2) Le rôle de la télévision dans le
réseau : mobilisation d'un lieu d'actions collectives traditionnel
Chaque fait s'inscrit donc dans un réseau. Aussi actifs
qu'ils peuvent être, les actants d'un réseau sont
généralement invisibles. On dit que cette activité
collective que constitue le réseau est mise dans une boîte
noire.
Dans le cas des séries télévisées,
l'action collective est enfermée dans la boîte noire que
représente la télévision, considéré comme un
artéfact des interactions du réseau. Pour justifier la
définition de la télévision comme un artéfact, on
reprendra la définition de l'automobile comme artéfact
d'après M. Callon « L'automobile [....] permet a tout moment de
mobiliser un grand nombre d'éléments
hétérogènes qui participent de manière active,
silencieuse et invisible au transport du conducteur )) (p.271). De la
même façon, la télévision mobilise une action
collective de façon « silencieuse et invisible )) pour divertir le
téléspectateur.
La télévision fait donc le lien entre le public
et le reste des actants du réseau. Et la télévision permet
de mettre en marche ce réseau à tout moment de la journée,
sans quoi le réseau ne pourrait survivre, car c'est son public qui
permet au flux financiers de circuler.
La télévision est aussi l'artéfact de ce
qu'on peut appeler un lieu d'actions collectives traditionnel. Car la partie du
réseau que la télévision mobilise autour d'elle a un mode
de fonctionnement qui a trouvé son modèle et qui n'évolue
presque plus. Mais on le verra en troisième partie, cette partie du
réseau dit traditionnel n'est plus seule.
Mais cela ne veut pas dire que la télévision et
le réseau qui l'accompagne n'a pas innové depuis sa
création. D'ailleurs, comme on l'a vu en première partie de ce
mémoire, ce sont les innovations apportées par cette technologie
qui marquent les deux premiers âges d'or américains de la
télévision.
En effet, le premier âge d'or correspond a la forte
hausse du taux d'équipement des ménages en
télévisions, dans les années 1950. On peut donc
corréler ce premier âge d'or a l'apparition de la
télévision elle-même.
Quant au deuxième âge d'or, on l'associe a la
création de la télécommande, du magnétoscope et du
câble, qui sont des innovations faisant suite à la
télévision, et qui connaissent une forte expansion dans les
années 1980.
Cette association du réseau à la
télévision depuis plus de soixante ans permet donc de qualifier
la télévision comme étant son artéfact
historique.
17 Sociologie de l'acteur réseau, Michel
Callon, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Presses de l'Ecole des
Mines, 16 novembre 2006
|