UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Faculté de Philosophie
et Lettres
L'art du désert
Etude des peintures aborigènes contemporaines du
Désert Central d'Australie dans le contexte de la culture
aborigène et du marché de l'art.
Volume 1
DOOMS Amandine
Mémoire présenté sous la direction de Mme Le
Professeur Djuna Hersak et de M. Le Professeur Thierry Lenain en vue de
l'obtention du titre de licenciée en Histoire de l'Art et
Archéologie. Civilisations non-européennes
Table des matières
TABLE DES MATIERES 1
INTRODUCTION 3
CHAPITRE 1 : LES ABORIGENES : LEUR HISTOIRE, LEUR TERRE, LEUR
REVE, LEUR VIE. 7
1.1 PETIT HISTORIQUE DU CONTINENT AUSTRALIEN. 8
1.1.1 Découverte d'une terre nouvelle 8
1.1.2 Conquête britannique 8
1.2 PAYSAGES D'AUSTRALIE CENTRALE ET DU DESERT OCCIDENTAL. 11
1.3 LA VIE QUOTIDIENNE 13
1.3.1 La vie traditionnelle 13
1.3.2 Fonctionnement des communautés 13
1.3.3 La Loi du Rêve ou la Loi australienne ? 17
1.4 LE TEMPS DU REVE 19
1.4.1 Notion de « Rêve » 19
1.4.2 Le temps du Rêve 19
1.4.3 Le Rêve comme moyen de survie 20
1.4.4 Le Rêve comme Loi 20
1.4.5 La temporalité du Rêve 21
1.4.6 Le Rêve comme source de sens 21
1.4.7 Association à un ou plusieurs Rêves 22
1.4.8 Les sites sacrés 23
1.4.9 En résumé 24
1.4.10 Une continuité religieuse sur des
millénaires ? 24
CHAPITRE 2 : HISTORIQUE DES PEINTURES CONTEMPORAINES. 27
2.1 LES FORMES ANCESTRALES DE L'ART ACTUEL. 28
2.1.1 L'art rupestre. 28
2.1.2 Les peintures de sable. 30
2.1.3 Les dessins de sable 32
2.1.4 Les arts du corps 33
2.2 HISTORIQUE DU COURANT ARTISTIQUE CONTEMPORAIN. 35
2.2.1 Les premiers objets aborigènes du désert
fabriqués au vingtième siècle.
35
2.2.2 Les dessins pour les anthropologues 36
2.2.3 Les aquarelles d'Hermannsburg 36
2.2.2 Les autres centres de développement. 41
CHAPITRE 3 : FORME ET SYMBOLIQUE DE LA PEINTURE CONTEMPORAINE.
46
3.1 TECHNIQUE 47
3.2 DESCRIPTION FORMELLE 49
3.2.1 Caractéristiques générales 49
3.2.2 Tentative de classification 49
3.3 SYMBOLIQUE 56
3.3.1 Différents niveaux de sens 56
3.3.2 Les différents symboles de base 57
3.3.3 Interprétations des tableaux 59
3.3.4 Analyses de la symbolique de quelques tableaux 61
3.4 QUELQUES ARTISTES RENOMMES 65
CHAPITRE 4 : LE MARCHE ET SES PARADOXES. 70
4.1 HISTORIQUE ET FONCTIONNEMENT DU MARCHE 71
4.1.1 Histoire du développement du marché 71
4.1.2 Le fonctionnement du marché 74
4.2 LES PARADOXES DU MARCHE 82
4.2.1 La notion d'Art 82
4.2.2 L'authenticité 83
4.2.3 La valeur d'une oeuvre 84
4.3 ART CONTEMPORAIN OU ART ETHNIQUE ? 86
4.3.1 Les peintures du Désert comme oeuvres primitives
: le pour et le contre. 86 4.3.2 Les peintures du Désert comme oeuvres
contemporaines : le pour et le contre. 89
CONCLUSIONS 92
BIBLIOGRAPHIE 99
Introduction
Au grand mur blanc du salon d'une maison bourgeoise belge, est
accrochée une peinture aborigène. Pourtant, ses
propriétaires, s'ils apprécient l'art en général,
n'ont aucun intérêt particulier pour l'Australie, et moins encore
pour les Aborigènes. Ils ont même tendance à
écorcher ce mot qui devient "arborigène", comme on peut d'
d'ailleurs l'entendre très souvent de la bouche de francophones mal
renseignés. Ce tableau est là, bien intégré dans
son nouvel espace où règne une harmonie esthétique.
Pourquoi une peinture aborigène se trouve-t-elle dans ce contexte
occidental ? Voilà une question qui ne vient que rarement à
l'esprit. Nous sommes déjà habitués aux objets africains
ou asiatiques, alors pourquoi pas aborigènes ? Orner notre environnement
d'objets étrangers est devenu une habitude. Cela ne nous interpelle plus
vraiment et on ne s'interroge plus sur leur présence en des lieux somme
toute assez inadéquats. Pourtant on devrait ! Une statuette africaine
sacrée qui orne nos toilettes ou une peinture qui invoque pour son
auteur des ancêtres, des cérémonies secrètes et la
création du monde placée dans un salon où on pense
à tout sauf à ces croyances dont on a à peine
connaissance, voilà qui devrait soulever de nombreuses questions ! Dans
cette étude, j'essaie de montrer ce que représentent ces
peintures pour les Aborigènes et pour les occidentaux et comment un tel
tableau peut se retrouver accroché au mur de nos salons. Pour cela, un
voyage en Australie s'est rapidement avéré nécessaire vu
le peu de publications accessibles en Belgique. Quinze jours à Alice
Spring m'ont permis de visiter un grand nombre de galeries d'art du
Désert et de rencontrer les Aborigènes. J'ai eu la grande chance
de pouvoir accompagner une
infirmière australienne une journée dans la
communauté d'Ampilatwatja où elle avait exercé sept ans
plus tôt (ILL.1). Voir les Aborigènes dans leur propre village
était réconfortant après avoir vaguement
côtoyé tous ceux qui traînent dans les rues d'Alice Spring,
saouls et mendiant comme des clochards. Ensuite, un mois dans les
bibliothèques universitaires de Melbourne, Adélaïde et
Sydney a rempli mon sac à dos de presque dix kilos d'articles et de
livres sur le sujet.
Avant de décrire les différents chapitres de
cette étude, il me paraît indispensable de définir ce que
j'entends par "art du Désert". Ce terme également utilisé
dans la version française de Aboriginal art de Wally Caruana
(Caruana 1994, 97-151) reprend l'art Aborigène du Désert central
et occidental d'Australie. Christopher Anderson et Françoise Dussart
utilisent l'appellation "art du Désert occidental en Australie centrale"
(Anderson & Dussart 1989, 89) qui me semble un peu lourde. L'Australie
centrale recouvre un immense territoire aride situé sur les Etats du
Territoire du Nord, de l'Australie du Sud et de l'Australie Occidentale et
inclut une grande partie des déserts Tanami, Gibson et le Great Sandy
Desert (Petitjean 2000, 51; Anderson et Dussart 1989, 92) (CARTE. 1). Un autre
art aborigène d'Australie est également situé dans des
régions désertiques mais il est appelé par le nom de la
région dans lequel il se trouve: l'art du Kimberley.
"L'art du Désert" désigne plus un courant
artistique particulier que l'art d'une région et se distingue des autres
courants de l'art des Aborigènes australiens à savoir l'art du
Kimberley (ILL. 2), l'art de la Terre d'Arnhem (ILL. 3), l'art du Nord du
Queensland et l'art aborigène urbain (Caruana 1994, 5).
Le premier chapitre de cette étude est consacré
aux Aborigènes eux-mêmes. Leur Histoire, leur environnement
naturel et leur mode de vie sont sommairement expliqués pour donner aux
lecteurs les informations de base sur ce peuple que l'on connaît si peu
en Europe. On ne peut pas, à mon sens, étudier l'art du
Désert sans rien connaître de ceux qui en sont à l'origine
et ce d'autant plus que la culture aborigène est très
différente de la nôtre. Je décris le Rêve, notion
à la base des croyances aborigènes, d'une manière
particulièrement approfondie car il est la principale source
d'inspiration des artistes. On peut difficilement comprendre l'art du
Désert sans maîtriser la notion de Rêve aborigène.
Le deuxième chapitre traite des origines de la peinture
contemporaine du Désert. Tout d'abord de ce que j'ai appelé ses
formes ancestrales : les formes d'art traditionnel dont la peinture actuelle
découle directement, qui sont la peinture rupestre et corporelle, les
dessins dans le sable et les peintures de sable. Ces oeuvres font la preuve
d'une continuité au moins formelle de la tradition dans les oeuvres
contemporaines. Ce deuxième chapitre comprend également un
historique du début du courant artistique de l'art du Désert dans
les années soixante-dix à Papunya et dix ans plus tard dans les
autres centres de développement.
Dans le troisième chapitre, j'ai réuni les trois
éléments que j'estime principaux d'une peinture, à savoir
: comment on la fait, ce que l'on en voit et ce que l'on en dit. Ainsi, la
première partie de ce chapitre décrit les règles et les
techniques de peinture tandis que la deuxième partie donne une
description formelle générale
des peintures du Désert et une tentative de classification
stylistique, alors que la troisième partie est consacrée à
leur symbolique.
Le quatrième et dernier chapitre de ce mémoire
traite du marché et de ses paradoxes. Bien que ce sujet soit rarement
traité dans les publications sur l'art du Désert, il m'est apparu
très intéressant et assez important de le développer. En
effet, le courant artistique des peintures du Désert n'existerait pas
sans le marché. Il en est donc pour moi une composante primordiale. Tout
d'abord, je mets en évidence dans ce chapitre les paradoxes
engendrés par l'introduction dans un marché occidental d'oeuvres
provenant d'une culture tout à fait différente et mal connue.
Ensuite, je décris les différents acteurs du marché.
Survient alors une question qui m'est apparue particulièrement complexe
et digne d'intérêt : Est-ce que l'art du Désert doit
être considéré comme un art ethnique ou comme un art
contemporain à part entière?
Chapitre 1 : Les Aborigènes : leur
histoire, leur terre, leur Rêve, leur
vie.
1.1 Petit historique du continent australien.
1.1.1 Découverte d'une terre nouvelle
Les premiers habitants de l'Australie furent de
téméraires voyageurs qui, il y a environ 53000 ans, ont
quitté les côtes de l'Asie du Sud-est pour partir vers les
contrées inconnues du Sud-est... Ils n'étaient pas si fous
puisqu'ils devinrent, en Nouvelle-Guinée et en Australie, les
ancêtres immémoriaux d'une population qu'ils n'avaient
probablement jamais espéré si grande. On suppose que ce voyage a
été rendu possible par un niveau de la mer, entre 120000 et 12000
avant J.C., particulièrement bas de sorte qu'un pont terrestre
s'était formé, ne laissant qu'une étroite étendue
d'eau à parcourir entre l'Asie et l'Océanie. Sans cette
diminution de la traversée, les embarcations de l'époque
n'auraient jamais été suffisamment solides pour traverser. La
Tasmanie, l'Australie et la Nouvelle-Guinée formaient alors une seule
terre nommée Sahul. ( Charleux 1989, 70-1 ; Meyer 1995, 14). Ces
nouveaux habitants se sont répandus petit à petit sur toute la
surface du pays. Ils se sont adaptés aux différents climats et
ont développé des pratiques culturelles variées dans un
isolement quasi total par rapport au reste du monde. Les fouilles attestent que
l'ensemble du continent était habité dès 20 000 avant J.C.
(Charleux 1989, 72).
1.1.2 Conquête britannique
Le nombre d'Aborigènes s'élevait aux environs du
million lorsque les premiers colons britanniques mirent pied à terre
en 1788. Cela n'empêcha pas ces
conquérants de déclarer le continent australien
terra nullius, terre vide qui dorénavant appartiendrait aux
premiers arrivés : eux. Comme lors de la conquête de
l'Amérique du Nord, autre terra nullius bien connue,
malgré la curiosité bienveillante de quelques rares explorateurs
xénophiles (comme par exemple François Péron 1989,12-9),
le massacre ne se fit pas attendre. Aussitôt que les colons furent en
nombre suffisant pour se sentir en sécurité, les autochtones
furent chassés de leurs terres sans le moindre scrupule. Au
XIXème siècle, dans la partie sud-est du pays, ce fut un
véritable massacre : les Aborigènes furent chassés comme
du gibier. De toute façon, les spécialistes de l'époque
les savent au plus bas de l'échelle humaine1, peut-être
sont-ils même le chaînon manquant entre le singe et l'homme
...(Condominas 1989, 24)
C'est au début du vingtième siècle que le
gouvernement remplace la tuerie par la politique d'assimilation :
détacher les Aborigènes de leur contexte traditionnel et les
insérer dans un contexte occidental pour qu'ils remplacent leurs
coutumes par les pratiques et des façons de penser des colons. Regrouper
les Aborigènes dans des colonies était une façon de faire,
enlever les enfants en bas âge pour les placer dans des familles blanches
en était une autre. Les Aborigènes résistèrent
à cette volonté de leurs nouveaux « maîtres »
d'anéantir leur culture. Vers les années trente, il
commença à se former des associations aborigènes qui
organisèrent des manifestations et des pétitions pour
l'égalité en droit et pour le droit foncier. Ces organisations se
multiplièrent encore dans les années soixante jusqu'à
aboutir, en 1972, au remplacement de la politique d'assimilation par une
politique de tolérance multiculturelle et d'auto-gérance toujours
d'actualité (Caruana 1994, 16-7).
1 Adam Kuper nous cite des extraits de textes
écrits par Fison et Howitt, deux anthropologues de la
fin du 19ième siècle où cette
idée est clairement exprimée (Kuper 1988, 92-4).
1.2 Paysages d'Australie centrale et du désert
occidental.
L'Australie centrale est dominée par les montagnes
MacDonnell, chaîne de 800 km orientée d'est en ouest et ne
dépassant pas les 600 mètres d'altitude. Ses vallées
souvent alimentées en eaux sont peuplées de
végétations et d'animaux en tous genres. Les Aranda sont
responsables de cette région (Bardon 1996, 12) (Carte 2).
Au nord de cette chaîne, c'est la terre des Aranda
Anmatjira. La terre rouge et plate y est couverte de végétation
basse : mulgas acacias, eucalyptus et herbes sauvages. La principale ville
aborigène de la région est Papunya. S'y croisent, entre autres,
les Rêves de la fourmi à miel, de l'Emeu, du kangourou, du Goanna
et de la Fourmi Rouge (Bardon 1996, 12).
Les Walpiri occupent la terre située autour de
Yuendumu, à 300 km au nord de Papunya. Quelques formations rocheuses,
lits de rivières, spinifex, dunes et une végétation basse
y forment le paysage (Bardon 1996, 12) (ILL.4). La région ouest du
désert occidental est celle des Loritja et ses collines et
vallées sont peuplées de chênes du désert et de
spinifex (Bardon 1996, 12). Les Pintupi, eux, occupent le vaste désert
occidental (un tiers du continent australien) qui se compose de ravines,
d'immense lacs salés, d'étranges formations rocheuses et de dunes
à perte de vue (Bardon 1996, 12).
Les rares points permanents d'eau sont alimentés par
des pluies relativement fréquentes. Ce sont généralement
des sources, des cavités rocheuses et des mares d'infiltration (Bardon
1996, 12). Le climat du désert est aride, les changements de
température extrêmes : en hiver (de juin à août), la
température
nocturne peut descendre sous la barre du zéro
degré alors que les journées offrent gracieusement une vingtaine
de degrés. Par contre, en été (de novembre à
janvier), les 40 degrés sont quotidiennement atteints (Australie 2000,
36).
1.3 La vie quotidienne
1.3.1 La vie traditionnelle
Avant les invasions anglaises, les Aborigènes
étaient des nomades chasseurscueilleurs. Ils traversaient de longues
distances en groupes familiaux à la recherche d'eau. Ils étaient
aidés pour cela par les grands espaces plats qui rendaient la pluie
visible à une centaine de kilomètres de là. De plus, les
lieux des points d'eau étaient repris dans les chants et les histoires
traditionnelles. Les connaissances de la terre, de la végétation
et de la faune étaient très détaillées et acquises
par tous, principalement à travers les initiations. Les hommes
chassaient armés de boomerang et de propulseurs, les femmes
récoltaient fruits, légumes et tubercules dans de larges bols de
bois, les coolamons. La vie rituelle occupait une grande partie de
leur temps. (McCarthy 1978, 21-2).
Malgré les bouleversements engendrés par la
colonisation, les Aborigènes du désert ont conservé de
nombreuses habitudes traditionnelles (McCarthy 1978,21- 2).
1.3.2 Fonctionnement des communautés
Une grande partie du désert a été
juridiquement reconquise par les Aborigènes. Ces territoires sont
désormais gérés par les Aborigènes eux-mêmes,
souvent par le conseil d'anciens de la communauté. Il faut, pour
pénétrer sur ces terres, un permis que l'on obtient auprès
de ce conseil. Beaucoup de communautés interdisent la présence
d'alcool sur leur territoire, car l'alcool a causé et cause
toujours énormément de problèmes aux
Aborigènes2. Lors du retour sur leurs terres, les
Aborigènes ont souvent installé des sortes de petits villages sur
les lieux de signification mythologique. D'autres sont restés dans les
centres de regroupements de la période d'assimilation car beaucoup
d'Aborigènes y ont été conçus et y sont nés
ce qui donne une importance particulière à ces lieux dans la
pensée aborigène (Kimber 1993, 229-30).
1.3.2.1 Composition du village
La description suivante est basée sur les observations
que j'ai pu faire lors de mon voyage en Australie en juillet-août 2001.
Georges Petitjean, un spécialiste de l'art du Désert qui a
visité bien plus de communautés que moi, a accepté de
vérifier si ces observations pouvaient être
généralisées.
Les communautés ont le plus souvent sur leur grand
territoire une sorte de petit village composé d'une trentaine de maisons
en béton ou en préfabriqué, chacune accompagnée par
une cour extérieure. Il est assez étonnant de constater que la
plupart de ces maisons sont équipées de climatisation. Un magasin
où on trouve tous les produits de base (essence, vêtements,
outils, nourriture ...), une école, un hôpital et très
souvent une église3 forment dans la plupart des cas
l'ensemble des établissements collectifs. On trouve aussi de plus en
plus souvent un bâtiment réservé aux artistes (ILL.5).
2 Des Australiens proches des Aborigènes m'ont
expliqué ce problème d'alcoolisme par la tradition
aborigène qui consiste à toujours boire jusqu'à plus soif
dans ce pays où l'eau est difficile à trouver. Une telle attitude
face à l'alcool ne peut mener qu`à l'alcoolisme. Mais il est
clair que la principale cause de l'alcoolisme est la même que chez nous :
le désespoir, causé ici par le choc de la colonisation encore
très présent dans les esprits.
3 Les Aborigènes sont très croyants
envers leur propre religion mais également envers les religions
importées par les missionnaires. D'ailleurs, de nombreux centres de
regroupement
du désert, vestiges de la colonisation sont construits
autour d'une mission, par exemple Hermannsburg et Ernabella.
Les Aborigènes vivent néanmoins toujours
à l'extérieur, leurs maisons sont très peu entretenues et
servent plus d'entrepôts que d'habitat. La cour est le lieu principal de
l'activité : on y cuisine et on y mange, on y passe le temps, on y peint
aussi parfois, tout comme certains y dorment. Je suppose que les habitations
servent un peu plus en été pour s'abriter des grandes chaleurs,
ou sinon, pourquoi la climatisation ? L'alimentation reste très
traditionnelle, chaque cour a son foyer où cuisent, sous les cendres,
les tubercules sauvages trouvés dans le désert. Les
vêtements occidentaux se sont imposés à presque tous. Ils
ne sont que rarement lavés. Les chaussures par contre sont très
rares, on voit parfois de simples tongs mais aucune chaussure fermée. Le
besoin de rester en contact avec la terre qui leur est si chère est
encore trop fort. Ceux qui ne vivent pas dans les villages, installent parfois
des campements où les seuls abris sont des tôles, plantées
dans la terre pour protéger du vent et faire un peu d'ombre. De
nombreuses couvertures protègent du froid pendant la nuit mais rien de
plus en guise de literie. J'ai pu voir, dans un tel petit campement, une
répartition spatiale où les plus âgés étaient
très nettement séparés des autres. On peut penser que
c'est là une tradition liée à l'importance donnée
aux anciens qui dirigent la communauté et sont maîtres des
connaissances.
Les voitures sont très demandées dans les
communautés. Souvent l'ensemble de la communauté se regroupe pour
acheter un véhicule qui leur permettra d'aller à Alice Spring ou
dans les centres comme Lajamanu, Yuendumu ou Papunya, ou encore pour se rendre
sur les lieux sacrés pour les cérémonies parfois
situés à plus d'un millier de kilomètres (Glowczewski
1996, 308). Quand on sillonne les chemins de terre rouge du désert, on
croise fréquemment des voitures abandonnées le long de la route,
faute d'essence. Parfois leurs propriétaires
reviendront avec un bidon d'essence après avoir parcouru
des dizaines de kilomètres à pied, d'autres fois elles resteront
là, définitivement abandonnées. Chez les
Aborigènes, le rapport à l'argent est très
différent du nôtre : ils vivent au jour le jour et utilisent
l'argent en conséquence. Ils reçoivent de l'argent de la
sécurité sociale australienne, bénéficient des
droits sur les exploitations de leurs terres (les fermes, les mines et les
sites touristiques) et pratiquent la vente d'art et d'artisanat. Georges
Petitjean estime qu'ils gagnent en moyenne probablement plus que l'Australien
non-aborigène moyen, mais l'argent gagné est redistribué
aux membres de la famille et très vite dépensé. Par
exemple, le grand artiste aborigène Clifford Possum Tjapaljarri gagnait
à une période de sa vie à peu près 40000 $
australiens (environ 25000 euros) par semaine mais mendiait à la fin de
la semaine sans le sou après avoir distribué une grande part de
cet argent à ses parents et avoir flambé le reste dans les
casinos et dans l'alcool...(Communication personnelle : Georges Petitjean
2002)
1.3.2.2 La parentéLe système de
parenté aborigène est très complexe mais est essentiel
pour
comprendre le fonctionnement social et religieux. Les rapports
de parenté fixent les droits et les devoirs de chacun. Les
Aborigènes divisent leur société en deux classes exogames
et en huit groupes de peau chacun divisé entre hommes et femmes. Les
deux moitiés d'un groupe portent des noms qui ne changent que d'un
préfixe ou d'un suffixe qui indique le sexe. Par exemple, chez les
Walpiri, les noms de peau des femmes commencent par N et ceux des hommes par J.
Ainsi, on a les huit groupes Jungarrayi/Nungarrayi, Jakamarra/Nakamarra,
Japanangka/Napanangka, Jampijinpa/Nanpijinpa, Jangala/Nangala,
Japaljarri/Napaljarri, Jupurrurla/Nappururla, Japangardi/Napangardi. Les
deux
parties exogames de la société, entre lesquelles
fonctionne un cycle de parenté paternel, reprennent quatre groupes de
peau chacun. Ces derniers, par contre, sont animés par un cycle de
parenté maternel. Le mariage doit se faire avec le groupe de peau qui
est lié paternellement aux enfants de la personne qui veut se marier.
Ces prescriptions de mariage ne sont pas toujours respectées, il existe
alors des possibilités de choix quant au groupe de peau auquel l'enfant
appartiendra (Glowczewski 1996, 79-82).
Ce système de parenté est surtout utilisé
pour les activités rituelles : lorsqu'on célèbre un
Rêve, la fonction de chacun est définie selon son nom de peau. Par
exemple, dans la société Walpiri, si on célèbre le
Rêve Etoile dont le gardien est Jungarrayi/Nungarrayi, toutes
les personnes suffisamment initiées de ce groupe de peau sont les
kirda « propriétaire » et chacun d'eux sera
assisté par un ou une Japaljarri/Napaljarri qui est le groupe
paternellement associé aux gardiens. Ces assistants
considérés comme les kurdungurlu, «
régisseur », du rituel. Ces derniers préparent le terrain et
les objets rituels et dirigent la chorégraphie des danseurs kirda
(Glowczewski 1996,79-83).
1.3.3 La Loi du Rêve ou la Loi australienne ?
Un des aspects difficiles de la cohabitation des cultures
aborigène et australienne est le problème de la loi. Les
Aborigènes ont été reconnus comme citoyens australiens,
ils doivent donc respecter les lois de l'Etat, seulement les Aborigènes
ont leurs propres lois, celles des Rêves qui ne correspondent pas
à celles qu'on leur impose. Le problème est d'autant plus
difficile à résoudre que chaque groupe aborigène a ses
propres lois. Il y a cependant une trame de base commune aux différents
groupes, la voici : la Loi traite des cas de meurtre, sacrilège,
sorcellerie,
inceste, adultère, usurpation des droits rituels, vols,
attaque physique...mais explique aussi les règles à suivre en
matière de partage avec les autres groupes, d'éducation des
enfants, de relations avec autrui ou de comportements rituels. Avant la
colonisation, il y avait très peu d'intimité dans les campements,
il était donc difficile de cacher une offense à la Loi. Les
punitions telles que la mort, les blessures, les menaces de sorcellerie ou le
ridicule, étaient publiques et sous l'autorité du conseil des
anciens. Le principal problème à l'arrivée des colons fut
le comportement de ceux-ci qui brisaient constamment les Lois
aborigènes, notamment quant à la possession des terres et quant
aux relations avec les femmes (avec l'interdiction de les punir
traditionnellement par les blessures ou par la mort). Plus tard, les
Aborigènes, puisque à l'époque non-chrétiens, ne
pouvaient pas témoigner dans les tribunaux australiens. La loi
australienne ne leur fut vraiment utile que dans les années soixante-dix
et quatre-vingt, lorsque des lois sur leur droit à la terre se mirent en
place : petit à petit, la notion de "native title" apparut, c'est
à dire l'idée qu'en tant que premiers habitants de l'Australie,
les Aborigènes ont droit à une terre. Ainsi, ils ont
récupéré en tribunaux des terres ancestrales
occupées par de grands propriétaires terriens australiens depuis
la colonisation. Ils ont utilisé, entre autres, des tableaux
contemporains comme preuve de leur attachement à la terre (Bourke 1998,
56-73).
1.4 Le Temps du Rêve
1.4.1 Notion de « Rêve »
Les croyances des Aborigènes d'Australie reposent sur
ce « temps du Rêve » qui fait allusion à l'époque
ancestrale où le monde fut créé. Cette notion est complexe
et le mot de rêve lui correspond mal. Mais puisque ce mot est celui qui
est toujours employé, il faudra s'en contenter. Les noms
aborigènes donnés à cette notion diffèrent selon
les groupes : Les Pitjantjara nomme le Rêve Tjukurpa, les
Aranda, Aldjerinya, les Wonglu de la terre d'Arnhem wongar,
etc (Edwards 1998, 79). Le Rêve des croyances aborigènes n'a
presque rien à voir avec l'utilisation quotidienne du mot «
rêve ». Le Rêve pour les Aborigènes est « l'ordre
moral, physique et spirituel qui régit l'univers » (Caruana 1994,
10).
1.4.2 Le temps du Rêve
Le temps du Rêve est la période initiale
où des centaines d'ancêtres, tantôt humain, tantôt
mi-humain et mi-animaux ou végétaux, sont sortis de la terre et
ont transformé, au cours de voyages à travers tout le pays,
l'étendue sombre, vide et plate en ce monde avec ses animaux, ses
plantes, ses paysages, ses hommes et ses astres. Les ancêtres même
s'ils ne sont pas physiquement humains ont des personnalités tout
à fait humaines avec des qualités ou des défauts : par
exemple, l'ancêtre opossum est particulièrement curieux,
l'ancêtre dingo est de nature généreuse mais ne supporte
pas l'ancêtre wallaby...(Bardon 1991, 2) Tous ces ancêtres,
créateurs du monde, sont aussi à l'origine des règles
éthiques,
comportementales et rituelles ainsi que de toutes les
pratiques et techniques quotidiennes humaines, animales et
végétales dont le langage4 (Edwards 1998, 80). A la
fin de leur voyage, certains ancêtres sont retournés dans la
terre, d'autres se sont transformés en rocher, en arbre, en grotte...
1.4.3 Le Rêve comme moyen de survie
Le Rêve véhicule une quantité
phénoménale de connaissances pour survivre dans le désert,
comme par exemple les endroits où trouver de l'eau ou les mouvements
saisonniers des différents animaux à chasser. Ainsi sous des
abords de religion, le Rêve aborigène est avant tout la condition
de leur survie, une survie menée par les personnes âgées,
détentrices des connaissances (McCarthy 1978, 21).
1.4.4 Le Rêve comme Loi
Les ancêtres ont donc apporté les règles
de la vie aborigène. Les règles éthiques sont nombreuses
comme je l'ai expliqué plus haut (cf. p.16-7). Parce qu'il a
apporté toutes ces règles mais aussi les châtiments pour
ceux qui les enfreindraient, le Rêve est, dans ce sens,
considéré comme la Loi aborigène. Il faut néanmoins
préciser que les règles ne se donnent pas de façon
évidente dans les Rêves, chacun doit se faire une
interprétation à partir des parties du Rêve auxquelles il a
accès (Sutton 1989, 15-9). Mais on n'est cependant pas face à
une
4 Dans la pensée aborigène humains
animaux et végétaux sont de nature commune. Ainsi, les animaux
ont des comportements culturels et un homme peut tout naturellement
s'identifier à un rocher, un arbre ou un animal. On voit
également que tous les comportements qu'ils soient rituels ou quotidiens
proviennent des ancêtres du Temps du Rêve, la séparation
entre sacré et séculier n'a donc que peu de sens puisque
même dans une action des plus banales, la personne refait un acte
pratiqué par son ancêtre originel. (Edwards 1998, 81-4)
société où chacun comprend et fait ce
qu'il veut : l'éducation et le comportement général de la
communauté, comme dans toute société, font que tout le
monde assimile, serait-ce inconsciemment, les règles à respecter
même sans recevoir une interprétation claire des Rêves.
1.4.5 La temporalité du Rêve
Il faut se détacher de la notion linéaire
occidentale du temps pour bien comprendre le Rêve car, bien que le temps
du Rêve réfère à une période
antérieure, en un sens il est toujours présent. Chaque
génération peut revivre ce temps du Rêve, entrer en contact
avec le Rêve à travers les cérémonies (Edwards 1998,
79). On peut difficilement rattacher le Rêve à une
temporalité définie même pas la temporalité
cyclique. Comme le dit si bien Stanner « On ne peut pas fixer le
Rêve dans le temps, il était et il est à tout
moment.5»(Stanner 1987, 225).
1.4.6 Le Rêve comme source de sens
Le rêve n'est pas un univers de songes
immatériels, il est une réalité qui transcende la vie
quotidienne, il est aussi un cadre qui permet aux hommes de rester en
équilibre avec l'univers qui les entoure. Le pouvoir de ces
ancêtres est quasi omniprésent ; chaque être humain, chaque
être vivant ainsi que chaque endroit du continent en contient. Ainsi,
tout sur la terre a un sens, le monde est fait de signes à
déchiffrer selon les traditions ; bien sûr, certaines choses ont
des significations plus profondes que d'autres et seules les personnes ayant
reçu un
5 Dans le texte: "One cannot fix the Dreaming in time
: it was, and is everywhen"
long enseignement peuvent les atteindre (Sutton 1989, 13).
Avec une telle perception du monde, il n'est pas étonnant que les
Aborigènes aient développé un art composé de
signes.
1.4.7 Association à un ou plusieurs Rêves
Les voyages de ces nombreux ancêtres, en se croisant et
se recroisant, ont formé un réseau complexe étendu sur
tout le continent. Les Aborigènes vivent sur une terre qui a
été parcourue par un ou plusieurs de leurs ancêtres qu'ils
vénèrent lors de cérémonies d'initiés pour
que l'équilibre du monde perdure. Le voyage des ancêtres
crée non seulement un attachement profond des descendants à leur
terre mais est aussi à l'origine d'un lien étroit avec
l'espèce animale ou végétale qui descend du même
ancêtre. Par exemple, l'ancêtre homme-wallaby est à
l'origine des hommes qui peuplent les régions où il est
passé mais aussi des wallaby. L'essence spirituelle qui habite la terre,
les wallaby et les hommes de cette région est la même car elle
provient d'un seul et même ancêtre, dans ce casci, l'homme-wallaby
(Edwards 1998, 81). Chaque individu, après avoir suivi toutes les
étapes initiatiques, est responsable d'un ou plusieurs Rêves. Il
doit le préserver et le transmettre mais aussi entretenir les sites et
organiser les cérémonies qui lui sont associées. Chez les
Aborigènes du désert, les liens de parenté sont trop
complexes pour que l'on décrive cette transmission des Rêves comme
de père en fils; mieux vaut dire de générations en
générations. En fait, chaque Rêve de la région
occupée par un groupe ethnique appartient à un des huit groupes
de parenté, et dans chacun de ces groupes de parenté, les
différents aspects du Rêve sont sous la garde des plus
initiés, chacun d'eux étant le gardien d'un des aspects du
Rêve du groupe de parenté (Bardon 1991, 4-6). La transmission
du
Rêve occupe une très grande place dans
l'éducation. D'ailleurs, la connaissance profonde d'un Rêve
associée aux différentes initiations est
généralement l'apprentissage de toute une vie (communication
personnelle: Petitjean 2002).
1.4.8 Les sites sacrés
Les lieux de l'émergence et de retour en terre des
ancêtres ainsi que les lieux où les ancêtres eurent des
comportements particuliers (les lieux d'une bataille entre deux ancêtres,
ceux où une cérémonie fut inventée par un
ancêtre, ...) sont devenus des sites sacrés (Forge 1989, 152).
Seuls les initiés peuvent s'y rendre car les forces qui occupent ces
sites sont trop puissantes et donc dangereuses pour des non-initiés
(Bardon 1996, 10). Les peintures rupestres se trouvent très souvent dans
ce genre d'endroit. On voit ici comment le monde matériel, plutôt
que d'être séparé du monde spirituel, en est
l'écrin. La connaissance de ces rêves liés à une
terre bien précise est aussi une preuve d'appartenance à cette
terre. C'est entre autre par ce moyen, avec un support peint de leurs
connaissances, que des groupes aborigènes ont pu légalement
récupérer les terres d'origine d'où ils avaient
été chassés (Bardon 1991, XI).
Tous ces éléments montrent que la pensée
aborigène ne laissent pas de place aux dichotomies si présentes
dans la pensée occidentale : les séparations vivantsobjets,
passé-présent, humain-animal, matériel-spirituel...n'ont
aucun sens dans cette vision d'un monde où « la religion
mène son peuple dans le monde par une expérience immanente de
l'unité dans l'ici et maintenant »(Rose 1987, 268).
Les notions d'animisme et de totémisme ont
été utilisées pour qualifier ces croyances (Strehlow 1964,
44-59) mais elles paraissent actuellement bien trop
réductrices pour s'appliquer à une religion si
complexe. Ces termes étaient utilisés pour qualifier les
croyances primitives dans une perspective évolutionniste, théorie
maintenant largement dépassée.
1.4.9 En résumé
Le Rêve fait référence au temps de la
création par des ancêtres plus ou moins humains mais est
éternellement présent, notamment par les cérémonies
qui lui sont dédiées. Le Rêve est aussi la Loi qui
règle les comportements quotidiens et rituels et qui est la preuve de
l'appartenance à un territoire. Le Rêve par son étendue sur
des grands espaces créent des relations entre les groupes humains mais
aussi entre les hommes et les animaux, les plantes, la terre. Le Rêve est
omniprésent, il est à l'origine de l'unité et de
l'équilibre du cosmos.
1.4.10 Une continuité religieuse sur des
millénaires ?
La transmission de toutes ces croyances n'a pas pu se faire de
façon tout à fait figée sur des millénaires. Les
formes, depuis les peintures rupestres jusqu'aux peintures sur toiles, nous
montrent une continuité évidente mais qu'en est-il de leurs sens
et significations ? Il me semble plus facile de conserver et de transmettre
fidèlement des formes peintes ou gravées sur des matériaux
tels que la pierre et qui résistent ainsi au temps, que de conserver et
transmettre des histoires racontées oralement. On peut donc supposer que
le Rêve a évolué au cours du temps, en raison de
l'impossibilité d'une transmission orale figée, mais aussi pour
que les histoires du Rêve correspondent toujours avec une
réalité changeante. Ainsi on peut penser que les histoires se
sont adaptées aux
changements de l'environnement naturel ainsi qu'à ceux
des techniques et pratiques quotidiennes. Il y a des processus
d'évolution dans les figures et les cérémonies ou
traditions, un de ceux-ci est le rêve qu'a une personne initiée
pendant son sommeil. Comme une sorte de révélation, un songe est
considéré avec beaucoup de sérieux comme une communication
du Rêve pour modifier ou compléter les traditions. Ainsi de
nouvelles cérémonies ou de nouveaux motifs sont introduits dans
la tradition, en échange parfois d'un présent pour ceux qui sont
responsables du Rêve qui se voit modifié (Glowczewski 1989, 232 ;
Isaacs 1990, 66).
L'arrivée des Européens sur le continent pose
cependant un problème. Les massacres qui eurent lieu dans le sud-est du
pays ont fait disparaître la majorité de la population
aborigène qui s'y trouvait avec leurs traditions. Il en va
différemment dans les zones où le contact avec les
conquérants fut moins destructeur. On constate quand même, dans la
terre d'Arnhem, une rupture dans la tradition. La transmission des savoirs
profonds des initiés n'a pas passé les générations
et les interprétations des peintures rupestres que font les
Aborigènes d'aujourd'hui sont différentes de celles de leurs
aïeux qui furent enregistrées et conservées. Le savoir
d'aujourd'hui est celui des niveaux bas d'initiations et des
non-initiés, complété par des traditions
ré-inventées ou reconstruites (Communication personnelle :
Groenen 2002).
Le cas est différent dans le désert où le
choc des civilisations fut encore moins important et plus tardif, même si
la détresse des Aborigènes fut très grande lorsqu'ils
étaient chassés de leur terre ou lorsque les enfants leur
étaient volés, il semble qu'ils aient transmis une grande partie
de leurs traditions jusqu'à aujourd'hui. Il y aurait donc toujours
à ce jour des cérémonies secrètes et des
différents niveaux de profondeurs dans la
compréhension des Rêves. Mais tout comme les changements de
l'environnement provoquent depuis des millénaires des adaptations
religieuses, il paraît évident que les traditions ne sont pas
sorties intactes du contact avec les colonisateurs. Leur environnement a
profondément changé, il est donc improbable que leurs traditions
n'aient pas elles aussi été modifièes, ne serait-ce que
par l'influence des autres religions qu'on a tenté de leur imposer avec
plus ou moins de succès (Edward 1998, 95-6). En fait, la
génération des peintres des années 1970, qui
s'éteint de jour en jour, est la dernière
génération d'Aborigènes du désert pleinement
initiés. La plupart des jeunes aborigènes préfèrent
ne pas être initiés plutôt que de subir les souffrances des
initiations6, d'autant plus que les connaissances qui y sont
acquises sont, sous le couvert d'un aspect religieux, surtout une pratique de
survie dans le désert. Les jeunes, avec les facilités offertes
par la voiture et les multiples commerces alimentaires et autres, ne veulent
plus chasser le kangourou à la lance et creuser la terre pour trouver
des tubercules. Ils n'ont plus besoin des connaissances du Rêve, et le
Rêve en meurt (Kimber 1996, 34-5 ; communication personnelle : Petitjean
2002).
6 La douleur va crescendo au cours de la vie
initiatique qui s'étend de 14 à 44 ans : circoncision,
subconcision, dents cassées au burin, scarification... (communication
personnelle : Petitjean 2000)
Chapitre 2 : Historique des peintures
contemporaines.
2.1 Les formes ancestrales de l'art actuel.
Différentes formes d'expression artistique
précèdent l'apparition des peintures contemporaines sur toile.
L'art rupestre, les peintures sur sable et l'art corporel existent depuis des
milliers d'années et c'est dans ces pratiques rituelles que les artistes
contemporains puisent leurs motifs, leurs compositions et leur inspiration.
2.1.1 L'art rupestre.
On retrouve un peu partout sur le continent australien des
milliers de motifs gravés ou peints sur la roche. Certains sont
anthropomorphes ou zoomorphes, d'autres représentent des traces
laissées sur la terre par les hommes et les animaux. Mais la plupart (
les lignes, cercles concentriques, points, demi-cercles...) semblent abstraits
à toute personne qui n'a pas appris leur symbolique particulière.
Tous ces motifs doivent être considérés en relation avec
leur environnement et avec les croyances religieuses. (Isaac 1990,136).
2.1.1.1 Caractéristiques formelles de l`art rupestre
du désert
L'art rupestre du désert est principalement
non-figuratif. Son uniformité est assez exceptionnelle pour une surface
géographique si étendue. Formé de cercles, lignes,
points... et d'empreintes d'animaux et d'hommes, cet art montre la grande
différence, dans la façon de représenter le monde, entre
les Aborigènes du centre7 et la manière
européenne.
7On retrouve des signes identiques à ceux du
Désert dans d'autres régions comme le Queensland et l'ouest des
New South Wales.
2.1.1.2 Les sites
Dans la grotte Koonalda, prés de la plaine Nullarbor
dans le sud de l'Australie, on trouve, sur les parois, des traces datées
de 20000 avant J.C. Ces traces sont considérées comme les
premières formes d'art sur le continent. Dans le désert central,
des sites comme Ewaninga (ILL.6), Owalinja (ILL.7), Rodinga (ILL.8), Uluru
(ILL.9) et Nama (ILL.10), entre autres, présentent des motifs
non-figuratifs de cercles ou U peints ou gravés. Ces sites sont
difficilement datables car ils sont restés utilisés pendant
plusieurs siècles, voir plusieurs millénaires, et le sont
même parfois encore aujourd'hui (Brill 1988,154). Les matières
anciennes ont été recouvertes par de nombreuses couches de
peintures, ce qui rend plus difficile la datation au carbone 14.
2.1.1.3 Une interprétation ?
Les Aborigènes du désert dessinent ce qui peut
apparaître comme une vue aérienne de la terre sur laquelle les
êtres vivants ont laissé leurs traces (Isaac 1990,142 ; Layton
1992, 54) (cf.p. 56-7).
2.1.1.4 Une continuité jusqu'à
aujourd'hui.
Dans une de ses études, Layton a comparé l'art
rupestre avec les dessins faits dans le sable par les Aborigènes du
vingtième siècle pour illustrer leurs récits de
légendes ou d'événements réels : les signes sont
les mêmes, preuve d'une continuité traditionnelle (Layton 1992,
54). L'observation des sites du Désert nous montre que les motifs que
l'on retrouve dans les tableaux contemporains sont tout à fait dans la
continuité formelle de l'art rupestre du désert central puisque
les signes sont les mêmes : les cercles concentriques reliés entre
eux par des lignes, les formes en U, les empreintes sont donc traditionnels
dans cette région. On
constate ainsi que non seulement les motifs sont restés
les mêmes sur des millénaires dans les différentes
habitudes traditionnelles, mais qu'ils ont également été
repris pour les peintures contemporaines qui sont une pratique relativement
nouvelle pour les Aborigènes. Par contre, les études faites sur
la composition et sur le cadre sont difficilement applicables à l'art
rupestre puisque le cadre des peintures rupestres est beaucoup moins bien
défini et que l'état actuel des parois est le résultat de
l'accumulation et de la superposition de motifs peints ou gravés sur une
très longue période, il est donc difficile de vraiment parler de
composition.
2.1.2 Les peintures de sable.
2.1.2.1 Description formelle
Aussi appelées « ground painting » en
anglais, les peintures de sable (ILL.11-14) sont d'immenses tableaux
formés sur le sol avec les couleurs et textures naturellement
présentes dans le désert, c'est-à-dire principalement des
pigments, des graines, des herbes hachées, des plumes, de la fiente, du
sang et du sable. La majorité de ces compositions varient entre 6 et 30
m2 (Kimber 1993, 231) mais d'autres atteignent 100 m2, ce
qui permet des compositions très complexes dont les tableaux sur toile
ne sont généralement qu'un fragment (Michaels 1994, 53).
Certaines peintures de sable sont construites autour d'un piquet central
décoré et peuvent contenir des objets sacrés.
2.1.2.2 Peintures religieuses
Ces peintures sont rituelles. Elles sont composées lors
de cérémonies qui peuvent durer plusieurs jours. En
général, on compose une peinture par jour qui sera
détruite à la fin de la journée par les danseurs.
Néanmoins, on conserve
parfois une peinture pour l'incorporer à celle du
lendemain. Ces tableaux, associés aux peintures corporelles, aux chants
et aux danses, sont un moyen de renouer le contact avec les ancêtres
originels. Considérées comme dangereuses pour les
non-initiés à cause des forces ancestrales qu'elles invoquent,
ces cérémonies sont maintenues secrètes (Isaac 1984,
45).
2.1.2.3 Etapes de fabrication
Les hommes qui font le tableau sont tous d'âge mûr
car ils doivent avoir un niveau d'initiation très élevé
qui leur permette de connaître précisément toutes les
étapes du rituel et le rôle de chacun. Les initiés
réunis pour la cérémonie choisissent une surface plus ou
moins plane qu'ils défrichent sur un site souvent lié à
l'émergence ou à la disparition de l'ancêtre qu'ils
s'apprêtent à vénérer. Ils recouvrent le sol de
terre de termitière mouillée puis séchée et y
ajoutent parfois leur propre sang (Strehlow 1964, 51). Ces techniques rendent
la surface bien plate et durcie. Les différents matériaux
nécessaires sont rassemblés et préparés : les
herbes sont finement hachées puis colorées avec de l'ocre ou de
l'argile en poudre de manière à former une pâte
colorée semblable à du papier mâché. Les cercles
sont formés en premier par plusieurs personnes assises autour du motif
en construction. Ce principe de construction induit l'absence de sens du
tableau : on peut le regarder depuis n'importe quel côté, d'autant
plus que ces compositions ne sont pas de formes régulières mais
plutôt une surface aux bords ondulants. Les "artistes" forment les motifs
avec de petits tas de pâte colorée juxtaposés; on pourrait
voir là l'origine de points caractéristiques des peintures
actuelles sur toile. Ce travail est lent et est souvent accompagné de
chants fredonnés associés au tableau réalisé. A la
fin de la cérémonie, le tableau est entièrement
détruit par les pas des
danseurs. Ainsi les non-initiés qui viendraient sur place
après la cérémonie n'en trouveraient presque plus de
traces. (Isaac 1984, 212-3).
Les groupes des Aranda de l'Est et du Sud comme ceux du
désert occidental ne construisent pas ces peintures de sable, mais font
des cérémonies similaires où le support des motifs rituels
est non pas le sol mais des boucliers (Strelhow 1964, 51). Des peintures de
même type peuvent également décorer des pierres, des
coolamons, sorte de grands plats qui servent au transport, et d'autres objets
utilisés principalement lors de rituels (ILL. 15-18).
2.1.3 Les dessins de sable
Traditionnellement, la parole peut être
accompagnée de dessins symboliques ou figuratifs faits dans le sable et
illustrant le discours. Il pourrait s'agir, par exemple, d'une chasse ou de
l'histoire d'un ancêtre, ou encore d'expliquer l'organisation sociale de
la société (ILL.19). Au fur et à mesure de l'histoire, le
narrateur efface les dessins de la main pour illustrer la suite. Se
succèdent ainsi plusieurs scènes attachées à
l'histoire. Le dessin remplace même parfois la parole tout comme le
langage des signes qu'utilisent les Aborigènes (Petitjean 2000, 56). Les
peintures contemporaines utilisent souvent les mêmes signes que ceux que
l'on voit dans les dessins de sable (Petitjean 2000, 56).
2.1.4 Les arts du corps
2.1.4.1 La peinture corporelle
La peinture corporelle est une des sources de motifs pour les
artistes contemporains. Tout comme les peintures de sable et l'art rupestre,
elle existe avant tout dans le contexte rituel religieux et utilise des cercles
concentriques, des points, des lignes...(ILL.20). Selon T.G.H. Strehlow, elle
sert, tout comme de nombreux masques et costumes africains, à
transformer les danseurs et autres participants des cérémonies
qui deviennent les ancêtres à qui sont destinées les
cérémonies (Strehlow 1964, 52). Les motifs et les couleurs
diffèrent selon les groupes et selon les cérémonies ou
selon les occasions, telles que la protection lors des guerres ou la parade
amoureuse. Les couleurs disposées au doigt sur la peau recouverte de
graisse animale sont celle de la terre : ocre rouge, jaune et brun, argile
blanche et charbon. L'ocre rouge est considérée comme la plus
sacrée, invoquant la puissance et des significations profondes et
secrètes (Isaacs 1984, 56).
Bien plus que de la simple peinture, on retrouve parfois une
seconde peau faite sur le danseur à base d'herbes hachées et
collées, de plumes, de fientes d'oiseau, etc, telle une peinture de
sable sur support humain (ILL.12, 21) (Isaacs 1984, 65-6). Il ne faut pas
oublier que, dans la culture aborigène, le vêtement est quasi
inexistant ; la peau est donc le support direct de toutes décorations
(bien qu'actuellement les vêtements occidentaux sont de plus en plus
répandus : short, tee-shirt...).
2.1.4.2 La scarification
La scarification est également fort répandue.
Comme la peinture, elle correspond à un statut mais est
définitive. Plus que la douleur momentanée qu'elle engendre,
c'est le dessin qui compte (Isaacs 1984,54). Les motifs sont les mêmes
que dans les autres formes d'art aborigène vues jusqu'ici.
2.2 Historique du courant artistique contemporain.
2.2.1 Les premiers objets aborigènes du
désert fabriqués au vingtième siècle.
Au début de la colonisation du désert qui
accompagna l'inauguration de la ligne de chemin de fer trans-australienne en
1915, les femmes aborigènes des missions des Monts Warbuton (1934) et
d'Ernabella (1939) furent encouragées dans la production de statuettes
de bois destinées à la vente dans les grandes villes. Ces
statuettes, connues sous le nom de toas (ILL.22), sont donc des
inventions liées à la colonisation et s'insèrent peu dans
la tradition aborigène. Parfois, leurs décorations reprennent des
signes et des motifs traditionnels sortis des grandes compositions que sont les
peintures corporelles, de sable ou rupestres. A Ernabella, des sacs,
écharpes, tapis, ceintures, décorés comme les
toas avec des motifs traditionnels furent également
fabriqués pour la vente. Vers 1972, ces objets tissés furent
remplacés par les batiks. (Caruana 1994, 102-3).
Les peintures sur toile diffèrent des toas
car, même si elles ont incorporé des éléments
nouveaux que sont le médium et le support, elles s'insèrent dans
la continuité de la tradition. La peinture n'est pas un simple
élément de décoration sur l'objet mais forme l'objet
lui-même. De plus, en tant que séquences extraites des ensembles
plus grands que sont les peintures de sable, les compositions gardent plusieurs
niveaux de signification accessibles selon les niveaux d'initiation, et ont
ainsi un sens traditionnel profond pour ceux qui savent l'y trouver. Une
troisième chose distingue les peintures sur toile des toas :
elles sont
insérées dans le marché de l'art en tant
qu'oeuvre d'art et pas seulement en tant qu'objet artisanal ethnologique.
2.2.2 Les dessins pour les anthropologues
De nombreux anthropologues ont étudié les
Aborigènes du désert dès le début du
vingtième siècle. Plusieurs d'entre eux, dont Tindale et
Mountford, attentifs notamment aux dessins de sables, ont demandé
à des Aborigènes de dessiner sur papier avec des crayons
(ILL.23-24). Ces dessins, étudiés comme la forme d'art
précédant directement les peintures contemporaines, sont
topographiques ou mythologiques. On y retrouve à nouveau les signes
traditionnels (Petitjean 2000, 61-2). On peut voir sur certains dessins des
motifs moins habituels car ils ne reprennent pas les signes que l'on a
rencontrés jusqu'ici mais sérialisent une ligne ou un
carré (ILL.25,27). Ces motifs rappellent les peintures de certains
artistes contemporains plus originaux comme Turkey Tolson Tjupurrula
(ILL.26,28)
2.2.3 Les aquarelles d'Hermannsburg
Dans la mission luthérienne d'Hermannsburg, au cours
des années trente, Rex Batterbee, un artiste australien, apprit la
technique de l'aquarelle aux Aborigènes de la mission pour qu'ils
peignent des paysages. Parmi ses élèves, Albert Namatjira adopta
définitivement cette technique et devint le premier artiste
aborigène connu en Australie (ILL.29). A l'époque, il fut pris
comme exemple du bien fondé et du fonctionnement de la politique
d'assimilation. Il présenta sa première exposition solo en 1938
préparant ainsi le terrain aux futurs artistes aborigènes : les
australiens reconnaissaient désormais que les Aborigènes
pouvaient accéder à l'Art. Albert Namatjira, parce qu'il
était reconnu en tant
qu'artiste, fut déclaré citoyen australien
contrairement aux autres aborigènes (Caruana 1994, 106 ; Isaacs 1999,
23). Accéder à l'Art, c'était accéder à une
valeur humaine qui mettait l'Aborigène artiste sur un pied
d'égalité avec les hommes "civilisés" (et donc
"supérieurs") qu'étaient les occidentaux. Namatjira a ainsi
ouvert une porte à ses semblables vers l'humanité reconnue par
les occidentaux. Albert Namatjira mourut en 1959. Une école d'aquarelle
a été fondée en sa mémoire dans la ville
d'Hermannsburg (Isaacs 1999, 23).
Les critiques d'art aborigène ont longtemps
considéré Albert Namatjira comme un artiste en marge, presque
abâtardi par son assimilation volontaire à cette peinture
occidentale au détriment de sa tradition et de sa culture. Une relecture
récente de son travail l'a repositionné à une bonne place
dans l'histoire de l'art aborigène contemporain. Contrairement aux
apparences, Albert Namatjira n'avait pas nié sa culture dans ses
aquarelles. Il choisissait, au contraire, ses paysages non pas pour leur
beauté, mais pour l'importance religieuse et ancestrale des lieux. Il a
trouvé dans cette technique nouvelle un moyen de vénérer
ses ancêtres et de conserver ses traditions religieuses sans subir de
représailles (Caruana 1994, 106). Il est intéressant de remarquer
que c'est le respect de la tradition qui a rendu une valeur artistique aux
oeuvres de cet artiste. On constate à nouveau un des nombreux paradoxes
de la notion d'art contemporaine : ici la tradition est valorisée et
là, la rupture. L'école d'Hermannsburg produit toujours des
aquarelles comme les faisait Albert Namatjira à l'époque
(ILL.30).
2.2.4 La naissance d'un courant artistique : Papunya
(Bardon 1991,
18-46)
Pour ce chapitre, je me base exclusivement sur le texte
écrit par Geoffrey Bardon lui-même, l'homme qui est à
l'origine du courant artistique et qui a vécu les deux premières
années de développement de la peinture. Lors de mes lectures,
j'ai vite remarqué que les auteurs qui parlent de cette période
se basent toujours sur Bardon, il m'a donc semblé inutile de faire
référence à plusieurs textes dont le fond se base sur un
seul original. Pour la période succédant Bardon, je me suis
à nouveau basée sur différents auteurs.
Papunya est une petite ville cachée dans le
désert, située à 33km au nord des Macdonnell Ranges et
à 200 km à l'ouest d'Alice Spring (Carte 2). Etablie en 1960,
elle compte un millier d'habitants originaires de cinq groupes ethniques
aborigènes qui furent chassés par les grands éleveurs de
leurs territoires ancestraux : des Aranda, des Anmatjira Aranda, des Walpiri,
des Loritja et des Pintupi. Papunya est la dernière colonie
établie8 dans le désert par les Australiens dans le
cadre de leur politique d'assimilation.
2.2.4.1 Première étape : la peinture murale
(Bardon 1991, 18-22)
Geoffrey Bardon arrive à Papunya en 1971 en tant que
professeur. Plus ouvert que la plupart des blancs de la colonie, il
s'intéresse de près aux Aborigènes. Avec sa formation
artistique, il est vite attiré par les dessins que font les enfants
aborigènes dans le sable et leur demande de peindre le mur de
l'école. Ce ne furent pas les enfants mais des hommes importants, par
leur niveau d'initiation,
8 Après, autour d'Alice Spring, celles de
Hermansburg, Haasts Bluff, Yuendumu et Lajamanu.
qui prirent le commandement des opérations, alors que
d'autres hommes, un peu plus jeunes, peignaient. Bardon comprit rapidement
l'importance que prenait le projet. La peinture était d'inspiration
religieuse, elle devait convenir à toute la communauté
aborigène malgré leurs différences culturelles et devait
pouvoir être vue par tous, initiés et non-initiés. Il
encouragea l'absence d'éléments occidentaux dans la peinture,
notamment au sujet de fourmis qui furent d'abord dessinées
figurativement puis, suivant les conseils de Bardon, représentées
par leur signe aborigène. La peinture était une version du
Rêve de la fourmi à miel dont le site est à Papunya
même (ILL.31). Ce fut la première peinture d'une longue
série.
2.2.4.2 Deuxième étape : engouement des
artistes pour la peinture (Bardon 1991, 22-41)
Petit à petit? des Aborigènes, principalement
Pintupi, peignirent de nombreux Rêves sur les planches qu'ils trouvaient
(ILL.32-37). Bardon fournissait pinceaux et acrylique ainsi que l'atelier : ses
quartiers et le fond de la classe. De nombreux hommes s'essayèrent
à ce nouveau type de médium. Certains ne firent qu'une ou deux
toiles, d'autres peignirent à plein temps. Cette possibilité qui
leur était donnée de peindre leurs Rêves était un
point d'accroche aux traditions qu'on tentait de leur faire oublier, un regain
de leur fierté d'homme répondant à des lois qui
étaient les leurs. Peindre devint un des rares moyens de
préserver leurs traditions culturelles et sociales.
Bardon s'acheta d'abord quelques toiles, puis eut la
permission d'en acheter pour l'école. En août 1971, une peinture
aborigène de Kaapa Tjampitjinpa gagna un concours à Alice Spring.
Bardon décida alors d'y vendre des toiles : ce fut un grand
succès. Les Aborigènes de Papunya n'en revenaient pas : non
seulement ils pouvaient peindre leurs motifs traditionnels mais en plus, des
blancs payaient
pour acquérir leurs tableaux ! Bardon devint une sorte
d'agent, bien qu'il ne prit jamais de commission, en écoulant les
productions de Papunya. Pour mieux organiser la vente, une coopérative
fut créée, appelée « Papunya Tula », du nom d'un
endroit près de Papunya considéré comme un lieu de
réunion pour tous les frères et les cousins.
2.2.4.3 Troisième étape : les embûches
(Bardon 1991, 41-46)
Des problèmes accompagnèrent néanmoins le
succès des tableaux : les artistes y avaient inclus des motifs
sacrés et secrets, ce qui causa des tensions au sein de la
communauté aborigène lorsqu'on réalisa que ces motifs
étaient exposés à la vue de n'importe qui. Les peintres
firent dès lors attention. Ils recouvrirent les éléments
secrets des tableaux qui n'étaient pas encore vendus. Pour les autres,
le mal était fait.
Le second problème fut que l'administration de Papunya
n'appréciait guère de voir ce commerce échapper à
leur contrôle. On accusa Bardon d'être un trafiquant d'objets
aborigènes ; il fut surveillé et limité dans sa
liberté. Les tableaux furent considérés comme appartenant
au gouvernement et les Aborigènes ne touchèrent dès lors
plus que 5% du prix de vente. Ce fut le début d'une crise durant
laquelle les artistes peignaient de moins en moins et les autorités
détruisirent le symbole du début du courant artistique en faisant
repeindre en blanc le mur de l'école. Ce retournement de situation
rendit Bardon physiquement faible et malade. Il finit par quitter Papunya en
juillet 1972 avec le sentiment d'avoir échoué.
2.2.4.4 Quatrième étape : persistance et
récompense.
Cependant, d'autres blancs philanthropes et amateurs d'art
continuèrent le travail de Bardon. En 1976, la politique envers les
Aborigènes changea, ils eurent dès
lors les mêmes droits que tous les citoyens d'Australie.
Le courant artistique reprit ses libertés du début, se
développa et continue aujourd'hui. Dans les années quatre-vingts,
des femmes artistes rejoignirent les hommes, d'abord comme assistantes puis
comme peintres à part entière. Sonder Nampitjinpa fut une des
premières de celles-ci (Caruana 1994, 122). Avec le changement de
politique, beaucoup d'Aborigènes rejoignirent leur terre d'origine, avec
tous les problèmes de droit foncier que cela comportait, et
répandirent ainsi géographiquement l'idée de peindre pour
les blancs.
2.2.2 Les autres centres de
développement.
Les centres décrits ici sont les centres les plus
importants de l'histoire de l'art du Désert. Ils sont repris par de
nombreux auteurs ( Caruana 1994, 107-51; Crumlin & Knignt 1991, 57-76;
Isaacs 1999,23-31 ; Kimber 1993, 235-6). Malheureusement, on ne trouve que peu
de représentations des tableaux du début du courant artistique
dans les différents centres de productions. Parmi ces derniers, ceux qui
ne sont pas illustrés ici, le sont dans la classification stylistique du
troisième chapitre.
2.2.2.1 Yuendumu : deuxième noyau de
développement.
« Centre de peuplement » créé en 1955
à 120 km au nord-ouest d'Alice Spring, Yuendumu regroupait à
l'origine (et toujours actuellement) principalement des Aborigènes
Walpiri. Dès le début des années soixante-dix, on proposa
aux Aborigènes de Yuendumu et à ceux des autres centres Walpiri
de quoi peindre à l'aquarelle et à l'acrylique. Mais rares sont
ceux qui consentirent à peindre aussi librement des motifs ancestraux
avant les années quatre-vingts (ILL.38). Comme
ils avaient été précédés
d'une dizaine d'années par les artistes de Papunya, les
Aborigènes de Yuendumu étaient, avant même de commencer
à peindre, au courant du fonctionnement du marché de l'art, et
bénéficièrent des découvertes et des erreurs de
leurs voisins. Ils mirent tout d'abord au point un système de
contrôle des images pour éviter la diffusion
d'éléments secrets et sacrés : en 1985, la
coopérative de l'Association des artistes aborigènes
Warlukurlangu endossa ce rôle ainsi que celui d'intermédiaire
entre les peintres et les acheteurs. C'est en 1983 que furent peintes les
fameuses portes de l'école de Yuendumu suite à la demande du
Principal, Terry Davis, à un groupe de grands initiés. Les
peintures (ILL.39) représentent les aspects profanes, et donc visibles
par tous, de différents Rêves de la région. Leur
présence au sein de l'école a instauré un équilibre
symbolique entre la tradition occidentale enseignée aux enfants et la
tradition aborigène ainsi remise en valeur (Caruana 1994, 223 ; Isaacs
1999, 29). Les grandes surfaces que sont ces portes entraînèrent
les peintres à choisir pour support des grandes toiles plutôt que
les petites utilisées jusque là : les grandes surfaces leur
permettent de faire des compositions plus complexes, véritables
séquences extraites des peintures de sable traditionnelles (Caruana
1994, 224). Les femmes artistes ont pris plus d'importance à Yuendumu
qu'à Papunya, peutêtre notamment grâce à
l'intérêt que leur ont porté Nancy Munn et Françoise
Dussart, deux anthropologues. En 1984, les femmes passèrent de la
décoration d'objets quotidiens à la peinture sur toile pour
acquérir les fonds nécessaires à l'achat d'une voiture
pour la communauté (Caruana 1994, 126). Beaucoup se sont
attachées à ce dernier médium (ILL.40,41). Actuellement,
environs 200 artistes, hommes et femmes, peignent pour l'association
Warlukurlangu (Isaacs 1999, 29).
2.2.2.2 Lajamanu
A Lajamanu (Carte 2), un autre centre de peuplement
établi en 1949 où se sont retrouvés un grand nombre de
Walpiri, le développement de la peinture sur toile suivit les
mêmes étapes qu'à Yuendumu : durant les années
soixante-dix, les Aborigènes se montrèrent réticents et le
courant artistique ne commença vraiment que dans les années
quatre-vingt (ILL.42-44). Ici ce sont des femmes qui peignirent les portes de
l'école trois ans après celles de Yuendumu. Mais avant cela, en
1983, douze artistes furent invités à exécuter une
peinture de sable au Musée d'art moderne de la ville de Paris dans le
cadre d'une exposition sur l'art aborigène contemporain intitulée
D'un autre continent : l'Australie, le rêve et le réel
(ILL.14). Dés 1985, les hommes et des femmes se mirent à
peindre, les premiers à la peinture traditionnelle sur bois et les
secondes à la gouache sur carton (Caruana 1994, 134).
2.2.2.3 Haasts Bluff
Haasts Bluff est situé à 200 kilomètres
à l'ouest d'Alice Spring sur les terres des Loritja et des Kukatja mais
fut peuplé dans les années trente par beaucoup de Walpiri et
Anmatyerre réfugiés. En 1941, Haasts Bluff fut
déclaré réserve aborigène. Dès les
années soixante-dix, les habitants ont peint en relation étroite
avec Papunya dont l'organisme artistique Papunya Tula leur fournissait le
matériel de base. Lorsque les fournitures n'arrivèrent plus,
seulement très peu d'artistes continuèrent à peindre. Ce
n'est qu'en 1992 que se constitua le Centre des femmes Ikuntji qui procura aux
habitants de Haasts Bluff, en plus de services éducatifs et de soins aux
enfants, le matériel de peinture si difficilement accessible sans
intermédiaire (Isaacs 1998, 26-8 ; Petitjean 2000, 94-5).
2.2.2.4 Utopia
Utopia est la région autour de la rivière
Sandover à 200km au nord-est d'Alice Spring. Occupées au
début du siècle par une famille de fermiers australiens, ces
terres ont été rendues aux Aborigènes Anmatyerre à
la fin des années soixantedix. Ces derniers se sont répandus sur
la région en de nombreux groupes familiaux (Ross-Manley 1998,54).
Les femmes artistes de la région ont appris
l'utilisation du batik grâce aux femmes d'Ernabella. Certaines,
accompagnées par quelques hommes, se mirent à la peinture
à l'acrylique sur toile en 1988 sous l'impulsion de Rodney Gooch,
conseiller artistique. Changement de support qui permit aux femmes d'Utopia de
sortir de l'anonymat en entrant dans le marché de l'art alors que le
batik était toujours passé pour un artisanat (Brody 1998,
81-2).
2.2.2.5 Balgo Hills
Balgo est situé à 850 km au Nord-ouest d'Alice
Spring, à la frontière du Kimberley. Ce « hameau » fut
construit par des Aborigènes menés par deux prêtres
catholiques vers 1940. Pendant la deuxième guerre mondiale, de nombreux
Kukatja et Ngadi chassés de leurs terres par les soldats australiens se
réfugièrent à Balgo. Les Aborigènes et les
catholiques eurent toujours des rapports de respect mutuel, la relation
était donc moins traumatisante que dans les colonies (Caruana 1994,
146).
Les premières peintures apparurent à la fin des
années soixante-dix, suivant probablement l'exemple de Papunya avec qui
Balgo entretenait des relations. Mais ce n'est que vers 1983 que les peintres
furent administrés sous l'influence du service éducatif local qui
développa la production (ILL.45, 46) et en 1986, l'exposition "art of
the Great Sandy Desert", qui eut lieu à la Art Gallery of Western
Australia dans la ville de Perth, fit connaître l'art de
Balgo au grand public (Petitjean 2000, 91). En 1987, le conseiller artistique
Andrew Hughes fut appelé pour diriger la coopérative «
Warlayirti Artists » (Ryan 1989, 58).
Chapitre 3 : Forme et symbolique de
la peinture contemporaine.
3.1 Technique
La toile a vite remplacé le panneau utilisé dans
les premiers temps du courant artistique pour des facilités de transport
et de stockage dans le cadre du marché. Les artistes utilisent
principalement l'acrylique, de couleurs traditionnelles ou non, selon leurs
préférences. Les aplats sont faits à l'aide de pinceaux
alors que les points sont peints soit traditionnellement avec le bout d'un fin
bâton (ILL.47) ou avec les doigts, soit avec un coton tige ou un pinceau
(le bout du manche tout comme les poils). Comme pour les peintures de sable, la
toile est posée par terre et l'artiste (ou les artistes) tourne(nt)
autour pour peindre (ILL.48). Les motifs principaux sont peints en premier
(ILL.49) suivis des motifs secondaires puis le fond (Isaacs 1999, 13-4).
Certaines règles liées aux connaissances
religieuses et à la parenté organisent les rapports entre
peintres. On est le kirda d'un Rêve hérité de son
père et le kurdungurlu d'un Rêve hérité de
sa mère. Le kirda est « propriétaire » de la
terre associée au Rêve, il a sur celle-ci des droits
économiques et spirituels alors que les kurdungurlu sont les
gardiens de la terre possédée par les kirda. Il en est
de même pour les peintures de Rêve : les kurdungurlu
vérifient que le kirda qui peint le Rêve respecte
les règles de représentation. Ces règles ne sont pas
appliquées aussi strictement pour les peintures destinées au
marché que lors des cérémonies mais personne ne peut
peindre un Rêve sans la permission du kirda et du
kurdungurlu (Anderson 1989, 102-3). Généralement, une
peinture est le travail de deux ou trois peintres, dont le kirda qui
connaît le Rêve le plus profondément. Il est souvent celui
qui peint les éléments principaux de la peinture ou si ce n'est
pas le cas, il supervise le déroulement des opérations, donnant
des indications à un peintre peut-être plus talentueux que lui.
Les peintres chantent souvent les chants
associés au Rêve qu'ils représentent.
(Anderson 1989, 102-3).
3.2 Description formelle
3.2.1 Caractéristiques générales
Les peintures du désert apparaissent abstraites aux
néophytes. Comme les peintures corporelles, de sables ou rupestres, les
principaux motifs utilisés dans les peintures contemporaines du
désert sont des cercles concentriques, des lignes, des points et des
signes en flèches, en U ou en E (ILL.50). On pourrait dire qu'en
général, la peinture est composée d'un fond de points
colorés sur lequel sont placés les motifs significatifs mais la
réalité est plus diversifiée, tant selon les
régions que selon les artistes. Certains n'utilisent pas du tout de
points mais des traits de pinceau (ILL.51), d'autres n'utilisent de points que
pour contourner les motifs principaux laissant le fond uni (ILL.33), d'autres
encore font des tableaux uniformes sans qu'aucun motif précis ne s'en
détache (ILL.52) ou insèrent des personnages et des
éléments figuratifs...(ILL.34)
3.2.2 Tentative de classification
On ne trouve pas, dans la littérature sur le sujet, de
classification nette de l'art du Désert. Certains auteurs donnent
quelques caractéristiques propres à telle ou telle région
mais sans analyse approfondie. Je pense qu'une classification correspondant aux
principaux centres de production est judicieuse et justifiée. En effet,
en observant l'ensemble de la production, on voit que certains
éléments caractérisent telle ou telle provenance. Ces
caractéristiques sont principalement le fruit de l'histoire de chaque
centre de production, par les choix successifs des peintres et l'influence des
conseillers artistiques. L'artiste n'est pas limité par un
académisme régional, on trouve donc dans chaque
centre une production diversifiée mais avec presque toujours un style
dominant. J'ai tenté de mettre en évidence les
éléments qui caractérisent ce style dominant. Sans entrer
dans les détails, cette analyse me semble suffisante pour pouvoir
resituer un tableau (appartenant au style dominant) dans son contexte
grâce à ses caractéristiques formelles.
3.2.2.1 Papunya
Papunya est le lieu du commencement du courant artistique (cf
p.35-8). L'organisme Papunya Tula artists Pty Ltd, créé
sous Geoffrey Bardon, rassemble les oeuvres des artistes de Papunya, et des
artistes pintupi de Kiwirkura et de Kintore9 (communication
personnelle :Petitjean 2002). Les peintures de Papunya Tula ont suivi une nette
évolution. Au début des années septante, les tableaux
(ILL.32-37) sont souvent faits assez grossièrement sur un morceau de
bois trouvé au hasard. Les artistes expérimentent alors ces
nouveaux médiums et cela se sent. Les couleurs sont traditionnelles. La
composition n'est pas toujours bien maîtrisée, on sent des
difficultés pour s'adapter à la forme rectangulaire : les angles
sont souvent laissés vides. On trouve déjà des points chez
quelques artistes mais peu les utilisent pour couvrir tout le fond. Johnny
Warrangula Tjupurrula (ILL.35) est l'initiateur de ce fond de points qui va se
généraliser. Les tableaux, d'abord petits et sur bois, se sont
progressivement aggrandis et l'utilisation de la toile s'est imposée
dès 1975. De 1979 à 1981, Andrew Crocker, alors conseiller
artistique de Papunya, soucieux de faire entrer l'art aborigène dans la
sphère de l'art contemporain, a encouragé les artistes à
faire des très
grands formats. Parallèlement, il a fait des
monographies d'artistes et des fiches d'authenticité semblables à
celles du marché contemporain (communication personnelle 2002 Georges
Petitjean ; Ryan 1989, 24-9).
Aux débuts du courant artistique, des
éléments réalistes comme des figures humaines (ILL.34) et
des instruments rituels étaient représentés mais ils ont
disparu assez rapidement laissant la place exclusive aux signes symboliques,
notamment pour mieux conserver le caractère secret et
ésotérique : les signes symboliques avec leur polysémie
permettent différents niveaux d'interprétation selon les
connaissances (Caruana 1994, 109-10) (cf. p.52-3). Les peintures de Papunya
Tula se caractérisent par la présence quasi systématique
d'un fond de points placés en lignes qui épousent les contours
des symboles géométriques de base comme les cercles et les lignes
(ILL.53). Les compositions sont souvent très organisées
symétriquement. Les couleurs utilisées sont les quatre couleurs
traditionnelles : le noir, le blanc, et les ocres rouges et jaunes.
Actuellement, les points ont tendance à se coller les uns aux autres ce
qui procure à la peinture un effet de texture très particulier et
ce qui, lorsque les points sont blancs, les pousse à l'avant-plan
(ILL.54, 55).
Les femmes de Papunya Tula peignent depuis l'arrivée en
1981 de la conseillère artistique Daphne Williams. Actuellement, leurs
tableaux se caractérisent par l'utilisation de cette texture
particulière dans des couleurs pastel (ILL.56, 57) (Isaacs 1999, 26).
D'autres artistes de Papunya Tula ont fait preuve de plus de
liberté par rapport aux traditions, ils rencontrent d'ailleurs la
désapprobation d'autres initiés
9 Les pintupi du Kintore étaient dans le centre
de Papunya jusqu'à leur libération en 1976 lorsque le
gouvernement mit fin à la politique d'acculturation. Ils sont alors
retournés sur leurs terres d'origine du Kintore (Communication
personnelle: Petitjean 2002).
aborigènes (cf. p. 63). Ce sont, par exemple, Ronnie
Tjampitjimpa (ILL.59), Mick Namarai Tjapaltjarri (ILL.60), Turkey Tolson
Tjupurrula (ILL.61) ou Timmy Payunka Tjapangati (ILL.63). Ils sont partis d'un
signe particulier (ILL.58, 58b, 62) de leur Rêve et le monumentalisent ou
le juxtaposent formant ainsi des oeuvres géométriques et
très abstraites, dans lesquels les initiés qui ne connaissent pas
la démarche ne reconnaissent plus le Rêve (cf. p.62)(communication
personnelle Petitjean 2002).
Dans une production tellement abondante que les
qualités des peintures sont très variées, Papunya s'impose
comme un lieu de production d'oeuvres assez exceptionnelles.
3.2.2.2 Utopia
Utopia est une communauté aborigène
située à environ deux cent soixante kilomètres au nord-est
d'Alice Spring. Utopia est le nom donné par les cultivateurs blancs au
début du vingtième siècle, il est resté mais son
vrai nom aborigène est Angarapa (Ross-Manley 1997, 53). Vers
1975, une femme d'Ernabella a enseigné aux femmes d'Utopia la technique
du Batik. Il n'a pas fallu longtemps pour que de nombreuses femmes adoptent
cette technique qui correspond tout à fait aux habitudes collectives des
femmes aborigènes. Elles sont assises ensemble autour de la cuvette de
cire et elles peignent en discutant. La teinture se fait à la
chaîne. Le bouillon, pour faire fondre la cire, est tout aussi collectif
puisqu'il faut de nombreuses mains pour alimenter le feu. La cohésion du
groupe et le plaisir de la soie et des couleurs ont rapidement rendu le batik
populaire. La vigueur qui ressort de leur soie est due à la
rapidité et la spontanéité dont il faut faire preuve pour
appliquer la cire sans qu'elle ne durcisse trop vite (ILL.64, 65) (Ross-Manley
1997, 53-7).
Dans les batiks, le rouge, l'orange, les jaunes et les bruns
prédominent : les couleurs du désert. Certains, plus rares,
utilisent aussi des verts et des bleus. C'est plus tard que les toiles ont
commencé à intéresser les femmes d'Utopia. Leur style vif
et spontané s'est transposé sur la toile en grands traits fluides
et confiants et caractérise maintenant une grande partie de la
production d'Utopia (ILL.66, 67).
Certaines femmes d'Utopia utilisent les points d'une
façon particulière: elles les juxtaposent en différentes
couches créant ainsi des effets qui rappellent la technique des
postimpressionnistes (ILL.68-71). Les techniques d'aquateinte et de gravure ont
également fait leur apparition chez les femmes d'Utopia. (Ross-Manley
1997,53-7)
3.2.2.3 Yuendumu
Les peintures de Yuendumu se distinguent de celles de Papunya
par un style très libre et désordonné, aux couleurs
vibrantes et variées. Les peintures des femmes (ILL.40, 72, 73)
utilisent plus de courbes que celles des hommes où les lignes droites
des voyages parcourus organisent l'espace (ILL.38, 74). Cependant, les
peintures de Yuendumu sont rarement aussi organisées que celles de
Papunya. Les points utilisés par les femmes sont également
beaucoup plus petits que ceux des hommes (Ryan 1989, 68-72). Les conseillers
artistiques qui se sont succédés à Yuendumu ont
participé à la conservation des caractéristiques des
peintures, si ce n'est que certains artistes ont tenté d'organiser un
peu plus leur espace. (Ryan1989, 68-72).
3.2.2.4 Lajamanu
L'art de Lajamanu n'a jamais été pris en main
par un conseiller artistique. Les artistes ont donc pu évoluer librement
et chacun a trouvé son style. La production de Lajamanu s'en trouve
particulièrement diversifiée. On peut néanmoins trouver
quelques caractéristiques générales à l'art de
Lajamanu : dans les premières années surtout, les fonds de points
était très souvent blancs (ILL.42, 43) ce qui est plutôt
rare à Papunya et Yuendumu. Les compositions sont plus simples et plus
ordonnées qu'à Yuendumu mais n'atteignent pas l'ordre
austère que l'on retrouve souvent dans les peintures de Papunya Tula
(ILL.75). La palette de couleurs est plus variée qu'à Papunya
mais peu d'artistes utilisent une palette aussi large que celle de Yuendumu ou
de Balgo Hills.
3.2.2.5 Balgo Hills
Judith Ryan distingue deux styles artistiques à Balgo :
une veine plus traditionnelle et une autre plus innovatrice, influencée
par la mission catholique. Cette dernière est celle qui
caractérise le plus l'art de Balgo. Les couleurs utilisées sont
des couleurs très vives et variées, parfois même
fluorescentes (ILL.76,77). L'influence de l'Eglise se perçoit dans la
présence assez fréquente d'éléments figuratifs
similaires à celles de certaines premières oeuvres à
Papunya mais dont les aspects secrets ont été retirés
(ILL.78,79). La présence des deux veines au même endroit laisse
une très grande liberté aux artistes. « Les artistes
voyagent entre les fonds unis ou recouverts de points, la symétrie et
l'asymétrie, les couleurs primaires éclatantes et les tons ocres,
l'abstraction et le naturalisme. »(Ryan 1989, 58).
3.2.2.6 Haasts Bluff
Cette communauté, très proche de Papunya ( qui
est 40 kilomètres au Nord), a peint très tôt. L'absence de
conseiller artistique et le manque de fournitures firent décliner la
production artistique au début des années quatre-vingt. Ce n'est
qu'en 1992, avec l'arrivée de Marina Strocchi comme conseillère
artistique, que la production refleurit dans un style particulier : les
couleurs primaires sont souvent utilisées, les compositions sont
simples, parfois habitées par quelques personnages schématiques
à côté desquels les signes traditionnels n'ont plus
toujours leur place (ILL.80-82).(Petitjean 2000, 94-5) .
3.3 Symbolique
Les peintures contemporaines sont inspirées par des
pratiques religieuses ancestrales ; c'est beaucoup plus la symbolique
cachée derrière les oeuvres que l'aspect visuel qui a de
l'importance aux yeux des Aborigènes. Malheureusement, cette symbolique
nous est presque inaccessible...
3.3.1 Différents niveaux de sens
Le caractère secret/sacré de nombreux
éléments religieux a poussé les Aborigènes à
ne laisser dans leurs tableaux que des symboles polysémiques ( Ryan
1993, 50). La symbolique se situe au niveau collectif et pas individuel, la
relation entre un motif et ses signifiés est homogène dans les
groupes d'initiés de même niveau car elle est établie par
les ancêtres du Temps du Rêve eux-mêmes (Puri 1992, 18 ;
Edwards 1998, 83). Cependant, la polysémie est telle que certains
pourraient trouver des significations là où le peintre n'en a pas
mis. C'est donc le peintre, détenteur du Rêve, qui est le plus
habilité à interpréter son tableau sur tous ses niveaux,
d'autant plus qu'il est également le plus apte à expliquer la
partie du Rêve qu'il garde (Isaacs 1984, 222). Un tableau permet ainsi
plusieurs degrés de lecture : une compréhension superficielle du
tableau pour les non-initiés et tous les acteurs occidentaux du
marché de l'art et d'autres degrés de sens accessibles selon le
niveau d'initiation. Cette notion de lecture est très importante : le
tableau est avant tout une sorte de « littérature visuelle »
plutôt qu'une décoration ou une surface qui devrait nous procurer
un effet global. C'est la
reconnaissance des différents symboles et leur
articulation qui priment (Puri 1992, 18).
N'étant pas initiée, je n'ai pu avoir
accès qu'au sens connu de tous. De plus, très peu
d'anthropologues ont eu accès aux autres niveaux de compréhension
et le respect du secret veut qu'ils n'en divulguent pas le contenu. On se
retrouve donc devant une symbolique que l'on sait très riche et
complexe, surtout si les oeuvres sont faites par des anciens
complètement initiés, mais qu'on ne peut atteindre ni
comprendre.
Ce chapitre sur la symbolique des oeuvres tente de montrer le
fonctionnement symbolique au niveau qui nous est accessible mais aussi un
aperçu du fonctionnement des autres niveaux de sens.
3.3.2 Les différents symboles de base
Les tableaux sont composés à partir d'un nombre
assez restreint de symboles, mais chaque symbole peut avoir un sens
différent selon le niveau de lecture et selon le contexte du
récit représenté. Ainsi des cercles concentriques peuvent
être le rocher, point d'eau, village, site où se passe l'action,
ou encore le foyer ou lieu de la halte pendant le voyage...(Peterson 1981,
46)
Cependant, on peut associer à certains symboles leurs
significations les plus fréquentes. Pour cela, j'ai comparé
toutes les explications de tableaux que j'avais à ma disposition
(Nangara 1996 ; Bardon 1991 ;Sutton 1989 ; West 1988 ; Aratjara 1993) :
Les cercles concentriques représentent le lieu à
côté ou sur lequel se déroule l'action. Les lignes
droites reliant ces cercles sont le voyage entre ces lieux. Les formes en U
représentent les hommes et les femmes assis. Ils sont le plus
souvent placés autour des cercles concentriques car ils
sont représentés lors de leur halte sur des sites particuliers.
Voilà pour les principaux éléments, le tableau ci-dessous
explique d'autres signes moins fréquents.
|
Etoile
|
|
Empreintes d'émeu
|
|
Arc-en-ciel, nuage, dune
|
|
Coolamons
|
|
Feu,fumée, eau, sang
|
|
Bâtons à fouir
|
|
Eau, serpent, éclair, falaise,
|
|
Boomerang-massue
|
|
Empreintes de goanna ou d'oppossum
|
|
Flèches
|
|
Empreintes de kangourou
|
|
Projecteur de flèche
|
|
Nuages de
tempête, ou vents tournant
|
|
Plantes du bush
|
Pour Kandinsky, le point est "l'élément premier
de la peinture" (Kandinsky 1991, 36). Si lui en parle pour sa théorie
de l'art abstrait, nombreux sont ceux qui rattacheraient volontiers cette
phrase à l'art du Désert. Ne qualifie t-on pas cet art
de « dot painting » ? Quelle coïncidence de
constater qu'un peu plus loin dans son texte, Kandinsky dit : "le désert
est une mer de sable exclusivement constitué de points"... (Kandinski
1991, 45). Dans l'art du Désert, les points sont en effet souvent
utilisés comme fond pour la peinture et donnent dans leur succession un
certain dynamisme. Ils ne sont néanmoins pas dénués de
symbolisme : ils peuvent représenter la terre, la
végétation, le sable, la fumée, les nuages, les rayons du
soleil,... (Petitjean 2000, 65). Comme pour les autres symboles, le contexte et
le niveau de lecture déterminent leur signification.
3.3.3 Interprétations des tableaux
On remarque assez vite que beaucoup de ces signes semblent
correspondre à la trace vue du ciel et schématisée que
laissent les hommes, les animaux ou certains phénomènes naturels
sur la terre. Les hommes assis laissent sur le sol une trace en forme de U, les
animaux laissent leurs empreintes, les cours d'eau et les montagnes peuvent
être vues d'en haut comme des ensembles de lignes
ondulées...(Bardon 1991, 131). Ce choix d'une vue d'en haut n'est pas
sans rapport avec la vie traditionnelle des Aborigènes : en tant que
chasseurs, l'observation du sol est primordiale pour débusquer un gibier
et en tant que nomades, il faut connaître la géographie des lieux
pour s'orienter et retrouver les points d'eau, les abris, les lieux
sacrés...Aussi les tableaux sont souvent considérés comme
des sortes de cartes géographiques, de plans du territoire où
sont peints les points et cours d'eau, les montagnes, les sites sacrés
et parfois aussi les différentes végétations. Certes, ces
cartes ne respectent pas les proportions, les orientations ou les distances,
seules les caractéristiques de la région qui sont importantes aux
yeux des Aborigènes dans le contexte du rêve
qu'ils célèbrent sont représentées
(Bardon 1979,10). Il ne faut pas réduire ces peintures à de
simples représentations du paysage : si on peut y voir des
éléments naturels et des traces, ces tableaux vont beaucoup plus
loin dans leur implication religieuse, « ils sont des visions non pas du
paysage mais dans ce paysage »(Green 1988, 47).
Dans un autre contexte, un tableau peut être lu comme
une partition de musique rituelle lors des cérémonies (Dussart
1988,37). Malheureusement, Françoise Dussart donne cette information
sans aucune explication ni référence, et, à ma
connaissance, aucun autre auteur ne mentionne cette interprétation, je
ne peux donc pas développer cette information pourtant fort
intéressante.
Un tableau, comme je l'ai déjà fait remarquer,
célèbre le Rêve dont est responsable le peintre. Mais le
Rêve est, lors des cérémonies, représenté sur
une surface très étendue. Le Rêve peint sur la toile n'est
jamais qu'un fragment de la peinture de sable cérémonielle
épuré de ces éléments secrets (Michaels 1994, 52-
3). L'interprétation que l'on peut en donner est d'autant plus
imprécise que les récits de Rêves rapportés par les
anthropologues sont rares et ont été surtout
récoltés en Terre d'Arnhem, la région tropical au nord de
l'Australie. Le climat de cette région oriente les Rêves vers des
problématiques qui ne sont pas celles des habitants du désert,
les Rêves racontés en Terre d'Arnhem sont trop différents
pour être mis en relation avec les Rêves représentés
dans le désert. Il est donc particulièrement difficile de faire
des rapprochements entre les récits et la peinture, seules les
explications données par les artistes nous sont accessibles. Du peu que
l'on sait des autres niveaux de significations, il apparaît qu'au lieu de
présenter des actions quotidiennes (la récolte de nourriture) ou
des aspects de Rêve que tout le monde connaît, ils
présentent des significations plus profondes sur les
répartitions du Rêve entre plusieurs groupes ou des
épisodes de Rêves où sont livrées les pratiques
rituelles secrètes (Anderson 1989, 118-20).
3.3.4 Analyses de la symbolique de quelques tableaux
L'analyse de quelques tableaux permet de mieux comprendre
à quel genre d'interprétation on a accès. Les tableaux ont
été choisis parce qu'ils présentaient un type de dessin
fréquent pour lequel l'interprétation donnée est presque
toujours la même ou pour leur notoriété.
Rêve Tingari 1974 Anatjari Tjakamarra
(ILL.83) .
Comme son titre l'indique, ce tableau représente un
Rêve Tingari souvent aussi appelé cercle Tingari. Les cercles
Tingaris sont les moments des Rêves où les ancêtres ont
livré les chants et cérémonies secrets connus sous le nom
de Tingari (ou Tjingari) ; ils se rapportent à l'enseignement à
donner aux jeunes sur les Rêves et des cycles d'initiations y sont
associés (Bardon 1979, 23). Ces révélations ont eu lieu au
cours de longs voyages à travers tout le pays. Les lieux où les
ancêtres se sont arrêtés sont sacrés et secrets. Ce
tableau nous montre donc un de ces voyages, associé ici à
l'ancêtre serpent. Les cercles concentriques représentent les
endroits où les ancêtres se sont arrêtés : des points
d'eau ou des campements. Les U tachetés représentent des hommes
avec des peintures corporelles dont on voit également les empreintes. La
ligne ondulante reliant différents cercles concentriques est une
représentation de l'ancêtre-serpent. L'artiste explique qu'il a
représenté le « voyage de l'ancêtre-serpent de Kulkuta
à
Kiwirkuta, lieux de cérémonies secrètes
» (Nangara 1996, 42). Le caractère secret de ce tableau fait qu'on
ne peut avoir plus d'informations à son sujet.
Rêve des deux Wanampi 1995 de Mick Namarari
Tjapaltjarri (ILL.84)
La grosse bande ondulée centrale représente le
serpent (wanampi) et les zones latérales de lignes ondulées, les
dunes. C'est le site de Piltardi où vivent deux serpents dont un,
caché sous un arbre, pour faire fuir les intrus. (Nangara 1996, 63).
Rêve de Kadaitcha 1992 de Ronnie Tjampitjinpa
(ILL.85)
Les cercles concentriques en bas à droite
représentent le plan d'eau de Mapurrinya, les formes allongées
bordeaux qui se trouvent de part et d'autre sont les hommes Kadaitcha, les
maîtres du sacrifice installés sur ce site pour créer la
foudre. Le reste de l'image évoque une représentation de la
foudre associée à des motifs de peinture corporelle.(Nangara
1996, 60)
Rêve des femmes à Yanyinki 1989 de
Maggie Napangardi Watson (ILL.86)
Les grandes lignes droites au centre représentent des
bâtons à fouir10, les cercles concentriques, des sites
cérémoniels mais les cercles seuls, des points d'eau. Les U
représentent les femmes (celles de gauche sont des femmes Nanpagardi et
celles de droites, des femmes Napanangka) et le petit trait qui les accompagne,
également un bâton à fouir. Les éléments en
double peigne dans le fond représentent des vignes sauvages. Ce tableau
montre le voyage des gardiennes
10 Longs bâtons que les femmes du désert
utilisent pour trouver les tubercules enfouis dans la terre.
du Rêve qui est à l'origine du site Janyinki
(à l'ouest de Yuendumu). Au début du voyage, à Minamina,
les bâtons à fouir émergent du sol (scène centrale)
et par la suite, elles créent d'autres sites avec leurs bâtons
à fouir. (Nangara 1996, 48-9).
Rêve de l'esprit de la mort à Napperby
1980 Tim Leura Tjapaltjarri & Clifford Possum Tjapaltjarri
(ILL.87)
Ce tableau est un des tableaux les plus connus de l'art
aborigène du désert. Il présente une structure
extraordinaire car il illustre le parcours de l'âme de son auteur et ses
Rêves.
La ligne qui traverse le tableau représente le parcours
spirituel de l'artiste dont l'âme voyage d'ouest en est à travers
Napperby. Les six groupes de cercles concentriques sont les aires de repos
pendant le voyage, chaque fois entourés de deux coupe-vent pour
initiés. Les cinq lignes horizontales bleues représentent des
cours d'eau. Les trois Rêves de Tim Leura sont représentés
dans des fenêtres : le Rêve du vieil homme se trouve en haut
à gauche, plus loin, toujours en haut, on voit le Rêve de
l'igname, dans le coin droit en bas c'est le troisième : le Rêve
du soleil et de la lune. Ces trois Rêves ont déjà
été peints par Tim Leura sur d'autres toiles, chacun d'eux est un
tableau à part entière. Les trois éléments dans la
zone en bas à gauche sont des lieux de campement surmontés par un
coupe-vent. A côté, sont peints un boomerang-massue11
et une lance. Le squelette est l'esprit de la mort et marque le pessimisme du
peintre quant à son avenir et ses désillusions : il a en effet
connu la politique d'assimilation et a vécu de grands bouleversements.
En dessous du squelette, il y a des flèches et un boomerang. Le
11 Les boomerang-massues sont le type de boomerang que
l'on trouve dans le désert. Ils ont un bout plus développé
que l'autre, tels une massue et ils ne reviennent pas comme les boomerangs que
nous connaissons et qui sont ceux de la Terre d'Arnhem.
fond du tableau est composé de zones de points de
couleurs, il évoque les nuages, les ombres et les lumières,
l'herbe, les feuilles et la terre. (Bardon 1991, 122-3; Bardon 1998, 37-41).
Ce dernier tableau illustre parfaitement le fait que les
peintures du désert doivent être lues et
interprétées à travers la symbolique des différents
éléments qui les composent.
3.4 Quelques artistes renommés
Depuis le début de l'art contemporain du Désert,
quelques artistes se sont démarqués du lot : Clifford Possum
Tjapaltjarri et Emily Kame Kngwarreye ont chacun au moins une monographie, les
autres sont très souvent cités et sont les plus
côtés dans le marché de l'art. Leurs développements
artistiques personnels sont assez intéressants et montrent bien que les
artistes aborigènes peuvent dépasser les limites de la tradition
pour la faire évoluer vers de nouvelles formes. La plupart de ces
artistes ont pris part au commencement du courant artistique à Papunya
et sont décédés récemment. Ils faisaient partie de
cette génération exceptionnelle qui a pu peindre avec des
connaissances approfondies des Rêves auxquelles leurs enfants n'ont
malheureusement pas accédé (communication personnelle: Petitjean
2002).
Emily Kame Kngwarreye (ILL.52,65,
88-90)
Emily, née en 1916, était anmatyerre et a
vécu à Utopia jusqu'en 1996, date de sa mort. Hautement
initiée, elle fut la gardienne de nombreux Rêves associés
à sa région. Elle fait partie des artistes les plus connus
d'Australie centrale. En effet, en sept ans de peinture, elle a
participé à plus de cent expositions et ses tableaux se sont
vendus dans le monde entier. Son style particulièrement libre et
original y est pour beaucoup (Nangara 1996, 86). Ses tableaux ne
présentent pas les mêmes signes que ceux développés
plus haut mais des points énormes ou des lignes entrelacées ou
parallèlles. Leurs mélanges colorés font
référence aux couleurs du désert selon les périodes
de l'année ou les événements naturels (feu, vent...).
L'abstraction est poussée ici à l'extrême
dans l'art du désert. Fred Myers interprète l'abstraction comme
un moyen de mieux conserver le secret des Rêves représentés
(Myers 1999,222) et, en effet, Judith Ryan explique comment cette artiste
recouvre les signes habituels par des couches d'énormes points
colorés (Ryan 1993, 55). Ces points ne sont néanmoins pas choisis
aléatoirement, ils ont un lien direct avec les signes secrets
cachés sous eux. Par exemple, sur le symbole secret d'une plante, Emily
Kame Kngwarreve peint des taches rondes représentant les fleurs de cette
plante. Le sens religieux est inhérent à ses oeuvres mais il est
visuellement difficilement accessible (Ryan 1993, 55).
Clifford Possum Tjapaltjarri
(ILL.37,87, 91-93)
Clifford Possum Tjapaltjarri, né en 1932 est
anmatyerre. Il vit à Napperby dans le sud du Territoire du Nord.
Déjà initié à la gravure sur bois et à la
peinture, il lance réellement sa carrière artistique vers 1970
lorsqu'il travaille avec le groupe de Geoffrey Bardon à Papunya.
Exposé dans le monde entier, il est devenu l'artiste d'Australie
Centrale le plus connu. Plusieurs livres lui sont d'ailleurs consacrés
(Nangara 1996, 84). Clifford Possum est décédé en juin
2002.
Bardon voit dans sa peinture en couches
entremêlées des tentatives de tridimensionnalité. Clifford
Possum essaie aussi de faire ressentir les différentes saisons et les
divers moments de la journée à travers ses agencements de
couleurs (Bardon 1991, 113).
Johnny Warangkula Tlupurrula (ILL.35,
94,95)
Né en 1925, il a vécu une enfance selon le monde
traditionnel jusqu'à ce que sa famille déménage
à Hermannsburg. Il est pleinement initié puis
déménage à
Haasts Bluff, puis, en 1960, à Papunya. C'est lui qui
est à l'origine du fond recouvert de points. En effet, dans le souci de
cacher les aspects secrets peints dans les premières peintures du
courant artistique, il recouvre les signes secrets par des couches
superposées de points créant des effets vibrants. Il fut un des
grands artistes de Papunya jusqu'à ce qu'une maladie des yeux
l'empêche de continuer à peindre à la fin des années
quatre-vingt (Johnson 1994, 203-4). Il est décédé en juin
2001. Ces Rêves sont celui de l'igname, du feu et les histoires de Egret
et Nyilppi et Nyalpilala.
Ronnie Tjampitjimpa (ILL.59, 85, 96)
Ronnie Tjampitjimpa est né en 1943 à Muyinnga
(100 km à l'est de Kintore). Une fois initié, il a beaucoup
voyagé, passant notamment par Yuendumu avant de s'installer à
Papunya jusqu'en 1981 lorsqu'il put rejoindre sa terre natale. Il fait partie
des artistes importants qui ont commencé à peindre à
Papunya dès 1971 (Johnson 1994, 174-5).
Ses tableaux les plus connus sont basés sur un motif de
carrés concentriques, fréquents sur les objets de bois rituels
gravés, mais absents des peintures de sables et rupestres. Au
début du courant artistique, on peut retrouver ce motif sur la
représentation figurative de ces objets rituels (ILL.58). Petit à
petit, le motif se déplace de cette représentation vers le
support du tableau lui-même (ILL.58b), alors toujours entouré des
autres motifs qui forment le tableau. Plus tard, Ronnie va prendre pour sujet
unique ce motif monumentalisé et multiplié (Petitjean 2000,
227-8). Comme ceux d'Emily ou de Turkey, les tableaux qui résultent de
cette évolution se distinguent dans la production artistique
contemporaine du désert par
cette abstraction géométrique qui les rapproche
étroitement de certains artistes occidentaux modernes et contemporains
(cf.infra)
Turkey Tolson Tjupurrula (ILL.26, 28,
61, 97,98)
Turkey est né en 1938 à huit kilomètres
de Haasts Bluff et il est décédé en août 2001. En
1959, peu après son initiation, sa famille part pour Papunya, où
il est un des plus jeunes à prendre part au courant artistique de
Geoffrey Bardon (Johnson 1994, 194). Turkey est gardien des Rêves
émeu, serpent, feu de brousse, femme et Mitukutjarrayi. Il a peint
quelques tableaux plus classiques avec des cercles concentriques reliés
entre eux et parfois des éléments plus figuratifs mais se
distingue surtout par ses peintures plus innovatrices composées de
lignes horizontales superposées faites de points serrés (ILL.98).
(Johnson 1994, 194). Ces peintures, comme celles d'Emily, de Ronny Tjampitjimpa
et de Mick Namarari, frappent par leur abstraction dénuée des
signes typiques de l'art aborigène du désert. D'ailleurs, ces
innovations ne sont pas toujours bien perçues par les anciens
(communication personnelle Petitjean 2002).
Cependant, on remarque vite que ce motif de lignes
parallèles est repris de façon fort semblable par plusieurs
peintres. Dans le seul catalogue de l'exposition Nangara qui eut lieu à
Bruges en 1996, il est repris (avec des variations dans les couleurs,
l'épaisseur des traits et la façon de les former (traits de
pinceau, juxtaposition de points séparés ou pas...)) par Emily
Kame Nngwarreye, Greeny Purvis Petyerre, Gladys Kemarre, Ronnie Tjampitjimpa,
Charlie Eagle Tjapaltjarri, Billy Stockman Tjapaltjarri, Benny Tjapaltjarri et
Turkey Tolson Tjapaltjarri. Presque chaque peinture est associée
à un Rêve différent et toutes ces peintures
sont postérieures à 1990. On voit aussi un motif
similaire dans un dessin sur papier fait par Jerry Waldmadjari datant des
années 1930 (ILL.25) (cf.p.34). Plusieurs questions se posent : ces
tableaux aux seules lignes horizontales sontils une innovation de Turkey qui
développe un motif traditionnel rencontré notamment dans les
peintures corporelles pour en faire son seul sujet ? Est-ce une innovation d'un
autre artiste duquel Turkey et d'autres se seraient inspirés ou est-ce
que tous ces artistes auraient eu la même démarche de
développer cet élément de lignes parallèles? Le
dessin de 1930 de Jerry Waldmadjri (ILL.25) pourrait indiquer que ne prendre
que ces lignes pour sujet n'est pas une innovation récente mais une
démarche traditionnelle. Mais on ne sait pas ce qu'a demandé
l'anthropologue à Jerry Walmadjari pour qu'il dessine ce motif. Si
l'anthropologue lui a simplement demandé de représenter de l'eau,
il est normal que ce soit le seul sujet du dessin... Il m'est impossible de
statuer bien qu'il semble peu probable qu'ils aient tous eu
indépendamment la même démarche. Les ressemblances entre
les oeuvres de différents artistes aborigènes sont très
fréquentes dans l'art du désert autant pour ceux qui peignent de
façon plus traditionnelle que pour ceux que l'on considère comme
plus innovateurs. Il semble que, pour les artistes aborigènes, reprendre
une idée de composition ou de technique découverte par un de
leurs confrères est une chose tout à fait naturelle. Quoi de plus
logique dans une société où l'on considère que tous
ces motifs un héritage des temps ancestraux ?
Chapitre 4 : Le marché et ses
paradoxes.
4.1 Historique et fonctionnement du marché
4.1.1 Histoire du développement du marché
Dès le début de la colonisation du
Désert, les artefacts aborigènes intéressèrent les
anthropologues et les collectionneurs. Les objets les plus recherchés
étaient souvent très sacrés et difficile d'accès.
Parmi ces objets, les plus sacrés sont les Tjurunga, plaquettes de
pierre ou de bois gravées12 (Murphy 1998, 263 ; Strelhow
1964, 53). Les Arandas, par exemple, voyant leurs objets sacrés en
danger, les ont confiés à T.G.H. Strelhow, un anthropologue du
milieu du vingtième siècle, pour qu'il les mette en lieu
sûr. Ils sont depuis conservés au Strehlow research center d'Alice
Spring, hors d'atteinte des non-initiés. En effet, Strelhow, dont le
père étudiait déjà les Aborigènes, a
vécu toute sa vie à leur contact et a appris à
connaître et à respecter leurs croyances jusqu'à contredire
le principe occidental de l'accès pour tous à la
connaissance13...Pour les Aborigènes, plus rien n'est
à découvrir car les ancêtres ont tout
révélé. Seules certaines personnes de valeur14
ont accès à cette connaissance. Le centre Strelhow a reçu
la confiance des Aborigènes parce que leur règle de restriction
du savoir y est respectée. Seuls les chercheurs qui ont su gagner la
confiance de ce peuple peuvent étudier les objets sacrés, et les
textes qui les concernent, conservés au centre. Par contre, les
12 Les Arandas pensent que certains ancêtres
mythiques et leurs attributs se sont transformés en ces Tjurunga
(Strelhow 1964, 53).
13 Bien qu'actuellement en occident, cet accès
à la connaissance est limité par des questions d'argent.
14 Les critères qui déterminent la
valeur de quelqu'un ne sont évidemment pas les mêmes que les
nôtres, on peut penser que la capacité à surmonter les
épreuves initiatiques, ainsi que le respect des règles de vie
aborigène font partie de ces critères.
informations non-secrètes, dont la très
volumineuse correspondance de Strelhow, sont accessibles sans
l'intermédiaire des Aborigènes (Communication personnelle par
e-mail: Hersey 200215). Mais revenons-en au marché. Un
commerce de boomerangs, de boucliers et de lances s'est également
rapidement développé (Murphy 1998, 263). Cependant, ce sont les
toas qui furent les premiers objets fabriqués pour la vente au
début du vingtième siècle. Ils ont donc eu un rôle
charnière dans l'histoire du marché ( ILL.22) (cf.p.33) (Caruana
1994, 102-3).
Les Aborigènes étaient néanmoins reconnus
comme un peuple sans art en correspondance avec la pensée
évolutionniste qui les plaçait au plus bas de l'évolution
de l'homme, juste avant les singes(Fison et Howitt cités dans Kuper
1988, 92-4). Les peintures rupestres, connues depuis le dix-neuvième
siècle, étaient d'ailleurs attribuées par certains
extrémistes aux Grecs ou aux Egyptiens puisqu'il était impensable
que ce peuple aborigène si primitif en soit l'origine (Petitjean 2000,
192-3). Vers 1930, l'idée que les objets décorés pouvaient
être des objets d'art commença à germer (Morphy 1998,
27).
L'art traditionnel du Désert est, je le rappelle,
principalement un art éphémère (les peintures de sable et
l'art corporel) ou inamovible (l'art rupestre), il n'est donc pas adapté
au fonctionnement du marché occidental autour de l'objet collectable et
entreposable.
Parallèlement à la vente de toas
(ILL.22), les aquarelles d'Hermannsburg (ILL.29) (cf.p.34)
commencèrent à être reconnues et commercialisées.
Ces paysages de tradition occidentale furent considérés comme une
preuve que les Aborigènes pouvaient adopter la culture occidentale et
comme une réussite de la politique d'acculturation (Isaacs 1999, 23).
Pendant près de quarante ans, le marché d'art
15 Shane Hersey est un des spécialistes qui
travaille au Strelhow research center.
aborigène se limita à ces deux types d'objets et
à toute une série d'objets artisanaux (tissus, bols,
sacs...)(Caruana 1994, 102). Le début des années soixante-dix vit
naître le courant de l'art du Désert. Les tableaux furent
très vite vendus à Alice Spring. Mais la diffusion resta
restreinte jusqu'au début des années quatre-vingt lorsque les
autres centres de production se mirent en route. Le marché se
développa alors avec une production et une diffusion croissantes,
accompagnées des expositions et des publications toujours plus
nombreuses en Australie. Altman estime la croissance du marché à
33% par années entre 1980 et 1987 et plus encore entre 1987 et 1989 (
Altman 1989, 17).
C'est à partir de 1986/87 que les tableaux commencent
à être reconnus comme de réelles oeuvres d'art plutôt
que comme des objets d'artisanat anthropologique. Une nouvelle branche du
marché se développe alors : des galeries d'art reconnues et des
maisons de vente aux enchères (principalement Sotheby's)
s'intéressent à l'art du Désert (Altman 1989, 17).
Le marché s'est internationalisé notamment par
de grandes expositions qui ont joué un rôle primordial dans cette
diffusion : principalement Dreamings organisée à l'Asia
society Gallery de New-York en 1988 qui fut la première à lancer
des débats sérieux sur le statut de l'art de Désert comme
un art à part entière et son pendant européen
Aratjara: art of the first Australians, organisée par deux
artistes contemporains allemands, qui voyagea à Londres, Dusseldorf et
Humlebaeck (Danemark) en 1993 et 1994 (Petitjean 2000, 266-7). Les expositions
se sont multipliées aux Etats-Unis et en Europe, organisées
souvent par des galeristes australiens ou autochtones. Entre autres, le
parisien Baudouin Lebon a participé à l'organisation d'une
exposition en 2000 à la galerie Commines et à l'Ambassade
australienne et la Galerie Damasquine de Bruxelles projette elle
aussi une exposition.
Des galeries spécialisées dans l'art
aborigène se sont également ouvertes en Europe et aux Etats-Unis
mais malheureusement, le marché reste aussi diversifié qu'il
l'est en Australie. On trouve des peintures du Désert dans des galeries
réputées aussi bien que dans des magasins d'objets touristiques
australiens16 et les tableaux exposés sont loin d'être
toujours de qualité (Petitjean 2000, 268). Cette différence de
qualité dans la production est une problématique difficile car
aucun spécialiste n'a, à ma connaissance, publié une
étude consacrée à ce sujet... L'illustration 84, bien
qu'elle soit l'oeuvre d'un artiste célèbre est de qualité
médiocre : la composition, la disposition des points et les lignes
parallèles sont exécutées mollement. Les couleurs sont peu
harmonieuses.
4.1.2 Le fonctionnement du marché
Il existe peu d'études du marché d'art
aborigène. La plus importante et la plus complète est The
Aboriginal Arts and Crafts Industry, Report of the Review Committee
(Altman 1989) plus connue sous le nom de "Altman report", étude
commandée par le département australien des affaires
aborigènes. Malheureusement, cette étude date de 1989 et est
dépassée dans certains domaines car, en 13 ans, le marché
a évolué.
L'étude la plus récente est The art and craft
story mais elle ne se focalise que sur le fonctionnement de certains
centres artistiques17. De plus, tous les volumes de
16 L'Australie et tout ce qui s'y rattache provoquent
en effet un certain engouement en Europe depuis une dizaine d'années
(Petitjean 2000, 267).
17 Les centres regroupés sous l'organisation
Desart.
l'étude n'ont pas encore été
publiés. Les deux premiers volumes accessibles traitent en détail
du fonctionnement des centres artistiques. Cette étude est basée
sur une série de questionnaires qui ont été soumis aux
artistes, au personnel et aux dirigeants des centres afin de comprendre leurs
activités et leurs buts (Wright & Morphy 2000, 3). Limitée
à certains centres artistiques, cette étude est donc moins
complète que l'Altman report. J'utilise dans ce chapitre sur du
fonctionnement du marché principalement ces deux sources ainsi que les
informations orales que j'ai récoltées auprès des
galeristes et des spécialistes australiens.
Le marché fonctionne à plusieurs niveaux : les
artistes, les centres artistiques, les galeries privées de toutes sortes
et les salles de vente aux enchères.
4.1.2.1 Les artistes
On estime qu'il y a plus de 5000 artistes
aborigènes18 sur le continent australien, la grande
majorité d'entre eux vit dans leurs communautés.(Altman 1988,
49). Leurs motivations sont multiples mais la principale est l'argent. Il ne
faut cependant pas considérer cela de façon trop
péjorative. S'il est évident que c'est le marché qui fait
continuer ce courant artistique, la qualité des peintres et des
peintures atteint de très hauts niveaux. Certains artistes sont devenus
célèbres, principalement les premiers artistes de Papunya. En
accord avec le fonctionnement du marché de l'art, leurs oeuvres ont plus
de valeur que celles des peintres moins connus, et d'autant plus que nombre
d'entre eux sont aujourd'hui décédés.
18 Considérant comme artiste toute personne
ayant fabriqué et vendu un objet reconnu comme de l'art ( Altman
1989,12).
Les artistes reçoivent généralement leurs
matières premières des centres ou galeries qui attendent le
tableau achevé en échange. Les Aborigènes n'ont pas la
même notion du contrat que nous et il arrive souvent qu'une peinture soit
vendue à une autre personne que celle qui a fourni la toile et
l'acrylique, au grand dam de cette dernière (communication personnelle:
Petitjean 2000). Les Aborigènes ont un rapport particulier à
l'argent qui a déjà été mis en évidence plus
haut (cf. p.15). Il cause des problèmes dans le marché puisque
certains artistes cassent euxmême les prix en vendant leurs toiles
tantôt pour des milliers de dollars australiens à un galeriste,
tantôt pour 100 dollars à un passant. De la même
façon, certains ternissent leur réputation en vendant leurs
toiles aussi bien aux grandes galeries d'art qu'aux petits magasins de
souvenirs. Ce fut le cas entre autres de Clifford Possum, dont les oeuvres
furent d'ailleurs boudées dès le début des années
quatre-vingt-dix par les grandes galeries, trop agacées par ces
pratiques. ( communication personnelle: Petitjean 2002).
4.1.2.2 Les centres artistiques
Les peintres trouvent dans les centres artistiques un
apprentissage technique et des conseils pour que leur production corresponde
aux tendances du marché (Wright 1999, 40). Ces centres fournissent les
matériaux de base, puis prennent en charge la commercialisation et la
promotion des tableaux. Ils assurent à l'artiste un payement
équitable pour les tableaux vendus. Ils participent à
l'organisation de projets qui concernent toute la communauté comme des
projets culturels, sanitaires ou touristiques et ils se chargent aussi de
fournir aux détaillants des
photos ou des vidéos qui prouvent l'authenticité de
l'oeuvre19. (Wright & Morphy 2000, 42). Les implications
à la fois sociales et commerciales des centres artistiques rendent leur
fonctionnement particulièrement complexe.
Dans son étude, Felicity Wright les définit comme
suit :
«Le terme "art and craft centre" est utilisé pour
décrire toute organisation opérant en Australie profonde qui est
détenue et contrôlée par des Aborigènes, où
la principale activité est de faciliter la production et la
commercialisation et arts et de l'artisanat"20 (Wright 1999, 7)
On en trouve une vingtaine dans le désert central,
situés sur les lieux de productions principaux. Les centres les plus
importants sont Ikuntji Arts Centre pour les peintres de Haasts Bluff,
Papunya Tula Artists Pty Ltd pour ceux de Papunya, de Kintore et de
Kiwirrkura, Utopia Awely Batik and Cultural Centre pour Utopia,
Warlayirti Artists Aboriginal Corporation pour Balgo Hills,
Warlukurlangu Artists à Yuendumu et Warnayaka Art Centre
à Lajamanu. La plupart des centres du Désert, dont ceux
cités ci-dessus, sont regroupés sous l'organisation Desart
(Wrigth 2000, 119 ; Petitjean 2000, 101).
Les centres artistiques se déclarent détenus et
contrôlés par des Aborigènes (Wright 1999, 27). C'est un
aspect qu'ils estiment très important car ce sont eux qui doivent
diriger le centre et pas des blancs. Mais, depuis les débuts du courant
artistique, des blancs ont pris part à son développement.
Geoffrey Bardon en est même à l'origine. Les Aborigènes
n'ont pas toujours les connaissances suffisantes
19 Suite aux problèmes d'authenticité
dus au travail en groupe des artistes, des galeristes ont exigé qu'une
oeuvre dite d'un artiste aie été peinte par lui seul. Des photos
et des vidéos de la fabrication du tableau ont alors été
jointes à l'oeuvre vendue comme preuve de cette authenticité. Il
est étonnant de voir que ce sont des supports aussi facilement
falsifiables que la photographie ou la vidéo qui servent de preuve
d'authenticité (Petitjean 2000, 128).
20 Dans le texte : "The term `art and craft centre'
(henceforth abbreviated to `art centre') is used to describe any organisation
operating in remote Australia that is owned and controlled by Aboriginal
people, where the principal activity is faciliting the production and marketing
of arts and crafts».
du marché de l'art pour pouvoir gérer le centre
le mieux possible et l'aide de nonAborigènes est dans la majorité
des cas la bienvenue : la gestion du centre est déléguée
à un conseiller artistique non-aborigène (Wright & Morphy
2000, 21). Ces délégués sont très importants dans
le marché : ils sont les intermédiaires directs entre les
peintres et les galeristes ou conservateurs de musées et peuvent avoir
une très grande influence sur la production artistique (Michaels 1994,
153). On a vu, par exemple, l'influence d'Andrew Crocker à Papunya
(cf.p.47) et celle de Marina Strocchi à Haasts Bluff (cf.p.52)
Seuls quelques centres organisent une vente au détail. La
plupart vendent simplement les peintures qu'ils collectent à d'autres
détaillants (Altman 1989, 49).
4.1.2.3 Les galeries et autres détaillants.
Pour la vente au détail, on est face à une gamme
élargie de lieux de vente allant de la grande galerie d'art reconnue au
petit magasin de souvenirs miteux. J'ai pu moi-même le constater lors
d'un séjour à Alice Spring où plus d'une trentaine
d'établissements en tout genre vendent des peintures du Désert.
Cette diversité s'accorde avec celle des peintures vendues dont les
qualités sont également très variables.
On peut faire une distinction entre les spécialistes et
les généralistes : les premiers ont un stock constitué
à au moins 70% d'art et d'artisanat aborigènes et les seconds,
dont les objets aborigènes ne forment qu'une partie restreinte de la
marchandise. Une deuxième distinction doit être faite entre, d'une
part, les galeries d'oeuvre d'art et, d'autre part, les galeries et magasins
touristiques (Altman 1989, 72). Les galeries travaillent soit directement avec
les artistes soit avec les centres artistiques. Dans la plupart des cas, les
tableaux sont en dépôt et l'artiste touche 50% du prix de vente
une fois son tableau vendu. Il arrive que les
artistes reçoivent une avance lorsque le tableau est
terminé pour éviter qu'ils ne vendent eux-même leur toile
à un passant (Petitjean 2000, 110-2). Certains galeristes, comme
certains conseillers artistiques, orientent la production des artistes. Ainsi,
comme Georges Petitjean le fait remarquer, Gloria Petyarre (ILL.99) s'est mise,
suite aux conseils du galeriste Fred Torres, à faire du dripping
à la manière de Pollock (ILL.100). Emily Kame Kngwarreye
(ILL.101), elle, a peint ses cadres selon l'exemple de Howard
Hodgkin21 (ILL.102) vraisemblablement montré par un galeriste
(Petitjean 2000, 216-7).
La présentation des peintures, essentielle pour l'image
que donne une galerie d'elle-même, est fort variable. Les galeristes qui
veulent montrer l'art aborigène comme un art à part
entière exposent les tableaux à la manière des
musées d'art moderne : les tableaux sont mis en évidence par
l'espace qui les entoure et la lumière qui les éclaire. D'autres
galeristes, dont les préoccupations artistiques sont moins
marquées, présentent le plus de tableaux possible, créant
ainsi une surcharge de l'espace qui écrase les peintures et nuit
à l'image que le visiteur gardera de la galerie. On peut penser que pour
de nombreuses personnes, et sans doute n'en ont-ils pas conscience, une oeuvre
qui n'est pas exposée comme les oeuvres d'art n'en est probablement pas
une. Il est alors évident qu'une peinture accrochée entre un
boomerang et un kangourou en peluche dans un magasin de souvenirs australiens,
ne passe que très peu souvent pour une oeuvre d'art. Cette
diversité de présentation nuit fortement à la
réputation du courant artistique dans le monde de l'art (communication
personnelle : Petitjean 2000).
21 Un artiste anglais abstrait notamment né en
1932, exposé notamment au Fine Art Museum of San Francisco et au Modern
Art Museum of Fort Worth, Texas. (
http://www.artcyclopedia.com/artists/hodgkin_howard.html)
4.1.2.4 Les salles de ventes aux enchères
Les ventes aux enchères de peintures du Désert
se sont développées dès les années
quatre-vingt-dix. Les principales maisons qui s'intéressent à ce
courant artistique sont Sotheby's et Deutscher-Menzies, mais uniquement dans
leurs succursales australiennes. Ces ventes attirent donc beaucoup d'acheteurs
étrangers (Petitjean 2000, 111-2). Sotheby's organise des ventes
destinées exclusivement à l'art aborigène et l'art du
Désert y a la meilleure place.
On peut voir que les prix les plus élevés vont
aux tableaux du début du courant artistique à Papunya et
particulièrement aux peintures des artistes décédés
qui sont devenus célèbres, comme Clifford Possum Tjapaltjarri ou
Johnny Warangkula Tjupurrula. Comme dans le marché d'art contemporain,
les artistes qui voient leurs tableaux atteindre des sommes importantes lors de
ces ventes gagnent une réputation qui fait souvent augmenter le prix de
leurs autres oeuvres22 (Moulin 1997, 64). C'est une peinture de
Johnny Warangkula Tjupurrula qui détient actuellement le record :
Water Dreaming at Kalipinypa23 a été vendu
pour 486 500 dollars australiens, soit un peu plus de 304 000 euros, le 26 juin
2000 (Petitjean 2000, 113).
L'introduction de l'art du Désert dans ces ventes aux
enchères est une étape importante vers sa reconnaissance comme un
art à part entière. Le fait que l'on puisse payer plus de 300 000
euros pour une toile fait d'elle une oeuvre d'art, on ne payerait pas aussi
cher pour une peinture uniquement décorative ou artisanale.
22 Ce phénomène fonctionne de
façon circulaire : c'est parce que l'artiste est réputé
que son oeuvre se vend cher et vice versa : plus chère l'oeuvre est
vendue, plus l'artiste est réputé.
23 Tableau de 1972, en peinture en poudre
polymère synthétique sur panneau de 80 sur 75 cm (Petitjean 2000,
318).
La reconnaissance en tant qu'oeuvre d'art donne une plus-value
à l'objet, le raisonnement inverse me semble tout aussi valable.
4.2 Les paradoxes du marché
4.2.1 La notion d'Art
Les points de vue occidentaux sur le marché de l'art et
sur l'art en général diffèrent sur beaucoup de points de
la pensée aborigène traditionnelle.
Le premier grand paradoxe est de trouver de l'Art dans une
société pour laquelle la notion d'Art n'existe pas à
l'origine. Il n'y a d'ailleurs pas de mot aborigène correspondant
à notre mot « art » (Sutton 1989, 3). Le problème est
le même avec les sociétés africaines et l' « Art
» qu'on y a découvert. Dans ces sociétés, les objets
que l'on désigne comme oeuvres d'art sont des objets dont la fonction
est le caractère primordial, et non pas l'aspect. Dans de très
nombreux cas, comme les peintures corporelles, rupestres et de sable
aborigènes, cette fonction est religieuse. Dans le contexte des
peintures sur toile, la notion d'art n'apparaît pas toujours pour le
peintre car la fonction reste primordiale : dans les premiers temps, à
Papunya, la peinture fut un moyen pour les Aborigènes de retrouver leurs
origines et leurs traditions via les images qu'ils dessinaient auparavant dans
les lieux sacrés. Elle leur permit d'abord de reprendre confiance en
eux. Puis, lorsque Bardon commença à vendre les toiles, peindre
devint un moyen de gagner de l'argent. Leur succès grandissant suscita
un intérêt nouveau chez les jeunes ainsi qu'une reconnaissance par
les Australiens et par le reste du monde de ce peuple trop souvent
oublié. Les toiles servirent également de titre de
propriété lors des procès attentés par les
Aborigènes pour récupérer leurs terres (Bardon 1991, IX,
XI, 27, Isaacs 1984, 262).
4.2.2 L'authenticité
Le problème de l'authenticité est
également très contradictoire. Une peinture authentique pour les
Aborigènes est une copie de l'original dessiné il y a des
milliers d'années par l'ancêtre. Cette peinture doit être
faite sous les ordres de la personne qui est responsable du Rêve
associé ou en tout cas avec son approbation. L'artiste peut innover mais
sur des points de détails et avec l'accord des autres responsables du
Rêve. L'histoire doit pouvoir être lue par les personnes
suffisamment initiées. S'il n'existe pas d'artiste au sens où on
l'entend, les Aborigènes reconnaissent néanmoins à
certains de leurs pairs des dons particuliers en peinture : par exemple pour
leur grande capacité à tracer des cercles parfaits, à
équilibrer la composition ou à transmettre l'histoire à
travers une image. Il faut savoir que ces règles traditionnelles sont
beaucoup moins respectées pour les peintures destinées à
la vente que pour les peintures cérémonielles (Anderson &
Dussart 1989, 93-101).
Pour le marché occidental, les critères
d'authenticité diffèrent selon que l'on considère l'objet
comme de l'art contemporain ou de l'art ethnique. Pour l'art contemporain,
l'oeuvre doit avoir été peinte par celui qui signe. Or les
Aborigènes ne signent pas car c'est l'ancêtre qui est l'auteur de
l'oeuvre. Le peintre est anonyme. Pour s'adapter au marché, les
signatures se sont développées24 mais c'est souvent le
nom du responsable du Rêve qui est inscrit, peu importe qu'il ait peint
ou non le tableau. De plus, les tableaux sont souvent réalisés
à plusieurs. Comme dans les ateliers de la Renaissance, seul le «
maître »signe (Petitjean
24 Les signatures sont placées très
souvent à l'arrière de la toile.
2000, 163). Pour les arts primitifs, une oeuvre authentique
doit avoir été conçue dans un contexte traditionnel avec
les matériaux et techniques traditionnels. Les objets
pré-coloniaux ou du tout début de la colonisation sont donc
souvent les plus recherchés et les mieux mis en valeur. Les peintures
des Aborigènes du Désert ne répondent pas du tout à
ce critère puisque la transposition depuis les supports traditionnels
à la toile mieux adaptée au marché s'est faite par une
intervention occidentale.
4.2.3 La valeur d'une oeuvre
La valeur d'une peinture pour les Aborigènes se traduit
principalement par l'importance du Rêve qui lui est associé.
D'ailleurs, le peintre devra payer plus de dédommagements aux autres
responsables du Rêve si le Rêve est important (Glowczewski 1991,
309). Cela pose parfois des problèmes car la valeur du Rêve,
inaccessible au galeriste, ne correspond pas toujours à la valeur que
donne le galeriste au tableau, et le peintre ne comprend pas pourquoi il touche
moins d'argent que pour un tableau qui était pour lui de moindre
importance. Le tableau en tant qu'objet n'a aucune valeur pour les
Aborigènes, il ne viendrait à aucun d'eux l'idée
d'accrocher leurs tableaux à un mur25 (Isaacs 1999, 15). Ils
ont d'ailleurs tendance à négliger la toile une fois peinte.
C'est alors aux conseillers artistiques ou aux galeristes de veiller à
mettre la toile en sécurité avant qu'elle ne
25 Seul peindre est important, le résultat est
sans intérêt. Les peintures de sables, dont les tableaux
contemporains sont inspirés, sont d'ailleurs
éphémères. Comme pour les mandalas en Inde, faire le
tableau prime sur l'objet lui-même. Comme les tableaux ne sont pas fait
dans une matière éphémère, les artistes les
apportent aux centres artistiques ou les vendent le plus rapidement possible
pour en être débarrasser (communication personnelle : Petitjean
2002).
soit abîmée par les enfants et les chiens.
(communication personnelle : Petitjean juin 2002).
Pour l'art contemporain, les critères principaux qui
font la valeur d'un artiste et de son oeuvre sont notamment l'innovation et
l'originalité dont l'artiste fait preuve, sa reconnaissance par des
spécialistes renommés et, bien que ce soit en partie nié
à cause du caractère péjoratif d'une oeuvre dite
commerciale, par le succès de l'oeuvre dans le marché de l'art et
notamment lors des grandes ventes aux enchères (Moulin 1992, 47-64).
Tous les arguments et leurs opposés ont servi à justifier la
valeur des oeuvres si diverses jusqu'ici reconnues dans l'art contemporain, il
devient particulièrement difficile de se baser sur des critères
de qualités formelles de l'oeuvre. (Danto 2000, 45 ; Moulin 1997, 46).
On a vu que l'innovation ne correspond pas aux idées que se font les
Aborigènes des tableaux qu'ils peignent, néanmoins certains
artistes ont pris plus de liberté pour leur interprétation
picturale des Rêves et font preuve d'une réelle originalité
(cf. p.62- 6).
Toute cette controverse que suscite l'art du Désert ne
fait-elle pas aussi de lui un art pleinement contemporain dont un souci depuis
Duchamp a souvent été de poser la question : mais finalement
qu'est ce que l'art ? (Danto 2000, 42).
4.3 Art contemporain ou art ethnique ?
Est-ce que ces peintures aborigènes doivent être
considérées comme de l'art contemporain, au même titre que
les oeuvres de ces artistes occidentaux auxquelles elles ressemblent, ou comme
de l'art ethnique en raison de leur origine traditionnelle ? Sans
prétendre donner une solution définitive à cette question
qui situe l'art des Aborigènes du Désert dans une position
ambiguë peu confortable, je vais essayer dans ce chapitre d'analyser les
données utiles pour éclaircir le problème.
4.3.1 Les peintures du Désert comme oeuvres
primitives : le pour et le contre.
La situation des peintures du Désert est assez complexe
car elles sont la transposition vendable et durable des oeuvres
traditionnelles. Il faut tout d'abord cesser de croire que la tradition est un
phénomène figé, intemporel, un équilibre rompu par
l'arrivée des colons. La tradition n'a jamais cessé
d'évoluer, de s'adapter aux changements extérieurs qui
conditionnent la vie des populations. Aussi même si le choc a
été dur, il ne faut pas voir l'arrivée des colons comme la
perte de la tradition : elle a survécu, car elle s'est adaptée
notamment à travers les peintures.
La tradition est le principal critère
d'authenticité pour l'art ethnique et la tradition est à la base
des peintures du Désert. On pourrait donc considérer ces
peintures comme des oeuvres d'art ethnique. Ce serait trop simple.
Un visite dans les galeries d'art ethnique du Sablon à
Bruxelles m'a permis de comprendre que l'attachement à une tradition
dite ethnologique ne suffisait pas à faire d'un objet une oeuvre d'art
ethnique. Outre ses qualités esthétiques purement subjectives, le
caractère de "pure tradition", vierge de toute influence occidentale,
détermine sa valeur en temps qu'objet d'art ethnique. Il faut que
l'objet ait été créé avec des matériaux et
des techniques traditionnelles par la personne traditionnellement
chargée de sa fabrication et pour sa fonction traditionnelle (Rubin
1991, 14). Il aura d'autant plus de valeur si sa patine montre son utilisation
traditionnelle. Le terme « traditionnel » inclut ici une absence
d'influence occidentale puisque l'arrivée des occidentaux marque la fin
de la "pure" tradition26. Aussi, aucun des galeristes du Sablon avec
qui je me suis entretenue n'est prêt à exposer aux milieux des
objets africains, asiatiques, amérindiens et africains des tableaux
aborigènes du Désert. Leurs matériaux et leurs aspects en
font des objets beaucoup trop occidentaux à première vue pour
être intégrés à l'atmosphère d'une galerie
d'art ethnique.
Les conservateurs du musée d'art d'Afrique et
d'Océanie de Paris ne sont pas de cet avis puisqu'ils consacrent toute
une salle aux arts d'Australie où plus d'une quinzaine de tableaux du
Désert sont exposés aux côtés d'objets traditionnels
sculptés et décorés. Il m'a été dit que ce
musée, de par son nom, n'est pas spécifiquement un musée
d'art ethnique (communication par e-mail : Lefur27 2000) et que la
présence des tableaux du Désert en son sein est donc logique :
l'art du Désert vient d'Océanie, il a donc sa place au
musée. Mais je n'y ai vu, dans les
26 Il faut savoir que ces critères, un peu
manichéens, sont ceux du marché mais pas forcément ceux
des scientifiques. La notion même de tradition soulève de
nombreuses questions. Mais c'est ici au marché que je
m'intéresse, je n'ai donc pas l'intention de relever ces
problématiques.
27 Yves Lefur est le spécialiste du
musée d'art d'Afrique et d'Océanie qui s'est occupé de la
salle australienne.
autres sections, que des objets correspondant aux
critères de l'art ethnique, alors que l'art contemporain africain par
exemple aurait dû y être représenté en tant qu'art
d'Afrique...28
L'écrasante majorité des livres
édités sur les peintures du Désert sont principalement
anthropologiques. Ils expliquent au lecteur la notion de Rêve, les
ancêtres traditionnels des peintures, l'historique des différents
endroits de production et parfois une biographie sommaire des artistes. C'est
l'attachement à la tradition qui ressort avant tout de ces publications,
ce qui encourage l'approche de ces objets en tant qu'art ethnique.
J'ai pu constater que dans beaucoup de galeries de niveau
moyen, l'histoire associée au tableau est fournie comme preuve
d'authenticité. L'usage de la tradition pour démontrer l
`authenticité est une habitude dans l'art anthropologique. Il est
certain que la tradition est primordiale pour les Aborigènes dans leurs
peintures. Le discours qui leur est associé relève du Rêve
et peindre leurs Rêves fut la motivation première des peintres des
années soixante-dix. D'un autre côté, ces objets
n'existeraient pas sans les occidentaux qui sont à l'origine du courant
artistique, fournissent les matériaux et organisent le marché.
Certains voient dans ces tableaux une perversion de la tradition, d'autres une
adaptation et, selon, l'acceptent comme art ethnique ou non.
28 Bien sûr, l'art du Désert est plus
ethnologique que l'art contemporain africain. Cela pourrait expliquer la
présence de l'un et pas de l'autre au sein du musée, mais ce
n'est pas l'argument qui m'a été donné.
4.3.2 Les peintures du Désert comme oeuvres
contemporaines : le pour et le contre.
Contemporain est ici pris dans le contexte artistique.
Historiquement, personne ne peut dire que ces oeuvres ne sont pas
contemporaines. La question ne se pose donc pas. D'un point de vue artistique,
il s'agit de se demander si les peintures du Désert peuvent être
considérées comme des oeuvres d'art contemporain au même
titre que toutes les oeuvres reconnues actuellement comme telles. D'où
la question : qu'est ce qui fait d'un objet une oeuvre d'art contemporain ?
Cette question est bien trop difficile et controversée pour que je
prétende y répondre, je vais donc tâcher d'en donner
quelques critères récurrents et de voir de quelle manière
les peintures du Désert y correspondent.
On peut trouver dans les peintures du Désert des
ressemblances structurelles avec une partie de l'art contemporain :
l'abstraction, la bidimensionnalité ou absence de profondeur, la mise en
évidence du geste du peintre et de la texture et le non-illusionnisme
sont des éléments qu'on retrouve aussi bien dans l'art
contemporain que dans l'art du Désert. Ces similitudes rendent l'art du
Désert beaucoup moins étrangers à nos yeux que la culture
aborigène même.
On peut également trouver des ressemblances formelles
entre certaines oeuvres du Désert et des oeuvres occidentales bien
précises. Cela constitue un argument particulièrement en faveur
de la reconnaissance des oeuvres du Désert comme oeuvres d'art
contemporain. La ressemblance entre les peintures de Gloria Petyarre (ILL. 69)
et les texturologies de Dubuffet (ILL.103) saute aux yeux. Ronnie Tjampitjnpa
(ILL.59) et Franck Stella (ILL.104) utilisent le même motif même si
l'aspect gestuel aborigène contraste avec les lignes tracées
à la latte de Stella.
La reconnaissance par des institutions, comme le musée
d'art, ou par des spécialistes reconnus est aussi très importante
(Moulin 1997, 47-52). De très nombreux musées d'art australien
contiennent des peintures du Désert et plusieurs galeries d'art
contemporain ont exposé des oeuvres d'artistes aborigènes
à côté d'oeuvres d'artistes occidentaux contemporains
(Petitjean 2000, 138-40). Un autre élément de reconnaissance en
tant qu'oeuvre d'art est le prix atteint par l'oeuvre lors des ventes aux
enchères importantes (Moulin 1997, 57-8). Plus les oeuvres d'un artiste
sont achetées chères, plus l'artiste est reconnu29.
Ainsi, on voit que des oeuvres d'artistes aborigènes ont
déjà atteint des sommes fort importantes : certes, pas autant que
les records de ventes occidentales mais tout à fait honorables
proportionnellement aux nombres d'oeuvres vendues et à l'âge des
oeuvres : comme je l'ai déjà dit, le tableau qui détient
le record à été vendu, 486 500 dollars australiens lors de
la vente annuelle d'art aborigène de Sotheby's à Melbourne en
2000. (Petitjean 2000, 318)
Les critères d'originalité et
d'inventivité qui semblent également être importants dans
l'art contemporain (Moulin 1997, 49) sont, comme on l'a vu dans le chapitre sur
les paradoxes, en contradiction avec la pensée aborigène
traditionnelle. Néanmoins, certains artistes ont une démarche
plus personnelle et répondent à ces critères tout en
restant dans leur esprit respectueux de la tradition. Leur esprit inventif fort
apprécié dans le marché de l'art à en juger par
leur réputation est plus contreversé parmi des responsables
aborigènes. Parmi eux, on peut citer Emily Kame Kngwarreye, Turkey
Tolson Tjupurrula, Ronnie Tjampitjinpa, etc.
L'élément qui nuit le plus à l'art
aborigène dans son processus de reconnaissance est, comme je l'ai
déjà dit, la trop abondante production de tableaux aux
qualités
très variables. Comme les tableaux sont achetés
à tous les niveaux de commerce, de la galerie d'art renommée au
magasin touristique de souvenirs australiens, tous les Aborigènes qui
ont envie de peindre peuvent trouver un acheteur quelle que soit la
qualité de leur travail. Le marché est envahi à 90% de
peintures jugées très médiocres par les connaisseurs
(Petitjean communication personnelle 2000). Les spécialistes de l'art
contemporain qui découvrent l'art du Désert à travers ces
oeuvres médiocres ont du mal à ne pas le considérer comme
un courant artistique commercial sans qualité artistique.
29 Et vice-versa.
Conclusions
Cette étude a donc traité de l'art du Désert
sous différents angles :
Tout d'abord, une approche du contexte dans lequel l'art du
Désert s'est développé a été exposée.
On voit ainsi que le contexte originel des peintures est extrêmement
différent du contexte occidental. Le paysage lui-même est
particulier, s'il est considéré comme généreux et
riche par les Aborigènes, il nous apparaît comme un univers
hostile et aride. Le soleil est brûlant, l'eau et la nourriture sont
difficile à trouver... En fait, tout nous sépare des habitants de
ce désert : leur physionomie, leur langue, leur vie principalement en
extérieur, leur désintérêt pour l'accumulation de
biens matériels et surtout de l'argent... Leurs croyances sont
également très différentes des religions occidentales. Le
Rêve est une notion complexe où de nombreuses dichotomies
occidentales n'ont pas leur place30. Les ancêtres ont tout
créé, tout réglé et tout
révélé, plus rien n'est à découvrir ni
à inventer...Le plus surprenant est que ces hommes si différents
de nous peignent des tableaux qui nous parlent et nous interpellent, et qui
sont de plus en plus présent dans le marché de l'art et sur les
murs de nos salons.
On a découvert également les formes ancestrales
de l'art du Désert. Les peintures actuelles descendent en effet
directement de l'art rupestre, des peintures de sable, des dessins dans le
sable et de l'art corporel. On y retrouve exactement les mêmes signes qui
semblent être les éléments de base d'un code utilisé
depuis des milliers d'année par les Aborigènes pour traduire leur
Rêve en image. A
30 Les séparations humain/animal, êtres
vivants/objets, matériel/spirituel, passé/présent sont
presque inexistantes dans la pensée aborigène (Rose 1987, 268)
travers les formes ancestrales, on voit aussi que les images
sont liées à un contexte religieux. On pourrait dire que cette
constatation n'a pas vraiment de sens puisque tout pour les Aborigènes
est quelque part religieux puisque tout vient des ancêtres. Mais ces
formes ancestrales, à part les dessins dans le sable qui sont
tracés dans des contextes très variés, sont très
souvent utilisées lors de cérémonies secrètes
primordiales dans la religion aborigène. Les images ont en fait depuis
des millénaires un but bien précis lié au maintien de
l'équilibre universel, leurs formes n'ont que très peu
évolué car elles sont considérées comme les copies
des images conçues une fois pour toutes par les ancêtres
euxmêmes et les transformer pourrait altérer leur
efficacité religieuse.
On a vu que le courant artistique du Désert a
commencé grâce à l'intervention d'un australien
non-aborigène, Geoffrey Bardon, dans la réserve de Papunya au
début des années soixante-dix. Geoffrey Bardon redonna aux
Aborigènes la possibilité qui leur avait été
enlevée de peindre leur Rêve. L'espoir les envahit à
nouveau puisqu'ils pouvaient exprimer leur culture et entretenir leur
Rêve à travers la peinture. Rapidement, un commerce naquit. Une
dizaine d'année plus tard, d'autres centres de regroupements
adoptèrent la peinture acrylique. L'art du Désert était
lancé. Il est intéressant de remarquer que c'est un
non-Aborigène qui est à l'origine de l'art du Désert.
Comme on le voit aussi dans le quatrième chapitre, de nombreuses
personnes de culture occidentale ont joué, et jouent toujours, des
rôles importants dans le développement de ce courant artistique.
Certains pourraient alors se poser la question : à quel point l'art du
Désert est-il un art vraiment aborigène ? Les médiums sont
importés, l'origine vient d'un Australien blanc, le marché
occidental fait continuer la production... Mais d'un autre côté,
les
dessins sont le fruit de plusieurs millénaires de
culture aborigène et les significations que cachent ces tableaux sont
encore tellement aborigènes que personne d'autre n'y a
accès...Mais cette question a t-elle vraiment un sens à
l'époque d'Internet et de la mondialisation ? Toutes les cultures se
croisent et se rencontrent, chacun puise où il veut ce dont il a besoin,
à moins que l'on considère cela comme un privilège
réservé aux occidentaux... L'art du Désert est sans aucun
doute un art vraiment aborigène mais il provient de la culture
aborigène contemporaine, celle qui a vécu la colonisation et qui
s'est adapté à ses nouveaux voisins, et aux conditions qu'ils
leur imposaient. Il faut oublier le mythe de la culture "primitive" vierge,
s'il n'avait pas vraiment lieu d'être quand il a fait son apparition,
c'est encore moins le cas actuellement.
Beaucoup d'artistes ont adopté pleinement les
techniques occidentales puisqu'ils utilisent, outre l'acrylique et la toile, le
pinceau et des couleurs non-traditionnelles. D'autres, par contre, gardent une
technique plus traditionnelle avec un fin bâton pour pinceau et les
couleurs traditionnelles. Par contre, jusqu'ici, aucun Aborigène
n'utilise de chevalet : la toile est posée sur le sol et l'artiste
tourne autour pour peindre. Ainsi, toute orientation intrinsèque au
tableau est niée. C'est le galeriste qui va choisir où est le
haut du tableau et où est le bas.
L'acrylique sur toile est le médium utilisé par
de très nombreux artistes contemporains. La toile,
particulièrement, est le support principal de la peinture occidentale
depuis plusieurs siècles. Dès le début de la
commercialisation de l'art du Désert, les marchands ont fourni aux
artistes les médiums qui convenaient le mieux aux habitudes du
marché de l'art occidental. Pour les artistes, le principal a toujours
été de peindre leurs motifs, peu importe sur quoi et avec quelle
peinture. On peut voir d'ailleurs que, lors des toutes premières
années à Papunya, les
artistes peignaient sur tout ce qui leur tombait sous la main
avec la peinture qu'ils trouvaient : souvent la peinture utilisée pour
les bâtiments. Lorsque les galeristes leur ont donné de
l'acrylique et des toiles, ça ne les a absolument pas
dérangés. Leurs techniques traditionnelles étaient de
toutes façons difficilement adaptables au marché de l'art, si
tant est qu'ils eussent voulu le faire.
La symbolique des peintures est particulièrement riche
mais seule sa couche extérieure nous est accessible. Voilà un
point de frustration pour tout anthropologue de l'art qui s'intéresse
à l'art du Désert. Les informations cachées
derrière les oeuvres d'art ont toujours constitué une grande
partie des recherches de l'anthropologie de l'art. Avec l'art du Désert,
les seules informations auxquelles on a accès sont très
limitées et souvent fournies par le certificat d'authentification joint
au tableau. Le scientifique, qui souvent aime étudier ses sujets en
profondeur, est bloqué face au mur du secret. Sa seule
possibilité pour accéder à ces informations est de gagner
la confiance des Aborigènes, s'il le faut en passant les rites
initiatiques, pour montrer qu'il est digne d'accéder à ces
connaissances. Mais s'il parvient à son but, il devra
réfréner son désir de partager ses découvertes, car
une fois entré dans le cercle du secret, il est tenu, par respect pour
les Aborigènes qui lui ont fait confiance, d'y rester.
Une autre problématique se pose au sujet de la
symbolique : la présence d'une connaissance riche et profonde
cachée dans les peintures a tendance, il faut bien l'avouer, à
leur donner encore un peu plus de valeur. Cependant, au train où vont
les choses, la prochaine génération d'artistes n'aura plus aucune
connaissance secrète à cacher derrière ces signes. Car les
jeunes aborigènes se détournent du Rêve et ne veulent plus
subir les initiations. Ils peuvent peindre des motifs
similaires à ceux de leurs aînés mais n'en
connaissent plus vraiment le sens. Pour ceux qui ont tendance à voir
l'art du Désert comme un art ethnologique, la perte de ces connaissances
millénaires est catastrophique pour l'art lui-même car elle
signifie la perte d'un élément primordial pour classer cet art
dans les arts ethnologiques.
L'application du marché de l'art occidental à un
contexte non-occidental crée de nombreuses problématiques que
j'ai relevées dans le quatrième chapitre. Pour cela, il
était indispensable d'expliquer le fonctionnement concret du
marché de l'art du Désert. Apparu dans les années
soixante-dix, ce marché s'est développé très
rapidement dès les années quatre-vingt et se poursuit toujours de
manière aussi rapide. Plusieurs acteurs font fonctionner ce
marché, de l'artiste à la maison de vente aux enchères.
Comme les artistes sont aborigènes, les liens entre les
différents acteurs, de culture différente, ne sont pas toujours
évidents. Les Aborigènes, pour s'assurer des revenus
équitables, ont mis au point des centres artistiques qui jouent le
rôle d'intermédiaire entre les artistes et les galeristes. On
retrouve, dans ces centres, une majorité d'Aborigènes mais aussi
quelques nonAborigènes qui endossent le rôle de conseiller
artistique et peuvent avoir une très grande influence sur la production.
Ils sont souvent des spécialistes du marché de l'art occidental
et tentent d'orienter la production vers les critères de valeur du
marché. Certains galeristes, aussi, essaient d'influencer les artistes.
Ces influences existent très souvent entre un artiste et son galeriste,
quelles que soient leurs origines. Induisent-elle une corruption de l'art
Aborigène ? Je ne pense pas. Le conseiller artistique est là pour
donner des conseils, l'artiste est libre de les suivre ou non. De nouveau, il
ne faut pas voir l'art aborigène comme purement
aborigène car les influences occidentales font partie de
son histoire et de son fonctionnement actuel.
Le marché de l'art du Désert a le grand
défaut de présenter des tableaux de qualité très
diverse. Cette variété nuit à sa reconnaissance par tous
en tant qu'art à part entière. Les personnes
spécialisées dans l'art en général doivent faire
l'effort de ne pas s'arrêter à un premier contact négatif
avec l'art du Désert. La proportion de tableaux aux qualités
médiocres est telle qu'il faut avoir de la chance pour trouver
directement une oeuvre de valeur.
Le marché de l'art du Désert soulève de
nombreux paradoxes car les cultures aborigène et occidentale sont
très différentes l'une de l'autre. Ainsi, Aborigènes et
Occidentaux n'ont pas la même notion d'art ni les mêmes
critères d'authenticité et de valeur. Ces différences
culturelles créent des malentendus et on comprend ici l'importance
d'intermédiaires qui connaissent suffisamment les deux cultures. Le
tableau lui-même contient ces différences puisque le rapport
qu'entretient l'amateur d'art avec ce tableau accroché au mur de son
salon, est radicalement différent du rapport qu'avait l'artiste avec ce
même tableau.
Et voici enfin la dernière question : doit-on
considérer cet art comme un art ethnique ou comme un art contemporain ?
La question, à mon avis, à toute sa raison d'être car cette
séparation est perceptible autant dans le marché de l'art que
dans les études spécialisées. Il ne m'a pas
été possible de trancher, l'art du Désert est dans une
position bien trop ambiguë pour cela. D'un côté, cet art est
le fruit d'une culture tout à fait différente de la nôtre
qui fut considérée dans l'Histoire comme une des plus
"primitives", ce qui a tendance à en faire un art ethnique. Mais cette
culture aborigène est contemporaine, elle a vécu tous les
événements qui ont fait d'elle ce qu'elle est actuellement : une
culture assez différente de ce
qu'elle était avant l'arrivée des colons. Il est
vrai que l'art du Désert est un art contemporain des plus ethnologiques.
L'art contemporain africain, par exemple, est beaucoup plus proche, dans sa
démarche, de l'art contemporain occidental que ne l'est l'art du
Désert. Ce sont principalement les occidentaux qui font le marché
de l'art et qui y définissent l'art qui s'y trouve, reste à
savoir s'ils se placent au niveau de l'artiste ou en spectateur. Selon, on
considère l'art du Désert comme ethnique ou contemporain. Comme
le met bien en évidence Bernhard Lüthi, les spécialistes de
l'art contemporain ont pendant très longtemps eu tendance à
séparer l'art contemporain occidental de tous les autres arts
contemporains, qu'ils soient asiatiques, africains ou le fruit de n'importe
quelle minorité. Mais cette tendance perd du terrain face à ceux
qui veulent prendre en compte un art contemporain pluraliste global (Lüthi
1993, 15-20). Dans cette nouvelle optique, l'art du Désert à tout
à fait sa place parmi les arts contemporains.
Arrivé au terme de cette étude, on voit que
l'art du Désert est un sujet vaste et complexe. En tant qu'art
importé d'une culture à une autre, il provoque de nombreux sujets
de réflexion : quelle est la culture aborigène ? Que sont ces
tableaux dans cette culture ? Comment y sont-ils apparu ? Pourquoi sont-ils
arrivés dans la société occidentale ? Comment y sont-ils
perçus ? J'ai tenté de répondre à toutes ces
questions. D'autres subsistent néanmoins : Comment va évoluer ce
courant artistique alors que les connaissances qui en sont à la base
disparaissent ? Est-ce que les jeunes Aborigènes vont continuer à
peindre alors que la motivation de peindre les Rêves disparaît avec
ceux-ci ? Les oeuvres de grande qualité vont-elles parvenir à
faire reconnaître cet art alors que tant d'oeuvres de qualité
médiocre nuisent à sa réputation ? Seul l'avenir y
répondra.
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2000 The Art and Craft Centre Story. Vol.2. Canberra :
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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Faculté de Philosophie
et Lettres
L'art du désert
Etude des peintures aborigènes contemporaines du
Désert Central d'Australie dans le contexte de la culture
aborigène et du marché de l'art.
Volume 2 : Illustrations
DOOMS Amandine
|
Mémoire présenté sous la direction de Mme Le
Professeur Dunja Hersak et de M. Le Professeur Thierry
Lenain en vue de l'obtention du titre de licenciée en Histoire
de l'Art et Archéologie. Civilisations noneuropéennes
|
Table des cartes
1 Carte des langues (Nangara 1996, 38) 7
2 Carte des sites aborigenes importants d'Australie centrale et
du
Nord (Nangara 1996, 48) 8
Table des illustrations
1 Quelques Aborigenes d'Ampilitwatja et leur ancienne
infirmiere
(photo personnelle) 9
2 Exemple de peinture du Kimberley. Rover Thomas Joolama.
"Bedford Downs" 1984 Pigments et liants naturels sur contreplaque (Nangara
1996, 54) 9
3 Exemple de peinture de la Terre d'Arnhem. Narritjin Maymuru.
"Les soeurs Nyapililngu a Djarrakpi" 1978. Pigments naturels sur ecorce 158x60
(Caruana 1994, 73) 10
4 Terre des Walpiri (Nangara 1996, 75) 10
5 Centre artistique d'Ampilatwatja. (Photo personnelle) 11
6 Gravures rupestres d'Ewaninga (photo personnelle) 11
7 Peintures rupestres d'Owalinja (Walsh 1988, 155) 12
8 Peintures rupestres de Rodinga (Walsh 1988, 157) 13
9 Peintures rupestres d'Uluru (Layton 1992, 32) 13
10 Peinture rupestre de Nama (Bardon 1996, 19) 14
11 Peinture de sable faite a Alice Spring en 1964 (Kimber 1993,
223) 14
12 Peinture de sable et peinture corporelle ceremonielle
(Photogra-
phie de Spencer et Gillen 1912) (Kimber 1996, 31) 15
13 Vaste peinture de sable pres de Yuendumu C.1950 (Kimber
1996,
35) 15
14 Exposition 'Les magiciens de la terre" au centre Georges
Pompodou en 1989: peinture de sable et "Red earth circle" de Richard Long
(Durozoi 1998, 193) 16
15 Ornement de tete en bois pour danseur provenant de Yim Cum-
ming Camp (Bossert 1955, 11) 17
16 Ornement de tete en bois pour danseur provenant de Ylourta
(Bossert 1955, 11) 17
17 Ornement en bois pour danseur provenant de Ilpara (Bossert
1955, 11) 18
18 Long Jack Philippus Tjakamarra peignant des coolamons dans
l'atelier de Papunya en juin 1972 (Bardon 1991, 30) 19
19 Dessin de sable (Nangara 1996, 9) 20
20 Peintures corporelles de femmes lors d'une presentation au
public
de danse ceremonielle a Alice Spring (photo personnelle) 20
21 Peinture corporelle epaisse : Reve du Serpent. (Bardon 1996,
19) 21
22 Exemples de toas (Caruana 1994, 102) 21
23 Dessin pour anthropologue 1931 (Kimber 1993, 247 22
24 Dessin pour anthropologue de Jacki Wopoli 1935 (Kimber
1993,
247) 22
25 Dessin pour anthropologue "Eau dans son pays" de Jerry
Walmadjari (Anderson 1992, 81) 22
26 Turkey Tolson Tjupurrula "Affiltage des lances" 1998
(Petitjean
2000, ill.39) 23
27 Dessin pour anthropologue (Anderson 1992, 81) 23
28 Turkey Tolson Tjupurrula "Tingarri" 1998. Acrylique sur toile
(Petitjean 2000, ill.33) 24
29 Albert Namatjira "Anthewerre" 1955. Aquarelle sur papier
24,5x35,2 cm. (Caruana 1994, 107) 24
30 Wenten Rubuntja "Antenhe (Reve d'opussum). Aquarelle sur
bois prepare. (Nangara 1996, 72) 25
31 "Le reve de la fourmi a miel" la premiere peinture de Paunya,
realisee sur le mur de Pk°le en 1971 (Crossman 1998, 26) . . . ·
25
32 Old Tatuma Tjapangati "Reve d'un vieil homme" 1971. 25x35
cm. (Bardon 1991, 66) 26
33 Old Tatuma Tjapangati "Corroboree de vieils hommes" 1971.
Peinture de batiment sur plaque de bois 54x100 cm. (Bardon 1991, 65) 27
34 Long Jack Philippus Tjakamarra "Reve des enfants Kadaitcha "
1972.PVA sur toile 35x56 cm. (Bardon 1991, 62) 27
35 Johnny Warrangkula Tjupurrula "Histoire de feu du vieil homme
Bungalung " 1972. PVA sur toile 40x55 cm. (Bardon 1991, 60) · 28
36 Shorty Lungkata Tjungurrayi "Reve du serpent" 1972. 35x35 cm.
(Bardon 1991, 101) 29
37 Clifford Possum Tjapaltjarri "Reve du soleil" 1972. 43x58 cm.
(Bardon 1991, 116) 30
38 Paddy Jupurrurla Nelson, Paddy Japaljarri Sims et Larry
Jun-
garrayi Spencer "Yanjilypiri Jukurrpa (Reve de l'etoile)"
1985.
Acrylique sur toile 372x171,4 cm. (Caruana 1994, 128) 31
39 Porte 30 de Yuendumu (
www.warlu.com) 32
40 Uni Nampijinpa Martin et Dolly Nampijinpa Granites "Reve
Warlukurlangu (feu de campagne)" 1988. Acrylique sur toile 182,4x121,8 cm.
(Ryan 1989, 73) 33
41 Eunice Napangardi "Uparli- Reve de la banane du bush" 1986.
Acrylique sur toile 305x305 cm. (Nangara 1996, 47 34
42 Abe Jangala "Reve de l'emeu et de l'eau" 1986. Peinture de
batiment sur contreplaque 151x94,2 cm. (Ryan 1989, 89) 35
43 Abe Jangala "Reve du faucon" 1987. Acrylique sur toile
130x100
cm. (Nangara 1996, 52) 36
44 Biddy Rockman Napaljarri 'Reve Budgerigar" 1987. Acrylique
sur toile 40x50 cm. (Nangara 1996, 51) 37
45 Donkeyman Lee Tjupurrula "Sans titre" 1989. Acrylique sur
toile 120x180 cm. (Caruana 1994, 148) 37
46 Suzie Bootja Bootja Napangarti "Point d'eau de Kutal" 1989.
Acrylique sur toile 159,5x80 cm. (Caruana 1994, 149) 38
47 Main de Don Tjungurrayi peignant avec une fine branche en
1986. (Barou et Crossman (eds.) 1998, 16) 39
48 Ada Bird Petyarre au travail. Les artistes placent toujours
leur support horizontalement pour peindre et ils tournent autour. (Brody 1998,
58) 40
49 Billy Stockman Tjapaltjarri (a droite) et Dinny Nolan
Tjampitjinpa
(a gauche) a Papunya. Les signes principaux sont les premiers
elements peints. (Bardon 1991, 70) 41
50 De nombreux signes utilises par les Aborigenes sont
presents dans ce tableau: les cercles concentriques, les lignes, les empreintes
en forme de fleche et en forme de E. Dolly Daniels Nampitjinpa "Reve du
kangourou" 1993. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 49) 42
51 Makinti Napanangka "Voyage de Kungka Kutjarra vers le site
au sud du lac MacDonald" 1998. Acrylique sur toile 152x121 cm. (Oliva 2002, 60)
43
52 Emily Kame Kngwarreye "Reve Alatyte" 1994. Acrylique sur
toile 160x129 cm. (Nangara 1996, 76) 44
53 Malcolm Jakamarra Maloney "Reve du Soleil" 1993. Acrylique
sur toile 127x76 cm. (Nangara 1996, 71) 45
54 Billy Nolan Tjapangati "Travail d'hommes" 1995. Acrylique
sur
toile 181x120 cm. (Nangara 1996, 64) 46
55 John Tjakamarra "Tingarri a Pirritjapa" 1988. Acrylique sur
toile 152x122 cm. (Nangara 1996, 64) 47
56 Makinti Napanangka "voyage de Kungka Kutjarra vers le site
au sud du lac MacDonald" 2000. Acrylique sur toile 91x91 cm. (Oliva 2002, 61)
48
57 Inyuwa Nampitjinpa "Women's Dreaming at the water site of
Punkilpirri" 1998. Acrylique sur toile 152x122 cm. (Oliva 2002, 55) 48
58a Anatjari Tjakamarra "Motif ceremoniel de sol" 1973
(Petitjean
2000, 111.47) 49
58b Anatjari Tjakamarra "Tinikutinupa" 1973. (Petitjean 2000,
111.48) 49
59 Ronnie Tjampitjinpa "Reve de la lune de Maanytja" 1989.
Acrylique sur toile 152x122 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 62) . . . .
50
60 Mick Namarrari Tjapaltjarri "Kampurarrpa et Purra" 1992.
Acrylique sur toile 120x75 cm. (Nangara 1996, 62) 51
61 Turkey Tolson Tjupurrula "Redressements des lances h
Ilyingau-
gau" 1995. Acrylique sur toile 152x121 cm. (Nangara 1996, 65) .
52
62 Timmy Payunka Tjapangati "Reve de l'oppossum des enfants"
1972. (Petitjean 2000, 111.50) 53
63 Timmy Payunka Tjapangati " Cercle Tingari a Wilkinkarra" 1996.
(Petitjean 2000, 111.51) 54
64 Emily Kame Kngwarrey "Sans titre" (detail) 1989. Batik sur
soie 90x368 cm. (Ross-Manley 1998, 53) 55
65 Emily Kame Kngwarrey "Reve de la patate douce" 1989. Batik
sur soie 183x108 cm. (Nangara 1996, 75) 55
66 Angeline Pwerle "Lezard diabolique des montagnes" 1994.
Acrylique sur toile 122x81 cm. (Nangara 1996, 74) 56
67 Gloria Petyarre "Lezard diabolique des montagnes" 1995.
Acrylique
sur toile 171x96 cm. (Nangara 1996, 75) 57
68 Ally Kemarre "Reve de nourriture du bush" 1993. Acrylique
sur
toile 95x59 cm. (Nangara 1996, 74) 57
69 Gladys Kemarre "Reve de raisins du bush" 1993. Acrylique
sur
toile 92x63 cm. (Nangara 1996, 74) 58
70 Gloria Petyarre "Peinture corporelle 1" 1994. Acrylique sur
toile 84x76 cm. (Nangara 1996, 74) 58
71 Georges Seurat "Les champs Alfalfa" 1885-6. Huile sur toile (
http://www.artchive.com/artchive/S/seurat)
59
72 Jeannie Egan Nungarrayi "Yarumayi- Reve de goanna"
1995.Yuendumu. Acrylique sur toile 122x87 cm. (Nangara 1996, 48) . . . . 59
73 Liddy Walker Napanangka "Reve de Serpent" 1995. Yuendumu.
Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 49) 60
74 Paddy Tjapaltjarri Steward "Reve de Graine et d'Opossum" n.d.
Yuendumu. Acrylique sur toile 130x92 cm. (Nangara 1996, 49) . 60
75 Jimmy Robertson Tjampitjinpa "Reve d'eau" 1993. Lajamanu.
Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 51) 61
76 Elisabeth Nyumi "Chasse a Wirripi Rockhole" 1997. Balgo
Hills. Acrylique sur toile 100x150 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 190)
62
77 Wimmitji Tjapangardi "Wati Kutjarra (deux hommes) a Kurra"
1992. Balgo hills. Acrylique sur toile 91x61 cm. (Klingender et Gulleridge
2000, 71) 62
78 Nancy Napanangka "Reve de femmes" 1994. Balgo Hills.
Acrylique
sur toile 83x74 cm. (Nangara 1996, 50) 63
79 Boxer Milner "Tempete de pluie et arc-en-ciel a Oolaign" 2000.
Balgo Hills. Acrylique sur toile 180x120 cm. (Oliva 2002, 77) . . 64
80 Alice Nampitjinpa "Tjangalas voyageant" 1999. Haasts Bluff.
Acrylique sur toile 186x284 cm. (Oliva 2002, 82) 64
81 Narputta Nangala "Karrkurrutinytja" 1997. Haasts Bluff.
Acrylique sur toile 152x284 cm. (Oliva 2002, 84) 65
82 Long Tom Tjapanangka "Walungurru" 1995. Haasts Bluff.
Acrylique sur toile 91,5x137 cm. (Strocchi 1999-2000, 18) 65
83 Anatjari Tjakamarra "Reve Tingari" 1974. Papunya. Acrylique
sur toile 160x127 cm. (Nangara 1996, 42) 66
84 Mick Namarari Tjapaltjarri "Reve de deux Wanampi" 1995.
Papunya. Acrylique sur toile 122x91 cm. (Nangara 1996, 63) 67
85 Ronnie Tjampitjinpa "Reve de Kadaitcha" 1992. Papunya.
Acrylique sur toile 152X122 cm. (Nangara 1996, 60) 68
86 Maggie Napangardi Watson "Reve de femmes a Janyinki" 1989.
Yuendumu. Acrylique sur toile 145x93 cm. (Nangara 1996, 48) . 69
87 Tim Leura Tjapaaltjarri avec l'aide de Clifford Possum
Tjapaltjarri "Reve de l'esprit de la mort a Napperby" 1980. Papunya. Acrylique
sur toile 207,7x670,8 cm. (Bardon 1998, 38-9 70
88 Emily Kame Kngwarreye 1994. (Photo de Tara Ebes; Nangara
1996, 76) 71
89 Emily Kame Kngwarreye "Motif pour peinture corporelle 1" 1994.
Utopia. Acrylique sur toile 130x79 cm. (Nangara 1996, 77) . . . 72
90 Emily Kame Kngwarreye "Reve de Fecrevisse du bush" 1995.
Utopia. Acrylique sur toile 153x122 cm. (Nangara 1996, 78) . . . 73
91 Clifford Possum Tjapaltjarri 1995. (Nangara 1996, 40) 74
92 Clifford Possum Tjapaltjarri " Les lacs de Napperby" 1994.
Papunya. Acrylique sur toile 185x122 cm. (Nangara 1996, 69) 74
93 Clifford Possum Tjapaltjarri " Histoire d'amour" 1992.
Papunya. Acrylique sur toile 143x100 cm. (Nangara 1996, 40) 75
94 Johnny Warangkula Tjupurrula au travail. 1972. (Bardon
1991,
52) 75
95 Johnny Warangkula Tjupurrula "Reve d'eau a Kalipinypa"
1972.
Papunya. Peinture polymere synthetique en poudre sur contre-
plaque 80x75 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 58-9) 76
96 Ronnie Tjampitjinpa. (Nangara 1996, 94) 76
97 Turkey Tolson Tjupurrula. (Nangara 1996, 96) 77
98 Turkey Tolson Tjupurrula "Afffitage des lances a
Ilyingaungau" 1990. Papunya. Acrylique sur toile 181,5x243,5 cm. (Barou et
Crossman (eds.) 1998, 45 77
99 Gloria Petyarre "Aknangkere growth" 1998. Acrylique sur
toile.
(Petitjean 2000, 111.60) 78
100 Jackson Pollock "Number 8" 1949. (Petitjean 2000, 111.61) . .
. 78
101 Emily Kame Kngwarreye "Sans titre" 1996. (Petitjean 2000,
111.59) 79
102 Howard Hodgkin "Petite vue de Venise" 1984-1985.
(Petitjean
2000, 111.58) 79
103 Jean Dubuffet "Texturologie XLV" 1958. Huile sur toile
100x130
cm (
http://www.mnba.org.ar/fp67.htm)
80
104 tableau de Frank Stella (
http://www.artburst.com/frankstella/page2.html)
80

CARTE 1: Carte des langues (Nangara 1996, 38)


CARTE 2: Carte des sites aborigenes imgortants
d'Australie centrale et du Nord (Nangara 1996, 48)

ILL. 1: Quelques Aborigenes d'Ampilitwatja et leur ancienne
infirmiere (photo personnelle)

ILL. 2: Exemple de peinture du Kimberley. Rover Thomas Joolama.
"Bedford Downs" 1984 Pigments et liants naturels sur contreplaque (Nangara
1996, 54)

ILL. 3: Exemple de peinture de la Terre d'Arnhem. Narritjin
Maymuru. "Les soeurs Nyapililngu a Djarrakpi" 1978. Pigments naturels sur
ecorce 158x60 (Caruana 1994, 73)

ILL. 4: Terre des Walpiri (Nangara 1996, 75)

ILL. 5: Centre artistique d'Ampilatwatja. (Photo personnelle)

ILL. 6: Gravures rupestres d'Ewaninga (photo personnelle)

ILL. 7: Peintures rupestres d'Owalinja (Walsh 1988, 155)

ILL. 8: Peintures rupestres de Rodinga (Walsh 1988, 157)

ILL. 9: Peintures rupestres d'Uluru (Layton 1992, 32)

ILL. 10: Peinture rupestre de Nama (Bardon 1996, 19)
ILL. 11: Peinture de sable faite a Alice Spring en 1964 (Kimber
1993, 223)
14

ILL. 12: Peinture de sable et peinture corporelle ceremonielle
(Photographie de Spencer et Gillen 1912) (Kimber 1996, 31)

ILL. 13: Vaste peinture de sable pres de Yuendumu C.1950 (Kimber
1996, 35)

ILL. 14: Exposition 'Les magiciens de la terre" au centre
Georges Pompodou en 1989: peinture de sable et "Red earth circle" de Richard
Long (Durozoi 1998, 193)

ILL. 15: Ornement de tete en bois pour danseur provenant de Yim
Cumming Camp (Bossert 1955, 11)

ILL. 16: Ornement de tete en bois pour danseur provenant de
Ylourta (Bossert 1955, 11)

ILL. 17: Ornement en bois pour danseur provenant de Ilpara
(Bossert 1955, 11)

ILL. 18: Long Jack Philippus Tjakamarra peignant des coolamons
dans l'atelier de Papunya en juin 1972 (Bardon 1991, 30)

ILL. 19: Dessin de sable (Nangara 1996, 9)

ILL. 20: Peintures corporelles de femmes lors d'une presentation
au public de danse ceremonielle a Alice Spring (photo personnelle)

ILL. 21: Peinture corporelle epaisse : Reve du Serpent. (Bardon
1996, 19)

ILL. 22: Exemples de toas (Caruana 1994, 102)

ILL. 23: Dessin pour anthropologue 1931 (Kimber 1993, 247
Q
ILL. 24: Dessin pour anthropologue de Jacki Wopoli 1935 (Kimber
1993, 247)
ILL. 25: Dessin pour anthropologue "Eau dans son pays" de Jerry
Walmadjari (Anderson 1992, 81)

ILL. 26: Turkey Tolson Tjupurrula "Affiltage des lances" 1998
(Petitjean 2000, ill.39)

ILL. 27: Dessin pour anthropologue (Anderson 1992, 81)

ILL. 28: Turkey Tolson Tjupurrula "Tingarri" 1998. Acrylique sur
toile (Petit-jean 2000, ill.33)

ILL. 29: Albert Namatjira "Anthewerre" 1955. Aquarelle sur papier
24,5x35,2 cm. (Caruana 1994, 107)

ILL. 30: Wenten Rubuntja "Antenhe (Reve d'opussum). Aquarelle sur
bois prepare. (Nangara 1996, 72)

ILL. 31: "Le reve de la fourmi a miel" la premiere peinture de
Paunya, realisee sur le mur de Pk°le en 1971 (Crossman 1998, 26)

ILL. 32: Old Tatuma Tjapangati "Reve d'un vieil homme" 1971.
25x35 cm. (Bardon 1991, 66)

ILL. 33: Old Tatuma Tjapangati "Corroboree de vieils hommes"
1971. Peinture de batiment sur plaque de bois 54x100 cm. (Bardon 1991, 65)

ILL. 34: Long Jack Philippus Tjakamarra "Reve des enfants
Kadaitcha " 1972.PVA sur toile 35x56 cm. (Bardon 1991, 62)

ILL. 35: Johnny Warrangkula Tjupurrula "Histoire de feu du vieil
homme Bungalung " 1972. PVA sur toile 40x55 cm. (Bardon 1991, 60)

ILL. 36: Shorty Lungkata Tjungurrayi "Reve du serpent" 1972.
35x35 cm. (Bardon 1991, 101)

ILL. 37: Clifford Possum Tjapaltjarri "Reve du soleil" 1972.
43x58 cm. (Bardon 1991, 116)

ILL. 38: Paddy Jupurrurla Nelson, Paddy Japaljarri Sims et
Larry Jungarrayi Spencer "Yanjilypiri Jukurrpa (Reve de l'etoile)" 1985.
Acrylique sur toile 372x171,4 cm. (Caruana 1994, 128)

ILL. 39: Porte 30 de Yuendumu (
www.warlu.com)

ILL. 40: Uni Nampijinpa Martin et Dolly Nampijinpa Granites
"Reve Warlukurlangu (feu de campagne)" 1988. Acrylique sur toile 182,4x121,8
cm. (Ryan 1989, 73)

ILL. 41: Eunice Napangardi "Uparli- Reve de la banane du bush"
1986. Acrylique sur toile 305x305 cm. (Nangara 1996, 47

ILL. 42: Abe Jangala "Reeve de l'emeu et de l'eau" 1986. Peinture
de batiment sur contreplaque 151x94,2 cm. (Ryan 1989, 89)

ILL. 43: Abe Jangala "Wave du faucon" 1987. Acrylique sur toile
130x100 cm. (Nangara 1996, 52)

ILL. 44: Biddy Rockman Napaljarri 'Reeve Budgerigar" 1987.
Acrylique sur toile 40x50 cm. (Nangara 1996, 51)

ILL. 45: Donkeyman Lee Tjupurrula "Sans titre" 1989. Acrylique
sur toile 120x180 cm. (Caruana 1994, 148)

ILL. 46: Suzie Bootja Bootja Napangarti "Point d'eau de Kutal"
1989. Acrylique sur toile 159,5x80 cm. (Caruana 1994, 149)

ILL. 47: Main de Don Tjungurrayi peignant avec une fine branche
en 1986. (Barou et Crossman (eds.) 1998, 16)

ILL. 48: Ada Bird Petyarre au travail. Les artistes placent
toujours leur support horizontalement pour peindre et ils tournent autour.
(Brody 1998, 58)

ILL. 49: Billy Stockman Tjapaltjarri (a droite) et Dinny Nolan
Tjampitjinpa (a gauche) a Papunya. Les signes principaux sont les premiers
elements peints. (Bardon 1991, 70)

ILL. 50: De nombreux signes utilises par les Aborigenes sont
presents dans ce tableau: les cercles concentriques, les lignes, les empreintes
en forme de ache et en forme de E. Dolly Daniels Nampitjinpa "Reve du
kangourou" 1993. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 49)

ILL. 51: Makinti Napanangka "Voyage de Kungka Kutjarra vers le
site au sud du lac MacDonald" 1998. Acrylique sur toile 152x121 cm. (Oliva
2002, 60)

ILL. 52: Emily Kame Kngwarreye "Kew Alatyte" 1994. Acrylique sur
toile 160x129 cm. (Nangara 1996, 76)

ILL. 53: Malcolm Jakamarra Maloney "Reve du Soleil" 1993.
Acrylique sur toile 127x76 cm. (Nangara 1996, 71)

ILL. 54: Billy Nolan Tjapangati "Travail d'hommes" 1995.
Acrylique sur toile 181x120 cm. (Nangara 1996, 64)

ILL. 55: John Tjakamarra "Tingarri 5 Pirritjapa" 1988. Acrylique
sur toile 152x122 cm. (Nangara 1996, 64)

ILL. 56: Makinti Napanangka "voyage de Kungka Kutjarra vers le
site au sud du lac MacDonald" 2000. Acrylique sur toile 91x91 cm. (Oliva 2002,
61)

ILL. 57: Inyuwa Nampitjinpa "Women's Dreaming at the water site
of Punkilpirri" 1998. Acrylique sur toile 152x122 cm. (Oliva 2002, 55)

ILL. 58a: Anatjari Tjakamarra "Motif ceremonial de sol" 1973
(Petitjean 2000,

ILL. 58b: Anatjari Tjakamarra "Tinikutinupa" 1973. (Petitjean
2000, 111.48)

ILL. 59: Ronnie Tjampitjinpa "Wye de la lune de Maanytja" 1989.
Acrylique sur toile 152x122 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 62)

ILL. 60: Mick Namarrari Tjapaltjarri "Kampurarrpa et Purra" 1992.
Acrylique sur toile 120x75 cm. (Nangara 1996, 62)
ILL. 61: Turkey Tolson Tjupurrula "Redressements des lances a
Ilyingaugau" 1995. Acrylique sur toile 152x121 cm. (Nangara 1996, 65)

ILL. 62: Timmy Payunka Tjapangati "Wave de l'oppossum des
enfants" 1972. (Petitjean 2000, 111.50)

ILL. 63: Timmy Payunka Tjapangati "Cercie Tingari 5 Wilkinkarra"
1996. (Petitjean 2000, 111.51)

ILL. 64: Emily Kame Kngwarrey "Sans titre" (detail) 1989. Batik
sur soie 90x368 cm. (Ross-Manley 1998, 53)

ILL. 65: Emily Kame Kngwarrey "Reve de la patate douce" 1989.
Batik sur soie 183x108 cm. (Nangara 1996, 75)

ILL. 66: Angeline Pwerle "Lezard diabolique des montagnes" 1994.
Acrylique sur toile 122x81 cm. (Nangara 1996, 74)

ILL. 67: Gloria Petyarre "Lezard diabolique des montagnes" 1995.
Acrylique sur toile 171x96 cm. (Nangara 1996, 75)

ILL. 68: Ally Kemarre "Kew de nourriture du bush" 1993. Acrylique
sur toile 95x59 cm. (Nangara 1996, 74)

ILL. 69: Gladys Kemarre "Reeve de raisins du bush" 1993.
Acrylique sur toile 92x63 cm. (Nangara 1996, 74)

ILL. 70: Gloria Petyarre "Peinture corporelle 1" 1994. Acrylique
sur toile 84x76 cm. (Nangara 1996, 74)

ILL. 71: Georges Seurat "Les champs Alfalfa" 1885-6. Huila sur
toile (
http://www.artchive.com/artchive/S/seurat)

ILL. 72: Jeannie Egan Nungarrayi "Yarumayi- Helve de goanna"
1995.Yuendumu. Acrylique sur toile 122x87 cm. (Nangara 1996, 48)

ILL. 73: Liddy Walker Napanangka "Wye de Serpent" 1995. Yuendumu.
Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 49)

ILL. 74: Paddy Tjapaltjarri Steward "Wave de Graine et d'Opossum"
n.d. Yuendumu. Acrylique sur toile 130x92 cm. (Nangara 1996, 49)

ILL. 75: Jimmy Robertson Tjampitjinpa "Wave d'eau" 1993.
Lajamanu. Acrylique sur toile 127x73 cm. (Nangara 1996, 51)

ILL. 76: Elisabeth Nyumi "Chasse a Wirripi Rockhole" 1997. Balgo
Hills. Acrylique sur toile 100x150 cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 190)

ILL. 77: Wimmitji Tjapangardi "Wati Kutjarra (deux hommes) 5
Kurra" 1992. Balgo hills. Acrylique sur toile 91x61 cm. (Klingender et
Gulleridge 2000, 71)

ILL. 78: Nancy Napanangka "Reve de femmes" 1994. Balgo Hills.
Acrylique sur toile 83x74 cm. (Nangara 1996, 50)

ILL. 79: Boxer Milner "Tempate de pluie et arc-en-ciel a Oolaign"
2000. Balgo Hills. Acrylique sur toile 180x120 cm. (Oliva 2002, 77)

ILL. 80: Alice Nampitjinpa "Tjangalas voyageant" 1999. Haasts
Bluff. Acrylique sur toile 186x284 cm. (Oliva 2002, 82)

ILL. 81: Narputta Nangala "Karrkurrutinytja" 1997. Haasts Bluff.
Acrylique sur toile 152x284 cm. (Oliva 2002, 84)

ILL. 82: Long Tom Tjapanangka "Walungurru" 1995. Haasts Bluff.
Acrylique sur toile 91,5x137 cm. (Strocchi 1999-2000, 18)

ILL. 83: Anatjari Tjakamarra "Wave Tingari" 1974. Papunya.
Acrylique sur toile 160x127 cm. (Nangara 1996, 42)

ILL. 84: Mick Namarari Tjapaltjarri "Reeve de deux Wanampi" 1995.
Papunya. Acrylique sur toile 122x91 cm. (Nangara 1996, 63)

ILL. 85: Ronnie Tjampitjinpa "Wave de Kadaitcha" 1992. Papunya.
Acrylique sur toile 152X122 cm. (Nangara 1996, 60)

ILL. 86: Maggie Napangardi Watson "Reve de femmes 5 Janyinki"
1989. Yuendumu. Acrylique sur toile 145x93 cm. (Nangara 1996, 48)

ILL. 87: Tim Leura Tjapaaltjarri avec l'aide de Clifford
Possum Tjapaltjarri "Wye de l'esprit de la mort a Napperby" 1980. Papunya.
Acrylique sur toile 207,7x670,8 cm. (Barden 1998, 38-9

ILL. 88: Emily Kama Kngwarreye 1994. (Photo de Tara Ebes; Nangara
1996, 76)

ILL. 89: Emily Kame Kngwarreye "Motif pour peinture corporelle 1"
1994. Utopia. Acrylique sur toile 130x79 cm. (Nangara 1996, 77)

ILL. 90: Emily Kame Kngwarreye "Kew de Eecrevisse du bush" 1995.
Utopia. Acrylique sur toile 153x122 cm. (Nangara 1996, 78)

ILL. 91: Clifford Possum Tjapaltjarri 1995. (Nangara 1996, 40)

ILL. 92: Clifford Possum Tjapaltjarri " Les lacs de Napperby"
1994. Papunya. Acrylique sur toile 185x122 cm. (Nangara 1996, 69)

ILL. 93: Clifford Possum Tjapaltjarri " Histoire d'amour" 1992.
Papunya. Acrylique sur toile 143x100 cm. (Nangara 1996, 40)

ILL. 94: Johnny Warangkula Tjupurrula au travail. 1972. (Bardon
1991, 52)

ILL. 95: Johnny Warangkula Tjupurrula "Wye d'eau a Kalipinypa"
1972. Papunya. Peinture polymere synthetique en poudre sur contreplaque 80x75
cm. (Klingender et Gulleridge 2000, 58-9)

ILL. 96: Ronnie Tjampitjinpa. (Nangara 1996, 94)

ILL. 97: Turkey Tolson Tjupurrula. (Nangara 1996, 96)

ILL. 98: Turkey Tolson Tjupurrula "Affiltage des lances a
Ilyingaungau" 1990. Papunya. Acrylique sur toile 181,5x243,5 cm. (Barou et
Crossman (eds.) 1998, 45

ILL. 99: Gloria Petyarre "Aknangkere growth" 1998. Acrylique sur
toile. (Petitjean 2000, 111.60)

ILL. 100: Jackson Pollock "Number 8" 1949. (Petitjean 2000,
111.61) 78

ILL. 101: Emily Kame Kngwarreye "Sans titre" 1996. (Petitjean
2000, 111.59)

ILL. 102: Howard Hodgkin "Petite vue de Venise" 1984-1985.
(Petitjean 2000, 111.58)

ILL. 103: Jean Dubuffet " Texturologie XLV" 1958. Huile sur toile
100x130 cm (
http://www.mnba.org.ar/fp67.htm)

ILL. 104: tableau de Frank Stella (
http://www.artburst.com/frankstella/page2.html)
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