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L'art du désert - Etude des peintures aborigènes contemporaines du désert central d'Australie dans le contexte de la culture aborigène et du marché de l'art.

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par Amandine Dooms
Université Libre de Bruxelles - Histoire de l'Art et Archéologie. Civilisations non-européennes 2001
  

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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
Faculté de Philosophie et Lettres

L'art du désert

Etude des peintures aborigènes contemporaines du Désert
Central d'Australie dans le contexte de la culture aborigène et
du marché de l'art.

Volume 1

DOOMS Amandine

Mémoire présenté sous la direction de Mme Le Professeur Djuna Hersak et de M. Le Professeur Thierry Lenain en vue de l'obtention du titre de licenciée en Histoire de l'Art et Archéologie. Civilisations non-européennes

Table des matières

TABLE DES MATIERES 1

INTRODUCTION 3

CHAPITRE 1 : LES ABORIGENES : LEUR HISTOIRE, LEUR TERRE, LEUR REVE, LEUR VIE. 7

1.1 PETIT HISTORIQUE DU CONTINENT AUSTRALIEN. 8

1.1.1 Découverte d'une terre nouvelle 8

1.1.2 Conquête britannique 8

1.2 PAYSAGES D'AUSTRALIE CENTRALE ET DU DESERT OCCIDENTAL. 11

1.3 LA VIE QUOTIDIENNE 13

1.3.1 La vie traditionnelle 13

1.3.2 Fonctionnement des communautés 13

1.3.3 La Loi du Rêve ou la Loi australienne ? 17

1.4 LE TEMPS DU REVE 19

1.4.1 Notion de « Rêve » 19

1.4.2 Le temps du Rêve 19

1.4.3 Le Rêve comme moyen de survie 20

1.4.4 Le Rêve comme Loi 20

1.4.5 La temporalité du Rêve 21

1.4.6 Le Rêve comme source de sens 21

1.4.7 Association à un ou plusieurs Rêves 22

1.4.8 Les sites sacrés 23

1.4.9 En résumé 24

1.4.10 Une continuité religieuse sur des millénaires ? 24

CHAPITRE 2 : HISTORIQUE DES PEINTURES CONTEMPORAINES. 27

2.1 LES FORMES ANCESTRALES DE L'ART ACTUEL. 28

2.1.1 L'art rupestre. 28

2.1.2 Les peintures de sable. 30

2.1.3 Les dessins de sable 32

2.1.4 Les arts du corps 33

2.2 HISTORIQUE DU COURANT ARTISTIQUE CONTEMPORAIN. 35

2.2.1 Les premiers objets aborigènes du désert fabriqués au vingtième siècle.

35

2.2.2 Les dessins pour les anthropologues 36

2.2.3 Les aquarelles d'Hermannsburg 36

2.2.2 Les autres centres de développement. 41

CHAPITRE 3 : FORME ET SYMBOLIQUE DE LA PEINTURE CONTEMPORAINE. 46

3.1 TECHNIQUE 47

3.2 DESCRIPTION FORMELLE 49

3.2.1 Caractéristiques générales 49

3.2.2 Tentative de classification 49

3.3 SYMBOLIQUE 56

3.3.1 Différents niveaux de sens 56

3.3.2 Les différents symboles de base 57

3.3.3 Interprétations des tableaux 59

3.3.4 Analyses de la symbolique de quelques tableaux 61

3.4 QUELQUES ARTISTES RENOMMES 65

CHAPITRE 4 : LE MARCHE ET SES PARADOXES. 70

4.1 HISTORIQUE ET FONCTIONNEMENT DU MARCHE 71

4.1.1 Histoire du développement du marché 71

4.1.2 Le fonctionnement du marché 74

4.2 LES PARADOXES DU MARCHE 82

4.2.1 La notion d'Art 82

4.2.2 L'authenticité 83

4.2.3 La valeur d'une oeuvre 84

4.3 ART CONTEMPORAIN OU ART ETHNIQUE ? 86

4.3.1 Les peintures du Désert comme oeuvres primitives : le pour et le contre. 86 4.3.2 Les peintures du Désert comme oeuvres contemporaines : le pour et le contre. 89

CONCLUSIONS 92

BIBLIOGRAPHIE 99

Introduction

Au grand mur blanc du salon d'une maison bourgeoise belge, est accrochée une peinture aborigène. Pourtant, ses propriétaires, s'ils apprécient l'art en général, n'ont aucun intérêt particulier pour l'Australie, et moins encore pour les Aborigènes. Ils ont même tendance à écorcher ce mot qui devient "arborigène", comme on peut d' d'ailleurs l'entendre très souvent de la bouche de francophones mal renseignés. Ce tableau est là, bien intégré dans son nouvel espace où règne une harmonie esthétique. Pourquoi une peinture aborigène se trouve-t-elle dans ce contexte occidental ? Voilà une question qui ne vient que rarement à l'esprit. Nous sommes déjà habitués aux objets africains ou asiatiques, alors pourquoi pas aborigènes ? Orner notre environnement d'objets étrangers est devenu une habitude. Cela ne nous interpelle plus vraiment et on ne s'interroge plus sur leur présence en des lieux somme toute assez inadéquats. Pourtant on devrait ! Une statuette africaine sacrée qui orne nos toilettes ou une peinture qui invoque pour son auteur des ancêtres, des cérémonies secrètes et la création du monde placée dans un salon où on pense à tout sauf à ces croyances dont on a à peine connaissance, voilà qui devrait soulever de nombreuses questions ! Dans cette étude, j'essaie de montrer ce que représentent ces peintures pour les Aborigènes et pour les occidentaux et comment un tel tableau peut se retrouver accroché au mur de nos salons. Pour cela, un voyage en Australie s'est rapidement avéré nécessaire vu le peu de publications accessibles en Belgique. Quinze jours à Alice Spring m'ont permis de visiter un grand nombre de galeries d'art du Désert et de rencontrer les Aborigènes. J'ai eu la grande chance de pouvoir accompagner une

infirmière australienne une journée dans la communauté d'Ampilatwatja où elle avait exercé sept ans plus tôt (ILL.1). Voir les Aborigènes dans leur propre village était réconfortant après avoir vaguement côtoyé tous ceux qui traînent dans les rues d'Alice Spring, saouls et mendiant comme des clochards. Ensuite, un mois dans les bibliothèques universitaires de Melbourne, Adélaïde et Sydney a rempli mon sac à dos de presque dix kilos d'articles et de livres sur le sujet.

Avant de décrire les différents chapitres de cette étude, il me paraît indispensable de définir ce que j'entends par "art du Désert". Ce terme également utilisé dans la version française de Aboriginal art de Wally Caruana (Caruana 1994, 97-151) reprend l'art Aborigène du Désert central et occidental d'Australie. Christopher Anderson et Françoise Dussart utilisent l'appellation "art du Désert occidental en Australie centrale" (Anderson & Dussart 1989, 89) qui me semble un peu lourde. L'Australie centrale recouvre un immense territoire aride situé sur les Etats du Territoire du Nord, de l'Australie du Sud et de l'Australie Occidentale et inclut une grande partie des déserts Tanami, Gibson et le Great Sandy Desert (Petitjean 2000, 51; Anderson et Dussart 1989, 92) (CARTE. 1). Un autre art aborigène d'Australie est également situé dans des régions désertiques mais il est appelé par le nom de la région dans lequel il se trouve: l'art du Kimberley.

"L'art du Désert" désigne plus un courant artistique particulier que l'art d'une région et se distingue des autres courants de l'art des Aborigènes australiens à savoir l'art du Kimberley (ILL. 2), l'art de la Terre d'Arnhem (ILL. 3), l'art du Nord du Queensland et l'art aborigène urbain (Caruana 1994, 5).

Le premier chapitre de cette étude est consacré aux Aborigènes eux-mêmes. Leur Histoire, leur environnement naturel et leur mode de vie sont sommairement expliqués pour donner aux lecteurs les informations de base sur ce peuple que l'on connaît si peu en Europe. On ne peut pas, à mon sens, étudier l'art du Désert sans rien connaître de ceux qui en sont à l'origine et ce d'autant plus que la culture aborigène est très différente de la nôtre. Je décris le Rêve, notion à la base des croyances aborigènes, d'une manière particulièrement approfondie car il est la principale source d'inspiration des artistes. On peut difficilement comprendre l'art du Désert sans maîtriser la notion de Rêve aborigène.

Le deuxième chapitre traite des origines de la peinture contemporaine du Désert. Tout d'abord de ce que j'ai appelé ses formes ancestrales : les formes d'art traditionnel dont la peinture actuelle découle directement, qui sont la peinture rupestre et corporelle, les dessins dans le sable et les peintures de sable. Ces oeuvres font la preuve d'une continuité au moins formelle de la tradition dans les oeuvres contemporaines. Ce deuxième chapitre comprend également un historique du début du courant artistique de l'art du Désert dans les années soixante-dix à Papunya et dix ans plus tard dans les autres centres de développement.

Dans le troisième chapitre, j'ai réuni les trois éléments que j'estime principaux d'une peinture, à savoir : comment on la fait, ce que l'on en voit et ce que l'on en dit. Ainsi, la première partie de ce chapitre décrit les règles et les techniques de peinture tandis que la deuxième partie donne une description formelle générale

des peintures du Désert et une tentative de classification stylistique, alors que la troisième partie est consacrée à leur symbolique.

Le quatrième et dernier chapitre de ce mémoire traite du marché et de ses paradoxes. Bien que ce sujet soit rarement traité dans les publications sur l'art du Désert, il m'est apparu très intéressant et assez important de le développer. En effet, le courant artistique des peintures du Désert n'existerait pas sans le marché. Il en est donc pour moi une composante primordiale. Tout d'abord, je mets en évidence dans ce chapitre les paradoxes engendrés par l'introduction dans un marché occidental d'oeuvres provenant d'une culture tout à fait différente et mal connue. Ensuite, je décris les différents acteurs du marché. Survient alors une question qui m'est apparue particulièrement complexe et digne d'intérêt : Est-ce que l'art du Désert doit être considéré comme un art ethnique ou comme un art contemporain à part entière?

Chapitre 1 : Les Aborigènes : leur

histoire, leur terre, leur Rêve, leur vie.

1.1 Petit historique du continent australien.

1.1.1 Découverte d'une terre nouvelle

Les premiers habitants de l'Australie furent de téméraires voyageurs qui, il y a environ 53000 ans, ont quitté les côtes de l'Asie du Sud-est pour partir vers les contrées inconnues du Sud-est... Ils n'étaient pas si fous puisqu'ils devinrent, en Nouvelle-Guinée et en Australie, les ancêtres immémoriaux d'une population qu'ils n'avaient probablement jamais espéré si grande. On suppose que ce voyage a été rendu possible par un niveau de la mer, entre 120000 et 12000 avant J.C., particulièrement bas de sorte qu'un pont terrestre s'était formé, ne laissant qu'une étroite étendue d'eau à parcourir entre l'Asie et l'Océanie. Sans cette diminution de la traversée, les embarcations de l'époque n'auraient jamais été suffisamment solides pour traverser. La Tasmanie, l'Australie et la Nouvelle-Guinée formaient alors une seule terre nommée Sahul. ( Charleux 1989, 70-1 ; Meyer 1995, 14). Ces nouveaux habitants se sont répandus petit à petit sur toute la surface du pays. Ils se sont adaptés aux différents climats et ont développé des pratiques culturelles variées dans un isolement quasi total par rapport au reste du monde. Les fouilles attestent que l'ensemble du continent était habité dès 20 000 avant J.C. (Charleux 1989, 72).

1.1.2 Conquête britannique

Le nombre d'Aborigènes s'élevait aux environs du million lorsque les premiers
colons britanniques mirent pied à terre en 1788. Cela n'empêcha pas ces

conquérants de déclarer le continent australien terra nullius, terre vide qui dorénavant appartiendrait aux premiers arrivés : eux. Comme lors de la conquête de l'Amérique du Nord, autre terra nullius bien connue, malgré la curiosité bienveillante de quelques rares explorateurs xénophiles (comme par exemple François Péron 1989,12-9), le massacre ne se fit pas attendre. Aussitôt que les colons furent en nombre suffisant pour se sentir en sécurité, les autochtones furent chassés de leurs terres sans le moindre scrupule. Au XIXème siècle, dans la partie sud-est du pays, ce fut un véritable massacre : les Aborigènes furent chassés comme du gibier. De toute façon, les spécialistes de l'époque les savent au plus bas de l'échelle humaine1, peut-être sont-ils même le chaînon manquant entre le singe et l'homme ...(Condominas 1989, 24)

C'est au début du vingtième siècle que le gouvernement remplace la tuerie par la politique d'assimilation : détacher les Aborigènes de leur contexte traditionnel et les insérer dans un contexte occidental pour qu'ils remplacent leurs coutumes par les pratiques et des façons de penser des colons. Regrouper les Aborigènes dans des colonies était une façon de faire, enlever les enfants en bas âge pour les placer dans des familles blanches en était une autre. Les Aborigènes résistèrent à cette volonté de leurs nouveaux « maîtres » d'anéantir leur culture. Vers les années trente, il commença à se former des associations aborigènes qui organisèrent des manifestations et des pétitions pour l'égalité en droit et pour le droit foncier. Ces organisations se multiplièrent encore dans les années soixante jusqu'à aboutir, en 1972, au remplacement de la politique d'assimilation par une politique de tolérance multiculturelle et d'auto-gérance toujours d'actualité (Caruana 1994, 16-7).

1 Adam Kuper nous cite des extraits de textes écrits par Fison et Howitt, deux anthropologues de la

fin du 19ième siècle où cette idée est clairement exprimée (Kuper 1988, 92-4).

1.2 Paysages d'Australie centrale et du désert occidental.

L'Australie centrale est dominée par les montagnes MacDonnell, chaîne de 800 km orientée d'est en ouest et ne dépassant pas les 600 mètres d'altitude. Ses vallées souvent alimentées en eaux sont peuplées de végétations et d'animaux en tous genres. Les Aranda sont responsables de cette région (Bardon 1996, 12) (Carte 2).

Au nord de cette chaîne, c'est la terre des Aranda Anmatjira. La terre rouge et plate y est couverte de végétation basse : mulgas acacias, eucalyptus et herbes sauvages. La principale ville aborigène de la région est Papunya. S'y croisent, entre autres, les Rêves de la fourmi à miel, de l'Emeu, du kangourou, du Goanna et de la Fourmi Rouge (Bardon 1996, 12).

Les Walpiri occupent la terre située autour de Yuendumu, à 300 km au nord de Papunya. Quelques formations rocheuses, lits de rivières, spinifex, dunes et une végétation basse y forment le paysage (Bardon 1996, 12) (ILL.4). La région ouest du désert occidental est celle des Loritja et ses collines et vallées sont peuplées de chênes du désert et de spinifex (Bardon 1996, 12). Les Pintupi, eux, occupent le vaste désert occidental (un tiers du continent australien) qui se compose de ravines, d'immense lacs salés, d'étranges formations rocheuses et de dunes à perte de vue (Bardon 1996, 12).

Les rares points permanents d'eau sont alimentés par des pluies relativement fréquentes. Ce sont généralement des sources, des cavités rocheuses et des mares d'infiltration (Bardon 1996, 12). Le climat du désert est aride, les changements de température extrêmes : en hiver (de juin à août), la température

nocturne peut descendre sous la barre du zéro degré alors que les journées offrent gracieusement une vingtaine de degrés. Par contre, en été (de novembre à janvier), les 40 degrés sont quotidiennement atteints (Australie 2000, 36).

1.3 La vie quotidienne

1.3.1 La vie traditionnelle

Avant les invasions anglaises, les Aborigènes étaient des nomades chasseurscueilleurs. Ils traversaient de longues distances en groupes familiaux à la recherche d'eau. Ils étaient aidés pour cela par les grands espaces plats qui rendaient la pluie visible à une centaine de kilomètres de là. De plus, les lieux des points d'eau étaient repris dans les chants et les histoires traditionnelles. Les connaissances de la terre, de la végétation et de la faune étaient très détaillées et acquises par tous, principalement à travers les initiations. Les hommes chassaient armés de boomerang et de propulseurs, les femmes récoltaient fruits, légumes et tubercules dans de larges bols de bois, les coolamons. La vie rituelle occupait une grande partie de leur temps. (McCarthy 1978, 21-2).

Malgré les bouleversements engendrés par la colonisation, les Aborigènes du désert ont conservé de nombreuses habitudes traditionnelles (McCarthy 1978,21- 2).

1.3.2 Fonctionnement des communautés

Une grande partie du désert a été juridiquement reconquise par les Aborigènes. Ces territoires sont désormais gérés par les Aborigènes eux-mêmes, souvent par le conseil d'anciens de la communauté. Il faut, pour pénétrer sur ces terres, un permis que l'on obtient auprès de ce conseil. Beaucoup de communautés interdisent la présence d'alcool sur leur territoire, car l'alcool a causé et cause

toujours énormément de problèmes aux Aborigènes2. Lors du retour sur leurs terres, les Aborigènes ont souvent installé des sortes de petits villages sur les lieux de signification mythologique. D'autres sont restés dans les centres de regroupements de la période d'assimilation car beaucoup d'Aborigènes y ont été conçus et y sont nés ce qui donne une importance particulière à ces lieux dans la pensée aborigène (Kimber 1993, 229-30).

1.3.2.1 Composition du village

La description suivante est basée sur les observations que j'ai pu faire lors de mon voyage en Australie en juillet-août 2001. Georges Petitjean, un spécialiste de l'art du Désert qui a visité bien plus de communautés que moi, a accepté de vérifier si ces observations pouvaient être généralisées.

Les communautés ont le plus souvent sur leur grand territoire une sorte de petit village composé d'une trentaine de maisons en béton ou en préfabriqué, chacune accompagnée par une cour extérieure. Il est assez étonnant de constater que la plupart de ces maisons sont équipées de climatisation. Un magasin où on trouve tous les produits de base (essence, vêtements, outils, nourriture ...), une école, un hôpital et très souvent une église3 forment dans la plupart des cas l'ensemble des établissements collectifs. On trouve aussi de plus en plus souvent un bâtiment réservé aux artistes (ILL.5).

2 Des Australiens proches des Aborigènes m'ont expliqué ce problème d'alcoolisme par la tradition aborigène qui consiste à toujours boire jusqu'à plus soif dans ce pays où l'eau est difficile à trouver. Une telle attitude face à l'alcool ne peut mener qu`à l'alcoolisme. Mais il est clair que la principale cause de l'alcoolisme est la même que chez nous : le désespoir, causé ici par le choc de la colonisation encore très présent dans les esprits.

3 Les Aborigènes sont très croyants envers leur propre religion mais également envers les religions importées par les missionnaires. D'ailleurs, de nombreux centres de regroupement

du désert, vestiges de la colonisation sont construits autour d'une mission, par exemple Hermannsburg et Ernabella.

Les Aborigènes vivent néanmoins toujours à l'extérieur, leurs maisons sont très peu entretenues et servent plus d'entrepôts que d'habitat. La cour est le lieu principal de l'activité : on y cuisine et on y mange, on y passe le temps, on y peint aussi parfois, tout comme certains y dorment. Je suppose que les habitations servent un peu plus en été pour s'abriter des grandes chaleurs, ou sinon, pourquoi la climatisation ? L'alimentation reste très traditionnelle, chaque cour a son foyer où cuisent, sous les cendres, les tubercules sauvages trouvés dans le désert. Les vêtements occidentaux se sont imposés à presque tous. Ils ne sont que rarement lavés. Les chaussures par contre sont très rares, on voit parfois de simples tongs mais aucune chaussure fermée. Le besoin de rester en contact avec la terre qui leur est si chère est encore trop fort. Ceux qui ne vivent pas dans les villages, installent parfois des campements où les seuls abris sont des tôles, plantées dans la terre pour protéger du vent et faire un peu d'ombre. De nombreuses couvertures protègent du froid pendant la nuit mais rien de plus en guise de literie. J'ai pu voir, dans un tel petit campement, une répartition spatiale où les plus âgés étaient très nettement séparés des autres. On peut penser que c'est là une tradition liée à l'importance donnée aux anciens qui dirigent la communauté et sont maîtres des connaissances.

Les voitures sont très demandées dans les communautés. Souvent l'ensemble de la communauté se regroupe pour acheter un véhicule qui leur permettra d'aller à Alice Spring ou dans les centres comme Lajamanu, Yuendumu ou Papunya, ou encore pour se rendre sur les lieux sacrés pour les cérémonies parfois situés à plus d'un millier de kilomètres (Glowczewski 1996, 308). Quand on sillonne les chemins de terre rouge du désert, on croise fréquemment des voitures abandonnées le long de la route, faute d'essence. Parfois leurs propriétaires

reviendront avec un bidon d'essence après avoir parcouru des dizaines de kilomètres à pied, d'autres fois elles resteront là, définitivement abandonnées. Chez les Aborigènes, le rapport à l'argent est très différent du nôtre : ils vivent au jour le jour et utilisent l'argent en conséquence. Ils reçoivent de l'argent de la sécurité sociale australienne, bénéficient des droits sur les exploitations de leurs terres (les fermes, les mines et les sites touristiques) et pratiquent la vente d'art et d'artisanat. Georges Petitjean estime qu'ils gagnent en moyenne probablement plus que l'Australien non-aborigène moyen, mais l'argent gagné est redistribué aux membres de la famille et très vite dépensé. Par exemple, le grand artiste aborigène Clifford Possum Tjapaljarri gagnait à une période de sa vie à peu près 40000 $ australiens (environ 25000 euros) par semaine mais mendiait à la fin de la semaine sans le sou après avoir distribué une grande part de cet argent à ses parents et avoir flambé le reste dans les casinos et dans l'alcool...(Communication personnelle : Georges Petitjean 2002)

1.3.2.2 La parentéLe système de parenté aborigène est très complexe mais est essentiel pour

comprendre le fonctionnement social et religieux. Les rapports de parenté fixent les droits et les devoirs de chacun. Les Aborigènes divisent leur société en deux classes exogames et en huit groupes de peau chacun divisé entre hommes et femmes. Les deux moitiés d'un groupe portent des noms qui ne changent que d'un préfixe ou d'un suffixe qui indique le sexe. Par exemple, chez les Walpiri, les noms de peau des femmes commencent par N et ceux des hommes par J. Ainsi, on a les huit groupes Jungarrayi/Nungarrayi, Jakamarra/Nakamarra, Japanangka/Napanangka, Jampijinpa/Nanpijinpa, Jangala/Nangala, Japaljarri/Napaljarri, Jupurrurla/Nappururla, Japangardi/Napangardi. Les deux

parties exogames de la société, entre lesquelles fonctionne un cycle de parenté paternel, reprennent quatre groupes de peau chacun. Ces derniers, par contre, sont animés par un cycle de parenté maternel. Le mariage doit se faire avec le groupe de peau qui est lié paternellement aux enfants de la personne qui veut se marier. Ces prescriptions de mariage ne sont pas toujours respectées, il existe alors des possibilités de choix quant au groupe de peau auquel l'enfant appartiendra (Glowczewski 1996, 79-82).

Ce système de parenté est surtout utilisé pour les activités rituelles : lorsqu'on célèbre un Rêve, la fonction de chacun est définie selon son nom de peau. Par exemple, dans la société Walpiri, si on célèbre le Rêve Etoile dont le gardien est Jungarrayi/Nungarrayi, toutes les personnes suffisamment initiées de ce groupe de peau sont les kirda « propriétaire » et chacun d'eux sera assisté par un ou une Japaljarri/Napaljarri qui est le groupe paternellement associé aux gardiens. Ces assistants considérés comme les kurdungurlu, « régisseur », du rituel. Ces derniers préparent le terrain et les objets rituels et dirigent la chorégraphie des danseurs kirda (Glowczewski 1996,79-83).

1.3.3 La Loi du Rêve ou la Loi australienne ?

Un des aspects difficiles de la cohabitation des cultures aborigène et australienne est le problème de la loi. Les Aborigènes ont été reconnus comme citoyens australiens, ils doivent donc respecter les lois de l'Etat, seulement les Aborigènes ont leurs propres lois, celles des Rêves qui ne correspondent pas à celles qu'on leur impose. Le problème est d'autant plus difficile à résoudre que chaque groupe aborigène a ses propres lois. Il y a cependant une trame de base commune aux différents groupes, la voici : la Loi traite des cas de meurtre, sacrilège, sorcellerie,

inceste, adultère, usurpation des droits rituels, vols, attaque physique...mais explique aussi les règles à suivre en matière de partage avec les autres groupes, d'éducation des enfants, de relations avec autrui ou de comportements rituels. Avant la colonisation, il y avait très peu d'intimité dans les campements, il était donc difficile de cacher une offense à la Loi. Les punitions telles que la mort, les blessures, les menaces de sorcellerie ou le ridicule, étaient publiques et sous l'autorité du conseil des anciens. Le principal problème à l'arrivée des colons fut le comportement de ceux-ci qui brisaient constamment les Lois aborigènes, notamment quant à la possession des terres et quant aux relations avec les femmes (avec l'interdiction de les punir traditionnellement par les blessures ou par la mort). Plus tard, les Aborigènes, puisque à l'époque non-chrétiens, ne pouvaient pas témoigner dans les tribunaux australiens. La loi australienne ne leur fut vraiment utile que dans les années soixante-dix et quatre-vingt, lorsque des lois sur leur droit à la terre se mirent en place : petit à petit, la notion de "native title" apparut, c'est à dire l'idée qu'en tant que premiers habitants de l'Australie, les Aborigènes ont droit à une terre. Ainsi, ils ont récupéré en tribunaux des terres ancestrales occupées par de grands propriétaires terriens australiens depuis la colonisation. Ils ont utilisé, entre autres, des tableaux contemporains comme preuve de leur attachement à la terre (Bourke 1998, 56-73).

1.4 Le Temps du Rêve

1.4.1 Notion de « Rêve »

Les croyances des Aborigènes d'Australie reposent sur ce « temps du Rêve » qui fait allusion à l'époque ancestrale où le monde fut créé. Cette notion est complexe et le mot de rêve lui correspond mal. Mais puisque ce mot est celui qui est toujours employé, il faudra s'en contenter. Les noms aborigènes donnés à cette notion diffèrent selon les groupes : Les Pitjantjara nomme le Rêve Tjukurpa, les Aranda, Aldjerinya, les Wonglu de la terre d'Arnhem wongar, etc (Edwards 1998, 79). Le Rêve des croyances aborigènes n'a presque rien à voir avec l'utilisation quotidienne du mot « rêve ». Le Rêve pour les Aborigènes est « l'ordre moral, physique et spirituel qui régit l'univers » (Caruana 1994, 10).

1.4.2 Le temps du Rêve

Le temps du Rêve est la période initiale où des centaines d'ancêtres, tantôt humain, tantôt mi-humain et mi-animaux ou végétaux, sont sortis de la terre et ont transformé, au cours de voyages à travers tout le pays, l'étendue sombre, vide et plate en ce monde avec ses animaux, ses plantes, ses paysages, ses hommes et ses astres. Les ancêtres même s'ils ne sont pas physiquement humains ont des personnalités tout à fait humaines avec des qualités ou des défauts : par exemple, l'ancêtre opossum est particulièrement curieux, l'ancêtre dingo est de nature généreuse mais ne supporte pas l'ancêtre wallaby...(Bardon 1991, 2) Tous ces ancêtres, créateurs du monde, sont aussi à l'origine des règles éthiques,

comportementales et rituelles ainsi que de toutes les pratiques et techniques quotidiennes humaines, animales et végétales dont le langage4 (Edwards 1998, 80). A la fin de leur voyage, certains ancêtres sont retournés dans la terre, d'autres se sont transformés en rocher, en arbre, en grotte...

1.4.3 Le Rêve comme moyen de survie

Le Rêve véhicule une quantité phénoménale de connaissances pour survivre dans le désert, comme par exemple les endroits où trouver de l'eau ou les mouvements saisonniers des différents animaux à chasser. Ainsi sous des abords de religion, le Rêve aborigène est avant tout la condition de leur survie, une survie menée par les personnes âgées, détentrices des connaissances (McCarthy 1978, 21).

1.4.4 Le Rêve comme Loi

Les ancêtres ont donc apporté les règles de la vie aborigène. Les règles éthiques sont nombreuses comme je l'ai expliqué plus haut (cf. p.16-7). Parce qu'il a apporté toutes ces règles mais aussi les châtiments pour ceux qui les enfreindraient, le Rêve est, dans ce sens, considéré comme la Loi aborigène. Il faut néanmoins préciser que les règles ne se donnent pas de façon évidente dans les Rêves, chacun doit se faire une interprétation à partir des parties du Rêve auxquelles il a accès (Sutton 1989, 15-9). Mais on n'est cependant pas face à une

4 Dans la pensée aborigène humains animaux et végétaux sont de nature commune. Ainsi, les animaux ont des comportements culturels et un homme peut tout naturellement s'identifier à un rocher, un arbre ou un animal. On voit également que tous les comportements qu'ils soient rituels ou quotidiens proviennent des ancêtres du Temps du Rêve, la séparation entre sacré et séculier n'a donc que peu de sens puisque même dans une action des plus banales, la personne refait un acte pratiqué par son ancêtre originel. (Edwards 1998, 81-4)

société où chacun comprend et fait ce qu'il veut : l'éducation et le comportement général de la communauté, comme dans toute société, font que tout le monde assimile, serait-ce inconsciemment, les règles à respecter même sans recevoir une interprétation claire des Rêves.

1.4.5 La temporalité du Rêve

Il faut se détacher de la notion linéaire occidentale du temps pour bien comprendre le Rêve car, bien que le temps du Rêve réfère à une période antérieure, en un sens il est toujours présent. Chaque génération peut revivre ce temps du Rêve, entrer en contact avec le Rêve à travers les cérémonies (Edwards 1998, 79). On peut difficilement rattacher le Rêve à une temporalité définie même pas la temporalité cyclique. Comme le dit si bien Stanner « On ne peut pas fixer le Rêve dans le temps, il était et il est à tout moment.5»(Stanner 1987, 225).

1.4.6 Le Rêve comme source de sens

Le rêve n'est pas un univers de songes immatériels, il est une réalité qui transcende la vie quotidienne, il est aussi un cadre qui permet aux hommes de rester en équilibre avec l'univers qui les entoure. Le pouvoir de ces ancêtres est quasi omniprésent ; chaque être humain, chaque être vivant ainsi que chaque endroit du continent en contient. Ainsi, tout sur la terre a un sens, le monde est fait de signes à déchiffrer selon les traditions ; bien sûr, certaines choses ont des significations plus profondes que d'autres et seules les personnes ayant reçu un

5 Dans le texte: "One cannot fix the Dreaming in time : it was, and is everywhen"

long enseignement peuvent les atteindre (Sutton 1989, 13). Avec une telle perception du monde, il n'est pas étonnant que les Aborigènes aient développé un art composé de signes.

1.4.7 Association à un ou plusieurs Rêves

Les voyages de ces nombreux ancêtres, en se croisant et se recroisant, ont formé un réseau complexe étendu sur tout le continent. Les Aborigènes vivent sur une terre qui a été parcourue par un ou plusieurs de leurs ancêtres qu'ils vénèrent lors de cérémonies d'initiés pour que l'équilibre du monde perdure. Le voyage des ancêtres crée non seulement un attachement profond des descendants à leur terre mais est aussi à l'origine d'un lien étroit avec l'espèce animale ou végétale qui descend du même ancêtre. Par exemple, l'ancêtre homme-wallaby est à l'origine des hommes qui peuplent les régions où il est passé mais aussi des wallaby. L'essence spirituelle qui habite la terre, les wallaby et les hommes de cette région est la même car elle provient d'un seul et même ancêtre, dans ce casci, l'homme-wallaby (Edwards 1998, 81). Chaque individu, après avoir suivi toutes les étapes initiatiques, est responsable d'un ou plusieurs Rêves. Il doit le préserver et le transmettre mais aussi entretenir les sites et organiser les cérémonies qui lui sont associées. Chez les Aborigènes du désert, les liens de parenté sont trop complexes pour que l'on décrive cette transmission des Rêves comme de père en fils; mieux vaut dire de générations en générations. En fait, chaque Rêve de la région occupée par un groupe ethnique appartient à un des huit groupes de parenté, et dans chacun de ces groupes de parenté, les différents aspects du Rêve sont sous la garde des plus initiés, chacun d'eux étant le gardien d'un des aspects du Rêve du groupe de parenté (Bardon 1991, 4-6). La transmission du

Rêve occupe une très grande place dans l'éducation. D'ailleurs, la connaissance profonde d'un Rêve associée aux différentes initiations est généralement l'apprentissage de toute une vie (communication personnelle: Petitjean 2002).

1.4.8 Les sites sacrés

Les lieux de l'émergence et de retour en terre des ancêtres ainsi que les lieux où les ancêtres eurent des comportements particuliers (les lieux d'une bataille entre deux ancêtres, ceux où une cérémonie fut inventée par un ancêtre, ...) sont devenus des sites sacrés (Forge 1989, 152). Seuls les initiés peuvent s'y rendre car les forces qui occupent ces sites sont trop puissantes et donc dangereuses pour des non-initiés (Bardon 1996, 10). Les peintures rupestres se trouvent très souvent dans ce genre d'endroit. On voit ici comment le monde matériel, plutôt que d'être séparé du monde spirituel, en est l'écrin. La connaissance de ces rêves liés à une terre bien précise est aussi une preuve d'appartenance à cette terre. C'est entre autre par ce moyen, avec un support peint de leurs connaissances, que des groupes aborigènes ont pu légalement récupérer les terres d'origine d'où ils avaient été chassés (Bardon 1991, XI).

Tous ces éléments montrent que la pensée aborigène ne laissent pas de place aux dichotomies si présentes dans la pensée occidentale : les séparations vivantsobjets, passé-présent, humain-animal, matériel-spirituel...n'ont aucun sens dans cette vision d'un monde où « la religion mène son peuple dans le monde par une expérience immanente de l'unité dans l'ici et maintenant »(Rose 1987, 268).

Les notions d'animisme et de totémisme ont été utilisées pour qualifier ces croyances (Strehlow 1964, 44-59) mais elles paraissent actuellement bien trop

réductrices pour s'appliquer à une religion si complexe. Ces termes étaient utilisés pour qualifier les croyances primitives dans une perspective évolutionniste, théorie maintenant largement dépassée.

1.4.9 En résumé

Le Rêve fait référence au temps de la création par des ancêtres plus ou moins humains mais est éternellement présent, notamment par les cérémonies qui lui sont dédiées. Le Rêve est aussi la Loi qui règle les comportements quotidiens et rituels et qui est la preuve de l'appartenance à un territoire. Le Rêve par son étendue sur des grands espaces créent des relations entre les groupes humains mais aussi entre les hommes et les animaux, les plantes, la terre. Le Rêve est omniprésent, il est à l'origine de l'unité et de l'équilibre du cosmos.

1.4.10 Une continuité religieuse sur des millénaires ?

La transmission de toutes ces croyances n'a pas pu se faire de façon tout à fait figée sur des millénaires. Les formes, depuis les peintures rupestres jusqu'aux peintures sur toiles, nous montrent une continuité évidente mais qu'en est-il de leurs sens et significations ? Il me semble plus facile de conserver et de transmettre fidèlement des formes peintes ou gravées sur des matériaux tels que la pierre et qui résistent ainsi au temps, que de conserver et transmettre des histoires racontées oralement. On peut donc supposer que le Rêve a évolué au cours du temps, en raison de l'impossibilité d'une transmission orale figée, mais aussi pour que les histoires du Rêve correspondent toujours avec une réalité changeante. Ainsi on peut penser que les histoires se sont adaptées aux

changements de l'environnement naturel ainsi qu'à ceux des techniques et pratiques quotidiennes. Il y a des processus d'évolution dans les figures et les cérémonies ou traditions, un de ceux-ci est le rêve qu'a une personne initiée pendant son sommeil. Comme une sorte de révélation, un songe est considéré avec beaucoup de sérieux comme une communication du Rêve pour modifier ou compléter les traditions. Ainsi de nouvelles cérémonies ou de nouveaux motifs sont introduits dans la tradition, en échange parfois d'un présent pour ceux qui sont responsables du Rêve qui se voit modifié (Glowczewski 1989, 232 ; Isaacs 1990, 66).

L'arrivée des Européens sur le continent pose cependant un problème. Les massacres qui eurent lieu dans le sud-est du pays ont fait disparaître la majorité de la population aborigène qui s'y trouvait avec leurs traditions. Il en va différemment dans les zones où le contact avec les conquérants fut moins destructeur. On constate quand même, dans la terre d'Arnhem, une rupture dans la tradition. La transmission des savoirs profonds des initiés n'a pas passé les générations et les interprétations des peintures rupestres que font les Aborigènes d'aujourd'hui sont différentes de celles de leurs aïeux qui furent enregistrées et conservées. Le savoir d'aujourd'hui est celui des niveaux bas d'initiations et des non-initiés, complété par des traditions ré-inventées ou reconstruites (Communication personnelle : Groenen 2002).

Le cas est différent dans le désert où le choc des civilisations fut encore moins important et plus tardif, même si la détresse des Aborigènes fut très grande lorsqu'ils étaient chassés de leur terre ou lorsque les enfants leur étaient volés, il semble qu'ils aient transmis une grande partie de leurs traditions jusqu'à aujourd'hui. Il y aurait donc toujours à ce jour des cérémonies secrètes et des

différents niveaux de profondeurs dans la compréhension des Rêves. Mais tout comme les changements de l'environnement provoquent depuis des millénaires des adaptations religieuses, il paraît évident que les traditions ne sont pas sorties intactes du contact avec les colonisateurs. Leur environnement a profondément changé, il est donc improbable que leurs traditions n'aient pas elles aussi été modifièes, ne serait-ce que par l'influence des autres religions qu'on a tenté de leur imposer avec plus ou moins de succès (Edward 1998, 95-6). En fait, la génération des peintres des années 1970, qui s'éteint de jour en jour, est la dernière génération d'Aborigènes du désert pleinement initiés. La plupart des jeunes aborigènes préfèrent ne pas être initiés plutôt que de subir les souffrances des initiations6, d'autant plus que les connaissances qui y sont acquises sont, sous le couvert d'un aspect religieux, surtout une pratique de survie dans le désert. Les jeunes, avec les facilités offertes par la voiture et les multiples commerces alimentaires et autres, ne veulent plus chasser le kangourou à la lance et creuser la terre pour trouver des tubercules. Ils n'ont plus besoin des connaissances du Rêve, et le Rêve en meurt (Kimber 1996, 34-5 ; communication personnelle : Petitjean 2002).

6 La douleur va crescendo au cours de la vie initiatique qui s'étend de 14 à 44 ans : circoncision, subconcision, dents cassées au burin, scarification... (communication personnelle : Petitjean 2000)

Chapitre 2 : Historique des peintures

contemporaines.

2.1 Les formes ancestrales de l'art actuel.

Différentes formes d'expression artistique précèdent l'apparition des peintures contemporaines sur toile. L'art rupestre, les peintures sur sable et l'art corporel existent depuis des milliers d'années et c'est dans ces pratiques rituelles que les artistes contemporains puisent leurs motifs, leurs compositions et leur inspiration.

2.1.1 L'art rupestre.

On retrouve un peu partout sur le continent australien des milliers de motifs gravés ou peints sur la roche. Certains sont anthropomorphes ou zoomorphes, d'autres représentent des traces laissées sur la terre par les hommes et les animaux. Mais la plupart ( les lignes, cercles concentriques, points, demi-cercles...) semblent abstraits à toute personne qui n'a pas appris leur symbolique particulière. Tous ces motifs doivent être considérés en relation avec leur environnement et avec les croyances religieuses. (Isaac 1990,136).

2.1.1.1 Caractéristiques formelles de l`art rupestre du désert

L'art rupestre du désert est principalement non-figuratif. Son uniformité est assez exceptionnelle pour une surface géographique si étendue. Formé de cercles, lignes, points... et d'empreintes d'animaux et d'hommes, cet art montre la grande différence, dans la façon de représenter le monde, entre les Aborigènes du centre7 et la manière européenne.

7On retrouve des signes identiques à ceux du Désert dans d'autres régions comme le Queensland et l'ouest des New South Wales.

2.1.1.2 Les sites

Dans la grotte Koonalda, prés de la plaine Nullarbor dans le sud de l'Australie, on trouve, sur les parois, des traces datées de 20000 avant J.C. Ces traces sont considérées comme les premières formes d'art sur le continent. Dans le désert central, des sites comme Ewaninga (ILL.6), Owalinja (ILL.7), Rodinga (ILL.8), Uluru (ILL.9) et Nama (ILL.10), entre autres, présentent des motifs non-figuratifs de cercles ou U peints ou gravés. Ces sites sont difficilement datables car ils sont restés utilisés pendant plusieurs siècles, voir plusieurs millénaires, et le sont même parfois encore aujourd'hui (Brill 1988,154). Les matières anciennes ont été recouvertes par de nombreuses couches de peintures, ce qui rend plus difficile la datation au carbone 14.

2.1.1.3 Une interprétation ?

Les Aborigènes du désert dessinent ce qui peut apparaître comme une vue aérienne de la terre sur laquelle les êtres vivants ont laissé leurs traces (Isaac 1990,142 ; Layton 1992, 54) (cf.p. 56-7).

2.1.1.4 Une continuité jusqu'à aujourd'hui.

Dans une de ses études, Layton a comparé l'art rupestre avec les dessins faits dans le sable par les Aborigènes du vingtième siècle pour illustrer leurs récits de légendes ou d'événements réels : les signes sont les mêmes, preuve d'une continuité traditionnelle (Layton 1992, 54). L'observation des sites du Désert nous montre que les motifs que l'on retrouve dans les tableaux contemporains sont tout à fait dans la continuité formelle de l'art rupestre du désert central puisque les signes sont les mêmes : les cercles concentriques reliés entre eux par des lignes, les formes en U, les empreintes sont donc traditionnels dans cette région. On

constate ainsi que non seulement les motifs sont restés les mêmes sur des millénaires dans les différentes habitudes traditionnelles, mais qu'ils ont également été repris pour les peintures contemporaines qui sont une pratique relativement nouvelle pour les Aborigènes. Par contre, les études faites sur la composition et sur le cadre sont difficilement applicables à l'art rupestre puisque le cadre des peintures rupestres est beaucoup moins bien défini et que l'état actuel des parois est le résultat de l'accumulation et de la superposition de motifs peints ou gravés sur une très longue période, il est donc difficile de vraiment parler de composition.

2.1.2 Les peintures de sable.

2.1.2.1 Description formelle

Aussi appelées « ground painting » en anglais, les peintures de sable (ILL.11-14) sont d'immenses tableaux formés sur le sol avec les couleurs et textures naturellement présentes dans le désert, c'est-à-dire principalement des pigments, des graines, des herbes hachées, des plumes, de la fiente, du sang et du sable. La majorité de ces compositions varient entre 6 et 30 m2 (Kimber 1993, 231) mais d'autres atteignent 100 m2, ce qui permet des compositions très complexes dont les tableaux sur toile ne sont généralement qu'un fragment (Michaels 1994, 53). Certaines peintures de sable sont construites autour d'un piquet central décoré et peuvent contenir des objets sacrés.

2.1.2.2 Peintures religieuses

Ces peintures sont rituelles. Elles sont composées lors de cérémonies qui
peuvent durer plusieurs jours. En général, on compose une peinture par jour qui
sera détruite à la fin de la journée par les danseurs. Néanmoins, on conserve

parfois une peinture pour l'incorporer à celle du lendemain. Ces tableaux, associés aux peintures corporelles, aux chants et aux danses, sont un moyen de renouer le contact avec les ancêtres originels. Considérées comme dangereuses pour les non-initiés à cause des forces ancestrales qu'elles invoquent, ces cérémonies sont maintenues secrètes (Isaac 1984, 45).

2.1.2.3 Etapes de fabrication

Les hommes qui font le tableau sont tous d'âge mûr car ils doivent avoir un niveau d'initiation très élevé qui leur permette de connaître précisément toutes les étapes du rituel et le rôle de chacun. Les initiés réunis pour la cérémonie choisissent une surface plus ou moins plane qu'ils défrichent sur un site souvent lié à l'émergence ou à la disparition de l'ancêtre qu'ils s'apprêtent à vénérer. Ils recouvrent le sol de terre de termitière mouillée puis séchée et y ajoutent parfois leur propre sang (Strehlow 1964, 51). Ces techniques rendent la surface bien plate et durcie. Les différents matériaux nécessaires sont rassemblés et préparés : les herbes sont finement hachées puis colorées avec de l'ocre ou de l'argile en poudre de manière à former une pâte colorée semblable à du papier mâché. Les cercles sont formés en premier par plusieurs personnes assises autour du motif en construction. Ce principe de construction induit l'absence de sens du tableau : on peut le regarder depuis n'importe quel côté, d'autant plus que ces compositions ne sont pas de formes régulières mais plutôt une surface aux bords ondulants. Les "artistes" forment les motifs avec de petits tas de pâte colorée juxtaposés; on pourrait voir là l'origine de points caractéristiques des peintures actuelles sur toile. Ce travail est lent et est souvent accompagné de chants fredonnés associés au tableau réalisé. A la fin de la cérémonie, le tableau est entièrement détruit par les pas des

danseurs. Ainsi les non-initiés qui viendraient sur place après la cérémonie n'en trouveraient presque plus de traces. (Isaac 1984, 212-3).

Les groupes des Aranda de l'Est et du Sud comme ceux du désert occidental ne construisent pas ces peintures de sable, mais font des cérémonies similaires où le support des motifs rituels est non pas le sol mais des boucliers (Strelhow 1964, 51). Des peintures de même type peuvent également décorer des pierres, des coolamons, sorte de grands plats qui servent au transport, et d'autres objets utilisés principalement lors de rituels (ILL. 15-18).

2.1.3 Les dessins de sable

Traditionnellement, la parole peut être accompagnée de dessins symboliques ou figuratifs faits dans le sable et illustrant le discours. Il pourrait s'agir, par exemple, d'une chasse ou de l'histoire d'un ancêtre, ou encore d'expliquer l'organisation sociale de la société (ILL.19). Au fur et à mesure de l'histoire, le narrateur efface les dessins de la main pour illustrer la suite. Se succèdent ainsi plusieurs scènes attachées à l'histoire. Le dessin remplace même parfois la parole tout comme le langage des signes qu'utilisent les Aborigènes (Petitjean 2000, 56). Les peintures contemporaines utilisent souvent les mêmes signes que ceux que l'on voit dans les dessins de sable (Petitjean 2000, 56).

2.1.4 Les arts du corps

2.1.4.1 La peinture corporelle

La peinture corporelle est une des sources de motifs pour les artistes contemporains. Tout comme les peintures de sable et l'art rupestre, elle existe avant tout dans le contexte rituel religieux et utilise des cercles concentriques, des points, des lignes...(ILL.20). Selon T.G.H. Strehlow, elle sert, tout comme de nombreux masques et costumes africains, à transformer les danseurs et autres participants des cérémonies qui deviennent les ancêtres à qui sont destinées les cérémonies (Strehlow 1964, 52). Les motifs et les couleurs diffèrent selon les groupes et selon les cérémonies ou selon les occasions, telles que la protection lors des guerres ou la parade amoureuse. Les couleurs disposées au doigt sur la peau recouverte de graisse animale sont celle de la terre : ocre rouge, jaune et brun, argile blanche et charbon. L'ocre rouge est considérée comme la plus sacrée, invoquant la puissance et des significations profondes et secrètes (Isaacs 1984, 56).

Bien plus que de la simple peinture, on retrouve parfois une seconde peau faite sur le danseur à base d'herbes hachées et collées, de plumes, de fientes d'oiseau, etc, telle une peinture de sable sur support humain (ILL.12, 21) (Isaacs 1984, 65-6). Il ne faut pas oublier que, dans la culture aborigène, le vêtement est quasi inexistant ; la peau est donc le support direct de toutes décorations (bien qu'actuellement les vêtements occidentaux sont de plus en plus répandus : short, tee-shirt...).

2.1.4.2 La scarification

La scarification est également fort répandue. Comme la peinture, elle correspond à un statut mais est définitive. Plus que la douleur momentanée qu'elle engendre, c'est le dessin qui compte (Isaacs 1984,54). Les motifs sont les mêmes que dans les autres formes d'art aborigène vues jusqu'ici.

2.2 Historique du courant artistique contemporain.

2.2.1 Les premiers objets aborigènes du désert fabriqués au vingtième siècle.

Au début de la colonisation du désert qui accompagna l'inauguration de la ligne de chemin de fer trans-australienne en 1915, les femmes aborigènes des missions des Monts Warbuton (1934) et d'Ernabella (1939) furent encouragées dans la production de statuettes de bois destinées à la vente dans les grandes villes. Ces statuettes, connues sous le nom de toas (ILL.22), sont donc des inventions liées à la colonisation et s'insèrent peu dans la tradition aborigène. Parfois, leurs décorations reprennent des signes et des motifs traditionnels sortis des grandes compositions que sont les peintures corporelles, de sable ou rupestres. A Ernabella, des sacs, écharpes, tapis, ceintures, décorés comme les toas avec des motifs traditionnels furent également fabriqués pour la vente. Vers 1972, ces objets tissés furent remplacés par les batiks. (Caruana 1994, 102-3).

Les peintures sur toile diffèrent des toas car, même si elles ont incorporé des éléments nouveaux que sont le médium et le support, elles s'insèrent dans la continuité de la tradition. La peinture n'est pas un simple élément de décoration sur l'objet mais forme l'objet lui-même. De plus, en tant que séquences extraites des ensembles plus grands que sont les peintures de sable, les compositions gardent plusieurs niveaux de signification accessibles selon les niveaux d'initiation, et ont ainsi un sens traditionnel profond pour ceux qui savent l'y trouver. Une troisième chose distingue les peintures sur toile des toas : elles sont

insérées dans le marché de l'art en tant qu'oeuvre d'art et pas seulement en tant qu'objet artisanal ethnologique.

2.2.2 Les dessins pour les anthropologues

De nombreux anthropologues ont étudié les Aborigènes du désert dès le début du vingtième siècle. Plusieurs d'entre eux, dont Tindale et Mountford, attentifs notamment aux dessins de sables, ont demandé à des Aborigènes de dessiner sur papier avec des crayons (ILL.23-24). Ces dessins, étudiés comme la forme d'art précédant directement les peintures contemporaines, sont topographiques ou mythologiques. On y retrouve à nouveau les signes traditionnels (Petitjean 2000, 61-2). On peut voir sur certains dessins des motifs moins habituels car ils ne reprennent pas les signes que l'on a rencontrés jusqu'ici mais sérialisent une ligne ou un carré (ILL.25,27). Ces motifs rappellent les peintures de certains artistes contemporains plus originaux comme Turkey Tolson Tjupurrula (ILL.26,28)

2.2.3 Les aquarelles d'Hermannsburg

Dans la mission luthérienne d'Hermannsburg, au cours des années trente, Rex Batterbee, un artiste australien, apprit la technique de l'aquarelle aux Aborigènes de la mission pour qu'ils peignent des paysages. Parmi ses élèves, Albert Namatjira adopta définitivement cette technique et devint le premier artiste aborigène connu en Australie (ILL.29). A l'époque, il fut pris comme exemple du bien fondé et du fonctionnement de la politique d'assimilation. Il présenta sa première exposition solo en 1938 préparant ainsi le terrain aux futurs artistes aborigènes : les australiens reconnaissaient désormais que les Aborigènes pouvaient accéder à l'Art. Albert Namatjira, parce qu'il était reconnu en tant

qu'artiste, fut déclaré citoyen australien contrairement aux autres aborigènes (Caruana 1994, 106 ; Isaacs 1999, 23). Accéder à l'Art, c'était accéder à une valeur humaine qui mettait l'Aborigène artiste sur un pied d'égalité avec les hommes "civilisés" (et donc "supérieurs") qu'étaient les occidentaux. Namatjira a ainsi ouvert une porte à ses semblables vers l'humanité reconnue par les occidentaux. Albert Namatjira mourut en 1959. Une école d'aquarelle a été fondée en sa mémoire dans la ville d'Hermannsburg (Isaacs 1999, 23).

Les critiques d'art aborigène ont longtemps considéré Albert Namatjira comme un artiste en marge, presque abâtardi par son assimilation volontaire à cette peinture occidentale au détriment de sa tradition et de sa culture. Une relecture récente de son travail l'a repositionné à une bonne place dans l'histoire de l'art aborigène contemporain. Contrairement aux apparences, Albert Namatjira n'avait pas nié sa culture dans ses aquarelles. Il choisissait, au contraire, ses paysages non pas pour leur beauté, mais pour l'importance religieuse et ancestrale des lieux. Il a trouvé dans cette technique nouvelle un moyen de vénérer ses ancêtres et de conserver ses traditions religieuses sans subir de représailles (Caruana 1994, 106). Il est intéressant de remarquer que c'est le respect de la tradition qui a rendu une valeur artistique aux oeuvres de cet artiste. On constate à nouveau un des nombreux paradoxes de la notion d'art contemporaine : ici la tradition est valorisée et là, la rupture. L'école d'Hermannsburg produit toujours des aquarelles comme les faisait Albert Namatjira à l'époque (ILL.30).

2.2.4 La naissance d'un courant artistique : Papunya (Bardon 1991,

18-46)

Pour ce chapitre, je me base exclusivement sur le texte écrit par Geoffrey Bardon lui-même, l'homme qui est à l'origine du courant artistique et qui a vécu les deux premières années de développement de la peinture. Lors de mes lectures, j'ai vite remarqué que les auteurs qui parlent de cette période se basent toujours sur Bardon, il m'a donc semblé inutile de faire référence à plusieurs textes dont le fond se base sur un seul original. Pour la période succédant Bardon, je me suis à nouveau basée sur différents auteurs.

Papunya est une petite ville cachée dans le désert, située à 33km au nord des Macdonnell Ranges et à 200 km à l'ouest d'Alice Spring (Carte 2). Etablie en 1960, elle compte un millier d'habitants originaires de cinq groupes ethniques aborigènes qui furent chassés par les grands éleveurs de leurs territoires ancestraux : des Aranda, des Anmatjira Aranda, des Walpiri, des Loritja et des Pintupi. Papunya est la dernière colonie établie8 dans le désert par les Australiens dans le cadre de leur politique d'assimilation.

2.2.4.1 Première étape : la peinture murale (Bardon 1991, 18-22)

Geoffrey Bardon arrive à Papunya en 1971 en tant que professeur. Plus ouvert que la plupart des blancs de la colonie, il s'intéresse de près aux Aborigènes. Avec sa formation artistique, il est vite attiré par les dessins que font les enfants aborigènes dans le sable et leur demande de peindre le mur de l'école. Ce ne furent pas les enfants mais des hommes importants, par leur niveau d'initiation,

8 Après, autour d'Alice Spring, celles de Hermansburg, Haasts Bluff, Yuendumu et Lajamanu.

qui prirent le commandement des opérations, alors que d'autres hommes, un peu plus jeunes, peignaient. Bardon comprit rapidement l'importance que prenait le projet. La peinture était d'inspiration religieuse, elle devait convenir à toute la communauté aborigène malgré leurs différences culturelles et devait pouvoir être vue par tous, initiés et non-initiés. Il encouragea l'absence d'éléments occidentaux dans la peinture, notamment au sujet de fourmis qui furent d'abord dessinées figurativement puis, suivant les conseils de Bardon, représentées par leur signe aborigène. La peinture était une version du Rêve de la fourmi à miel dont le site est à Papunya même (ILL.31). Ce fut la première peinture d'une longue série.

2.2.4.2 Deuxième étape : engouement des artistes pour la peinture (Bardon 1991, 22-41)

Petit à petit? des Aborigènes, principalement Pintupi, peignirent de nombreux Rêves sur les planches qu'ils trouvaient (ILL.32-37). Bardon fournissait pinceaux et acrylique ainsi que l'atelier : ses quartiers et le fond de la classe. De nombreux hommes s'essayèrent à ce nouveau type de médium. Certains ne firent qu'une ou deux toiles, d'autres peignirent à plein temps. Cette possibilité qui leur était donnée de peindre leurs Rêves était un point d'accroche aux traditions qu'on tentait de leur faire oublier, un regain de leur fierté d'homme répondant à des lois qui étaient les leurs. Peindre devint un des rares moyens de préserver leurs traditions culturelles et sociales.

Bardon s'acheta d'abord quelques toiles, puis eut la permission d'en acheter pour l'école. En août 1971, une peinture aborigène de Kaapa Tjampitjinpa gagna un concours à Alice Spring. Bardon décida alors d'y vendre des toiles : ce fut un grand succès. Les Aborigènes de Papunya n'en revenaient pas : non seulement ils pouvaient peindre leurs motifs traditionnels mais en plus, des blancs payaient

pour acquérir leurs tableaux ! Bardon devint une sorte d'agent, bien qu'il ne prit jamais de commission, en écoulant les productions de Papunya. Pour mieux organiser la vente, une coopérative fut créée, appelée « Papunya Tula », du nom d'un endroit près de Papunya considéré comme un lieu de réunion pour tous les frères et les cousins.

2.2.4.3 Troisième étape : les embûches (Bardon 1991, 41-46)

Des problèmes accompagnèrent néanmoins le succès des tableaux : les artistes y avaient inclus des motifs sacrés et secrets, ce qui causa des tensions au sein de la communauté aborigène lorsqu'on réalisa que ces motifs étaient exposés à la vue de n'importe qui. Les peintres firent dès lors attention. Ils recouvrirent les éléments secrets des tableaux qui n'étaient pas encore vendus. Pour les autres, le mal était fait.

Le second problème fut que l'administration de Papunya n'appréciait guère de voir ce commerce échapper à leur contrôle. On accusa Bardon d'être un trafiquant d'objets aborigènes ; il fut surveillé et limité dans sa liberté. Les tableaux furent considérés comme appartenant au gouvernement et les Aborigènes ne touchèrent dès lors plus que 5% du prix de vente. Ce fut le début d'une crise durant laquelle les artistes peignaient de moins en moins et les autorités détruisirent le symbole du début du courant artistique en faisant repeindre en blanc le mur de l'école. Ce retournement de situation rendit Bardon physiquement faible et malade. Il finit par quitter Papunya en juillet 1972 avec le sentiment d'avoir échoué.

2.2.4.4 Quatrième étape : persistance et récompense.

Cependant, d'autres blancs philanthropes et amateurs d'art continuèrent le travail
de Bardon. En 1976, la politique envers les Aborigènes changea, ils eurent dès

lors les mêmes droits que tous les citoyens d'Australie. Le courant artistique reprit ses libertés du début, se développa et continue aujourd'hui. Dans les années quatre-vingts, des femmes artistes rejoignirent les hommes, d'abord comme assistantes puis comme peintres à part entière. Sonder Nampitjinpa fut une des premières de celles-ci (Caruana 1994, 122). Avec le changement de politique, beaucoup d'Aborigènes rejoignirent leur terre d'origine, avec tous les problèmes de droit foncier que cela comportait, et répandirent ainsi géographiquement l'idée de peindre pour les blancs.

2.2.2 Les autres centres de développement.

Les centres décrits ici sont les centres les plus importants de l'histoire de l'art du Désert. Ils sont repris par de nombreux auteurs ( Caruana 1994, 107-51; Crumlin & Knignt 1991, 57-76; Isaacs 1999,23-31 ; Kimber 1993, 235-6). Malheureusement, on ne trouve que peu de représentations des tableaux du début du courant artistique dans les différents centres de productions. Parmi ces derniers, ceux qui ne sont pas illustrés ici, le sont dans la classification stylistique du troisième chapitre.

2.2.2.1 Yuendumu : deuxième noyau de développement.

« Centre de peuplement » créé en 1955 à 120 km au nord-ouest d'Alice Spring, Yuendumu regroupait à l'origine (et toujours actuellement) principalement des Aborigènes Walpiri. Dès le début des années soixante-dix, on proposa aux Aborigènes de Yuendumu et à ceux des autres centres Walpiri de quoi peindre à l'aquarelle et à l'acrylique. Mais rares sont ceux qui consentirent à peindre aussi librement des motifs ancestraux avant les années quatre-vingts (ILL.38). Comme

ils avaient été précédés d'une dizaine d'années par les artistes de Papunya, les Aborigènes de Yuendumu étaient, avant même de commencer à peindre, au courant du fonctionnement du marché de l'art, et bénéficièrent des découvertes et des erreurs de leurs voisins. Ils mirent tout d'abord au point un système de contrôle des images pour éviter la diffusion d'éléments secrets et sacrés : en 1985, la coopérative de l'Association des artistes aborigènes Warlukurlangu endossa ce rôle ainsi que celui d'intermédiaire entre les peintres et les acheteurs. C'est en 1983 que furent peintes les fameuses portes de l'école de Yuendumu suite à la demande du Principal, Terry Davis, à un groupe de grands initiés. Les peintures (ILL.39) représentent les aspects profanes, et donc visibles par tous, de différents Rêves de la région. Leur présence au sein de l'école a instauré un équilibre symbolique entre la tradition occidentale enseignée aux enfants et la tradition aborigène ainsi remise en valeur (Caruana 1994, 223 ; Isaacs 1999, 29). Les grandes surfaces que sont ces portes entraînèrent les peintres à choisir pour support des grandes toiles plutôt que les petites utilisées jusque là : les grandes surfaces leur permettent de faire des compositions plus complexes, véritables séquences extraites des peintures de sable traditionnelles (Caruana 1994, 224). Les femmes artistes ont pris plus d'importance à Yuendumu qu'à Papunya, peutêtre notamment grâce à l'intérêt que leur ont porté Nancy Munn et Françoise Dussart, deux anthropologues. En 1984, les femmes passèrent de la décoration d'objets quotidiens à la peinture sur toile pour acquérir les fonds nécessaires à l'achat d'une voiture pour la communauté (Caruana 1994, 126). Beaucoup se sont attachées à ce dernier médium (ILL.40,41). Actuellement, environs 200 artistes, hommes et femmes, peignent pour l'association Warlukurlangu (Isaacs 1999, 29).

2.2.2.2 Lajamanu

A Lajamanu (Carte 2), un autre centre de peuplement établi en 1949 où se sont retrouvés un grand nombre de Walpiri, le développement de la peinture sur toile suivit les mêmes étapes qu'à Yuendumu : durant les années soixante-dix, les Aborigènes se montrèrent réticents et le courant artistique ne commença vraiment que dans les années quatre-vingt (ILL.42-44). Ici ce sont des femmes qui peignirent les portes de l'école trois ans après celles de Yuendumu. Mais avant cela, en 1983, douze artistes furent invités à exécuter une peinture de sable au Musée d'art moderne de la ville de Paris dans le cadre d'une exposition sur l'art aborigène contemporain intitulée D'un autre continent : l'Australie, le rêve et le réel (ILL.14). Dés 1985, les hommes et des femmes se mirent à peindre, les premiers à la peinture traditionnelle sur bois et les secondes à la gouache sur carton (Caruana 1994, 134).

2.2.2.3 Haasts Bluff

Haasts Bluff est situé à 200 kilomètres à l'ouest d'Alice Spring sur les terres des Loritja et des Kukatja mais fut peuplé dans les années trente par beaucoup de Walpiri et Anmatyerre réfugiés. En 1941, Haasts Bluff fut déclaré réserve aborigène. Dès les années soixante-dix, les habitants ont peint en relation étroite avec Papunya dont l'organisme artistique Papunya Tula leur fournissait le matériel de base. Lorsque les fournitures n'arrivèrent plus, seulement très peu d'artistes continuèrent à peindre. Ce n'est qu'en 1992 que se constitua le Centre des femmes Ikuntji qui procura aux habitants de Haasts Bluff, en plus de services éducatifs et de soins aux enfants, le matériel de peinture si difficilement accessible sans intermédiaire (Isaacs 1998, 26-8 ; Petitjean 2000, 94-5).

2.2.2.4 Utopia

Utopia est la région autour de la rivière Sandover à 200km au nord-est d'Alice Spring. Occupées au début du siècle par une famille de fermiers australiens, ces terres ont été rendues aux Aborigènes Anmatyerre à la fin des années soixantedix. Ces derniers se sont répandus sur la région en de nombreux groupes familiaux (Ross-Manley 1998,54).

Les femmes artistes de la région ont appris l'utilisation du batik grâce aux femmes d'Ernabella. Certaines, accompagnées par quelques hommes, se mirent à la peinture à l'acrylique sur toile en 1988 sous l'impulsion de Rodney Gooch, conseiller artistique. Changement de support qui permit aux femmes d'Utopia de sortir de l'anonymat en entrant dans le marché de l'art alors que le batik était toujours passé pour un artisanat (Brody 1998, 81-2).

2.2.2.5 Balgo Hills

Balgo est situé à 850 km au Nord-ouest d'Alice Spring, à la frontière du Kimberley. Ce « hameau » fut construit par des Aborigènes menés par deux prêtres catholiques vers 1940. Pendant la deuxième guerre mondiale, de nombreux Kukatja et Ngadi chassés de leurs terres par les soldats australiens se réfugièrent à Balgo. Les Aborigènes et les catholiques eurent toujours des rapports de respect mutuel, la relation était donc moins traumatisante que dans les colonies (Caruana 1994, 146).

Les premières peintures apparurent à la fin des années soixante-dix, suivant probablement l'exemple de Papunya avec qui Balgo entretenait des relations. Mais ce n'est que vers 1983 que les peintres furent administrés sous l'influence du service éducatif local qui développa la production (ILL.45, 46) et en 1986, l'exposition "art of the Great Sandy Desert", qui eut lieu à la Art Gallery of Western

Australia dans la ville de Perth, fit connaître l'art de Balgo au grand public (Petitjean 2000, 91). En 1987, le conseiller artistique Andrew Hughes fut appelé pour diriger la coopérative « Warlayirti Artists » (Ryan 1989, 58).

Chapitre 3 : Forme et symbolique de

la peinture contemporaine.

3.1 Technique

La toile a vite remplacé le panneau utilisé dans les premiers temps du courant artistique pour des facilités de transport et de stockage dans le cadre du marché. Les artistes utilisent principalement l'acrylique, de couleurs traditionnelles ou non, selon leurs préférences. Les aplats sont faits à l'aide de pinceaux alors que les points sont peints soit traditionnellement avec le bout d'un fin bâton (ILL.47) ou avec les doigts, soit avec un coton tige ou un pinceau (le bout du manche tout comme les poils). Comme pour les peintures de sable, la toile est posée par terre et l'artiste (ou les artistes) tourne(nt) autour pour peindre (ILL.48). Les motifs principaux sont peints en premier (ILL.49) suivis des motifs secondaires puis le fond (Isaacs 1999, 13-4).

Certaines règles liées aux connaissances religieuses et à la parenté organisent les rapports entre peintres. On est le kirda d'un Rêve hérité de son père et le kurdungurlu d'un Rêve hérité de sa mère. Le kirda est « propriétaire » de la terre associée au Rêve, il a sur celle-ci des droits économiques et spirituels alors que les kurdungurlu sont les gardiens de la terre possédée par les kirda. Il en est de même pour les peintures de Rêve : les kurdungurlu vérifient que le kirda qui peint le Rêve respecte les règles de représentation. Ces règles ne sont pas appliquées aussi strictement pour les peintures destinées au marché que lors des cérémonies mais personne ne peut peindre un Rêve sans la permission du kirda et du kurdungurlu (Anderson 1989, 102-3). Généralement, une peinture est le travail de deux ou trois peintres, dont le kirda qui connaît le Rêve le plus profondément. Il est souvent celui qui peint les éléments principaux de la peinture ou si ce n'est pas le cas, il supervise le déroulement des opérations, donnant des indications à un peintre peut-être plus talentueux que lui. Les peintres chantent souvent les chants

associés au Rêve qu'ils représentent. (Anderson 1989, 102-3).

3.2 Description formelle

3.2.1 Caractéristiques générales

Les peintures du désert apparaissent abstraites aux néophytes. Comme les peintures corporelles, de sables ou rupestres, les principaux motifs utilisés dans les peintures contemporaines du désert sont des cercles concentriques, des lignes, des points et des signes en flèches, en U ou en E (ILL.50). On pourrait dire qu'en général, la peinture est composée d'un fond de points colorés sur lequel sont placés les motifs significatifs mais la réalité est plus diversifiée, tant selon les régions que selon les artistes. Certains n'utilisent pas du tout de points mais des traits de pinceau (ILL.51), d'autres n'utilisent de points que pour contourner les motifs principaux laissant le fond uni (ILL.33), d'autres encore font des tableaux uniformes sans qu'aucun motif précis ne s'en détache (ILL.52) ou insèrent des personnages et des éléments figuratifs...(ILL.34)

3.2.2 Tentative de classification

On ne trouve pas, dans la littérature sur le sujet, de classification nette de l'art du Désert. Certains auteurs donnent quelques caractéristiques propres à telle ou telle région mais sans analyse approfondie. Je pense qu'une classification correspondant aux principaux centres de production est judicieuse et justifiée. En effet, en observant l'ensemble de la production, on voit que certains éléments caractérisent telle ou telle provenance. Ces caractéristiques sont principalement le fruit de l'histoire de chaque centre de production, par les choix successifs des peintres et l'influence des conseillers artistiques. L'artiste n'est pas limité par un

académisme régional, on trouve donc dans chaque centre une production diversifiée mais avec presque toujours un style dominant. J'ai tenté de mettre en évidence les éléments qui caractérisent ce style dominant. Sans entrer dans les détails, cette analyse me semble suffisante pour pouvoir resituer un tableau (appartenant au style dominant) dans son contexte grâce à ses caractéristiques formelles.

3.2.2.1 Papunya

Papunya est le lieu du commencement du courant artistique (cf p.35-8). L'organisme Papunya Tula artists Pty Ltd, créé sous Geoffrey Bardon, rassemble les oeuvres des artistes de Papunya, et des artistes pintupi de Kiwirkura et de Kintore9 (communication personnelle :Petitjean 2002). Les peintures de Papunya Tula ont suivi une nette évolution. Au début des années septante, les tableaux (ILL.32-37) sont souvent faits assez grossièrement sur un morceau de bois trouvé au hasard. Les artistes expérimentent alors ces nouveaux médiums et cela se sent. Les couleurs sont traditionnelles. La composition n'est pas toujours bien maîtrisée, on sent des difficultés pour s'adapter à la forme rectangulaire : les angles sont souvent laissés vides. On trouve déjà des points chez quelques artistes mais peu les utilisent pour couvrir tout le fond. Johnny Warrangula Tjupurrula (ILL.35) est l'initiateur de ce fond de points qui va se généraliser. Les tableaux, d'abord petits et sur bois, se sont progressivement aggrandis et l'utilisation de la toile s'est imposée dès 1975. De 1979 à 1981, Andrew Crocker, alors conseiller artistique de Papunya, soucieux de faire entrer l'art aborigène dans la sphère de l'art contemporain, a encouragé les artistes à faire des très

grands formats. Parallèlement, il a fait des monographies d'artistes et des fiches d'authenticité semblables à celles du marché contemporain (communication personnelle 2002 Georges Petitjean ; Ryan 1989, 24-9).

Aux débuts du courant artistique, des éléments réalistes comme des figures humaines (ILL.34) et des instruments rituels étaient représentés mais ils ont disparu assez rapidement laissant la place exclusive aux signes symboliques, notamment pour mieux conserver le caractère secret et ésotérique : les signes symboliques avec leur polysémie permettent différents niveaux d'interprétation selon les connaissances (Caruana 1994, 109-10) (cf. p.52-3). Les peintures de Papunya Tula se caractérisent par la présence quasi systématique d'un fond de points placés en lignes qui épousent les contours des symboles géométriques de base comme les cercles et les lignes (ILL.53). Les compositions sont souvent très organisées symétriquement. Les couleurs utilisées sont les quatre couleurs traditionnelles : le noir, le blanc, et les ocres rouges et jaunes. Actuellement, les points ont tendance à se coller les uns aux autres ce qui procure à la peinture un effet de texture très particulier et ce qui, lorsque les points sont blancs, les pousse à l'avant-plan (ILL.54, 55).

Les femmes de Papunya Tula peignent depuis l'arrivée en 1981 de la conseillère artistique Daphne Williams. Actuellement, leurs tableaux se caractérisent par l'utilisation de cette texture particulière dans des couleurs pastel (ILL.56, 57) (Isaacs 1999, 26).

D'autres artistes de Papunya Tula ont fait preuve de plus de liberté par rapport
aux traditions, ils rencontrent d'ailleurs la désapprobation d'autres initiés

9 Les pintupi du Kintore étaient dans le centre de Papunya jusqu'à leur libération en 1976 lorsque le gouvernement mit fin à la politique d'acculturation. Ils sont alors retournés sur leurs terres d'origine du Kintore (Communication personnelle: Petitjean 2002).

aborigènes (cf. p. 63). Ce sont, par exemple, Ronnie Tjampitjimpa (ILL.59), Mick Namarai Tjapaltjarri (ILL.60), Turkey Tolson Tjupurrula (ILL.61) ou Timmy Payunka Tjapangati (ILL.63). Ils sont partis d'un signe particulier (ILL.58, 58b, 62) de leur Rêve et le monumentalisent ou le juxtaposent formant ainsi des oeuvres géométriques et très abstraites, dans lesquels les initiés qui ne connaissent pas la démarche ne reconnaissent plus le Rêve (cf. p.62)(communication personnelle Petitjean 2002).

Dans une production tellement abondante que les qualités des peintures sont très variées, Papunya s'impose comme un lieu de production d'oeuvres assez exceptionnelles.

3.2.2.2 Utopia

Utopia est une communauté aborigène située à environ deux cent soixante kilomètres au nord-est d'Alice Spring. Utopia est le nom donné par les cultivateurs blancs au début du vingtième siècle, il est resté mais son vrai nom aborigène est Angarapa (Ross-Manley 1997, 53). Vers 1975, une femme d'Ernabella a enseigné aux femmes d'Utopia la technique du Batik. Il n'a pas fallu longtemps pour que de nombreuses femmes adoptent cette technique qui correspond tout à fait aux habitudes collectives des femmes aborigènes. Elles sont assises ensemble autour de la cuvette de cire et elles peignent en discutant. La teinture se fait à la chaîne. Le bouillon, pour faire fondre la cire, est tout aussi collectif puisqu'il faut de nombreuses mains pour alimenter le feu. La cohésion du groupe et le plaisir de la soie et des couleurs ont rapidement rendu le batik populaire. La vigueur qui ressort de leur soie est due à la rapidité et la spontanéité dont il faut faire preuve pour appliquer la cire sans qu'elle ne durcisse trop vite (ILL.64, 65) (Ross-Manley 1997, 53-7).

Dans les batiks, le rouge, l'orange, les jaunes et les bruns prédominent : les couleurs du désert. Certains, plus rares, utilisent aussi des verts et des bleus. C'est plus tard que les toiles ont commencé à intéresser les femmes d'Utopia. Leur style vif et spontané s'est transposé sur la toile en grands traits fluides et confiants et caractérise maintenant une grande partie de la production d'Utopia (ILL.66, 67).

Certaines femmes d'Utopia utilisent les points d'une façon particulière: elles les juxtaposent en différentes couches créant ainsi des effets qui rappellent la technique des postimpressionnistes (ILL.68-71). Les techniques d'aquateinte et de gravure ont également fait leur apparition chez les femmes d'Utopia. (Ross-Manley 1997,53-7)

3.2.2.3 Yuendumu

Les peintures de Yuendumu se distinguent de celles de Papunya par un style très libre et désordonné, aux couleurs vibrantes et variées. Les peintures des femmes (ILL.40, 72, 73) utilisent plus de courbes que celles des hommes où les lignes droites des voyages parcourus organisent l'espace (ILL.38, 74). Cependant, les peintures de Yuendumu sont rarement aussi organisées que celles de Papunya. Les points utilisés par les femmes sont également beaucoup plus petits que ceux des hommes (Ryan 1989, 68-72). Les conseillers artistiques qui se sont succédés à Yuendumu ont participé à la conservation des caractéristiques des peintures, si ce n'est que certains artistes ont tenté d'organiser un peu plus leur espace. (Ryan1989, 68-72).

3.2.2.4 Lajamanu

L'art de Lajamanu n'a jamais été pris en main par un conseiller artistique. Les artistes ont donc pu évoluer librement et chacun a trouvé son style. La production de Lajamanu s'en trouve particulièrement diversifiée. On peut néanmoins trouver quelques caractéristiques générales à l'art de Lajamanu : dans les premières années surtout, les fonds de points était très souvent blancs (ILL.42, 43) ce qui est plutôt rare à Papunya et Yuendumu. Les compositions sont plus simples et plus ordonnées qu'à Yuendumu mais n'atteignent pas l'ordre austère que l'on retrouve souvent dans les peintures de Papunya Tula (ILL.75). La palette de couleurs est plus variée qu'à Papunya mais peu d'artistes utilisent une palette aussi large que celle de Yuendumu ou de Balgo Hills.

3.2.2.5 Balgo Hills

Judith Ryan distingue deux styles artistiques à Balgo : une veine plus traditionnelle et une autre plus innovatrice, influencée par la mission catholique. Cette dernière est celle qui caractérise le plus l'art de Balgo. Les couleurs utilisées sont des couleurs très vives et variées, parfois même fluorescentes (ILL.76,77). L'influence de l'Eglise se perçoit dans la présence assez fréquente d'éléments figuratifs similaires à celles de certaines premières oeuvres à Papunya mais dont les aspects secrets ont été retirés (ILL.78,79). La présence des deux veines au même endroit laisse une très grande liberté aux artistes. « Les artistes voyagent entre les fonds unis ou recouverts de points, la symétrie et l'asymétrie, les couleurs primaires éclatantes et les tons ocres, l'abstraction et le naturalisme. »(Ryan 1989, 58).

3.2.2.6 Haasts Bluff

Cette communauté, très proche de Papunya ( qui est 40 kilomètres au Nord), a peint très tôt. L'absence de conseiller artistique et le manque de fournitures firent décliner la production artistique au début des années quatre-vingt. Ce n'est qu'en 1992, avec l'arrivée de Marina Strocchi comme conseillère artistique, que la production refleurit dans un style particulier : les couleurs primaires sont souvent utilisées, les compositions sont simples, parfois habitées par quelques personnages schématiques à côté desquels les signes traditionnels n'ont plus toujours leur place (ILL.80-82).(Petitjean 2000, 94-5) .

3.3 Symbolique

Les peintures contemporaines sont inspirées par des pratiques religieuses ancestrales ; c'est beaucoup plus la symbolique cachée derrière les oeuvres que l'aspect visuel qui a de l'importance aux yeux des Aborigènes. Malheureusement, cette symbolique nous est presque inaccessible...

3.3.1 Différents niveaux de sens

Le caractère secret/sacré de nombreux éléments religieux a poussé les Aborigènes à ne laisser dans leurs tableaux que des symboles polysémiques ( Ryan 1993, 50). La symbolique se situe au niveau collectif et pas individuel, la relation entre un motif et ses signifiés est homogène dans les groupes d'initiés de même niveau car elle est établie par les ancêtres du Temps du Rêve eux-mêmes (Puri 1992, 18 ; Edwards 1998, 83). Cependant, la polysémie est telle que certains pourraient trouver des significations là où le peintre n'en a pas mis. C'est donc le peintre, détenteur du Rêve, qui est le plus habilité à interpréter son tableau sur tous ses niveaux, d'autant plus qu'il est également le plus apte à expliquer la partie du Rêve qu'il garde (Isaacs 1984, 222). Un tableau permet ainsi plusieurs degrés de lecture : une compréhension superficielle du tableau pour les non-initiés et tous les acteurs occidentaux du marché de l'art et d'autres degrés de sens accessibles selon le niveau d'initiation. Cette notion de lecture est très importante : le tableau est avant tout une sorte de « littérature visuelle » plutôt qu'une décoration ou une surface qui devrait nous procurer un effet global. C'est la

reconnaissance des différents symboles et leur articulation qui priment (Puri 1992, 18).

N'étant pas initiée, je n'ai pu avoir accès qu'au sens connu de tous. De plus, très peu d'anthropologues ont eu accès aux autres niveaux de compréhension et le respect du secret veut qu'ils n'en divulguent pas le contenu. On se retrouve donc devant une symbolique que l'on sait très riche et complexe, surtout si les oeuvres sont faites par des anciens complètement initiés, mais qu'on ne peut atteindre ni comprendre.

Ce chapitre sur la symbolique des oeuvres tente de montrer le fonctionnement symbolique au niveau qui nous est accessible mais aussi un aperçu du fonctionnement des autres niveaux de sens.

3.3.2 Les différents symboles de base

Les tableaux sont composés à partir d'un nombre assez restreint de symboles, mais chaque symbole peut avoir un sens différent selon le niveau de lecture et selon le contexte du récit représenté. Ainsi des cercles concentriques peuvent être le rocher, point d'eau, village, site où se passe l'action, ou encore le foyer ou lieu de la halte pendant le voyage...(Peterson 1981, 46)

Cependant, on peut associer à certains symboles leurs significations les plus fréquentes. Pour cela, j'ai comparé toutes les explications de tableaux que j'avais à ma disposition (Nangara 1996 ; Bardon 1991 ;Sutton 1989 ; West 1988 ; Aratjara 1993) :

Les cercles concentriques représentent le lieu à côté ou sur lequel se déroule
l'action. Les lignes droites reliant ces cercles sont le voyage entre ces lieux. Les
formes en U représentent les hommes et les femmes assis. Ils sont le plus

souvent placés autour des cercles concentriques car ils sont représentés lors de leur halte sur des sites particuliers. Voilà pour les principaux éléments, le tableau ci-dessous explique d'autres signes moins fréquents.

 

Etoile

 

Empreintes d'émeu

 

Arc-en-ciel, nuage, dune

 

Coolamons

 

Feu,fumée, eau, sang

 

Bâtons à fouir

 

Eau, serpent,
éclair, falaise,

 

Boomerang-massue

 

Empreintes de goanna ou d'oppossum

 

Flèches

 

Empreintes de kangourou

 

Projecteur de flèche

 

Nuages de

tempête, ou vents tournant

 

Plantes du bush

Pour Kandinsky, le point est "l'élément premier de la peinture" (Kandinsky 1991,
36). Si lui en parle pour sa théorie de l'art abstrait, nombreux sont ceux qui
rattacheraient volontiers cette phrase à l'art du Désert. Ne qualifie t-on pas cet art

de « dot painting » ? Quelle coïncidence de constater qu'un peu plus loin dans son texte, Kandinsky dit : "le désert est une mer de sable exclusivement constitué de points"... (Kandinski 1991, 45). Dans l'art du Désert, les points sont en effet souvent utilisés comme fond pour la peinture et donnent dans leur succession un certain dynamisme. Ils ne sont néanmoins pas dénués de symbolisme : ils peuvent représenter la terre, la végétation, le sable, la fumée, les nuages, les rayons du soleil,... (Petitjean 2000, 65). Comme pour les autres symboles, le contexte et le niveau de lecture déterminent leur signification.

3.3.3 Interprétations des tableaux

On remarque assez vite que beaucoup de ces signes semblent correspondre à la trace vue du ciel et schématisée que laissent les hommes, les animaux ou certains phénomènes naturels sur la terre. Les hommes assis laissent sur le sol une trace en forme de U, les animaux laissent leurs empreintes, les cours d'eau et les montagnes peuvent être vues d'en haut comme des ensembles de lignes ondulées...(Bardon 1991, 131). Ce choix d'une vue d'en haut n'est pas sans rapport avec la vie traditionnelle des Aborigènes : en tant que chasseurs, l'observation du sol est primordiale pour débusquer un gibier et en tant que nomades, il faut connaître la géographie des lieux pour s'orienter et retrouver les points d'eau, les abris, les lieux sacrés...Aussi les tableaux sont souvent considérés comme des sortes de cartes géographiques, de plans du territoire où sont peints les points et cours d'eau, les montagnes, les sites sacrés et parfois aussi les différentes végétations. Certes, ces cartes ne respectent pas les proportions, les orientations ou les distances, seules les caractéristiques de la région qui sont importantes aux yeux des Aborigènes dans le contexte du rêve

qu'ils célèbrent sont représentées (Bardon 1979,10). Il ne faut pas réduire ces peintures à de simples représentations du paysage : si on peut y voir des éléments naturels et des traces, ces tableaux vont beaucoup plus loin dans leur implication religieuse, « ils sont des visions non pas du paysage mais dans ce paysage »(Green 1988, 47).

Dans un autre contexte, un tableau peut être lu comme une partition de musique rituelle lors des cérémonies (Dussart 1988,37). Malheureusement, Françoise Dussart donne cette information sans aucune explication ni référence, et, à ma connaissance, aucun autre auteur ne mentionne cette interprétation, je ne peux donc pas développer cette information pourtant fort intéressante.

Un tableau, comme je l'ai déjà fait remarquer, célèbre le Rêve dont est responsable le peintre. Mais le Rêve est, lors des cérémonies, représenté sur une surface très étendue. Le Rêve peint sur la toile n'est jamais qu'un fragment de la peinture de sable cérémonielle épuré de ces éléments secrets (Michaels 1994, 52- 3). L'interprétation que l'on peut en donner est d'autant plus imprécise que les récits de Rêves rapportés par les anthropologues sont rares et ont été surtout récoltés en Terre d'Arnhem, la région tropical au nord de l'Australie. Le climat de cette région oriente les Rêves vers des problématiques qui ne sont pas celles des habitants du désert, les Rêves racontés en Terre d'Arnhem sont trop différents pour être mis en relation avec les Rêves représentés dans le désert. Il est donc particulièrement difficile de faire des rapprochements entre les récits et la peinture, seules les explications données par les artistes nous sont accessibles. Du peu que l'on sait des autres niveaux de significations, il apparaît qu'au lieu de présenter des actions quotidiennes (la récolte de nourriture) ou des aspects de Rêve que tout le monde connaît, ils présentent des significations plus profondes sur les

répartitions du Rêve entre plusieurs groupes ou des épisodes de Rêves où sont livrées les pratiques rituelles secrètes (Anderson 1989, 118-20).

3.3.4 Analyses de la symbolique de quelques tableaux

L'analyse de quelques tableaux permet de mieux comprendre à quel genre d'interprétation on a accès. Les tableaux ont été choisis parce qu'ils présentaient un type de dessin fréquent pour lequel l'interprétation donnée est presque toujours la même ou pour leur notoriété.

Rêve Tingari 1974 Anatjari Tjakamarra (ILL.83) .

Comme son titre l'indique, ce tableau représente un Rêve Tingari souvent aussi appelé cercle Tingari. Les cercles Tingaris sont les moments des Rêves où les ancêtres ont livré les chants et cérémonies secrets connus sous le nom de Tingari (ou Tjingari) ; ils se rapportent à l'enseignement à donner aux jeunes sur les Rêves et des cycles d'initiations y sont associés (Bardon 1979, 23). Ces révélations ont eu lieu au cours de longs voyages à travers tout le pays. Les lieux où les ancêtres se sont arrêtés sont sacrés et secrets. Ce tableau nous montre donc un de ces voyages, associé ici à l'ancêtre serpent. Les cercles concentriques représentent les endroits où les ancêtres se sont arrêtés : des points d'eau ou des campements. Les U tachetés représentent des hommes avec des peintures corporelles dont on voit également les empreintes. La ligne ondulante reliant différents cercles concentriques est une représentation de l'ancêtre-serpent. L'artiste explique qu'il a représenté le « voyage de l'ancêtre-serpent de Kulkuta à

Kiwirkuta, lieux de cérémonies secrètes » (Nangara 1996, 42). Le caractère secret de ce tableau fait qu'on ne peut avoir plus d'informations à son sujet.

Rêve des deux Wanampi 1995 de Mick Namarari Tjapaltjarri (ILL.84)

La grosse bande ondulée centrale représente le serpent (wanampi) et les zones latérales de lignes ondulées, les dunes. C'est le site de Piltardi où vivent deux serpents dont un, caché sous un arbre, pour faire fuir les intrus. (Nangara 1996, 63).

Rêve de Kadaitcha 1992 de Ronnie Tjampitjinpa (ILL.85)

Les cercles concentriques en bas à droite représentent le plan d'eau de Mapurrinya, les formes allongées bordeaux qui se trouvent de part et d'autre sont les hommes Kadaitcha, les maîtres du sacrifice installés sur ce site pour créer la foudre. Le reste de l'image évoque une représentation de la foudre associée à des motifs de peinture corporelle.(Nangara 1996, 60)

Rêve des femmes à Yanyinki 1989 de Maggie Napangardi Watson (ILL.86)

Les grandes lignes droites au centre représentent des bâtons à fouir10, les cercles concentriques, des sites cérémoniels mais les cercles seuls, des points d'eau. Les U représentent les femmes (celles de gauche sont des femmes Nanpagardi et celles de droites, des femmes Napanangka) et le petit trait qui les accompagne, également un bâton à fouir. Les éléments en double peigne dans le fond représentent des vignes sauvages. Ce tableau montre le voyage des gardiennes

10 Longs bâtons que les femmes du désert utilisent pour trouver les tubercules enfouis dans la terre.

du Rêve qui est à l'origine du site Janyinki (à l'ouest de Yuendumu). Au début du voyage, à Minamina, les bâtons à fouir émergent du sol (scène centrale) et par la suite, elles créent d'autres sites avec leurs bâtons à fouir. (Nangara 1996, 48-9).

Rêve de l'esprit de la mort à Napperby 1980 Tim Leura Tjapaltjarri & Clifford Possum Tjapaltjarri (ILL.87)

Ce tableau est un des tableaux les plus connus de l'art aborigène du désert. Il présente une structure extraordinaire car il illustre le parcours de l'âme de son auteur et ses Rêves.

La ligne qui traverse le tableau représente le parcours spirituel de l'artiste dont l'âme voyage d'ouest en est à travers Napperby. Les six groupes de cercles concentriques sont les aires de repos pendant le voyage, chaque fois entourés de deux coupe-vent pour initiés. Les cinq lignes horizontales bleues représentent des cours d'eau. Les trois Rêves de Tim Leura sont représentés dans des fenêtres : le Rêve du vieil homme se trouve en haut à gauche, plus loin, toujours en haut, on voit le Rêve de l'igname, dans le coin droit en bas c'est le troisième : le Rêve du soleil et de la lune. Ces trois Rêves ont déjà été peints par Tim Leura sur d'autres toiles, chacun d'eux est un tableau à part entière. Les trois éléments dans la zone en bas à gauche sont des lieux de campement surmontés par un coupe-vent. A côté, sont peints un boomerang-massue11 et une lance. Le squelette est l'esprit de la mort et marque le pessimisme du peintre quant à son avenir et ses désillusions : il a en effet connu la politique d'assimilation et a vécu de grands bouleversements. En dessous du squelette, il y a des flèches et un boomerang. Le

11 Les boomerang-massues sont le type de boomerang que l'on trouve dans le désert. Ils ont un bout plus développé que l'autre, tels une massue et ils ne reviennent pas comme les boomerangs que nous connaissons et qui sont ceux de la Terre d'Arnhem.

fond du tableau est composé de zones de points de couleurs, il évoque les nuages, les ombres et les lumières, l'herbe, les feuilles et la terre. (Bardon 1991, 122-3; Bardon 1998, 37-41).

Ce dernier tableau illustre parfaitement le fait que les peintures du désert doivent être lues et interprétées à travers la symbolique des différents éléments qui les composent.

3.4 Quelques artistes renommés

Depuis le début de l'art contemporain du Désert, quelques artistes se sont démarqués du lot : Clifford Possum Tjapaltjarri et Emily Kame Kngwarreye ont chacun au moins une monographie, les autres sont très souvent cités et sont les plus côtés dans le marché de l'art. Leurs développements artistiques personnels sont assez intéressants et montrent bien que les artistes aborigènes peuvent dépasser les limites de la tradition pour la faire évoluer vers de nouvelles formes. La plupart de ces artistes ont pris part au commencement du courant artistique à Papunya et sont décédés récemment. Ils faisaient partie de cette génération exceptionnelle qui a pu peindre avec des connaissances approfondies des Rêves auxquelles leurs enfants n'ont malheureusement pas accédé (communication personnelle: Petitjean 2002).

Emily Kame Kngwarreye (ILL.52,65, 88-90)

Emily, née en 1916, était anmatyerre et a vécu à Utopia jusqu'en 1996, date de sa mort. Hautement initiée, elle fut la gardienne de nombreux Rêves associés à sa région. Elle fait partie des artistes les plus connus d'Australie centrale. En effet, en sept ans de peinture, elle a participé à plus de cent expositions et ses tableaux se sont vendus dans le monde entier. Son style particulièrement libre et original y est pour beaucoup (Nangara 1996, 86). Ses tableaux ne présentent pas les mêmes signes que ceux développés plus haut mais des points énormes ou des lignes entrelacées ou parallèlles. Leurs mélanges colorés font référence aux couleurs du désert selon les périodes de l'année ou les événements naturels (feu, vent...).

L'abstraction est poussée ici à l'extrême dans l'art du désert. Fred Myers interprète l'abstraction comme un moyen de mieux conserver le secret des Rêves représentés (Myers 1999,222) et, en effet, Judith Ryan explique comment cette artiste recouvre les signes habituels par des couches d'énormes points colorés (Ryan 1993, 55). Ces points ne sont néanmoins pas choisis aléatoirement, ils ont un lien direct avec les signes secrets cachés sous eux. Par exemple, sur le symbole secret d'une plante, Emily Kame Kngwarreve peint des taches rondes représentant les fleurs de cette plante. Le sens religieux est inhérent à ses oeuvres mais il est visuellement difficilement accessible (Ryan 1993, 55).

Clifford Possum Tjapaltjarri (ILL.37,87, 91-93)

Clifford Possum Tjapaltjarri, né en 1932 est anmatyerre. Il vit à Napperby dans le sud du Territoire du Nord. Déjà initié à la gravure sur bois et à la peinture, il lance réellement sa carrière artistique vers 1970 lorsqu'il travaille avec le groupe de Geoffrey Bardon à Papunya. Exposé dans le monde entier, il est devenu l'artiste d'Australie Centrale le plus connu. Plusieurs livres lui sont d'ailleurs consacrés (Nangara 1996, 84). Clifford Possum est décédé en juin 2002.

Bardon voit dans sa peinture en couches entremêlées des tentatives de tridimensionnalité. Clifford Possum essaie aussi de faire ressentir les différentes saisons et les divers moments de la journée à travers ses agencements de couleurs (Bardon 1991, 113).

Johnny Warangkula Tlupurrula (ILL.35, 94,95)

Né en 1925, il a vécu une enfance selon le monde traditionnel jusqu'à ce que sa
famille déménage à Hermannsburg. Il est pleinement initié puis déménage à

Haasts Bluff, puis, en 1960, à Papunya. C'est lui qui est à l'origine du fond recouvert de points. En effet, dans le souci de cacher les aspects secrets peints dans les premières peintures du courant artistique, il recouvre les signes secrets par des couches superposées de points créant des effets vibrants. Il fut un des grands artistes de Papunya jusqu'à ce qu'une maladie des yeux l'empêche de continuer à peindre à la fin des années quatre-vingt (Johnson 1994, 203-4). Il est décédé en juin 2001. Ces Rêves sont celui de l'igname, du feu et les histoires de Egret et Nyilppi et Nyalpilala.

Ronnie Tjampitjimpa (ILL.59, 85, 96)

Ronnie Tjampitjimpa est né en 1943 à Muyinnga (100 km à l'est de Kintore). Une fois initié, il a beaucoup voyagé, passant notamment par Yuendumu avant de s'installer à Papunya jusqu'en 1981 lorsqu'il put rejoindre sa terre natale. Il fait partie des artistes importants qui ont commencé à peindre à Papunya dès 1971 (Johnson 1994, 174-5).

Ses tableaux les plus connus sont basés sur un motif de carrés concentriques, fréquents sur les objets de bois rituels gravés, mais absents des peintures de sables et rupestres. Au début du courant artistique, on peut retrouver ce motif sur la représentation figurative de ces objets rituels (ILL.58). Petit à petit, le motif se déplace de cette représentation vers le support du tableau lui-même (ILL.58b), alors toujours entouré des autres motifs qui forment le tableau. Plus tard, Ronnie va prendre pour sujet unique ce motif monumentalisé et multiplié (Petitjean 2000, 227-8). Comme ceux d'Emily ou de Turkey, les tableaux qui résultent de cette évolution se distinguent dans la production artistique contemporaine du désert par

cette abstraction géométrique qui les rapproche étroitement de certains artistes occidentaux modernes et contemporains (cf.infra)

Turkey Tolson Tjupurrula (ILL.26, 28, 61, 97,98)

Turkey est né en 1938 à huit kilomètres de Haasts Bluff et il est décédé en août 2001. En 1959, peu après son initiation, sa famille part pour Papunya, où il est un des plus jeunes à prendre part au courant artistique de Geoffrey Bardon (Johnson 1994, 194). Turkey est gardien des Rêves émeu, serpent, feu de brousse, femme et Mitukutjarrayi. Il a peint quelques tableaux plus classiques avec des cercles concentriques reliés entre eux et parfois des éléments plus figuratifs mais se distingue surtout par ses peintures plus innovatrices composées de lignes horizontales superposées faites de points serrés (ILL.98). (Johnson 1994, 194). Ces peintures, comme celles d'Emily, de Ronny Tjampitjimpa et de Mick Namarari, frappent par leur abstraction dénuée des signes typiques de l'art aborigène du désert. D'ailleurs, ces innovations ne sont pas toujours bien perçues par les anciens (communication personnelle Petitjean 2002).

Cependant, on remarque vite que ce motif de lignes parallèles est repris de façon fort semblable par plusieurs peintres. Dans le seul catalogue de l'exposition Nangara qui eut lieu à Bruges en 1996, il est repris (avec des variations dans les couleurs, l'épaisseur des traits et la façon de les former (traits de pinceau, juxtaposition de points séparés ou pas...)) par Emily Kame Nngwarreye, Greeny Purvis Petyerre, Gladys Kemarre, Ronnie Tjampitjimpa, Charlie Eagle Tjapaltjarri, Billy Stockman Tjapaltjarri, Benny Tjapaltjarri et Turkey Tolson Tjapaltjarri. Presque chaque peinture est associée à un Rêve différent et toutes ces peintures

sont postérieures à 1990. On voit aussi un motif similaire dans un dessin sur papier fait par Jerry Waldmadjari datant des années 1930 (ILL.25) (cf.p.34). Plusieurs questions se posent : ces tableaux aux seules lignes horizontales sontils une innovation de Turkey qui développe un motif traditionnel rencontré notamment dans les peintures corporelles pour en faire son seul sujet ? Est-ce une innovation d'un autre artiste duquel Turkey et d'autres se seraient inspirés ou est-ce que tous ces artistes auraient eu la même démarche de développer cet élément de lignes parallèles? Le dessin de 1930 de Jerry Waldmadjri (ILL.25) pourrait indiquer que ne prendre que ces lignes pour sujet n'est pas une innovation récente mais une démarche traditionnelle. Mais on ne sait pas ce qu'a demandé l'anthropologue à Jerry Walmadjari pour qu'il dessine ce motif. Si l'anthropologue lui a simplement demandé de représenter de l'eau, il est normal que ce soit le seul sujet du dessin... Il m'est impossible de statuer bien qu'il semble peu probable qu'ils aient tous eu indépendamment la même démarche. Les ressemblances entre les oeuvres de différents artistes aborigènes sont très fréquentes dans l'art du désert autant pour ceux qui peignent de façon plus traditionnelle que pour ceux que l'on considère comme plus innovateurs. Il semble que, pour les artistes aborigènes, reprendre une idée de composition ou de technique découverte par un de leurs confrères est une chose tout à fait naturelle. Quoi de plus logique dans une société où l'on considère que tous ces motifs un héritage des temps ancestraux ?

Chapitre 4 : Le marché et ses

paradoxes.

4.1 Historique et fonctionnement du marché

4.1.1 Histoire du développement du marché

Dès le début de la colonisation du Désert, les artefacts aborigènes intéressèrent les anthropologues et les collectionneurs. Les objets les plus recherchés étaient souvent très sacrés et difficile d'accès. Parmi ces objets, les plus sacrés sont les Tjurunga, plaquettes de pierre ou de bois gravées12 (Murphy 1998, 263 ; Strelhow 1964, 53). Les Arandas, par exemple, voyant leurs objets sacrés en danger, les ont confiés à T.G.H. Strelhow, un anthropologue du milieu du vingtième siècle, pour qu'il les mette en lieu sûr. Ils sont depuis conservés au Strehlow research center d'Alice Spring, hors d'atteinte des non-initiés. En effet, Strelhow, dont le père étudiait déjà les Aborigènes, a vécu toute sa vie à leur contact et a appris à connaître et à respecter leurs croyances jusqu'à contredire le principe occidental de l'accès pour tous à la connaissance13...Pour les Aborigènes, plus rien n'est à découvrir car les ancêtres ont tout révélé. Seules certaines personnes de valeur14 ont accès à cette connaissance. Le centre Strelhow a reçu la confiance des Aborigènes parce que leur règle de restriction du savoir y est respectée. Seuls les chercheurs qui ont su gagner la confiance de ce peuple peuvent étudier les objets sacrés, et les textes qui les concernent, conservés au centre. Par contre, les

12 Les Arandas pensent que certains ancêtres mythiques et leurs attributs se sont transformés en ces Tjurunga (Strelhow 1964, 53).

13 Bien qu'actuellement en occident, cet accès à la connaissance est limité par des questions d'argent.

14 Les critères qui déterminent la valeur de quelqu'un ne sont évidemment pas les mêmes que les nôtres, on peut penser que la capacité à surmonter les épreuves initiatiques, ainsi que le respect des règles de vie aborigène font partie de ces critères.

informations non-secrètes, dont la très volumineuse correspondance de Strelhow, sont accessibles sans l'intermédiaire des Aborigènes (Communication personnelle par e-mail: Hersey 200215). Mais revenons-en au marché. Un commerce de boomerangs, de boucliers et de lances s'est également rapidement développé (Murphy 1998, 263). Cependant, ce sont les toas qui furent les premiers objets fabriqués pour la vente au début du vingtième siècle. Ils ont donc eu un rôle charnière dans l'histoire du marché ( ILL.22) (cf.p.33) (Caruana 1994, 102-3).

Les Aborigènes étaient néanmoins reconnus comme un peuple sans art en correspondance avec la pensée évolutionniste qui les plaçait au plus bas de l'évolution de l'homme, juste avant les singes(Fison et Howitt cités dans Kuper 1988, 92-4). Les peintures rupestres, connues depuis le dix-neuvième siècle, étaient d'ailleurs attribuées par certains extrémistes aux Grecs ou aux Egyptiens puisqu'il était impensable que ce peuple aborigène si primitif en soit l'origine (Petitjean 2000, 192-3). Vers 1930, l'idée que les objets décorés pouvaient être des objets d'art commença à germer (Morphy 1998, 27).

L'art traditionnel du Désert est, je le rappelle, principalement un art éphémère (les peintures de sable et l'art corporel) ou inamovible (l'art rupestre), il n'est donc pas adapté au fonctionnement du marché occidental autour de l'objet collectable et entreposable.

Parallèlement à la vente de toas (ILL.22), les aquarelles d'Hermannsburg (ILL.29) (cf.p.34) commencèrent à être reconnues et commercialisées. Ces paysages de tradition occidentale furent considérés comme une preuve que les Aborigènes pouvaient adopter la culture occidentale et comme une réussite de la politique d'acculturation (Isaacs 1999, 23). Pendant près de quarante ans, le marché d'art

15 Shane Hersey est un des spécialistes qui travaille au Strelhow research center.

aborigène se limita à ces deux types d'objets et à toute une série d'objets artisanaux (tissus, bols, sacs...)(Caruana 1994, 102). Le début des années soixante-dix vit naître le courant de l'art du Désert. Les tableaux furent très vite vendus à Alice Spring. Mais la diffusion resta restreinte jusqu'au début des années quatre-vingt lorsque les autres centres de production se mirent en route. Le marché se développa alors avec une production et une diffusion croissantes, accompagnées des expositions et des publications toujours plus nombreuses en Australie. Altman estime la croissance du marché à 33% par années entre 1980 et 1987 et plus encore entre 1987 et 1989 ( Altman 1989, 17).

C'est à partir de 1986/87 que les tableaux commencent à être reconnus comme de réelles oeuvres d'art plutôt que comme des objets d'artisanat anthropologique. Une nouvelle branche du marché se développe alors : des galeries d'art reconnues et des maisons de vente aux enchères (principalement Sotheby's) s'intéressent à l'art du Désert (Altman 1989, 17).

Le marché s'est internationalisé notamment par de grandes expositions qui ont joué un rôle primordial dans cette diffusion : principalement Dreamings organisée à l'Asia society Gallery de New-York en 1988 qui fut la première à lancer des débats sérieux sur le statut de l'art de Désert comme un art à part entière et son pendant européen Aratjara: art of the first Australians, organisée par deux artistes contemporains allemands, qui voyagea à Londres, Dusseldorf et Humlebaeck (Danemark) en 1993 et 1994 (Petitjean 2000, 266-7). Les expositions se sont multipliées aux Etats-Unis et en Europe, organisées souvent par des galeristes australiens ou autochtones. Entre autres, le parisien Baudouin Lebon a participé à l'organisation d'une exposition en 2000 à la galerie Commines et à l'Ambassade

australienne et la Galerie Damasquine de Bruxelles projette elle aussi une exposition.

Des galeries spécialisées dans l'art aborigène se sont également ouvertes en Europe et aux Etats-Unis mais malheureusement, le marché reste aussi diversifié qu'il l'est en Australie. On trouve des peintures du Désert dans des galeries réputées aussi bien que dans des magasins d'objets touristiques australiens16 et les tableaux exposés sont loin d'être toujours de qualité (Petitjean 2000, 268). Cette différence de qualité dans la production est une problématique difficile car aucun spécialiste n'a, à ma connaissance, publié une étude consacrée à ce sujet... L'illustration 84, bien qu'elle soit l'oeuvre d'un artiste célèbre est de qualité médiocre : la composition, la disposition des points et les lignes parallèles sont exécutées mollement. Les couleurs sont peu harmonieuses.

4.1.2 Le fonctionnement du marché

Il existe peu d'études du marché d'art aborigène. La plus importante et la plus complète est The Aboriginal Arts and Crafts Industry, Report of the Review Committee (Altman 1989) plus connue sous le nom de "Altman report", étude commandée par le département australien des affaires aborigènes. Malheureusement, cette étude date de 1989 et est dépassée dans certains domaines car, en 13 ans, le marché a évolué.

L'étude la plus récente est The art and craft story mais elle ne se focalise que sur
le fonctionnement de certains centres artistiques17. De plus, tous les volumes de

16 L'Australie et tout ce qui s'y rattache provoquent en effet un certain engouement en Europe depuis une dizaine d'années (Petitjean 2000, 267).

17 Les centres regroupés sous l'organisation Desart.

l'étude n'ont pas encore été publiés. Les deux premiers volumes accessibles traitent en détail du fonctionnement des centres artistiques. Cette étude est basée sur une série de questionnaires qui ont été soumis aux artistes, au personnel et aux dirigeants des centres afin de comprendre leurs activités et leurs buts (Wright & Morphy 2000, 3). Limitée à certains centres artistiques, cette étude est donc moins complète que l'Altman report. J'utilise dans ce chapitre sur du fonctionnement du marché principalement ces deux sources ainsi que les informations orales que j'ai récoltées auprès des galeristes et des spécialistes australiens.

Le marché fonctionne à plusieurs niveaux : les artistes, les centres artistiques, les galeries privées de toutes sortes et les salles de vente aux enchères.

4.1.2.1 Les artistes

On estime qu'il y a plus de 5000 artistes aborigènes18 sur le continent australien, la grande majorité d'entre eux vit dans leurs communautés.(Altman 1988, 49). Leurs motivations sont multiples mais la principale est l'argent. Il ne faut cependant pas considérer cela de façon trop péjorative. S'il est évident que c'est le marché qui fait continuer ce courant artistique, la qualité des peintres et des peintures atteint de très hauts niveaux. Certains artistes sont devenus célèbres, principalement les premiers artistes de Papunya. En accord avec le fonctionnement du marché de l'art, leurs oeuvres ont plus de valeur que celles des peintres moins connus, et d'autant plus que nombre d'entre eux sont aujourd'hui décédés.

18 Considérant comme artiste toute personne ayant fabriqué et vendu un objet reconnu comme de l'art ( Altman 1989,12).

Les artistes reçoivent généralement leurs matières premières des centres ou galeries qui attendent le tableau achevé en échange. Les Aborigènes n'ont pas la même notion du contrat que nous et il arrive souvent qu'une peinture soit vendue à une autre personne que celle qui a fourni la toile et l'acrylique, au grand dam de cette dernière (communication personnelle: Petitjean 2000). Les Aborigènes ont un rapport particulier à l'argent qui a déjà été mis en évidence plus haut (cf. p.15). Il cause des problèmes dans le marché puisque certains artistes cassent euxmême les prix en vendant leurs toiles tantôt pour des milliers de dollars australiens à un galeriste, tantôt pour 100 dollars à un passant. De la même façon, certains ternissent leur réputation en vendant leurs toiles aussi bien aux grandes galeries d'art qu'aux petits magasins de souvenirs. Ce fut le cas entre autres de Clifford Possum, dont les oeuvres furent d'ailleurs boudées dès le début des années quatre-vingt-dix par les grandes galeries, trop agacées par ces pratiques. ( communication personnelle: Petitjean 2002).

4.1.2.2 Les centres artistiques

Les peintres trouvent dans les centres artistiques un apprentissage technique et des conseils pour que leur production corresponde aux tendances du marché (Wright 1999, 40). Ces centres fournissent les matériaux de base, puis prennent en charge la commercialisation et la promotion des tableaux. Ils assurent à l'artiste un payement équitable pour les tableaux vendus. Ils participent à l'organisation de projets qui concernent toute la communauté comme des projets culturels, sanitaires ou touristiques et ils se chargent aussi de fournir aux détaillants des

photos ou des vidéos qui prouvent l'authenticité de l'oeuvre19. (Wright & Morphy 2000, 42). Les implications à la fois sociales et commerciales des centres artistiques rendent leur fonctionnement particulièrement complexe.

Dans son étude, Felicity Wright les définit comme suit :

«Le terme "art and craft centre" est utilisé pour décrire toute organisation opérant en Australie profonde qui est détenue et contrôlée par des Aborigènes, où la principale activité est de faciliter la production et la commercialisation et arts et de l'artisanat"20 (Wright 1999, 7)

On en trouve une vingtaine dans le désert central, situés sur les lieux de productions principaux. Les centres les plus importants sont Ikuntji Arts Centre pour les peintres de Haasts Bluff, Papunya Tula Artists Pty Ltd pour ceux de Papunya, de Kintore et de Kiwirrkura, Utopia Awely Batik and Cultural Centre pour Utopia, Warlayirti Artists Aboriginal Corporation pour Balgo Hills, Warlukurlangu Artists à Yuendumu et Warnayaka Art Centre à Lajamanu. La plupart des centres du Désert, dont ceux cités ci-dessus, sont regroupés sous l'organisation Desart (Wrigth 2000, 119 ; Petitjean 2000, 101).

Les centres artistiques se déclarent détenus et contrôlés par des Aborigènes (Wright 1999, 27). C'est un aspect qu'ils estiment très important car ce sont eux qui doivent diriger le centre et pas des blancs. Mais, depuis les débuts du courant artistique, des blancs ont pris part à son développement. Geoffrey Bardon en est même à l'origine. Les Aborigènes n'ont pas toujours les connaissances suffisantes

19 Suite aux problèmes d'authenticité dus au travail en groupe des artistes, des galeristes ont exigé qu'une oeuvre dite d'un artiste aie été peinte par lui seul. Des photos et des vidéos de la fabrication du tableau ont alors été jointes à l'oeuvre vendue comme preuve de cette authenticité. Il est étonnant de voir que ce sont des supports aussi facilement falsifiables que la photographie ou la vidéo qui servent de preuve d'authenticité (Petitjean 2000, 128).

20 Dans le texte : "The term `art and craft centre' (henceforth abbreviated to `art centre') is used to describe any organisation operating in remote Australia that is owned and controlled by Aboriginal people, where the principal activity is faciliting the production and marketing of arts and crafts».

du marché de l'art pour pouvoir gérer le centre le mieux possible et l'aide de nonAborigènes est dans la majorité des cas la bienvenue : la gestion du centre est déléguée à un conseiller artistique non-aborigène (Wright & Morphy 2000, 21). Ces délégués sont très importants dans le marché : ils sont les intermédiaires directs entre les peintres et les galeristes ou conservateurs de musées et peuvent avoir une très grande influence sur la production artistique (Michaels 1994, 153). On a vu, par exemple, l'influence d'Andrew Crocker à Papunya (cf.p.47) et celle de Marina Strocchi à Haasts Bluff (cf.p.52)

Seuls quelques centres organisent une vente au détail. La plupart vendent simplement les peintures qu'ils collectent à d'autres détaillants (Altman 1989, 49).

4.1.2.3 Les galeries et autres détaillants.

Pour la vente au détail, on est face à une gamme élargie de lieux de vente allant de la grande galerie d'art reconnue au petit magasin de souvenirs miteux. J'ai pu moi-même le constater lors d'un séjour à Alice Spring où plus d'une trentaine d'établissements en tout genre vendent des peintures du Désert. Cette diversité s'accorde avec celle des peintures vendues dont les qualités sont également très variables.

On peut faire une distinction entre les spécialistes et les généralistes : les premiers ont un stock constitué à au moins 70% d'art et d'artisanat aborigènes et les seconds, dont les objets aborigènes ne forment qu'une partie restreinte de la marchandise. Une deuxième distinction doit être faite entre, d'une part, les galeries d'oeuvre d'art et, d'autre part, les galeries et magasins touristiques (Altman 1989, 72). Les galeries travaillent soit directement avec les artistes soit avec les centres artistiques. Dans la plupart des cas, les tableaux sont en dépôt et l'artiste touche 50% du prix de vente une fois son tableau vendu. Il arrive que les

artistes reçoivent une avance lorsque le tableau est terminé pour éviter qu'ils ne vendent eux-même leur toile à un passant (Petitjean 2000, 110-2). Certains galeristes, comme certains conseillers artistiques, orientent la production des artistes. Ainsi, comme Georges Petitjean le fait remarquer, Gloria Petyarre (ILL.99) s'est mise, suite aux conseils du galeriste Fred Torres, à faire du dripping à la manière de Pollock (ILL.100). Emily Kame Kngwarreye (ILL.101), elle, a peint ses cadres selon l'exemple de Howard Hodgkin21 (ILL.102) vraisemblablement montré par un galeriste (Petitjean 2000, 216-7).

La présentation des peintures, essentielle pour l'image que donne une galerie d'elle-même, est fort variable. Les galeristes qui veulent montrer l'art aborigène comme un art à part entière exposent les tableaux à la manière des musées d'art moderne : les tableaux sont mis en évidence par l'espace qui les entoure et la lumière qui les éclaire. D'autres galeristes, dont les préoccupations artistiques sont moins marquées, présentent le plus de tableaux possible, créant ainsi une surcharge de l'espace qui écrase les peintures et nuit à l'image que le visiteur gardera de la galerie. On peut penser que pour de nombreuses personnes, et sans doute n'en ont-ils pas conscience, une oeuvre qui n'est pas exposée comme les oeuvres d'art n'en est probablement pas une. Il est alors évident qu'une peinture accrochée entre un boomerang et un kangourou en peluche dans un magasin de souvenirs australiens, ne passe que très peu souvent pour une oeuvre d'art. Cette diversité de présentation nuit fortement à la réputation du courant artistique dans le monde de l'art (communication personnelle : Petitjean 2000).

21 Un artiste anglais abstrait notamment né en 1932, exposé notamment au Fine Art Museum of San Francisco et au Modern Art Museum of Fort Worth, Texas. ( http://www.artcyclopedia.com/artists/hodgkin_howard.html)

4.1.2.4 Les salles de ventes aux enchères

Les ventes aux enchères de peintures du Désert se sont développées dès les années quatre-vingt-dix. Les principales maisons qui s'intéressent à ce courant artistique sont Sotheby's et Deutscher-Menzies, mais uniquement dans leurs succursales australiennes. Ces ventes attirent donc beaucoup d'acheteurs étrangers (Petitjean 2000, 111-2). Sotheby's organise des ventes destinées exclusivement à l'art aborigène et l'art du Désert y a la meilleure place.

On peut voir que les prix les plus élevés vont aux tableaux du début du courant artistique à Papunya et particulièrement aux peintures des artistes décédés qui sont devenus célèbres, comme Clifford Possum Tjapaltjarri ou Johnny Warangkula Tjupurrula. Comme dans le marché d'art contemporain, les artistes qui voient leurs tableaux atteindre des sommes importantes lors de ces ventes gagnent une réputation qui fait souvent augmenter le prix de leurs autres oeuvres22 (Moulin 1997, 64). C'est une peinture de Johnny Warangkula Tjupurrula qui détient actuellement le record : Water Dreaming at Kalipinypa23 a été vendu pour 486 500 dollars australiens, soit un peu plus de 304 000 euros, le 26 juin 2000 (Petitjean 2000, 113).

L'introduction de l'art du Désert dans ces ventes aux enchères est une étape importante vers sa reconnaissance comme un art à part entière. Le fait que l'on puisse payer plus de 300 000 euros pour une toile fait d'elle une oeuvre d'art, on ne payerait pas aussi cher pour une peinture uniquement décorative ou artisanale.

22 Ce phénomène fonctionne de façon circulaire : c'est parce que l'artiste est réputé que son oeuvre se vend cher et vice versa : plus chère l'oeuvre est vendue, plus l'artiste est réputé.

23 Tableau de 1972, en peinture en poudre polymère synthétique sur panneau de 80 sur 75 cm (Petitjean 2000, 318).

La reconnaissance en tant qu'oeuvre d'art donne une plus-value à l'objet, le raisonnement inverse me semble tout aussi valable.

4.2 Les paradoxes du marché

4.2.1 La notion d'Art

Les points de vue occidentaux sur le marché de l'art et sur l'art en général diffèrent sur beaucoup de points de la pensée aborigène traditionnelle.

Le premier grand paradoxe est de trouver de l'Art dans une société pour laquelle la notion d'Art n'existe pas à l'origine. Il n'y a d'ailleurs pas de mot aborigène correspondant à notre mot « art » (Sutton 1989, 3). Le problème est le même avec les sociétés africaines et l' « Art » qu'on y a découvert. Dans ces sociétés, les objets que l'on désigne comme oeuvres d'art sont des objets dont la fonction est le caractère primordial, et non pas l'aspect. Dans de très nombreux cas, comme les peintures corporelles, rupestres et de sable aborigènes, cette fonction est religieuse. Dans le contexte des peintures sur toile, la notion d'art n'apparaît pas toujours pour le peintre car la fonction reste primordiale : dans les premiers temps, à Papunya, la peinture fut un moyen pour les Aborigènes de retrouver leurs origines et leurs traditions via les images qu'ils dessinaient auparavant dans les lieux sacrés. Elle leur permit d'abord de reprendre confiance en eux. Puis, lorsque Bardon commença à vendre les toiles, peindre devint un moyen de gagner de l'argent. Leur succès grandissant suscita un intérêt nouveau chez les jeunes ainsi qu'une reconnaissance par les Australiens et par le reste du monde de ce peuple trop souvent oublié. Les toiles servirent également de titre de propriété lors des procès attentés par les Aborigènes pour récupérer leurs terres (Bardon 1991, IX, XI, 27, Isaacs 1984, 262).

4.2.2 L'authenticité

Le problème de l'authenticité est également très contradictoire. Une peinture authentique pour les Aborigènes est une copie de l'original dessiné il y a des milliers d'années par l'ancêtre. Cette peinture doit être faite sous les ordres de la personne qui est responsable du Rêve associé ou en tout cas avec son approbation. L'artiste peut innover mais sur des points de détails et avec l'accord des autres responsables du Rêve. L'histoire doit pouvoir être lue par les personnes suffisamment initiées. S'il n'existe pas d'artiste au sens où on l'entend, les Aborigènes reconnaissent néanmoins à certains de leurs pairs des dons particuliers en peinture : par exemple pour leur grande capacité à tracer des cercles parfaits, à équilibrer la composition ou à transmettre l'histoire à travers une image. Il faut savoir que ces règles traditionnelles sont beaucoup moins respectées pour les peintures destinées à la vente que pour les peintures cérémonielles (Anderson & Dussart 1989, 93-101).

Pour le marché occidental, les critères d'authenticité diffèrent selon que l'on considère l'objet comme de l'art contemporain ou de l'art ethnique. Pour l'art contemporain, l'oeuvre doit avoir été peinte par celui qui signe. Or les Aborigènes ne signent pas car c'est l'ancêtre qui est l'auteur de l'oeuvre. Le peintre est anonyme. Pour s'adapter au marché, les signatures se sont développées24 mais c'est souvent le nom du responsable du Rêve qui est inscrit, peu importe qu'il ait peint ou non le tableau. De plus, les tableaux sont souvent réalisés à plusieurs. Comme dans les ateliers de la Renaissance, seul le « maître »signe (Petitjean

24 Les signatures sont placées très souvent à l'arrière de la toile.

2000, 163). Pour les arts primitifs, une oeuvre authentique doit avoir été conçue dans un contexte traditionnel avec les matériaux et techniques traditionnels. Les objets pré-coloniaux ou du tout début de la colonisation sont donc souvent les plus recherchés et les mieux mis en valeur. Les peintures des Aborigènes du Désert ne répondent pas du tout à ce critère puisque la transposition depuis les supports traditionnels à la toile mieux adaptée au marché s'est faite par une intervention occidentale.

4.2.3 La valeur d'une oeuvre

La valeur d'une peinture pour les Aborigènes se traduit principalement par l'importance du Rêve qui lui est associé. D'ailleurs, le peintre devra payer plus de dédommagements aux autres responsables du Rêve si le Rêve est important (Glowczewski 1991, 309). Cela pose parfois des problèmes car la valeur du Rêve, inaccessible au galeriste, ne correspond pas toujours à la valeur que donne le galeriste au tableau, et le peintre ne comprend pas pourquoi il touche moins d'argent que pour un tableau qui était pour lui de moindre importance. Le tableau en tant qu'objet n'a aucune valeur pour les Aborigènes, il ne viendrait à aucun d'eux l'idée d'accrocher leurs tableaux à un mur25 (Isaacs 1999, 15). Ils ont d'ailleurs tendance à négliger la toile une fois peinte. C'est alors aux conseillers artistiques ou aux galeristes de veiller à mettre la toile en sécurité avant qu'elle ne

25 Seul peindre est important, le résultat est sans intérêt. Les peintures de sables, dont les tableaux contemporains sont inspirés, sont d'ailleurs éphémères. Comme pour les mandalas en Inde, faire le tableau prime sur l'objet lui-même. Comme les tableaux ne sont pas fait dans une matière éphémère, les artistes les apportent aux centres artistiques ou les vendent le plus rapidement possible pour en être débarrasser (communication personnelle : Petitjean 2002).

soit abîmée par les enfants et les chiens. (communication personnelle : Petitjean juin 2002).

Pour l'art contemporain, les critères principaux qui font la valeur d'un artiste et de son oeuvre sont notamment l'innovation et l'originalité dont l'artiste fait preuve, sa reconnaissance par des spécialistes renommés et, bien que ce soit en partie nié à cause du caractère péjoratif d'une oeuvre dite commerciale, par le succès de l'oeuvre dans le marché de l'art et notamment lors des grandes ventes aux enchères (Moulin 1992, 47-64). Tous les arguments et leurs opposés ont servi à justifier la valeur des oeuvres si diverses jusqu'ici reconnues dans l'art contemporain, il devient particulièrement difficile de se baser sur des critères de qualités formelles de l'oeuvre. (Danto 2000, 45 ; Moulin 1997, 46). On a vu que l'innovation ne correspond pas aux idées que se font les Aborigènes des tableaux qu'ils peignent, néanmoins certains artistes ont pris plus de liberté pour leur interprétation picturale des Rêves et font preuve d'une réelle originalité (cf. p.62- 6).

Toute cette controverse que suscite l'art du Désert ne fait-elle pas aussi de lui un art pleinement contemporain dont un souci depuis Duchamp a souvent été de poser la question : mais finalement qu'est ce que l'art ? (Danto 2000, 42).

4.3 Art contemporain ou art ethnique ?

Est-ce que ces peintures aborigènes doivent être considérées comme de l'art contemporain, au même titre que les oeuvres de ces artistes occidentaux auxquelles elles ressemblent, ou comme de l'art ethnique en raison de leur origine traditionnelle ? Sans prétendre donner une solution définitive à cette question qui situe l'art des Aborigènes du Désert dans une position ambiguë peu confortable, je vais essayer dans ce chapitre d'analyser les données utiles pour éclaircir le problème.

4.3.1 Les peintures du Désert comme oeuvres primitives : le pour et le contre.

La situation des peintures du Désert est assez complexe car elles sont la transposition vendable et durable des oeuvres traditionnelles. Il faut tout d'abord cesser de croire que la tradition est un phénomène figé, intemporel, un équilibre rompu par l'arrivée des colons. La tradition n'a jamais cessé d'évoluer, de s'adapter aux changements extérieurs qui conditionnent la vie des populations. Aussi même si le choc a été dur, il ne faut pas voir l'arrivée des colons comme la perte de la tradition : elle a survécu, car elle s'est adaptée notamment à travers les peintures.

La tradition est le principal critère d'authenticité pour l'art ethnique et la tradition est à la base des peintures du Désert. On pourrait donc considérer ces peintures comme des oeuvres d'art ethnique. Ce serait trop simple.

Un visite dans les galeries d'art ethnique du Sablon à Bruxelles m'a permis de comprendre que l'attachement à une tradition dite ethnologique ne suffisait pas à faire d'un objet une oeuvre d'art ethnique. Outre ses qualités esthétiques purement subjectives, le caractère de "pure tradition", vierge de toute influence occidentale, détermine sa valeur en temps qu'objet d'art ethnique. Il faut que l'objet ait été créé avec des matériaux et des techniques traditionnelles par la personne traditionnellement chargée de sa fabrication et pour sa fonction traditionnelle (Rubin 1991, 14). Il aura d'autant plus de valeur si sa patine montre son utilisation traditionnelle. Le terme « traditionnel » inclut ici une absence d'influence occidentale puisque l'arrivée des occidentaux marque la fin de la "pure" tradition26. Aussi, aucun des galeristes du Sablon avec qui je me suis entretenue n'est prêt à exposer aux milieux des objets africains, asiatiques, amérindiens et africains des tableaux aborigènes du Désert. Leurs matériaux et leurs aspects en font des objets beaucoup trop occidentaux à première vue pour être intégrés à l'atmosphère d'une galerie d'art ethnique.

Les conservateurs du musée d'art d'Afrique et d'Océanie de Paris ne sont pas de cet avis puisqu'ils consacrent toute une salle aux arts d'Australie où plus d'une quinzaine de tableaux du Désert sont exposés aux côtés d'objets traditionnels sculptés et décorés. Il m'a été dit que ce musée, de par son nom, n'est pas spécifiquement un musée d'art ethnique (communication par e-mail : Lefur27 2000) et que la présence des tableaux du Désert en son sein est donc logique : l'art du Désert vient d'Océanie, il a donc sa place au musée. Mais je n'y ai vu, dans les

26 Il faut savoir que ces critères, un peu manichéens, sont ceux du marché mais pas forcément ceux des scientifiques. La notion même de tradition soulève de nombreuses questions. Mais c'est ici au marché que je m'intéresse, je n'ai donc pas l'intention de relever ces problématiques.

27 Yves Lefur est le spécialiste du musée d'art d'Afrique et d'Océanie qui s'est occupé de la salle australienne.

autres sections, que des objets correspondant aux critères de l'art ethnique, alors que l'art contemporain africain par exemple aurait dû y être représenté en tant qu'art d'Afrique...28

L'écrasante majorité des livres édités sur les peintures du Désert sont principalement anthropologiques. Ils expliquent au lecteur la notion de Rêve, les ancêtres traditionnels des peintures, l'historique des différents endroits de production et parfois une biographie sommaire des artistes. C'est l'attachement à la tradition qui ressort avant tout de ces publications, ce qui encourage l'approche de ces objets en tant qu'art ethnique.

J'ai pu constater que dans beaucoup de galeries de niveau moyen, l'histoire associée au tableau est fournie comme preuve d'authenticité. L'usage de la tradition pour démontrer l `authenticité est une habitude dans l'art anthropologique. Il est certain que la tradition est primordiale pour les Aborigènes dans leurs peintures. Le discours qui leur est associé relève du Rêve et peindre leurs Rêves fut la motivation première des peintres des années soixante-dix. D'un autre côté, ces objets n'existeraient pas sans les occidentaux qui sont à l'origine du courant artistique, fournissent les matériaux et organisent le marché. Certains voient dans ces tableaux une perversion de la tradition, d'autres une adaptation et, selon, l'acceptent comme art ethnique ou non.

28 Bien sûr, l'art du Désert est plus ethnologique que l'art contemporain africain. Cela pourrait expliquer la présence de l'un et pas de l'autre au sein du musée, mais ce n'est pas l'argument qui m'a été donné.

4.3.2 Les peintures du Désert comme oeuvres contemporaines : le pour et le contre.

Contemporain est ici pris dans le contexte artistique. Historiquement, personne ne peut dire que ces oeuvres ne sont pas contemporaines. La question ne se pose donc pas. D'un point de vue artistique, il s'agit de se demander si les peintures du Désert peuvent être considérées comme des oeuvres d'art contemporain au même titre que toutes les oeuvres reconnues actuellement comme telles. D'où la question : qu'est ce qui fait d'un objet une oeuvre d'art contemporain ? Cette question est bien trop difficile et controversée pour que je prétende y répondre, je vais donc tâcher d'en donner quelques critères récurrents et de voir de quelle manière les peintures du Désert y correspondent.

On peut trouver dans les peintures du Désert des ressemblances structurelles avec une partie de l'art contemporain : l'abstraction, la bidimensionnalité ou absence de profondeur, la mise en évidence du geste du peintre et de la texture et le non-illusionnisme sont des éléments qu'on retrouve aussi bien dans l'art contemporain que dans l'art du Désert. Ces similitudes rendent l'art du Désert beaucoup moins étrangers à nos yeux que la culture aborigène même.

On peut également trouver des ressemblances formelles entre certaines oeuvres du Désert et des oeuvres occidentales bien précises. Cela constitue un argument particulièrement en faveur de la reconnaissance des oeuvres du Désert comme oeuvres d'art contemporain. La ressemblance entre les peintures de Gloria Petyarre (ILL. 69) et les texturologies de Dubuffet (ILL.103) saute aux yeux. Ronnie Tjampitjnpa (ILL.59) et Franck Stella (ILL.104) utilisent le même motif même si l'aspect gestuel aborigène contraste avec les lignes tracées à la latte de Stella.

La reconnaissance par des institutions, comme le musée d'art, ou par des spécialistes reconnus est aussi très importante (Moulin 1997, 47-52). De très nombreux musées d'art australien contiennent des peintures du Désert et plusieurs galeries d'art contemporain ont exposé des oeuvres d'artistes aborigènes à côté d'oeuvres d'artistes occidentaux contemporains (Petitjean 2000, 138-40). Un autre élément de reconnaissance en tant qu'oeuvre d'art est le prix atteint par l'oeuvre lors des ventes aux enchères importantes (Moulin 1997, 57-8). Plus les oeuvres d'un artiste sont achetées chères, plus l'artiste est reconnu29. Ainsi, on voit que des oeuvres d'artistes aborigènes ont déjà atteint des sommes fort importantes : certes, pas autant que les records de ventes occidentales mais tout à fait honorables proportionnellement aux nombres d'oeuvres vendues et à l'âge des oeuvres : comme je l'ai déjà dit, le tableau qui détient le record à été vendu, 486 500 dollars australiens lors de la vente annuelle d'art aborigène de Sotheby's à Melbourne en 2000. (Petitjean 2000, 318)

Les critères d'originalité et d'inventivité qui semblent également être importants dans l'art contemporain (Moulin 1997, 49) sont, comme on l'a vu dans le chapitre sur les paradoxes, en contradiction avec la pensée aborigène traditionnelle. Néanmoins, certains artistes ont une démarche plus personnelle et répondent à ces critères tout en restant dans leur esprit respectueux de la tradition. Leur esprit inventif fort apprécié dans le marché de l'art à en juger par leur réputation est plus contreversé parmi des responsables aborigènes. Parmi eux, on peut citer Emily Kame Kngwarreye, Turkey Tolson Tjupurrula, Ronnie Tjampitjinpa, etc.

L'élément qui nuit le plus à l'art aborigène dans son processus de reconnaissance est, comme je l'ai déjà dit, la trop abondante production de tableaux aux qualités

très variables. Comme les tableaux sont achetés à tous les niveaux de commerce, de la galerie d'art renommée au magasin touristique de souvenirs australiens, tous les Aborigènes qui ont envie de peindre peuvent trouver un acheteur quelle que soit la qualité de leur travail. Le marché est envahi à 90% de peintures jugées très médiocres par les connaisseurs (Petitjean communication personnelle 2000). Les spécialistes de l'art contemporain qui découvrent l'art du Désert à travers ces oeuvres médiocres ont du mal à ne pas le considérer comme un courant artistique commercial sans qualité artistique.

29 Et vice-versa.

Conclusions

Cette étude a donc traité de l'art du Désert sous différents angles :

Tout d'abord, une approche du contexte dans lequel l'art du Désert s'est développé a été exposée. On voit ainsi que le contexte originel des peintures est extrêmement différent du contexte occidental. Le paysage lui-même est particulier, s'il est considéré comme généreux et riche par les Aborigènes, il nous apparaît comme un univers hostile et aride. Le soleil est brûlant, l'eau et la nourriture sont difficile à trouver... En fait, tout nous sépare des habitants de ce désert : leur physionomie, leur langue, leur vie principalement en extérieur, leur désintérêt pour l'accumulation de biens matériels et surtout de l'argent... Leurs croyances sont également très différentes des religions occidentales. Le Rêve est une notion complexe où de nombreuses dichotomies occidentales n'ont pas leur place30. Les ancêtres ont tout créé, tout réglé et tout révélé, plus rien n'est à découvrir ni à inventer...Le plus surprenant est que ces hommes si différents de nous peignent des tableaux qui nous parlent et nous interpellent, et qui sont de plus en plus présent dans le marché de l'art et sur les murs de nos salons.

On a découvert également les formes ancestrales de l'art du Désert. Les peintures actuelles descendent en effet directement de l'art rupestre, des peintures de sable, des dessins dans le sable et de l'art corporel. On y retrouve exactement les mêmes signes qui semblent être les éléments de base d'un code utilisé depuis des milliers d'année par les Aborigènes pour traduire leur Rêve en image. A

30 Les séparations humain/animal, êtres vivants/objets, matériel/spirituel, passé/présent sont presque inexistantes dans la pensée aborigène (Rose 1987, 268)

travers les formes ancestrales, on voit aussi que les images sont liées à un contexte religieux. On pourrait dire que cette constatation n'a pas vraiment de sens puisque tout pour les Aborigènes est quelque part religieux puisque tout vient des ancêtres. Mais ces formes ancestrales, à part les dessins dans le sable qui sont tracés dans des contextes très variés, sont très souvent utilisées lors de cérémonies secrètes primordiales dans la religion aborigène. Les images ont en fait depuis des millénaires un but bien précis lié au maintien de l'équilibre universel, leurs formes n'ont que très peu évolué car elles sont considérées comme les copies des images conçues une fois pour toutes par les ancêtres euxmêmes et les transformer pourrait altérer leur efficacité religieuse.

On a vu que le courant artistique du Désert a commencé grâce à l'intervention d'un australien non-aborigène, Geoffrey Bardon, dans la réserve de Papunya au début des années soixante-dix. Geoffrey Bardon redonna aux Aborigènes la possibilité qui leur avait été enlevée de peindre leur Rêve. L'espoir les envahit à nouveau puisqu'ils pouvaient exprimer leur culture et entretenir leur Rêve à travers la peinture. Rapidement, un commerce naquit. Une dizaine d'année plus tard, d'autres centres de regroupements adoptèrent la peinture acrylique. L'art du Désert était lancé. Il est intéressant de remarquer que c'est un non-Aborigène qui est à l'origine de l'art du Désert. Comme on le voit aussi dans le quatrième chapitre, de nombreuses personnes de culture occidentale ont joué, et jouent toujours, des rôles importants dans le développement de ce courant artistique. Certains pourraient alors se poser la question : à quel point l'art du Désert est-il un art vraiment aborigène ? Les médiums sont importés, l'origine vient d'un Australien blanc, le marché occidental fait continuer la production... Mais d'un autre côté, les

dessins sont le fruit de plusieurs millénaires de culture aborigène et les significations que cachent ces tableaux sont encore tellement aborigènes que personne d'autre n'y a accès...Mais cette question a t-elle vraiment un sens à l'époque d'Internet et de la mondialisation ? Toutes les cultures se croisent et se rencontrent, chacun puise où il veut ce dont il a besoin, à moins que l'on considère cela comme un privilège réservé aux occidentaux... L'art du Désert est sans aucun doute un art vraiment aborigène mais il provient de la culture aborigène contemporaine, celle qui a vécu la colonisation et qui s'est adapté à ses nouveaux voisins, et aux conditions qu'ils leur imposaient. Il faut oublier le mythe de la culture "primitive" vierge, s'il n'avait pas vraiment lieu d'être quand il a fait son apparition, c'est encore moins le cas actuellement.

Beaucoup d'artistes ont adopté pleinement les techniques occidentales puisqu'ils utilisent, outre l'acrylique et la toile, le pinceau et des couleurs non-traditionnelles. D'autres, par contre, gardent une technique plus traditionnelle avec un fin bâton pour pinceau et les couleurs traditionnelles. Par contre, jusqu'ici, aucun Aborigène n'utilise de chevalet : la toile est posée sur le sol et l'artiste tourne autour pour peindre. Ainsi, toute orientation intrinsèque au tableau est niée. C'est le galeriste qui va choisir où est le haut du tableau et où est le bas.

L'acrylique sur toile est le médium utilisé par de très nombreux artistes contemporains. La toile, particulièrement, est le support principal de la peinture occidentale depuis plusieurs siècles. Dès le début de la commercialisation de l'art du Désert, les marchands ont fourni aux artistes les médiums qui convenaient le mieux aux habitudes du marché de l'art occidental. Pour les artistes, le principal a toujours été de peindre leurs motifs, peu importe sur quoi et avec quelle peinture. On peut voir d'ailleurs que, lors des toutes premières années à Papunya, les

artistes peignaient sur tout ce qui leur tombait sous la main avec la peinture qu'ils trouvaient : souvent la peinture utilisée pour les bâtiments. Lorsque les galeristes leur ont donné de l'acrylique et des toiles, ça ne les a absolument pas dérangés. Leurs techniques traditionnelles étaient de toutes façons difficilement adaptables au marché de l'art, si tant est qu'ils eussent voulu le faire.

La symbolique des peintures est particulièrement riche mais seule sa couche extérieure nous est accessible. Voilà un point de frustration pour tout anthropologue de l'art qui s'intéresse à l'art du Désert. Les informations cachées derrière les oeuvres d'art ont toujours constitué une grande partie des recherches de l'anthropologie de l'art. Avec l'art du Désert, les seules informations auxquelles on a accès sont très limitées et souvent fournies par le certificat d'authentification joint au tableau. Le scientifique, qui souvent aime étudier ses sujets en profondeur, est bloqué face au mur du secret. Sa seule possibilité pour accéder à ces informations est de gagner la confiance des Aborigènes, s'il le faut en passant les rites initiatiques, pour montrer qu'il est digne d'accéder à ces connaissances. Mais s'il parvient à son but, il devra réfréner son désir de partager ses découvertes, car une fois entré dans le cercle du secret, il est tenu, par respect pour les Aborigènes qui lui ont fait confiance, d'y rester.

Une autre problématique se pose au sujet de la symbolique : la présence d'une connaissance riche et profonde cachée dans les peintures a tendance, il faut bien l'avouer, à leur donner encore un peu plus de valeur. Cependant, au train où vont les choses, la prochaine génération d'artistes n'aura plus aucune connaissance secrète à cacher derrière ces signes. Car les jeunes aborigènes se détournent du Rêve et ne veulent plus subir les initiations. Ils peuvent peindre des motifs

similaires à ceux de leurs aînés mais n'en connaissent plus vraiment le sens. Pour ceux qui ont tendance à voir l'art du Désert comme un art ethnologique, la perte de ces connaissances millénaires est catastrophique pour l'art lui-même car elle signifie la perte d'un élément primordial pour classer cet art dans les arts ethnologiques.

L'application du marché de l'art occidental à un contexte non-occidental crée de nombreuses problématiques que j'ai relevées dans le quatrième chapitre. Pour cela, il était indispensable d'expliquer le fonctionnement concret du marché de l'art du Désert. Apparu dans les années soixante-dix, ce marché s'est développé très rapidement dès les années quatre-vingt et se poursuit toujours de manière aussi rapide. Plusieurs acteurs font fonctionner ce marché, de l'artiste à la maison de vente aux enchères. Comme les artistes sont aborigènes, les liens entre les différents acteurs, de culture différente, ne sont pas toujours évidents. Les Aborigènes, pour s'assurer des revenus équitables, ont mis au point des centres artistiques qui jouent le rôle d'intermédiaire entre les artistes et les galeristes. On retrouve, dans ces centres, une majorité d'Aborigènes mais aussi quelques nonAborigènes qui endossent le rôle de conseiller artistique et peuvent avoir une très grande influence sur la production. Ils sont souvent des spécialistes du marché de l'art occidental et tentent d'orienter la production vers les critères de valeur du marché. Certains galeristes, aussi, essaient d'influencer les artistes. Ces influences existent très souvent entre un artiste et son galeriste, quelles que soient leurs origines. Induisent-elle une corruption de l'art Aborigène ? Je ne pense pas. Le conseiller artistique est là pour donner des conseils, l'artiste est libre de les suivre ou non. De nouveau, il ne faut pas voir l'art aborigène comme purement

aborigène car les influences occidentales font partie de son histoire et de son fonctionnement actuel.

Le marché de l'art du Désert a le grand défaut de présenter des tableaux de qualité très diverse. Cette variété nuit à sa reconnaissance par tous en tant qu'art à part entière. Les personnes spécialisées dans l'art en général doivent faire l'effort de ne pas s'arrêter à un premier contact négatif avec l'art du Désert. La proportion de tableaux aux qualités médiocres est telle qu'il faut avoir de la chance pour trouver directement une oeuvre de valeur.

Le marché de l'art du Désert soulève de nombreux paradoxes car les cultures aborigène et occidentale sont très différentes l'une de l'autre. Ainsi, Aborigènes et Occidentaux n'ont pas la même notion d'art ni les mêmes critères d'authenticité et de valeur. Ces différences culturelles créent des malentendus et on comprend ici l'importance d'intermédiaires qui connaissent suffisamment les deux cultures. Le tableau lui-même contient ces différences puisque le rapport qu'entretient l'amateur d'art avec ce tableau accroché au mur de son salon, est radicalement différent du rapport qu'avait l'artiste avec ce même tableau.

Et voici enfin la dernière question : doit-on considérer cet art comme un art ethnique ou comme un art contemporain ? La question, à mon avis, à toute sa raison d'être car cette séparation est perceptible autant dans le marché de l'art que dans les études spécialisées. Il ne m'a pas été possible de trancher, l'art du Désert est dans une position bien trop ambiguë pour cela. D'un côté, cet art est le fruit d'une culture tout à fait différente de la nôtre qui fut considérée dans l'Histoire comme une des plus "primitives", ce qui a tendance à en faire un art ethnique. Mais cette culture aborigène est contemporaine, elle a vécu tous les événements qui ont fait d'elle ce qu'elle est actuellement : une culture assez différente de ce

qu'elle était avant l'arrivée des colons. Il est vrai que l'art du Désert est un art contemporain des plus ethnologiques. L'art contemporain africain, par exemple, est beaucoup plus proche, dans sa démarche, de l'art contemporain occidental que ne l'est l'art du Désert. Ce sont principalement les occidentaux qui font le marché de l'art et qui y définissent l'art qui s'y trouve, reste à savoir s'ils se placent au niveau de l'artiste ou en spectateur. Selon, on considère l'art du Désert comme ethnique ou contemporain. Comme le met bien en évidence Bernhard Lüthi, les spécialistes de l'art contemporain ont pendant très longtemps eu tendance à séparer l'art contemporain occidental de tous les autres arts contemporains, qu'ils soient asiatiques, africains ou le fruit de n'importe quelle minorité. Mais cette tendance perd du terrain face à ceux qui veulent prendre en compte un art contemporain pluraliste global (Lüthi 1993, 15-20). Dans cette nouvelle optique, l'art du Désert à tout à fait sa place parmi les arts contemporains.

Arrivé au terme de cette étude, on voit que l'art du Désert est un sujet vaste et complexe. En tant qu'art importé d'une culture à une autre, il provoque de nombreux sujets de réflexion : quelle est la culture aborigène ? Que sont ces tableaux dans cette culture ? Comment y sont-ils apparu ? Pourquoi sont-ils arrivés dans la société occidentale ? Comment y sont-ils perçus ? J'ai tenté de répondre à toutes ces questions. D'autres subsistent néanmoins : Comment va évoluer ce courant artistique alors que les connaissances qui en sont à la base disparaissent ? Est-ce que les jeunes Aborigènes vont continuer à peindre alors que la motivation de peindre les Rêves disparaît avec ceux-ci ? Les oeuvres de grande qualité vont-elles parvenir à faire reconnaître cet art alors que tant d'oeuvres de qualité médiocre nuisent à sa réputation ? Seul l'avenir y répondra.

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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
Faculté de Philosophie et Lettres

L'art du désert

Etude des peintures aborigènes contemporaines du Désert
Central d'Australie dans le contexte de la culture aborigène et
du marché de l'art.

Volume 2 : Illustrations

DOOMS Amandine

Mémoire présenté sous la direction de Mme Le Professeur Dunja Hersak et de M. Le Professeur Thierry Lenain en vue de l'obtention du titre de licenciée en Histoire de l'Art et Archéologie. Civilisations noneuropéennes

Table des cartes

1 Carte des langues (Nangara 1996, 38) 7

2 Carte des sites aborigenes importants d'Australie centrale et du

Nord (Nangara 1996, 48) 8

Table des illustrations

1 Quelques Aborigenes d'Ampilitwatja et leur ancienne infirmiere

(photo personnelle) 9

2 Exemple de peinture du Kimberley. Rover Thomas Joolama. "Bedford Downs" 1984 Pigments et liants naturels sur contreplaque (Nangara 1996, 54) 9

3 Exemple de peinture de la Terre d'Arnhem. Narritjin Maymuru. "Les soeurs Nyapililngu a Djarrakpi" 1978. Pigments naturels sur ecorce 158x60 (Caruana 1994, 73) 10

4 Terre des Walpiri (Nangara 1996, 75) 10

5 Centre artistique d'Ampilatwatja. (Photo personnelle) 11

6 Gravures rupestres d'Ewaninga (photo personnelle) 11

7 Peintures rupestres d'Owalinja (Walsh 1988, 155) 12

8 Peintures rupestres de Rodinga (Walsh 1988, 157) 13

9 Peintures rupestres d'Uluru (Layton 1992, 32) 13

10 Peinture rupestre de Nama (Bardon 1996, 19) 14

11 Peinture de sable faite a Alice Spring en 1964 (Kimber 1993, 223) 14

12 Peinture de sable et peinture corporelle ceremonielle (Photogra-

phie de Spencer et Gillen 1912) (Kimber 1996, 31) 15

13 Vaste peinture de sable pres de Yuendumu C.1950 (Kimber 1996,

35) 15

14 Exposition 'Les magiciens de la terre" au centre Georges Pompodou en 1989: peinture de sable et "Red earth circle" de Richard Long (Durozoi 1998, 193) 16

15 Ornement de tete en bois pour danseur provenant de Yim Cum-

ming Camp (Bossert 1955, 11) 17

16 Ornement de tete en bois pour danseur provenant de Ylourta (Bossert 1955, 11) 17

17 Ornement en bois pour danseur provenant de Ilpara (Bossert

1955, 11) 18

18 Long Jack Philippus Tjakamarra peignant des coolamons dans

l'atelier de Papunya en juin 1972 (Bardon 1991, 30) 19

19 Dessin de sable (Nangara 1996, 9) 20

20 Peintures corporelles de femmes lors d'une presentation au public

de danse ceremonielle a Alice Spring (photo personnelle) 20

21 Peinture corporelle epaisse : Reve du Serpent. (Bardon 1996, 19) 21

22 Exemples de toas (Caruana 1994, 102) 21

23 Dessin pour anthropologue 1931 (Kimber 1993, 247 22

24 Dessin pour anthropologue de Jacki Wopoli 1935 (Kimber 1993,

247) 22

25 Dessin pour anthropologue "Eau dans son pays" de Jerry Walmadjari (Anderson 1992, 81) 22

26 Turkey Tolson Tjupurrula "Affiltage des lances" 1998 (Petitjean

2000, ill.39) 23

27 Dessin pour anthropologue (Anderson 1992, 81) 23

28 Turkey Tolson Tjupurrula "Tingarri" 1998. Acrylique sur toile (Petitjean 2000, ill.33) 24

29 Albert Namatjira "Anthewerre" 1955. Aquarelle sur papier 24,5x35,2 cm. (Caruana 1994, 107) 24

30 Wenten Rubuntja "Antenhe (Reve d'opussum). Aquarelle sur

bois prepare. (Nangara 1996, 72) 25

31 "Le reve de la fourmi a miel" la premiere peinture de Paunya, realisee sur le mur de Pk°le en 1971 (Crossman 1998, 26) . . .
· 25

32 Old Tatuma Tjapangati "Reve d'un vieil homme" 1971. 25x35

cm. (Bardon 1991, 66) 26

33 Old Tatuma Tjapangati "Corroboree de vieils hommes" 1971. Peinture de batiment sur plaque de bois 54x100 cm. (Bardon 1991, 65) 27

34 Long Jack Philippus Tjakamarra "Reve des enfants Kadaitcha " 1972.PVA sur toile 35x56 cm. (Bardon 1991, 62) 27

35 Johnny Warrangkula Tjupurrula "Histoire de feu du vieil homme Bungalung " 1972. PVA sur toile 40x55 cm. (Bardon 1991, 60)
· 28

36 Shorty Lungkata Tjungurrayi "Reve du serpent" 1972. 35x35 cm. (Bardon 1991, 101) 29

37 Clifford Possum Tjapaltjarri "Reve du soleil" 1972. 43x58 cm. (Bardon 1991, 116) 30

38 Paddy Jupurrurla Nelson, Paddy Japaljarri Sims et Larry Jun-

garrayi Spencer "Yanjilypiri Jukurrpa (Reve de l'etoile)" 1985.

Acrylique sur toile 372x171,4 cm. (Caruana 1994, 128) 31

39 Porte 30 de Yuendumu ( www.warlu.com) 32

40 Uni Nampijinpa Martin et Dolly Nampijinpa Granites "Reve Warlukurlangu (feu de campagne)" 1988. Acrylique sur toile 182,4x121,8 cm. (Ryan 1989, 73) 33

41 Eunice Napangardi "Uparli- Reve de la banane du bush" 1986. Acrylique sur toile 305x305 cm. (Nangara 1996, 47 34

42 Abe Jangala "Reve de l'emeu et de l'eau" 1986. Peinture de batiment sur contreplaque 151x94,2 cm. (Ryan 1989, 89) 35

43 Abe Jangala "Reve du faucon" 1987. Acrylique sur toile 130x100

cm. (Nangara 1996, 52) 36

44 Biddy Rockman Napaljarri 'Reve Budgerigar" 1987. Acrylique

sur toile 40x50 cm. (Nangara 1996, 51) 37

45 Donkeyman Lee Tjupurrula "Sans titre" 1989. Acrylique sur toile 120x180 cm. (Caruana 1994, 148) 37

46 Suzie Bootja Bootja Napangarti "Point d'eau de Kutal" 1989. Acrylique sur toile 159,5x80 cm. (Caruana 1994, 149) 38

47 Main de Don Tjungurrayi peignant avec une fine branche en 1986. (Barou et Crossman (eds.) 1998, 16) 39

48 Ada Bird Petyarre au travail. Les artistes placent toujours leur support horizontalement pour peindre et ils tournent autour. (Brody 1998, 58) 40

49 Billy Stockman Tjapaltjarri (a droite) et Dinny Nolan Tjampitjinpa

(a gauche) a Papunya. Les signes principaux sont les premiers elements peints. (Bardon 1991, 70) 41

50 De nombreux signes utilises par les Aborigenes sont presents dans ce tableau: les cercles concentriques, les lignes, les empreintes en forme de fleche et en forme de E. Dolly Daniels Nampitjinpa "Reve du kangourou" 1993. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 49) 42

51 Makinti Napanangka "Voyage de Kungka Kutjarra vers le site au sud du lac MacDonald" 1998. Acrylique sur toile 152x121 cm. (Oliva 2002, 60) 43

52 Emily Kame Kngwarreye "Reve Alatyte" 1994. Acrylique sur

toile 160x129 cm. (Nangara 1996, 76) 44

53 Malcolm Jakamarra Maloney "Reve du Soleil" 1993. Acrylique

sur toile 127x76 cm. (Nangara 1996, 71) 45

54 Billy Nolan Tjapangati "Travail d'hommes" 1995. Acrylique sur

toile 181x120 cm. (Nangara 1996, 64) 46

55 John Tjakamarra "Tingarri a Pirritjapa" 1988. Acrylique sur

toile 152x122 cm. (Nangara 1996, 64) 47

56 Makinti Napanangka "voyage de Kungka Kutjarra vers le site au sud du lac MacDonald" 2000. Acrylique sur toile 91x91 cm. (Oliva 2002, 61) 48

57 Inyuwa Nampitjinpa "Women's Dreaming at the water site of Punkilpirri" 1998. Acrylique sur toile 152x122 cm. (Oliva 2002, 55) 48

58a Anatjari Tjakamarra "Motif ceremoniel de sol" 1973 (Petitjean

2000, 111.47) 49

58b Anatjari Tjakamarra "Tinikutinupa" 1973. (Petitjean 2000, 111.48) 49

59 Ronnie Tjampitjinpa "Reve de la lune de Maanytja" 1989. Acrylique sur toile 152x122 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 62) . . . . 50

60 Mick Namarrari Tjapaltjarri "Kampurarrpa et Purra" 1992. Acrylique sur toile 120x75 cm. (Nangara 1996, 62) 51

61 Turkey Tolson Tjupurrula "Redressements des lances h Ilyingau-

gau" 1995. Acrylique sur toile 152x121 cm. (Nangara 1996, 65) . 52

62 Timmy Payunka Tjapangati "Reve de l'oppossum des enfants"

1972. (Petitjean 2000, 111.50) 53

63 Timmy Payunka Tjapangati " Cercle Tingari a Wilkinkarra" 1996. (Petitjean 2000, 111.51) 54

64 Emily Kame Kngwarrey "Sans titre" (detail) 1989. Batik sur soie 90x368 cm. (Ross-Manley 1998, 53) 55

65 Emily Kame Kngwarrey "Reve de la patate douce" 1989. Batik

sur soie 183x108 cm. (Nangara 1996, 75) 55

66 Angeline Pwerle "Lezard diabolique des montagnes" 1994. Acrylique sur toile 122x81 cm. (Nangara 1996, 74) 56

67 Gloria Petyarre "Lezard diabolique des montagnes" 1995. Acrylique

sur toile 171x96 cm. (Nangara 1996, 75) 57

68 Ally Kemarre "Reve de nourriture du bush" 1993. Acrylique sur

toile 95x59 cm. (Nangara 1996, 74) 57

69 Gladys Kemarre "Reve de raisins du bush" 1993. Acrylique sur

toile 92x63 cm. (Nangara 1996, 74) 58

70 Gloria Petyarre "Peinture corporelle 1" 1994. Acrylique sur toile 84x76 cm. (Nangara 1996, 74) 58

71 Georges Seurat "Les champs Alfalfa" 1885-6. Huile sur toile ( http://www.artchive.com/artchive/S/seurat) 59

72 Jeannie Egan Nungarrayi "Yarumayi- Reve de goanna" 1995.Yuendumu. Acrylique sur toile 122x87 cm. (Nangara 1996, 48) . . . . 59

73 Liddy Walker Napanangka "Reve de Serpent" 1995. Yuendumu. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 49) 60

74 Paddy Tjapaltjarri Steward "Reve de Graine et d'Opossum" n.d. Yuendumu. Acrylique sur toile 130x92 cm. (Nangara 1996, 49) . 60

75 Jimmy Robertson Tjampitjinpa "Reve d'eau" 1993. Lajamanu. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 51) 61

76 Elisabeth Nyumi "Chasse a Wirripi Rockhole" 1997. Balgo Hills. Acrylique sur toile 100x150 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 190) 62

77 Wimmitji Tjapangardi "Wati Kutjarra (deux hommes) a Kurra" 1992. Balgo hills. Acrylique sur toile 91x61 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 71) 62

78 Nancy Napanangka "Reve de femmes" 1994. Balgo Hills. Acrylique

sur toile 83x74 cm. (Nangara 1996, 50) 63

79 Boxer Milner "Tempete de pluie et arc-en-ciel a Oolaign" 2000. Balgo Hills. Acrylique sur toile 180x120 cm. (Oliva 2002, 77) . . 64

80 Alice Nampitjinpa "Tjangalas voyageant" 1999. Haasts Bluff. Acrylique sur toile 186x284 cm. (Oliva 2002, 82) 64

81 Narputta Nangala "Karrkurrutinytja" 1997. Haasts Bluff. Acrylique sur toile 152x284 cm. (Oliva 2002, 84) 65

82 Long Tom Tjapanangka "Walungurru" 1995. Haasts Bluff. Acrylique sur toile 91,5x137 cm. (Strocchi 1999-2000, 18) 65

83 Anatjari Tjakamarra "Reve Tingari" 1974. Papunya. Acrylique

sur toile 160x127 cm. (Nangara 1996, 42) 66

84 Mick Namarari Tjapaltjarri "Reve de deux Wanampi" 1995. Papunya. Acrylique sur toile 122x91 cm. (Nangara 1996, 63) 67

85 Ronnie Tjampitjinpa "Reve de Kadaitcha" 1992. Papunya. Acrylique sur toile 152X122 cm. (Nangara 1996, 60) 68

86 Maggie Napangardi Watson "Reve de femmes a Janyinki" 1989. Yuendumu. Acrylique sur toile 145x93 cm. (Nangara 1996, 48) . 69

87 Tim Leura Tjapaaltjarri avec l'aide de Clifford Possum Tjapaltjarri "Reve de l'esprit de la mort a Napperby" 1980. Papunya. Acrylique sur toile 207,7x670,8 cm. (Bardon 1998, 38-9 70

88 Emily Kame Kngwarreye 1994. (Photo de Tara Ebes; Nangara

1996, 76) 71

89 Emily Kame Kngwarreye "Motif pour peinture corporelle 1" 1994. Utopia. Acrylique sur toile 130x79 cm. (Nangara 1996, 77) . . . 72

90 Emily Kame Kngwarreye "Reve de Fecrevisse du bush" 1995. Utopia. Acrylique sur toile 153x122 cm. (Nangara 1996, 78) . . . 73

91 Clifford Possum Tjapaltjarri 1995. (Nangara 1996, 40) 74

92 Clifford Possum Tjapaltjarri " Les lacs de Napperby" 1994. Papunya. Acrylique sur toile 185x122 cm. (Nangara 1996, 69) 74

93 Clifford Possum Tjapaltjarri " Histoire d'amour" 1992. Papunya. Acrylique sur toile 143x100 cm. (Nangara 1996, 40) 75

94 Johnny Warangkula Tjupurrula au travail. 1972. (Bardon 1991,

52) 75

95 Johnny Warangkula Tjupurrula "Reve d'eau a Kalipinypa" 1972.

Papunya. Peinture polymere synthetique en poudre sur contre-

plaque 80x75 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 58-9) 76

96 Ronnie Tjampitjinpa. (Nangara 1996, 94) 76

97 Turkey Tolson Tjupurrula. (Nangara 1996, 96) 77

98 Turkey Tolson Tjupurrula "Afffitage des lances a Ilyingaungau" 1990. Papunya. Acrylique sur toile 181,5x243,5 cm. (Barou et Crossman (eds.) 1998, 45 77

99 Gloria Petyarre "Aknangkere growth" 1998. Acrylique sur toile.

(Petitjean 2000, 111.60) 78

100 Jackson Pollock "Number 8" 1949. (Petitjean 2000, 111.61) . . . 78

101 Emily Kame Kngwarreye "Sans titre" 1996. (Petitjean 2000, 111.59) 79

102 Howard Hodgkin "Petite vue de Venise" 1984-1985. (Petitjean

2000, 111.58) 79

103 Jean Dubuffet "Texturologie XLV" 1958. Huile sur toile 100x130

cm ( http://www.mnba.org.ar/fp67.htm) 80

104 tableau de Frank Stella ( http://www.artburst.com/frankstella/page2.html) 80

CARTE 1: Carte des langues (Nangara 1996, 38)

CARTE 2: Carte des sites aborigenes imgortants d'Australie centrale et du Nord (Nangara 1996, 48)

ILL. 1: Quelques Aborigenes d'Ampilitwatja et leur ancienne infirmiere (photo personnelle)

ILL. 2: Exemple de peinture du Kimberley. Rover Thomas Joolama. "Bedford Downs" 1984 Pigments et liants naturels sur contreplaque (Nangara 1996, 54)

ILL. 3: Exemple de peinture de la Terre d'Arnhem. Narritjin Maymuru. "Les soeurs Nyapililngu a Djarrakpi" 1978. Pigments naturels sur ecorce 158x60 (Caruana 1994, 73)

ILL. 4: Terre des Walpiri (Nangara 1996, 75)

ILL. 5: Centre artistique d'Ampilatwatja. (Photo personnelle)

ILL. 6: Gravures rupestres d'Ewaninga (photo personnelle)

ILL. 7: Peintures rupestres d'Owalinja (Walsh 1988, 155)

ILL. 8: Peintures rupestres de Rodinga (Walsh 1988, 157)

ILL. 9: Peintures rupestres d'Uluru (Layton 1992, 32)

ILL. 10: Peinture rupestre de Nama (Bardon 1996, 19)

ILL. 11: Peinture de sable faite a Alice Spring en 1964 (Kimber 1993, 223)

14

ILL. 12: Peinture de sable et peinture corporelle ceremonielle (Photographie de Spencer et Gillen 1912) (Kimber 1996, 31)

ILL. 13: Vaste peinture de sable pres de Yuendumu C.1950 (Kimber 1996, 35)

ILL. 14: Exposition 'Les magiciens de la terre" au centre Georges Pompodou en 1989: peinture de sable et "Red earth circle" de Richard Long (Durozoi 1998, 193)

ILL. 15: Ornement de tete en bois pour danseur provenant de Yim Cumming Camp (Bossert 1955, 11)

ILL. 16: Ornement de tete en bois pour danseur provenant de Ylourta (Bossert 1955, 11)

ILL. 17: Ornement en bois pour danseur provenant de Ilpara (Bossert 1955, 11)

ILL. 18: Long Jack Philippus Tjakamarra peignant des coolamons dans l'atelier de Papunya en juin 1972 (Bardon 1991, 30)

ILL. 19: Dessin de sable (Nangara 1996, 9)

ILL. 20: Peintures corporelles de femmes lors d'une presentation au public de danse ceremonielle a Alice Spring (photo personnelle)

ILL. 21: Peinture corporelle epaisse : Reve du Serpent. (Bardon 1996, 19)

ILL. 22: Exemples de toas (Caruana 1994, 102)

ILL. 23: Dessin pour anthropologue 1931 (Kimber 1993, 247

Q

ILL. 24: Dessin pour anthropologue de Jacki Wopoli 1935 (Kimber 1993, 247)

ILL. 25: Dessin pour anthropologue "Eau dans son pays" de Jerry Walmadjari (Anderson 1992, 81)

ILL. 26: Turkey Tolson Tjupurrula "Affiltage des lances" 1998 (Petitjean 2000, ill.39)

ILL. 27: Dessin pour anthropologue (Anderson 1992, 81)

ILL. 28: Turkey Tolson Tjupurrula "Tingarri" 1998. Acrylique sur toile (Petit-jean 2000, ill.33)

ILL. 29: Albert Namatjira "Anthewerre" 1955. Aquarelle sur papier 24,5x35,2 cm. (Caruana 1994, 107)

ILL. 30: Wenten Rubuntja "Antenhe (Reve d'opussum). Aquarelle sur bois prepare. (Nangara 1996, 72)

ILL. 31: "Le reve de la fourmi a miel" la premiere peinture de Paunya, realisee sur le mur de Pk°le en 1971 (Crossman 1998, 26)

ILL. 32: Old Tatuma Tjapangati "Reve d'un vieil homme" 1971. 25x35 cm. (Bardon 1991, 66)

ILL. 33: Old Tatuma Tjapangati "Corroboree de vieils hommes" 1971. Peinture de batiment sur plaque de bois 54x100 cm. (Bardon 1991, 65)

ILL. 34: Long Jack Philippus Tjakamarra "Reve des enfants Kadaitcha " 1972.PVA sur toile 35x56 cm. (Bardon 1991, 62)

ILL. 35: Johnny Warrangkula Tjupurrula "Histoire de feu du vieil homme Bungalung " 1972. PVA sur toile 40x55 cm. (Bardon 1991, 60)

ILL. 36: Shorty Lungkata Tjungurrayi "Reve du serpent" 1972. 35x35 cm. (Bardon 1991, 101)

ILL. 37: Clifford Possum Tjapaltjarri "Reve du soleil" 1972. 43x58 cm. (Bardon 1991, 116)

ILL. 38: Paddy Jupurrurla Nelson, Paddy Japaljarri Sims et Larry Jungarrayi Spencer "Yanjilypiri Jukurrpa (Reve de l'etoile)" 1985. Acrylique sur toile 372x171,4 cm. (Caruana 1994, 128)

ILL. 39: Porte 30 de Yuendumu ( www.warlu.com)

ILL. 40: Uni Nampijinpa Martin et Dolly Nampijinpa Granites "Reve Warlukurlangu (feu de campagne)" 1988. Acrylique sur toile 182,4x121,8 cm. (Ryan 1989, 73)

ILL. 41: Eunice Napangardi "Uparli- Reve de la banane du bush" 1986. Acrylique sur toile 305x305 cm. (Nangara 1996, 47

ILL. 42: Abe Jangala "Reeve de l'emeu et de l'eau" 1986. Peinture de batiment sur contreplaque 151x94,2 cm. (Ryan 1989, 89)

ILL. 43: Abe Jangala "Wave du faucon" 1987. Acrylique sur toile 130x100 cm. (Nangara 1996, 52)

ILL. 44: Biddy Rockman Napaljarri 'Reeve Budgerigar" 1987. Acrylique sur toile 40x50 cm. (Nangara 1996, 51)

ILL. 45: Donkeyman Lee Tjupurrula "Sans titre" 1989. Acrylique sur toile 120x180 cm. (Caruana 1994, 148)

ILL. 46: Suzie Bootja Bootja Napangarti "Point d'eau de Kutal" 1989. Acrylique sur toile 159,5x80 cm. (Caruana 1994, 149)

ILL. 47: Main de Don Tjungurrayi peignant avec une fine branche en 1986. (Barou et Crossman (eds.) 1998, 16)

ILL. 48: Ada Bird Petyarre au travail. Les artistes placent toujours leur support horizontalement pour peindre et ils tournent autour. (Brody 1998, 58)

ILL. 49: Billy Stockman Tjapaltjarri (a droite) et Dinny Nolan Tjampitjinpa (a gauche) a Papunya. Les signes principaux sont les premiers elements peints. (Bardon 1991, 70)

ILL. 50: De nombreux signes utilises par les Aborigenes sont presents dans ce tableau: les cercles concentriques, les lignes, les empreintes en forme de ache et en forme de E. Dolly Daniels Nampitjinpa "Reve du kangourou" 1993. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 49)

ILL. 51: Makinti Napanangka "Voyage de Kungka Kutjarra vers le site au sud du lac MacDonald" 1998. Acrylique sur toile 152x121 cm. (Oliva 2002, 60)

ILL. 52: Emily Kame Kngwarreye "Kew Alatyte" 1994. Acrylique sur toile 160x129 cm. (Nangara 1996, 76)

ILL. 53: Malcolm Jakamarra Maloney "Reve du Soleil" 1993. Acrylique sur toile 127x76 cm. (Nangara 1996, 71)

ILL. 54: Billy Nolan Tjapangati "Travail d'hommes" 1995. Acrylique sur toile 181x120 cm. (Nangara 1996, 64)

ILL. 55: John Tjakamarra "Tingarri 5 Pirritjapa" 1988. Acrylique sur toile 152x122 cm. (Nangara 1996, 64)

ILL. 56: Makinti Napanangka "voyage de Kungka Kutjarra vers le site au sud du lac MacDonald" 2000. Acrylique sur toile 91x91 cm. (Oliva 2002, 61)

ILL. 57: Inyuwa Nampitjinpa "Women's Dreaming at the water site of Punkilpirri" 1998. Acrylique sur toile 152x122 cm. (Oliva 2002, 55)

ILL. 58a: Anatjari Tjakamarra "Motif ceremonial de sol" 1973 (Petitjean 2000,

ILL. 58b: Anatjari Tjakamarra "Tinikutinupa" 1973. (Petitjean 2000, 111.48)

ILL. 59: Ronnie Tjampitjinpa "Wye de la lune de Maanytja" 1989. Acrylique sur toile 152x122 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 62)

ILL. 60: Mick Namarrari Tjapaltjarri "Kampurarrpa et Purra" 1992. Acrylique sur toile 120x75 cm. (Nangara 1996, 62)

ILL. 61: Turkey Tolson Tjupurrula "Redressements des lances a Ilyingaugau" 1995. Acrylique sur toile 152x121 cm. (Nangara 1996, 65)

ILL. 62: Timmy Payunka Tjapangati "Wave de l'oppossum des enfants" 1972. (Petitjean 2000, 111.50)

ILL. 63: Timmy Payunka Tjapangati "Cercie Tingari 5 Wilkinkarra" 1996. (Petitjean 2000, 111.51)

ILL. 64: Emily Kame Kngwarrey "Sans titre" (detail) 1989. Batik sur soie 90x368 cm. (Ross-Manley 1998, 53)

ILL. 65: Emily Kame Kngwarrey "Reve de la patate douce" 1989. Batik sur soie 183x108 cm. (Nangara 1996, 75)

ILL. 66: Angeline Pwerle "Lezard diabolique des montagnes" 1994. Acrylique sur toile 122x81 cm. (Nangara 1996, 74)

ILL. 67: Gloria Petyarre "Lezard diabolique des montagnes" 1995. Acrylique sur toile 171x96 cm. (Nangara 1996, 75)

ILL. 68: Ally Kemarre "Kew de nourriture du bush" 1993. Acrylique sur toile 95x59 cm. (Nangara 1996, 74)

ILL. 69: Gladys Kemarre "Reeve de raisins du bush" 1993. Acrylique sur toile 92x63 cm. (Nangara 1996, 74)

ILL. 70: Gloria Petyarre "Peinture corporelle 1" 1994. Acrylique sur toile 84x76 cm. (Nangara 1996, 74)

ILL. 71: Georges Seurat "Les champs Alfalfa" 1885-6. Huila sur toile ( http://www.artchive.com/artchive/S/seurat)

ILL. 72: Jeannie Egan Nungarrayi "Yarumayi- Helve de goanna" 1995.Yuendumu. Acrylique sur toile 122x87 cm. (Nangara 1996, 48)

ILL. 73: Liddy Walker Napanangka "Wye de Serpent" 1995. Yuendumu. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 49)

ILL. 74: Paddy Tjapaltjarri Steward "Wave de Graine et d'Opossum" n.d. Yuendumu. Acrylique sur toile 130x92 cm. (Nangara 1996, 49)

ILL. 75: Jimmy Robertson Tjampitjinpa "Wave d'eau" 1993. Lajamanu. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 51)

ILL. 76: Elisabeth Nyumi "Chasse a Wirripi Rockhole" 1997. Balgo Hills. Acrylique sur toile 100x150 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 190)

ILL. 77: Wimmitji Tjapangardi "Wati Kutjarra (deux hommes) 5 Kurra" 1992. Balgo hills. Acrylique sur toile 91x61 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 71)

ILL. 78: Nancy Napanangka "Reve de femmes" 1994. Balgo Hills. Acrylique sur toile 83x74 cm. (Nangara 1996, 50)

ILL. 79: Boxer Milner "Tempate de pluie et arc-en-ciel a Oolaign" 2000. Balgo Hills. Acrylique sur toile 180x120 cm. (Oliva 2002, 77)

ILL. 80: Alice Nampitjinpa "Tjangalas voyageant" 1999. Haasts Bluff. Acrylique sur toile 186x284 cm. (Oliva 2002, 82)

ILL. 81: Narputta Nangala "Karrkurrutinytja" 1997. Haasts Bluff. Acrylique sur toile 152x284 cm. (Oliva 2002, 84)

ILL. 82: Long Tom Tjapanangka "Walungurru" 1995. Haasts Bluff. Acrylique sur toile 91,5x137 cm. (Strocchi 1999-2000, 18)

ILL. 83: Anatjari Tjakamarra "Wave Tingari" 1974. Papunya. Acrylique sur toile 160x127 cm. (Nangara 1996, 42)

ILL. 84: Mick Namarari Tjapaltjarri "Reeve de deux Wanampi" 1995. Papunya. Acrylique sur toile 122x91 cm. (Nangara 1996, 63)

ILL. 85: Ronnie Tjampitjinpa "Wave de Kadaitcha" 1992. Papunya. Acrylique sur toile 152X122 cm. (Nangara 1996, 60)

ILL. 86: Maggie Napangardi Watson "Reve de femmes 5 Janyinki" 1989. Yuendumu. Acrylique sur toile 145x93 cm. (Nangara 1996, 48)

ILL. 87: Tim Leura Tjapaaltjarri avec l'aide de Clifford Possum Tjapaltjarri "Wye de l'esprit de la mort a Napperby" 1980. Papunya. Acrylique sur toile 207,7x670,8 cm. (Barden 1998, 38-9

ILL. 88: Emily Kama Kngwarreye 1994. (Photo de Tara Ebes; Nangara 1996, 76)

ILL. 89: Emily Kame Kngwarreye "Motif pour peinture corporelle 1" 1994. Utopia. Acrylique sur toile 130x79 cm. (Nangara 1996, 77)

ILL. 90: Emily Kame Kngwarreye "Kew de Eecrevisse du bush" 1995. Utopia. Acrylique sur toile 153x122 cm. (Nangara 1996, 78)

ILL. 91: Clifford Possum Tjapaltjarri 1995. (Nangara 1996, 40)

ILL. 92: Clifford Possum Tjapaltjarri " Les lacs de Napperby" 1994. Papunya. Acrylique sur toile 185x122 cm. (Nangara 1996, 69)

ILL. 93: Clifford Possum Tjapaltjarri " Histoire d'amour" 1992. Papunya. Acrylique sur toile 143x100 cm. (Nangara 1996, 40)

ILL. 94: Johnny Warangkula Tjupurrula au travail. 1972. (Bardon 1991, 52)

ILL. 95: Johnny Warangkula Tjupurrula "Wye d'eau a Kalipinypa" 1972. Papunya. Peinture polymere synthetique en poudre sur contreplaque 80x75 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 58-9)

ILL. 96: Ronnie Tjampitjinpa. (Nangara 1996, 94)

ILL. 97: Turkey Tolson Tjupurrula. (Nangara 1996, 96)

ILL. 98: Turkey Tolson Tjupurrula "Affiltage des lances a Ilyingaungau" 1990. Papunya. Acrylique sur toile 181,5x243,5 cm. (Barou et Crossman (eds.) 1998, 45

ILL. 99: Gloria Petyarre "Aknangkere growth" 1998. Acrylique sur toile. (Petitjean 2000, 111.60)

ILL. 100: Jackson Pollock "Number 8" 1949. (Petitjean 2000, 111.61)
78

ILL. 101: Emily Kame Kngwarreye "Sans titre" 1996. (Petitjean 2000, 111.59)

ILL. 102: Howard Hodgkin "Petite vue de Venise" 1984-1985. (Petitjean 2000, 111.58)

ILL. 103: Jean Dubuffet " Texturologie XLV" 1958. Huile sur toile 100x130 cm ( http://www.mnba.org.ar/fp67.htm)

ILL. 104: tableau de Frank Stella ( http://www.artburst.com/frankstella/page2.html)






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