WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

( Télécharger le fichier original )
par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II.5. Veritatis Splendor : nouveau dogme sur le mal intrinsèque

II.5.1. Le contexte de publication de veritatis Splendor

Veritatis splendor offre en effet une ample réponse aux questions discutées entre des moralistes qui demeurent inconnus du grand public mais dont l'incidence concrète est considérable. La théologie morale est en crise parce que les principes qui la fondent sont radicalement mis en cause par une nouvelle école qui occupe les chaires des plus grandes universités catholiques, même à Rome. Ses deux grands noms : Joseph Fuchs sj, professeur à la Grégorienne, et Bernard Häring, rédemptoriste de l'Académie Alphonsienne, l'Institut de théologie morale de l'université du Latran. On citera aussi Johannes Grundel, professeur à la Faculté de théologie de Munich, et les jésuites Peter Knauer, de Louvain, Bruno Schuller et Richard McCormick...

Malgré d'inévitables divergences, ces différents auteurs se retrouvent autour de quelques thèses fondamentales.159(*) Nous en exposons ici les trois principaux :

- Existe-t-il une morale chrétienne ?

Tel est le titre d'un livre de J. Fuchs. Oui et non, répond le jésuite, qui coupe la morale catholique en deux parties. Oui quant à ses orientations générales, fondées sur des textes de l'Evangile: la foi, la charité ou l'imitation du Christ. Non, si l'on descend au niveau des comportements quotidiens, des actes concrets et des cas de conscience qui touchent des domaines limités tels que la chasteté, le mariage, la vie sociale ou la justice. L'Ecriture apportant ici peu d'éclairages, ceux-ci relèvent principalement de la raison et donc d'une morale simplement humaine, à caractère universel, même si elle s'inscrit dans un climat chrétien. Conséquence logique de cette séparation : la revendication d'autonomie de la morale vis-à-vis du Magistère.160(*) Car si l'Eglise peut s'exprimer sur les attitudes générales, les nouveaux moralistes contestent son intervention dans les questions éthiques réservées à la raison. D'où le développement depuis Humanæ vitæ d'une théologie du dissentiment, réfutée par Rome notamment par l'Instruction sur La vocation ecclésiale du théologien (24 mai 1990).161(*)

- Subjectivisme et relativisme.

Fascinés par les sciences de l'homme (psychologie, psychanalyse, sociologie) et de la nature (biologie) qui analysent les comportements humains comme des faits extérieurs, la nouvelle école ne se réfère plus à la loi naturelle, fondement de toute morale objective. Seuls comptent les actes personnels s'insérant dans les mouvements collectifs, l'évolution des moeurs, le pluralisme culturel, bref le devenir des choses et non plus l'être stable qui les sous-tend.

La conscience de chacun, influencée par son milieu d'appartenance, applique à la réalité humaine des normes qui ne sont ni obligatoires, ni valables en tous temps et tous lieux, mais sont simplement des aides dont la valeur pédagogique est relative. Fuchs écrit : « Les faits, qu'ils soient sociaux, culturels, techniques ou autres, évoluent. Les expériences de l'homme et des sociétés humaines se modifient du tout au tout, en raison même de l'évolution des faits. Le jugement porté sur les valeurs, la manière de comprendre le sens de la réalité humaine et la conscience de soi peuvent aussi se transformer»162(*). Dès lors, les véritables normes ne sont pas les lois universelles mais les interprétations personnelles. La morale est existentialiste, subjective.

- Tout acte peut devenir bon.

S'il n'y a plus de lois morales universelles, il n'y a plus d'actes intrinsèquement mauvais, indépendamment des intentions et des circonstances, tels que le mensonge, le blasphème ou l'adultère. Ce problème arrive en tête des controverses actuelles. En 1952, Pie XII avait condamné la morale de situation. Nos théologiens, plus audacieux, ont conçu un nouveau système appelé conséquentialisme ou proportionnalisme qui juge les actes par comparaison ou proportion entre les conséquences bonnes ou mauvaises qu'ils produisent. Un acte n'est jamais toujours bon ou mauvais en soi. Pour le qualifier, il faut au préalable envisager l'ensemble des circonstances et tous les effets proches et lointains qui en découleront. Fuchs distingue ainsi l'ordre prémoral ou non-moral de l'ordre moral. Supposons une femme qui envisage de prendre la pilule. La stérilité qui en résultera est un mal prémoral mais l'équilibre du couple qui en dépend est un bien prémoral. Jugeant en toute bonne foi que l'équilibre de son couple est un plus grand bien, la volonté de cette femme va assumer cet acte, passant ainsi au domaine moral. Cette fin justifie ce moyen. Sa bonne intention - réaliser le plus grand bien prémoral - qualifie positivement son acte. Puisque l'équilibre du couple prime sur la stérilité, il y a une raison proportionnée pour recourir à la contraception. Comme il peut y avoir - autres cas - des raisons proportionnées de mentir, d'avorter, de pratiquer l'euthanasie, etc.

Tout type d'acte peut, en raison des intentions, des circonstances et des conséquences, devenir moral. Mais - objectera-t-on - l'évaluation des biens et des maux prémoraux suppose un travail d'analyse qui n'est pas à la portée de n'importe qui. Ce système est fait pour des intellectuels. Réponse des néo-moralistes : la moralité d'un homme ne se mesure pas à la connaissance qu'il peut avoir des circonstances et des conséquences, qui seront toujours incomplètes et limitées. Mais elle dépendra de la qualité de son intention. Et nul autre que lui n'est mieux placé pour déterminer librement ce qu'il doit faire. On a rapproché cette nouvelle théologie morale de l'utilitarisme, qui constitue le substrat de la morale libérale anglo-saxonne. Et il est vrai qu'elle s'accorde avec une conception technicienne de la vie : ce qui est vrai et bon, c'est ce qui marche.

Face à ces thèses, Rome n'est pas restée silencieuse. Veritatis splendor s'inscrit en continuité avec les documents du Magistère touchant les problèmes moraux actuels : l'encyclique Familiaris consortio (1981) sur le mariage, les nombreux discours de Jean-Paul II sur le respect de la vie et les questions médicales et les textes de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur l'euthanasie (1980), l'homosexualité (1986) et la bioéthique (1987). Le Catéchisme de l'Eglise catholique publié en 1992 a intégré toutes ces données et rappelé, contre les néo moralistes, l'existence d'actes intrinsèquement mauvais

* 159 Il convient de noter que pour ce point nous nous inspirons largement de l'ouvrage, La morale catholique (Cerf 1991), du Père Servais Th. Pinckaers, l'un des principaux adversaires des nouveaux moralistes.

* 160 Selon ceux qui soutiennent l'idée de l'autonomie de la morale, la morale constitue un domaine de valeur irréductible. Il n'existe à l'extérieur de la morale aucun point de vue d'où la raison peut nous amener à une juste intelligence de la nature de la vie morale. Cette thèse est développée non seulement contre la perspective hobbésienne, mais aussi contre certains aspects centraux de la pensée kantienne. Au lieu d'une morale de l'autonomie, c'est en effet l'autonomie de la morale qu'il faut embrasser. Une telle conception exige pourtant que l'on abandonne une des plus grandes idéologies philosophiques de notre époque, à savoir l'image naturaliste du monde. Lire, J. FUCHS, Existe-t-il une morale chrétienne ? Paris, Duculot, 1973, p. 42.

* 161 Cfr. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, La vocation ecclésiale du théologien (Donum veritatis), n° 29, La Documentation Catholique, 2010, 15 juillet 1990, p. 698.

* 162 J. FUCHS, Op. cit., p. 210.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein