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Thomas Sankara et la condition féminine: un discours révolutionnaire?

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par Poussi SAWADOGO
Université de Ouagadougou - Maà®trise sciences et techniques de l'information et de la communication 1999
  

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1.2 LES ARGUMENTS.

Dans ses discours Thomas Sankara fait usage de multiples arguments d'ordre socioculturel, idéologique et politique

1.2.1. Les arguments socioculturels

Le président du CNR tient à définir son propos avant de faire l'état des lieux et de proposer des solutions.

Si la libération de la femme s'impose comme « une exigence du futur », Sankara précise que l'émancipation n'est pas une égalité mécanique entre l'homme et la femme. Elle s'oppose à l'adoption d'habitudes masculines comme celle de boire et fumer. L'acquisition de diplômes par les femmes ne les conduit pas automatiquement au faîte de l'émancipation111(*) Le véritable émancipation est celle qui rend la femme digne, responsable et actrice d'un changement qualitatif social. Parler de guerre de sexes, selon Sankara, dénote d'une mauvaise interprétation du féminisme. « (...) il s'agit d'une guerre de clans et de classes à mener ensemble dans la complémentarité »112(*), affirme -t-il. Seul le comportement des hommes a provoqué ce contre sens :« (...) il faut admettre que c'est bien l'attitude des hommes qui rend possible une telle oblitération des significations et autorise par-là toutes les audaces sémantiques du féminisme (...) 113(*)».

Sankara est amené à affirmer que les mots ne sont pas innocents, qu'ils traduisent une mentalité, un état d'esprit. La lutte des femmes contre le machisme se veut un juste combat. La situation lamentable que connaissent les femmes dans la société, est inhérente à la prise du pouvoir par les hommes. Le machisme a fait de la femme un être à tout faire. La femme constitue un tiers monde brimé à côté de l'homme et de l'enfant. Occupant le troisième rang dans la société, la femme est exclue par les lois dans les domaines de l'emploi, de la liberté individuelle et de l'éducation. Elle subit l'exploitation de classes et celle de sexes. Selon Sankara, l'homme, le souverain et le maître, égoïste et paresseux, s'illustre en fin stratège pour s'accaparer du plus grand profit, sans le moindre effort, dans la division des tâches selon le sexe. Sankara condamne la théologie et la philosophie pour leurs préjugés anti-féministes. En effet, la genèse ne refuse-t-elle pas une essence à la femme ? La femme contrairement à l'homme, n'est pas à l'image de Dieu. Quant à Platon, il doute du genre de la femme : animal ou humain. Aristote est clair dans son affirmation, les femmes sont des « monstres ». Le leader de la révolution burkinabé s'oppose à ces penseurs et reconnaît une humanité à la femme. Il déplore le type d'éducation dispensée à la fille qui fait d'elle une éternelle esclave. « A la futur femme, la société, comme un seul homme et c'est bien là le lieu de le dire assène, inculque des normes sans issue. Des corsets psychiques appelés vertus créent en elle un esprit d'aliénation personnelle, développent dans cette enfant la préoccupation et la prédisposition aux alliances. »114(*) Les pratiques traditionnelles contribuent à consolider cette situation : « Les rites et les obligations de soumission aidant, nos soeurs grandissent, de plus en plus exploitées (...) »115(*). Sankara soutient que les défauts qui sont dans les femmes viennent de l'éducation : un conditionnement à la soumission, à la dépendance éternelle. Malgré l'importance de la femme dans la société, elle est réifiée :

« femme-source de vie mais femme-objet. Mère mais servile domestique. Femme nourricière mais femme-alibi. Taillable aux champs et corvéable au ménage, cependant figurante sans visage et sans voix. Femme-charnière, femme-confluent mais femme en chaîne, femme-ombre à l'ombre masculine. »116(*)

Dans ce discours d'un balancement rythmique exemplaire épousant l'antithèse, Sankara oppose deux réalités, la femme essentielle au bon fonctionnement de la société dans son rôle de reproductrice, de pivot central dans la structure sociale et la femme niée, chosifiée, rendue à l'état d'ombre. Le caractère poétique de ces créations de mots autour du terme femme, tels que femme source de vie, femme-alibi, femme-charnière, femme-ombre ne saurait recouvrir d'un voile pudique la dénonciation politique faite par Sankara.

La femme ne dispose même pas de son corps. Contrainte par la maternité et par les formes esthétiques, la femme est incapable de se réaliser et de se « forger une musculature dite d'homme »117(*). Sankara doute de l'intérêt des canons de coquetterie que la société impose aux femmes. C'est le cas de l'excision, des scarifications, des taillages de dents, des perforations de lèvres qui portent préjudice à l'intégrité physique de celle-ci.

La femme subit durement l'oppression des traditions. La fille-mère est méprisée. La femme stérile est accusée. L'excision fait des ravages. La femme est victime de l'émigration masculine qui la tient dans la solitude, si ce n'est dans le célibat.

Sankara, dans un même élan, condamne l'homme, plus ou moins progressiste, qui s'adonne à l'adultère en fréquentant des prostituées. Son salaire est destiné à l'entretien de ses maîtresses. Il est heureux d'avoir abusé des femmes et tient des propos dévalorisant sur elles : « bassement matérialistes, menteuses, cancanières, intrigantes, jalouses. »118(*)

Selon le leader révolutionnaire, à l'inconséquence masculine la femme répond par une autre aliénation faite d'infidélités et de propos mesquins. « Les reportages, les papotages, les jeux de ferrailles, les regards obliques et envieux suivis de médisance sur la coquetterie des autres et leur vie privée »119(*) Elles se plongent dans la futilité et l'oubli qui apparaissent comme des armes contre une souffrance multiforme. L'oubli devient un « antidote à la peine, une atténuation des rigueurs de l'existence, une protection vitale »120(*) Sankara précise : « Les mêmes attitudes se retrouvent chez les mâles placés dans les mêmes conditions »121(*) c'est dire que les mêmes causes entraineraient les mêmes effets. Il ne s'agit donc pas de nature féminine, mais bien d'un déterminisme social qui mène la femme à adopter certaines attitudes.

Sankara appelle à l'instauration d'une société nouvelle dans laquelle les hommes et les femmes jouiront des mêmes droits sociaux. « Modifier en profondeur l'image qu'ils se font d'eux-mêmes » doit être la voie pour définir les nouveaux rapports entre les hommes et les femmes. Le triomphe du règne de la liberté et de l'égalité, la fin de « tous les systèmes d'hypocrisie qui consolident l'exploitation cynique de la femme »122(*), l'abolition du système d'esclavage que subit la femme ne peuvent être atteints sans le bouleversement des relations de pouvoir entre l'homme et la femme. Conscient que les femmes constituent 52% de la population, Thomas Sankara soupire : « que jamais mes yeux ne voient une société, que jamais mes pas ne me transportent dans une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence »123(*).

Il constate néanmoins que la transformation des mentalités est en marche. Les femmes ont adopté un nouveau langage et dénoncent leurs ennemis : le mâle, la culture impérialiste et la féodalité. Elles sont « prêtes maintenant à se libérer »124(*) et affûtent leurs armes pour le combat décisif.

* 111 GAKUNZI(D), op. cit., p 64.

* 112) GAKUNZI(D), op. cit., p. 226.

* 113 GAKUNZI (D),op. cit.,. pp. 226-227

* 114 GAKUNZI (D), op. cit., p 230

* 115 Ibid, p 230

* 116 GAKUNZI(D), op. cit, p 231

* 117 GAKUNZI (D), op. cit., p. 233.

* 118 GAKUNZI (D), op. cit., p. 228.

* 119 GAKUNZI (D), op. cit., p. 228.

* 120 GAKUNZI (D), op. cit., p. 222.

* 121 GAKUNZI (D), op. cit., p. 228.

* 122 GAKUNZI (D), op. cit., p. 222.

* 123 GAKUNZI(D) op. cit., p 245.

* 124 GAKUNZI (D), op. cit., p. 116.

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