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Surcharge pondérale : représentations

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par Dieudonné N'CHWEKI M.
Université catholique de Louvain ( Belgique) - Licence en sciences de la santé publique [EDUS] 2006
  

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3. Résultats de la recherche

Pour Jean-Marie de Ketele et Xavier Roegier : «quand on a recueilli l'information, il peut être trop tard pour se poser la question : Comment traiter cette information» [De Ketele J-M., et

Roegier X., 1993, p. 217].

La compréhension et l'interprétation des discours nécessitent une analyse rigoureuse, menée avec minutie. La place de l'analyse de contenu est donc de plus en plus grande dans la recherche, parce qu'elle offre la possibilité de traiter de manière méthodique des données et des témoignages qui présentent un certain degré de profondeur ainsi que de complexité comme les entretiens semi-directifs [Quivy R. et Van Campenhoudt L., 1995].

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Comprendre les représentations est sans doute essentiel avant même de tenter de modifier des habitudes

3.1.Présentation et analyse catégorielle des résultats de la recherche

La question que nous nous posons est de savoir au départ, s'il y a des contradictions entre la subjectivité et la rigueur scientifique ! À priori, il nous semblerait que non, puisque la réalité elle-même est une considération conceptuelle et empirique fort complexe : tout le monde vit avec et dans la subjectivité et pour elle.

Le questionnaire et les autres entretiens n'ont pas été mis au «réfrigérateur». Le processus d'analyse étant circulaire, le questionnaire nous retournait sans cesse à nos données brutes qui ont été récoltées pour essayer de mieux appréhender la «vérité», qui sont les comportements à partir des représentations du corps et de l'alimentation.

Nous avons ainsi écouté et réécouté les enregistrements audio, lu et relu les retranscrits, décortiqué les unités de sens [par la déconstruction des données] et isolé les données pour une catégorisation plus élaborée en vue d'interprétation.

Autour des noyaux de sens, treize sous-catégories sont déterminées d'avance [Matr. 4 :] :

o sept pour les représentations du corps [séduction, mécanique, sentiment, communication, identité, la maternité et la virilité].

o six autres pour les représentations de l'alimentation [convivialité, plaisir, identité, organisation, santé et la survie].

Avec nos moyens de bord, tout s'est réalisé dans le respect des règles d'exhaustivité et de l'exclusivité, exigées par une approche qualitative de recherche [Matr. 4 :]. Les données du

questionnaire sur la définition du concept «santé» ont été dépouillées à part, juste à titre indicatif

selon le concept de Claudine Herzlich [Herzlich C., (1969) : Santé-Vide ,
· Santé-Équilibre ,
·

Santé-Fond : Matr. 5 :].

Finalement nos démarches de présentations et d'analyses des données ont consisté à :

:].

- poser les questions de la recherche [ou à présenter son contenu],

- répondre aux questions posées par un ou des extraits des entretiens et

- à résumer les principales idées sous forme des conclusions provisoires [Matr. 6

a) La représentation du corps

Le corps renseigne sur l'homme dans sa totalité. Des études de Marilou Bruchon-Schweitzer ont montré que l'acquisition d'une image de son propre corps est progressive. Elles s'étayent sur des acquisitions multiples non seulement visuelles et kinesthésiques, mais aussi cognitives, affectives et sociales [Bruchon-Schweitzer M., 1990, p.70].

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Les représentations du corps consistent à percevoir le corps comme unique, différent des autres et comme «sien» : ce qui répond aussi à l'appréhension de soi comme «objet» et «sujet» [concept de la dualité du corps].

Les composantes des représentations du corps

De quoi parlons-nous lorsque nous parlons du corps ? Bien sûr, du corps anatomique, de l'ensemble de ses fonctions vitales mais aussi du corps identitaire, de ce qui fait que nous nous reconnaissons et que l'on nous reconnaît, des indices qui rendent possibles cette identité et cette identification.

Le corps est la concrète figuration multifacette qui se manifeste dans ce qu'il a de plus naturel en apparence, à travers :

(1) Corps-séduction : Selon le Petit Larousse, la séduction consiste à plaire par quelques attraits. Beaucoup plus les femmes sont affectées que les hommes par cette dimension du corps [Larousse, 1992].

Il faut remarquer que si l'insatisfaction corporelle est plus prononcée au niveau du torse et des zones les plus exposées à l'excès de poids chez des occidentaux [Cash T. F., et al., 1986, pp.30-44], la situation est tout autre pour les Africains. Pour les données recueillies :

- «c'est à travers mon apparence physique, de l'extérieur que les gens lisent mon intérieur» - «j'essaye de garder un look naturel et authentique, accepté et acceptable par moi et par les

gens. Je fais un effort pour soigner ma tenue vestimentaire et ma coiffure, mes moustaches.

Je n'oublie jamais de brosser mes dents»

- «les collègues apprécient bien mon élégance, ma tenue, surtout quand je mets le gilet»

- «j'ai un sens élémentaire d'organisation en mettant ma confiance dans l'Amour de Dieu.

Tout cela attire l'attention, la confiance des gens sur moi et me considère en juste mesure» - «je trouve les rondes plus coquines, plus espiègles, plus drôle»

- «j'apprécie son charme, sa forme, sa silhouette souvent iconique, comme un bon africain, sa corpulence, sa hanche, ses bourrelets, ses démarches, sa poitrine, sa beauté»

- «si les femmes minces ont toujours tendance à exhiber les parties de leur corps, ce

comportement est par contre assez limité chez les rondes, parce que leurs parties ciblées, (...) sont visibles d'elles-mêmes»

Avoir une grande taille ou avoir une stature imposante par sa grosseur par exemple est culturellement valorisée chez les Africains, alors que le corps petit et mince ou maigre suscite de temps en temps dans cette population le sentiment d'insatisfaction corporelle tant du coté des hommes que des femmes.

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D'autant plus que pour séduire, il faut à tout prix attirer l'attention de la personne à charmer tout en étant en accord avec soi-même [l'essentiel étant de «bien-être, de se sentir dans sa peau même sans mieux-être, c'est-à-dire en rapport avec les normes biomédicales»].

(2) Corps-mécanique : Selon les biologistes, le corps humain est anatomique ou organique ou physique. C'est l'ensemble des fonctions vitales qui est structuré à l'image d'une machine. Il est une unité fonctionnelle dont la structure reste encore un mystère pour les chercheurs.

- «mon corps, (...), est une machine dont personne ne maîtrise les fonctionnements à fond»

- «je me représente mon corps comme un ensemble de systèmes, un regroupement d'organes, comme une voiture qui a besoin des pneus en bon état, de volant, de radiateur, de la boîte à vitesse, du carburant, de l'huile de moteur, du moteur même, etc. pour fonctionner correctement et se comporter convenablement sur la chaussée. Tout y est lié, interconnecté»

- «c'est comme ça que fonctionne mon corps, comme une voiture, un vélo. En tout cas, sans pédales, il est impossible si pas très difficile de rouler à vélo»

- «à chaque fois que je pense à cette condition de vie et cette situation de séjour irrégulier, à ce dossier qui, de toute façon, occupe le centre de ma survie ici en Belgique ; mon appétit s'évapore, je m'affaibli»

Le corps mécanique établit la liaison avec le monde grâce aux informations données par les sens. Mais cette liaison n'étant pas créatrice de savoirs, les sens doivent être réfléchis.

(3) Corps-émotion [sentiment, affection] : Parler de l'émotion, c'est une question à la fois d'humeur, d'affectivité, de sentiment, etc. Si elle définit un mouvement vers l'extérieur, l'émotion comporte à la fois une dimension d'évaluation et d'expressivité du corps.

- «dans l'état actuel des choses, comme vous le voyez, j'ai la morale trop bas, peut-être avec peu de foi»

- «je suis, à cause de ma demande d'asile, soumis aux astreintes, à tel point que je suis devenu même incapable de m'épanouir»

- «j'aspire avoir un corps actif qui n'est pas soumis à la prise quotidienne des médicaments. Je

veux donc bien dormir, bien loger, pas avoir des problèmes de digestion, avoir un moral au Zénith et travailler pour gagner mon pain quotidien et m'occuper de ma famille»

- «je suis à l'aise comme ça et j'en suis fier»

- «j'suis bien comme ça. Le chien aboie et a caravane passe, c'est ça »

- «Je me sens très vulnérable et exposé aux maladies cardio-vasculaires, à la gastrite qui me dérange de fois quand le souci m'envahit trop»

- «ce stress m'apporte la rouille dans les engrainages de mon corps, le rhumatisme, l'incertitude. J'ai perdu toute ma carrure que j'avais au pays»

Les sentiments, comme l'a aussi écrit Pierre Janet [1932], sont des comportements ayant pour but une régulation qui est apportée aux conduites naturelles et aux différentes actions de l'homme. En se construisant sur les affects [l'affect est un terme général qui englobe aussi bien émotion qu'humeur. Une émotion a les propriétés d'une réaction qui est parfois une réponse intense à un stimulus spécifique], les sentiments portent le cachet ou le stigmate de la société.

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(4) Corps-communication : Communiquer veut dire transmettre ou être en relation, être en contact. Évoquée également dans le cours des moyens de communication en éducation pour la santé, la communication est une opération qui a d'un coté l'émetteur et le récepteur de l'autre

[De Smedt Th., 2003].

Nous parlons avec notre corps, mais bien souvent nous n'en sommes pas conscients. Pour les participants, il ressort que :

- «mobali alobaka mingi te, (l'homme ne parle pas trop), même si ma bouche sert à exprimer ce que je pense»

- «quand je suis content, même d'une manière éphémère, comme c'est le cas maintenant, j'ai selon les dires des gens un visage rayonnant : j'ai l'impression de grossir en quelques seconde, je souris, j'éclate même de rire, de fois je saute, je suis hyperactif, je danse, etc.»

- «dans des situations stressantes, si je me rappelle un instant de cette merde de la demande d'asile par exemple, j'ai le visage abattu, j'ai un corps fatigué. Quand j'ai peur ou quand j'suis frustré, j' tremble, je bégaye, j'ai la bouche sèche»

- «par les différents gestes corporels, j'arrive faire passer mes messages aux autres. Par les signes de mains : en pointant ma pousse vers le haut ou vers le bas, je veux dire bon ou mauvais, par le mouvement de la tête : secouer la tête de gauche à droite ou de haut en bas, signifie respectivement le refus et l'acceptation. Quand je me fâche, je bégaye, je transpire, mes yeux deviennent rouges, je respire rapidement, etc. Quand je marche rapidement, cela signifie que je suis pressé. Transpirer en mangeant signifie aussi pour moi avoir un grand appétit, mais aussi la fatigue en travaillant, etc. De même quand il fait chaud ou en cas de la fièvre, je transpire. Quand j'aime, j'embrasse ! Je peux encore me servir des gestes de mon corps pour m'exprimer différemment»

De cette façon, il est plus facile de mentir avec des mots qu'avec le corps. Il faut essayer de relier les émotions aux postures et mouvements du corps.

(5) Corps-identité : En parlant des représentations du corps nous parlons aussi du corps identitaire. Puisque pour les participants, il ressort que :

- «à travers notre corps, et en particulier notre corpulence, passent des significations sociales très profondes. L'une des plus importantes est que la corpulence traduit aux yeux de toute la part de nourriture que l'on s'attribue symboliquement, la part que l'on prend, légitimement ou non, dans le partage de la richesse sociale»

- «dans nos rapports avec l'autrui nous avons toujours tendance à définir une personne à partir de certains traits de personnalité saillant, comme l'apparence physique»

- «que ce soit dans les rapports sociaux et commerciaux ou dans les rapports familiaux, la grosseur s'impose»

- « si ce corps maigre, (mince) est valorisée par les Européens, c'est pas le cas pour moi»

- «je ne me retrouve pas vraiment dans ce corps»

- «les habits que je mets ne donnent plus le sens, le poids à mon corps. Il faut faire des plis et des plis dans les pantalons pour qu'ils tiennent à la taille. Les trous de la ceinture, je les ai même multipliés pour qu'elle tienne à ma taille»

- «la nature a fait que je me retrouve actuellement trop mince, trop léger et je ne me reconnais plus dans ce corps. Ce que je suis actuellement, ce n'est pas moi. C'est le sens à donner à la misère. Impossible d'envoyer une photo au pays avec cette apparence»

- «rares sont les blacks que je croise qui ont une coiffure négligée, la peau sèche, les ongles pourris et qui sont mal fringuées, même avec peu de moyens, il y a des certains soins, toujours, dans l'apparence des femmes noires»

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Ainsi, la construction de l'identité ne se résout plus aujourd'hui en un noyau profond stable et permanent. Puisque, notre société est actuellement en pleine mutation. La culture postmoderne privilégie les signes extérieurs et changeants pour s'identifier et reconnaître les autres.

(6) Corps-maternité : La fonction traditionnelle du corps de la femme est sans doute celle de pouvoir concevoir, porter et donner naissance à un enfant . c'est une fonction de corps nourriciers :

- «dans plusieurs pays africains, être bien en chair signifie être en santé. C'est la preuve qu'on a assez à manger. Les hanches pleines, le bassin large promettent des accouchements faciles et les gros seins, du lait abondant»

- «ces pays où les rondeurs féminines sont souhaitables, sont habituellement des pays où le rôle social de la femme demeure assez traditionnel, c'est-à-dire qu'on s'attend qu'elle enfante et nourrisse la famille»

- «la maternité (...) est toute cette capacité de la femme ronde de pouvoir porter le bébé dans son ventre, d`accoucher, de suffisamment produire du lait pour garantir l'allaitement du bébé, de le faire grandir, de lui montrer les prodiges»

- «La femme naturelle doit avoir suffisamment des réserves pour résister à la grossesse et à assurer un allaitement après accouchement. Et ces réserves pour la femme se traduisent dans ses rondeurs, dans la graisse»

- «toutes les femmes n'ont pas les mêmes caractéristiques physiques en termes d'apparence, de corpulence pour donner un sens clair à la maternité. Pour moi, comme je vous ai déjà dis, la maternité va de la conception à l'accouchement, sans difficulté, et la suite. Pour cela, une femme mince ou svelte comme veut la culture occidentale, court un grand risque de ne pas être capable d'assurer jusqu'au bout ce rôle maternel de la femme»

- «la maternité, la douceur, la tendresse, la capacité de produire suffisamment du lait pour le bébé»

Les gens pensent encore qu'une femme bien faite est celle qui a une hanche bien large et bien enveloppée, celle qui est capable de donner des enfants solides et en bonne santé.

(7) Corps-virilité, [force, sécurité] : Dans le système culturel, d'ici et d'ailleurs, les valeurs qui caractérisent un homme sont la force, la grosseur, la robustesse, la fermeté, la solidité, etc.

- «être gros est aussi pour moi le symbole de la force, de l'autorité, du pouvoir, de la protection, de la virilité, de la prospérité»

- «la forte corpulence pour moi, c'est une caractéristique qui représente la résistance mais elle traduit également, dans une certaine mesure, mon état de santé, mon aisance»

- «pour un Africain ce que nous remarquons, est que les gros ou les obèses sont censés être des responsables, dans la société des chefs de file»

- «ils sont perçus comme étant d'un commerce plus aimable, plus ouverts à la communication et à l'empathie que les mince, les maigres»

- «le fait d'être gros, peu importe les astuces ou les moyens utilisés pour y parvenir est aussi associé à la virilité, à la masculinité, à la maturité, à la force, à la stabilité, à l'aisance, à la beauté»

- «Cette stature de géant me vaut une bonne part de ma réputation de responsable, de la sagesse. Elle représente, mon endurance, ma qualité de résister au froid, aux maladies. Parce que j'ai une grande réserve de l'énergie, de la force pour lutter contre les agressions»

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- «ma corpulence imposante, doublé de ma voie rude, n'ont aucune difficulté à maintenir très vite mon voisinage à distance respectueuse»

- «la forte corpulence est respectée, admirée. Elle symbolise la réussite sociale, tandis qu, la pauvreté est représentée par un homme maigre, mince»

- «pour une africaine, immigrée ou pas, mettant de coté les hypocrisies, avoir un homme gros,

c'est avoir quelqu'un qui n'a pas de souci majeur, qui a tout, qui est intelligent,

responsable»

L'homme se présente et se représente comme un garant, un protecteur de la société.

b) La représentation de l'alimentation

L'aliment n'est pas seulement un combustible nutritif, lié au concept de la santé biomédicale pour subvenir aux besoins biologiques du corps, il est aussi lié d'une manière [très] complexe à la personnalité et au système de croyances de l'individu.

Le contenu de la représentation de l'alimentation

(1) Alimentation-convivialité : Les pratiques alimentaires ont beaucoup d'implications sociales et affectives. Puisque «manger» est un moment de partager le plaisir avec les amis, avec les collègues, entre les copains dans des contextes socioculturels parfois différents.

- «je veux dire qu' en famille, les repas sont servis dans les plateaux et non pas dans les assiettes individuelles comme ici, ce qui sent l'individualisme. C'est une culture communautaire. Je vais vous dire que la convivialité est l'un des moments les plus ardemment socialisés de tout système qui donne au groupe familial son homogénéité et sa dynamique. Oui ! Il faut voir les immigrés africains en dehors du domaine familial pour observer aussi comment l'alimentation et la convivialité de groupe acquièrent tout leur sens»

- «je suis d'une famille très nombreuse de treize enfants, (...). Et chez nous, manger ressemblait à une kermesse. Même si que les menus ne contenaient pas parfois la sauce des tomates avec les cubes magiques»

- «je peux vous dire que bien manger en famille, (...) avec les amis, c'est à la fois manger bon et apprendre à se nourrir, mais aussi éprouver du plaisir de se réunir autour d'une table et jouir de toutes les possibilités que nous offre la nature, l'environnement»

- «l'alimentation renforce l'harmonie de mon corps, dans ma relation avec mon environnement, de ma santé. (...) mon alimentation n'est pas seulement l'affaire de remplir mon estomac, mais de tout ce qui va avec..., toutes ces forces électriques, socioculturelles»

(2) Alimentation-Plaisir : La dimension hédonique est une des motivations majeures dans les pratiques alimentaires. Les gens décident de consommer l'aliment qui leur procure le plus haut degré de satisfaction même si parfois cette décision pourrait nuire à leur santé :

- «manger, c'est du plaisir, c'est la satisfaction, c'est la jouissance, c'est la santé, c'est la vie» - «je vous assure que je mangeais à la maison avec un grand appétit et plaisir. Je n'ai jamais

ressenti ce même goût et ce plaisir de manger depuis que je suis ici en Europe, où le stress et

la solitude me malmènent. Vous savez que ce n'est pas facile pour moi de manger seul»

- «malheureusement, le maintien d'une tradition alimentaire spécifique chez les immigrés africains dans leurs milieux de résidence n'est pas toujours facile à persévérer et dépend entre autre des facilités d'approvisionnement alimentaire»

- «manger peut conduire le corps à l'état d'alerte et sur le chemin de la destruction voire de la mort»

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- «pour vous dire, je ne peux pas me passer du riz. Je suis prêt à manger du riz, du 1er au 31. J'aime bien manger mon riz accompagné du «pondu» bien préparé avec de l'huile de palme et bien pimenté. Pour moi ce menu est à considérer comme le secret du plaisir de manger»

- «l'huile sert à donner le goût à l'aliment et augmenter le plaisir de manger»

- «quand je mange ce que j'aime, comme je veux et quand je veux, je me retrouve sur les nuages et j'éprouve un grand plaisir, une extase d'appétit, un sentiment de bien-être dans mon corps, dans ma tête, dans mes relations avec les autres, dans mon esprit»

- «C'est là où se situent, où se resserrent tous les noeuds et les sens du manger pour nous les immigrés africains. Dans ces conditions; c'est très difficile de penser aux bons aliments, à manger équilibré, à être bien avec son alimentation»

(3) Alimentation-identité : Les pratiques alimentaires sont la réponse à un besoin physiologique, psychologique et morale. C'est-à-dire que le contenu de l'assiette justifie aussi l'appartenance à un ordre social, à des habitudes, à des cultures dans lesquels l'individu se reconnaît et qui le distingue des autres. Selon les participants :

- «ce plaisir de manger me permet de me rattacher à ma source».

- «les gens incorporent des aliments qui vont construire leur identité, selon une notification qui s'effectue en référence aux systèmes de la représentation que chaque groupe a élaboré»

- «chaque personne, chaque société, chaque communauté, chaque groupe humain, chacun réfléchit sur sa manière de manger et sur ce qu'il mange»

- «derrière mon alimentation, il y a quelque chose de sacré qui est transmis»

- «dans mon alimentation, je vois mon intérêt de pouvoir maintenir mon identité, maintenir aussi une certaine altérité, la différence et surtout respecter mon appartenance au groupe et au clan auquel j'appartiens».

- «en parlant des déterminants sociaux et culturels de mon alimentation, je fais allusion à la logique d'identité, des règles communes»

- «l'immigration m'a permis d'introduire de nouveaux éléments dans mon alimentation, par exemple le remplacement de la farine de manioc par le féculent de pomme de terre pour avoir le goût du foufou»

- «j'ai du mal à pouvoir donner du sens, à resacraliser mon alimentation, à lui redonner une importance particulière»

- «je vous ai dit dès le départ que chaque aliment a une histoire socioculturelle. Et mon alimentation est inscrite aussi dans cette logique»

(4) Alimentation-organisation : Il faut se déplacer, faire des courses, choisir, conditionner les aliments [le stockage], préparer les repas, les servir à table et enfin les ingérer.

Pour les participants :

- «manger n'est pas uniquement la maîtrise du chemin de l'assiette, du plateau ou du pot à la bouche, mais aussi chercher, trouver, conditionner, préparer, conserver, servir et ingérer»

- «pour avoir de quoi mettre sous la dent ou à boire, etc., je dois aller chercher à la source, au champ. Namokili oyo, bilanga na biso ezali zando. Nde soki ozangi mbongo ! Mobulu ko ! (dans ce monde, notre champ, notre champ est le marché. Et si on n'a pas d'argent ! C'est le trouble, quoi !). Et pour nous les «sans papiers», l'application de l'article-15 : «Débrouillez-vous» pour survivre. C'est ainsi que je prends parfois des risques, parce que je dois survive, je dois au moins manger et boire de l'eau. Comme tout s'achète, je fais les travaux au «noir» c'est-à-dire non déclaré officiellement. À cause de cette situation de l'irrégularité, je suis souvent pris dans les pièges des escrocs. Mais que faire ? Je dois survivre après tout... C'est la loi de la jungle»

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- «les fruits, je les mange quand je n'ai pas autres choses à manger ou en attendant que le plat principal soit prêt. C'est surtout la banane mure que je préfère de temps en temps manger. (...). Les fruits coûtent chers pour moi et ils ne satisfont pas aux besoins primaires. Je préfère encore prendre du café ou rien du tout et attendre le vrai repas»

- «je n'ai pas un programme fixe de travail pour bien organiser mon alimentation. Je fais avec, parce qu'il arrive de fois que je travaille pratiquement toute la nuit, de 20h00 à 02h00 du matin... Et quand je rentre, je n'ai pas souvent le temps de préparer à manger comme je le souhaite vraiment ! Je manque du temps pour me préparer le plat que j'aime et que je veux, manger comme j'aime et comme je veux»

- «dans ces conditions, je me contente de ce qu'il y a, je mange du «kebab», du pain ou des frites contre ma propre volonté, et la survie continue»

- «je m'approvisionne principalement à Aldi-supermerkt, au LIDL-supertmarkt car les prix sont plus ou moins abordables pour moi. De fois au GB, Delhaize»

- «comme mon frigo ne fonctionne pas correctement, je n'ai pas la possibilité de conserver les repas préparés. J'essaye de préparer une quantité dont je saurai manger une bonne partie, surtout en ce moment où la température à l'intérieur est élevée»

La désorganisation dans son système alimentaire peut avoir des conséquences néfastes sur la santé individuelle ou collective car les gens se culpabilisent ou vivent parfois les situations incohérentes entre ce qu'ils veulent et ce que leurs corps veulent.

(5) Alimentation-santé : Une alimentation équilibrée et variée constitue le fondement du bien-être et du mieux-être physique, psychique et social de la santé globale :

- «dans le cas normal, idéal, le manger me donne la force de glorifier mon Dieu, même si le pain ne suffit pas pour bien vivre. Vous serez d'accord avec moi que se priver sciemment de bien manger, n'est pas différent du suicide. Mais trop manger l'est également. Pour moi, ce suicide va à l'encontre du commandement de Dieu, celui de sauver s vie, sa santé»

- «mon alimentation est ma santé, c'est ma vie»

- «sans manger, il n'y a pas de vie»

- «(...) ma santé, c'est ma vie et ma vie c'est ma santé. Et pour vivre, je suis obligé de manger et en principe de bien manger»

- «à savoir, ma santé, mon alimentation et ma vie font Un. Je crois en ce que je dis» !

- «ma santé et mon alimentation font «Un», je le répète, mais, je mange pas ce que je veux, comme je veux. Réellement, je souffre atrocement au fond de moi-même»

Tout organisme vivant doit bien et mieux se nourrir pour satisfaire à ses besoins de santé car, lorsqu'on est en bonne santé contextuelle on a l'appétit et on mange.

(6) Alimentation-survie : L'alimentation est une condition indispensable à la persistance, au bien-être et au mieux-être de l'organisme vivant. Les pratiques alimentaires sont donc un besoin fondamental, un besoin vital pour mieux dire, dont l'individu ne peut se passer :

- «les aliments pour moi, c'est un ensemble d'éléments qui me permettent de maintenir et

d'assurer ma santé, ma survie (...) Sans ces aliments, mon organisme, mon corps ne peut plus fonctionner. C'est une chose indispensable pour survivre, pour être en santé»

-

«je m'approvisionne très difficilement en ce que j'aime manger et boire. Je mange au taux du

jour, pour survivre et sans prévision»

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Comprendre les représentations est sans doute essentiel avant même de tenter de modifier des habitudes

- «je ne mange pas ici par appétit, quelque fois oui, mais surtout pour survivre. Il y a trop de stress.... Mon actuelle condition de vie ne me permet pas ce kermesse de manger «na goût», «na plaisir» (manger avec appétit et avec plaisir) par rapport à ce que je vivais chez moi en famille»

- «je ne vis pas, mais je survis. (...) ! Pour le moment, je mange pour survivre, bien sûr. Je dirai d'ailleurs que je mange réellement pour survivre et faire fonctionner au minimum les organes de mon corps, comme une machine survivante, etc.»

- «non, ce temps est révolu, je ne suis pas esclave de la nourriture, mais je mange pour vivre, survivre».

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote