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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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C.3.2. Lie Catching

Nous avons vu dans la partie précédente que la nature inférentielle et imprédictible du système pouvait jouer en l'avantage du menteur, lui permettant de mentir par tromperie. Nous avons également vu qu'il existe un second type de mensonge, le mensonge direct, mais celui-ci n'est pas permis par l'utilisation d'un jeu créatif. Nous allons voir dans cette partie comment le dernier type de jeu, à savoir le jeu interférant, peut trahir un interlocuteur qui est en train de mentir. Dans cette partie, les deux types de mensonge seront considérés, car nous nous intéressons aux jeux créés par l'existence du mensonge quelque soit la nature de ce mensonge, c'est-à-dire que ces jeux interférants apparaissent de façon égale que le mensonge soit direct ou par tromperie, puisque que ces jeux résultent de la conscience du locuteur mentant de son action de mensonge, ce qui est le cas dans les deux situations de mensonge63. Encore une fois, nous rappelons que notre conception du mensonge n'est en aucun cas en rapport avec des conditions de vériconditionnalité.

Le mensonge est une pratique communicationnelle quotidienne. Les chiffres des études donnent une moyenne d'environ 1,5 à 2 mensonges par jour (Biland, 2004:22). Malgré l'existence de jeux interférants dans les situations de mensonge, nombre de ces mensonges ne sont pas détectés. La raison principale pour laquelle nous ne détectons pas tous ces mensonges est que nous ne nous en donnons pas la peine, car pour la plupart ce ne sont que des white lies, des Ç petits mensonges ordinaires È (ibid) dont nous ne pouvons nous embarrasser cognitivement de la détection. En effet, Ç nous ne pouvons passer notre vie à nous méfier de tout È (ibid), la base sociale de la communication ne pourrait souffrir d'une constante méfiance des interlocuteurs. C'est pourquoi la conversation quotidienne ne se soucie pas de la véracité ou non de la communication : en quelque sorte, les interlocuteurs Ç acceptent È le mensonge car l'intérêt de la conversation quotidienne est la relation, la méta-communication.

63 Nous excluons donc de notre étude les cas de self deceit, de mensonge à soi-même, cas oü l'interlocuteur est inconscient de son mensonge, ce qui n'engendrera pas de jeu.

Bien que quotidiennement impraticable, la détection du mensonge peut s'avérer utile dans nombre de cas. La détection d'un mensonge passe par le jeu interférant que peut créer l'impossibilité pour un interlocuteur de contrôler l'ensemble de ses productions sémiotiques. Ainsi, comme nous l'avons amplement développé précédemment, nous ne pouvons considérer que la communication ne se manifeste qu'au travers de signes intentionnellement produits, et de ce fait nous ne pouvons suivre le point de vue discriminant de Sperber et Wilson (1989) réduisant la communication aux signes ostensifs, c'est-à-dire utilisés ostensiblement à des fins communicatives, et sous-tendant et transmettant une intention de communication. De nombreux signes sont produits de façon non intentionnelle, et plus particulièrement les signes qui communiquent les émotions ressenties par l'interlocuteur, qui sont présentes dans l'échange communicationnel. De fait, une émotion influence la création d'un signe Ç visible qui atteste de sa présence lors d'une interaction. È (Biland,2004:59) Tout comme il nous est quasi-impossible de contrôler nos émotions, il en va de même pour les signes que produisent ces émotions, et c'est ce contrôle difficile qui est créateur de jeu interférant et qui sera utile à l'interlocuteur souhaitant détecter un mensonge.

En effet, un interlocuteur en train de mentir peut être trahi par une production involontaire de signes, c'est-à-dire par production involontaire de jeu interférant dU à la quasi-impossibilité de contrôler l'ensemble des signes qu'il produit. Ce sont ces signes produits inconsciemment qui créent ce jeu et trahissent l'interlocuteur mentant64. Ces signes trahissant sont dans une grande majorité des signes élocutionnels, de par le fait de la plus grande difficulté pour l'interlocuteur à ma»triser ces signes65. En effet, comme le fait remarquer Watzlawick (1972:61) Ç Il est facile de professer quelque chose verbalement, mais il est difficile de mentir dans le domaine analogique66. È Ainsi, la tâche de l'interlocuteur cherchant à détecter un mensonge

64 Pease,2005,147 : Ç The difficulty with lying is that the subconscious mind acts automatically and independently of our verbal lie, so our body language gives us away. (...) During the lie, the subconscious mind sends out nervous energy which appears as a gesture that can contradict what was said. È

65 Nous renvoyons au schéma de Mehrabian présenté dans l'avant-propos.

66 Selon la terminologie de Watzlawick, l'analogique renvoie à ce qui correspond à l'élocutionnel dans notre terminologie.

est de s'attacher à déceler dans la production de signes de l'Autre des signes qui se contredisent les uns avec les autres, soit se contredisant au sein du même canal (locutionnel/locutionnel ou élocutionnel/élocutionnel), soit des signes d'un canal contredisant ceux de l'autre (locutionnel/élocutionnel). Ainsi existe-t-il du jeu car certains signes viennent interférer dans le continuum communicationnel en contredisant ce que d'autres communiquent, traduisant la vérité dont a conscience l'interlocuteur mentant. Ainsi, comme le résume Biland (2004:29) : Ç la difficulté à mentir tient dans la difficulté à gérer une charge cognitive et émotionnelle lourde sans que rien ne "fuie", ni dans le discours ni dans le comportement, de l'état réel. È

Par exemple, un interlocuteur mentant peut produire ce qu'Ekman (2009) appelle un emblematic slip. Nous avons déjà vu précédemment ce qu'était un emblème, ces signes élocutionnels ayant un sens culturellement marqué. Un tel signe peut être produit de façon involontaire et signifiant une émotion que l'interlocuteur cherche à cacher.

Cet étroit lien entre émotion et mensonge fait du jeu interférant, une nouvelle fois, un jeu entièrement individuel et relatif, autant pour son existence que pour sa détection. Tous les interlocuteurs ne sont pas égaux face au mensonge, certains mentent avec plus de facilité alors que d'autres sont de piètres menteurs, et, de l'autre côté de la barrière, certains détectent les mensonges avec facilité alors que d'autres sont incapables de les voir. Ainsi est-il du devoir du lie catcher d'avoir conscience de cette relativité, et de l'impossibilité de détecter un mensonge de manière absolue67 (tout du moins tant que le menteur ne s'est pas confessé), notamment pour avoir à l'esprit ses propres préjugés sur l'interlocuteur mais aussi afin d'éviter de croire à un mensonge ou de ne pas croire en une vérité68.

67 Cette impossibilité de certitude du mensonge rejoint la relativité de la communication, c'est-à-dire son statut inférentiel et hypothétique, point que nous avons largement développé précédemment.

68 Ces deux erreurs sont répertoriées par Ekman (2009:163) Ç in disbelieving-the-truth the lie catcher mistakenly judges a truthful person to be lying. In believing-a-lie the lie catcher mistakenly judges a liar to be truthful. È Dans le premier cas, un interlocuteur peut interpréter la nervosité de l'Autre comme étant signe de mensonge, alors qu'en vérité l'Autre est tout simplement nerveux à l'idée de se faire interroger.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein