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Etude des conséquences immédiates et à  terme des phénomènes associés à  un événement El Nino


par Florent Demoraes
Université de Savoie - DEA Interface Nature / Sociétés 1999
  

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C / - Discussion et hypothèses

L'objectif de ce paragraphe est de commenter et de compléter l'étude des

conséquences en apportant d'autres éléments d'analyse. Bien des aspects sont à prendre en

considération tant les implications des phénomènes physiques induits par El Niño sur les

structures sociétales sont complexes à appréhender.

La tendance à la hausse concernant les sinistres enregistrés est-elle due à

l'augmentation observée de l'intensité et de la fréquence des événements ENOA (cf. première

partie) ou à la médiatisation sans cesse grandissante des catastrophes ou encore repose-t-elle

sur un accroissement de la vulnérabilité des populations depuis ces vingt dernières années ?

1 / - Une augmentation de la vulnérabilité ?

Si effectivement l'augmentation de la magnitude et de la récurrence des épisodes El

Niño contribue à accroître le nombre de catastrophes et les pertes qui leur sont attribuables,

cette première hypothèse à elle seule ne suffit pas à expliquer l'accentuation des constats

d'endommagement. La meilleure connaissance des aléas associés, et leur recensement plus

exhaustif concourent aussi à leur plus grande divulgation. En d'autres termes, la médiatisation

accrue de ces phénomènes peut donner aux populations l'impression que leur nombre

augmente même si ce n'est pas forcément le cas. Enfin, la troisième hypothèse, c'est à dire

l'accroissement de la vulnérabilité des groupes sociétaux, peut compléter ces deux premières

explications.

a / - Les facteurs socio-économiques de vulnérabilité

Une réflexion serait à mener sur divers indices socio-économiques. On pourrait par

exemple essayer de coupler des données telles que l'IDH88, les densités de population, les

taux de croissance démographique annuelle, les taux de croissance urbaine, les taux

d'urbanisation, etc. ... en vue de déterminer des indices de vulnérabilité à l'échelon national

dont on pourrait établir une représentation cartographique comparative 1982/98 qui

permettrait de faire ressortir si effectivement la prédisposition des communautés humaines à

être vulnérables s'est accentuée au cours des deux dernières décennies.

L'IDH par exemple, intègre des renseignements relatifs au PIB par habitant, au taux

d'alphabétisation et à l'espérance de vie. Le PIB par habitant évalue la richesse des individus.

A partir de cette donnée, on va plus ou moins être en mesure d'estimer le niveau d'accès à

l'éducation des populations. Dans les sociétés défavorisées, la nécessité de travailler pour se

nourrir prime bien souvent sur celle de s'instruire. Grâce à la valeur du PIB par habitant, on

va pouvoir aussi avoir une idée du niveau d'accès aux soins. Ces derniers représentent un coût

qui ne peut pas toujours être assumé. De même, plus le niveau de vie est bas, plus l'habitat est

susceptible d'être précaire et insalubre. Le taux d'alphabétisation indique quant à lui le

pourcentage de la population qui a accès à l'information écrite. L'espérance de vie révèle les

88 Indice de Développement Humain (intègre le PIB par habitant, le taux d'alphabétisation, l'espérance de vie)

53

conditions d'existence d'une société dans un pays et fait référence à toute une série de

paramètres (alimentation, accès aux soins, temps et effort consacrés au travail).

Les taux d'urbanisation (sans cesse plus élevés en Amérique du Sud) renseignent sur

la proportion de la population qui se trouve à proximité des établissements de santé tels que

les hôpitaux, plus nombreux en ville. Les densités de population (valeurs qui croissent

également rapidement) donnent une idée dans un secteur donné du nombre d'habitants

présents qui lors d'une manifestation El Niño est susceptible d'être confronté aux aléas

physiques induits et d'enregistrer des pertes.

Compte tenu du fait que les entités urbaines dans les pays latino-américains se

présentent de plus en plus sous l'aspect de gigantesques agglomérations et qu'elles ont depuis

longtemps dépassé leur site originel, il existe de plus en plus dans ces villes une ceinture de

quartiers périphériques établie dans des secteurs déboisés, en pente, et donc sensibles aux

glissements de terrain ou dans les lits majeurs des cours d'eau. Le taux de croissance urbaine

permet d'évaluer l'extension de l'urbanisation notamment en zone à risques.

Ces critères au niveau national nous donne un aperçu global de la situation mais une

étude plus approfondie au niveau provincial voire local permettrait de se rendre compte avec

plus d'exactitude si effectivement la susceptibilité des populations d'être affectées par les

phénomènes physiques s'est accrue au cours des vingt dernières années en période El Niño.

A l'intérieur d'un pays, on distingue des disparités en terme de vulnérabilité. On

constate que ce sont la plupart du temps les populations les plus démunies qui sont les plus

sévèrement affectées par les phénomènes menaçants, et ce pour plusieurs raisons. Cette

thématique est analysée en particulier dans l'article de Jorge García89. Brièvement, on peut

mentionner les éléments suivants.

Les logements précaires ne résistent pas aux fortes pluies ni aux vents violents qui

surviennent en période ENOA (destruction des murs en pisé, toits arrachés, etc. ...).

L'insalubrité des quartiers défavorisés privilégie le développement épidémiologique. Le bas

niveau de vie ne permet pas aux habitants de ces quartiers d'avoir accès aux soins car ils

représentent un coût, même si les centres de santé se situent à proximité. La localisation de

l'habitat précaire dans des secteurs à risque va être à l'origine de pertes significatives compte

tenu des inondations et des glissements de terrain plus fréquents lors des événements El Niño.

De même, le faible taux d'alphabétisation constitue un handicap notamment pour divulguer

les programmes d'information et de prévention. La difficulté d'accès à ces quartiers rend très

problématique l'intervention des secours, etc. ...

Ces différents paramètres socio-économiques prédéterminent donc des conditions de

vulnérabilité. Mais aucun indice rend compte à lui seul du degré de vulnérabilité des divers

groupes sociétaux. C'est plutôt une analyse croisée de ces divers critères qui permet au final

d'évaluer l'augmentation de la propension générale des communautés humaines à être

sinistrées. La question qui se pose est de savoir s'il existe des statistiques qui autorisent une

représentation des conditions de vulnérabilité au niveau provincial aux deux dates qui

permettraient de mettre en évidence cet accroissement ? Cette thématique constitue également

une directive de recherche future.

89 García J., 1985, Los desastres afectan más a los pobres

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b / - Les facteurs de vulnérabilité attribuables aux actions de l'homme

L'implication d'actions anthropiques, en contribuant à modifier les modalités d'action

des processus aléatoires naturels, ne tend-elle pas fréquemment à accentuer le risque initial ?

L'anthropisation des milieux se généralise progressivement à l'ensemble des territoires

considérés. Or les aménagements, les infrastructures humaines influent sur les dynamiques

morphologiques du cadre physique.

Raúl Egas A.90 mentionne dans un article traitant des inondations dans le bassin

versant inférieur du Guayas en Equateur qu'en milieu rural les routes, les ouvrages destinés à

l'agriculture (murs de soutènement, drains, etc. ...) et les aménagements de piscines pour

l'aquaculture perturbent l'écoulement des eaux notamment lors des fortes pluies associées aux

épisodes El Niño. «... El poco técnico diseño de la vías, con frecuencia, es el agravante del

problema al bloquear escurrimientos y en consecuencia las vías se convirtieron en cauces para

las correntadas. Las vías destrozadas no sólo entorpecen el transporte sino lo encarecen,

desgastan los vehículos, retardan la velocidad de circulación. (...) Hay que notar que

igualmente aquí obras particulares destinadas al drenaje del exceso de agua de predios se han

construido muchas veces, sin un criterio técnico adecuado ni una visión regional,

solucionando problemas particulares de un predio pero agravando al general. (...) Los muros

de las piscinas constituyen, en muchos casos, verdaderos obstáculos al drenaje natural,

además de la preoccupación del impacto que ocasiona sin duda el crecimiento explosivo sobre

el eco-sistema del manglar y los estuarios».

Dans les agglomérations, compte tenu de la croissance démographique, il y a un

besoin sans cesse grandissant d'espaces habitables. Les quebradas91 sont alors très

fréquemment remblayées ce qui modifie l'écoulement des eaux. Il est courant que des

quebradas comblées de matériaux et urbanisées soient sujettes à des glissements de terrain

généralisés lors des fortes précipitations attribuables à El Niño.

Par ailleurs, n'observe-t-on pas également de nouvelles conditions de vulnérabilité

post-crises imputables à des projets d'aménagements non adaptés qui ne réduisent pas

forcément le risque et qui procurent aux populations un sentiment illusoire de sécurité les

rendant d'autant plus vulnérables ? A titre d'exemple, certains ouvrages tels que les

endiguements conçus pour contenir les débits en cas de crues, fréquentes en période El Niño,

vont permettre d'éviter la généralisation des inondations. Mais, l'aménagement est efficace

jusqu'à une certaine limite. Si les précipitations perdurent pendant plusieurs mois et que les

débits deviennent considérables, la digue ne permettra plus de retenir toutes les eaux. De plus,

il arrive qu'elle se rompe. Des inondations peuvent alors se répandre dans des secteurs que

l'on croyait sûrs et que l'on avait laissé s'urbaniser prenant au dépourvu des communautés

humaines entières.

Enfin, c'est aussi le manque d'action qui, dans certains cas, peut concourir à

augmenter le risque. La déstabilisation des formations superficielles pendant les phases

ENOA à l'origine des mouvements en masse représente un danger si rien n'est entrepris les

années qui suivent. En effet, ces secteurs restent instables et peuvent se remettre à fluer même

avec des hauteurs de pluies faibles au cours des années ultérieures.

90 EGAS R., 1985, Ecuador: inundaciones de 1982-1983 en la cuenca baja del Guayas

91 Ravines, ravineaux

55

c / - les facteurs comportementaux de vulnérabilité :

La corruption contribue aussi à accroître la vulnérabilité des sociétés. Mentionnons

succinctement le cas suivant. On constate très souvent que les fonds débloqués pour la

réalisation d'aménagement visant à réduire une menace sont fréquemment en partie détournés

ce qui entraîne deux conséquences. D'une part, l'ouvrage risque d'être mal conçu et donc

d'être moins efficace, et d'autre part, la zone qu'il devait initialement protéger risque d'être

réduite. En guise d'illustration, l'enrochement construit à Montañita dans le canton de Santa

Elena sur la côte de l'Equateur pour juguler les assauts de la mer, ne protège pas la totalité du

village comme cela était initialement prévu. Une grande partie des pierres a servi à construire

un endiguement pour prémunir la propriété d'un notable de Guayaquil contre les

inondations...

Même si ce fléau n'est pas nouveau, il n'en reste pas moins très problématique

notamment pour la sécurité des individus et de leurs établissements.

d / - Les facteurs institutionnels et politiques de vulnérabilité

Dans de nombreux pays andins, il existe une rivalité au niveau national entre les deux

ou trois plus grandes agglomérations ou entre les villes et les espaces ruraux. Il est fréquent

que les provinces rurales et la seconde ville du pays soient délaissées aux dépens de la

capitale institutionnelle et administrative. Les fonds publics reviennent en grande majorité à

l'entité urbaine principale. Les zones rurales n'ont donc pas les moyens d'entreprendre ni des

mesures de minimisation des risques, ni des programmes de prévention et d'information ce

qui les rend particulièrement démunies et vulnérables lors de l'avènement d'aléas physiques

extrêmes associés aux événements El Niño.

Par ailleurs, Claude de Miras souligne dans un article du Bulletin de l'IFEA92 : «Mais

dans l'approche physique, la prise en compte indispensable des comportements humains face

aux risques, ne revient-elle pas à juxtaposer une population plus ou moins sensible aux

dangers encourus et une administration plus ou moins efficace ? Une approche institutionnelle

devrait pleinement prendre en compte le facteur spécifique que constituent les pouvoirs

publics pour définir une politique de prévention qui soit en phase, non pas avec un idéal

technique inaccessible en particulier dans les sociétés en développement, mais avec un

optimum social»

Jusqu'à présent nous nous sommes essentiellement intéressés aux phénomènes à

l'origine des pertes enregistrées par les communautés humaines, à l'augmentation des constats

d'endommagements et aux raisons qui permettent d'expliquer cet accroissement. Toutefois,

les manifestations des épisodes El Niño n'entraînent pas uniquement des conséquences

négatives sur les enjeux humains.

92 DE MIRAS C., 1996, Risques naturels : de la géophysique à l'approche institutionnelle, Bull. Inst. Fr. Et.

And., 1996, Tome 25, No 3, pp 603-614.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard