4.2.2 Le capital risque en
Tunisie : Un service `jeune' qui piétine
Le marché financier tunisien dénombre
aujourd'hui une quarantaine de SICAR (Voir Annexe A relatif à la liste
des SICAR en Tunisie). Ces sociétés sont regroupées en
quatre grandes catégories, selon l'origine de leurs ressources et
surtout, selon leur mode opératoire.
Les SICAR bancaires
Elles sont nombreuses (13) en Tunisie, presque autant de
banques que de SICAR dont la SPPI (fondé par l'Association
Professionnelle des Banques et la Banque de Tunisie). Elles ont une attitude
qui va de paire avec la stratégie de la banque mère qui travaille
généralement avec les clients existants de la banque et rarement
des projets «nouveaux promoteurs» ou innovateurs. Leurs approches
d'identification des projets est très passive vu l'existence d'un
réseau important d'agences réparties sur le territoire tunisien
qui les alimentent de projets provenant de la clientèle et
nécessitant une injection de fonds pour leur croissance, leur programme
de mise à niveau ou leur assainissement. La majorité de ces SICAR
ont consommé une bonne partie de leurs capitaux.
Un autre aspect très important dans la pratique du CR
en Tunisie est la domination de ce qui est communément connu en Tunisie
par le portage dans la manière de participer au capital des
sociétés. C'est une manière d'octroyer sa participation
sous une forme assimilée à du crédit à court ou
moyen terme et avec un taux de rémunération fixé
d'avance. Cette pratique de crédit-man, est instaurée par les
SICAR filiales de banques, qui s'imposent en terme de nombre.
Les banques étant actionnaires dans toutes les SICAR de
Tunisie, elles influencent une bonne majorité à travailler avec
cette méthode considérée la plus sûre en terme de
rémunération des participations sur laquelle le promoteur
s'engage. Ce `portage' fixant d'avance la valeur des actions à
rétrocéder et la durée de cette rétrocession se
dissocie ainsi de tout lien avec la performance de l'entreprise et avec la
valeur réelle de l'action sur le marché à la date de
sortie qui pourrait être plus élevé que celle initiale
comme elle pourrait être plus basse. Cette pratique implique la SICAR
dans le bien (pas le meilleur) mais jamais pour le pire. Par conséquent
la totalité des SICAR adoptant cette pratique ont une approche
très passive Hands-off dans le suivi de leurs projets. Au sein de toutes
les SICAR bancaires, seul la SPPI (la plus ancienne de Tunisie) est
agréée par la Banque Européenne d'Investissement, et
récemment la SICAR-Invest de la BNA.
Les SICAR bancaires sont aussi frileuses des projets à
caractère technologique considéré
généralement à haut risque. D'ailleurs lors de
l'apparition de la loi des finances 2001, et son article 23 relatif à
l'investissement de 30% des fonds des SICAR qui devrait être
partagé entre ZDR et projets de la Nouvelle Technologie, la
quasi-totalité des SICAR des banques continuent à soutenir les
investissements dans les ZDR plutôt que ceux à vocation
technologique s'ils se présentent.
Les SICAR régionales
Elles sont au nombre de 6, et ne sont pas dépendantes
d'une seule institution financière ce qui leur donnent plus de la
liberté de développer leurs propres stratégies
régionales, industrielle technologique ou autres. Elles subissent
toutefois le chantage des banques, qui pour l'accord d'un complément de
financement exigent souvent la participation de leurs SICAR dans le capital du
projet proposé, ce qui pourrait marginaliser le rôle et parfois
même exclure la SICAR régionale du projet qu'elle a longuement
travaillé et soumis à la banque.
Contrairement aux SICAR bancaires, et malgré cette
contrainte, la survie des SICAR régionales dépend de leurs
approches actives de sensibilisation et d'identification des projets. Elles
sont celles qui travaillent le plus pour le développement
régional de par leurs champs d'intervention qui est dominé par
les ZDR, et relativement plus que les SICAR susmentionnées pour la
technologie (à des degrés différents bien sûr).
Les SICAR de groupes privés
Elles sont au nombre de 11 et travaillent quasi-exclusivement
la stratégie de leur groupe, (dont COTIF du groupe CARTE)
essentiellement pour le financement du programme de mise à niveau des
projets du groupe et de leur extension à travers l'augmentation du
capital. Ces groupes ont généralement des alliances avec des
banques de la place, et n'ont pas généralement de
barrières à compléter le financement de leurs projets.
L'objectif de leur création est assez souvent d'ordre fiscal. Le
financement de la technologie n'est pas généralement leur
priorité, surtout s'il s'agit d'un projet extérieur au groupe.
COTIF agréé par la BEI se distingue dans ce groupe parce qu'elle
participe dans des projets hors de son groupe et relativement ouverte à
la valeur ajoutée et à la technologie.
Les SICAR financières indépendantes
Elles sont au nombre de 5, toutes fondées par le
Groupe Tunisie Leasing. Elles pratiquent plutôt le
capital-développement vu qu'elles ont choisi de travailler
essentiellement pour l'extension des entreprises existantes. Ses clients sont
essentiellement les grandes entreprises de la place qui veulent se
développer davantage.
Quatre éléments font distinguer les SICAR
financières indépendantes du reste des SICAR de Tunisie:
§ Par la nature de ses actionnaires qui est très
différente de celle du reste des SICAR de la place avec des institutions
étrangères telles que BEI, FMO, SFI, SIPAREX, quelques banques
locales, Tunisie-Leasing, et de nombreux Investisseurs Individuels.
§ Cette diversité d'investisseurs au sein du
conseil l'a encouragé à adopter une approche de participation en
tant qu'investisseur réel caractérisé par une sortie libre
en fonction de la valeur réelle de l'action au moment de la sortie et ce
conformément aux pratiques de la profession à l'étranger
en France particulièrement. Par conséquent Tuninvest est
impliqué dans le projet pour le meilleur comme pour le pire.
§ Cette implication dans le risque du projet, lui impose
une implication et un engagement dans la gestion des projets, avec une
équipe bien rodée, formée de cadres des meilleurs sur la
place, chacun bénéficiant d'un bon programme de formation sur les
pratiques françaises de gestion et de suivi des projets et
d'ingénierie financière de sociétés à
capital risque.
§ Son capital étant ouvert au publique, Tuninvest
est la seule SICAR de Tunisie coté en bourse. Tuninvest intervient
surtout dans les entreprises à très haute valeur
ajoutée commerciale (Meliha, baguette & baguette...) et en second
lieu industrielle et technologique (Médis, pour la fabrication de
médicaments stériles). De toutes les SICAR opérationnelles
de la Tunisie, Tuninvest est la première SICAR de Tunisie à
créer en Janvier 2002 à travers le Groupe Tunisie-Leasing, une
SICAR spécialisée dans les Nouvelles Technologies, appelée
Tuninvest-Innovation.
Les fonds étrangers de capital risque
La Banque Européenne d'Investissement `BEI' est
pratiquement le seul organisme étranger pourvoyeur de fonds pour le
soutien des PME à travers les Sociétés
d'Investissements à Capital Risque en Tunisie.
La première opération «capital risque
BEI» a été conclue avec la BDET en 1988 sous la forme de
prêts participatifs. Depuis cette date, ce mode de financement a
évolué aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif pour
tenir compte des nouveaux besoins de financement découlant
essentiellement du Programme National de Mise à Niveau et mettre
à profit la variété des produits financiers qu'offre
actuellement le marché financier.
Sur le plan quantitatif, les enveloppes
réservées ont doublé: passant de 19 MD au cours de la
période 1992-1996 à 38 MD pour la période 1997-1999. Le
nombre d'intermédiaires financiers par le biais desquels la BEI
intervient a considérablement augmenté. Il est actuellement au
nombre de 14 dont 7 SICAR.
Sur le plan qualitatif, les conditions d'intervention du
Capital Risque BEI sont les mêmes que les autres financements BEI,
à savoir une rémunération sur la base des dividendes et un
remboursement à long terme. Sa participation 50/50 aux capitaux des
projets sélectionnés, joue un rôle important dans le
maintien d'un bon équilibre entre la liquidité des capitaux des
SICAR, et une participation active dans le financement des PME. De même
le champ d'intervention du capital risque BEI, couvre désormais en plus
du secteur productif, celui des services.
Enfin et en vue de promouvoir la création de
joint-venture Tuniso-Européenne, la BEI finance les entreprises
tunisiennes à travers les SICAR conventionnées. Elle met aussi
à la disposition du partenaire européen un financement sous forme
de capital risque, à travers lequel elle peut financer jusqu'à
50% de sa prise de participation.
Tableau
4.1 -Indicateurs d'activité du secteur de Capital Risque en Tunisie
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
Approbations
|
194
|
191
|
131
|
185
|
222
|
204
|
Montant en MD
|
65
|
57
|
54
|
98
|
85
|
79
|
Décaissements
|
170
|
116
|
99
|
103
|
134
|
180
|
Montant en MD
|
58
|
40
|
47
|
74
|
53
|
47
|
Source : CMF
|