WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

( Télécharger le fichier original )
par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

IV.3. Perspective d'avenir : La moralité intrinsèque des actes comme chantier de la théologie morale

L'obéissance aux lois civiles, en certains cas au moins, doit faire place, pour le croyant, aux lois de l'Eglise. Que signifie ce décalage ? Un chrétien peut se trouver devant des situations où les lois de l'Eglise elles-mêmes sont impraticables et conduisent au malheur. On connaît des épouses maltraitées, menacées par des époux pervers et qui, contraintes à divorcer, vivent dans la culpabilité une seconde union plus humaine. Combien d'homosexuels courent au suicide parce qu'une certaine morale catholique les condamne ! En Afrique, des épouses de polygames voient leurs vies gâchées parce que leurs époux ne peuvent recevoir le baptême sans qu'elles soient répudiées. Un troisième cas de figure se présente : la conscience chrétienne, souvent, est acculée à prendre des décisions qui ne sont justifiées par aucune loi mais qui manifestent une autre forme de soumission.

En effet, les débats entre subjectivité et objectivité, particularité et universalité, relativité et absolu, liberté et loi, théonomie et autonomie, foi et raison, révèlent un défi lancé à la théologie morale dans notre société moderne : « le défi d'échapper d'une part au sécularisme qui délie valeurs et normes pour ne laisser subsister en éthique publique qu'un sens du convenable à la place du bien et d'autre part au communautarisme incapable de jouer l'universel en morale. »373(*)

La théologie morale contemporaine cherche à être une proposition au service de la vie bonne dans nos sociétés. Mais comment est-il possible de tenir compte à la fois du caractère laïc et pluraliste de la société et d'autre part de la foi comme source originale d'inspiration et d'éclairage pour la vie morale ?

Sachant que la vocation morale est commune à tout homme et que le soupçon des Lumières sur le fait que le christianisme aurait fait son temps pèse à nouveau très fort en morale, comment situer la foi en Dieu par rapport à l'expérience éthique qui est commune à tout homme ? Comment comprendre la spécificité chrétienne de la morale ?374(*)

Pour répondre à cette question, il y a lieu de revisiter de façon critique les trois modèles qui, dans les débats postconciliaires sur la spécificité chrétienne de la morale, ont essayé de rendre compte de la contribution de la foi à l'éthique dans une société post-moderne.375(*)

Le premier modèle est celui de l'éthique autonome: la foi est considérée comme âme de l'engagement dans le monde. Ce modèle reconnaît, à la suite de Vatican II, la légitime autonomie des réalités terrestres. Il peut être décrit comme « une éthique rationnelle informée par la foi. »376(*) Pour l'éthique autonome, « le caractère chrétien de la morale n'était pas à découvrir dans un contenu normatif spécifique, mais plutôt dans le fait que la foi réinscrit les motivations éthiques dans sa propre logique. »377(*) C'est la vie théologale qui inspire l'agir éthique et lui confère une plénitude de sens.

Ce modèle permet de penser l'expérience éthique commune en se référant à une éthique universelle que tout homme peut découvrir par la raison. Il n'y a pas d'exigences éthiques spécifiquement chrétiennes, mais la foi chrétienne motive les prises de parole et les engagements dans les débats de société.378(*)

Les limites de cette éthique autonome sont le risque de compromettre la foi puisque l'éthique chrétienne et l'éthique séculière se rencontrent dans les mêmes exigences éthiques, même si cette rencontre se vérifie avant tout dans une culture encore chrétienne. Toutefois, dans une société post-moderne, où les valeurs et les normes sont détachées de tout fondement, l'apparente unanimité des valeurs recouvre des anthropologies différentes et des normes différentes379(*). Dans un tel contexte, on peut reprocher à ce modèle de faire l'impasse sur ce que la foi chrétienne peut apporter comme contributions dans le débat pluraliste des éthiques. Pour qu'il soit possible, pour la foi chrétienne, de témoigner de la vérité de l'humain, un dépassement de ce modèle est donc nécessaire.

Le deuxième modèle est un modèle attestataire : l'éthique de la foi. Ce modèle se pense dans un contexte moderne et réagit contre le danger de l'auto-sécularisation de l'Eglise du modèle précédent.380(*) Les protagonistes de ce courant, notamment Philippe Delhaye et J. Ratzinger, insistent sur la contribution spécifique de la foi chrétienne capable d'instituer des repères éthiques pour des libertés qui s'engagent à la suite du Christ.381(*)

Pour ce courant, il convient de revenir, contre une rationalisation de l'éthique, aux sources chrétiennes de l'éthique : la pratique liturgique, la méditation des Ecritures, la vie ecclésiale inspirent le sujet jusque dans ses actions. Ainsi, le christianisme ne peut pas disparaître de la scène publique. Il s'agit non seulement de maintenir une identité chrétienne, mais également d'assurer une vision de l'humain non sujette au relativisme. Pour l'éthique de la foi, les grands défis d'aujourd'hui ne sauraient être traités sans l'éclairage des convictions religieuses.382(*)

La critique majeure contre ce modèle est de ne pas se poser la question de savoir s'il y a des sujets construits capables de responsabilité et de discernement. (Cette critique vaut aussi pour l'éthique autonome). Or, le contexte actuel met plutôt en évidence la fragilité des sujets qui doivent apprendre à se construire par eux-mêmes et à se repérer dans le pluralisme ambiant. D'où: si on veut penser la contribution de la foi à l'éthique, il faut prendre en compte les problèmes de la généalogie du sujet moral.383(*)

D'où l'intérêt pour un troisième modèle des rapports entre foi et morale : l'éthique communautarienne de la vertu : la foi comme style de vie. Ce modèle est un modèle confessant et attestataire plus radical que le modèle de l'éthique de la foi.

Comme l'éthique de la foi, ce modèle comprend la vie morale non pas seulement comme la résolution de questions éthiques concrètes, mais comme une question de configuration de l'ensemble de la vie à la suite du Christ.384(*)

Ici, la vie morale est une manière de voir le monde et d'être au monde, ce qui renvoie au façonnement du sujet. Or le façonnement d'un sujet se fait toujours à l'intérieur d'une société, d'une communauté : d'où ce modèle communautarien de l'éthique dont on voit l'intérêt pour le soutien des libertés fragiles de la post-modernité.385(*) L'éthos communautaire chrétien est nécessaire pour former l'identité des chrétiens et pour se positionner face à une pluralité des références éthiques dans la société.

Toutefois ce modèle a aussi des limites : l'oubli que le sujet post-moderne appartient de fait à une pluralité de sphères de vie et jamais à une seule communauté ; d'autre part, le risque de repli identitaire de l'Eglise, alors que l'enjeu de la réflexion sur les rapports foi et éthique est précisément la possibilité de prendre place dans le débat public.

En conclusion, des chantiers sur la place de la théologie morale dans une société laïque et pluraliste sont à poursuivre :

- Tenir à la fois que l'exigence éthique est rationnelle et universelle, mais que cet universel ne peut se vivre qu'au sein d'une particularité. Cela appelle d'une part, à souligner que dans la particularité chrétienne il y a un appel à l'universel et, d'autre part à poursuivre le débat sur le concept de loi naturelle qui est le soubassement des actes intrinsèques.

- Dans une société post-moderne, la constitution d'un sujet moral chrétien et la possibilité d'un agir conforme à l'Evangile font appel à tous les éléments constitutifs d'un éthos chrétien : continuer à penser le rôle des communautés de foi dans la construction des sujets moraux est primordial dans le contexte contemporain.

* 373 G. MEDEVIELLE, « Pluralisme éthique et laïcité en théologie morale », dans Revue de l'Institut catholique de Paris, 91, 2004, p.71-93.

* 374 J. M. AUBERT, Vivre en chrétien au XXe siècle. Tome I Op. cit., p. 225.

* 375 R. COSTE, Théologie de la liberté religieuse. Paris Seuil, 1969, p. 78.

* 376 G. MEDEVIELLE, « art. cit », p. 79.

* 377 Ibidem.

* 378 Cfr. Ibidem.

* 379 Ceci est particulièrement évident dans les questions d'éthique biomédicale de fin de vie : c'est au nom du respect de la dignité humaine que les uns demandent des soins palliatifs et que les autres réclament l'euthanasie.

* 380 G. MEDEVIELLE, « art. cit. », p. 82.

* 381 Cfr. Ibid. p. 84.

* 382 Cfr. Ibidem.

* 383 Cfr. Ibidem.

* 384 . M. AUBERT, Vivre en chrétien au XXe siècle. Tome I Op. cit., p. 98.

* 385 G. MEDEVIELLE, « art. cit. », p. 90.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire