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Le droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

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par Clémentine PLAGNOL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master II droit communautaire et européen 2012
  

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B/ Un enfermement proportionné

La Cour opère un contrôle afin de déterminer si l'enfermement est justifié. Cet examen porte à la fois sur la question de savoir si l'enfermement est approprié au motif de détention (1), et s'il est proportionné au statut du détenu (2).

1) Un enfermement approprié au motif de détention

L'article 5 § 1 n'exige pas seulement que la privation de liberté soit encadrée par la loi mais également qu'elle soit conforme au but consistant à protéger l'individu contre l'arbitraire. La Cour exige ainsi la conformité de toute privation de liberté au but de l'article 5141. Or, pour ne pas être taxée d'arbitraire, une mesure privative de liberté prise sur le fondement de l'article 5 § 1 f) doit se faire de bonne foi et être étroitement liée au motif de détention invoqué par le Gouvernement142.

Pour les étrangers, la détention est souvent le préalable à une expulsion, c'est-à-dire un moyen de prévenir leur évasion avant de les renvoyer. Le temps de détention devient alors aussi celui de la procédure d'expulsion. Au regard du but visé par le deuxième volet de l'article 5 § 1 f) qui concerne la politique d'immigration, la Cour considère que, tant qu'un individu fait l'objet d'une << procédure d'expulsion en cours » contre lui, cette disposition n'exige pas que sa détention fût en outre considérée comme << raisonnablement nécessaire », par exemple pour l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir, comme le prévoit l'article 5 § 1 c)143.

La détention doit ainsi être proportionnée au motif qui est invoqué pour la justifier mais plus précisément un lien doit exister entre celle-ci et les conditions de détention c'est-àdire le lieu et le régime de détention144. Concernant le demandeur d'asile le motif de détention renvoie à l'alinéa f) de l'article 5§1 selon lequel la privation de liberté est justifiée << s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours ». En d'autres termes, c'est le contrôle de l'immigration qui justifie

141 Arrêt Amuur précité, § 50 ; Arrêt Gebremedhin [Gaberamadhien] précité, § 74, Arrêt Saadi précité, § 67.

142 Arrêt Saadi précité, § 74

143 Cour EDH, 15 novembre 1996, Chahal c. Royaume-Uni, Req. n° 22414/93, § 112 ; Cour EDH, 19 janvier 2012, Popov c. France, Req. n° 39472/07 et 39474/07, § 120.

144 Cour EDH, 30 juillet 1998, Aerts c. Belgique, Req. n° 25357/94, § 46 ; Arrêt Mubilanzila Mayeka et KanikiMitunga précité, § 53.

l'enfermement. Or, le lieu et les conditions de détention doivent être appropriés à ce motif145. La Cour met ainsi en exergue que les mesures de détention s'appliquent à des ressortissants étrangers qui, le cas échéant, n'ont pas commis d'autres infractions que celles liées au séjour. De ce fait, si la procédure d'expulsion n'est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de l'article 5§1 f)146.

La notion de conditions de détention fait notamment référence à la durée de celle-ci. En effet, la durée de la mesure d'enfermement ne doit pas excéder le délai raisonnable pour atteindre le but poursuivi. L'arrêt Saadi contre Royaume-Uni de 2008 offre un exemple de cette règle. Dans cet arrêt la Cour a souligné que la mesure de détention s'appliquait non pas à des auteurs d'infractions pénales mais à des étrangers qui, craignant souvent pour leur vie, fuient leur propre pays de sorte qu'il fallait en tenir compte dans l'application de la mesure d'enfermement. Or, la cour avait conclu qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 5§1 eu égard au contexte de l'affaire. En effet le Royaume Uni était confronté à de sérieux problèmes administratifs à l'époque car le nombre de demandeurs d'asile connaissait une augmentation vertigineuse. Il n'était donc pas incompatible avec l'article 5 § 1 f) de détenir le requérant pendant sept jours dans des conditions convenables, afin de permettre un traitement rapide de sa demande d'asile. Cette jurisprudence a été reprise dans deux affaires concernant des faits similaires, l'affaire Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga147, et l'affaire Muskhadzhivyeva et autres148 mais encore dans l'arrêt récent Popov contre France du 19 janvier 2012149.

Quant à la durée, la mise en oeuvre d'une mesure provisoire pourrait sembler problématique. En effet, lorsqu'une mesure provisoire est mise en oeuvre, la procédure d'expulsion est suspendue ce qui peut allonger le temps de détention du demandeur d'asile. Ce fut le cas dans l'affaire Gebremedhin. Mais la Cour a décidé que la mise en oeuvre d'une mesure provisoire est en elle-même sans incidence sur la conformité à l'article 5 § 1 de la Convention. Elle a précisé que « le fait que l'application d'une telle mesure empêche provisoirement la poursuite de la procédure d'expulsion au sens du deuxième volet de l'article 5 § 1 f) ne rend pas irrégulière une détention, à condition que les autorités envisagent toujours l'expulsion et que le prolongement de la détention ne soit pas déraisonnable150 ». Une autre réponse aurait été surprenante au regard de l'objet des mesures provisoires qui sont justement

145 Arrêt Saadi précité, § 74 ; Arrêt Gebremedhin [Gaberamadhien] précité, § 74 ; Cour EDH, 5e Sect., 19 janvier 2012, Popov c. France, Req. no 39472/07 et 39474/07.

146Arrêt Chahal précité, § 113 ; Cour EDH, G.C. 19 février 2009, A. et autres c. Royaume-Uni, Req. n° 3455/05, § 164.

147 Arrêt Mubilanzila Mayeke et Kaniki Mitunga précité.

148 Cour EDH, 19 janvier 2010, Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique, Req. n° 41442/07

149 Arrêt Popov précité, §§ 116 à 118.

150 Arrêt Gebremedhin [Gaberamadhien] précité, § 74.

destinées à permettre l'examen de la demande d'asile lorsqu'une mesure d'expulsion a été prononcée.

Par conséquent, la Cour ne revient pas sur l'autorisation d'enfermer les demandeurs d'asile, mais il apparait qu'elle utilise la Convention pour ne pas que cet enfermement soit un obstacle au droit d'asile. Ainsi la Cour considère tout particulièrement la situation des demandeurs d'asile qui sont détenus en raison de leur situation irrégulière, mais elle n'oublie pas de circonstancier encore plus son contrôle en exigeant un enfermement adapté au statut du détenu.

2) Un enfermement adapté au statut du détenu

La Cour contrôle le respect de l'article 5 §1 de la Convention au regard du motif de détention comme on l'a vu, mais également au regard du statut du détenu. En d'autres termes, la Cour tient compte de la personne qui est détenue en elle-même et non pas seulement du fait qu'il s'agit d'un étranger en situation irrégulière.

La vulnérabilité des demandeurs d'asile est spécialement mise en exergue par la Cour européenne qui porte un examen attentif aux affaires les concernant tel qu'on l'a précédemment étudié pour l'article 3 de la Convention. C'est également le cas en matière de droit à la liberté et à la sûreté protégé par l'article 5.

C'est surtout lorsque des enfants mineurs étrangers sont détenus que le contrôle circonstancié du respect de l'article 5 a montré ses vertus.

En effet, les enfants mineurs étrangers font l'objet d'une attention particulière de la part de la Cour européenne. Ainsi, par exemple dans l'arrêt Mubilanzila Mayeke et Kaniki Mitunga contre Belgique du 12 octobre 2006, la mineur Tabitha a été « détenue dans un centre fermé conçu pour des adultes étrangers en séjour illégal, dans les mêmes conditions qu'une personne adulte, lesquelles n'étaient pas adaptées à sa situation d'extrême vulnérabilité liée à son statut de mineure étrangère non accompagnée151 ». Dans ces conditions, la Cour a estimé que le système juridique belge en vigueur à l'époque et tel qu'il a été appliqué en l'espèce n'a pas garanti de manière suffisante le droit de Tabitha à sa liberté protégé par l'article 5 de la Convention. C'est aussi dans l'arrêt Popov que la Cour a souligné l'inadaptation de la détention au statut de mineur migrant, mais comme nous le verrons plus loin, c'est

151 Arrêt Mubilanzila Mayeke et Kaniki Mitunga précité, § 103.

essentiellement sur le terrain de l'article 8 de la Convention que cet arrêt présente un réel intérêt152.

Grâce à une application stricte des articles 13 et 5 § 1 de la Convention, et grâce à des définitions autonomes de plus en plus détaillées des notions qui en ressortent, la Cour parvient ainsi à ériger une protection efficace des droits procéduraux des demandeurs d'asile en empêchant les entraves procédurales à l'examen des demandes d'asile.

On ne peut malheureusement pas dire que ce degré élevé de protection a été également atteint en ce qui concerne la protection des droits substantiels. Celle-ci en est plutôt à son commencement.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera