigées. D'abord, que ce droit s'exerce dans le cadre des
textes en vigueur et conformément aux normes prescrites par l'Etat en
matière d'enseignement. Ensuite, que les écoles à
caractère confessionnel s'organisent de manière à
respecter le curriculum et le programme national. Enfin, qu'elles veillent
à ne pas entraver le bon déroulement de la scolarité
obligatoire des enfants recrutés. La prise en compte de ces aspects
suscite une interrogation à savoir : comment amener les promoteurs
d'écoles privées et les maîtres coraniques, majoritairement
analphabètes, à remplir les formalités administratives et
à être en règle vis-à-vis des textes et
règlements en vigueur?
Certains parents, sous prétexte de rester
fidèles à leur foi, n'entendent envoyer leurs enfants à
aucune autre école, sinon à l'école coranique. A leurs
yeux, elle seule pourrait former leurs descendants pour devenir de bons
croyants en ALLAH. Il s'agit d'obtenir l'adhésion de
ceux-là pour la scolarisation effective des enfants sans qu'ils aient le
sentiment de commettre un parjure ou d'être déchus de leur droit
et responsabilité d'élever leurs enfants tels que reconnus par la
Déclaration universelle des droits de l'homme21.
Pour ce faire, il est important de se poser cette question
principale :
Les écoles coraniques garantissent-elles une
éducation de qualité aux enfants talibés ?
De façon spécifique, cela revient à se poser
les questions suivantes : > Quel enseignement dispense-t-on dans les
écoles coraniques ?
> Comment est organisé l'enseignement/apprentissage
dans les écoles coraniques ? > Pour quelles raisons les enfants
talibés mendient-ils ?
> Pourquoi les parents envoient-ils les enfants à
l'école coranique ?
Ce questionnement nous conduit à la formulation de nos
objectifs de recherche.
21 « Les parents, ont par priorité, le droit de
choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.
» (Article 26)
I.2.2. Objectifs de la recherche
Les objectifs de notre étude se déclinent en
objectifs généraux et en objectifs spécifiques.
I.2.2.1. Objectifs généraux
> Découvrir le mode de fonctionnement des écoles
coraniques ;
> Savoir la place qu'occupe l'école coranique dans la
vie des populations. I.2.2.2. Objectifs spécifiques :
> Connaître les contenus-matières
enseignés dans les écoles coraniques ;
> Comprendre les conditions d'études et d'apprentissage
des enfants talibés placés dans les foyers coraniques ;
> Savoir les raisons pour lesquelles les talibés
pratiquent la mendicité ;
> Collecter des données statistiques sur les effectifs
des talibés et le nombre d'écoles coraniques.
A partir de ces objectifs, nous avons émis une
hypothèse principale et des hypothèses secondaires.
I.2.3. Hypothèses de la recherche
I.2.3.1. Hypothèse principale
Les écoles coraniques dispensent un enseignement religieux
qui prépare les enfants à être de bons croyants
musulmans.
I .2.3.2. Hypothèses secondaires
1°) La durée de la scolarité, les conditions
de recrutement et d'études permettent d'assurer aux élèves
des écoles coraniques une éducation de qualité.
2°) Les élèves des écoles coraniques se
livrent à la mendicité seulement par principe religieux.
I.2.4. Indicateurs de vérification
d'hypothèse
Nous retiendrons que l'indicateur est une «
caractéristique de la réalité qui se prête à
la mesure ; aboutissement de la définition opérationnelle d'un
concept »22.
22 Sylvain Giroux et Ginette Tremblay,
Méthodologie des sciences humaines, 2ème
édition, p.59.
14
Comme indicateurs à notre étude, les
éléments suivants seront considérés : les
programmes, l'âge de recrutement, la scolarité, l'emploi du temps.
Ils serviront à l'élaboration d'un guide d'entretien et d'une
grille d'observation directe qui nous permettront de vérifier si :
> les programmes d'enseignement des écoles coraniques
sont conformes aux programmes officiels ou s'ils s'en approchent à 70 %
au moins;
> les horaires d'enseignement sont ceux prévus par
l'emploi de temps officiel et le volume horaire journalier atteint au moins six
(06) heures ;
> l'enfant talibé passe la période d'obligation
scolaire, c'est- à- dire de 6 à 16 ans à l'école
coranique ;
> l'enfant apprend effectivement pendant les heures
d'étude ;
> les parents d'enfants talibés apportent une
contribution au fonctionnement des écoles ; > les parents
s'impliquent réellement dans l'éducation des talibés.
Alors nous pouvons conclure que les écoles coraniques
garantissent une éducation de qualité aux enfants talibés
et que la mendicité a une dimension religieuse. Dans le cas contraire,
il faut développer des stratégies d'amélioration de
l'enseignement de ces écoles et faire cesser la pratique de la
mendicité.
I.2.5. Revue de la littérature
Dans le cadre de notre recherche, nous avons retenu quelques
ouvrages à cause de leur objet, de leur problématique et de leur
conclusion qui entrent en ligne avec l'objet de notre recherche. Ces ouvrages
se composent de romans, de mémoires de fin de formation, de rapports
d'enquête, de travaux de forums et de publications sur le NET.
Au préalable, il nous a paru édifiant de
comprendre les raisons qui motivent souvent les parents à se
détourner de l'école. Pour cela, nous avons été
amené à lire L'ENFANT AFRICAIN23. Selon les
résultats d'une enquête menée auprès des parents sur
l'influence de l'école, il ressort que les effets de la scolarisation
sont néfastes et que l'enseignement est inadapté au contexte
africain.
23 Publié par le Bureau International Catholique de
l'Enfance (BICE), Editions Fleurus, 31-33, rue de Fleurus,
Paris-VIème , Collection Etudes et Documents, 484 p.
Premièrement, les parents trouvent que l'école
détache l'enfant de son milieu parce que son enseignement n'est pas
adapté à l'Afrique et qu'il ne le prépare pas à la
vie dans son milieu. Il dépersonnalise l'enfant en détruisant le
cadre culturel traditionnel. Il fait ainsi de l'enfant un étranger dans
son village. En d'autres termes, l'enseignement occidentalise l'enfant en ne
lui donnant pas une éducation conforme aux normes admises par son groupe
pendant que celui-ci est dans l'impossibilité d'utiliser les notions
reçues.
Deuxiemement, l'école provoque le mépris du
travail manuel, l'abandon de l'agriculture et l'émigration vers la
ville, parce qu'elle forme surtout du personnel de bureau. Cette critique est
d'ailleurs compréhensible si l'on songe à la disproportion qu'il
y avait de par le passé entre le salaire du moindre employé du
bureau et la modeste paye d'un ouvrier qualifié, et á la place
que tenait et tient encore la monnaie dans un pays qui en possède
peu.
Troisiemement, l'école provoque le chômage, le
vagabondage et la délinquance. Les jeunes se croient toutes les portes
ouvertes des qu'ils savent lire et écrire.
En quatrieme lieu, l'école fait que les enfants
deviennent des personnes qui ont une haute opinion d'elles-mêmes, des
«m'as-tu-vu » qui ne pensent qu'à la parure, à
la coquetterie et á la dépense.
En cinquieme lieu, l'école crée un
déséquilibre moral parce qu'elle supprime les tabous et fait
perdre le respect des parents et des supérieurs. L'enquête
rapporte le propos d'un ancien d'Ouganda: « La religion nous a
enseigné de très bonnes choses ; elle a
amélioré beaucoup de nos coutumes anciennes sans les supprimer.
Mais le gouvernement, lui, les a tuées par ses écoles.Les
Européens ont tué nos coutumes familiales ».
Toutefois, le rapport mentionne à la décharge de
l'école que si les tabous et interdits ont perdu leur force, c'est par
suite de l'évolution générale de la famille, de la
société, de l'accession d'éléments plus jeunes
à des fonctions de commandement jadis uniquement dévolues
á des anciens. Or, les parents n'ont pas hérité
l'autorité et le respect qui étaient l'apanage des anciens et du
clan. Ils n'ont pas été préparés à leur
rôle d'éducateurs et n'ont pas su imposer leur autorité
à leurs enfants. De sorte qu'ils se désistent trop facilement de
toutes leurs tâches sur l'école et en attendent tout.
16
Il suggére qu'il faudrait certainement s'appuyer
davantage sur les coutumes africaines pour enseigner certains impératifs
moraux à l'école, par exemple les régles de politesse, car
l'école ne les a pas supprimées, mais au contraire les
inculque.
Au compte des ouvrages ayant abordé l'école
coranique, l'Aventure ambiguë. Dans les deux premiers chapitres de son
oeuvre, Cheick Hamidou KANE dépeint sans complaisance les
réalités de vie dans une école coranique au triple plan
pédagogique, didactique et socioculturel.
La mémorisation et la récitation par coeur des
leçons sont les méthodes privilégiées de cette
école : « Le maître lkcha l'oreille sanglante(~) Le
maître qui tenait maintenant une bIche ardente tirée du foyer tout
proche regardait et écoutait l'enfant» Tout comme les
châtiments corporels sont courants : « Alors, verges, bitches
enflammées, tout ce qui lui tombait sous la main servait au
châtiment». 24
La mendicité, corollaire de cette forme
d'éducation est décrite avec une religiosité
déconcertante. Le seul but serait de cultiver l'humilité chez les
éduqués : «Qui nourrira aujourd'hui les pauvres
disciples ? Nos pères sont vivants mais nous mendions comme des
orphelins. Au nom de Dieu, donnez à ceux qui mendient pour sa
gloire». 25
L'auteur mentionne l'âge de recrutement qui est de sept
(07) ans comme à l'école classique avec une scolarité dont
la durée n'est pas déterminée. Mais tout porte à
croire que l'éléve peut mettre fin à sa scolarité
à la demande des parents comme ce fut le cas pour Samba Diallo, le
héro du roman.
Les conditions de vie, c'est l'austérité et
l'humilité qui exigent le mépris du luxe et du neuf : «
Le maître appela ensuite le disciple le plus pauvre, le plus mal
habillé du foyer et lui ordonna d'échanger ses hardes contre les
habits neufs de Samba Diallo»
L'apprentissage se fait en groupe mais de façon
individuelle, avec les disciples assis autour du maître, chacun lisant
à tue-tête sur sa tablette : « Chacun d'eux avait repris
sa
24 Cheick Hamidou KANE, l'Aventure
ambiguë, Edition ; Paris : Julliard, 1961, p. 15.
25 Ibid. p. 33.
tablette et rejoint sa place en un grand cercle. La parole,
scandée par toutes ces voix
26
juvéniles, montaitl sonore et bienfaisante au coeur
dXFmaî .
Le motif du rejet de l'école classique est
évoqué en ces termes : « Nous refusons l'école
pour demeurer nous- mrmes et pour conserver à Dieu sa place dans nos
coeurs.» ; en même temps qu'il juxtapose les arguments pour
accepter l'école : « Mais avons nous encore suffisamment de
force pour résister à l'école et de substance pour
demeurer nous-mêmes ? (...) Il est certain que rien n'est aussi
bruyamment envahissant que les besoins auxquels leur école permet de
satisfaire »27.
Le journal L'Evénement28 s'est penché
sur la question des enfants talibés des écoles coraniques de la
ville de Ouagadougou. Pour ce journal qui cite le Réseau National d'Aide
à l'Enfance, 43 % des enfants de la rue sont des talibés venant
des écoles coraniques de Hamdalaye (un quartier de Ouagadougou). Il voit
dans la nouvelle loi d'orientation de l'éducation des perspectives de
changement car les talibés et leurs fréres des écoles
islamiques sont, dit-il, les « parents pauvres du système
éducatif burkinabé » et sont victimes de
marginalisation.
Le journal relève le manque de reconnaissance
officielle des foyers coraniques qui ne sont pas pris en compte par le
Ministère. En même temps il rapporte les propos de Ismaël
Tiendrebéogo, juriste de formation et Imam du Cercle d'Etude, de
Recherches et de Formation Islamique (CERFI), pour qui : « même
si la loi ne cite pas expressément les foyers coraniques on peut
considérer qu'un parent qui envoie son enfant dans un foyer coranique
où le programme national n'est pas enseigné soustrait cet enfant
à l'obligation scolaire. »
Comme solution, il propose la réglementation des foyers
coraniques à l'exemple du Mali et du Sénégal qui ont
capitalisé de l'expérience dans ce domaine. Entre autres, les
écoliers de l'enseignement classique peuvent apprendre le coran à
travers des séances dispensées le soir après les cours
dans les mosquées ou dans les écoles coraniques.
26 Cheick Hamidou KANE, op.cit.p.33.
27 Ibid. p.20.
28 L'Evènement, op.cit.
18
Ali HAMADACHE 29 donne une définition de
l'école coranique avec mention de ses caractéristiques. Il lie
les causes de la mendicité à l'abandon des pratiques
d'activités économiques agricoles ou artisanales. Elle est,
mentionne --t-il, un phénomène social spécifique des
talibés répandu dans bon nombre de pays du Sahel, notamment au
Sénégal où il a pris de l'ampleur.
Par ailleurs, il décrit les conditions de vie et
d'étude dans les écoles coraniques. Quand bien même leur
emploi du temps fait alterner lecture du coran et mendicité, les
disciples passent en réalité le plus clair de leur temps à
demander l'aumône. Côté logement, ils se retrouvent par
dizaines tard dans la nuit dans des baraquements vétustes et mal
aérés où ils couchent à même le sol.
L'auteur relève cependant l'importance du rôle
que joue l'école coranique dans la lutte contre l'analphabétisme
et la promotion de la scolarisation des enfants. Il pense que la
généralisation de l'éducation de base en Afrique noire
passe, comme dans d'autres régions du monde, par la prise en compte de
l'enseignement islamique. Pour cela cette école doit être
adaptée afin d'éviter le risque de se transformer en «
écoles refuges » pour les pauvres et pour tous ceux qui n'ont pas
pu accéder à l'éducation publique.
HAMADACHE dénonce toutefois un risque de dérive
du fait de certains fondamentalistes ou intégristes musulmans qui
détournent cet enseignement de son véritable objectif en
procédant à des lavages de cerveau.
A la suite de HAMADACHE, nous avons lu l'Imam Tiégo
TIEMTORE sur «La place de l'école coranique de proximité
dans l'enseignement coranique et l'éducation de base des
talibés»30. L'auteur traite de l'importance du Coran
dans la vie du musulman et du droit à l'éducation selon le Coran
et la sunna. Il évoque la naissance de l'école coranique qui, en
tant que foyer d'apprentissage du Coran, aurait existé depuis le
début de l'Islam. A la Mecque, le prophète Mohamed (SAW) recevait
ses compagnons dans un lieu (la maison d'Arquam) pour leur apprendre
le Coran. Au fil de l'histoire, les modalités et conditions
d'apprentissage ont évolué et donné naissance à des
formules locales de transmission de l'enseignement du Coran.
29 Stefania Gandolfi, Cahiers d'études
africaines, 169-170, 2003, mis en ligne le 21 décembre 2006.
30 Forum régional sur la réforme des
foyers coraniques tenu à Bobo du 27 au 29 avril 2010.
Au Burkina Faso, l'école coranique aurait donc
été le premier cadre de formation des premiers musulmans, avant
l'apparition des medersas à l'indépendance et l'envoi des
étudiants arabophones au Maghreb ou dans les pays du Golfe, à
partir des années 60. Dans les finalités de cette école se
dégagent des constantes, transmises de générations en
générations et qui traduisent les aspirations des maîtres
coraniques.
L'Imam TIEMTORE mentionne les finalités de
l'école coranique en disant qu'elle assure les fonctions
d'éducation et d'instruction. Elle veille en
complémentarité avec la famille à éduquer les
jeunes au respect des bonnes moeurs, des règles de bonne conduite, ainsi
qu'au sens de la responsabilité et de l'initiative. Pour lui,
L'école coranique est appelée sur cette base à :
> développer le sens civique des enfants ;
> les éduquer aux valeurs de la citoyenneté en
recherchant à affermir en eux la conscience du caractère
indissociable de la liberté et de la responsabilité ;
> les préparer à prendre part à la
consolidation des assises d'une société solidaire fondée
sur la justice, l'équité, l'égalité des citoyens en
droits et en devoirs ;
> développer la personnalité de l'individu dans
toutes ses dimensions : morale, affective, mentale et physique ;
> affiner ses dons et ses facultés et lui garantir
le droit à la construction de sa personne d'une manière qui
éveille son esprit critique et sa volonté, afin que se
développent en lui la clairvoyance du jugement, la confiance en soi, le
sens de l'initiative et la créativité ;
> élever en eux le gout de l'effort et l'amour du
travail considéré comme valeur morale et susciter en eux
l'aspiration à l'excellence ;
> éduquer l'élève au respect des valeurs
communes et des regles du vivre ensemble ;
> garantir à tous les élèves, dans le
cadre de sa fonction d'instruction, un enseignement de
qualité qui lui permette d'acquérir une culture
générale et des savoirs théoriques et
pratiques ;
> développer leurs dons et leur aptitude à
apprendre par eux-mêmes et à s'insérer ainsi dans la
société du savoir.
Pour cela, l'école est appelée essentiellement
à donner aux élèves les moyens de :
> maîtriser la langue arabe en sa qualité de
langue cultuelle et culturelle de la foi musulmane ;
> posséder des notions élémentaires en
français, langue officielle du pays ;
20
> faire face à l'avenir de façon à
être en mesure de s'adapter aux changements et d'y contribuer
positivement.
L'Imam Tiégo TIEMTORE suggère une réforme
du foyer coranique à travers une école coranique dite de
proximité. En effet, il pense que la promotion de ce genre
d'école apparait de plus en plus comme une opportunité à
saisir et un idéal vers lequel il faudrait tendre à long terme.
Elle doit exister aux côtés de l'école classique car les
deux peuvent cohabiter harmonieusement et prouver que les élèves
des écoles classiques peuvent, s'ils le veulent, apprendre à la
fois le Coran. Son objectif serait de permettre aux élèves issus
des écoles coraniques ou aux intellectuels musulmans d'apprendre la
lecture du Coran et de posséder des notions de la langue arabe sans
rompre le lien avec la structure familiale d'origine. On n'aurait plus besoin
de s'éloigner de la famille pour apprendre le Coran. Cela permet aux
apprenants de bénéficier des vertus de la présence
familiale, d'apprendre dans des conditions meilleures - qui évitent la
mendicité entre autres - et d'apprendre autres choses à
côté de l'enseignement coranique le cas échéant.
Le cursus de l'école coranique de proximité
serait de moindre durée et peut être sanctionné par une
attestation de niveau, délivrée par le maitre coranique. Les
disciplines enseignées sont essentiellement le coran, la langue arabe,
l'éducation religieuse cultuelle. Les cours de langue arabe se feront
selon une méthode intensive, accompagnés d'exercices de maison.
Ce cursus prédispose à une formation plus solide que l'apprenant
devra chercher à accomplir plus tard.
Loin de remettre en cause les fondements de l'école
coranique, l'école de proximité se base sur des principes forts
suivants :
> Affirmation de la nécessité des écoles
coraniques ;
> L'école coranique ne doit plus être un obstacle
à l'acquisition d'autres connaissances ; > Fixation de minimum de
conditions nécessaires, notamment le cahier de charge ;
> Le maitre et la communauté musulmane au centre de la
réforme ;
> Vie pédagogique codifiée en termes de
redéfinition d'un nouveau cursus et de certification de la formation.
De même, nous avons été amené
à lire I'Imam Alidou ILBOUDOU31 dans : «Quelles
stratégies pour un meilleur apprentissage dans les centres
coraniques». Il fait savoir que l'école coranique
a longtemps été le seul cadre d'apprentissage de l'Islam. Il cite
de grands foyers coraniques qui ont existé à Nagringo, Yangdin,
Kiela, Sagbtenga, Lanfièra, Dandé, etc. Ces foyers ont
été pourvoyeurs de lettrés arabophones et d'élites
musulmans. L'enseignement coranique ne préparait pas à un
métier mais simplement à être croyant. Ces foyers ont
réussi à l'époque parce qu'ils étaient
intégrés au milieu et lui fournissaient des compétences
sociales dans le domaine religieux : marabouts, Imams, prêcheurs,
enseignants, et lettrés.
Il décrit les caractéristiques essentielles de
l'école coranique de l'époque comme suit : > l'enseignement
à lieu au domicile du maitre qui héberge les apprenants, les
nourrit et les soigne ;
> la dominance numérique des garçons au
détriment des filles qui y étaient acceptées aussi,
même si elles ne restaient pas longtemps ;
> la récitation mécanique et
ânonnée des versets sans compréhension par des groupes
d'enfants d'ages différents et de niveaux divers ;
> les fournitures scolaires très
élémentaires : ardoise de bois, un roseau taillé servant
de plume, un encrier en pot de terre, et au mieux un coran pour un groupe ;
l'encre est faite d'un composé d'eau, de gomme arabique et de noir de
fumée ;
> l'usage de châtiments corporels : le maitre utilise
une baguette souple pour chicoter les enfants qui se trompent ;
> l'enseignement individualisé : chaque enfant
travaille à son rythme et sur une ardoise sa partie du Coran
jusqu'à ce que le maitre l'autorise à la laver ;
> enfin la prise en charge de leur formation par les
apprenants : les élèves participent aux activités
agricoles, pastorales, artisanales et économiques du foyer ; dans le
même temps, ils sont astreints aux corvées du bois et d'eau.
En général, souligne l'auteur, l'enseignement
coranique dispensé était intégré au milieu si bien
que, au sortir du foyer, les élèves coraniques allaient
s'installer dans leur village où ils répercutaient l'enseignement
du maitre et devenaient ainsi des personnalités de premier plan.
Beaucoup, du fait que les privations ont forgé leur caractère,
réussissaient dans l'agriculture, l'élevage ou le commerce.
31 Communication faite le 27 avril 2010 lors du forum
régional de Bobo sur la problématique des écoles
coraniques au Burkina Faso
22
De nos jours cependant, pense l'Imam ILBOUDO, l'école
coranique a dévié de ses objectifs premiers qui étaient la
connaissance des textes religieux. Pour lui, le système a
dégénéré et cela a abouti à jeter
les enfants dans la rue pour mendier. L'emploi du temps normal alterne
apprentissage du Coran et recherche de la subsistance, mais en
réalité les talibés des villes passent le plus clair de
leur temps à demander l'aumône. Ils se couchent à
même le sol dans les salles vétustes et mal aérées,
dans des conditions qui ne garantissent pas toujours leur
sécurité.
L'auteur pense également que la question des
écoles coraniques est révélatrice de sérieux
dysfonctionnements qui se sont développés au sein de la
communauté musulmane à savoir la confusion entre textes religieux
et coutume-tradition. La crainte et la méfiance vis-à-vis de leur
environnement auraient entrainé le repli sur soi, le manque
d'initiative, l'absence de réforme et le manque d'évolution.
Aussi, conseille l'Imam ILBOUDO, faut-il promouvoir une
véritable mobilisation de tous les acteurs sociaux, communautaires et
étatiques afin de réformer un secteur longtemps
considéré comme un tabou. Dans cette perspective
d'amélioration de l'enseignement dans les centres coraniques,
pense-t-il, les axes suivants pourront se révéler prioritaires
:
De l'amélioration du cadre
institutionnel
Il s'agit de faire passer le système coranique du mode
de fonctionnement complètement libéral, c'est-à-dire sans
règlementation, où l'école coranique est conçue
comme une activité du secteur informel à un mode de
fonctionnement communautaire. Partant de ce fait, l'école coranique doit
dépendre de la communauté, de la société civile
dont elle tire ses références et ses valeurs. La
communauté musulmane doit être capable de répondre des
enseignements donnés à l'école coranique et assurer
à cet effet la tutelle pédagogique et administrative. Cela
suppose que des règles soient précisées se rapportant aux
questions telles que : Qui est habilité à être maitre
coranique ? Qui doit délivrer la reconnaissance ? Quelles sont les bases
de la certification ? Qui doit superviser ? Quelle doit être la
répartition des rôles entre l'Etat, la communauté
musulmane, la société civile, les maitres coraniques et les
parents ?
L'auteur estime que les gouvernants pourraient approcher les
promoteurs de manière coactive avec l'appui de certaines organisations
islamiques et acteurs de la société civile afin
24
d'accorder les points de vue et les compréhensions. Il
propose un cahier de charge pouvant comporter les points suivants :
> Etre majeur et même âgé de plus de 20 ans
;
> Justifier d'une formation certifiée par une
association islamique reconnue;
> Etre de bonne moralité, certifiée par la
communauté et les autorités judiciaires (casier judiciaire) ;
> Posséder un local décent : logement, latrine,
salle de lecture
> Etre de préférence marié et disposer
d'une adresse fixe ;
> Disposer d'un registre pour l'enregistrement de
l'identité, la provenance, la filiation, et l'adresse des parents des
enfants ;
> L'enseignant doit se prévaloir de la tutelle d'une
association légalement reconnue ; > Avoir des capacités pour
la mise en application du programme,
> Enfin, disposer d'un personnel qualifié à cet
effet.
De l'amélioration du cadre d'accueil
Le cadre de vie et d'apprentissage est un facteur à
priori dans la réussite d'une éducation. En termes
d'investissement, l'école coranique doit comporter des locaux
convenables aux effectifs, y compris des dortoirs, des salles de cours, des
toilettes et du matériel didactique. Le maitre coranique devra tenir
compte de la capacité d'accueil de son école dans le recrutement
des talibés. L'option de l'externat est de loin la meilleure. Dans le
pire des cas, les enfants internés ne sauraient travailler ou mendier
pour prendre en charge leurs études. L'apport des parents est de
préférence la premiere rémunération des maitres
avant toute autre subvention. L'école coranique de la mosquée, du
quartier, du secteur ou du village pourrait être une alternative aux
difficultés liées au « confiage » des enfants
loin de leur famille.
L'Imam ILBOUDO estime que les conditions actuelles ne
permettent pas à un individu seul d'avoir des infrastructures d'accueil
pour l'apprentissage d'une cinquantaine d'enfants sans la participation de
toute la communauté et parfois de l'aide financière des
partenaires. Pour cela, faire que l'école coranique appartienne au
village qui peut réunir les ressources nécessaires et non
à un maitre tout seul. Il propose de ce fait, dans un premier temps,
d'améliorer les contenus d'apprentissage et les méthodes. A ce
sujet il note que la recherche a longtemps ignoré le secteur de
l'enseignement coranique. Des études récentes font cas de la
possibilité d'intégrer des apprentissages nouveaux aux programmes
de l'école ancienne. Pour une éducation qui se veut complete il
faut que l'école prenne en compte tous
les besoins de l'être en devenir. Le temps est
maintenant révolu où l'enfant doit rester une dizaine
d'années au centre coranique d'où il sortait avec une
connaissance approximative du texte sacré. La langue d'apprentissage
doit être un levier pour que l'enfant acquière des
compétences en lecture (littéracie), en calcul
(numéracie), en langue, en discipline d'éveil scientifiques
(sciences). Tout cela passe par l'élaboration de curricula
intégrés à vocation nationale, qui prennent en compte des
modules du système d'enseignement formel ou à défaut ceux
du non formel comme l'alphabétisation. L'école coranique nouvelle
devra, au lieu d'enseigner aux élèves le métier du maitre
coranique comme de par le passé, former à des métiers dans
les centres spécialisés. En fait, la maîtrise
véritable de la langue arabe par l'introduction de nouvelles
méthodes devra favoriser un apprentissage rapide et réduire la
durée du séjour des talibés au centre.
Dans un second temps, il suggère d'organiser les
maitres coraniques et de renforcer leurs capacités. L'auteur souligne la
nécessité de formation théologique et pédagogique
des maitres coraniques qui s'engagent dans la nouvelle formule avec des remises
à niveau par des érudits de la communauté musulmane.
Véritablement, la recherche en éducation et les techniques de
développement personnel peuvent permettre un bon recyclage des maitres
coraniques aux fins d'améliorer leurs compétences
pédagogiques mais aussi de gestion. Le programme qui s'intéresse
aux médersas pourrait leur être dispensé.
En outre, en devenant un vrai corps de métier, une
vraie organisation professionnelle s'impose aux maitres coraniques. Cette
organisation pourrait, en vue de faciliter d'éventuelles interventions
de partenaires, tenir compte du découpage administratif national
à savoir les communes, les provinces, les régions. De même
qu'elle doit mettre fin à la pseudo-gratuité dont se
prévalent les écoles coraniques qui, en vérité,
n'en ont pas les moyens matériels, ni financiers.
Dans un troisième temps, il conseille d'établir
une passerelle entre l'école coranique et les autres systèmes
d'éducation et vice versa. A ce niveau, le communicateur évoque
des exemples d'autres pays où l'école coranique joue le
rôle d'institution préscolaire. L'enfant fréquente
l'école coranique de la mosquée des l'age de 4 à 6 ans
avant de rejoindre l'école classique formelle à 7 ans. Il cite
certains pays comme le Maroc et le Niger qui en ont fait l'expérience.
L'Imam ILBOUDO cite à ce propos Paré Afsatou Kaboré :
« Sur initiative des parents, certains des élèves vont
continuer dans les medersas ou rejoindre l'école coranique
après une tentative non réussie de
scolarisation dans les medersas ou l'école classique. Par ailleurs,
l'école coranique reçoit parfois des enfants de quatre ans qui,
à sept ans vont s'inscrire à l'école classique ou dans les
medersas. Enfin, les jeudis, jours congés à l'école prim
aire classique, certains élèves des cours classiques vont
étudier le coran à l'école coranique. Dans ce dernier cas,
on peut certainement parler d'une double fréquentation. Ce n'est pas le
cas lorsque l'échec dans une école formelle pousse les parents
à venir inscrire leurs enfants à l'école coranique,
l'inverse n'étant plus possible en raison du problème d'age qui
peut se poser pour l'entrée classique ».
Il cite des cadres burkinabé ou étrangers qui
sont passés par les foyers coraniques, notamment pour les plus connus :
Arba DIALLO, Salif SAWADOGO, Nouhoun BAKAYOKO ; preuve qu'il y a
possibilité d'établir une passerelle entre l'école
coranique et les institutions formelles d'enseignement.
Enfin, les conclusions des travaux32 du Projet de
lutte contre le trafic des enfants en Afrique de l'Ouest (PACTE) de Save of
Children Canada que nous avons lues également. Elles ont consisté
en un compte rendu d'une enquête sur les enfants talibés se
rapportant à leur âge, leur provenance, leur flux migratoire, leur
exploitation et leur situation au sortir du foyer coranique.
L'enquête a révélé que les
talibés sont des enfants, majoritairement des garçons,
confiés par leurs parents à un maître coranique pour y
apprendre le coran. Le Contrat traditionnel implique que le marabout enseigne
le coran et inculque aux enfants une des vertus essentielles,
l'humilité, par la pratique ponctuelle de la mendicité.
Cependant, a fait savoir le rapport, certaines écoles coraniques
comptent aussi des jeunes filles talibés. Elles sont très jeunes,
de 4 à 7ans, et souvent elles peuvent venir de la même ville ou de
tout près. En général leurs familles vivent à
quelques villages tout au plus de l'école coranique.
Concernant l'âge des enfants talibés,
l'enquête du projet a fait ressortir qu'ils sont tres souvent jeunes. Ils
entrent parfois à l'école coranique des l'âge de 4 ans et y
restent jusqu'à 18 ans. Les trois quart (3/4) des effectifs des
écoles coraniques sont formés surtout des jeunes
32 Lors de l'atelier de planification régionale
de mars 2006 à Bobo, organisé par PACTE, projet de «Aide
à l'enfance» Canada.
26
talibés du groupe d'age de 8 à 12 ans. Certains
parents confient leur enfant au maître coranique et lui abandonnent leurs
responsabilités parentales.
Abordant la migration des talibés, PACTE affirme que
certains maîtres coraniques sont migrants et d'autres sédentaires.
Il mentionne que tous les talibés ne sont pas des migrants et que
plusieurs vivent même au sein de leur famille. De même, tous les
enfants mendiants ne sont pas des talibés, quoiqu'un certain nombre
d'entre eux soient parfois des ex-talibés. Plusieurs jeunes mendiants
cherchent à se faire passer pour des talibés, ce qui facilite la
cueillette d'argent.
L'enquête sur la question migratoire a
révélé aussi que les enfants talibés se
déplacent beaucoup. Ils peuvent être appelés à se
déplacer avec le maître coranique sur de longues distances.
Pendant que les maîtres se déplacent en véhicule, les
enfants marchent sous la direction des plus grands. Il arrive que quelques-uns
se perdent dans les villes ou dans la brousse. Souvent très jeunes, ils
n'ont pas les informations nécessaires pour retrouver leur route. Ils
cherchent leur maître, n'ont aucun papier d'identité, ne savent
pas d'où ils sont.
Dans d'autres cas, les enfants talibés passent les
frontières pour aller suivre des enseignements auprès de
maîtres coraniques renommés. Tout au long de leur périple,
ils passent beaucoup de temps à mendier dans les lieux publics comme les
gares routières, les postes de contrôle, etc. Ils peuvent
être très exposés à toutes sortes d'agression et de
perversion. Il arrive qu'ils doivent travailler pour le compte du maître
coranique sans toucher de rémunération et parfois dans des
conditions très dures. Certains d'entre eux fuguent, fuyant les mauvais
traitements.
Néanmoins, des constances ont été
remarquées dans le flux migratoire des enfants. Ceux qui viennent du
Burkina Faso, par exemple, transitent souvent par Koury en route vers Sikasso,
Koutiala ou Ségou. Koury est une halte où ils passent facilement
deux à trois nuits, ou plus. Les talibés maliens migrent aussi
vers d'autres régions : les maîtres coraniques les amènent
souvent dans la région de Banfora, de Bobo Dioulasso ou Solenzo. Mais ce
mouvement n'a pas la même ampleur que celui des enfants burkinabé
au Mali, quoiqu'on retrouve des maîtres maliens avec des enfants maliens
au Burkina Faso.
S'agissant de leur provenance, rapporte «Aide à
l'enfance»33, beaucoup de talibés seraient des enfants
migrants du Nord Mali et du Burkina Faso, confiés par leurs parents pour
apprendre le Coran. La plupart du temps, ils sont non scolarisés.
Beaucoup de talibés rencontrés au Mali viennent du Burkina Faso,
où une croyance populaire veut que les écoles coraniques du Mali
soient supérieures. Les enfants talibés sont confiés,
recrutés ou donnés. On note parfois la présence
d'intermédiaires ou d'anciens élèves coraniques qui
confient leurs enfants à un maître.
Sur la question de leur exploitation, l'atelier note que dans
certains cas les enfants talibés sont un atout économique pour
leur maître. Ils sont loués parfois pour des travaux des champs ou
placés chez des employeurs au profit du maître. Cela s'explique
par les besoins financiers nécessaires aux maîtres coraniques pour
l'entretien de ces enfants que les parents leur confient sans financement.
C'est dire qu'entre la mendicité, les formations coraniques et les
travaux divers, les enfants talibés ont peu de loisirs. Ils sont
isolés socialement. Il leur reste relativement peu de temps pour
l'apprentissage du Coran. Leur situation est inqualifiable à ce point
que lorsqu'ils quittent le maître, il arrive à ces enfants de
perdre leurs repères familiaux, de ne plus savoir de quel village ils
sont. Certains deviennent effectivement marabouts ; d'autres, isolés et
sans repères autres que la rue, finissent par sombrer dans la
délinquance.
Ce sont là les questions qui ont été
abordées dans les ouvrages que nous avons consultés. Mais, il
nous a paru important d'élargir le champ par la lecture de quelques
textes de pédagogie et de loi qui fondent le droit de l'enfant à
une éducation de qualité et aussi à une protection
sociale. Ce droit que lui confère sa nature spécifique fait que,
même s'il est un
être humain à part entière, l'enfant doit
être éduqué pour devenir un être humain : «
Ce qui distingue l'homme de l'animal, c'est que l'homme ne peut devenir homme
que par l'éducation. », a écrit KANT.34
Du point de vue pédagogique, le devoir d'éduquer
s'explique d'abord par le fait que l'enfant vient au monde dans un état
d'inachèvement et d'incomplétude qui le laisse démuni de
capacités physiques, intellectuelles, psychologiques et morales
réelles. C'est à l'éducation
33 Lors de l'atelier de planification régionale
tenu à Bobo en mars 2006 (op.cit.)
34 Inspecteur Batiémoko KONE, La
psychopédagogie au service des enseignants, p.7
28
qu'il revient d'achever l'oeuvre de la procréation en
apportant de l'aide pour satisfaire ses besoins qui sont :
> Au plan physique : l'eau propre, la nourriture, les
vêtements, un toit pour s'abriter, une sécurité
vis-à-vis des conflits, le soin de santé, la protection contre
les abus, un cadre sécurisé de jeux ;
> Au plan social et culturel: l'éducation, la
liberté d'expression, de religion et d'opinion, une identité,
l'épanouissement, l'égalité de chance, la protection
légale contre l'abus et l'exploitation ;
> Au plan émotionnel et psychologique : l'amour, la
sécurité, l'attention et l'écoute, la liberté et la
discipline, la confiance et l'estime de soi, une vie de famille harmonieuse, la
liberté de choix, etc.
Son droit à l'éducation s'explique ensuite par
le fait que l'enfant n'a pas un destin bien déterminé à la
naissance. Il est plein de virtualités qui peuvent se développer
dans toutes les directions avec des risques de déviances pouvant
l'écarter de l'état humain souhaité par la
société. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre Locke lorsqu'il
écrit que : «Les neuf dixièmes des hommes sont ce qu'ils
sont : bons ou méchants, utilisables ou non par l'éducation.
C'est l'éducation qui fait la différence entre les hommes.
»35L'éducation va donc apparaître comme une
condition nécessaire pour faire naître les qualités
humaines spécifiques.
Du point de vue juridique également, l'enfant a droit
à l'éducation. Mais ce droit ne s'exerce pas
indépendamment de l'adulte. Il s'inscrit dans le droit des parents et de
l'Etat qui en déterminent les conditions de réalisation. C'est
pourquoi il est normal que les parents choisissent le genre d'éducation
qu'ils veulent donner à leurs enfants comme le stipule la charte
africaine des droits et du bien-être de l'enfant : « Les Etats
parties à la présente charte respectent les droits et devoirs des
parents et, le cas échéant, ceux établis par les
autorités publiques, sous réserve que celui-ci réponde aux
normes minimales approuvées par l'Etat, pour assurer l'éducation
religieuse et morale de l'enfant d'une manière compatible avec
l'évolution de ses capacités ».36
Dans le cas où, évoquant cette disposition qui lui
donne liberté de choix, le parent opte d'envoyer ses enfants à
l'école coraniquej l est nécessaire que toutes les mesures soient
prises
35 Recueil de 100 citations pédagogiques.
36 Article 2, alinéa 4.
pour sa reconnaissance et son intégration au
système scolaire national. Autrement, il y aurait comme une entorse
à cette autre disposition : « Les Etats parties s'engagent
à prendre des mesures immédiates et efficaces notamment dans les
domaines de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de
l'information, pour lutter contre les préjugés conduisant
à la discrimination raciale et favoriser la compréhension, la
tolérance et l'amitié entre les nations et groupes raciaux ou
ethniques, ainsi que pour promouvoir les buts et principes de la Charte des
Nations Unies, de la Déclaration Universelle des droits de l'homme, de
la Déclaration des Nations Unies sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination et de la présente convention
».37
Au Burkina Faso, l'enseignement privé est reconnu,
qu'il soit laïc ou confessionnel. L'enseignement privé étant
bien entendu celui qui est donné dans un établissement
privé, c'est-à-dire n'appartenant pas à l'Etat ou à
l'un de ses démembrements et qui applique en totalité ou en
partie le programme officiel d'enseignement. L'arrêté n°
2004-005 le caractérise en son article 3 : « Les
établissements privés d'enseignement de base sont laïcs ou
confessionnels. Toutefois, la spécificité d'un
établissement privé d'enseignement de base doit respecter les
libertés et l'éthique sociale et ne peut avoir pour effet
d'entraver le bon déroulement de la scolarité obligatoire, de
soustraire l'enfant à cette obligation ou de ne pas respecter les
programmes officiels de l'enseignement de base » A ce titre, et
suivant leur statut, nous avons pour ce qui concerne l'éducation de Base
: les écoles privées catholiques, protestantes, les medersas et
les écoles franco-arabes. Pour les deux derniers types, nous
précisons que : « Les medersas oil écoles franco-arabes
sont des établissements privés confessionnels où une
partie de l'enseignement est dispensée en arabe. »38
Conformément à cette disposition, la
liberté de choix doit impliquer pour le parent d'inscrire son enfant
dans l'un de ces établissements. Mais d'où vient que des enfants
se retrouvent dans des foyers coraniques? Comment justifier la mendicité
des enfants si ceux-ci ont droit à une vie décente et
d'être protégés contre les mauvais traitements ? Faut-il
ignorer les termes de la convention relative aux droits de l'enfant qui dispose
en son article 19 : « Les Etats parties prennent toutes les mesures
législatives, administratives, sociales et éducatives
appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de
violence, d'atteinte ou de brutalités
37
Convention internationale sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination raciale, article 7 cité par Vues d'Afrique, p.
74 à 75.
38 Décret n° 99-221/ PRES/PM/LMESSRS/MEBA
du 29 juin 1999, article 4.
30
physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence,
de mauvais traitement ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle,
pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou de
ses représentants légaux ou toute autre personne à qui il
est confié » ?
En réponse, s'il est avéré que l'enfant
court quelque danger, la législation burkinabé prévoit une
réglementation spécifique en instituant les procédures
d'assistance éducative, de la délégation de
l'autorité parentale et de la déchéance de
l'autorité parentale. Cette assistance éducative est
prévue à l'article 527 du Code des personnes et de la famille.
Elle consiste en l'ensemble des mesures que peut prendre le juge pour
protéger l'enfant en danger quelle qu'en soit la cause en cas de
défaillance de la famille. Elle est envisagée dans les cas
suivants :
> lorsque la santé, la sécurité ou la
moralité du mineur sont en danger,
> lorsque les conditions de l'éducation du mineur sont
compromises ;
> lorsque l'enfant, par son inconduite, sa prodigalité
met ses parents ou tuteurs dans l'impossibilité d'exercer leurs
prérogatives de direction ou de garde.
Par ailleurs, la Justice militaire des peines et des
infractions se veut plus formelle. Il est écrit à son article 245
: « Est punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans, toute
personne qui, ayant autorité sur un mineur, l'expose à la
délinquance ou le livre à des individus qui l'incitent ou
l'emploient à la mendicité.
X S'il s'agit des père et mère, la
déchéance de l'autorité parentale prévue par
les
dispositions du code des personnes et de la famille peut
être prononcée.
Toute personne qui détermine un mineur à
quitter le domicile de ses parents, tuteur ou patron ou qui favorise sa
délinquance est punie d'un emprisonnement de deux à six mois
».
I.2.6. Cadre conceptuel
Cette partie est consacrée à élucider
quelques concepts-clés qui contribueront à faciliter la
compréhension de nos travaux. Nous avons retenu pour cela : école
coranique, madrasah, talibé, marabout et mendicité.
> Ecole coranique :39 Traditionnellement,
c'est le premier enseignement que reçoit tout enfant dans les
sociétés islamiques. L'école coranique est
remplacée par les systèmes modernes d'éducation mais on en
trouve encore dans de nombreux endroits. Dans la langue courante on appelle
souvent ces écoles kuttàb ou m'seyyid, et les
enfants y passent quatre ou cinq ans pour apprendre à lire et à
écrire, recevant parfois des rudiments d'arithmétique. La
mémorisation du Coran tout entier constitue le couronnement de ce type
d'enseignement. Les voix à l'unisson de groupes d'enfants en train de
réciter le Coran composent une des tonalités les plus
caractéristiques de nombreuses villes islamiques traditionnelles. Quand
le Coran est mémorisé dans sa totalité, l'éducation
de l'adolescent est achevée, à moins qu'il ne continue son cursus
à la madarsah (enseignement secondaire). Comme les
systèmes modernes d'éducation ont remplacé de nos jours le
système traditionnel, l'école coranique joue de plus en plus un
rôle d'institution préscolaire, ou son parallèle
éducatif, pour les jeunes enfants.
Habituellement, le professeur est payé à
intervalle régulier, à mesure que l'élève avance
dans la connaissance du Coran. La sourate ar-Rahamàn, marque
une étape importante; le professeur reçoit alors une
gratification, souvent sous forme de moutons. (Les paiements sont
effectués par portion de Coran réellement
mémorisée. La coutume pré --islamique puis islamique
retient comme base de rémunération la tâche accomplie, et
non l'effort ou le temps qu'on lui a consacrés). De plus, un mouton est
sacrifié et une cérémonie appelée le
nafasarRahamàn (l'insufflation du souffle du
Miséricordieux) est célébrée pour l'enfant.
Dans les écoles coraniques, on écrit
habituellement sur des tablettes de bois appelée lawh, sur
lesquelles on a passé un mélange de chaux pour donner une surface
propre et lisse, et pour pouvoir effacer les leçons
précédentes. L'encre est un mélange de charbon de bois
additionné d'eau ; le calame est un roseau aiguisé et dont la
pointe est taillée à un angle de manière à pouvoir
rendre les pleins et les déliés caractéristiques des
lettres arabes. Certaines des tablettes d'élève peuvent
être magnifiquement décorées par la calligraphie du
professeur pour être montrée à la maison aux parents
marquant ainsi que la classe a atteint un stade particulier de l'apprentissage
du Coran.
Au regard de ces définitions, nous retenons pour notre
part que les différentes appellations : école coranique, foyer
coranique et centre coranique désignent une seule et
39 BORDAS, Dictionnaire encyclopédique de
l'Islam, p. 90.
32
même réalité. Aussi, emploierons-nous
indifféremment l'un ou l'autre terme pour désigner la même
école.
> Madrasah désigne littéralement un
« lieu d'étude » ; pluriel, madaris.
C'est une école traditionnelle d'enseignement
supérieur, dans le sens où ses élèves
étaient supposés avoir déjà mémorisé
le Coran tout entier. Le cursus correspondait au trivium des arts
libéraux (grammaire, logique et rhétorique) et comprenait du
droit (fiqh) ; les systèmes mathématiques traditionnels
(abjad) ; la littérature, l'histoire, la grammaire à un
niveau plus poussé, le calcul des heures de la prière,
l'exégese et la psalmodie du Coran et ainsi de suite. On y enseignait
parfois également la médecine et l'agronomie.
Mais, dans la pratique, la medersa est un
établissement d'enseignement privé où les cours sont
dispensés en langue arabe mais traduits en langue nationale. Ce qui nous
amène à dire que c'est une école bilingue même si on
y étudie fondamentalement la religion musulmane avec l'arabe comme
langue d'enseignement.
Cette définition nous rapproche de celle donnée
dans le décret n°99-221 portant réglementation de
l'enseignement privé au Burkina Faso ainsi formulée : «
Les medersas ou écoles franco-arabes sont des établissements
privés confessionnels oil une partie de l'enseignement est
dispensée en arabe. »
C'est en fait à partir de 1973-197440 que
l'Etat s'est engagé à reconnaître la medersa comme
établissement d'enseignement à travers des textes organiques,
notamment le décret 74-130 PRES/EN/ de mai 1974 portant
réglementation de l'Enseignement Privé en Haute-Volta. Ceci
aurait eu pour effet l'implication de l'autorité éducative
à la gestion administrative et pédagogique, ainsi que la
promotion de l'enseignement medersa à travers les structures centrales
et décentralisées du Ministère de l'enseignement de
base.
Toutefois, selon l'auteur, l'implantation des premieres
écoles a eu lieu dans les zones situées près du Mali
actuel. Ce sont celles de Bobo --Dioulasso, de Nouna, de Tougan et de
Ouahigouya qui ont bénéficié de certains facteurs tels la
proximité avec le Mali fortement islamisé et islamiquement plus
avancé et la libre circulation des érudits.
4° M. OUEDRAOGO, Enseignement de Base et enseignement dans
les Medersa au Burkina Faso : cas de la province du Yatenga, Mémoire de
fin de formation, 2004, p. 17 à 18.
34
Citant Issa CISSE, il repartit les medersas du Burkina Faso en
trois catégories suivant leurs fondateurs :
> les fondateurs inspirés du réformisme
(mouvement qui prône « un retour à l'Islam essentiel et de
fidélité stricte au Coran »). Il s'agit par exemple de la
famille Diénépo à Bobo Dioulasso ; Ibrahim DIENEPO
créa son école en 1955-1956;
> les medersas créées par l'Union Culturelle
Musulmane (UCM). Ce sont par exemple celles de Sikasso-Cira à
Bobo-Dioulasso en 1958, de Tougan en 1959, de Nouna en 1957 et de Ouagadougou
en 1959 ;
> les medersas fondées et entretenues par la
communauté musulmane. Il s'agit par exemple de celle de Ouahigouya,
créée en 1965.
En dépit de leurs caractéristiques qui sont bien
distinctes, certaines personnes tendent à confondre medersa,
école franco-arabe et école coranique. Aussi, avons-nous
jugé utile de répondre à la question sur la
différence entre ces trois structures.
Nous dirons d'abord que l'école franco-arabe est une
école où les langues d'enseignement sont à la fois l'arabe
et le français. C'est en fait une medersa qui a intégré le
français dans ses programmes. Dans ce type d'école nous avons
généralement les enseignants affectés soit à
l'enseignement du programme arabe soit à l'enseignement du programme
français. On y enseigne non seulement la religion mais aussi certaines
matières officielles. Les langues d'enseignement sont le français
et l'arabe.
A propos de la différence entre medersa, école
franco-arabe et école coranique, Ali HAMADACHE cite : « La
medersa est mieux organisée et structurée que l'école
coranique qui se réfère à une tradition immuable dans tous
les domaines Elle ne s'adresse qu'aux citadins et concurrence l'école
publique là où les deux écoles existent A l'origine elle
concernait les jeunes hommes à partir de 25 ans, mais après, avec
le progrès de l'enseignement de l'arabe, elle devient
l'équivalent de l'école primaire et secondaire
publique».41
C'est à partir des années 1950, poursuit HAMADACHE,
que les premieres medersas furent ouvertes dans les pays à colonisation
française, tandis que leur apparition est bien
41 Khayar, 1976, p.77.
antérieure dans les colonies britanniques. Au Ghana,
leur ouverture daterait de 1889. Deux raisons sont avancées pour
expliquer cette différence. La première, les Anglais semblaient
moins intéressés par l'assimilation culturelle des populations
colonisées que par leur exploitation économique. La
deuxième42 : « dans les colonies britanniques le
courant réformiste dominant était plutôt de tendance
moderniste, c'est-à-dire il visait l'efficacité de l'enseignement
islamique par la synthèse de l'Islam et de l'Occident».
Des ses débuts, écrit l'auteur, la medersa prend
en Afrique deux orientations : la premiere, moderniste à l'image de
l'Ecole européenne, où on étudie l'arabe, l'islam et les
disciplines scientifiques à partir d'une langue européenne ; la
seconde, conservatrice, a pour modele le monde arabe avec la langue arabe comme
langue exclusive d'enseignement. Il cite à nouveau : « D'une
part les medersas dé-maraboutisent l'islam en dénonçant
les erreurs pédagogiques des écoles coraniques, l'ignorance des
marabouts, et, de l'autre, elles centrent la formation sur l'acquisition des
connaissances scientifiques (mathématiques, physique, sciences
naturelles, apprentissage systémique de l'arabe, formation
idéologique et religieuse ».43
Adama OUEDRAOGO44 fait la distinction en
écrivant que : « La medersa est un établissement dans
lequel sont dispensés des cours sur différentes matières
littéraires, sociales, scientifiques et religieuses en arabe. Le besoin
de communiquer en français, la recherche du travail et aussi le prestige
du français ont amené les fondateurs à introduire
l'apprentissage de cette langue dans les programmes Cet ajout a donné
lieu à une typologie des medersas au Burkina Faso : une «
école medersa » est celle qui dispense les cours uniquement en
arabe, alors qu'une « école franco-arabe » enseigne en arabe
et en français. »
L'auteur évoque les programmes des différentes
écoles ainsi qu'il suit :
Dans les écoles coraniques, le programme se compose de
matières religieuses et de la langue arabe. Pour la religion, on a trois
matières à savoir le coran, le fiqh et le
tawhid. Le fiqh traite deux domaines :
al-ibadàt qui sont les pratiques religieuses comprenant les
cinq piliers de l'islam (la priere, le jeune de ramadan, la zakat et
le
42 Kanvaly FADIGA ; 1988, p. 173
43 Ibid. p.174
44 op.cit.
pèlerinage à la Mecque) et
al-mu-àmalat qui sont les rapports entre les humains comme le
crédit, le commerce, le mariage, le baptême, etc.
Le tawhid ou al-aqidàt traduit
littéralement par unicité de Dieu, la croyance, traite des
attributs de Dieu, des livres révélés, des
prophètes, du destin et de la résurrection. Pour ce qui est de la
langue arabe, elle a cinq matières : la littérature, la
conjugaison, la grammaire, la lecture et l'écriture.
v' Dans les medersas du cycle primaire du Burkina Faso les
matières enseignées en général sont la langue arabe
à travers : la lecture, l'écriture, la grammaire, la conjugaison,
l'orthographe, la dictée, la rédaction, l'expression orale et
l'expression écrite ; les matières religieuses comprennent : la
Coran, la jurisprudence, le hadith, le tawhiid, la morale, la biographie du
prophète et l'histoire islamique ; la science sociale est
composée de l'histoire, de la géographie et de l'éducation
civique ; la langue française se compose de : la lecture,
l'écriture, la grammaire, la conjugaison, l'orthographe, la
dictée, la rédaction, l'expression orale et l'expression
écrite ; et les matières scientifiques sont constituées du
calcul, de la géométrie, de l'arithmétique et des
sciences.
Ces matières sont en fait celles que recommande le
programme officiel de 1989-1990 du Ministère de l'Enseignement de Base
et de l'Alphabétisation.
Pour OUEDRAOGO Mahamadi45, la medersa enseigne la
lecture, l'expression orale, l'expression écrite, le vocabulaire, la
grammaire, l'orthographe et le calcul. Selon la place accordée à
l'utilisation de la langue dans une école on peut distinguer le type
auquel il appartient. Le type 1 appelé medersa arabe regroupe toutes les
écoles où les enseignements sont faits en arabe utilisé
à 75 % et en français utilisé à 25% surtout dans le
sens d'une alphabétisation. Le type 2 appelé « école
franco-arabe » regroupe les écoles où le français est
utilisé comme objet et langue d'enseignement (75%) et l'arabe (25%)
utilisé comme matière et langue d'enseignement dans les
disciplines religieuses et en calcul.
Quant aux programmes, ils sont les mêmes que dans les
autres écoles primaires et pour tous les cours du CP1 au CM2 avec les
mêmes thèmes et contenus pédagogiques.
45 M. OUEDRAOGO, Enseignement de Base et enseignement
dans les Medersa au Burkina Faso : cas de la province du Yatenga,
Mémoire de fin de formation, 2004, p.22
36
De ce qui précède, nous retenons que la medersa
et l'école franco-arabe sont des établissements d'enseignement
qui se rapprochent des écoles classiques par leurs structures, leur
organisation matérielle, administrative et pédagogique. Elles se
distinguent des écoles coraniques où l'enseignement se
déroule dans des foyers avec les talibés s'asseyant par terre et
avec du matériel didactique rudimentaire et des méthodes
pédagogiques archaïques.
> Talib ou talibé veut dire littéralement
« celui qui demande », « celui qui cherche » ;
c'est-à-dire un étudiant. A l'origine, le terme désignait
seulement un étudiant dans le domaine de la religion. Dans certains
pays, talib sert à désigner le disciple d'un
maître spirituel.
> Marabout46 est un mot français
dérivé de l'arabe marbùt « attaché
» dans le sens d'attaché à Dieu. Terme utilisé en
Afrique du Nord et en Afrique occidentale pour désigner un saint ou le
descendant vénéré d'un saint. Même si la
vénération des saints existe dans une certaine mesure à
travers tout le monde islamique, ce phénomène constitue une
importante dimension de la spiritualité dans l'Occident arabe et dans
l'Ouest africain. Seules les régions placées sous la domination
Wahhabite ont totalement éradiqué toutes les
manifestations de dévotion aux saints qui existaient auparavant.
Le saint est considéré comme exerçant une
influence spirituelle ou comme bénéficiant d'une grace ou d'une
bénédiction (barakah) particulière qui peut
s'attacher indéfiniment à sa tombe et être
bénéfique à ceux qui visitent celle-ci. L'intercession est
fréquemment sollicitée dans les prières ; en fait, une
famille peut aussi posséder la barakah, qui se transmet de
génération en génération chez les descendants d'un
grand saint, bénédiction marquée par une
piété particulière plutôt que par des dons de
guérison comme cela était attribué aux familles royales
françaises ou britanniques.
En Occident arabe, les coupoles caractéristiques des
tombeaux des saints parsèment le paysage et les fêtes des saints
(mawsim en arabe) rythment l'année, occasions de rassemblements, parfois
de plusieurs milliers de personnes, de foires, de fantasias et autres
célébrations.
46 BORDAS, Dictionnaire encyclopédique de
l'Islam.
« Marabout » est un terme plus souvent
employé en français qu'en arabe, et est particulier aux
régions d'Afrique du Nord et de l'Ouest ayant fait partie de l'empire
colonial français.
Maraboutisme est un mot français inventé
pour désigner la vénération des saints.
> Mendicité47 : Pratique mal vue par
le droit islamique ; en revanche, le don d'aumônes (Sadaqah) est
un devoir religieux qui purifie l'âme. Il n'est pas licite de mendier si
l'on a de quoi subvenir à ses besoins pendant un jour et une nuit. Des
derviches adoptèrent cependant la mendicité comme moyens
d'existence. Voici ce qu'al-Hujwiri disait : Il existe trois motifs valables
pour mendier, comme de nombreux Shaykhs l'ont dit : d'abord pour
l'amour de la liberté de l'esprit, puisqu'aucun souci n'est plus
préoccupant que celui de s'assurer de sa nourriture ; ensuite, pour la
discipline de l'âme : les soufis mendient parce que c'est
particulièrement humiliant et que cela les aide à prendre
conscience de leur peu de valeur dans l'opinion des autres et ils
évitent ainsi les écueils de l'autosatisfaction ; enfin , c'est
une preuve de respect pour Dieu si un serviteur mendie auprès d'hommes
qu'Il considère tous comme Ses serviteurs car cela dénote une
plus grande humilité que de s'adresser à Dieu directement.
Les règles de la mendicité sont les suivantes :
si tu mendies et que tu n'obtiens rien, montre-toi plus joyeux encore que si tu
avais obtenu quelque chose ; ne mendie pas auprès des femmes ou des gens
qui trainent dans les bazars et autant que faire se peut, fais le dans un
esprit altruiste ; ne garde jamais ce que tu as récolté pour
embellir ta mise, pour ta maison ou pour acquérir des biens. Tu dois
vivre dans l'instant : ne laisse aucune pensée du lendemain entrer dans
ton esprit, ou bien tu es perdu. La règle ultime est de ne jamais
exhiber ta piété dans l'espoir que cela te vaudra des
aumônes plus substantielles.
Une fois j'ai vu un vénérable soufi qui
s'était perdu dans le désert arriver au marché de Kufah a
moitié mort de faim et criant : « Donnez-moi quelque chose pour
l'amour de ce moineau ! » Les gens lui demandèrent : «
Pourquoi dis-tu cela ?» Il leur répondit : « Je ne puis dire :
pour l'amour de Dieu, car c'est à une créature insignifiante de
réclamer des choses de ce bas-monde ».
47 BORDAS, op.cit. p. 373
CHAPITRE II : METHODOLOGIE
38
La méthodologie est l'«ensemble des enjeux
relatifs au choix des méthodes de recherche et des techniques de ,
48
llecte et d'analyse des donnees.» Celle que nous
avons choisie se fonde sur l'approche qualitative qui est la «
manière d'aborder l'étude des phénomènes qui met
l'accent sur la compréhension»49.
Dans ce chapitre nous précisons le champ de la
recherche, le public cible, l'échantillon, la technique de collecte des
données, la validation des instruments et le mode d'administration des
outils.
II.1. Présentation du champ d'étude
L'étude porte sur les écoles coraniques et
l'éducation des enfants talibés. Elle se méne dans la
ville de Dédougou, chef --lieu de la province du Mouhoun. Cette province
forme avec cinq autres la Région de la Boucle du Mouhoun : les
Balé, les Banwa, la Kossi, le Nayala et le Sourou.
La Région de la Boucle du Mouhoun est située au
Nord-ouest du Burkina Faso. Elle est limitée au Nord et à l'Ouest
par le Mali sur une frontiére de prés de 437 Km. Au Sud, la
région des Hauts-Bassins et celle du Sud-ouest ; à l'Est elle est
limitée par les régions du Centre-ouest et du Nord. Elle couvre
une superficie de 34 497 km2, soit plus de 12% du territoire
national.
Sur le plan administratif, la région comprend six (06)
provinces, 47 départements et 1 042 villages regroupés au sein
des 06 communes urbaines et 41 communes rurales50. La province du
Mouhoun est la plus peuplée avec 20,6 % de la population
régionale. Elle est suivie de la Kossi qui regroupe 19,3 % de la
population de la Région, tandis que la province du Nayala occupe le
dernier rang avec seulement 11,3 % de la population. Le tableau cidessous donne
des indications concernant la répartition de la population par province
selon le sexe.
48 Sylvain Giroux et Ginette Tremblay,
Méthodologie des sciences humaines, 2ème
édition, p. 251
49 Ibid.
50 INSD, Monographie de la Région de la
Boucle du Mouhoun, décembre 2009
Tableau n°3 : Répartition de la
population de la Boucle du Mouhoun par province et selon le sexe
PROVINCES
|
SEXE
|
Masculin
|
Féminin
|
Total
|
MOUHOUN
|
148 089
|
149 261
|
297 350
|
KOSSI
|
138 459
|
140 087
|
278 546
|
BANWA
|
132 052
|
137 323
|
269 375
|
SOUROU
|
108 952
|
111 670
|
220 622
|
BALE
|
105 582
|
107 841
|
213 423
|
NAYALA
|
81 208
|
82 225
|
163 433
|
TOTAL
|
714 342
|
728 407
|
1 442 749
|
Source : INSD/ décembre 2009
Dédougou est également la commune la plus
peuplée de la province du Mouhoun. Au plan régional, elle occupe
le deuxième rang. Elle vient avec 6 % après Solenzo qui
détient 8% de la population de la région. Le tableau suivant
démontre les effectifs des populations de la province du Mouhoun par
commune.
Tableau n°4 : Répartition de la
population de la province du Mouhoun par commune
COMMUNE DE RESIDENCE
|
Effectif
|
Poids des Communes en %
|
DEDOUGOU
|
86 965
|
6,0
|
BONDOKUY
|
50 527
|
3,5
|
SAFANE
|
48 911
|
3,4
|
TCHERIBA
|
39 707
|
2,8
|
OUARKOYE
|
38 830
|
2,7
|
KONA
|
19 606
|
1,4
|
DOUROULA
|
12 804
|
0,9
|
Total Province du Mouhoun
|
297 350
|
20,6
|
Source : INSD/ décembre 2009
40
De par sa situation géographique51,
Dédougou est reliée à Ouagadougou par la route nationale
n°10 et à Bobo Dioulasso par la nationale n°14. La ville est
distante de Ouagadougou de 230 km sur les axes Dédougou-- Koudougou-
Ouagadougou et de Bobo Dioulasso de 175 km sur l'axe Dédougou- Bobo.
A l'échelle communale, Dédougou s'étend sur
une superficie de 1352,56 km2 (base de donnée IGB),
soit environ 19,68 % de la superficie totale de la province. Elle est
limitée :
- à l'Est par la commune de Douroula ;
- - à l'Ouest par les communes de Sanaba et Bourasso ;
- - au Nord par les communes de Sono et Gassan
;
- au Sud par les communes de Ouarkoye et Kona ;
- et au Sud - Est par la commune de
Safané.52
II.2. Population-cible
La population est «l'ensemble de tous les
éléments auxquels le chercheur veut appliquer les conclusions de
son étude.»53
Dans le cas de notre étude qui concerne les
écoles coraniques, notre population cible est constituée
essentiellement de personnes vivant en milieu urbain dans la commune de
Dédougou. Nous avons ciblé cette ville parce que, à la
fois chef-lieu de commune, de province, et de région, elle regroupe une
forte concentration de la population dans sa grande diversité
socioculturelle. Il s'agit en fait des 38 862 habitants, soit 44,7 % de la
population communale. Le reste de la population étant réparti
dans les trente-sept (37) villages.
Tableau n°5 : Répartition spatiale
de la population de la commune en 2006
COMMUNE
|
Population en 2006
|
Effectif
|
Proportion
|
|
|
(%)
|
Dédougou urbain
|
38 862
|
44,7
|
Dédougou rural
|
48 103
|
55,3
|
TOTAL
|
86 965
|
100
|
Source : Plan communal de
Développement de Dédougou
51 Plan communal de Développement, Rapport
final de décembre 2009.
52 Ibid.
53 Sylvain Giroux et Ginette Tremblay, op.cit. p.95
Dans le domaine de l'éducation54,
Dédougou compte cinq (05) Centres d'Eveil et d'Education
Préscolaire (CEEP) dont un (01) public et quatre (04) privés. Les
effectifs sont de dix-huit (18) encadreurs (éducateurs et
monitrices) et de 329 enfants dont 160 garçons et 169 filles.
Au niveau du primaire, la circonscription de Dédougou I
comprend les écoles de la ville qui sont au nombre de 22 (13
publiques et 09 privées) tandis que Dédougou II couvre les
écoles (30 écoles publiques) des villages de la
commune.
Les effectifs scolaires ont connu une hausse significative ces
dernières années. Entre 2006 et 2009, ils sont passés de
11 095 à 13 254. Pendant la même période, les effectifs des
garçons sont passés de 5 913 à 6 927 contre 5 182 à
6 327 pour les filles.
Tableau n°6 : Evolution des effectifs des
élèves dans la commune
CEB
|
|
2006-2007
|
|
|
2007-2008
|
|
|
2008-2009
|
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
Dédougou I
|
3
|
350
|
3
|
297
|
6
|
647
|
3
|
616
|
3
|
652
|
7
|
268
|
3
|
714
|
3
|
840
|
7
|
554
|
Dédougou II
|
2
|
563
|
1
|
885
|
4
|
448
|
2
|
911
|
2
|
193
|
5
|
104
|
3
|
213
|
2
|
487
|
5
|
700
|
TOTAL
|
5
|
913
|
5
|
182
|
11
|
095
|
6
|
527
|
5
|
845
|
12
|
372
|
6
|
927
|
6
|
327
|
13
|
254
|
Source : DPEBA - Dédougou
Il existe dans la commune une disparité au niveau du
taux brut de scolarisation (TBS) selon le genre. En 2009 la CEB de
Dédougou I avait des TBS de 88,35 % pour les filles contre 87,01 % pour
les garçons. Cela démontre que les filles sont les plus
scolarisées. Par contre dans la CEB de Dédougou II pour la
même année, c'est la tendance inverse avec un TBS de 63,35 % pour
les garçons contre 55,25 % pour les filles. Cependant, on note une
évolution d'ensemble du TBS de la commune comme le montre le tableau
ci-dessous :
54 Les données présentées ici
sont celles de 2009 prises dans le Plan communal de Développement de
Dédougou. Celles de 2010-2011(de la DREBA-BMHN) font ressortir 23
écoles primaires comprenant 14 écoles publiques, 03 écoles
catholiques, 02 écoles protestantes, 02 écoles franco-arabes, et
02 écoles privées laïques avec un effectif total de 8
251dont 4148 filles et 4103 garçons.
42
Tableau n°7 : Evolution du Taux Brut de
Scolarisation dans la commune (2006-2009)
|
2006-2007
|
2007-2008
|
2008-2009
|
CEB
|
|
|
|
|
TBS (%)
|
TBS (%)
|
TBS (%)
|
Dédougou I
|
83,65
|
86,66
|
87,69
|
Dédougou II
|
53,67
|
55,89
|
59,5
|
Source : DPEBA - Dédougou
Au plan de l'alphabétisation, la commune de
Dédougou comptait en 2009 huit (08) Centres Permanents
d'Alphabétisation et de Formation (CPAF) construits et deux (02) Centres
d'Education de Base Non Formelle (CEBNF). Mais on notait environ 184 sites
d'alphabétisation avec un effectif de 184 animateurs. Les femmes
étaient estimées à 852 contre 737 hommes. Les principales
langues enseignées étaient : le Dioula, le Bwamu, le
Fulfuldé et le Mooré.
II.3. Echantillon
Par définition, l'échantillon est la «
fraction d'une population cible dont certaines caractéristiques vont
être mesurées. »55
Nous avons retenu dans ce sens cinq catégories de
participants pour constituer notre échantillon d'étude. Il s'agit
des promoteurs d'écoles coraniques, des enfants talibés, des
parents d'enfants talibés, des responsables de la communauté
musulmane, notamment le président de la communauté musulmane et
l'Imam de la grande mosquée ; les autorités pédagogiques
à savoir le Chef de circonscription d'éducation de base de
Dédougou I, le Directeur provincial de l'Enseignement de Base et de
l'Alphabétisation du Mouhoun, et le Directeur régional de
l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation de la Boucle du
Mouhoun.
Le choix des promoteurs se justifie par le fait que ce sont eux
qui fondent et gèrent les écoles coraniques. Ils sont à
l'origine de la survie, ou de la disparition de ces écoles.
55 Sylvain Giroux et Ginette Tremblay, op.cit p. 95
S'agissant du choix des parents d'enfants talibés, il
est dü au fait que ce sont ces derniers qui conduisent les enfants aux
maîtres coraniques. Les foyers s'éteindront si aucun parent ne
donne son enfant. Leur rôle est déterminant dans le
système.
Concernant le choix des enfants talibés
eux-mêmes, il se fonde sur deux raisons. D'abord parce qu'ils sont les
bénéficiaires de l'action éducative ; ensuite parce qu'il
est du droit de l'enfant d'être associé à toutes actions
touchant son intérêt supérieur.
Parlant du choix des responsables de la communauté
musulmane, nous avons estimé qu'ils sont mieux indiqués pour
parler des questions religieuses si tant est qu'il faut donner les fondements
de certaines pratiques. De plus, ils sont représentatifs de toute leur
communauté.
Quant au choix des autorités pédagogiques, il
tient au fait que ceux-ci sont des encadreurs pédagogiques. De par les
postes qu'ils occupent, ils sont aussi les représentants du
Ministère de l'Education nationale au plan local. Par conséquent,
plus avertis de la politique éducative de l'Etat.
II.4. Méthodes de recherche et techniques de
collecte des données
II.4.1. La méthode de recherche
Pour Sylvain Giroux et Ginette Tremblay56, il
existe, en tant que stratégies d'investigation scientifique, trois
méthodes de recherche en sciences humaines: la méthode
d'enquête, la méthode expérimentale, et la méthode
d'analyse de traces.
Au regard de notre theme d'étude, nous avons choisi la
méthode d'enquête pour notre recherche. Elle est par
définition57 une méthode de recherche qui consiste
à mesurer des comportements, des pensées ou des conditions
objectives d'existence auprès des participants afin d'établir une
ou plusieurs relations d'association entre un phénomène et ses
déterminants. Dans la démarche, nous avons mis l'accent sur la
compréhension des phénomènes. C'est dire que notre
approche est qualitative.
56 Sylvain Giroux et Ginette Tremblay, op.cit. p.
251
57 Ibid.
II.4.2. Techniques de collecte des données
44
Pour la collecte des données nous avons utilisé des
entretiens, l'observation directe et la recherche documentaire.
L'entretien a consisté pour nous à
réaliser une interview à partir d'un guide d'entretien que nous
avons administré. Toutefois les répondants sont restés
libres de leurs réponses. Nous avons choisi cette technique parce
qu'elle permet d'être en contact direct avec les personnes ressources.
Elle est mieux adaptée à nos enquêtés en
majorité analphabètes. Elle donne l'opportunité de
repréciser les questions et de se faire comprendre mieux. (Confer guides
d'entretien en annexe).
En considération des catégories de personnes
ressources sollicitées, il a été prévu cinq (05)
guides d'entretien. Les entretiens ont porté sur les aspects suivants
:
> avec les maîtres coraniques, l'identification du
foyer, les aspects pédagogiques, administratifs, la question de la
mendicité, les conditions de recrutement et d'études, la
discipline, la loi sur l'obligation scolaire et les difficultés
affrontées au quotidien ;
> avec les parents, les motivations par rapport au choix
éducatif, l'apport financier ou matériel, la mendicité,
leur appréciation de l'école coranique et la loi sur l'obligation
scolaire ;
> avec les enfants talibé, l'adresse des parents,
les matières étudiées, le temps d'apprentissage, les
punitions, les activités parallèles, leurs entretiens et leur
métier de rêve ;
> avec les services techniques, le statut et le type
d'écoles, la prise en compte des écoles coraniques, le droit
à l'éducation des enfants talibés et les stratégies
d'intégration des talibés au système éducatif ;
> avec l'Imam et le président de la
communauté musulmane, leur rapport avec les écoles coraniques,
l'enseignement dispensé, leur regard sur la mendicité, les
châtiments corporels, la loi sur l'obligation scolaire, leur
appréciation de l'éducation dans les foyers coraniques et leurs
suggestions pour une bonne scolarité des talibés.
Pour l'observation directe, nous nous sommes servi d'une grille
que nous avons remplie. Dans le cas présent, l'observation n'a pas
porté sur les comportements des
personnes ; mais plutôt, elle a consisté en la
description du cadre physique dans lequel l'enseignement/apprentissage et
l'hébergement des enfants talibés s'effectuent. Les informations
obtenues sont celles que nous avons recueillies dans les foyers coraniques sans
avoir eu véritablement besoin du concours des enquêtés.
La grille d'observation nous a permis de relever certains
détails se rapportant au matériel didactique, aux locaux,
à la propreté, à l'hygiene et à l'assainissement du
cadre de vie des écoles coraniques. (Confer grille d'observation en
annexe).
La recherche documentaire nous a conduit à visiter des
bibliothèques et centres de lecture à Koudougou et à
Dédougou. Nous avons pu parcourir et exploiter à cet effet des
mémoires, des ouvrages généraux et visiter certains
sites.
II.5. La validation des outils
Le préalable à notre recherche à
proprement parler a été de vérifier la validité de
nos outils. Il s'agit des guides d'entretien et de la grille d'observation
directe. Ces instruments ont été d'abord soumis à des
critiques ; ensuite, ils ont été administrés en
pré-test à quelques personnes de la ville ayant les
caractéristiques de notre échantillon. Cela nous a permis de nous
rendre compte des difficultés d'interprétation,
d'apprécier la clarté et la pertinence des questions, puis
d'apporter les réajustements nécessaires.
II.6. Le déroulement de l'étude
Après l'étape du pré-test, nous nous sommes
rendu dans la zone d'étude pour rencontrer les participants et obtenir
des rendez-vous pour l'administration de l'outil.
Les entretiens ont eu lieu aux dates convenues avec les
participants et ont été faits en langue nationale dioula pour
ceux qui ne s'expriment pas en français. La collecte des données
s'est déroulée dans la période du 10 décembre 2011
au 31 mars 2012. Les entretiens ont eu lieu généralement dans les
domiciles des enquêtés. Mais les mendiants ont été
accostés dans la rue et principalement au CELPAC où ils aiment se
regrouper pour regarder la télévision. Cela pour éviter
que la présence du maître n'influence les réponses
données.
46
II.7. L'analyse des données
A partir des données brutes recueillies, nous avons
fait une synthèse en tenant compte des catégories de personnes
interrogées. Ensuite nous avons procédé à l'analyse
et à l'interprétation des données qui nous ont permis de
nous prononcer sur nos hypotheses de départ. Le traitement des
données a été opéré manuellement.
II.8. Les difficultés de la recherche
Notre étude ne s'est pas menée sans
difficultés. Nous en avons évidemment rencontrées à
toutes les étapes :
Au moment de la recherche documentaire, nos efforts pour
trouver des documents sur les écoles coraniques dans la bibliotheque de
l'Université de Koudougou ont été infructueux. Au Centre
de Lecture publique et d'Animation culturelle de Dédougou (CELPAC), ce
fut le même résultat.
Pendant l'enquête, le repérage des foyers
coraniques n'a pas été aisé. Du fait qu'ils
relèvent du secteur informel et que chaque promoteur fonctionne de
façon autonome, il nous a fallu parcourir la ville dans tous les sens
à la recherche d'écoles coraniques.
De plus, nos répondants sont en grande partie non
instruits en français, sinon qu'ils sont à la limite
analphabètes. Aussi, a-t-il fallu se montrer convaincant pour obtenir
des informations tant avec les talibés qu'avec leur marabout.
DEUXIEME PARTIE :
Aspects pratiques
|
48
CHAPITRE I : PRESENTATION, ANALYSE ET
INTERPRETATION DES RESULTATS
Dans cette deuxième grande partie de nos travaux de
recherches, nous avons procédé à la présentation,
à l'analyse et à l'interprétation des données
recueillies. Cette opération a consisté pour nous à
regrouper les données en sous-catégories, à analyser les
relations entre les éléments, puis à comparer les
résultats obtenus avec ceux que nous attendions.
Concrètement, après la collecte des
données auprès des marabouts, des parents d'enfants
talibés, des talibés eux-mêmes, des responsables de la
communauté musulmane et des responsables des services
déconcentrés, nous avons présenté la situation des
entretiens réalisés. Nous les avons regroupées suivant les
questions et les ressemblances de réponse. Ensuite, nous avons
interprété les résultats en donnant des sens aux
éléments rassemblés avant de vérifier nos
hypothèses de départ et de faire une synthèse.
I.1. Présentation et analyse des données
de l'enquête
I.1.1. Situation des entretiens réalisés
Des entretiens ont été réalisés
avec les maîtres coraniques promoteurs d'école coranique, les
parents d'enfants talibés, les personnes ressources des services
déconcentrés du MENA, les dignitaires de la communauté
musulmane et les enfants talibés. Au total, cinquante (50) personnes ont
été identifiées pour répondre à nos
questions. Elles se répartissent comme l'illustre le tableau
ci-dessous.
Tableau n°8 : Situation des entretiens
réalisés
Enquêtés Entretiens
|
Maîtres coraniques
|
Parents de talibés
|
Services déconcentrés
|
Responsable de la communauté
|
Enfants talibés
|
Total
|
Programmés
|
15
|
10
|
03
|
02
|
20
|
50
|
Réalisés
|
15
|
10
|
03
|
02
|
20
|
50
|
Pourcentage de réalisation
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
I.I.2. Situation des maîtres coraniques ayant
participé à l'enquête
L'entretien réalisé avec les fondateurs a
concerné l'ensemble sans exclusive. Au nombre de 15, nous les avons
répartis suivant les effectifs en trois catégories
évoluant de dix en dix. L'esprit qui sous-tend cette
catégorisation est que les difficultés de gestion des scolaires
varient en fonction des effectifs. Plus on a d'élèves, plus
difficile est leur prise en charge pédagogique, administrative et
psychosociale.
La majorité des marabouts enquêtés ont un
effectif compris entre 1 à 10 talibés. Ils sont dix dans le cas,
soit 66, 7 % des promoteurs. Un seul a trente (30) talibés. Il occupe le
poste de vice-président dans le bureau des maîtres coraniques.
Tableau n°9 : Répartition des
maîtres coraniques suivant les effectifs
Effectifs des talibés
|
1à 10
|
11 à 20
|
21 à 30
|
Total
|
Nombre de marabouts
|
10
|
03
|
02
|
15
|
Pourcentage
|
66,7 %
|
20 %
|
13, 3%
|
100 %
|
Le tableau ci-dessus montre que les maîtres coraniques
qui ont un effectif compris entre 1 et 10 talibés sont au nombre de 10 ;
soit 66,7 %. Seulement 02 marabouts, soit 13,3 % ont entre 21 et 30
élèves ; pendant que 03 enseignants, soit 20 % comptent 11
à 20 enfants dans leurs foyers.
I.I.3. Situation des parents d'élèves
ayant
participé à l'enquête
Les parents d'enfants talibés qui se sont
prêtés à nos questions sont au nombre de 10. Les
réalités du terrain nous ont contraint à cette limitation.
Elle relève d'un choix délibéré. En fait, la
totalité des talibés présents à Dédougou
sont arrivés des villages de la région de la Boucle du Mouhoun et
même d'autres régions du pays. Pas un seul n'a ses parents dans la
commune à l'exception des fils des maîtres coraniques
mêmes.
Nous avons pris en compte un aspect social centré sur
la profession du parent en vue de déterminer quelles sont les
populations qui ont adopté l'école coranique. Il ressort que les
paysans sont nombreux à désirer ce type d'école (70 %).
Après eux, les commerçants
50
s'illustrent à 30 %. Apparemment, aucun fonctionnaire n'a
d'enfants au foyer. Le tableau suivant présente la répartition
des parents selon leur situation socioprofessionnelle.
Tableau n°10 : Répartition des
parents suivant la situation socioprofessionnelle
Profession
|
Paysans
|
Commerçants
|
Fonctionnaires
|
Total
|
Nombre de parents
|
07
|
03
|
00
|
10
|
Pourcentage
|
70 %
|
30 %
|
00 %
|
100 %
|
I.I.4. Situation des responsables de la communauté
musulmane
ayant participé à l'enquête
La communauté musulmane de Dédougou a un bureau
de plusieurs membres à l'image de la CMBF58. Ne pouvant
prendre tous les membres, nous avons jugé utile de nous entretenir avec
le président qui est rompu dans les questions pédagogiques parce
que Conseiller pédagogique itinérant de l'éducation de
Base en retraite. La deuxième personnalité choisie est l'Imam de
la grande mosquée. Il faut signaler que la commune en compte une dizaine
dirigeant des mosquées de quartier. Le tableau ci-dessous renseigne sur
la répartition des responsables de la communauté musulmane
suivant leur fonction.
Tableau n°11 : Répartition des
responsables de la communauté musulmane suivant leur fonction
Fonction
|
Imam
|
Président de la communauté
|
Total
|
Nombre de responsable
|
01
|
01
|
02
|
Pourcentage
|
50 %
|
50 %
|
100 %
|
I.I.5.Situation des responsables des services
déconcentrés
ayant participé à l'enquête
Les responsables des services techniques concernés par nos
enquêtes sont : le Directeur régional de l'Enseignement de Base et
de l'Alphabétisation de la Boucle du
58 CMBF : Communauté musulmane du Burkina
Faso
Mouhoun, le Directeur provincial de l'Enseignement de Base et
de l'Alphabétisation du Mouhoun, le Chef de circonscription d'Education
de Base de Dédougou I. Certes, la commune abrite deux
services d'inspection de l'enseignement de premier degré, mais un seul
s'occupe de toutes les écoles de la ville. C'est celui-là qui a
été sollicité pour le besoin de l'enquête.
Autorités pédagogiques de leur état
à différents échelons de la hiérarchie
administrative, ces responsables ont été enquêtés
à partir du même guide d'entretien. Le tableau ci-dessous
présente l'état de répartition des responsables des
services déconcentrés du MENA.
Tableau n°12 : Répartition des
responsables
des services déconcentrés du MENA
Fonction
|
DREBA
|
DPEBA
|
C.CEB
|
Total
|
Nombre de personnes
|
01
|
|
01
|
|
01
|
|
03
|
|
Pourcentage
|
33,4
|
%
|
33,3
|
%
|
33,3
|
%
|
100
|
%
|
I.I.6. Situation des enfants talibés ayant
participé à l'enquête
Les talibés sollicités pour l'enquête sont
au nombre de 20 répartis selon le critère d'age. Les 11-15 ans
représentent le plus grand échantillon, soit 55% des
enquêtés. Les 6-10 ans sont représentés à 25
% ; tandis que les 16 ans et plus font 20 %. Ils ont été
tirés sur le volet sans tenir compte de leur foyer d'origine. Ainsi, sur
l'ensemble, au moins deux appartiennent à la même école ;
d'autant plus que le nombre total de foyers fait 15. Toutefois nous avons des
foyers où il ya seulement des adolescents de plus de 12 ans.
Tableau n°13 : Répartition des
enfants talibés par groupe d'age
Tranche d'age Echantillon
|
6 -10 ans
|
11-15ans
|
16 ans et +
|
Total
|
Nombre de talibés
|
05
|
11
|
04
|
20
|
Pourcentage
|
25 %
|
55 %
|
20 %
|
100 %
|
I.I.7. Présentation des résultats des
entretiens réalisés
52
avec les maîtres coraniques
Les entretiens réalisés avec les maîtres
coraniques ont porté sur l'identification de leurs foyers, les
effectifs, les lieux de résidence des parents, le recrutement, la
scolarité, la mendicité, les châtiments corporels, les
horaires et programmes ainsi que la loi sur l'obligation scolaire.
Dans l'identification des écoles, il est apparu que les
quinze (15) foyers repérés sont tous situés dans les
quartiers périphériques en zone non lotie. Pas une seule
école n'est installée en zone viabilisée.
En général les foyers coraniques n'ont pas de
nom, mais ils sont désignés par les noms du promoteur. Les
talibés répondent que « j'étudie chez El hadj LAMINE,
chez SAMBO, chez Djibril DIALLO, etc. »
La répartition géographique des foyers ainsi que
les effectifs des talibés se présentent comme ci-après.
Pour la plupart, leur durée de fonctionnement sur le territoire communal
varie entre 2 et 11 ans ; certains ayant transhumé d'autres
localités du Burkina comme le Houet, le Yatenga, le Sourou ou le
Passoré.
Tableau n°14 : Situation des foyers
coraniques de la ville de Dédougou
N°dord
|
Nom du promoteur du Foyer
|
Localisation
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
01
|
Aboubacar DICKO
|
Secteur n°5
|
22
|
00
|
22
|
02
|
Nouhoun DIALLO
|
Secteur n°6
|
06
|
00
|
06
|
03
|
Sambo GADIAGA ABDOULAYE
|
Secteur n°6
|
13
|
00
|
13
|
04
|
Oussôni TALL
|
Secteur n°3
|
05
|
00
|
05
|
05
|
Idrissa DIALLO
|
Secteur n°2
|
20
|
00
|
20
|
06
|
Djibril DIALLO
|
Secteur n°2
|
03
|
00
|
03
|
07
|
Yéro DIALLO
|
Secteur n°2
|
06
|
00
|
06
|
08
|
Diahé DICKO
|
Secteur n°5
|
06
|
00
|
06
|
09
|
Lamine SORE
|
Secteur n°5
|
30
|
00
|
30
|
10
|
Ibrahima TALL
|
Secteur n°5
|
20
|
00
|
20
|
11
|
Yéro TALL
|
Secteur n°5
|
03
|
00
|
03
|
12
|
Diallo OUSSEINI
|
Secteur n°2
|
04
|
00
|
04
|
13
|
Bélem ISSIAKA
|
Secteur n°2
|
07
|
00
|
07
|
14
|
Diallo HAROUNA
|
Secteur n°3
|
06
|
00
|
06
|
15
|
Tall HASSANE
|
Secteur n°6
|
03
|
00
|
03
|
TOTAL
|
15 foyers C.
|
154
|
00
|
154
|
Source : Nos enquêtes sur le
terrain.
S'agissant des effectifs, nous avons dénombré 154
talibés dont 154 garçons et 00 fille. Manifestement, aucun foyer
ne compte de fille parmi ses effectifs.
Par rapport à leur provenance nous avons relevé
qu'aucun enfant talibé n'est ressortissant de la ville, tout comme les
marabouts eux-mêmes sont venus d'autres localités.
Par la question n°3 nous avons appris que tous les
talibés sont internés chez leur marabout. Cela va de soi du
moment qu'aucun enfant ne réside dans la ville.
Concernant la rémunération des marabouts par les
parents, la réponse est non pour l'ensemble des promoteurs. Certains
prétendent avoir été enseignés sans payer de
salaire à leur maître. Ils entendent alors perpétuer cette
tradition tout en restant favorables aux dons spontanés de cadeaux
offerts par les parents.
54
A la question de savoir si les talibés mendient et
pourquoi ils le font, la réponse est affirmative pour tous, soit 100 %
de «oui». Mais, plutôt que de donner les raisons de la pratique
de la mendicité, les maîtres l'ont simplement justifiée.
Elle serait légitime si certaines règles sont respectées :
ne pas harceler la personne sollicitée et s'en aller si on ne
reçoit pas d'aumône.
Nous avons appris aussi que les temps d'enseignement sont les
suivants : le matin dans l'intervalle de 4h à 9h ; l'après-midi
de 14h à 17h ; le soir de 19h à 23h. Chaque maitre évolue
dans ce créneau à quelques différences près suivant
son organisation. Les interclasses sont employés
généralement pour la ronde en vue de mendier sa pitance et
demander l'aumône ; quelques rares fois pour des tâches domestiques
ou de petits contrats rémunérés.
En même temps, nous avons appris que sur les douze mois de
l'année, le talibé bénéficie de deux congés
de dix jours chacun, soit vingt jours au total. Le premier
congés'étend du 27ème jour du mois
de Ramadan au 7ème jour de l'après fête. Le
deuxième congé
court du 3ème jour avant TABASKI au
7ème jour après la fête. Dans la semaine,
l'après-midi de mercredi, la journée entière du jeudi et
la matinée du vendredi sont non ouvrables. La synthèse se
présente comme l'indique le tableau suivant :
Tableau n°15 : Synthèse des horaires
et jours ouvrables de la semaine
Jours Horaire
|
Lundi
|
Mardi
|
Mercredi
|
Jeudi
|
Vendredi
|
Samedi
|
Dimanche
|
4 h- 9 h
|
CORAN / KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
|
|
CORAN/ KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
9h-14h
|
SUSPENSION DES COURS/ MENDICITE
|
14h-17h
|
CORAN/ KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
|
|
CORAN/ KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
17h-19h
|
SUSPENSION DES COURS/ MENDICITE
|
19h-23h
|
CORAN/ KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
|
|
CORAN/ KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
CORAN/ KITAB
|
La septième question nous a permis d'en savoir sur les
matières enseignées. Elles sont toutes religieuses et s'appuient
sur le Coran et les «kitab» qui sont des livres qui
enseignent
les obligations et les pratiques religieuses. Le Coran est
enseigné dans toutes les écoles coraniques, alors que les livres
different d'un maître coranique à l'autre.
Les disciplines enseignées sont :
> le Tawhid ou l'unicité de Dieu ;
> le Fiqh ou la jurisprudence islamique ;
> le logha ou la langue arabe.
Le tableau suivant donne quelques renseignements :
Tableau n°16 : Synthèse des
disciplines et matières d'enseignement des écoles
coraniques
Disciplines
|
Matières
|
Nature
|
Temps d'apprentissage
|
Observations
|
Tawhid
|
Coran
|
114 Sourates
|
3 à 5 ans
|
Commun à tous
|
Fiqh
|
Kitab (Livres)
|
Akdhari
|
Indéterminé
|
Commun à tous
|
Moukadamat
|
Indéterminé
|
Au choix
|
Asmawiyou
|
Indéterminé
|
Au choix
|
Rissalat
|
Indéterminé
|
Au choix
|
Kaala Cheick
|
Indéterminé
|
Au choix
|
Logha
|
Kitab
|
Langue arabe
|
Indéterminé
|
Au choix
|
Aux questions relatives à l'age de recrutement et
à la durée de la scolarité, il nous a été
révélé que les enfants sont admis au foyer à partir
de 8, 9, 10, 11 ans surtout. On en trouve dont les ages sont compris entre 18
et 20 ans. L'apprentissage dure quatre (04) années au moins. Toutefois
la scolarité varie d'un talibé à l'autre suivant ses
capacités intellectuelles et aussi suivant le niveau qu'il désire
atteindre. Les moins jeunes ne sont pas acceptés parce qu'il est
difficile de les prendre en charge. Ils ne peuvent pas non plus être
emmenés loin de leurs parents.
Par rapport à la collaboration entre collègues
fondateurs, beaucoup (11 sur 15 ; soit 73, 3 %) ont reconnu appartenir à
l'association des maîtres coraniques dont le président est DICKO
Aboubacar et le vice président SORE Lamine. Quatre (04) se sont
contentés de déclarer avoir connaissance de leur existence.
Pour ce qui est de leur avis sur l'école classique, 100
% des maîtres ont une opinion favorable. Pour montrer leur bonne foi,
certains ont dit leur intention de vouloir y envoyer leurs propres enfants ;
tandis que l'un d'entre eux a déjà inscrit ses deux filles
à l'école
56
classique. Deux (02) d'entre eux pensent que l'école
classique a son intérêt limité à la vie
d'ici-bas.
Relativement à l'obligation scolaire de tous les
enfants de 6 à 16 ans, treize (13) maîtres coraniques ; soit 86,
6% disent ignorer cette loi. Les autres l'ont simplement appris sans savoir
réellement ce que cela implique.
Lorsqu'ils ont été interrogés sur la
possibilité de la double fréquentation59, la
majoritédes marabouts, soit 86,7 % ont répondu qu'il est
impossible de fréquenter à la fois l'école
classique et l'école coranique. Seulement deux (02), soit
13,3 %, estiment que cela est envisageable. Le second en doute un peu.
La quinzième question concernant les tâches
d'enseignement a révélé que le maître coranique est
le seul enseignant de son école ; mais qu'il peut faire surveiller les
plus petits par les plus avancés. Les méthodes
pédagogiques employées demeurent donc le tutorat et
l'enseignement individualisé, pratiquées sans formation
adéquate.
En réponse aux questions n°16 et 17 se rapportant
à la discipline, 100 % des marabouts ont dit ne pas recourir aux
châtiments corporels pour se faire obéir. Les seuls moyens
utilisés sont les réprimandes et les mises en garde. Les enfants
d'aujourd'hui sont fragiles, nous a-t-on répondu. Si cette pratique
avait encore cours, les talibés feraient des fugues.
Ensuite, nous avons appris qu'au sortir de l'école
coranique, le talibé est remis à ses parents qui se chargent de
sa formation professionnelle. En fait, cela n'est pas la préoccupation
des maîtres. Leur objectif est atteint du moment que la formation morale
et religieuse est réussie.
Comme difficultés rencontrées dans l'exercice de
leur métier, les marabouts ont signalé l'hébergement, la
restauration, et la surveillance des talibés lorsqu'ils sont hors du
foyer.
59 Le fait pour l'enfant d'être inscrit à
l'école primaire et de suivre à la fois les enseignements de
l'école coranique.
I.I.8. Présentation des résultats des
entretiens réalisés
avec les parents d'élèves
Les entretiens avec les parents d'enfants talibés ont
porté sur treize (13) questions. Ils ont concerné dix (10)
parents.
A la question n°1 portant sur la répartition des
enfants dans les établissements, il est apparu que sur 55 enfants
âgés de 6 à 16 ans, 28 sont dans les foyers coraniques, 22
fréquentent l'école classique et 05 qui ne sont pas
scolarisés. Ce qui nous donne les taux de 50, 9 % pour
les enfants envoyés à l'école coranique ; 40 % pour le
classique et 9,1 % pour les non scolarisés.
Les raisons pour lesquelles ces enfants sont envoyés
à l'école coranique sont les mêmes pour tous : bien
connaître la religion musulmane et l'appliquer. En plus de cela, certains
parents disent que c'est pour tremper leur caractère et faire d'eux des
hommes préparés pour affronter les dures épreuves.
A la question de savoir ce qu'ils pensent de l'école
classique, il est ressorti que tous les parents l'apprécient
positivement. Cependant, quelques uns (20%) jugent qu'elle prépare
seulement à réussir ici-bas ; ils disent avoir alors de la
préférence pour l'école coranique.
Sur la question de l'obligation scolaire, aucune des personnes
interrogées n'a de l'information. Ils ont répondu ne pas avoir
connaissance de cette loi. 02 parents affirment qu'ils ont vu recruter de force
dans le passé. Un parent pense que l'obligation scolaire doit
s'appliquer seulement aux enfants qui sont à la maison et qui ne sont
occupés à rien.
03 parents interrogés sur 10, soit 30%, pensent que
l'enfant peut fréquenter l'école classique tout en suivant les
enseignements de l'école coranique. Pour les autres, il faut faire un
choix : soit l'enfant y va pendant les vacances, soit après avoir
terminé ses études primaires.
Pour l'ensemble des parents, le choix de l'externat n'est pas
envisageable. Ils pensent que les enfants n'apprendront pas réellement
s'ils sont près des parents. C'est pourquoi il faut les confier aux
maîtres dans les localités éloignées.
58
Les questions n°8 et 9 portant sur les conditions
à remplir pour l'entrée des enfants au foyer nous ont
révélé qu'aucun accord n'est signé entre les
marabouts et les parents à l'inscription des enfants. De même
qu'aucun frais n'est perçu pour la scolarité. C'est une
contribution volontaire comme l'a dit un parent. Celui-ci dit offrir au maitre
coranique des sommes qui varient entre 1000 et 25 000f lors de ses visites.
En posant la question sur les professions qu'ils exercent,
nous avons appris que nos répondants sont des paysans pour la plupart
(70%). Les commerçants sont au nombre de trois (30%).
Ils reconnaissent tous que la mendicité n'est pas une
bonne pratique parce qu'elle expose les enfants à des déviances.
La majorité, soit 66,7%, suggère que cette pratique disparaisse
pour faire place à de petits contrats rémunérés.
La question se rapportant au niveau d'étude nous a
permis de relever que 80% des parents ont eux-mêmes fait l'école
coranique, couramment appelée Dougouma-Kalan en langue
nationale dioula (c'est-à-dire l'école par terre). Certains ont
appris juste quelques sourates ; d'autres ont fréquenté
plusieurs années et ont fait des études poussées.
Pour les parents, il faut nécessairement changer certains
aspects qui sont obsolètes de nos jours. Ils proposent que :
> les parents accordent un soutien au maître coranique
afin de lui permettre de bien faire son travail ;
> les maîtres coraniques suppléent la
mendicité par la production agricole et les petits travaux
rémunérés.
I.I.9. Présentation des résultats des
entretiens réalisés avec les responsables de la
communauté musulmane
Avec le président de la communauté musulmane et
l'Imam de la grande mosquée de la ville de Dédougou, nous avons
pu avoir des entretiens portant sur neuf (09) questions.
La première question se rapporte à la connaissance
et au nombre de foyers coraniques existant dans la ville. Il a
été révélé que les deux responsables ont
connaissance de leur
existence. Toutefois ils ignorent leur nombre ; mais ils peuvent
citer les noms de quelques promoteurs.
La deuxième question porte sur le genre d'enseignement
dispensé dans les écoles coraniques. Le président a
mentionné le Coran et les pratiques religieuses.
Pour l'Imam, l'enseignement de l'école coranique a pour
finalités de :
> éduquer l'homme de façon
générale ;
> former l'homme religieusement complet ;
> mettre des érudits á la disposition et au
service de la communauté musulmane.
Le but de cet enseignement est de :
> professer le TAWHID qui est l'unicité de
Dieu ;
> accomplir la IBAADA qui est l'ensemble des actes
d'adoration d'ALLAH (Dieu).
Pour les objectifs, l'école coranique veut :
> former des Imams ;
> former des muezzins ;
> produire des marabouts et maîtres coraniques.
L'enseignement est donné à travers l'étude
des livres suivants :
> le Coran qui est le livre sacré de l'Islam ;
> les Kitabs (livres) comprenant l'Akdari,
Asmawi, Kkla Cheïck, Moukadamat, Rissala, Kawatil-islam.
Les branches d'études étant le Tafsir ou
commentaire du Coran, les hadith ou paroles du Prophète et le
Logha qui est l'apprentissage de l'arabe littéraire.
La troisième question concerne le sens á donner
á la mendicité. Pour le président, les talibés
mendient par nécessité due au fait qu'ils ne vivent pas avec
leurs parents. Aussi parce que les parents ne donnent rien au maître pour
l'entretien de leurs enfants.
Pour l'Imam, la mendicité est tolérée
seulement dans le but de se nourrir. Le talibé qui a consacré sa
vie á chercher le savoir pour servir Dieu doit titre nourri et
entretenu. Il évoque un principe musulman qui interdit de garder le
reste du repas lorsqu'on se rassasie et qui recommande de le donner à
ceux qui n'ont pas à manger. C'est ce qui justifie que les mendiants
passent de porte en porte pour enlever les restes et pour éviter aux
familles de les
60
rechercher pour cela. Il reconnaît cependant que c'est
gênant de voir les talibés envahir les lieux publics.
La question n°4 se rapporte à
l'appréciation de l'éducation dans les écoles coraniques.
Le président apprécie négativement l'école
coranique. Il doute de la qualité de l'éducation qui y est
donnée. Il pense que les enfants sont revêtus de haillon à
dessein pour susciter de la pitié. Il a peur que ces écoles ne
produisent des escrocs.
L'Imam au contraire adopte une position favorable à
l'école coranique. Pour lui, elle a l'avantage d'inculquer à
l'enfant, mieux que toute autre école, des valeurs comme l'endurance, le
pardon, l'humilité et la foi musulmane. Il affirme même que les
medersas ont été créées pour concurrencer et faire
obstacle à l'école coranique.
La question n°5 porte sur les châtiments
corporels. Le président dit ne pas savoir s'ils existent encore dans les
écoles coraniques. Dans le temps, dit-il, les plus grands frappaient
souvent les petits qu'ils devaient encadrer.
L'Imam pour sa part pense que le savoir doit
s'acquérir dans la contrainte ; il doit être introduit dans
l'enfant par pression. Cette méthode est une tradition qui remonte au
Prophète à qui l'Ange Gabriel a transmis les premiers versets en
le serrant comme pour le torturer. C'est ce qui justifie le choix de la
méthode dogmatique par cette école.
A la question de savoir à quelle école il faut
envoyer prioritairement les enfants, le président de la
communauté musulmane répond : l'idéal serait que l'enfant
puisse posséder l'arabe et le français, en plus d'une langue
nationale. Il est facile, dit-il, de comprendre sa religion en passant par le
français. Il cite l'exemple des associations musulmanes comme le Cercle
d'Etudes, de Recherches et de Formation islamique (CERFI) et l'Association des
Elèves et Etudiants musulmans au Burkina (AEEMB) qui ont réussi
l'enseignement de la religion et de l'arabe à partir du français.
Par l'arabe au contraire, il serait difficile de rattraper le premier,
conclut-il.
La réponse de l'Imam à cette même
question est qu'il faut envoyer les enfants en priorité à
l'école coranique car elle ouvre l'esprit des enfants. Il pense que cela
peut se faire à partir de 4 à 6 ans, juste avant d'entrer
à l'école primaire.
Lorsqu'ils ont été interrogés sur
l'obligation scolaire, les deux responsables religieux ont répondu par
l'affirmative. Ils savent en effet que l'école est obligatoire pour les
enfants
âgés de 6 à 16 ans. Pour le
président, cette loi est ancienne et elle comportait cette restriction :
(l'enseignement primaire est obligatoire) «dans les limites des
possibilités d'accueil». L'Imam pense pour sa part que cette loi
doit concerner seulement les enfants qui sont restés à la maison
et qui ne fréquentent aucune structure éducative.
La question n°8 est relative aux suggestions pour que les
talibés bénéficient d'une scolarité normale. L'Imam
et le président suggèrent de :
> éviter que les talibés voyagent à
travers les villes et villages ;
> encourager les talibés à rester auprès
de leurs parents et à étudier dans leur lieu de résidence
;
> supprimer la mendicité ;
> impliquer les parents dans la prise en charge et le suivi
des enfants talibés ; > inscrire parallèlement les
talibés au cours du soir en français ;
> enfin, que l'Etat affecte des maîtres chargés
de dispenser des cours dans les écoles coraniques.
Relativement à la tutelle des écoles coraniques,
nous avons appris que celles-ci fonctionnent en toute autonomie et qu'elles ne
sont sous l'autorité de personne.
I.I.10. Présentation des résultats des
entretiens réalisés avec les responsables des services
déconcentrés
Les responsables des services déconcentrés du MENA
ont donné leur point de vue par rapport aux questions formulées
dans le guide d'entretien.
La premiere question est relative aux types d'écoles
privées présents dans la zone. Les réponses
apportées nous ont permis de relever qu'il en existe cinq (05) types :
les écoles franco-arabes, les medersas, les écoles privées
catholiques, les écoles privées protestantes et les écoles
privées laïques.
En réponse à la question de savoir
s'ils ont connaissance de l'existence d'écoles coraniques dans
leur localité, tous les trois (03) responsables ont répondu par
l'affirmative. Ils
62
savent que des foyers coraniques existent dans la ville de
Dédougou à travers les talibés qui se font remarquer dans
les rues.
A la question de savoir si les statistiques scolaires
prennent en compte les écoles coraniques, la réponse est non pour
tous. Pour justifier cette omission, les représentants du MENA ont
évoqué les raisons suivantes :
> elles sont mobiles et difficiles à trouver ;
> elles ne sont pas reconnues par l'administration scolaire
;
> c'est un cadre religieux comme la catéchèse
;
> elles ne viennent pas se faire reconnaitre ;
> les écoles coraniques n'ont pas le même statut
que les autres écoles; > elles sont purement coraniques et
religieuses ;
> elles n'appliquent pas le programme officiel ;
> enfin, l'Etat n'a pas demandé de comptabiliser les
effectifs des talibés.
Concernant l'appréciation qu'ils ont du droit à
l'éducation des enfants talibés, le Directeur régional a
répondu : il n'est pas normal d'envoyer les enfants à
l'école coranique ; à la limite il faut les envoyer dans les
franco-arabes reconnues. Pour le Directeur provincial, le droit de ces enfants
n'est pas respecté et il est nécessaire que l'Etat intervienne.
Le C.CEB pense que les talibés ont droit à l'éducation et
que celle qu'ils reçoivent en ce moment dans les foyers est
incomplète. Il trouve que le sort des talibés est
déplorable du fait qu'ils sont jetés dans la rue sans
contrôle. Il voit la nécessité pour ces enfants
d'acquérir des compétences.
Relativement à la question qui se rapporte à
l'influence du nombre de talibés sur le taux brut de scolarisation
(TBS), les réponses concordent. Tous les trois (03) responsables ont
reconnu que les TBS sont influencés négativement par la mise hors
système des talibés.
Parlant des stratégies qu'il est possible de
développer pour que les talibés intègrent le
système scolaire, cette question nous a permis de retenir les
propositions suivantes :
> sensibiliser les responsables religieux, les promoteurs,
les parents d'enfants et
les talibés pour qu'on envoie désormais les
talibés dans les medersas et
franco-arabes reconnues par l'Etat;
> recenser les maîtres coraniques et leur octroyer des
moyens pour abandonner la création des foyers coraniques ;
> transformer les promoteurs en animateurs de centre
d'alphabétisation et les alphabétiser dans une langue nationale
de leur choix ;
> transformer les écoles coraniques en Centres
Permanents d'Alphabétisation et de Formation (CPAF) ou en écoles
franco-arabes ;
> orienter vers les Centres d'Education de Base Non Formelle
(CEBNF) les talibés qui ont terminé leur cycle coranique.
I.I.11. Présentation des résultats des
entretiens réalisés avec les enfants talibés
Nous avons rencontré les enfants talibés en
espérant obtenir confirmation de certaines questions posées aux
maitres coraniques. Ainsi, nous sommes- nous intéressé à
l'âge, au lieu de résidence des parents, aux effectifs, à
la scolarité, aux études, aux conditions d'étude et
à la mendicité à travers quinze (15) questions.
Parlant de l'age, la question n'a pu être
répondue de manière très satisfaisante car la plupart des
enfants semblent ignorer leur âge. Il est ressorti que les enfants
talibés sont surtout des adolescents âgés de 11 à 20
ans. Il en existe qui ont entre 8 et 9 ans ; mais ils sont peu nombreux.
Au sujet du lieu de résidence des parents, aucun enfant
talibé n'a ses parents qui résident à l'intérieur
de la commune. Seuls 03 ont répondu avoir leurs parents dans un village
de la Kossi situé à 12 km sur le bord du fleuve Mouhoun. Ils
s'avèrent être les plus proches.
Concernant les effectifs présents dans les foyers les
réponses données ont permis de noter la fourchette de trois (03)
à trente (30) enfants talibés par foyer. Ce qui fait une moyenne
de dix (10) apprenants par école.
Pour ce qui est de la scolarité, les durées
retrouvées vont de 3 à 5 ans. Cependant, il y en a qui ont
fréquenté précédemment un premier foyer et sont
à leur deuxième.
64
Quant aux conditions d'études, aux contenus et temps
d'enseignements, ils ont été décrits à peu
près de la même manière que par les maîtres
coraniques. A la différence que, comme livres au programme, les
talibés n'en citent pas plus d'un.
Côté châtiment corporel, les
talibés n'ont rien à craindre parce qu'il n'est plus en usage
dans les foyers. Un seul talibé, soit 5 % des enquêtés, a
mentionné l'usage du fouet contre ceux de ses camarades qui n'apprennent
pas bien les textes sacrés.
Au plan de l'hébergement, tous les talibés sont
des internes et font partie des courtisans de leur marabout. Ils dorment,
disent-ils, en groupe dans des dépendances qui leur sont
affectées, souvent hors de la concession du maître, mais tout
proche.
Comme raisons évoquées pour la
mendicité, les talibés ont fait savoir qu'elle répond
à leurs besoins de se nourrir, de se vêtir et de se chausser. Les
restes de repas, ils les mangent ; les pièces de monnaie, ils les
épargnent pour des achats de vêtements, de chaussures et de piles
pour alimenter les lampes qui servent aux études du soir.
En rapport avec les visites, 17 talibés sur 20
talibés interrogés, soit 85 %, ont répondu en avoir
déjà reçu de la part de leurs parents. La plupart (75%)
disent que des cadeaux leur ont été offerts lors de ces visites.
Mais de savoir si les maîtres coraniques aussi ont pu recevoir des
présents, les réponses ont été vagues. C'est
à croire que les marabouts ne sont pas récompensés par les
parents.
Sur la question des soins en cas de maladie, les
réponses des talibés nous ont permis de savoir que 80% d'entre
eux sont soignés par les maîtres coraniques eux-mêmes. Par
contre, d'autres (15%) ont répondu qu'ils sont conduits à
l'hôpital pour les cas graves. Un enquêté a affirmé
que, jusqu'alors, personne n'était tombé malade dans leur foyer
parce que le maître faisait des prières d'exorcisme chaque
vendredi.
Des questions ont porté sur d'éventuelles
activités menées par les talibés en dehors des
études et de la mendicité et aussi sur les services rendus au
maître en contrepartie de son enseignement. Les
réponses fournies nous ont permis de savoir qu'en dehors de la
mendicité, les talibés ne font aucune activité et qu'ils
ne paient rien au maître comme frais de scolarité.
Répondant à la question de savoir s'ils auraient
bien aimé aller à l'école classique, quinze (15)
talibés sur vingt (20) ont avoué nourrir cette intention. 02 ont
émis le souhait de suivre des cours du soir ; tandis que l'un (01) a
déclaré être ancien élève du primaire qui fut
déscolarisé à partir du CE2.
A la question de savoir ce qu'ils escomptent faire à
leur sortie d'école coranique, 05 talibés ont répondu
qu'ils désirent devenir maîtres coraniques ; 02 veulent exercer le
métier de leur père ; 13 ignorent ce qu'ils deviendront dans
l'avenir. Pour ces derniers (65 %), Dieu déterminera leur métier
en temps opportun.
I.I.12. Présentation des résultats de
l'observation directe
L'observation directe effectuée dans les quinze (15)
foyers coraniques nous a permis de nous faire une idée sur les
conditions d'étude, les pratiques pédagogiques, le
matériel pédagogique, les conditions de logement, l'hygiene et
l'assainissement du cadre de vie, ainsi que l'hygiene corporelle et
vestimentaire des enfants talibés.
Les conditions d'étude
L'enseignement a lieu généralement à
ciel ouvert dans la plupart des foyers. Aux heures chaudes, les talibés
s'assoient à l'ombre des maisons ou des murs. Seuls trois (03) foyers
disposent de hangars qui ne sont pas destinés uniquement à
l'enseignement.
Aucun foyer ne dispose de mobilier si bien que maîtres
et élèves s'assoient par terre. Les premiers sur une natte, un
tapis ou sur une peau de mouton ; les talibés à même le sol
nu dans la plupart des cas. Toutefois, les talibés les plus
âgés s'assoient sur des nattes ou des banquettes, et chacun passe
à son tour pour réciter sa leçon du jour.
Dans tous les foyers, le marabout dispense seul son
enseignement. Il se fait assister quelquefois par des grands
élèves qui font répéter leurs leçons aux
plus jeunes. Nous avons rencontré un foyer où l'épouse du
marabout le supplée à son absence.
Le matériel didactique du talibé nouvellement
inscrit se résume à la tablette, à l'encre et un stylo
taillé dans le roseau. Ceux qui sont moins jeunes ont en plus, des
exemplaires de coran fragmenté. Les plus anciens ont quelques
kitabs (livres) en sus.
66
Les conditions de logement
Tous les 15 foyers répertoriés à
Dédougou se situent dans les périphéries, en zone non
lotie. En prenant le marché pour repère, 03 foyers se situent
à l'Est, 02 au nord-est, 05 au Nord et 05 à l'Ouest. Le 1/3 de
ces foyers dispose de concessions fermées ; les autres sont ouvertes. 04
disposent de cadres spacieux ; 03 sont regroupés sur le même
espace qu'ils partagent; 08 sont installés dans des cadres peu
spacieux.
Dans la plupart des foyers les maisons disponibles sont en
nombre insuffisant pour héberger les talibés. Elles se
sur-peuplent au moment de dormir. Un foyer connaît un problème
sérieux d'hygiene à cause de la proximité des animaux. Le
peu d'espace disponible sert à la fois pour les courtisans et les
ânes qui y sont parqués. Dans tous les autres foyers la
propreté des cours est acceptable.
Nous avons pu observer des puits dans seulement deux (02)
foyers. Apparemment, les autres n'en disposent pas.
Nous avons pu apercevoir des latrines dans trois (03) foyers
sur quinze (15), soit 20 %. Les chances d'en rencontrer davantage seraient
infimes. C'est dire que la quasi-totalité des foyers fonctionnent sans
toilettes.
L'hygiène corporelle et vestimentaire
De moins en moins les talibés portent des haillons. La
majorité porte des vêtements non déchirés et non
raccommodés. Il est rare d'en rencontrer allant pieds nus. Mais il y a
parfois à redire sur la propreté de leur corps. (Confer album
photos en annexe)
Le cadre de vie des enfants talibés
Du point de vue de l'hygiene et de l'assainissement, le cadre
de vie des talibés n'est pas très appréciable. La
vétusté des dortoirs, l'insuffisance de l'espace dans les
concessions, le manque de puits et des latrines sont autant de problèmes
qui peuvent affecter les foyers coraniques. Cette situation est aggravée
du fait même que tous les foyers se situent en zone non lotie où
les services chargés de l'assainissement n'interviennent pas. A cela
s'ajoute la proximité des enclos à bétail dans certains
cas; ce qui fait que bêtes et personnes se côtoient et partagent
les mêmes espaces. Néanmoins, tous les foyers ont des maisons
faisant office de dortoirs pour les talibés.
I.2.Interprétation des résultats et
vérification des hypothèses
I.2.1. Interprétation des résultats
Les résultats obtenus avec les maîtres
coraniques ont permis de dégager certaines caractéristiques
communes aux écoles. Elles sont installées en zone non lotie ;
elles ne portent pas de nom ; les talibés et leurs marabouts sont en
situation de transhumance et ils n'ont pas de source de revenu. Toutes choses
qui font douter de la pérennité de ce type d'école et qui
peut expliquer leur mobilité tant à l'intérieur de la
ville que vers d'autres localités.
Ce qu'il est heureux de constater, c'est que les foyers ne
comptent pas de filles dans leurs effectifs. Celles --ci sont plus
vulnérables et peuvent être victimes de violences en situation de
mendiantes de rues. De plus, les maîtres coraniques sont réunis en
association et se reconnaissent à travers un bureau. Ce qui permet de
les rassembler en cas de besoin et rend possible l'ouverture de dialogue et des
perspectives de changements.
Tout en reconnaissant l'importance de l'école
classique, les marabouts pensent qu'il est impossible pour les enfants de la
fréquenter en même temps que la leur. En réalité,
nous pensons qu'ils craignent d'envisager cette éventualité qui
supposerait la disparition des foyers. C'est peut-être à cause de
cette crainte qu'ils disent ignorer la loi sur l'obligation scolaire et qu'ils
font croire à un bon traitement des talibés au foyer.
Les difficultés qu'ils ont soulignées relatives
à l'hébergement, à la restauration, et à la
surveillance des talibés hors du foyer sont bien réelles. Elles
sont accentuées du fait que les maîtres coraniques ont
vis-à-vis des enfants des responsabilités à la fois de
tuteur, de guide spirituel et d'enseignant. Or, nous savons que des
insuffisances existent chez la plupart de ces marabouts. En
général, ils ont un niveau d'instruction bas, un pouvoir
économique faible, une formation professionnelle de base inexistante et
qui favorise des pratiques pédagogiques désapprouvées.
C'est ce qui constitue la problématique des écoles coraniques.
Les résultats obtenus avec les parents
d'élèves ont révélé que 50,9 % de leurs
enfants sont à l'école coranique. Ce constat confirme notre
appréciation sur l'importance de ce type d'école dans la vie des
populations.
Pour ce qui est des raisons de cette
préférence, elles seraient liées à la foi, nous
a-t-on répondu. Cependant, le fait que ces mêmes parents aient
accepté d'envoyer 40 % de leurs enfants à l'école
coranique sans y être contraints montre qu'avec la sensibilisation, ils
peuvent scolariser davantage d'enfants. A plus forte raison si la loi sur
l'obligation scolaire leur est
68
opposée et que la gratuité leur est bien
expliquée. Sans compter que de nos jours les parents et la
communauté musulmane sont de plus en plus convaincus que l'école
coranique n'est pas la seule voie pour accéder aux connaissances de
l'islam. Le président de la communauté musulmane a
évoqué dans ce sens l'AEEMB et le CERFI qui sont pour lui
d'autres cadres d'apprentissage de la religion musulmane.
Quelques détails nous semblent édifiants,
à savoir que la majorité de ceux qui envoient leurs enfants dans
les foyers ont eux-mêmes été enfants talibés et
exercent présentement dans le secteur du commerce ou dans l'agriculture.
C'est à se demander pourquoi les parents qui ont été
à l'école classique n'y envoient pas leurs enfants. La raison
serait, à notre sens, qu'ils ont compris ce qui échappe aux
premiers : à savoir que les parents ont le devoir d'assurer à
leurs enfants une vie décente, qu'ils n'ont pas le droit de les
abandonner à la misère et à des pratiques humiliantes. Les
parents interrogés font bien de reconnaître que la
mendicité est à supprimer, mais ils doivent en apprendre sur les
droits des enfants et les graves manquements qu'ils commettent en abandonnant
les leurs.
Les résultats obtenus à l'issue des
entretiens réalisés avec les responsables des services
déconcentrés ont permis de noter que les écoles
coraniques ne font pas partie de la liste des écoles privées. Ils
ne disposent d'aucune information statistique sur ces écoles pour la
simple raison qu'ils n'ont pas de rapport officiel avec elles.
Néanmoins, ils savent bien que des foyers coraniques existent à
travers les talibés qui parcourent les rues de la ville.
Les écoles de confession musulmane qui apparaissent
sont les medersas et les francoarabes qui se sont fait reconnaître. Ce
qui rend envisageable la transformation des écoles coraniques en
medersas reconnues et résoudre du même coup le problème de
clandestinité dans laquelle fonctionnent les foyers. Pour cela, il
faudrait que l'Etat demande leur recensement au niveau local afin de pouvoir
apprécier l'ampleur du phénomène et réagir
conséquemment.
Autrement, la situation actuelle fait penser que les
écoles coraniques sont marginalisées, qu'elles ne sont pas
perçues comme des structures éducatives véritables ou
simplement qu'elles sont mal comprises. Dans ce dernier cas, ils auraient
raison ceux qui pensent que l'Etat devrait, au nom de la laïcité,
se tenir à l'écart de la chose religieuse.
Néanmoins, nous avons perçu dans les
réponses des responsables pédagogiques la nécessité
d'une réforme des écoles coraniques afin que les TBS60
s'améliorent et que les talibés aient droit à une
éducation normale.
Les entretiens avec les talibés confirment
certaines réponses des maîtres coraniques. Notamment, elles ont
révélé que les châtiments corporels ne sont pas
courants dans les foyers, que les talibés mendient pour leur propre
compte et qu'ils sont séparés de leurs familles qui ne viennent
les voir que rarement. C'est dire qu'au départ, les enfants mendient par
impérieuse nécessité : subvenir à leurs besoins
alors qu'ils sont abandonnés de tous, jeunes et sans ressources. Le
risque à long terme est l'habitude que les talibés peuvent
prendre à vivre de mendicité et à ne rien faire d'autre.
Pour preuve, la confession d'un ancien talibé rapporté par le
journal l'Evènement 61: «En dépit de toutes
ces difficultés, Ahmadou Idrissa, 73 ans, a presque une carrière
de mendiant. Environ trente ans de service dans la mendicité. Il est
mendiant depuis la chute du régime du président Lamizana. Environ
trente ans de service dans la mendicité. Une brillante carrière
de professionnel, qui n'a malheureusement pas de retraite ».
La question se pose de savoir ce que les talibés
feront à leur sortie du foyer vu qu'ils ne font rien à part les
études et la mendicité. Eux-mêmes ne le savent pas et ils
l'ont avoué. Cette révélation démontre
également que la réforme des foyers est un impératif si le
but de l'éducation est de former l'homme productif, utile à
lui-même et à sa société.
Les résultats de l'observation directe nous
permettent de dire que les talibés étudient dans des conditions
difficiles. Les méthodes pédagogiques, le matériel
didactique, et l'organisation de l'environnement scolaire sont traditionnels et
arriérés. De même, l'état sanitaire et nutritionnel
ainsi que l'hygiene corporelle et vestimentaire des talibés sont
insatisfaisants ; et ils sont à améliorer. L'ensemble de ces
manques et insuffisances exposent les enfants à des risques de
malnutrition, d'infections diverses ou autres maladies telles : le marasme, la
diarrhée, la gale, la teigne, etc.
60 Taux brut de scolarisation
61 op.cit.
70
I.2.2. Vérification des hypothèses
Dans la première partie de notre étude, nous
avons formulé trois (03) hypothèses dont une principale et deux
secondaires. En nous basant sur les résultats obtenus, nous
avons cherché dans les lignes qui suivent à vérifier si
ces hypothèses sont confirmées.
L'hypothèse principale :
En rappel, l'hypothèse principale était
formulée de la manière suivante : Les écoles
coraniques dispensent un enseignement religieux qui prépare les enfants
à être de bons croyants musulmans.
Que dire de cette hypothèse ? Cette question nous
amène à examiner le programme et l'objectif de l'école
coranique pour pouvoir nous prononcer.
Pour ce qui est des programmes d'enseignement des
écoles coraniques, nous avons vu que les contenus - matières sont
entièrement tournés vers la foi et les pratiques religieuses de
l'Islam. De plus, les premieres années au foyer sont consacrées
à lire rien que le Coran qui est le livre saint de l'Islam. Les manuels
scolaires de ces écoles contiennent seulement des enseignements
islamiques.
Quant aux finalité, but et objectif de l'école
coranique, nous l'avons relevé, ils se résument à donner
à l'enfant une formation complete dans le domaine de l'Islam, et
à mettre à la disposition de la communauté musulmane des
croyants chargés de célébrer le culte musulman et de
propager les connaissances islamiques.
Aussi, pouvons-nous conclure que notre hypothèse
principale est vérifiée et que les écoles coraniques
dispensent effectivement un enseignement religieux dont le but est de
préparer les enfants à être de bons croyants musulmans.
L'hypothèse secondaire n°1
Cette hypothèse était ainsi formulée :
la durée de la scolarité, les conditions de recrutement et
d'études permettent d'assurer aux élèves des écoles
coraniques une éducation de qualité.
Parlant de la durée de la scolarité, nous
pouvons affirmer qu'elle varie de 3 ans à plus de 10 ans. Vu que
l'âge des talibés est de 7 ans minimum et 20 ans maximum, nous
pouvons affirmer que le plus jeune talibé a au moins 17 ans à sa
sortie d'école en faisant une scolarité maximale. Cela revient
à dire que le séjour du talibé au foyer correspond
à la période de l'obligation scolaire et que sa sortie survient
plus tard.
Pour ce qui est des conditions d'étude, elles sont
particulières et s'écartent de celles de l'école classique
à bien d'égards. De l'entretien réalisé avec les
maîtres coraniques, nous déduisons que les talibés ont au
moins 7 heures de cours par jour contre 6 heures quotidiennes pour les
écoliers du primaire. Les écoles coraniques ont un total de 5
matinées et 5 aprèsmidis ouvrables contre 5 matinées et 4
après-midis ouvrables pour l'école classique. Les talibés
vaquent 20 jours dans l'année tandis que le primaire vaque au moins 90
jours, les congés y compris. De ce point de vue, nous pouvons dire que
les talibés ont un volume horaire annuel nettement supérieur
à celui du primaire ; soit 1715 heures contre 1092 heures. Ce qui fait
623 h de différence.
Par rapport aux contenus enseignés, nous avons
noté qu'ils n'ont rien à voir avec les contenus prévus par
le programme officiel de 1989-1990. Ils sont tous centrés sur les
matières religieuses. L'enseignement de l'école coranique vise la
formation de l'homme complet sur le plan de l'islam. Or cette finalité
ne correspond pas avec celle déclinée dans la Loi d'orientation
à son article 13 et qui vise entre autres à :
> stimuler l'esprit d'initiative et d'entreprise de
l'enfant ; cultivant en lui l'esprit de citoyenneté à travers
l'amour de la Patrie afin qu'il soit capable de la défendre et de la
développer ;
> cultiver en lui l'esprit de citoyenneté
responsable, le sens de la démocratie, de l'unité nationale, des
responsabilités et de la justice sociale; développant en lui
l'esprit de solidarité, d'intégrité,
d'équité, de justice, de loyauté, de tolérance et
de paix ;
Quant aux buts de cet enseignement tel que rappelé par
l'Imam, il est de connaître ALLAH et de l'adorer. Ceux-ci
différent des buts de l'Etat burkinabé déclinés
à l'article 14 de la Loi d'orientation et qui est de :
« faire acquérir à l'individu des
compétences pour faire face aux problèmes de
société; dispenser une formation adaptée dans son contenu
et ses méthodes aux exigences de l'évolution économique,
technologique, sociale et culturelle qui tienne compte des aspirations
72
et des systèmes de valeurs au Burkina Faso, en Afrique
et dans le monde ; doter le pays de cadres et de personnels compétents
dans tous les domaines et à tous les niveaux ».
Nous retenons pour l'école coranique qu'elle veut
former des Imams, des muezzins, des marabouts et maîtres coraniques
pendant qu'à l'école classique l'Etat burkinabé veut
« faire du jeune burkinabé un citoyen responsable, producteur
et créatif ».62
Nous retenons également qu'au regard de ses horaires
et programmes d'enseignement purement religieux, l'école coranique ne
dispense pas « une formation adaptée dans son contenu et ses
méthodes aux exigences de l'évolution économique,
technologique, sociale et culturelle qui tienne compte des aspirations et des
systèmes de valeurs au Burkina Faso ».
Nous retenons enfin que l'école coranique absorbe
l'enfant pendant la période d'obligation scolaire, c'est-à-dire
de 6 à 16 ans et qu'elle le soustrait à une scolarité
normale. De plus, en considérant l'emploi du temps des écoles
coraniques nous remarquons qu'il consacre une large part à la
mendicité. Les talibés sont dans la rue de 9h à 14h puis
de 17h à 19h. Cela revient à dire que les talibés restent
sans surveillance d'un adulte durant 7heures dans la journée. Ce long
moment se passe dans les lieux publics tels les gares routières, les
marchés, les environs des mosquées, les restaurants et le Centre
de Lecture publique et d'Animation culturelle (CELPAC). Ils sont alors
exposés aux mêmes risques que les enfants de la rue en
l'occurrence : le vol, la drogue, les bagarres et autres comportements
déviants.
Du point de vue psychologique, ces enfants vivent sans doute
une crise affective à cause de la séparation avec leurs parents.
Nos enquêtes ont révélé que tous les talibés
présents à Dédougou sont venus des autres provinces du
Burkina ; notamment la Kossi, le Houet, le Passoré, le Sourou et le
Yatenga. C'est surtout éprouvant pour les plus jeunes, les moins de
douze (12) ans qui partagent souvent le même «dortoir» que les
plus grands et qui peuvent subir les brimades des ces derniers.
L'importance de l'affection des parents et du climat familial
a été démontrée dans la vie des enfants. Son manque
peut affecter l'équilibre psychique de l'enfant. En aucun prix, il ne
faut en priver l'enfant. Or, malheureusement, la fréquentation de
l'école coranique entraine cela. A propos de l'importance de la famille,
F. Macaire a écrit à juste titre : « La famille
est
62 Loi d'orientation de l'Education, article 13
assurément le milieu naturel dans lequel se
développe normalement l'enfant. A moins de nécessités
impérieuses, il est donc préférable de ne pas enlever
l'enfant au cadre de vie qui semble le plus apte à assurer son
éducation »63. Plus loin, l'auteur renchérit
: « Insensiblement, le climat familial imprégnera l'enfant, le
marquera des traits indélébiles C'est donc aux parents à
poser les premiers jalons d'une éducation qui doit se continuer par
l'école ». 64
Partant de toutes ces raisons, nous pouvons affirmer que
notre première hypothèse secondaire n'est pas
vérifiée et que l'école coranique n'assure pas aux
talibés une éducation de qualité ni du point de vue de
l'islam ni de celui des normes de l'Etat burkinabé.
L'hypothèse secondaire n°2
En rappel, la deuxième hypothèse secondaire
était formulée ainsi : les élèves des
écoles coraniques se livrent à la mendicité seulement par
principe religieux.
La question sur la mendicité a été celle
qui a concerné presque tous les répondants, excepté les
responsables des services déconcentrés. Elle a été
posée à 47 enquêtés sur 50, soit 94% des
participants. Si le probleme a été posé plus ou moins
directement aux uns qu'aux autres, tous se sont sentis interpellés de la
même manière. Ainsi, il a été demandé :
> aux marabouts, à la question n°5
du guide élaboré à leur intention : « Vos
élèves mendient-ils ? Etes-vous d'accord avec cette pratique ?
Quelles sont les raisons de votre position ? »
> à l'Imam et au président de la
communauté musulmane, à la question n°3 : « Quel
sens donnez- vous à la mendicité? »
> aux parents d'éleve, à la question n°11
: « Que pensez-vous de la mendicité ? »
> aux talibés, à la question n°9 :
« Pourquoi mendies-tu ? »
L'ensemble des réponses apportées ont
révélé que la mendicité est reconnue de tous.
Certains légitiment cette pratique et l'acceptent ; d'autres la
tolérent à certaines conditions ; et il y en a qui l'acceptent
mal.
La catégorie de réponses qui légitiment la
mendicité part de deux principes. Le premier est que les talibés
ont consacré leur vie à la recherche du savoir pour servir
Allah (Dieu) et
63 F. Macaire, Notre beau métier,
Edition Saint Paul, 1979, p. 7
64 Ibid. p. 13
74
leurs communautés. Il est donc normal que cette
communauté prenne en charge les études des futurs dirigeants
comme on l'aurait fait pour des boursiers admis à l'internat. Le
deuxieme principe est d'ordre religieux et ne devrait concerner que les
musulmans. Il leur serait recommandé de partager leur repas s'il est
abondant. Il serait défendu de garder les restes de repas apres
s'être rassasié.
Pour le second groupe, la mendicité ne devrait avoir
d'autres fins que de satisfaire le besoin alimentaire. C'est dire que le
mendiant ne devrait recevoir ni argent, ni autre don ; rien que de la
nourriture. Tout porte à croire que si les foyers disposaient de cantine
scolaire et de réfectoire, les mendiants talibés
disparaîtraient des rues.
Les autres trouvent dans la mendicité les moyens de
subvenir à leurs besoins de se vêtir, de se procurer des
chaussures, et même d'alimenter les lampes pour les études de
nuit. La nécessité serait donc à l'origine de cette
pratique. Cette derniere catégorie de réponses confirme d'une
part l'opinion qui fait croire que les parents abandonnent les enfants entre
les mains des maîtres coraniques sur lesquels ils portent toutes leurs
charges parentales. D'autre part, on pourrait déduire que les marabouts
gardent pour eux seuls les contributions que les parents donneraient.
Sur la question, El Hadj Moussa Semdé,
Secrétaire général de la Communauté musulmane du
Burkina Faso se prononce : « En réalité, la
mendicité est pour le maître, un gagne-pain pour entretenir tous
ces enfants qui lui sont confiés sans aucune aide matérielle ou
financière. Les parents des talibés les oublient dès
qu'ils quittent leurs villages Le maître (lui-même souvent sans
grands moyens) est alors obligé de les envoyer mendier pour se nourrir
et leur donner quelque chose en retour. Les talibés sont pauvres et
très nombreux, et ils vivent dans des situations très
précaires. Leur mendicité constitue la source principale de
financement des écoles qui les forment et les hébergent. Pire, la
mendicité leur prend tellement de temps qu'ils n'arrivent
véritablement plus à apprendre, ce pourquoi ils sont là
».
A la lumière des différentes réponses
apportées sur la mendicité, nous pouvons affirmer que les
talibés mendient plus par nécessité que par principes
religieux. Nous nous appuyons sur le propos de l'Imam qui estime que c'est
gênant de voir les talibés pulluler dans les lieux publics. Nous
considérons aussi le point de vue de la majorité des parents qui
préfèrent des contrats rémunérés à la
mendicité.
De plus, nous retiendrons pour le compte de notre
hypothèse que la mendicité telle que pratiquée de nos
jours n'a aucune dimension religieuse et qu'elle ne respecte ni les regles ni
les raisons qui l'ont fondée jadis. En effet : « Il existe,
trois motifs valables pour mendier, comme de nombreux Shaykhs l'ont dit :
d'abord pour l'amour de la liberté de l'esprit, puisqu'aucun souci n'est
plus préoccupant que celui de s'assurer de sa nourriture ;
ensuite, pour la discipline de l'me : les soufis mendient parce que c'est
particulièrement humiliant et que cela les aide à prendre
conscience de leur peu de valeur dans l'opinion des autres et ils
évitent ainsi les écueils de l'autosatisfaction ; enfin , c'est
une preuve de respect pour Dieu si un serviteur mendie auprès d'hommes
qu'Il considère tous comme Ses serviteurs car cela dénote une
plus grande humilité que de s'adresser à Dieu directement
».65
Pour ce qui est des regles de la mendicité, poursuit
l'auteur, elles sont les suivantes : «si tu mendies et que tu
n'obtiens rien, montre-toi plus joyeux encore que si tu avais obtenu quelque
chose ; ne mendie pas auprès des femmes ou des gens qui trainent dans
les bazars et autant que faire se peut, fais le dans un esprit altruiste ; ne
garde jamais ce que tu as récolté pour embellir ta mise, pour ta
maison ou pour acquérir des biens. Tu dois vivre dans l'instant : ne
laisse aucune pensée du lendemain entrer dans ton esprit, ou bien tu es
perdu. La règle ultime est de ne jamais exhiber ta piété
dans l'espoir que cela te vaudra des aumônes plus substantielles
».
Aussi, pouvons nous déclarer que notre deuxieme
hypothese secondaire n'est pas vérifiée et que les
élèves des écoles coraniques mendient non pas par principe
religieux mais par nécessité et par désespoir.
I.3. Synthèse générale
A l'issue de la présentation, de l'analyse et de
l'interprétation des données ; et fort de la vérification
de nos hypothèses de recherche, nous pouvons enfin proposer une
synthèse.
En termes de statistiques, la ville de Dédougou compte
au moins 15 foyers coraniques implantés aux quatre coins de la ville,
dans les périphéries. Les effectifs des élèves
s'élevent à 154 talibés dont zéro fille.
Comparé aux 8 582 élèves de la ville de Dédougou,
ce chiffre
65 Bordas, op.cit.
76
représente 1,8 %. Ce même taux appliqué
à l'effectif national des élèves en 2010-2011 donnerait 39
69566 enfants talibés. Cela démontre l'importance que
l'école coranique a dans la vie des populations.
Sur la question des contenus-matières enseignés
dans les écoles coraniques, nous avons constaté qu'ils
s'écartent des programmes officiels à tous points de vue. Les
manuels scolaires et leurs contenus sont tournés vers les connaissances
et les pratiques de l'Islam. L'objectif étant de produire des
érudits, des dirigeants et responsables musulmans. A l'issue de sa
formation, de son cursus disons, le talibé peut assumer les fonctions
d'Imam, de muezzin, de prêcheur, ou de maître coranique.
S'agissant de l'organisation pédagogique et
administrative des foyers coraniques, nous pouvons affirmer qu'elle est
à l'initiative du promoteur qui fait comme il entend. Le point commun
à ces écoles est qu'elles fonctionnent toutes de façon
traditionnelle et avec des méthodes archaïques. Les apprenants
s'asseyent par terre et récitent à tue-tête les
leçons écrites à l'encre sur leurs planchettes. Lorsque la
leçon est sue par coeur à force de répétition, elle
est restituée sous le contrôle du marabout. Les châtiments
corporels sont admis dans ces écoles et se justifient par la croyance
qui veut que le savoir s'acquière dans la peine comme cela s'est
passé avec les premiers disciples. Cela constitue une violation de
l'article 66 de l'arrêté n°2008-236 portant organisation de
l'enseignement primaire, lequel interdit les châtiments corporels dans
les écoles. Heureusement, cette croyance semble perdre de sa
vivacité et les châtiments sont de moins en moins présents
dans les écoles. Dans tous les cas, les maîtres coraniques
affirment ne pas y recourir, les cas graves d'indisciplines étant
sanctionnés par le renvoi de l'enfant à ses parents.
Il est apparu également les raisons qui poussent les
talibés à la mendicité. Les parents, il est vrai,
n'apportent pas souvent de l'aide au marabout. Mais cette seule raison
n'explique pas la pratique. Elles sont liées à de la
nécessité et en partie à des fondements religieux. Mais,
de plus en plus, des consciences s'éveillent et tendent à
condamner la mendicité qui ne sert plus tellement la cause de l'islam
sauf à le discréditer et à le faire accuser. La plupart
des réponses obtenues sont d'ailleurs favorables à l'abandon de
la mendicité en faveur d'une assistance venant des parents.
66 Résultat obtenu en multipliant l'effectif
national (2 205 295) par 1,8 puis en divisant par 100
Il a été révélé aussi que
les parents envoient les enfants à l'école coranique pour
certaines raisons. Ils sont eux-mêmes anciens talibés. Ils
ignorent la loi sur l'obligation scolaire. Ils veulent faire bien
connaître et pratiquer la religion musulmane à leurs
progénitures. De plus ils veulent, du moins certains parents, tremper le
caractère des enfants et faire d'eux des hommes aguerris.
Malheureusement, cette attente n'est pas toujours
comblée. Les emplois du temps des talibés leur laissent beaucoup
trop de temps libre qu'ils sont censé employer à mendier leur
pitance. Dans une telle situation de liberté, ils peuvent manquer
à certaines de leurs obligations religieuses telles que la
prière. Dans le pire des cas, ils peuvent se trouver
entraînés dans des pratiques malsaines et se rendre coupables
d'actes de délinquance. C'est ce qui ressort dans les propos du
président de la communauté musulmane qui pense que le foyer
coranique n'est pas une garantie pour que les talibés soient de bons
musulmans. Il s'appuie sur son expérience pour dire que certains enfants
ne prient pas en dehors du foyer. Il craint qu'en prenant l'habitude de mendier
les talibés ne deviennent des éternels assistés ou des
escrocs.
Par ailleurs, les talibés vivent dans un environnement
peu sécurisé sur le plan de l'hygiene et de l'assainissement.
Nous avons fait remarquer qu'ils dorment à l'étroit dans de
petites maisons et qu'ils vivent dans des concessions qui ne disposent pas de
lieux d'aisances. De même qu'ils sont mal vêtus et très
souvent malpropres, les talibés mangent généralement des
restes de nourriture. Get état de fait les expose certainement à
des risques de maladies. Ils peuvent s'intoxiquer ou se faire contaminer en
prenant des aliments avariés ou des restes de repas de malades
contagieux.
Nous avons relevé également que le fait
d'être séparés de leurs familles affecte
profondément les enfants talibés. N'ayant pas reçu assez
d'affection, ils ne seront pas capables d'en donner. Devenus pères, ils
seront tentés eux aussi d'abandonner leurs enfants entre les mains
d'inconnus sous prétexte de les endurcir. On pourrait dire que c'est
pour se venger de ce qu'ils ont subi, à plus forte raison si les parents
interrogés ont été eux-mêmes talibés.
78
CHAPITRE II : SUGGESTIONS
A l'issue de nos recherches documentaires et des entretiens
réalisés, il est apparu la nécessité de la
réforme des écoles coraniques. Les différentes suggestions
recueillies dans ce sens auraient pu se regrouper suivant les catégories
de personnes interviewées. Mais nous avons préféré
les regrouper par nature et suivant les acteurs visés. Ainsi, nous avons
les suggestions à l'adresse des promoteurs, des parents d'enfants
talibés, de la communauté musulmane et de l'Etat.
II. 1. Suggestions à l'adresse des maîtres
coraniques
Nous estimons que les maîtres coraniques doivent revoir
certains de leurs usages et adopter de nouveaux comportements. Dans ce sens,
ils doivent s'imposer :
> de se fixer dans leur terroir. Pour cela, éviter de
se déplacer avec les talibés de localité en
localité et accepter de se soumettre aux contrôles des
autorités.
> l'interdiction de recevoir des enfants non
résidents dans leur localité d'implantation et mettre fin
à la pratique du régime d'internat pour les élèves.
Cela résoudra en même temps les difficultés que les
marabouts ont évoquées et qui se rapportent à
l'hébergement et à la restauration des talibés ainsi
qu'à leur surveillance lorsqu'ils sont hors du foyer.
> l'ouverture des écoles coraniques aux
élèves des écoles classiques désireux de suivre
leur enseignement les après-midis de jeudi et dimanche comme le font
déjà certaines communautés religieuses.
II.2. Suggestions à l'adresse des parents
d'enfants
Pour que les écoles coraniques puissent fonctionner
normalement les parents d'enfants talibés doivent prendre quelques
engagements et les respecter, notamment :
> Respecter la loi portant obligation scolaire de 6
à 16 ans. Cela revient à dire que le parent peut envoyer l'enfant
à l'école coranique seulement à l'age de 4 à 6 ans
ou après son cycle primaire. En ce moment, l'école coranique joue
le rôle de préscolaire ou de secondaire pour l'enfant ;
> Assumer leur responsabilité de parents en gardant
l'enfant auprès d'eux en famille. Toutefois si l'enfant devait
être confié, que ce soit à un tuteur qui assure toutes ses
charges et non à un maître coranique, même si celui-ci est
un parent ;
> Payer au maître coranique des frais de
scolarité, que ce soit en espèce ou en
nature, et refuser d'adhérer à l'esprit de la
scolarisation gratuite ;
> S'organiser en association de parents d'enfants
talibés et s'impliquer dans le suivi des activités de
formation et le fonctionnement des centres coraniques.
II.3. Les suggestions à l'endroit de la
communautémusulmane
La communauté musulmane est moralement garante des
fidèles du point de vue
religieux. En ce sens, elle doit s'impliquer dans
l'éducation des enfants en veillant sur toutes
les structures qui prétendent assurer une éducation
islamique. Aussi, lui faudrait-il :
> Sensibiliser les membres de la communauté,
notamment les parents d'enfants talibés et les maîtres coraniques
en vue de faire cesser : la pratique de la mendicité, le trafic
d'enfants et le principe de non paiement de frais de scolarité au
marabout.
> Organiser et encadrer les promoteurs de foyers coraniques
afin qu'ils puissent respecter les règles établies en
matière d'enseignement privé au Burkina Faso. Pour cela,
délivrer un certificat de reconnaissance aux maîtres coraniques
attitrés, et faire appliquer les mêmes horaires et programmes par
tous.
II.4. Les suggestions à l'endroit de l'Etat
Les actions à entreprendre par l'Etat doivent viser
l'intégration des talibés au système scolaire. Pour cela,
il pourrait adopter les propositions suivantes :
> sensibiliser les responsables religieux, les promoteurs,
les parents d'enfants et les talibés pour qu'on envoie désormais
les talibés dans les medersas et franco-arabes reconnues par l'Etat;
> traduire les textes de lois en langues nationales et les
mettre à la disposition des communautés et des promoteurs de
foyers coraniques ; en particulier les
80
articles de loi interdisant la mendicité, la loi
d'orientation de l'éducation et le cahier de charge portant organisation
de l'enseignement privé au Burkina Faso.
> recenser les maîtres coraniques et leur octroyer
des moyens pour abandonner la création des foyers coraniques. Avec les
fonds accordés, ils peuvent mener des activités
génératrices de revenus et se passer de l'aumône.
> transformer les promoteurs en animateurs de centres
d'alphabétisation et les alphabétiser dans une langue nationale
de leur choix ;
> transformer les écoles coraniques en Centres
Permanents d'Alphabétisation et de Formation (CPAF) ou en écoles
franco-arabes ;
> orienter vers les Centres d'Education de Base Non
Formelle (CEBNF) les talibés qui ont terminé leur cycle
coranique.
II.5. L'école coranique réformée
La mise en oeuvre de ces recommandations devrait donner lieu
à l'école coranique réformée. A terme, nous aurons
les écoles coraniques de types suivants :
v' les écoles coraniques
réformées en medersas reconnues. Elles seront
celles qui auront accepté de se transformer en adoptant le mode de
gestion et de fonctionnement des écoles medersa reconnues au Burkina
Faso ;
1' les écoles coraniques
réformées en Centres permanents d'alphabétisation et de
formation(CPAF). Ce sera celles qui voudront bien : soit devenir
centres d'alphabétisation ou, à défaut,
référer leurs talibés à des centres et fonctionner
comme des sortes d'écoles coraniques satellites. Dans ce cas, les
élèves répartissent les temps d'apprentissage entre
l'atelier et le foyer.
v' les écoles coraniques traditionnelles
pour les scolaires. Elles seront celles qui recevront les
élèves de l'école primaire classique les jours non
ouvrables et ceux ayant terminé leur scolarité obligatoire.
Dans l'une et l'autre de ces écoles, la
mendicité sera bannie ; tout comme le contrôle de l'Etat
s'exercera à travers ses services compétents et en collaboration
avec la communauté musulmane.
CONCLUSION
Lorsque nous abordions cette étude, notre objectif
était de découvrir le fonctionnement des écoles coraniques
de la ville de Dédougou, puis de disposer de données statistiques
sur ces écoles.
A cette étape conclusive, nous pouvons affirmer, au
regard de leur nombre et de leurs effectifs, que l'école coranique
occupe une place importante dans la vie des populations. Les raisons de cet
intérêt sont apparemment d'ordre religieux, mais en
réalité, elles cachent une méconnaissance des lois
nationales en matière d'enseignement, d'éducation et surtout de
droit des enfants.
Il est apparu sans conteste que ces écoles ne sont pas
reconnues et qu'elles ne sont pas prises en compte dans le calcul des taux
bruts de scolarisation du Burkina Faso. L'incidence de cette situation sur les
efforts du Burkina Faso pour relever les TBS et atteindre l'Education pour tous
est très négative.
Par ailleurs, nous nous sommes posé un certain nombre
de questions dont la principale est la suivante : les écoles
coraniques garantissent-elles une éducation de qualité aux
enfants talibés ?
Pour répondre à cette question, nous avons
émis l'hypothèse principale disant que : les écoles
coraniques dispensent un enseignement religieux qui prépare les enfants
à être de bons croyants. En spécifiant cette
hypothèse nous en avons tiré deux autres, secondaires,
formulées de la manière suivante :
- La durée de la scolarité, les conditions de
recrutement et d'études permettent d'assurer aux élèves
des écoles coraniques une éducation de qualité ;
- Les élèves des écoles coraniques se
livrent à la mendicité seulement par principe religieux.
Nous avons mené nos recherches en tenant compte des
orientations de ces hypothèses qu'il nous a paru nécessaire de
vérifier au moyen d'instruments de collectes de données. Pour ce
faire, nous avons élaboré des guides d'entretien et une grille
d'observation au regard de notre approche qui se voulait qualitative.
82
A l'issue du traitement, de l'analyse et de
l'interprétation des données, il est apparu que notre
hypothèse principale seule est confirmée et que les écoles
coraniques dispensent effectivement un enseignement islamique dont le but est
d'amener les enfants à être de bons fidèles musulmans.
Quant aux deux autres hypothèses, elles ont
été infirmées. Nous retenons pour la premiere que les
programmes et conditions d'étude ne favorisent pas une bonne
éducation des enfants ; pour la deuxieme, que la mendicité est
moins le fait d'un principe religieux qu'une imagination pour subvenir aux
besoins des foyers.
Au demeurant, il est ressorti que les objectifs, les
finalités et les buts de cette éducation sont loin de s'accorder
avec ceux définis par l'Etat et que d'ailleurs l'éducation des
foyers coraniques ainsi que les conditions d'enseignement sont entachées
de pratiques intolérables. La situation est grave à ce point que
certains observateurs se demandent si l'école coranique n'est pas un
fléau pour emprunter les termes du journal l'Evasion qui a écrit
à propos des talibés : « Ce sont des écoliers de
l'école coranique, cette institution éducative de l'islam,
insérée dans notre société contemporaine aux
côtés des institutions scolaires officiellement reconnues. Cette
école doit elle être considérée comme un
fléau social par rapport aux droits universels de l'enfant et par
rapport à l'aspiration à une société saine et
productive dans un pays comme le Burkina Faso ?
».67
Cependant, un aspect des résultats de notre
étude nous semble intrigant et mérite à notre sens de
faire l'objet d'une étude sociologique. C'est la dominance d'un certain
groupe ethnique dans les foyers coraniques. Treize (13) promoteurs sur quinze
(15), soit 86,7 % sont des Peuls. Ce constat est-il le même sur toute
l'étendue du territoire national ? Pourquoi les Peuls sont-ils les plus
nombreux dans ce secteur ?
Tout compte fait, nous pensons que le moment est venu de
rompre le silence, d'écouter enfin l'alerte lancée par certains
acteurs tels la Fondation pour le Développement Communautaire du Burkina
Faso et d'aller vers la réforme des écoles coraniques longtemps
laissées à la dérive.
67 Evasion N°347 du vendredi 14 mars 2003, p.
13
BIBLIOGRAPHIE
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Encyclopédique de l'Islam, Edition original, Stacey international
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31-33, rue de Fleurus, Paris-VIème, 1960, 484
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l'Enseignement des Droits de l'homme et de la Paix (CIFEDHOP), (2004),
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GIROUX, S. TREMBLAY, G. (2002),
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Région de la Boucle du Mouhoun, 172 pages.
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ILBOUDO, A. (2010), Quelles
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TIEMTORE, T. (2010), La place de l'école
coranique de proximité dans l'Enseignement coranique et
l'éducation de base des talibés, Bobo Dioulasso, 07 pages.
III.
84
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Problématique des medersas et des écoles franco-arabes non
reconnues . cas de la commune de Gonboussougou, Mémoire de fin de
formation d'Elève Inspecteur de l'Enseignement du Premier Degré,
Ecole Normale Supérieure de l'Université Koudougou, Burkina Faso,
78 pages.
OUEDRAOGO, M. (2004), Enseignement de
Base et enseignement dans les medersas au Burkina Faso . cas de la province du
Yatenga, Mémoire de fin de formation d'Elève Inspecteur de
l'Enseignement du Premier Degré, Ecole Normale Supérieure de
Koudougou, Burkina Faso, 92 pages.
IV. Textes officiels
Arrêté N°2004-005/MEBA/SG/DGEB/DEB
Pr du 05 février 2004 portant cahier des charges des
établissements privés de l'enseignement de base, 13 pages.
Décret N°99-221/PRES/PM/MESSRS/MEBA
du 29 juin 1999 portant réglementation de l'Enseignement Privé au
Burkina Faso, JO n°28 1999, 11 pages.
LOI N°013-2007/AN du 30 juillet 2007
portant LOI d'Orientation de l'Education, Ouagadougou, les presses de
l'Imprimerie du Journal Officiel, 23 pages.
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Consulté le 17 juillet 2010.
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la culture arabe et islamique dans le département de Soaw, province du
Bulkiemdé, Burkina Faso, in Revue des mondes musulmans et de la
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remmm.revues.org/index6040.html.
SIDWAYA, (2009), L'enseignement franco-arabe
: la modernisation, un souci partagé, jeudi 2 avril 2009,
Assétou BADOH
badohassétou@yahoo.fr
86
TABLE DES MATIERES
Titre Pages
REMERCIEMENTS I
DEDICACE II
RESUME III
SOMMAIRE IV
LISTE DES TABLEAUX ......... V
LISTE DES ANNEXES VI
SIGLES ET ACRONYMES VII
INTRODUCTION ...... 1
PREMIERE PARTIE : THEORIE ET METHODOLOGIE 4
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE 5
I.1. Contexte et justification 5
I-2. Problématique 8
I.2.1. Questions de recherche 10
I.2.2. Objectifs de la recherche 13
I.2.2.1.Objectifs généraux 13
I.2.2.2.Objectifs spécifiques ......... 13
I.2.3. Hypothèses de la recherche 13
I.2.3.1. Hypothèse principale 13
I .2.3.2. Hypothèses secondaires. 13
I.2.4. Indicateurs de vérification d'hypothèse
13
I.2.5. Revue de la littérature 14
I.2.6. Cadre conceptuel 30
CHAPITRE II : METHODOLOGIE 38
II.1. Présentation du champ d'étude 38
II.2. Population-cible 40
II.3. Echantillon 42
II.4. Méthodes de recherche et techniques de collecte des
données. 43
II.4.1. La méthode de recherche 43
II.4.2. La technique de collecte des données. 44
II.5. La validation des outils. 45
II.6. Le déroulement de l'étude 45
II.7. L'analyse des données 46
II.8. Les difficultés de la recherche 46
DEUXIEME PARTIE : ASPECTS PRATIQUES 47
CHAPITRE I : PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATION
DES
RESULTATS 48
I.I. Présentation et analyse des données de
l'enquête 48
I.I.1.Situation des entretiens réalisés. 48
I.I.2. Situation des maîtres coraniques ayant
participé à l'enquête 49
I.I.3. Situation des parents d'élèves ayant
participé à l'enquête 49
I.I.4. Situation des responsables de la communauté
musulmane ayant participé
à l'enquête 50
I.I.5.Situation des responsables des services
déconcentrés ayant participé à l'enquête
50
I.I.6. Situation des enfants talibés ayant
participé à l'enquête 51
I.I.7 Présentation des résultats des entretiens
réalisés avec les maîtres coraniques. 52
I.I.8 Présentation des résultats des entretiens
réalisés avec les parents d'élèves 57
I.I.9. Présentation des résultats des entretiens
réalisés avec les responsables de la
communauté musulmane 59
I.I.10. Présentation des résultats des entretiens
réalisés avec les responsables des services
déconcentrés ...... 61
I.I.11. Présentation des résultats des entretiens
réalisés avec les enfants talibés. 63
I.I.12. Présentation des résultats de l'observation
directe 65
I.2. Interprétation des résultats et
vérification des hypothèses. 67
I.2.1. Interprétation des résultats. 67
I.2.2. Vérification des hypothèses. 70
I.3. Synthèse générale 75
CHAPITRE II : SUGGESTIONS 78
II. 1. Suggestions à l'adresse des maîtres
coraniques 78
II.2. Suggestions à l'adresse des parents d'enfants
78
II.3. Les suggestions à l'endroit de la communauté
musulmane 79
II.4. Les suggestions à l'endroit de l'Etat 79
II.5. L'école coranique réformée 80
CONCLUSION 81
BIBLIOGRAPHIE 83
ANNEXES VII
ix
Guide d'entretien avec les personnes ressources des
services techniques : le DREBA, le DPEBA, et le C.CEB de la yille de
Dédougou (03 participants)
1°) Quels types d'écoles privées existent-ils
dans votre région, province ou CEB ?
2°) Avez-vous connaissance de l'existence d'écoles
coraniques dans votre région, province ou CEB ?
3°) Les statistiques scolaires de votre région,
province ou CEB prennent-elles en compte les écoles coraniques ?
Pourquoi ?
4°) Pourquoi les élèves des écoles
coraniques ne sont pas comptabilisés ?
5°) Comment appréciez-vous la question du droit
à l'éducation des enfants talibés ? 6°) Le nombre
d'enfants talibés influence-t-il considérablement votre TBS?
7°) Quelles stratégies est-il possible de
développer pour que les talibés intègrent le
système scolaire ?
Guide d'entretien avec les promoteurs d'école
coranique
(15 participants)
I°) Identification
Nom de l'école coranique :
................................................................................
Secteur/ Quartier :
..........................................................................................
Date de création ou durée de fonctionnement:...
.............................................
II°) Questions
1°) Combien d'enfants avez-vous dans votre foyer ?
Garçons...............? Filles............?
2°) Tous vos élèves résident-ils dans
la localité ? Sinon, combien viennent-ils d'ailleurs ? 3°) Sous
quel régime les avez-vous reçus ? Internat ? Externat ?
4°) Recevez-vous une rémunération de la part
des parents ? De quelle nature ?
5°) Vos élèves mendient-ils ? Etes-vous
d'accord avec cette pratique ? Quelles sont les raisons de votre position ?
6°) Quel est le temps d'enseignement dans votre école
(Emploi du temps)? 7°) Quelles sont les matières que vous enseignez
à vos enfants ?
8°) A quel âge vous viennent vos élèves
?
9°) Pendant combien de temps vos enfants restent-ils au
foyer (durée de la scolarité) ? 10°) Collaborez-vous avec
les autres fondateurs d'écoles coraniques ?
11°) Que pensez-vous de l'école classique ?
12°) Savez-vous qu'elle est obligatoire pour tous les
enfants de 6 à 16 ans ?
13°) Pensez-vous qu'il soit possible de suivre à la
fois les enseignements à l'école classique et à
l'école coranique ?
14°) Avez-vous des enfants qui ont fréquenté
ou qui fréquentent encore l'école classique ? Si oui combien
sont-ils ?
15°) Avez-vous des enseignants qui vous assistent dans votre
tâche ?
16°) Quels moyens utilisez-vous pour instaurer la discipline
?
17°) Doit-on frapper l'enfant pour qu'il nous obéisse
? Vous arrive-t-il de frapper vos élèves ? 18°) Que font vos
élèves au sortir de votre école ?
19°) Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre
tâche d'éducation
xi
Guide d'entretien avec les responsables de la
Communauté musulmane : Le président de la communauté
musulmane de Dédougou, et l'Imam de la grande
mosquée
(02 participants)
1°) Avez-vous connaissance de l'existence d'écoles
coraniques à Dédougou ? Si oui, combien il en existe ?
2°) Quel est l'enseignement qui est dispensé dans ces
écoles coraniques ? 3°) Quel sens donnez-vous à la
mendicité des enfants talibés ?
4°) Quelle est votre appréciation de
l'éducation dans les écoles coraniques ? 5°) Quel est votre
avis sur les châtiments corporels ?
6°) A quelle école faut-il envoyer prioritairement
les enfants ? Pourquoi ? 7°) Savez-vous que l'école est
obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans ?
8°) Que suggérez-vous pour que les enfants
talibés puissent bénéficier d'une scolarité normale
?
9°) Les foyers coraniques sont-ils sous votre
autorité ?
xii
Guide d'entretien avec les parents
d'élève des foyers coraniques (10 participants)
Q1 : Combien d'enfants avez-vous de 6 à
16 ans ?
Garçons : ..........................Filles
:......................Total :...............
Q2 : Combien avez-vous choisi de scolariser
à :
> Ecole coranique (...............)
> Ecole franco-arabe/Medersa (...........) > Ecole
classique ( )
> Aucun établissement scolaire (.........)
Q3 : Quelles sont les raisons qui ont fait que
vous avez inscrit votre enfant à l'école coranique ?
Q4 : Que pensez-vous de l'école classique
?
Q5 : Savez-vous qu'elle est obligatoire pour
tous les enfants de 6 à 16 ans ?
Q6 : Pensez-vous qu'il soit possible de suivre
à la fois les enseignements à l'école classique et
à l'école coranique ?
Q7 : Sous quel régime votre enfant est-il
inscrit à l'école coranique (internat ou externat) ?
Q8 : Quelles sont les conditions qui vous ont
été posées à l'inscription de votre enfant à
l'école coranique ?
Q9 : Quelles contributions donnez-vous pour
l'entretien de votre enfant ?
Q10 : Quelle profession exercez-vous ?
Q11 : Que pensez-vous de la mendicité
?
Q12 : Avez-vous fait des études
vous-même ?
Q13 : Quels aspects pensez-vous qu'il faille
améliorer à l'école coranique ?
Guide d'entretien avec les enfants talibés des
écoles coraniques. (20 participants)
1°) Quel âge as-tu ?
2°) Où tes parents résident-ils ?
3°) Combien êtes-vous d'enfants talibés dans
votre foyer ?
4°) Combien d'années de scolarité totalises-tu
?
5°) Qu'apprends-tu à l'école coranique ?
6°) Quels sont vos horaires d'étude ?
7°) Le maître coranique te frappe-t-il souvent ? Pour
quelles raisons ?
8°) Où dors-tu quand la nuit arrive ?
9°) Pourquoi mendies-tu ?
10°) Tes parents viennent-ils te voir souvent ? Si oui, que
t'apportent-ils à toi ? Au marabout ? 11°) Si tu es malade, qui te
soigne ? Et où te soigne --t- on ?
12°) En dehors des études et de la mendicité,
quelle autre activité pratiques-tu ? 13°) Le maitre t'enseigne, que
lui apportes-tu en retour ?
14°) Aurais-tu aimé aller à l'école
classique ?
15°) Que feras-tu à ta sortie de l'école
coranique ?
xiv
Grille d'observation directe (15 foyers
coraniques)
1- L'enseignement se fait sous : Hangar arbre à ciel
ouvert
2- Les talibés s'assoient : à même le sol nu
sur une natte ou une peau de bête
3- L'enseignement est assuré par : Un deux plusieurs
maîtres coraniques
4- Les talibés reçoivent l'enseignement de
façon : Individuelle Collective par les pairs
5- Chaque talibé dispose de matériels didactiques
suivants : Une tablette Un coran Un livre....plusieurs livres Autres
matériels
6- Tenue vestimentaire des talibés Propre Sale haillon
7- Hygiène corporelle des talibés Bonne acceptable
laisse à désirer
8- Le foyer existe :
Au centre ville dans un quartier périphérique dans
une concession
fermée dans une concession ouverte
9- Cadre spacieux peu spacieux très restreint Propre sale
10- Existence de point d'eau : Puits traditionnel puits
buisé aucun point d'eau
11- Existence de toilettes Oui Non
12- Le foyer dispose de local pour héberger les
talibés Oui Non
xv
Annexe VII
Album photos d'enfants talibés
Photos d'enfants talibés prises le 29 décembre 2011
au CELPAC de Dédougou.
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