Section 2 :
Problématique
Compte tenu des conséquences néfastes de la
fraude sur les entités auditées notamment de lourdes pertes
financières et un déficit d'image considérable, le grand
public tient le réviseur comptable responsable de la non-
détection de ces fraudes au cours de ses missions d'audit.
En effet, plusieurs études,
réalisées dans les pays anglo-saxons, montrent que seulement 5%
de cas de fraude sont souvent découverts par les auditeurs externes,
malgré la présence d'inexactitudes dans les états
financiers dans 65% de ce cas.
En plus, les enquêtes effectuées dans les
entreprises à ce propos par les grands cabinets d'audit tel que
PriceWaterHouseCoopers confirment le faible taux de détection des
fraudes par les réviseurs comptables (3).
Et plus près de nous, nous nous permettons de citer les
reproches faites aux firmes internationales d'audit au Zaïre (RDC) par
le Premier Commissaire d'Etat KENGO en 1984 en ces termes :
« Les résultats des sondages effectués par la cellule
d'audit attachée à mon cabinet révèlent que la
gestion d'un grand nombre d'entreprises publiques est encore laxiste. Et
pourtant, les arrêts d'exercices de ces entreprises sont certifiés
sincères et véritables chaque année, par des cabinets
fiduciaires internationaux et par le département de tutelle »
(4).
En considérant les problèmes qui ont
dominé et dominent encore la profession revisorale ces dernières
années, la responsabilité des réviseurs comptables dans
une mission d'audit avec risque de fraude suscite beaucoup de controverses.
Ainsi notre problématique se fonde substantiellement
sur le décalage entre l'attente du public et les limites de l'audit
dans la détection de la fraude.
En résumé, la préoccupation majeure de
cette étude est constituée d'un triple questionnement ainsi
formulé :
- La responsabilité de prévention et de
détection des fraudes et irrégularités incombe-t-elle au
réviseur comptable d'une façon exclusive dans les entités
auditées ?
- Si non, quelle est sa part de responsabilité et ses
limites en la matière d'une part et celle des dirigeants de ces
entités d'autre part ?
- Comment combler les attentes du public, qui présume
que la mission du réviseur comptable consiste à dépister
systématiquement toutes les fraudes de l'entité
auditée ?
La question vaut la peine d'être posée.
Section 3 : Hypothèse
La mission du réviseur comptable a pour objet
l'expression d'une opinion selon laquelle les états financiers ont
été établis, dans tous leurs aspects significatifs,
conformément à un référentiel comptable
identifié ; cette mission n'implique pas la vérification de
la totalité des écritures par le moyen d'une révision
complète mais seulement la pratique de sondages et de
vérifications approfondies en cas de découvertes d'anomalies. On
peut dès lors se poser la question à partir de quel moment la
responsabilité du réviseur comptable est-elle engagée en
cas de non détection de la fraude lors de la mission d'audit ?
Très souvent, en cas de fraude dans une entreprise,
l'auditeur externe est le premier à être montré du
doigt et on lui reproche de ne pas avoir su ni pu détecter des fraudes
ou irrégularités , ou de ne pas avoir émis des
réserves sur le non respect par l'entreprise d'une telle ou telle autre
loi, De plus une étude de PriceWaterHouseCoopers démontre que 35%
de fraudes sont découvertes par hasard ou à la suite des rumeurs.
Les commissaires aux comptes en particulier s'estiment montrés du doigt.
Certes, ils ne détectent que 4% des fraudes, selon PWC.
C'est une erreur, et ces accusations semblent injustes car la
mission d'un réviseur comptable consiste à réduire le
risque de ne pas identifier des anomalies dans les comptes et le
réviseur comptable n'a qu'une obligation de moyens en matière de
détection. Tous les professionnels concernés rappellent que
l'audit n'a rien d'une assurance tous risques, le risque zéro n'existant
pas. Jean Michel ARLANDI responsable de fraudes chez Ernst & Young,
souligne que « beaucoup d'entreprises, pour des raisons liées au
coût de certification, n'osent pas augmenter les honoraires pour mieux
prendre en compte le risque de fraudes ».
Très souvent, on entend le réviseur d'entreprise
dénier toute responsabilité en matière de fraude. C'est
aussi une erreur. Il existe une responsabilité, mais il faut en mesurer
la portée et rappeler que le domaine comptable est seul
concerné.
Il est souhaitable de rapprocher les deux points de vue ;
les nouvelles normes d'audit internationales et les nouveaux règlements
financiers internationaux répondent à ces questionnements en
redéfinissant non seulement la responsabilité des équipes
dirigeantes, mais aussi celle des organisations chargées de l'audit
externe. En outre, des suggestions sont faites par des chercheurs pour
réduire l'écart entre les perceptions des utilisateurs des
rapports d'audit et du public d'une part et les performances des auditeurs
d'autre part.
Voilà ce que nous essaierons de développer tout
au long de l'écriture de ce sujet, afin de formater certaines
conceptions et pratiques en la matière riveraines de l'erreur.
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