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Le droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

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par Clémentine PLAGNOL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master II droit communautaire et européen 2012
  

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Paragraphe 2. Une protection imparfaite des droits sociaux des demandeurs d'asile

En comparaison avec les quelques garanties offertes aux demandeurs d'asile, les droits sociaux sont loin d'être pleinement garantis aux demandeurs d'asile. Leur protection apparait assurément comme la plus accessoire. La reconnaissance de ceux-ci au profit des demandeurs d'asile est donc lente (A) mais la Cour y parvient avec parcimonie (B).

A/ La lente reconnaissance des droits sociaux au profit des demandeurs d'asile

Il peut paraitre invraisemblable de parler des droits sociaux au regard de la Convention EDH, traditionnellement consacrée aux droits << de première génération >>, dits << classiques >>. La garantie des droits sociaux révèlerait alors un système de protection abouti, englobant les droits de première mais également de seconde génération. La Convention européenne des

174 Ibid. § 135.

175 Ibid, § 142.

176 Ibid, § 147.

177 A propos de l'arrêt Muskhadzhivyeva et autres précité, dont le grief similaire avait été déclaré irrecevable.

droits de l'Homme a pour objet la défense des droits << fondamentaux178 », ou droits de l'Homme, pris en son sens universel c'est-à-dire en tant que droits de l'humain. Elle ne contient donc pas l'énoncé de droits sociaux. Faut il y voir l'aveu que les droits sociaux ne sont pas considérés comme des droits fondamentaux, universels ?

La définition de ces droits sociaux nous aiderait à répondre à cette interrogation, pourtant celle-ci est fuyante. Pour D. Roman, ils recouvriraient << le droit d'exercer une activité professionnelle et le droit de bénéficier de prestations sociales protectrices palliant les carences du libre jeu du marché179 ». Il s'agit là d'une vision très économique et occidentale de ces droits qu'il parait difficile de concilier avec l'universalité des droits de l'Homme telle qu'ils sont protégés par la Convention EDH. Pourtant, la jurisprudence de la Cour a donné quelques indices de l'intérêt qu'elle tend à accorder à ce sujet. Cet intérêt a été explicité dès 1979 dans l'arrêt Airey 180 où les juges ont consacré ce que F. Sudre a appelé la << perméabilité » de la Convention européenne aux droits sociaux181. Il ne s'agissait pas d'une affaire touchant des étrangers, et encore moins des demandeurs d'asile. Cela parait assez évident au regard de la subsidiarité de ces droits par rapport aux droits de première génération, mais encore au regard du statut particulier de demandeur d'asile qui n'est pas encore admis à la qualité de réfugié c'est-à-dire à une protection égale à celle des nationaux des Etats parties. De plus, cette jurisprudence non spécifique aux étrangers reste extrêmement timide tant la Cour laisse une large place à la marge d'appréciation des Etats dans le domaine social.

Néanmoins, ces droits sociaux laissent transparaitre une dimension universelle si l'on conçoit qu'il s'agit du droit à des conditions de vie décentes, recouvrant par là même tous les aspects de la vie sociale, économiques et non économiques. L'article 3 de la CEDH pourrait alors fonder ce droit à un minimum de conditions sociales pour tous, nationaux et étrangers. Jamais cette possibilité n'a été soulevée avec grand enthousiasme. Seuls certains juges l'ont admis et la doctrine a pu parler de droit à des << moyens de subsistance minimaux ». Il y aurait ainsi, selon certains, une obligation à la charge des Etats de ne pas priver un individu de son droit fondamental à des moyens pour vivre. L'unanimité n'est pas la règle, tant les droits sociaux apparaissent comme périphériques aux yeux de juges déjà en proie à des difficultés

178 V. en ce sens les stipulations très explicites du Traité de Londres, signé le 5 mai 1949 et fondant le Conseil de l'Europe

179 Diane Roman, << Les droits sociaux des immigrants légaux : aspects de droits européens » in L'immigration légale : aspects de droits européens, Bruylant 2011, p. 175.

180 Cour EDH, 9 octobre 1979, Airey c. Irlande, Req. n° 6289/73, § 26.

181 F. Sudre, << La `perméabilité' de la Convention européenne des droits de l'Homme aux droits sociaux », Mélanges J. Mourgeon Bruylant, 1998, pp. 467-478.

pour permettre une protection effective des droits procéduraux et substantiels des demandeurs d'asile tels que ceux protégés par l'article 5 ou 13 mais encore l'article 8 comme on l'a vu précédemment examinés.

Ce ne serait pourtant pas contre l'avis de certains Etats membres comme par exemple le Royaume Uni dont la Chambre des Lords a formulé un avis favorable à la reconnaissance du droit à des moyens de subsistance minimaux à l'égard des demandeurs d'asile souvent les plus délaissés dans le système social182. En effet, les juges britanniques ont estimé que le fait, pour le ministère, de refuser le gîte et le couvert aux demandeurs d'asile n'ayant pas demandé rapidement ce statut à leur arrivée est inhumain et dégradant et ainsi contraire à l'article 3 de la CEDH. En France, les demandeurs d'asile, une fois leur demande formulée, bénéficient légalement d'une protection sociale minimale, et notamment d'un logement. Le Conseil d'Etat a même reconnu, par une ordonnance du 10 février 2012, que l'hébergement d'urgence était au nombre des libertés fondamentales183. La jurisprudence de la Chambre des Lords pourrait donc aisément s'appliquer en France en cas de non respect de cette législation.

La Cour européenne n'a pas entendu s'exprimer aussi franchement. Elle a effectivement émit l'idée que les conditions de vie pouvaient soulever un questionnement sous l'angle de l'article 3 mais uniquement lorsque cela atteindrait un degré de gravité minimal. Et c'est dans cette même jurisprudence qu'elle a préféré se désengager en disant, comme elle pourrait le faire pour le droit d'asile, que la « Convention ne garantit pas, en soi, des droits socioéconomiques, notamment le droit à un logement gratuit, le droit au travail, le droit à l'assistance médicale, ou encore le droit de réclamer une aide pécuniaire à l'Etat pour préserver un certain niveau de vie »184. Certes, mais ça ne signifie pas que les juges ne puissent pas reconnaitre un minimum de protection de ces droits par une interprétation extensive de certains articles. L'article 3 de la Convention interdit les traitements inhumains et dégradants. Or il ne peut être contredit que certaines conditions d'accueil sont telles qu'il peut s'agir d'un traitement inhumain ou dégradant. C'est ce qui ressort de la jurisprudence concernant les demandeurs d'asile.

182 R. c. Secretary of State for the Home Department, ex parte Adam, Limbuela and Tesema, Chambre des Lords, arrêt du 3 novembre 2005, consultable à l'adresse http://www. publications.parliament.uk/pa/ld/ldjudgmt.htm

183 Ordonnance du 10 février 2012, M.A, n°356456.

184 Cour EDH, 28 octobre 1999, Pacenko c. Lettonie, Req. n° Voir aussi Opinion individuelle de M. Cabral Barreto jointe au rapport de la Commission européenne des Droits de l'Homme sur l'affaire CEDH, B.B. c. France, 7 septembre 1998.

C'est en effet récemment avec l'effervescence du droit d'asile en Europe notamment grâce à l'avancée de l'Union européenne en ce domaine que la Cour s'est autorisée à reconnaitre des droits sociaux spécifiques aux demandeurs d'asile mais la spécificité n'est pas toujours un avantage laissant place à une reconnaissance parcimonieuse.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand