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Thomas Sankara et la condition féminine: un discours révolutionnaire?

( Télécharger le fichier original )
par Poussi SAWADOGO
Université de Ouagadougou - Maà®trise sciences et techniques de l'information et de la communication 1999
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE OUAGADOUGOU

--------------------------

FACULTÉ DES LANGUES, DES LETTRES, DES ARTS,
DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES

--------------------------

DÉPARTEMENT DES ARTS ET COMMUNICATION

THEME : THOMAS SANKARA ET LA CONDITION FEMININE : UNE VISION RÉVOLUTIONNAIRE ?

MÉMOIRE DE MAÎTRISE EN SCIENCES ET TECHNIQUES DE
L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

PRÉSENTÉ PAR : SAWADOGO POUSSI

ANNÉE UNIVERSITAIRE : 1998-1999

SOUS LA DIRECTION DE :
MADAME HUGUETTE KRIEF

MAÎTRE DE CONFÉRENCE

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES 1

DEDICACE 3

REMERCIEMENTS 4

AVANT-PROPOS 5

INTRODUCTION 6

PREMIERE PARTIE :

LE STATUT DE LA FEMME AU BURKINA FASO : DE LA SOCIETE PRECOLONIALE A LA REVOLUTION SANKARISTE. 14

CHAPITRE I : STATUT FEMININ
DANS L'HISTOIRE DE LA HAUTE VOLTA
15

1.1 Femme Burkinabé et société précoloniale 15

1.2 Femme Burkinabé et société coloniale. 18

1.3 Femme Burkinabé et société post- coloniale 19

CHAPITRE II : RÉVOLUTION SANKARISTE ET STATUT DE LA FEMME 21

2.1 L'éducation de la femme 21

2. 2 La femme dans le secteur socio-économique 24

2. 3 Le rôle politique de la femme 26

DEUXIEME PARTIE II : LES DISCOURS DE SANKARA

CHAPITRE I : AUX SOURCES DU DISCOURS FÉMINISTE DE SANKARA 30

1.1 La Révolution française 30

1.2 Le Marxisme - Léninisme 32

1.3 Les collaborateurs de Sankara 35

CHAPITRE II : DISCOURS ET ÉCHO MÉDIATIQUE 37

2.1. Contexte historique et discours féministe de sankara 37

2.2. Echo médiatique 38

TROISIEME PARTIE : L'ARGUMENTATION SANKARISTE

CHAPITRE I. LES MODALITÉS DE L'ARGUMENTATION 42

1.1 Les habiletés rhétoriques 43

1.2 Les arguments. 48

1.2.1 Les arguments socioculturels 48

1.2.2 Les arguments idéologiques. 51

1.2.3 Les arguments politiques 53

CHAPITRE II : LE DISCOURS FÉMINISTE. 55

2.1. L'image de la femme dans le discours sankariste. 55

2.1.1 La femme victime 56

2.1.2 La femme coupable 58

2.1.3 La femme positive. 60

2.2. Un discours polémique 63

2.2.1 Les partisans de la cause féminine 63

2.2.2 Les ennemis de la cause féminine 65

CONCLUSION 70

ANNEXES 77

BIBLIOGRAPHIE 82

SOURCES DE PRESSE 87

DEDICACE

Nous dédions ce travail à notre père El Hadj Issaka OUEDRAOGO, arraché à notre affection le mercredi 31 mars 1999.

Qu'il soit récompensé pour la générosité, l'humilité, la sincérité et la bonté dont il a fait preuve tout au long de sa vie.

Nous dédions également ce travail à notre mère, Salamata SAWADOGO, à toutes les mères, à toutes les femmes et à notre amie OUEDRAOGO Roukiatou.

REMERCIEMENTS

Ce travail est le fruit du dévouement et de sacrifices de diverses bonnes volontés à qui nous adressons nos sincères remerciements.

Nous présentons notre particulière et authentique reconnaissance à notre Directeur de mémoire Madame KRIEF Huguette qui malgré un emploi de temps très chargé nous a suivi de façon singulière. Nous saluons sa rigueur et son extrême exigence dans le travail.

Nous reconnaissons tous les efforts de notre Directeur de mémoire de maîtrise d'Histoire, Monsieur Y. Georges MADIEGA, qui nous a ouvert sa documentation personnelle. Nous le remercions pour son souci constant du travail bien fait.

A Monsieur Serge Théophile BALIMA, Chef de Département d'Arts et Communication et illustre enseignant au sein de cette filière, nous disons merci pour la documentation, les conseils et les soins dont nous avons bénéficiés de sa part.

Nous adressons les mêmes salutations à Madame Marie Soleil FRÈRE du Département d'Arts et communication et à Madame BADINI-FOLANE Denise du Département d'Histoire et Archéologie.

Nous n'oublions pas tout le corps enseignants des deux départements à qui nous devons notre formation universitaire.

Nous disons merci à notre ami et frère KONSIMBO Pamoussa dont les conseils nous ont permis d'aboutir à ce résultat.

Nous n'oublions pas de saluer le personnel de la bibliothèque du CNRST, ainsi que Monsieur Georges ZONGO de la Maison de la Presse, Mohammed Maïga qui nous ont permis d'accéder aux journaux de la période révolutionnaire.

A nos parents, à nos amis et à tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de ce travail, nous disons simplement : « Merci ! ».

AVANT-PROPOS

Historien de formation et communicateur en formation, nous voulons, de façon modeste participer au travail de mémoire que chaque pays doit engager sur sa propre culture et son histoire, même la plus récente. Les réserves, les silences observés en ce qui concerne la période de la révolution sankariste, le manque d'archives et de documents journalistiques sur cette tranche historique ont rendu plus ardue notre recherche.

Notre ambition de départ a été d'analyser le discours sankariste sur les paysans et les femmes, groupes défavorisés des régimes antérieurs. Mais au cours du travail de recherche et de sa réalisation, nous nous sommes aperçu de l'énormité de la tâche que cela exigeait. C'est ce qui nous a conduit à recentrer notre problématique sur le discours féministe de Thomas Sankara.

Notre travail a relevé d'un champ pluridisciplinaire, histoire, littérature, politique et information ;ce qui peut constituer une référence méthodologique pour les professionnels de l'information en situation d'analyse de discours politique.

Nous sommes conscient des limites de notre travail. Ces limites sont inhérentes au temps, à la documentation, aux moyens matériels et intellectuels qui ont été les nôtres. Non-spécialiste de l'analyse de discours, nous ne prétendons pas en avoir maîtrisé tous les contours.

Nous espérons toutefois que notre humble contribution servira aux journalistes, aux universitaires et à tous ceux qui s'intéressent au discours politique. Seules l'objectivité, la sincérité et la rigueur nous auront servi d'armes dans notre démarche.

INTRODUCTION

Poser une problématique sur la condition féminine en Afrique trouve sa raison d'être dans la résurgence actuelle des débats sur la condition de la femme : lutte contre l'excision, combat pour l'émancipation politique, l'indépendance économique et l'augmentation du taux d'instruction des femmes, en somme pour une discrimination positive à l'égard des femmes, condition d'une égalité entre les sexes. Nous avons choisi d'analyser dans cette perspective les discours de Thomas Sankara, président du Burkina Faso de 1983 à 1987, personnage central de la révolution burkinabé. Peu d'études ont été consacrées à ses discours. En effet, seules des biographies1(*) ont été écrites mettant en relief son rôle politique dans l'histoire du Burkina Faso. D'autre part, aucune des analyses portant sur la révolution burkinabé ont abordé en profondeur le thème de la condition féminine.

Compte tenu de l'organisation hiérarchique du Conseil National de la Révolution (CNR), instance suprême de la Révolution Démocratique et Populaire (RDP) avec à sa tête un seul chef, le capitaine Sankara, il paraît légitime de prendre les discours prononcés par ce leader comme clé de voûte idéologique de ce régime révolutionnaire.

Le sankarisme se présente comme un mouvement de pensée marxiste - léniniste, prônant une révolution prolétaire, paysanne, jeune et féministe. La Révolution démocratique et populaire est le régime instauré par le Conseil National de la Révolution sous la direction de Thomas Sankara du 4 août 1983 au 15 octobre 1987.

La RDP s'affiche comme nationaliste et anti-impérialiste. Cette attitude politique s'exprime clairement dans la devise du mouvement : « la patrie ou la mort, nous vaincrons ! ». Les jeunes capitaines qui dirigent le Burkina Faso se donnent quatre principes : « la défense de la patrie (territoire), la défense des intérêts de classe, la défense du pouvoir populaire, la défense de l'internationalisme prolétarien2(*) ». Le but est de donner le pouvoir aux groupes sociaux défavorisés : paysannerie, prolétariat, femmes, jeunesse.

La RDP propose la construction d'un nouvel ordre social : « Le caractère démocratique de cette révolution nous impose une décentralisation et une déconcentration du pouvoir administratif afin de rapprocher l'administration du peuple, afin de faire de la chose publique une affaire qui intéresse tout un chacun »3(*), affirme Thomas Sankara. C'est ainsi qu'une structure politique décentralisée est mise en place : les Comités de Défense de la Révolution (CDR) représentent le pouvoir dans les villages. « Les armes du Peuple, le pouvoir du peuple, les richesses du Peuple ce sera le peuple qui les gérera et les CDR sont là pour cela »4(*).

Le C.N.R. cherche à instaurer une société révolutionnaire, ce qui est synonyme, pour ses membres, d'une société fondée sur la démocratie, la liberté et l'indépendance. Dans les discours révolutionnaires se forge peu à peu une vision manichéenne de la société burkinabé : d'un côté se trouvent les ennemis de la révolution, bourgeois, féodaux rétrogrades qui oppriment le peuple, de l'autre côté les forces connotées positivement composées de la classe ouvrière, de la petite bourgeoisie, de la paysannerie et du  « lumpen-prolétariat »5(*). La RDP se place résolument du côté du peuple et cherche à créer une identité révolutionnaire. Le révolutionnaire doit être un partisan du changement radical dans tous les domaines. Echo de l'image idéalisée du jacobin de 1793 en France, le révolutionnaire sankariste se veut un homme juste et intègre. Ce personnage s'inscrit dans une représentation de la société marxiste, austère et modeste dont la vertu même se trouve dans cette austérité. Il doit être proche des masses opprimées et exploitées et se met à leur service puisqu'il se présente comme leur défenseur. L'idéologie révolutionnaire invite même à développer une haine pour l'injustice, pour l'oppression, pour l'exploitation et à avoir la volonté de créer un ordre nouveau, une société libre et sans classe6(*). Thomas Sankara précise : « l'image du révolutionnaire que le C.N.R. entend imprimer dans la conscience de tous, c'est celui du militant qui fait corps avec les masses, qui a foi en elles et qui les respecte  »7(*). Sa seule préoccupation est de travailler, nuit et jour, au triomphe du matérialisme dialectique et du marxisme.

Le marxisme-léninisme se définit comme une idéologie qui combat toutes les formes d'injustices et d'exploitation : féodalité, impérialisme, capitalisme. Il se fonde sur le matérialisme historique et dialectique et s'attaque à l'exploitation de l'homme par l'homme. Il vise l'instauration d'une nouvelle société sans classe et sans Etat. Le règne du communisme est l'aboutissement de la lutte prolétarienne, étape qui ne devrait se réaliser qu'avec l'union de tous les prolétaires du monde entier. L'idéologie marxiste- léniniste a vu le jour au XIXe siècle avec les idées du philosophe allemand Karl Marx et de son ami Friedrich Engels. Deux ouvrages fondent le matérialisme historique : La Sainte famille (1845), L'Idéologie allemande (1845-1846) et le célèbre Manifeste du parti communiste (Londres 1848) qui expose les principes essentiels de la conception marxienne de l'histoire et de la lutte des classes. Leurs idées sont enrichies par Lénine au début du XXe siècle. Des révolutionnaires comme Mao Zedong en Chine populaire, Fidel Castro à Cuba, Thomas Sankara au Burkina Faso vont s'inspirer de ces idées donnant naissance au maoïsme, au castrisme et au sankarisme.

Thomas Sankara a guidé le destin du Burkina Faso de 1983 à 1987. Personnage clé en Afrique, il  « apparaît avant tout comme un révolutionnaire mû par une profonde imagination morale devant les innombrables injustices engendrées par l'impérialisme »8(*). Selon Ludo Martens, Sankara, particulièrement sensible à la misère des peuples africains, se présente comme un visionnaire, héritier de toutes les révolutions : américaine, française et soviétique. Il laisse l'image d'un dirigeant politique « qui, toujours avec sincérité, souvent avec candeur, parfois en prenant ses désirs pour des réalités, avait cru que la démocratie directe était possible »9(*). Ludo Martens, dans l'ouvrage qu'il consacre à la révolution burkinabé, met en lumière ce personnage politique admiré par les déshérités : « Par sa jeunesse, sa simplicité, sa fougue révolutionnaire, Sankara avait conquis le coeur du peuple burkinabé »10(*). Tous ses actes de gouvernement traduisent un volontarisme dynamique et combatif : « Militaire, il ressemblait, par la passion et la conviction qu'il mettait dans ses conversations, à l'étudiant gauchiste de mai 68. Même ses adversaires reconnaissaient son intelligence, la vivacité de son esprit, sa force de conviction »11(*). Sankara est le premier président, dans l'histoire de son pays, à avoir affiché une volonté farouche de protéger et de défendre les intérêts des femmes. Des mesures concrètes ont été prises par lui en leur faveur, contre l'excision, la prostitution, et pour le salaire vital.

Sankara se présente comme l'avocat- défenseur des femmes considérées comme les « prolétaires » de la RDP. Selon lui, les femmes constituent un groupe social fragile, marginalisé, exploité par l'administration, la féodalité et les hommes en général. Elles sont victimes d'une injustice sociale et économique. Elles ne bénéficient pas des acquis de la science et des progrès économiques. Elles souffrent aussi bien d'une misère matérielle qu'intellectuelle (plus de 90% d'analphabètes). Les analyses de Sankara dans ce domaine c'est-à-dire dans l'identification de la condition défavorisée de la femme burkinabé paraissent toujours d'actualité, puisque l'UNICEF en 1994 dans un rapport sur la situation des femmes et des enfants au Burkina Faso en dresse un bilan encore alarmant.  « Utilisée comme objet, moyen de nouer des alliances ou comme outil de cohésion du tissu social, la femme trouve sa finalité dans le mariage et la procréation. Eternelle étrangère aussi bien dans la famille d'origine, où elle ne restera pas, que dans la famille du mari qu'elle peut quitter en cas de désaccord, elle est écartée du partage des biens de production tels que la terre et de toute succession à la chefferie (pouvoir traditionnel) »12(*). La même institution reconnaît que cette situation constitue une limite à l'émancipation des femmes : « Considérée comme une éternelle mineure, tantôt dominée par le père, tantôt par le mari, la femme est toujours reléguée au second rang. Le statut social et économique de la femme demeure un handicap pour la promotion des femmes »13(*). Peut-on parler de Sankara comme d'un idéologue féministe ?. Si l'on définit le féminisme comme « la doctrine, attitude favorable à la défense des intérêts des femmes et de leurs droits »14(*) , Sankara paraît bien être un personnage clé dans les luttes féministes du Burkina Faso. Notre recherche se trouve dans une certaine mesure justifiée sur le plan du contenu par les nombreuses interventions de Sankara dans ce domaine, tant dans ses discours que dans le projet de société formulé et la mise en chantier de mesures en faveur des femmes.

Favoriser une analyse des discours de Sankara procède de l'appréciation que ce leader faisait lui-même du verbe vis à vis de l'action. « Tout ce qui sort de l'imagination de l'homme est réalisable par l'homme »15(*). Conceptualiser puis prononcer des mots, les faire vivre constituent une étape nécessaire de l'action révolutionnaire. Banégas, dans Insoumissions populaires et révolution au Burkina Faso, met bien en lumière ce trait spécifique du Sankarisme : « Le discours détermine l'action, l'idée engendre le réel »16(*). Notre corpus comprend l'ensemble des discours de Sankara portant sur la condition féminine. Bien qu'il ait souvent improvisé ses discours, des efforts ont été faits pour les rassembler dans un seul recueil. Thomas Sankara, « Oser inventer l'avenir ». La parole de SANKARA (1983-1987) présenté par David Gakunzi, Pafthinder, en 1991, contient 29 discours et interviews de Sankara. Dans cet ensemble, cinq discours abordent le thème de la condition féminine :

Le Discours d'Orientation Politique, le 2 octobre 1983.

La Liberté ce conquiert, le 4 octobre 1984.

Même ennemi, même combat, le 17 mars 1985.

L'Abus de pouvoir doit étranger aux CDR, le 4 avril 1986.

La Libération de la femme : une exigence du futur, le 8 mars 1987.

L'ensemble fait 87 pages de textes écrits. Mais tous les discours n'abordent pas le problème de la femme de bout en bout. A l'exception du dernier consacré exclusivement aux femmes, les autres le font partiellement. Notre analyse consiste à mettre en relief la pensée féministe de Thomas Sankara dans toute sa dimension. Issue d'une vision révolutionnaire de la société, quelles en sont les spécificités ? La défense de certaines valeurs implique le plus souvent d'engager une polémique. Ce volet est-il représenté dans le discours de Sankara ? Analyser et commenter un discours politique consiste à aller au-delà de la simple reproduction, des messages initiaux d'autres termes. Notre étude tentera de déterminer les « processus de sélection et de transformation des significations ou des symboliques sociales qui se réalisent effectivement au cours de l'activité d'énonciation »17(*). Ceci nous permettra, en particulier, d'aborder les techniques de propagande utilisées par le président Sankara. A ce niveau, le patrimoine lexical de Sankara vient étayer la démonstration. Nous y décèlerons la vision de la femme qu'il construit, la morale qu'il propose, et sa mise en scène du politique.

Nous tiendrons compte toutefois d'une évolution perceptible dans l'expression des thèses féministes de Sankara. En effet, pendant les premiers moments de la révolution, le propos est très engagé soutenu par une détermination absolue à combattre tout ce qui s'oppose à l'élan révolutionnaire. Mais à partir de 1985, l'argumentation s'assouplit, après que Sankara a constaté des résistances rencontrées dans l'application des principes généraux et révolutionnaires.

Notre travail se présente comme une analyse en trois volets. Il nous a paru nécessaire d'établir les conditions générales de production des discours de Sankara sur les femmes. Comment apprécier une avancée politique, si ne sont pas mis en valeur les conditions réelles de la femme dans la société  burkinabé ?. A partir de ce constat dans un deuxième volet, nous avons cherché à travailler sur l'argumentation de Sankara, tenant compte de ce qui était aux sources de la pensée de ce leader. Cette analyse dans le cadre d'un travail de maîtrise, ne pourra être qu'effleurée, mais elle se justifie dans la mesure où la pensée de Sankara n'est pas unique, elle n'apparaît pas soudain dans l'histoire des idées, sans aucun rapport avec d'autres pensées féministes. Dans un troisième volet, nous avons voulu mettre l'accent sur la caractéristique propagandiste du discours sankariste et ses modalités polémiques.

PREMIERE PARTIE

LE STATUT DE LA FEMME AU BURKINA FASO

DE LA SOCIETE PRECOLONIALE A LA REVOLUTION SANKARISTE.

CHAPITRE I.

LE STATUT FÉMININ DANS L'HISTOIRE DE LA HAUTE-VOLTA.

Comme l'ensemble des femmes africaines, la femme voltaïque connaît des conditions de vie qui sont tributaires de l'évolution historiques.

1.1 FEMME BURKINABÉ ET SOCIÉTÉ PRÉCOLONIALE

Les régions de la Haute-Volta avant la colonisation, pratiquaient essentiellement l'agriculture.

Cette dernière était une production domestique consacrée aux céréales dans les zones de savane et aux tubercules dans les régions plus humides. La femme ne se présentait que comme un élément de la famille :elle n'avait pas d'existence en dehors de celle-ci. La terre exploitée le plus souvent par les femmes et les jeunes relevaient du patrimoine de la famille, au sens large du terme. La famille avait une valeur sociale et économique. Unité de production, elle atteignait un remarquable stade d'autonomie et d'autosubsistance. C'est la raison pour laquelle la famille devait produire elle-même les agents de production. Ce besoin expliquait la polygamie. Elle se justifiait par le rôle à double dimension que devait jouer la femme : agent de production elle-même et agent de reproduction de main-d'oeuvre.

La femme précoloniale, comme tous les membres de la société, devait un strict respect aux règles. La religion vécue comme un besoin d'ordre, de paix et de sécurité recommandait le respect de la loi des ancêtres et de la hiérarchie sociale. Les sujets, les cadets, les enfants et les femmes devaient se soumettre et obéir scrupuleusement, respectivement, au roi, aux aînés, aux parents et aux maris. Dans ce système hiérarchisé, la femme n'avait aucun rôle politique. Aristote n'abondait-il pas dans le même sens lorsqu'il analysait le fonctionnement de la famille ? «Cette association (la famille) implique une hiérarchie naturelle : La nature a formé l'homme, qui possède plus d'intelligence pour commander, la femme, l'enfant, l'esclave pour obéir ». La femme occupait une place marginale dans le Moogo. Elle ne jouissait d'aucun droit. Donnée en mariage par ses parents, elle devenait un élément du patrimoine de son époux. Elle intervenait néanmoins dans les rites à caractère religieux. En effet, la première femme (Pug-keema) gardait dans sa case les fétiches familiaux du mari18(*).

Dans la société moaaga, les vieilles femmes pouvaient donner leurs avis. La première femme du chef (Pug-keema) jouait le rôle de conseillère discrète. Elle était membre du jury du système judiciaire. C'est à elle que revenait la présidence du harem royal grâce à son rang de conseillère dans les affaires coutumières et religieuses. La coutume réservait une place fondamentale à la fille aînée du roi (Napoko). Elle assurait l'inter -règne à la mort de son père19(*).

En fait, la situation de la femme moaaga n'était pas celle d'une esclave. L'épouse représentait un pilier commun de toute la famille et tous les membres lui devaient respect. Cependant, elle devait en retour se conformer à des vertus notamment l'obéissance, la soumission et la fidélité absolues20(*). Cette autonomie relative n'était pas aperçue par le visiteur du pays moaaga. Ainsi l'explorateur Binger tirait, en 1887, de ce que le prince Boukary Koutou lui donna trois jeunes filles en mariage en lieu de cadeau de bienvenue, l'idée que la femme était considérée comme un objet de transaction, un bien de consommation. Une fois entre les mains des hommes de Binger, ces pauvres femmes renoncèrent à leur liberté et firent preuve d'une docilité exemplaire. L'explorateur interprétait ainsi leur attitude : « Décemment vêtues et relativement bien nourries, elles n'en demandaient pas davantage. Elles ont très bien compris que nos hommes ne les traiteraient pas, comme, cela a eu lieu par ici, comme des bêtes de somme, des brutes ou des animaux de production »21(*).

La femme contribuait énormément à l'économie du ménage par la culture du champ collectif, le travail de son lopin de terre personnel, les tâches domestiques (ménage, filage de coton) et le commerce de soumbala (arôme traditionnel), du beurre de karité, des céréales et des produits artisanaux22(*) (poterie, vannerie).

En somme, la femme moaaga connaissait une condition d'infériorité très marquée. Son seul luxe, toléré par son mari, se limitait à porter des anneaux ou des bracelets dont elle se paraît les jambes et les bras. Elle devait un respect scrupuleux à tout homme. « La femme salue et ne parle pas à qui que ce soit sans se prosterner et se tenir les joues avec les paumes des mains tournées en dehors, les coudes touchant terre »23(*).

Cependant quelques femmes se montrèrent dignes de gouverner avant la période coloniale dans certaines sociétés traditionnelles, telle la princesse Guimbé Ouattara qui fut une femme remarquable, Née vers 1836 à Bobo-Dioulasso, elle eut une grande influence sur le plan local. Refusant de se plier à la dictature de son époux, malgré un mariage précoce à quinze ans24(*), elle subit des châtiments corporels dont elle conserva les marques bien visibles au front et près du nez. Elle détenait des esclaves et des hommes d'armes qu'elle prêtait dans les expéditions guerrières, ce qui lui procurait des revenus substantiels25(*). Guimbé Ouattara s'illustra aussi comme la protectrice d'explorateurs, tels que Binger, Crozat et Monteil. Reconnaissante, l'administration coloniale songea à lui confier la direction de certains cantons de Bobo-Dioulasso. Cependant, son cousin Dafogo Ouattara s'y opposa sous le prétexte qu' « une femme, selon lui, ne pouvait pas commander dans leur pays ». C'est dire la limite donnée au pouvoir politique des femmes dans la société précoloniale.

1.2. FEMME BURKINABÉ ET SOCIÉTÉ COLONIALE.

La loi de 1921, en Afrique Occidentale Française (A.O.F), invitait à tenir compte du statut personnel de la femme26(*). En mai 1931, se tinrent les Etats généraux du féminisme à l'exposition coloniale de Vincennes en France27(*). Les réflexions portèrent sur la situation légale, morale et économique de la femme aux colonies. Le constat était que la condition féminine présentait des aspects épouvantables : mariages trop précoces, rudes travaux imposés à la mère jusqu'aux derniers jours de sa grossesse, sous-alimentation chronique. L'existence de la femme se réduisait à une vie faite de « misère matérielle »28(*). Les femmes réunies à Vincennes, toutes françaises des colonies, accusèrent non seulement les Africains, mais aussi la puissance coloniale d'être responsables de la souffrance des femmes indigènes. Le portage et la corvée était leur quotidien. « On en voit, leur bébé dans le dos, employées aux travaux pénibles de route »29(*), témoignait une participante. Les colonisatrices émirent le voeu de nommer des inspectrices du travail pour protéger efficacement le travail féminin. Dans les colonies, bien que le taux de scolarisation des filles était nettement inférieur à celui des garçons, l'éducation paraissait à l'époque comme un remède à la condition inférieure de la femme. Les Etats généraux du féminisme émirent le voeu de développer l'enseignement des fillettes dans les mêmes conditions que celui des garçons. Cet enseignement féminin devait être ménager d'abord, professionnel ensuite.

De fait la situation de la femme africaine sous la colonisation était un concentré de douleurs et de peine. En plus d'une soumission imposée par les traditions ne devait-elle pas plier sous le joug des travaux forcés, de l'impôt de capitation et des abus de toutes sortes ?. La colonisation, n'ouvrant aucun accès à la scolarisation des filles30(*), n'a pas bouleversé son statut traditionnel.

La conférence de Brazzaville en 1944, signe annonciateur de la décolonisation a introduit l'idée de faire évoluer le statut des personnes dans les colonies françaises d'Afrique. Celui de la femme devait être modifié par l'introduction du principe de liberté du choix du conjoint et du consentement préalable au mariage. Tout allait être mis en oeuvre pour faire progresser le mariage monogamique, par un combat ardent contre la polygamie. Le divorce arbitraire devait être sévèrement sanctionné31(*). Ces mesures visant l'évolution de la condition de la femme n'ont connu aucune application. Le seul acquis en faveur des femmes au cours de la période coloniale reste les mesures prises par les autorités coloniales pour le libre consentement des deux partenaires au mariage (décret Mandel). Forts de ce décret, les missionnaires ont ainsi combattu le « mariage forcé » des filles32(*). La condition féminine ne fera l'objet d'une réflexion critique qu'avec les Indépendances.

1.3. FEMME BURKINABÉ ET SOCIÉTÉ POST- COLONIALE

Les années 1960 marquent l'accession des pays africains à l'indépendance. La problématique du travail salarié et l'égale participation de la femme à la vie publique sont posées. Les femmes revendiquent leurs droits confisqués par les hommes. C'est le temps de l'engagement des femmes dans les associations féministes, les partis politiques et dans les syndicats.

En Haute-Volta, dès 1958, une femme est nommée « Ministre des Affaires Sociales, de l'Habitat et du travail dans le conseil de gouvernement de la Haute-Volta »33(*). Cette femme est Célestinne Ouézzin-Coulibaly. Sa nomination a lieu un mois après le décès de son mari. Ce qui a fait dire à certains qu'il s'agit d'une nomination de consolation. Puis le 3 janvier 1966 une enseignante au Cours normal des jeunes filles, Jacqueline Ki-Zerbo, épouse de Joseph Ki-Zerbo, participe activement à la manifestation syndicale qui a provoqué la chute du régime de Maurice Yaméogo.

Dans cette perspective, le 27 septembre 1967, Moussa Kargougou, alors Directeur de l'éducation rurale, prononce une conférence sur l'émancipation de la femme. Il se réjouit du fait que de nombreuses études portent sur la condition féminine. « Il faut se féliciter et se réjouir de cette justice rendue à la femme Africaine, de la réhabilitation officielle de sa dignité, ainsi que la valeur de sa personne humaine, de la reconnaissance explicite de son existence désormais incontestable, et par voie de fait, du rôle éminent et combien bénéfique qu'elle peut et doit jouer pour le bien être individuel et collectif, pour l'évolution progressive et harmonieuse de la communauté toute entière à la quelle elle appartient »34(*). Selon Moussa Kargougou, l'homme et la femme ont les mêmes capacités intellectuelles. La Haute-Volta doit, parallèlement à la formation de ses hommes, émanciper par une éducation judicieuse ses jeunes filles et ses femmes en vue de son développement économique. Mais ces discours sont restés sans effet. La participation réelle des femmes à la vie politique de la cité reste très limitée.

Il faut attendre 1976, lors de la proclamation de « la décennie internationale de la femme » (1975-1985) pour assister à la nomination de Sigué Fatoumatou comme Secrétaire d'Etat aux affaires sociales. En 1978, elle devient Ministre des Affaires sociales et de la condition féminine. Le Département des affaires sociales et de la condition féminine est confié de la même façon à une femme sous le Comité Militaire pour le Redressement et le Progrès National (CMRPN) du président Saye Zerbo (1980-1982). Le président Jean-Baptiste Ouédraogo (1982-1983) élargit le champ d'action des femmes en politique en confiant, le ministère de la justice, Garde des sceaux, à une femme. C'est la première fois dans l'histoire du pays que deux femmes se trouvent nommées dans un gouvernement35(*). Malgré le dynamisme des mouvements féministes et la participation de quelques femmes à la prise de décision politique, la femme reste, en Haute-Volta. dans un statut d'infériorité.

C'est alors que survient la Révolution démocratique et populaire (RDP) avec un programme ambitieux en faveur des femmes.

CHAPITRE II

RÉVOLUTION SANKARISTE ET STATUT DE LA FEMME

Lors d'une interview à Ouagadougou en mai 1984, le président Sankara expose avec soin le statut de la femme burkinabé. Il souligne que les femmes vivent dans une sorte d'univers carcéral. Au Burkina Faso les femmes représentent 51,1% de la population totale et, cependant, elles occupent une place marginale dans les secteurs éducatif, politique et socio-économique.

2.1 L'ÉDUCATION DE LA FEMME

Quel que soit le type d'orientation traditionnelle ou moderne, la jeune fille reçoit une éducation différente de celle de son frère. L'enseignement dispensé à la jeune fille consiste à la façonner, à la conditionner pour jouer son rôle ménager et maternel. Elle est éduquée dans le sens de la soumission. Dès les premiers âges de sa vie, ses jeux sont orientés vers les travaux ménagers et l'apprentissage de la maternité36(*). Les stéréotypes en matière d'éducation sont nombreux37(*). Les manuels scolaires, à travers les textes et les illustrations, véhiculent des préjugés à l'endroit des filles. Ils contribuent à perpétuer diverses formes de discrimination fondées sur le sexe. Ces documents sont des vecteurs de transmission des normes, des valeurs et d'une idéologie sexistes. Cela influence, avec certitude, le développement des attitudes et des comportements. Les représentations des filles restent négatives. Elles sont perçues comme des personnes passives, faisant preuve d'une affectivité excessive, obéissantes, dévouées, silencieuses, maladroites, faibles, dépendantes, parfois frivoles : toutes choses qui concourent à alimenter le mythe de la « femme objet ».

Dans le Livre unique de français de l'écolier africain (cours moyen, deuxième année), en usage au Burkina Faso dans les années 1980, ces stéréotypes préjudiciables à l'image des filles foisonnent. A la page 14, on y lit : « Yassi, dont le nom signifie femme, était la plus jeune des filles de Drébedjé et de trois saisons moins âgée que Kossi. Douce elle était et jolie, et plaisante. Elle prenait son temps pour parler, ne s'emportait jamais, ne prononçait jamais un mot plus haut que l'autre » Dans la leçon de lecture  « la préparation du repas »38(*), la petite Maïmouna est représentée comme mère et ménagère. Elle fait la vaisselle, va au marché pour l'achat de provisions et fait la cuisine. Elle doit accorder des soins précieux à sa poupée. Elle vaque chaque jour  « à ses occupations en petite ménagère consciencieuse ». malgré son âge, Maïmouna a beaucoup d'amour propre et entend réussir dans toutes « ses naïves entreprises ».

A l'opposé de ces filles dociles et soumises, le même manuel présente le jeune Julien comme le prototype du rebelle !39(*). Il refuse d'assurer la garde de la scie. « Au lieu de surveiller attentivement l'action de tout le mécanisme, Julien lisait ». Le prototype du jeune mâle viril devient dans ces ouvrages l'expression de la bravoure et du courage40(*). C'est ainsi qu'un jeune boxeur reçoit la plus belle médaille, celle vermeil de la ville de Paris. De telles images contenues dans les manuels scolaires contribuent à renforcer chez les jeunes des deux sexes, l'idée communément admise de la supériorité de l'homme (« sexe fort ») sur la femme (« sexe faible »).

Favorisant une image traditionnelle de la femme, le système éducatif moderne connaît de fait une faible participation de la femme. Des disparités existent entre les garçons et les filles. En 1983, le taux de scolarisation au Burkina Faso est de 20%. Dans le primaire les filles représentent 37% des effectifs scolarisés. Ce chiffre est de

34,5% au secondaire et 22,9% au supérieur. Avec l'avènement de la révolution, l'éducation de base prend de l'importance. Au niveau du préscolaire, on assiste à la floraison de garderies populaires à partir de 1985. Ces établissements destinés à l'encadrement de la petite enfance visent à généraliser l'éducation préscolaire, à responsabiliser les familles à mieux jouer leur rôle dans les activités d'éveil du jeune enfant et à décharger les mères de la garde des enfants41(*). De telles structures d'éducation ont vu le jour dans la Chine maoïste. Au niveau de l'enseignement primaire, le constat est alarmant. Le taux de scolarisation des filles est nettement inférieur à celui des garçons. De 1985 à 1987, le nombre de filles inscrites pour 100 garçons inscrits est de 59 au primaire , 51 au secondaire et 29 au supérieur42(*).

L'analphabétisme touche 92,5% de la population dont 98% des femmes43(*). L'alphabétisation qui a pris de l'importance avec la révolution présente aussi des disparités entre les hommes et les femmes. En 1985, le taux d'alphabétisation est de 14,48% dont 19,35% pour les hommes et 1,72%44(*) pour les femmes. Un certain nombre de contraintes justifient ce taux élevé de l'analphabétisme de la population féminine45(*) qui se caractérise par l'accès difficile et la durée de séjour réduite des filles à l'école. La cellule familiale préfère donner précocement ses filles en mariage. L'instruction, dans la mentalité des parents, est incompatible avec les qualités et les valeurs féminines. Cette méconnaissance de l'importance de l'éducation des filles fait que la jeune fille scolarisée est occupée à plein temps par des tâches domestiques pénibles46(*). Ne pouvant pas concilier la vie d'élève et les tâches domestiques, elle finit par s'exclure du système éducatif.

Dans la communauté rurale, les chefs religieux s'opposent à l'éducation féminine. Ils craignent que la femme soit plus instruite que le futur mari. Les relations entre filles et garçons et celles entre filles et enseignants sont en défaveur des premières. De ce fait le maître accorde peu d'intérêt aux filles. A cela s'ajoutent les barrières culturelles entre les hommes et les femmes qui donnent naissance au préjugé selon lequel la fille a, par nature, des capacités moindres que le garçon pour apprendre. Cette misère intellectuelle des femmes les contraint à tenir un rôle secondaire, quand il s'agit de prendre une décision qui intéresse la vie de la famille ou de la communauté.

2. 2 LA FEMME DANS LE SECTEUR SOCIO-ÉCONOMIQUE

La situation socio-économique de la femme burkinabé est particulièrement difficile. La structure familiale, les religions et les coutumes sont sources de la misère des femmes.

Le Burkina Faso connaît différents types de familles : nucléaire, étendue ou entourée de satellites. Mais dans toutes ces modalités familiales, le patriarche est le seul et l'unique maître. Des rapports instaurent la primauté du groupe sur l'individu, des aînés sur les cadets, mais surtout de l'homme sur la femme. Cette dernière assume le rôle de production et reproduction, ce qui la réduit à un statut inférieur dans la société47(*). Dès la petite enfance, la fillette est préparée pour jouer ce rôle. Elle subit des pressions sociales qui violent la satisfaction de ses besoins essentiels et de ses droits. Dès l'âge de 6 -7 ans, elle exécute les tâches de l'assistante ménagère qu'elle incarne : ménage, nettoyage, garde bébé48(*). Entre 12 et 18 ans, elle fait l'objet de don précoce en mariage forcé. « Bien souvent, la reconnaissance provoquée par l'hospitalité ou l'existence d'une ancienne dette suffit pour qu'une fille soit promise49(*) ». En 1985, plus de la moitié des femmes sont mariées avant vingt ans. Les filles sont exclues de la propriété de la terre et du partage de l'héritage des biens des parents défunts. La femme doit ainsi se conformer au voeu de la société en acquérant des qualités telle que la soumission, l'obéissance et la fidélité. En d'autres termes, elle doit accepter passivement la domination et l'exploitation de l'homme.

Cette attitude donne un sens au mariage, « expression majeure des relations sociales »50(*), qui constitue un marché où la femme représente la marchandise. Que explique l'existence de la polygamie, une institution qui permet aux aînés d'acquérir d'importants revenus par la vente des filles (la dot ou le prix de la femme).

D'autre part, par son travail, la femme joue un rôle économique déterminant dans la société. Les femmes au sein de la division du travail, exécutent jusqu'aux trois quarts des travaux agricoles. L'homme construit la maison, mais « c'est la femme qui fait le foyer »51(*) affirment les Moose. L'analyse des conditions socio-économiques de la femme birifor et bwa par Claudette Savonnet - Guyot illustre bien ce constat. Elle s'occupe des travaux ménagers : cuisine, eau, bois. Avec la division sexuelle du travail agricole, les semailles, les moissons, les binages et le transport des récoltes relèvent des femmes. Ces activités dites typiquement féminines ne sont pas rétribuées. Esclave de l'homme, la femme rurale mène une vie misérable. « L'homme se comporte aux champs comme un contremaître et il regarde faire ses ouvrière »52(*), note Thomas Sankara. Les années 1983-1984 sont marquées au Burkina Faso par des sécheresses répétées.Les hommes, dans les campagnes, pour lutter contre la famine, ont souvent recours à l'émigration. Ils abandonnent ainsi leurs épouses, contraintes de se battre pour nourrir les enfants.

Dans une telle situation historique et sociologique défavorable à la femme, Thomas Sankara qui accède au pouvoir en Août 1983 cherche à transformer la société burkinabé, dans le but de libérer les femmes et de leur reconnaître des droits et non seulement des devoirs.

2. 3 LE RÔLE POLITIQUE DE LA FEMME

A l'avènement de la RDP, seules quelques femmes assument des responsabilités élevées, notamment dans les secteurs de la santé, des affaires sociales et de l'enseignement. Toutefois il est à noter que ces domaines sont généralement féminisés alors que les secteurs du pouvoir financier économique, ou de la défense leur sont défendus. Le rôle politique des femmes semble pratiquement nul. Il manque un cadre dans lequel les femmes peuvent bénéficier d'une formation politique. Conscient de l'importance numérique des femmes et des jeunes, Sankara leur fait appel pour consolider le mouvement révolutionnaire53(*). Soucieux de la libération des femmes, il oeuvre à la création de l'UFB (Union des Femmes du Burkina) et la DMOF (Direction de la Mobilisation et de l'Organisation des Femmes). Ces structures révolutionnaires vont contribuer à l'éveil politique des femmes. Les autorités de la RDP se montrent très volontaristes. La participation de la femme au processus révolutionnaire en particulier et au processus de développement économique en général est un maître mot dans les plans et programmes de développement. Le partage effectif du pouvoir avec les femmes devient une réalité. C'est le temps de l'avènement en quantité et en qualité des femmes à des postes de responsabilité politique54(*). Tous les ministères sont ouvertes aux femmes : Budget, Finances, Tourisme, Culture, Essor familial55(*). En 1987, la participation à la vie politique et au pouvoir de décision au Burkina Faso est significatif.56(*) :

Le Burkina Faso apparaît comme un pays où le pouvoir politique se féminise. « Les promesses faites dans le discours d'orientation politique du président Sankara ont été tenues »57(*).

Dès le mois d'avril 1984, trois femmes prennent en main des commandements territoriaux mettant fin au mythe de l'homme commandant58(*). Belemsaga Denise devient préfet de Bobo-Dioulasso et Bila Odette celui de Ouagadougou, Ouédraogo Joséphine se voit confier le poste de Secrétaire général de la Mairie de Ouagadougou. Le processus se poursuit et, en août 1984, trois femmes font leur entrée au gouvernement59(*) : Adèle Ouédraogo au Budget, Rita Sawadogo au sport et des loisirs et Joséphine Ouédraogo à l'essor familial et à la solidarité nationale. Les deux premières occupent des postes qui sont hors du champ « privilégié » de féminisation du pouvoir. En 1986, cinq femmes accèdent aux instances décisionnelles gouvernementales, représentant 20% de l'équipe (5/25 membres)60(*).

La « déphallocratisation » de l'administration devient une réalité tangible. Quatre femmes sont hauts-commissaires : Aïcha Traoré (Passoré), Eve Sanou (Sanguié), Béatrice Damiba (Bazèga) et Germaine Pitroipa (Kouritenga). Thomas Sankara impose des femmes dans l'armée. «  On a vu une escorte présidentielle composée exclusivement de femmes, ce qui n'est pas sans rappeler les gardes féminines (les  «amazones ») du royaume d'Abomey »61(*). Les hommes et les femmes sont astreints au Service National Populaire (SERNAPO) qui se veut une formation militaire et civique. Les autorités du CNR sont convaincues de la nécessité de la libération des femmes, et Alice Tiendrébéogo, Secrétaire d'Etat à l'Action sociale au ministère de la Santé dans le Front populaire, soutient que « ce qui est important aussi, c'est le fait que nos dirigeants sont sincères, c'est à dire qu'ils croient réellement à l'émancipation de la femme. Depuis le 4 Août 1983, il y a eu énormément d'actions qui ont été lancées en faveur des femmes burkinabé »62(*). Malgré tout, le changement des mentalités n'intervient que de manière très modeste. Les femmes participent aux travaux d'intérêts communs, mais restent muettes aux Assemblées générales et s'absentent aux veillées-débats. Celles qui militent sont critiquées et des révolutionnaires même préfèrent garder leurs femmes à la maison63(*).

Cependant, par le biais des organisations féminines, les femmes poursuivent leur marche vers l'émancipation. En mars 1985, après une profonde réflexion, les femmes soumettent au gouvernement des recommandations et des résolutions. Ce document se présente comme un résumé des principales préoccupations des femmes sur les plans juridique, éducatif et socio- économique. C'est la première fois qu'elles tentent d'élaborer une conduite à tenir pour favoriser une véritable émancipation. Elles ont compris « qu'on ne libère pas un esclave, il se libère »64(*) et s'investissent à briser elles-mêmes les chaînes de leur condition.

En somme, l'histoire et la sociologie révèlent que la femme est toujours réduite à son rôle biologique d'épouse et de mère. Thomas Sankara accède au pouvoir et s'engage à être l'avocat irréductible des femmes.

« Notre révolution intéresse tous les opprimés, tous ceux qui sont exploités dans la société actuelle. Elle intéresse par conséquent la femme, car le fondement de sa domination par l'homme se trouve dans le système d'organisation de la vie politique et économique de la société. La révolution en changeant l'ordre social qui opprime la femme, crée les conditions pour son émancipation véritable65(*) ».

DEUXIEME PARTIE :

LES DISCOURS DE SANKARA 

CHAPITRE I :

AUX SOURCES DU DISCOURS FÉMINISTE DE SANKARA

Le discours féministe de Sankara n'apparaît pas dans l'évolution de la pensée politique africaine ex nihilo. Le leader burkinabé est l'héritier de théoriciens qui l'ont précédé dans la voie de l'émancipation féminine « ouverts à tous les vents de la volonté des peuples et de leurs révolutions, nous instruisant aussi de certains terribles échecs qui ont conduit à de tragiques manquements aux droits de l'homme, nous ne voulons conserver de chaque révolution que le noyau de pureté »66(*).

Les références sont autant tirées de la Révolution russe de 1917 que de la Révolution française. Retrouver les sources de la pensée sankariste est une recherche très ample, puisqu'il est possible d'identifier à la fois des traditions politiques dans laquelle s'inscrit Sankara de manière implicite et des textes précis dont le leader avoue s'inspirer sur le plan idéologique.

1.1 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Que la Révolution française ait été un point de référence pour les Révolutionnaires des XIXe et XXe siècle est incontestable.

L'ouvrage, Les Chaînes de l'esclavage de Marat, incitant le peuple à une radicalisation de la révolution, n'a-t-il pas inspiré plus d'un ? Dans le domaine des revendications féministes, Condorcet et Olympe de Gouges restent des figures emblématiques qui ont marqué les esprits révolutionnaires.

Pour Condorcet, les femmes représentent la moitié de l'humanité. Aucun progrès politique, aucune régénération de la société ne sont possibles sans elles. Il s'attaque à l'ordre ancien pour transformer la société radicalement. Conscient que la loi peut transformer les mentalités, Condorcet s'investit dès 1789 pour la mise en place d'une structure législative appropriée. De telles mesures devaient rendre justice aux femmes. Il réclame l'égalité des droits entre les sexes. « N'est ce pas en qualité d'être sensibles capables de raison, ayant des idées morales que les hommes ont des droits ? »67(*).

L'exclusion, selon lui, est obscurantiste. L'argumentation fondée sur des raisons d'ordre physiologique est ridiculisée. Condorcet précise que la femme n'a pas de comportement ou de capacité qui la distingueraient de l'ensemble de l'humanité. Il affirme qu'on a tiré parti d'arguments anatomiques et physiologiques pour masquer la prise de pouvoir des hommes sur les femmes. Les limites que l'on peut observer sur le plan intellectuel ne sont pas imputables à leur intelligence, à leur mode de raisonnement mais bien à des données éducatives, sociales et culturelles.

L'instruction est le mot clé de Condorcet. Dans Mémoires sur l'instruction publique (790), il pose comme principe : « le défaut d'instruction des femmes introduit dans les familles une inégalité contraire à leur bonheur »68(*). L'instruction est donc la voie d'accès à l'égalité future.

Olympe de Gouges, dès 1791, emprunte la même voie que Condorcet. Elle revendique l'égalité politique pour les femmes au nom de la nature, donc des principes de la révolution69(*).

Olympe de Gouges élabore en la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » qui s'articule comme la Déclaration des droits de l'homme70(*). Elle lutte pour l'accès des femmes à la gestion de la chose publique à côté de l'homme. Sa Déclaration est un instrument pour atteindre ce but : « J'offre un moyen invincible pour élever l'âme des femmes, c'est de les joindre à tous les exercices de l'homme, si l'homme s'obstine à trouver ce moyen impraticable, qu'il partage sa fortune avec la femme, non à son caprice, mais par la sagesse des lois. Le préjugé tombe, les moeurs s'épurent »71(*)

Cette révolutionnaire construit sa déclaration en seize articles qui mettent en avant le rôle incontestable de la femme dans la gestion de la cité. La femme doit bénéficier, comme l'homme, de la protection de la loi. L'article I porte sur l'égalité entre les sexes : « La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits »72(*). L'article IV exige une réforme des lois pour rendre justice aux femmes : « La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui, ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose : Ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.  ». Seuls les vertus et les talents de la citoyenne ou du citoyen doivent expliquer son accès aux places et aux emplois publics. L'article XI rompt avec l'ordre ancien. Il aborde la liberté d'expression des pensées et des opinions et proclame le droit de la femme à faire connaître que l'enfant est aussi le sien. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d'un enfant qui vous appartient, sans qu'un préjugé barbare force à dissimuler la vérité, ». Olympe de Gouges revendique la participation de toutes les composantes de la société à l'élaboration de la constitution. Elle conclut sa déclaration en ces termes : « La constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la nation, n'a pas coopéré à la rédaction. »

Instruction, émancipation politique, volonté d'inscrire la femme dans le processus révolutionnaire qui s'amorce sont autant de thèmes majeurs que l'on retrouve dans la pensée de Sankara et dans son programme politique.

1.2 LE MARXISME - LÉNINISME

Toutefois notre démarche serait plus probante, si l'analyse pouvait chercher des sources du côté de la biographie de Sankara ou du côté de l'Histoire. En effet Sankara se situe lui-même de façon explicite dans une pensée politique marxiste- léniniste. En 1972, il adhère au Rassemblement des officiers communistes (ROC). Il lit Marx, Lénine et Mao, auteurs qui prônent la prise du pouvoir par les classes opprimées.

Sankara reconnaît ouvertement l'appartenance de sa vision féministe au Marxisme-Léninisme. Il note à ce propos « nous devons assurément au matérialisme dialectique d'avoir projeté sur les problèmes de la condition féminine la lumière la plus forte, celle qui nous permet de cerner le problème de l'exploitation de la femme à l'intérieur d'un système généralisé d'exploitation »73(*). Sankara s'inspire explicitement de l'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat (1884) de Engels. Il indique que « Engels a fait l'état de l'évolution des techniques mais aussi de l'asservissement historique de la femme qui naquit avec l'apparition de la propriété privée, à la faveur du passage d'un mode de production à un autre, d'une organisation à une autre »74(*). En effet , conscients que la femme occupe une place vitale dans la société, Marx et Engels inscrivent la libération de la femme comme une condition indispensable au bonheur dans la cité. Selon eux, la femme se trouve dans une situation inférieure à partir de l'avènement de la famille patriarcale qui a imposé l'oppression de la femme. En effet, le droit paternel s'est substitué à celui maternel confirmant ainsi la suprématie effective de l'homme à la maison75(*). Cette oppression est comparable à celle des classes avec l'émergence de l'Etat.

Dans l'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat (Moscou, Progrès, 1976), Engels précise : « A la famille patriarcale comme appareil d'oppression des classes qui sont dominées et exploitées à l'échelle de la société globale. La famille et l'Etat sont le cadre de processus qui permettent à l'organisation sociale de se perpétuer malgré les luttes et les oppositions qui la déchirent et qui résultent d'une part, de l'inégalité économique entre les classes de producteurs »76(*). De cette comparaison, il ressort que la source de toute inégalité est et reste la propriété privée. Engels fait un parallèle étroit entre les femmes et les classes dominées. Nécessairement la libération des unes et des autres passe par l'abolition de la propriété privée. Engels soutient ainsi que « l'oppression des femmes et des classes dominées a comme fondement la propriété privée née de la division du travail dans la production sociale. Leur sort est donc lié, la libération des femmes et des classes dominées passent par l'abolition des structures économiques fondées sur la propriété privée »77(*). D'autre part, la participation de la femme à la production est une condition nécessaire à son émancipation. De ce fait il faut qu'elle soit libérée de manière significative du travail domestique perçu comme un appoint négligeable au travail productif de l'homme78(*).. La femme en tant que travailleuse est une citoyenne égale à l'homme. L'émancipation a un lien avec la participation féminine à la production sociale. Par conséquent, le travail ménager, jusque là effectué par la femme, doit être libéré de l'éducation et des soins des enfants, seule voie pour lui permettre de mener une vie sexuelle libre. Toutes ces mesures remettent en cause la prépondérance de l'homme et l'indissociabilité du mariage. Le résultat serait l'amour libre, une « forme supérieure de monogamie »79(*).

C'est ainsi que le Marxisme-Léninisme tente de définir l'union libre et les relations sexuelles en régime socialiste.80(*) De nouveaux rapports entre l'homme et la femme doivent ainsi contribuer à la suppression de la prostitution.

Marx et Engels offrent donc à Sankara un cadre d'analyse théorique permettant d'asseoir sa propre étude de la société africaine.

1.3 LES COLLABORATEURS DE SANKARA

Aux sources bien identifiées, faudrait -il peut être reconnaître l'influence de certains collaborateurs de Sankara sur la pensée du leader. Des intellectuels, maîtres à penser de la révolution burkinabé, ont certainement prêté à Sankara leurs idées pour l'élaboration de son programme politique. Parmi eux, Babou Paulin Bamouni, idéologue du régime, Directeur Général de la presse écrite du Burkina est l'auteur d'un ouvrage intitulé Burkina Faso, Processus de la révolution, «  première interprétation politique et marxiste des événements qui ont précédé de loin ou de près le grand bouleversement du 4 août 1983 ». A Bamouni, peut se joindre Valère D. Somé, un des plus proches compagnons de Thomas Sankara, principal leader de l'Union des Luttes Communistes/ Reconstruite (U.L.C./R) ancien membre du bureau politique du Conseil National de la Révolution. Ce dernier est l'auteur de Thomas Sankara, l'Espoir assassiné. Dans le portrait qu'il dresse du révolutionnaire, Valère Somé privilégie l'image d'un Sankara, défenseur et porte-parole des opprimés. C'est dire la symbiose étroite des analyses et des idées existant entre les proches collaborateurs de Sankara et celui qui présidait à la destinée des femmes du Burkina.

Sankara a-t-il tiré un enseignement du constat d'échec énoncé par Mirabeau en pleine tourmente révolutionnaire : « Tant que les femmes ne s'en mêlent pas, il n'y pas de véritable révolution » ?

Ainsi dans son contenu, le discours sankariste sur la condition féminine tire ses sources des révolutions passées et des textes fondamentaux qui fondent le Marxisme-Léninisme. Toutefois Sankara imprime sa propre marque dans ses analyses théoriques. Les conditions spécifiques de la femme africaine ne sont pas celles de la femme du XVIIIe siècle en France ou du XIXe russe. L'adaptation d'un cadre théorique à des réalités historiques différentes est bien l'oeuvre de Sankara.
CHAPITRE II

DISCOURS ET ÉCHO MÉDIATIQUE

Convaincu que « personne n'est plus profondément puni que l'homme du fait que la femme est maintenue dans l'esclavage »81(*) ? Thomas Sankara « conçoit l'émancipation de la femme comme un préalable au développement de l'Afrique ! »82(*). Le discours sankariste a une fonction déterminante sur le plan politique, il a un rôle pédagogique évident et cherche surtout à convaincre le peuple burkinabé de la nécessité de libérer la femme.

2.1. CONTEXTE HISTORIQUE ET DISCOURS FÉMINISTE DE SANKARA

Le discours féministe du leader burkinabé apparaît à des dates précises , en quelque sorte, institutionnalisées. La ritualisation permet plus sûrement de fixer l'attention sur un problème majeur, et celui de la condition des femmes en est un pour le nouveau pouvoir révolutionnaire. Le 8 mars, date de la célébration de la journée internationale de la femme, constitue une opportunité importante. Thomas Sankara profite de cette journée pour lancer une grande opération de mobilisation des femmes voltaïques (Burkinabé) autour des idéaux de la Révolution d'août83(*). L'un des discours les plus construits sur le plan argumentaire de Sankara reste sans doute, celui qu'il fait le 8 mars 1987 à Ouagadougou, comme l'analyse Gakunzi84(*).

Une autre occasion de nature institutionnelle est la commémoration de la date du 4 août qui marque l'avènement de la révolution. Elle est un moment privilégié pour prendre des engagements et déterminer les défis à relever. En effet, à l'occasion du 4 août 1985, les femmes participent massivement à la grande parade populaire. « La nouvelle armée populaire accorde une place réelle à la femme »85(*).

Sankara use de cette opportunité pour prendre une mesure très radicale en faveur de la femme. « Nous ferons en sorte que le salaire cesse d'être la seule propriété de l'homme pour devenir une propriété familiale »86(*). L'idée d'un salaire vital pour la femme au foyer vient d'être posée comme un principe de base socio-économique de la société révolutionnaire.

En septembre 1983, Thomas Sankara tient un meeting à Dori. Il y développe largement sa pensée sur l'émancipation de la femme. Mais, il faut attendre le 2 octobre 1983, occasion ultime pour prononcer le Discours d'Orientation Politique (D.O.P). Le DOP se veut une bible du révolutionnaire et réserve un passage important à « La femme voltaïque, son rôle dans la révolution démocratique et populaire »87(*). Le dimanche 15 juillet 1984, Thomas Sankara rencontre les femmes à la maison du peuple pour les convier à s'organiser en vue de leur libération. A l'occasion de la semaine nationale de la femme du 1er au 8 mars 1985, Thomas Sankara, lors d'un entretien, fait une description comparative de la femme réactionnaire et celle révolutionnaire88(*).

Toutes ces grandes messes révolutionnaires, ces fêtes et ces commémorations permettent au président Sankara de porter son message aux confins du Faso. Le leader révolutionnaire aime la communication directe avec le peuple. Cela a l'avantage, selon lui, de favoriser une forte mobilisation. C'est ainsi qu'à deux reprises, il rencontre directement les femmes de toutes provinces à Ouagadougou : le 15 juillet 1984 et le 8 mars 1987. Il devient, par ce biais, le « capitaine peuple »

2.2. ÉCHO MÉDIATIQUE

La radio, la télévision et la presse écrite, notamment Sidwaya et Carrefour africain, propriétés de l'Etat se chargent de populariser les discours du président Sankara. En plus de la transmission brute des messages de Sankara, ces médias se proposent d'expliciter son discours politique pour une meilleure compréhension. Ils deviennent, par conséquent, des organes d'information, de formation et de propagande. Ils transmettent l'idéologie révolutionnaire jusqu'au dernier hameau du Burkina. La presse devient idéologique et concourt à la régénération de la société burkinabé. Elle participe de la révolution, en reprenant les mots clés du discours sankariste et en les commentant assidûment : liberté, égalité, justice sociale, dignité.

Les titres de la presse écrite mettent en valeur l'engagement du discours présidentiel en faveur de la femme. Sur la rencontre du dimanche 15 juillet 1984 à la maison du peuple, Salia Zerbo titre dans Sidwaya : « Le chef de l'Etat rencontre les femmes : l'appel à la liberté »89(*). Le terme « Appel » fait référence au discours comme moyen d'action, comme levier important du changement socio-politique. Si le discours exhorte, le discours définit aussi une ligne politique précise. Véritable chambre d'écho du discours sankariste, les colonnes des organes de presse s'ouvrent au militantisme et à la propagande. Dès le 23 septembre 1983, Béatrice Damiba reprend les propos du secrétaire général national des CDR, Pierre Ouédraogo, dans l'hebdomadaire Carrefour Africain. « La révolution ne distingue pas l'homme de la femme, pas de ``discrimination sexiste '' à l'encontre  de la femme  ». Béatrice Damiba dans son commentaire soutient que « donner le pouvoir au peuple, c'est le donner aux femmes, libérer le peuple c'est libérer la femme »90(*). Salia Zerbo rapporte la pensée de Thomas Sankara, « le profite de la femme révolutionnaire, selon le camarade président, bénéficie à celle qui fait bonne toilette, qui est coquette, belle, militante de la RDP. La bonne toilette se fera avec des moyens modestes »91(*).

Luc Adolphe Tiao note un progrès significatif dans le combat féministe du CNR. « Aujourd'hui partout en Haute-Volta les slogans ponctués par les CDR : « A bas les femmes budgétivores » - « à bas les femmes et les hommes réactionnaires » «  à bas les maris féodaux », commencent à avoir un impact réel sur la société »92(*). Le quotidien Sidwaya n° 326 du lundi 5 août 1985, spécial deuxième anniversaire de la RDP, conçu sous forme de magazine montre la volonté du régime de secouer les bonnes consciences. Dès la une, on lit « grande parade populaire du 4 août les femmes ont été magnifiques ! », « la nouvelle armée populaire accorde une place réelle à la femme »93(*). A la page 5, une banderole présente : « Association des servantes du Christ » « le peuple qui lutte réussira mais les paresseux restent dominés. La Bible ». Cette inscription assimile la mission du CNR à la mission salvatrice du Christ. La presse contribue largement à diffuser les mots d'ordre du régime. Elle incite à l'adoption de dispositions particulières destinées à favoriser l'augmentation du taux de scolarisation, l'alphabétisation des femmes et leur niveau d'instruction. Elle doit également oeuvrer dans le domaine de la santé et promouvoir les structures de rassemblement des femmes et les crèches et les garderie populaires en milieu rural pour favoriser leur participation, non seulement à la production mais aussi à l'ensemble des activités socioculturelles. Diffuser plus largement l'information, par l'usage des technologies modernes qui permettent de produire plus, tout en libérant la force humaine, relève du ressort de la presse.

La présence du problème de la condition féminine est donc indéniable dans le discours de Sankara. Le discours est conçu comme un moment important de la rencontre de Sankara avec les femmes. Béatrice Damiba dans Carrefour Africain parle d'un « face à face de la vérité »94(*). Cette expérience traduit bien le rapport existant entre le tribun politique et son public. Mettre ce rapport sous l'égide de la vérité confère une dimension incontestable à l'analyse politique proposée par Sankara.

Servi par une presse de propagande politique, le discours féministe de Sankara cherche à déterminer une image positive de la femme en tant qu'agent dynamique et créatif du développement économique et social.

TROISIEME PARTIE

L'ARGUMENTATION SANKARISTE

CHAPITRE I.

LES MODALITÉS DE L'ARGUMENTATION

Le discours féministe de Sankara vise à convaincre, à persuader son public, à modifier son opinion. Comme le pose Charles. Perelman, dans son ouvrage. L'Empire rhétorique, rhétorique et argumentation 95(*), il existe une différence fondamentale entre une démonstration et une argumentation. « Dans une démonstration mathématique, les axiomes ne sont pas en discussion ; qu'on les considère comme évidents, comme vrais ou comme de simples hypothèses on ne se préoccupe guère de savoir s'ils sont ou non acceptés par l'auditoire ». La démonstration est considérée comme formellement correcte, lorsqu'elle est conforme à des règles explicitées. La déduction qui permet de passer des prémisses aux conséquences joue un rôle déterminant dans la démonstration. En revanche l'argumentation, selon Charles. Perelman, cherche à « provoquer ou accroître l'adhésion d'un auditoire aux thèses qu'on présente à son assentiment. »

Le discours sankariste prétend, par l'argumentation qui le fonde, à la fois « gagner l'adhésion des esprits » et « inciter à l'action ».C'est dire que Sankara reconnaît les vertus du discours argumentatif. Saint Augustin, au chapitre 13 du livre 4 de son ouvrage De la Doctrine chrétienne, analyse les ressorts profonds de ce type de discours :

« L'auditoire ne sera vraiment persuadé que s'il est conduit par vos promesses et effrayé par vos menaces, s'il rejette ce que vous condamnez et embrasse ce que vous recommandez ; s'il se lamente devant ce que vous présentez comme lamentable ; s'il s'apitoie devant ceux que vous présentez comme dignes de pitié et s'écarte de ceux que vous lui présentez comme des hommes à craindre et à éviter »96(*).

Le but d'une argumentation n'est pas de prouver la vérité d'une conclusion à partir de prémisses, mais comme l'analyse finement Perelman « de transférer sur les conclusions l'adhésion accordée aux prémisses ». Une argumentation se fonde sur des techniques argumentatives diverses qui peuvent se situer soit au niveau du raisonnement soit à celui des arguments proposés.

1.1 LES HABILETÉS RHÉTORIQUES

Théoriquement, le raisonnement prend la forme suivante : thèse antérieure---> prémisses---> arguments---> conclusion---> nouvelle thèse. Thomas Sankara ne s'adapte pas à ce schéma. Il supprime certaines étapes ou les sous-entend ou même les inverse. Il utilise le plus souvent le syllogisme. Le syllogisme se présente comme de degré zéro de la structure argumentative. Il ne retient que les prémisses et la conclusion.

Voici quelques syllogismes dans le discours Sankariste. « Notre révolution intéresse tous les opprimés, tous ceux qui sont exploités dans la société actuelle (prémisse majeure : affirmation d'ordre général). Elle intéresse par conséquent la femme (conclusion), car le fondement de sa domination par l'homme se trouve dans le système d'organisation de la vie politique et économique de la société (prémisse mineure) »97(*) Sankara construit son raisonnement par des syllogismes tronqués : « Les femmes et les hommes de notre société sont tous victimes de l'oppression et de la domination impérialiste (majeure) (mineure : Or seul le combat unitaire libère = sous-entendu). C'est pourquoi ils mènent le même combat (conclusion) »98(*). Il persévère dans l'usage des syllogismes tronqués : « La première timidité de l'homme lui vient dès le moment où il a conscience qu'il regarde une femme (majeure)....je reste quand même un homme qui regarde en chacune de vous la mère, la soeur ou l'épouse (mineure) »99(*). La conclusion, qui serait « donc, je suis frappé par la timidité » est sous-entendue.

Les syllogismes tronqués tendent vers la forme des enthymèmes comme « je pense, donc je suis » de Descartes. En effet, l'orateur n'est pas un logicien. Il peut se permettre de ne pas énumérer tous les chaînons de son raisonnement. Sankara, ainsi laisse sous-entendues des prémisses qu'il considère comme admises ou connues de tous. Aristote présentait, dans son ouvrage Rhétorique, l'enthymème comme un syllogisme rhétorique100(*) Un enthymème permet une simplification du langage, Il facilite l'assimilation du message par l'auditoire. C'est une forme raccourcie du raisonnement qui présente des éléments généraux qu'on avance, mais qu'on ne démontre pas. Par cette technique, Sankara se met à l'abri de toute contestation, ce qui est d'une grande habileté rhétorique.

L'argumentation, à l'encontre de la démonstration ne se développe pas dans un système défini. Elle puise dans un corps d'arguments que la thèse défendue n'implique pas nécessairement. Les arguments sont, sur le plan rhétorique, plus ou moins forts selon leur spécificité. Il existe une série d'arguments qui ne se rapprochent pas de la pensée formelle, de nature logique ou mathématique et qui font appel à ce que Charles Perelman appelle « la structure du réel ». Ces arguments se fondent sur les liaisons qui existent entre les éléments du « réel »101(*) qu'il s'agisse du rapport de causalité, de raisonnement par le modèle ou l'exemple, et de l'argument d'autorité.

L'argument de l'efficacité consiste à recommander une mesure ou une décision en se fondant sur les conséquences favorables ou défavorables qu'elles entraîneraient. L'utilité du raisonnement par les conséquences semble si bien aller de soi qu'il n'a pas besoin d'être justifié. L'expérience que s'accorde dans ses discours Sankara, lui permet d'anticiper sur les conséquences. Ainsi pour Sankara, participer à la révolution est une évidence, puisqu'il pose comme conséquence la transformation positive de la société. Le résultat attendu est « une société qui non seulement détermine de nouveaux rapports sociaux mais provoque une mutation culturelle en bouleversant les relations de pouvoir entre hommes et femmes, et en . condamnant l'un et l'autre à repenser la nature de chacun. »102(*) Sankara met en valeur l'existence d'une corrélation entre la révolution culturelle et la nécessaire libération de la femme. C'est selon lui, effectivement l'une des conséquences attendues de la révolution que de « créer une nouvelle mentalité chez la femme voltaïque qui lui permette d'assumer le destin du pays aux côtés de l'homme ».

La volonté du tribun est de faire apprécier la révolution par la détermination de ses effets qu'il considère comme positifs. Poser l'acte révolutionnaire s'accompagne dans le discours sankariste par l'énoncé d'un résultat quantitatif précis. Il ne peut s'agir dans le cadre de cette recherche de multiplier les exemples. En effet l'argument de l'efficacité est majeur dans le discours sankariste puisque l'argumentation cherche à montrer au peuple burkinabé le monde meilleur qui l'attend grâce à la révolution.

L'argumentation par l'exemple est assez fréquente chez Sankara. Pour sortir d'un développement abstrait, il utilise des illustrations qui permettent d'examiner un fait de manière plus concrète, plus précise. Ce sont des preuves qui servent de fondement à une règle ou à un principe. « Il s'agit bien d'une argumentation visant à passer du cas particulier vers une généralisation. »103(*)

A propos du cynisme de l'homme à l'endroit de la femme, Sankara l'exprime par une série d'exemples : « c'était le cas, rapporte-t-on, chez ce fabricant de l'époque, qui n'employait que des femmes à ses métiers à tisser mécaniques. Il donnait la préférence aux femmes mariées et parmi elles, à celles qui avaient à la maison de la famille à entretenir, parce qu'elles montraient beaucoup plus d'attention et de docilité que les célibataires »104(*). Le président du CNR énumère les souffrances de la femme dans la société traditionnelle ou moderne : « Le poids des traditions séculaires de notre société voue la femme au rang de bête de somme. Tous les fléaux de la société néo-coloniale, la femme les subit doublement : premièrement, elle connaît les mêmes souffrances que l'homme ; deuxièmement, elle subit de la part de l'homme d'autres souffrances. »105(*) L'argumentation par l'exemple permet de dénoncer avec plus d'évidence le joug qui pèse sur les femmes.

« Déjà aux quatre fronts du combat contre la maladie, la faim, le dénuement, la dégénérescence, nos soeurs subissent chaque jour la pression des changements sur lesquels elles n'ont point de prise. Lorsque chacun de nos 800 000 émigrants mâles s'en va, une femme assume un surcroît de travail. Ainsi, les deux millions de Burkinabé résidant hors du territoire national ont contribué à aggraver le déséquilibre du sex-ratio qui, aujourd'hui, fait que les femmes constituent 51,7% de la population totale. De la population résidente potentiellement active, elles sont 52,1% »106(*)

Tous ces exemples paraissent incontestables, « car c'est la réalité de ce qui est évoqué qui sert de fondement à la conclusion »107(*). Pour ne pas généraliser indûment, Sankara part d'exemples suffisamment variés. Les exemples portent en particulier sur la situation politique, sociale, économique de la femme. Traitant de la division du travail qui dévalorise la fonction de la femme, Sankara rejette la règle de manière souple. Il utilise de façon habile des exemples exprimés à la forme interro-négative, ce qui pousse l'auditoire à réviser ses positions et à oser le changement. « Occupation sans rémunération bien sûr car ne dit-on pas généralement d'une femme à la maison qu'elle « ne fait rien ? » N'inscrit-on pas sur les documents d'identité des femmes non rémunérées la mention « ménagère » pour dire que celles-ci n'ont pas d'emploi ? Qu'elles « ne travaillent pas ? »108(*). Ces exemples formulés sous forme de questions rhétoriques laissent les interlocuteurs face à leur propre conscience. Ils ont une force de persuasion par le fait même qu'ils ne peuvent pas être remis en cause.

Pour donner plus de force à ses idées, le président Sankara utilise des arguments d'autorité. Les autorités invoquées sont variables et coïncident avec celles soulignées par Perelman : «  l'opinion commune », « les savants », « les philosophes », les « pères de l'Eglise », « les prophètes » ; Les autorités impersonnelles comme « la physique », « la doctrine », « la religion », « la bible » ; et les autorités nommément désignées109(*)

Lorsque Sankara s'affiche comme marxiste-léniniste , il légitime son propos en puisant des références précises dans les oeuvres de Marx ou d'Engels. La force de l'argumentation tire de l'autorité dûment citée, un appui très important.

De la même façon que Sankara met en valeur l'autorité marxiste-léniniste qui s'accorde avec la thèse exposée, il dévalue l'autorité qui sous tend la thèse de l'adversaire. Les ennemis de la révolution, bourgeois et féodaux ne se cachent-ils pas derrière les philosophes antiques et les religions établies ? Sankara les dénonce avec virulence :

« Détrônée par la propriété privée, expulsée d'elle-même, ravalée au rang de nourrice et de servante, rendue inessentielle par les philosophies (Aristote, Pythagore et autres) et les religions les plus installées, dévalorisée par les mythes, la femme partageait le sort de l'esclave qui dans la société esclavagiste n'était qu'une bête de somme à face humaine »110(*)

Le discours politique de Sankara est donc un discours construit. Il est fondé sur une structure argumentative non dépourvue d'habiletés rhétoriques. Affirmer sans prouver par l'intermédiaire de syllogismes tronqués, établir des relations de causalité sans pour autant les justifier, légitimer un programme politique nouveau en faisant référence à des autorités incontestées du passé, sont autant de techniques argumentative qui servent d'outils à l'expression d'une volonté politique, celle d'imposer un changement profond socio-politique.

1.2 LES ARGUMENTS.

Dans ses discours Thomas Sankara fait usage de multiples arguments d'ordre socioculturel, idéologique et politique

1.2.1. Les arguments socioculturels

Le président du CNR tient à définir son propos avant de faire l'état des lieux et de proposer des solutions.

Si la libération de la femme s'impose comme « une exigence du futur », Sankara précise que l'émancipation n'est pas une égalité mécanique entre l'homme et la femme. Elle s'oppose à l'adoption d'habitudes masculines comme celle de boire et fumer. L'acquisition de diplômes par les femmes ne les conduit pas automatiquement au faîte de l'émancipation111(*) Le véritable émancipation est celle qui rend la femme digne, responsable et actrice d'un changement qualitatif social. Parler de guerre de sexes, selon Sankara, dénote d'une mauvaise interprétation du féminisme. « (...) il s'agit d'une guerre de clans et de classes à mener ensemble dans la complémentarité »112(*), affirme -t-il. Seul le comportement des hommes a provoqué ce contre sens :« (...) il faut admettre que c'est bien l'attitude des hommes qui rend possible une telle oblitération des significations et autorise par-là toutes les audaces sémantiques du féminisme (...) 113(*)».

Sankara est amené à affirmer que les mots ne sont pas innocents, qu'ils traduisent une mentalité, un état d'esprit. La lutte des femmes contre le machisme se veut un juste combat. La situation lamentable que connaissent les femmes dans la société, est inhérente à la prise du pouvoir par les hommes. Le machisme a fait de la femme un être à tout faire. La femme constitue un tiers monde brimé à côté de l'homme et de l'enfant. Occupant le troisième rang dans la société, la femme est exclue par les lois dans les domaines de l'emploi, de la liberté individuelle et de l'éducation. Elle subit l'exploitation de classes et celle de sexes. Selon Sankara, l'homme, le souverain et le maître, égoïste et paresseux, s'illustre en fin stratège pour s'accaparer du plus grand profit, sans le moindre effort, dans la division des tâches selon le sexe. Sankara condamne la théologie et la philosophie pour leurs préjugés anti-féministes. En effet, la genèse ne refuse-t-elle pas une essence à la femme ? La femme contrairement à l'homme, n'est pas à l'image de Dieu. Quant à Platon, il doute du genre de la femme : animal ou humain. Aristote est clair dans son affirmation, les femmes sont des « monstres ». Le leader de la révolution burkinabé s'oppose à ces penseurs et reconnaît une humanité à la femme. Il déplore le type d'éducation dispensée à la fille qui fait d'elle une éternelle esclave. « A la futur femme, la société, comme un seul homme et c'est bien là le lieu de le dire assène, inculque des normes sans issue. Des corsets psychiques appelés vertus créent en elle un esprit d'aliénation personnelle, développent dans cette enfant la préoccupation et la prédisposition aux alliances. »114(*) Les pratiques traditionnelles contribuent à consolider cette situation : « Les rites et les obligations de soumission aidant, nos soeurs grandissent, de plus en plus exploitées (...) »115(*). Sankara soutient que les défauts qui sont dans les femmes viennent de l'éducation : un conditionnement à la soumission, à la dépendance éternelle. Malgré l'importance de la femme dans la société, elle est réifiée :

« femme-source de vie mais femme-objet. Mère mais servile domestique. Femme nourricière mais femme-alibi. Taillable aux champs et corvéable au ménage, cependant figurante sans visage et sans voix. Femme-charnière, femme-confluent mais femme en chaîne, femme-ombre à l'ombre masculine. »116(*)

Dans ce discours d'un balancement rythmique exemplaire épousant l'antithèse, Sankara oppose deux réalités, la femme essentielle au bon fonctionnement de la société dans son rôle de reproductrice, de pivot central dans la structure sociale et la femme niée, chosifiée, rendue à l'état d'ombre. Le caractère poétique de ces créations de mots autour du terme femme, tels que femme source de vie, femme-alibi, femme-charnière, femme-ombre ne saurait recouvrir d'un voile pudique la dénonciation politique faite par Sankara.

La femme ne dispose même pas de son corps. Contrainte par la maternité et par les formes esthétiques, la femme est incapable de se réaliser et de se « forger une musculature dite d'homme »117(*). Sankara doute de l'intérêt des canons de coquetterie que la société impose aux femmes. C'est le cas de l'excision, des scarifications, des taillages de dents, des perforations de lèvres qui portent préjudice à l'intégrité physique de celle-ci.

La femme subit durement l'oppression des traditions. La fille-mère est méprisée. La femme stérile est accusée. L'excision fait des ravages. La femme est victime de l'émigration masculine qui la tient dans la solitude, si ce n'est dans le célibat.

Sankara, dans un même élan, condamne l'homme, plus ou moins progressiste, qui s'adonne à l'adultère en fréquentant des prostituées. Son salaire est destiné à l'entretien de ses maîtresses. Il est heureux d'avoir abusé des femmes et tient des propos dévalorisant sur elles : « bassement matérialistes, menteuses, cancanières, intrigantes, jalouses. »118(*)

Selon le leader révolutionnaire, à l'inconséquence masculine la femme répond par une autre aliénation faite d'infidélités et de propos mesquins. « Les reportages, les papotages, les jeux de ferrailles, les regards obliques et envieux suivis de médisance sur la coquetterie des autres et leur vie privée »119(*) Elles se plongent dans la futilité et l'oubli qui apparaissent comme des armes contre une souffrance multiforme. L'oubli devient un « antidote à la peine, une atténuation des rigueurs de l'existence, une protection vitale »120(*) Sankara précise : « Les mêmes attitudes se retrouvent chez les mâles placés dans les mêmes conditions »121(*) c'est dire que les mêmes causes entraineraient les mêmes effets. Il ne s'agit donc pas de nature féminine, mais bien d'un déterminisme social qui mène la femme à adopter certaines attitudes.

Sankara appelle à l'instauration d'une société nouvelle dans laquelle les hommes et les femmes jouiront des mêmes droits sociaux. « Modifier en profondeur l'image qu'ils se font d'eux-mêmes » doit être la voie pour définir les nouveaux rapports entre les hommes et les femmes. Le triomphe du règne de la liberté et de l'égalité, la fin de « tous les systèmes d'hypocrisie qui consolident l'exploitation cynique de la femme »122(*), l'abolition du système d'esclavage que subit la femme ne peuvent être atteints sans le bouleversement des relations de pouvoir entre l'homme et la femme. Conscient que les femmes constituent 52% de la population, Thomas Sankara soupire : « que jamais mes yeux ne voient une société, que jamais mes pas ne me transportent dans une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence »123(*).

Il constate néanmoins que la transformation des mentalités est en marche. Les femmes ont adopté un nouveau langage et dénoncent leurs ennemis : le mâle, la culture impérialiste et la féodalité. Elles sont « prêtes maintenant à se libérer »124(*) et affûtent leurs armes pour le combat décisif.

1.2.2 Les arguments idéologiques.

La lutte des classes est inséparable de la question de la femme. La pensée sankariste a pour fondement le matérialisme dialectique. L'exploitation de la femme s'intègre dans un système d'exploitation généralisé qui dépend de la structure économique de la société. Le passage d'une forme de société à une autre, justifie l'institutionnalisation de l'inégalité de statut entre l'homme et la femme. Deux périodes caractérisent cette évolution : l'époque allant du paléolithique à l'âge du bronze a connu une complémentarité positive dans les relations entre les sexes.

L'époque historique avec l'évolution des techniques voit l'apparition de la propriété privée qui entraîne l'asservissement de la femme. Sankara fait un rapport explicite entre la condition féminine et la lutte des classes : « De fait, à travers les âges et partout où triomphait le patriarcat, il y a eu un parallélisme étroit entre l'exploitation des classes et la domination des femmes (...) »125(*). Le combat pour l'émancipation de la femme est inséparable de la lutte des classes. « On ne saurait jeter assez de lumière vive sur la misère des femmes, démontrer avec assez de force qu'elle est solidaire de celle des prolétaires »126(*). Pour Engels, il existe un lien étroit entre l'oppression des femmes et celle des classes dominées. Elle a comme fondement la propriété privée, née de la division du travail dans la production sociale. Libérer les femmes et les classes dominées est une lutte qui passe par l'abolition des structures économiques fondées sur la propriété privée127(*). Sankara invite donc les femmes à coopérer avec les marginalisés du système capitaliste : les ouvriers, les paysans. L'impérialisme est mis en cause dans le misère des femmes : les multinationales, immorales, encouragent la culture de la mort128(*). Le Président du CNR invite l'Union des Femmes du Burkina (UFB) à mener une lutte anti-impérialiste. Elle doit « participer pleinement à la lutte des classes aux côtés des masses populaires »129(*) Seule une détermination franche peut permettre « la liquidation des races des exploiteurs, de la domination économique, de l'impérialisme »130(*). Cette même lutte peut mettre fin à la conception féodale fondée sur « la relation d'appropriation qui veut que chaque femme soit la propriété d'un homme. »131(*)

1.2.3 Les arguments politiques

Thomas Sankara désigne clairement les ennemis des femmes et de la révolution sur le plan politique : ce sont les anciennes puissances coloniales et leurs « valets locaux. » Il note : « l'euphorie de l'indépendance à oublier la femme dans le lit des espoirs châtrés. Ségréguée dans les délibérations, absente des décisions, vulnérable donc victime de choix, elle a continué de subir la famille et la société. Le capital et la bureaucratie ont été de la partie pour maintenir la femme subjuguée. »132(*) Les anciens régimes sont responsables de la situation alarmante de la femme. Pendant la période coloniale, la femme a subi le travail forcé, elle était soumise à l'obligation des cultures de rente. Les régimes néo-coloniaux, selon Sankara, ont développé un féminisme primaire qui n'a profité qu'à une minorité de femmes. A leurs yeux, la femme se présente comme un objet de décoration. « Les femmes chez nous, étaient, avec les anciens régimes, organisées en groupes folkloriques. Elles cousaient des uniformes, chantaient, dansaient, mais réellement ne savaient où aller. »133(*) Cela correspond à la pensée de Kant qui définit la femme comme penchant ou inclination, incapable d'un sens du devoir : « la philosophie de la femme n'est pas de raisonner mais de sentir. (...) Devoir et contrainte lui sont étrangers (...) Elle est incapable d'obéir à des principes. »134(*)

Les autorités néo-coloniales ont créé un ministère de la condition féminine. Ce ministère-alibi, selon Sankara n'a eu aucun effet sur l'évolution de la situation des femmes. Cette politique a contribué à construire une fausse émancipation de la femme : « femme-bijou, femme-alibi au gouvernement, femme-sirène aux élections. »

La révolution se donne donc pour mission d'éduquer les femmes car les défauts qui sont dans les femmes viennent de l'éducation. Cet encadrement facilite la mobilisation des femmes par la base.

La situation de tous les opprimés, y compris la femme, constitue une préoccupation majeure des autorités révolutionnaires. La RDP s'engage à instaurer un ordre social nouveau. Elle combat avec la dernière énergie l'obscurantisme, le néocolonialisme et l'impérialisme. Elle oeuvre inlassablement, à la transformation des mentalités et des comportements. L'objectif est de rendre les femmes responsables, capables de prendre des décisions qui puissent donner naissance à une société libre et prospère dans laquelle les femmes et les hommes seraient égaux. En somme, « permettre à la femme voltaïque de se réaliser pleinement et entièrement »135(*) Cela passe par l'éveil de la conscience des femmes qui entraîne une véritable libération. « (...) seule la femme enfin libre saura dire ce qu'elle veut », affirme John Stuart Mill. Les femmes sont les partenaires naturels d'une révolution, qui travaillera à porter celles-ci au coeur de l'essor familial et au centre de la solidarité nationale. La RDP définit et affirme davantage le rôle et la place de la femme dans la société. Au sein de l'UFB, les femmes sont toujours de plus en plus responsabilisées et une image positive en leur faveur s'impose progressivement. La révolution compte mettre sur pied un plan d'action qui répondra aux attentes des femmes dans tous les domaines. Ce programme vise à impliquer les femmes dans les combats révolutionnaires : il donne la même chance au garçon et à la fille sur le plan scolaire. Tous les Burkinabé doivent-ils pas avoir le droit à la même formation et aux mêmes fonctions ? Les révolutionnaires cherchent à faire coïncider les intérêts de la nation avec la liberté de la femme, reflet d'une société juste, comme l'avait prôné les femmes progressistes de la révolution française.136(*)

Accroître le taux d'alphabétisation en faveur des femmes reste le souci permanent de Sankara. Pour libérer véritablement la femme, des crèches, des garderies populaires et des cantines seront construites. L'UFB ( l'Union des Femmes du Burkina) est une école où la solidarité, l'unité et l'organisation sont de rigueur. Elle doit assumer un rôle politique destiné à instaurer une démocratie sociale.

En somme, Sankara sait impressionner son auditoire grâce à une démarche argumentative intelligemment élaborée.

CHAPITRE II :

LE DISCOURS FÉMINISTE.

Lorsque Sankara promet à ceux qui s'opposent à l'émancipation féminine « d'être écrasés », son discours même prend des allures de combat. Comme le définit si bien Monica Charlot, dans La Persuasion politique, l'affrontement des thèses politiques est destiné à dévaloriser l'adversaire et à conforter l'image ou la thèse défendue : « Attaquer et mettre l'adversaire en contradiction avec lui-même et avec les siens ; mettre la propagande de l'adversaire en contradiction avec les faits, ridiculiser l'adversaire ; faire prédominer un climat de supériorité. »137(*) Puisqu'il s'agit de défendre la cause des femmes en lui attirant la sympathie du peuple burkinabé, Sankara va construire une image spécifique de la femme à l'intérieur de ses discours, une représentation précise sur la base d'un vocabulaire engagé.

2.1. L'IMAGE DE LA FEMME DANS LE DISCOURS SANKARISTE.

La femme est omniprésente dans le discours du 8 mars 1987 intitulé « la libération de la femme, une exigence du futur ».138(*) Sankara ponctue son texte du mot femme : il emploie 309 fois le mot femme(s). Cela représente 10,76% du total des substantifs utilisés (2870). Le mot homme(s) revient seulement 111 fois (3,86%). Pour éviter une extrême redondance dans l'emploi du mot femme(s) et pouvoir du même coup s'y référer, Sankara fait usage de mots de la même famille, évoquant une personne de ce sexe. Ainsi des mots comme « féminin », « féminisme », « féministe », « épouse », de « compagne » reviennent 73 fois dans ce discours du 8 mars 1987. A cela s'ajoutent les pronoms qui se substituent au nom « femme (s) » tels que « elle (s) » (51 fois ) et « vous » (45 fois).

L'ampleur de ces emplois et leur régularité traduit bien l'importance du thème dans le discours. Mais ce mot femme n'est pas employé isolément : il se construit dans les phrases à l'aide de qualifications. Il entre dans des réseaux lexicaux d'opposition et d'association. Il est utile dans notre recherche, de fonder l'analyse de l'image de la femme créée par Sankara sur des repérages sémantiques.

En effet, le mot femme s'accompagne de qualificatifs nombreux, il entre dans un couple antinomique homme-femme, il s'est supporté par un ensemble de métaphores de diverses origines. Ainsi, il est possible, à partir de cette enquête au niveau des emplois du mot dans le discours sankariste, de relever des images différentes de la femme dont Sankara tire argument : l'image de la femme victime et celle de la femme coupable. Toutefois ces deux constructions ne seraient que partielles, incapables de rendre compte de ce que Sankara appelle « la complexité » de la femme, si le tribun ne se chargeait de faire un portrait positif de la femme à l'image d'une révolution culturelle qu'il défend.

2.1.1. La femme victime

La femme subit un système injuste que cherche à démontrer Sankara. Pour permettre à son auditoire de visualiser cet état de soumission, le leader use de métaphores nombreuses. La plus caractéristique reste celle de l'animal destiné aux plus durs travaux. Dans son discours du 8 mars 1987, il emploie cette métaphore aux fins de mieux convaincre : « Le poids des traditions séculaires de notre société voue la femme au rang de bête de somme »139(*) La femme est assimilée à une « bête de somme » c'est-à-dire à un animal employé à porter des fardeaux. Cette figure de la ressemblance que constitue la métaphore établit une relation de similitude et confère une portée illimitée du message.140(*)

Par un système de réseaux d'associations et de qualifications, Thomas Sankara arrive à montrer la lourdeur du joug qui pèse sur la femme. Dans le discours du 8 mars 1987, les femmes sont associées ou même assimilées à « l'ouvrier », aux « prolétaires », à une « bête de somme », à des « biens vulgaires », à un « objet de tractation »141(*) «  à un instrument diabolicum. »

Cette manière d'identifier la femme conduit à son « ostracisme »142(*) dans la société. Elle devient par conséquent un être second « subjugué », « discriminé », « frustré » et « congédié » assumant des « fonctions subalternes ». Sankara précise que cet être « taillable aux champs et corvéable au ménage »143(*) est aussi victime de la malnutrition, de la mortalité et de l'analphabétisme. Des accumulations hyperboliques contribuent à représenter cette situation. Ainsi, Sankara, affirme-t-il à propos de la femme : « Pilier du bien être familial, elle est accoucheuse, laveuse, balayeuse, cuisinière, ménagère, matrone, cultivatrice, guérisseuse, maraîchère, pileuse, vendeuse, ouvrière. »144(*)La succession de ces termes crée un effet d'entassement, à la mesure de l'ampleur des tâches dévolues à la femme dans la structure sociale; et ce, en contradiction avec le mépris dans lequel elle est reléguée. Le même procédé se retrouve autour de la métaphore de la roue, utilisée avec talent par Sankara. « Roue de fortune, roue de friction, roue motrice, roue de secours, grande roue. »145(*) Cette répétition anaphorique contribue à forger l'image d'une femme essentielle à la société, mais victime des préjugés. La femme est dominée, exploitée, opprimée et rendue esclave de la société entière. Pour l'exprimer, les termes « domination », « exploitation », « oppression » et « esclave » et leurs dérivés sont employés de façon régulière (69 fois dans le seul discours du 8 mars 1987 )

Dans cette construction de l'image de la femme victime, Sankara privilégie le rapport antithétique du couple homme-femme. « Ainsi, à travers les âges et à travers les types de sociétés, la femme a connu un triste sort : celui de l'inégalité toujours confirmée par rapport à l'homme. »146(*)

Dans la vision Sankariste, l'époque historique, depuis l'apparition de la propriété privée à nos jours, est marquée par l'asservissement de la femme. Pour ce qui concerne la société féodale, le tribun révolutionnaire, par une hyperbole traduit l'exploitation de la femme : « dans la société se basant sur la prétendue faiblesse physique ou psychologique des femmes, les hommes les ont confirmés dans une dépendance absolue de l'homme. »147(*) L'adjectif « absolue » dénote d'une absence totale de liberté féminine. Pour Sankara, les femmes constituent au Burkina Faso et ailleurs une majorité silencieuse, exclue du pouvoir et du savoir. Devant l'Assemblée générale des Nations Unis en 1984, il proclame : « je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d'un système d'exploitation imposé par les mâles. »148(*) Il faut noter que le couple antinomique homme-femme se transforme en mâle-femme, ce qui implique dans le discours une volonté d'user de terme péjoratif pour qualifier l'adversaire naturel de la femme. Sankara manque d'objectivité et insuffle à sa représentation un caractère polémique. Il poursuit en indiquant que « la condition de la femme est par conséquent le noeud de toute la question humaine, ici, là-bas, ailleurs. Elle a donc un caractère universel. »149(*) L'emploi du présent omnitemporel confère à l'universalité de la condition féminine une notion d'éternité. C'est dire la tâche ardue à laquelle s'est attelée Sankara.

2.1.2. La femme coupable

Véritable pendant de l'image de la femme -victime ,destinée à émouvoir le public sur le sort féminin, la femme coupable est une construction nécessaire au mouvement dialectique de la pensée de Sankara. La femme coupable est identifiée comme celle qui était membre des anciennes associations pré-révolutionnaires. Sankara use d'ironie pour la ridiculiser et la dénigrer. Il affirme qu'avant la révolution, les femmes étaient « organisées en groupes folkloriques. »150(*) Assimiler une association politique à un groupe folklorique montre le caractère futile, superficiel de son approche. Le folklore, de plus, est passéiste puisqu'il se fonde sur le rappel des traditions. La femme coupable est la femme passéiste, et comme le disaient les révolutionnaires de 1789, une femme attachée à l'ancien régime. Sankara trouve les femmes coupables « très subjectives. »151(*) Cette injure qui prend source dans un vocabulaire marxiste rend « ces femmes » susceptibles de contrecarrer l'émancipation. Elles sont partisanes d'un « féminisme primaire » 152(*) fondé sur une « oblitération des significations et autorise par là toutes les audaces sémantique du féminisme (...) »153(*) Ce qui conduit à revendiquer pour la femme le droit d'être masculine. La femme coupable sera donc associée à un réseau de termes négatifs reprenant pour l'essentiel les défauts identifiés comme ceux de la femme contre révolutionnaire. Sankara dénonce ainsi certains comportements déviants non conformes à l'austérité et à la morale révolutionnaire. « Il s'agit de toutes ces mesquineries comme la jalousie, l'exhibitionnisme, les critiques incessantes et gratuites, négatives et sans principes, le dénigrement des unes par les autres, le subjectivisme à fleur de peau, les rivalités »154(*) Le déictique « ces » joue un rôle fondamental dans ce passage. En tant qu'adjectif démonstratif, il désigne au public les mesquineries féminines, mais il va plus loin, il dénonce et peut, à ce titre, être accompagné d'un geste de mépris. Les défauts de ces femmes sont effectivement méprisables, c'est bien ce que veut traduire le discours de Sankara.

Usant toujours de métaphores, Sankara précise le portrait de la femme coupable. Elle devient dans son discours « bourses de valeurs spéculatives » ou « coffres- forts ambulants ». Ce trait met en relief sa cupidité. En effet, le pouvoir économique lui permet de commettre des dérives.155(*) Sankara lui reproche d'être esclave « de la cupidité vulgaire et de la crasse avidité matérialiste »156(*)

Une autre métaphore est destinée à provoquer le dégoût du public envers ces femmes vénales. Elle assimile la femme à la boue : « ces femmes sont de dangereuses boues gluantes, fétides »157(*). Cette image est parfaitement infâmante. La boue, à la différence de la terre ou de l'argile, ne peut servir à la construction ou à la culture. Le qualificatif « fétides » montre comment la pourriture a gagné ces femmes. Le terme « gluantes » dénonce leur caractère visqueux, collant. Elles ne sont pas source d'élan révolutionnaire, et puisqu'elles sont des « boues gluantes », elles peuvent même agir en sens contraire. Elles se présentent en femmes réactionnaires « démobilisatrices des élans révolutionnaires. »158(*)

La femme coupable est enfin la femme que Sankara associe à l'idée de « patronne ». Pour sa fille, elle est « plus sa patronne que sa maman »159(*) Ceci implique que la femme cultive la dépendance au niveau de sa fille. Sankara l'indique clairement et simplement : « ce sont les femmes qui perpétuent le complexe des sexes, dès les débuts de l'éducation et de la formation du caractère. »160(*)

Ces critiques farouches contre les femmes permettent au discours de se prévaloir d'une certaine objectivité.

2.1.3 La femme positive.

Une démonstration politique ne peut s'engager uniquement sur une image dégradée de la femme. Victime ou coupable, la femme ne peut ainsi être porteuse d'avenir. Sankara doit nécessairement amener dans son discours l'image de la femme positive, modèle possible à suivre.

Sankara construit l'image de la femme méritante. Il l'exprime à travers un réseau d'associations. La femme s'identifie ainsi à la « tendresse protectrice », à « l'innocence », à la « générosité », à la « dignité », à « l'honneur », à « l'hospitalité ». Il dévoile des qualités de la femme grâce à des figures de style adaptées comme le démontre l'accumulation hyperbolique suivante :

« Cet être humain, vaste et complexe conglomérat de douleurs et de joies, de solitude dans l'abandon, et cependant berceau créateur de l'immense humanité, cet être de souffrance, de frustration et d'humiliation, et pourtant, source intarissable de félicité pour chacun de nous ; Lieu incomparable de toute affection, aiguillon des courages et même les plus inattendus ; cet être dit faible mais incroyable force inspiratrice des voies qui mènent à l'honneur, cet être, vérité charnelle et certitude spirituelle; Cet être-là, femmes c'est vous ! (...) »161(*)

La mise en attente du mot femme dans cette citation traduit une volonté de mettre en valeur la femme. L'usage de liaison à valeur adversative, telles que « cependant », « pourtant », « mais », permet d'établir un contraste entre le sort de la femme et sa valeur intrinsèque. La femme brille par son amour de la famille. Des périphrases métaphroriques assimilant la femme à un « noeud vital qui soude tous les membres de la famille »162(*) ou à un « pilier du bien être familial »163(*)définissent clairement la place incontournable de celle-ci dans la famille.

Pour s'attirer la sympathie des femmes, Sankara adopte un ton élogieux à leur endroit à la fin de son discours. Il assimile la femme à une éducatrice, à un guide. « Les femmes assurent la permanence de notre peuple, les femmes assurent le devenir de l'humanité, les femmes assurent la continuation de notre oeuvre, les femmes assurent la fierté de chaque homme »164(*) La répétition anaphorique « les femmes assurent » donnent au passage le caractère d'une profession de foi. Sankara croit à la femme positive dont il dessine les contours. La femme n'est plus la compagne révolutionnaire, elle devient la femme rédemptrice, celle qui fait de l'homme l'acteur possible de la révolution. « Tout homme fier, tout homme fort, puise ses énergies auprès d'une femme, la source intarissable, la clé des victoires se trouvent toujours entre les mains de la femme. C'est auprès de la femme, soeur ou compagne, que chacun de nous retrouve le sursaut de l'honneur et de la dignité »165(*). Les termes « honneur », « dignité » et « indulgence » ouvrent et ferment le discours de Thomas Sankara du 8 mars 1987. Cela confirme sa volonté de mettre les femmes en première ligne du combat révolutionnaire et de revendiquer pour celles-ci des droits civiques et politiques égaux.

L'argumentation de Sankara, pour susciter l'adhésion du public à son projet de société, se fonde sur une image contrastée de la femme, à la mesure des phases de son discours politique.

2.2. UN DISCOURS POLÉMIQUE

Dans le discours du 8 mars 1987, Sankara se démarque des discours réactionnaires et adopte un langage polémique. Ses propos cadrent bien avec la pensée de E. Balibar qui déclare : « si la langue (...) est « indifférente » à la division des classes et à leur lutte, il ne s'en suit pas que les classes soient « indifférentes » à la langue. Elles l'utilisent, au contraire, de façon déterminée dans le champ de leur antagonisme, notamment de leur lutte politique. »166(*)

Sankara reconstruit, dans son discours féministe, la société selon une vision manichéenne : les partisans d'un côté et les ennemis de l'autre. Cette image un peu simpliste a des vertus de propagande. Elle permet de réduire de façon pédagogique, la complexité des problèmes posés. Elle peut servir de référence au peuple pour dissocier ce qui est à l'intérieur de la révolution de ce qui lui est extérieur.

2.2.1. Les partisans de la cause féminine

La révolution démocratique et populaire, le prolétariat, le paysannat, les femmes regroupées au sein de l'UFB constituent, aux yeux de Sankara, les partisans de la cause féminine. En somme, tous les révolutionnaires convaincus de la lutte contre toute sorte d'exploitation militent en faveur de l'émancipation de la femme. Ceux-ci oeuvrent ensemble pour atteindre des objectifs majeurs comme l'accès des femmes à tous les empois, l'abolition de la prostitution, la participation des femmes aux prises de décision et à l'exercice du pouvoir populaire. L'avènement de la révolution se présente comme une victoire des partisans de l'amélioration de la condition féminine. La révolution est un vecteur de liberté comme l'exprime la personnification suivante : « Mais une seule nuit a porté la femme au coeur de l'essor familial et au centre de la solidarité nationale. Porteuse de liberté, l'aurore consécutive du 4 août 1983 lui a fait écho pour d'ensemble, égaux, solidaire et complémentaires, nous marchions côte à côte, en un seul peuple. »167(*) Cette personnification, en donnant une humanité à la nuit du 4 août, lui confère une puissance et pousse l'auditoire (ici les femmes) à croire à l'avènement d'un nouvel ordre social. Pour ce qui concerne l'émancipation de la femme, la RDP a déjà préparé le terrain du combat. Usant toujours de la personnification, Sankara note : « La révolution démocratique et populaire a créé la condition d'un tel combat libérateur. »168(*) Il poursuit dans le même sens en affirmant : «  Ainsi notre révolution a non seulement précisé l'objectif à atteindre dans la question de la lutte d'émancipation de la femme. Mais elle a également indiqué la voie à suivre, les moyens à mettre en oeuvre et les principaux acteurs de ce combat. »169(*).

La répétition dans l'affirmation qui suit montre la place et le rôle incontournables qui doit assumer l'UFB : « Organisation de masse, tard venue par rapport à d'autres, elle n'est pas pour autant en marge de notre marche victorieuse et nous faisons confiance à l'UFB pour que toutes les femmes, toutes nos femmes, toute femme et toutes les femmes du monde entier soient mobilisées. »170(*) L'emploi de « toute (s) » et de  « entier » donne une dimension universelle à l'UFB dont le rayon d'action n'a de limites que les pôles. Il y a ici une volonté évidente d'exagérer l'importance de l'UFB, et partant, de la tâche qui lui est assignée, en vue d'inciter les femmes à l'action. Cette immensité du combat que les femmes doivent entreprendre dans le cadre de leur organisation est soulignée par Sankara : « la tâche est donc dure. »171(*) Ce qui fait dire au leader révolutionnaire qu'un des acquis majeurs de la RDP a été la création de l'UFB, arme de combat pour la libération de la femme. En effet l'avènement de cette structure féminine révolutionnaire qui vu le jour en 1985, marque l'amorce d'une transformation des mentalités au niveau des femmes.172(*) Elles « participent de plus en plus aux prises de décision, à l'exercice effectif du pouvoir populaire. »173(*)

Pour faire le bilan des acquis de la révolution, Sankara donne une dimension exagérée à l'oeuvre de la RDP. Il affirme : « Notre révolution, durant les trois ans et demi, a oeuvé à l'élimination progressive des pratiques dévalorisantes de la femme, telle que la prostitution et les pratiques avoisinantes comme le vagabondage et la délinquance des jeunes filles, le mariage forcé, l'excision et les conditions particulièrement difficiles de la femme. » 174(*). Tous ces maux relèvent du domaine des mentalités et leur élimination ne peut être réalisée en si peu de temps. Ce discours est donc propagandiste et vise à faire valoir l'énormité du combat mené par la révolution. Il a pour objectif de susciter l'action guerrière, de pousser les énergies par un conditionnement des esprits

Peut-on vraiment situer la frontière entre les acquis de Sankara et ses projets de Sankara ? Lorsque ce dernier affirme : « En contribuant à résoudre partout le problème de l'eau, en contribuant aussi à l'installation des moulins dans les villages, en vulgarisant les foyers améliorés, en créant des garderies populaires, en pratiquant la vaccination au quotidien, en incitant à l'alimentation saine, abondante, variée, la révolution contribue sans nul doute à améliorer les conditions de vie de la femme burkinabé »175(*), La mise en attente du terme révolution associée à l'expression « sans nul doute » confère à la RDP une force d'action incontestable, ce qui contribue à manipuler d'avantage l'auditoire. La RDP se donne comme mission de rendre justice à la femme, justice que lui dénient les ennemis de la cause féminine.

2.2.2. Les ennemis de la cause féminine

Sankara met en cause l'homme, la féodalité (les forces rétrogrades obscurantistes et ténébreuses), l'impérialisme et les valets locaux comme les adversaires de la condition féminine. Ils représentent les ennemis irréductibles des femmes, comme le souligne le président du CNR : « Les femmes arrivent à définir qui sont leurs ennemis. Les ennemis à l'intérieur l'homme, le mâle mais également les ennemis comme l'impérialisme et le système culturel qu'il a apporté, et aussi le système féodal d'hier qui existait chez nous, bien avant l'arrivée du colonialisme. »176(*) La répétition du mot « ennemis » et l'utilisation du pluriel traduisent l'importance des ennemis et présuppose l'ampleur du combat qui attend les partenaires de la cause féminine. Le camp des adversaires est explicitement désigné. Ils forment la réaction c'est-à-dire la contre-révolution. Pour les dénigrer, un ensemble de réseaux d'associations et de qualifications est soigneusement établi. Ainsi, aux ennemis d'associent des termes dégradants comme : « Système d'hypocrisie », « violence », « inégalité »,  « bêtise masculine », « règne féodal », « règne colonial », « apartheid », « forces rétrogrades ». Ils sont qualifiés d' « irresponsables », de « jaloux » de « prostitueurs », de « proxénètes ». Sankara présente une image négative de ses ennemis.

Il fonde son raisonnement plus sur l'apparence que sur la réalité, ce qui lui permet d'attirer l'attention de l'auditoire, d'obtenir son adhésion à ses idées. Il ne se dérobe pas à la pensée de G. Klaus qui affirme : « L'apparence agit directement et immédiatement sur les larges masses et constitue pour cette raison un thème prépondérant du langage politique. »177(*) Tout le discours de Sankara est fondé sur le principe technique qui consiste à restreindre la portée de l'acte de l'adversaire. Il dénigre l'action des régimes « néo-coloniaux », qui, à ses yeux, n'ont rien fait pour l'amélioration de la condition féminine. Malgré « la création du Ministère de la condition féminine, un ministère alibi », Sankara ne s'étonne pas que « la prostitution se soit développée, que l'accès des femmes à l'éducations et à l'emploi ne se soit pas amélioré, que les droits civiques et politique des femmes soient restés ignorés, que les conditions d'existence des femmes en ville comme en campagne ne se soient nullement améliorés. »178(*) Cette politique restreinte a conduit à fabriquer un type de femme fondé sur une pseudo-émancipation : « Femme-alibi politique au gouvernement ». Sankara tente de discréditer les réactionnaires par une série d'injures. Les formules insultantes et péjoratives « associent toujours désignation, description et illégitimation de l'ennemi » (P. Ansart)179(*)

Ainsi lorsque Sankara cherche à montrer que les impérialistes ont favorisé la misère, il use de l'allégorie suivante : « (...) l'intrusion des rapaces venus de loin a contribué a fermenter la solitude des femmes et à empirer la précarité de leur condition. »180(*). L'expression « des rapaces venus de loin » évoque l'avidité et la cupidité de ceux qui se jettent sur leur proie. L'impérialisme est vu comme un danger constant. C'est la même logique qui guide Sankara dans sa description de l'impérialisme lors de son interview du 17 mars 1985, accordée au journaliste Ernest Harsch : « c'est dans la pratique que j'ai vu que l'impérialisme est un monstre, un monstre qui a des griffes, qui a des cornes, qui a des crocs, qui mord, qui a du venin, qui est sans pitié. » La répétition du mot « monstre » porte l'animalité et l'immoralité de l'impérialisme à son paroxysme.

La technique de l'allégorie a beaucoup servi dans la littérature polémique et politique de la révolution française de 1789. Ferdinand Brunot fait une analyse de l'emploi de l'allégorie dans le discours politique de l'époque. Il montre comment dans les tribuns politiques comme Robespierre, Saint-Just, Rivarol adoptent le langage allégorique parce qu'ils se veulent les éducateurs du peuple. Comme eux, Sankara va utiliser l'allégorie pour donner corps à des notions abstraites. Faire de l'impérialisme un monstre permet de visualiser ce concept, d'en faire une image pédagogiquement acceptable par l'auditoire. En d'autres termes, la concrétisation des aspects de l'impérialisme, en permettant au discours d'échapper à une formulation abstraite, le rend immédiatement sensible, palpable, et d'autant plus frappant181(*)

Dans le camp ennemi, Sankara dénonce la mentalité masculine faite de vanité, d'arrogance et d'irresponsabilité. L'homme, avec l'apparition de la propriété privée, maintient la femme dans un esclavage domestique. L'emploi récurrent du mot « mâle » ajouté à l'usage régulier de « phallocrates » et « machistes » met en évidence l'animalité et la sauvagerie de l'homme. « Fourberie », « paresse », « calculs crapuleux », « caprices sexuels » sont associés à l'homme de façon intime. Lorsqu'il va à l'assaut de la prostitution le président du CNR rend l'homme responsable du phénomène. « Elle symbolise le mépris que l'homme à de la femme »182(*) soutient -il en ajoutant : «  Il n'y a de prostituées que là où existent des « prostitueurs » et des proxénètes »183(*)

Au-delà des hommes, c'est la société entière qui est rendue responsable de ce fléau. Sankara établit son propos et étend la culpabilité à tous ceux qui sont responsables de l'éthique de la société, théologiens ou moralistes. Les Pères de l'Eglise ne s'étaient-ils pas accommodés du scandale en posant ce genre de constat : « il faut des égouts pour garantir la salubrité des palais »184(*). Sankara use ici d'une rétorsion qui, par un ton ironique, attaque la règle (la religion chrétienne) et met l'autophagie (la morale révolutionnaire) en évidence185(*). Il montre que le respect de la morale chrétienne est incompatible avec l'émancipation de la femme. Il oeuvre à imposer la morale révolutionnaire au détriment de la morale religieuse : « A la « morale » immorale de la minorité exploiteuse et corrompue, nous apposons la morale révolutionnaire de tout un peuple pour la justice sociale »186(*), précise le président du CNR.

En prenant ses adversaires au mot, Sankara les ridiculise et son message gagne en crédibilité. Il se présente ainsi comme le seul garant de la morale sans laquelle régnerait le chaos. Car, si ceux chargés de la protection et de l'éducation de la société comme les vieux (garants des traditions) et les Pères de l'Eglise ont failli à leur mission, le seul salut demeure une fidélité inconditionnelle à la révolution. Le mal se situe au niveau des mentalités car dès la naissance une éducation différentielle est dispensée au jeune garçon (« don de dieu ») et à la jeune fille (« fatalité »). Les rites et l'obligation de soumission continuent de maintenir la jeune fille et partant la femme dans une dépendance totale. « (..) La camisole de force sociale enserrera davantage la jeune fille, à chaque étape de sa vie »187(*) La « camisole de force sociale » traduit bien la violence qui est faite sur la femme par les tenants de la société traditionnelle. C'est dire aussi que la femme est une aliénée au sens concret du terme et que sa soumission est obtenue par des mesures coercitives intolérables. Toute l'argumentation de Sankara vise à inciter à l'action pour un bouleversement de l'ordre établi. Mettre fin à « la relation d'appropriation qui veut que chaque femme soit la propriété d'un homme »188(*) reste l'objectif final du leader révolutionnaire burkinabé.

La technique polémique de Sankara repose sur la désignation et le dénigrement systématique de ses adversaires. La violence de ses propos, l'usage d'injures confère à son discours un caractère engagé évident.

CONCLUSION

Inciter à l'action constitue le but ultime de Sankara. Ce leader révolutionnaire déclare une guerre de mots contre ses adversaires. Son discours est à la mesure de ce que G. Klaus déclare : « La langue de la politique est un élément de la lutte des classes(...) les mots sont des armes, des poisons ou des tranquillisants »189(*). Cela est d'autant plus vrai que Sankara aborde un problème ancré dans la mentalité collective. « L'outil du langage se veut une arme de choc pour le nouveau régime »190(*). Sankara institue une langue révolutionnaire dont l'enjeu majeur est de renverser l'ordre ancien, et d'en créer un autre. Dans ce sens, il affirme : « Il s'agit donc de restituer à l'homme sa vraie image en faisant triompher le règne de la liberté par-delà les différenciations naturelles, grâce à la liquidation de tous les systèmes d'hypocrisie qui consolident l'exploitation cynique de la femme »191(*). Cette profession de foi explicite l'engagement des révolutionnaires qui est de vaincre les multiples ennemis. De l'émancipation féminine Sankara donne ici la voie à suivre : il se présente comme un guide qui donne des leçons et qui détient la vérité. Sa force réside dans sa volonté d'expliciter son projet politique et de transmettre un message pédagogique. La lutte politique devient, avant tout, une lutte pour imposer une vérité idéologique.

La politique sankariste s'appuie sur le marxisme-léninisme. Elle s'engage dans le sens de la rupture et s'impose une révolution du verbe. Elle défint la mission de la femme nouvelle. « Aussi, celle-ci doit-elle s'engager dans l'application des mots d'ordre anti-impérialistes, à produire et consommer burkinabé, en s'affirmant toujours comme un agent économique de premier plan, producteur comme consommateur des produits locaux »192(*) ceci suppose une volonté révolutionnaire de précipiter la destruction des systèmes qui asservissent la femme et de construire un nouvel ordre économique dans lequel elle bénéficierait d'un plein épanouissement. En appelant les femmes à se mettre au premier rang pour produire et consommer burkinabé, Sankara les invite à faire preuve de patriotisme. Ce dernier trait de la morale révolutionnaire s'accompagne d'une volonté d'acquérir des vertus ascétiques193(*). Compter sur ses propres forces amène le Président du CNR à encourager les femmes à se servir de leur propre arme que constitue l'UFB. « Il vous appartient de l'affûter davantage pour que ses coups soient plus tranchantes et vous permettent de remporter toujours et toujours des victoires »194(*). Cet appel vise à donner confiance aux femmes pour qu'elles persévèrent dans leur quête permanente de l'émancipation.

La démarche sankariste consiste à éduquer les femmes, à leur fournir les armes d'un combat ultérieur. Car, pour agir, il est indispensable que celles ci prennent conscience de leur situation critique et de la nécessité de provoquer un changement qualificatif. « On ne combat bien que ce que l'on connaît bien et un combat ne se réussit que si l'on est convaincu de sa justesse »195(*) note Sankara. Il tente de rassurer les femmes sur la bonne volonté de la RDP. « Il s'agit d'exiger au nom de la révolution qui est venue pour donner et non pour prendre, que justice soit faite aux femmes »196(*). La révolution symbolise une force qui délivre. Elle se présente comme une providence, un salut pour toutes les femmes. Elle incarne la bonté et la générosité, elle n'est donc pas ségrégationniste. La RDP ne distingue pas l'homme de la femme, elle ne fait pas de « discrimination sexiste ». Le camp du Bien est celui de la Révolution démocratique et populaire, antithèse de la Réaction, camp du Mal, par excellence. Cette vision manichéenne un peu simpliste délimite les rapports de force que Sankara établit entre le camp révolutionnaire et les ennemis de la Révolution197(*). . La révolution et les femmes sont des partenaires dans la recherche constante de la liberté et Sankara l'exprime clairement en ces termes : « Femmes, mes camarades de luttes, c'est à vous que je parle »198(*).

Thomas Sankara s'adresse particulièrement aux femmes de façon directe lors des meetings et par l'intermédiaire des médias. Rassembler son auditoire, lui donner une conscience de foule et l'éduquer par le biais d'images et de symboles constitue la démarche propre au président du CNR. Cette technique d'approche produit des effets indéniables qui font partie de l'héritage laissée par Sankara après sa mort.

En effet, Sankara joue sur la psychologie des masses. Son attitude est conforme à cette assertion de Gustave Le Bon : « par le fait seul que les individus sont transformés en foule ils possèdent une sorte d'âme collective qui les fait sentir penser et agir d'une façon tout à fait différente de celle dont sentirait penserait, agir chacun d'eux isolement »199(*). Sankara, comme tout « révolutionnaire », prend soin de rassembler les  « masses » en « foule », de les impressionner par des harangues vigoureuses. Face à un auditoire acquis, Sankara passe du mot d'ordre à l'activité pédagogique. « Ce qui exige bien souvent que nous fassions violence sur nous-mêmes : Expliquer et encore expliquer. Lénine disait une chose que nous oublions souvent : « à l'origine de toute révolution, il y a la pédagogie » ne l'oublions jamais. Et l'art d'enseigner, c'est la répétition. Il faut répéter, et encore répéter »200(*). Eduquer et sensibiliser deviennent les armes de Sankara. Dans ce projet de formation, le discours joue un rôle fondamental. Les habilités rhétoriques, les techniques argumentatives les plus diverses sont au service du discours sankariste : convaincre, émouvoir pour participer à une oeuvre de reconstruction. L'image, dans la démonstration dialectique de Sankara, est une figure de discours importante. Elle est une clé de la vision particulière que se fait le leader des forces politiques en présence. Le triptyque de la représentation de la femme, femme coupable, femme victime, femme positive, illustre bien les facettes du discours politique de Sankara. L'image devient métaphore puis allégorie, lorsque que le président du CNR cherche à frapper les esprits. Le monde révolutionnaire se peuple de déités bienfaisantes, telles que la révolution ou la nuit du 4 Août, et de forces obscures ou de monstres, comme l'impérialisme et la Réaction religieuse. Ainsi que l'explique Charles Perelman, le symbolisme est saisissable par un large auditoire et entraîne une forte adhésion : « Le symbole est indispensable pour susciter une ferveur religieuse ou patriotique, car l'émotion peut difficilement s'attacher à une idée purement abstraite »201(*). . Dans le même sens, Walter Lippmann dit du symbole qu'il est fait « pour créer le sentiment de la solidarité et en même temps pour exploiter l'excitation des masses »202(*). Le symbolisme se présente comme la langue de l'inconscient. Il cherche à persuader l'auditoire, à le conduire par les promesses et à l'effrayer par les menaces, à l'amener à rejeter ce qui est condamné et à adopter ce qui est recommandé. Dans le cas du discours sankariste sur la condition féminine, la prostitution, l'exclusion politique, sociale et culturelle des femmes sont condamnées sévèrement. En revanche l'éducation politique, idéologique des femmes, leur accès à l'emploi et aux instances de prises de décisions sont recommandées. Le but final poursuivi est la libération et l'émancipation totale de la femme. Cette détermination conduit Sankara à menacer ceux qui s'opposent au cours de la Révolution : « Camarades, malheur à ceux qui méprisent les femmes ! »203(*). Cette formule est l'écho de la phrase célèbre prononcée par Sankara. à l'occasion de sa démission du poste de secrétaire d'Etat à l'Information le 12 avril 1982 : « Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple »204(*). Protestant contre les atteintes aux libertés, il devient du même coup le leader exemplaire qui lutte, contre l'injustice, l'arbitraire et l'exploitation sous toutes les formes. Sankara crée dans ses meetings, une communion totale avec le peuple205(*). Il adapte son comportement à un « discours de vérité qui s'énonce sur le mode du devoir - être, au mieux du devoir vivre puis qu `il désigne le bien - vivre, la ligne juste »206(*).

Le problème de la condition féminine tel qu'il est posé dans les discours de Sankara relève des mentalités profondes d'une société. Toute évolution dans ce domaine spécifique ne peut être obtenue que par un processus psycho-sociologique fort long.. Cependant Sankara a eu le mérite de s'attaquer à ce qui, aux yeux de la société est considérée comme normal et essentiel au maintien et à la cohésion de la communauté : à savoir les systèmes d'exploitation économique, d'oppression sociale, d'ostracisme culturel de la femme. Et trois ans et demi, un changement sensible se manifeste dans la vie des femmes. Celles-ci peuvent accéder à certains postes politiques et administratifs. Les femmes comprennent le message sankariste et certaines d'entre elles se mettent au devant de la scène pour briser symboliquement leurs chaînes. Sankara permet l'éveil politique des femmes, comme en témoigne Marlène Zebango, femme politique, ancien ministre de la justice : « La lutte des femmes burkinabé pour leurs droits remonte à Thomas Sankara (...) il nous a donné confiance en nous, car il nous encensait et a été le premier à nous confier des postes de responsabilités. »207(*).

Ces propos sont confirmés par des historiens qui constatent que l'effort sankariste a permis de placer la femme au premier plan. La question de sa condition « ne faisait plus l'objet d'un tabou »208(*). C. Benabdessadok conclut : « (...) le destin des femmes a quitté le sentier du tabou, de l'exploitation et du « beni-oui - ouisme » »209(*). Selon lui, Sankara a permis l'amorce d'un débat qui a modifié en profondeur les données du problème posé. L'UFB tout comme les tribunaux populaires de conciliation se présente comme une structure par laquelle les femmes expriment leurs préoccupations et se défendent210(*).

Le projet de libération de la femme est inséparable du projet global et total formulé par Sankara pour renverser l'ordre social établi. Par ses paroles et ses actes, Sankara bouscule les mentalités et maintient un contrôle social serré. La lenteur de l'adhésion à la politique sankariste sur la condition féminine est liée au fait qu'une la révolution des mentalités se heurte à l'inertie qui leur est propre.

Il a toujours été difficile de substituer un système de perception à un autre. Et Bruno Jaffré de conclure : « L'évolution des mentalités reste un travail de longue haleine, encore faut-il commencer sans un certain courage »211(*). Héritier d'un pays où la domination politique, l'exploitation économique et l'exclusion sociale de la femme étaient la norme, Sankara a opté pour la rupture. Marxiste-léniniste, le président du CNR assimile les femmes à des prolétaires et se détermine à les organiser, à les éduquer et à les défendre. Il veut les responsabiliser pour la conduite de leur propre destin, et l'aboutissement de leur libération. Conscient de la force énorme que représentent les femmes, Sankara prophétise : « Camarades, il n'y a de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes yeux ne voient une société, que jamais mes pas ne me transportent dans une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence. J'entends le vacarme de ce silence dans des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. J'entends et espère l'irruption féconde de la révolution, elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties de leurs entrailles d'opprimées »212(*). Paroles et actes de Sankara révèlent donc une pensée révolutionnaire authentiquement féministe. Rarement dans l'histoire des révolutions, la pratique est allée de pair avec la théorie en ce qui concerne la libération des femmes. Olympe de Gouges, pour ne citer qu'elle, n'a t-elle pas payé de sa vie son opposition à Robespierre et à une révolution qui était une affaire d'homme ? La prise de position courageuse et sincère de Sankara est sans précédant dans l'histoire du Burkina et dans celle des idées politiques.

ANNEXES

N° 1 : Tableau sur la représentativité Féminine dans les Gouvernements du Burkina Faso 1957-1991.

N° 2 : Tableau sur le rapport entre le Profil professionnel et la Fonction Ministérielle.

N° 3 : Reproduction de l'affiche : « Un peuple nouveau pour une Haute-Volta nouvelle ».

N° 4 : Copie d'une photographie d'un défilé « La nouvelle génération de l'Armée nationale populaire verra la participation des femmes ».

ANNEXES I

REPRÉSENTATION FÉMININE DANS LES GOUVERNEMENTS DU BURKINA FASO
1957 À 1991

REGIME

ANNEE

Total membres gouvernements

Ministres et Secrétaires d'Etat femmes

Pourcentage

Conseil de gouvernement

1957-1959

12

1

8,33%

1ère République

1960-1965

16

0

0%

1er Régime militaire

1966-1971

12

0

0%

2ème République

1971-1974

16

0

0%

2e Régime militaire

1974-1976

16

1

6,25%

1976-1978

19

1

5,26%

3ème République

1978-1980

20

1

5,00%

C.M.R.P.N

1980-1982

17

1

5,88%

 

1982

22

1

4,54%

C.S.P

1982-1983

20

19

2

2

10,00%

10,52%

C.N.R

1983-1984

1984-1985

1985-1986

1986-1987

1987

20

22

22

25

28

1

3

3

5

5

5,00%

13,63%

13,63%

20,00%

17,85%

Source : Badini-Folané (D), op. cit. p 152.

ANNEXE II

RAPPORT ENTRE LE PROFIL PROFESSIONNEL ET LA FONCTION MINISTÉRIELLE

Régime

Identité

Profession

Fonction Ministérielle

Conseil de gouvernement 1957 - 1959

Mme Ouezzi COULIBALY née Traoré Macoucou Célestin

Institutrice

Affaire Sociale de l'habitat et du Travail

2ème Régime militaire 1974-1978

Mme TRAORE Née SIGUE Fatoumata

Institutrice

Secrétaire d'Etat aux Affaires Sociales

3ème République 1978-1980

Mme TRAORE Née SIGUE Fatoumata

Institutrice

Ministre des Affaires sociales et de la Condition Féminine

CMRPN 1980 -1982

Mme KONE Née SANOU Marie Madeleine

Chirurgien Dentiste

Ministre des Affaires sociales et de la Condition Féminine

CSP 1982-1983

Mme NIGNAN Née BASSOLET Marie Louise

Professeur d'Anglais

Ministre de la Justice, Garde des sceaux

Mme KAMBOU Née Hien Paulin

Conseiller des Affaires Sociales

Ministre des Affaires Sociales et de la Condition Féminine

Mme NACOULMA née OUEDRAOGO Odile

Biochimiste

Ministre des Affaires Sociales

CNR

Mme PALE Née ROUAMBA Bunadette

Assistante Sociale

Ministre des Affaires Sociales

Mlle OUEDRAOGO Adèle

Cadre de Banque

Ministre du Budget

Mme OUEDRAOGO Née GUISSOU Joséphine

Socialogue Assistante sociale

Ministre de l'Essor Familial et de la Solidarité Nationale

Mlle Rita SAWADOGO

Secrétaire de direction

Ministre des Sports et des loisirs

Mlle Noélie Marie Béatrice DAMIBA

Journaliste

Ministre de l'Environnement et du Tourisme

Mlle BAMBA Née LOUGUE Azata

Médecin

Ministre de la santé

Mme SANOU Née DAO Bernadette

Diplôme en lettres Poétesse

Ministre de la Culture

Mme SALEMBERE Née OUEDRAOGO Alimata

Journaliste

Ministre de la Culture

Mlle Marie Noélie Béatrice DAMIBA

Journaliste

Ministre de l'Environnement et du Tourisme puis de l'Informatique et de la Culture

Mme SALEMBERE Née OUEDRAOGO Alimata

Journaliste

Secrétaire d'Etat à la Culture

Mme TIENDREBEOGO Née KABORE Alice

Historienne

Secrétaire d'Etat à l'Action Sociale puis Ministre de l'Alphabétisation de Masse

Mme SANOGHO Née GUINDO Bintou

Ingénieur Statisticien

Ministre des Finances

Source : Badini - Folané (D), op. cit., p. 160.

ANNEXE III

Source : Carrefour Africain n° 797 du 23 septembre 1983 (couverture).

ANNEXE IV.

Source : Carrefour Africain n° 842 du 4 août 1984, p. 29.

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N° 476 du 10 mars 1986, p. 3.

* 1 G. TARRAB, R. BANEGAS ont proposé une analyse des discours de la révolution burkinabé d'une part, d'autre part B. JAFFRÉ , L. MARTENS, S. ANDRIAMIRADO ET V. SOMÉ ont produit des biographies ou ouvrages portant en partie sur la vie de Thomas Sankara.

* 2 ENGLEBERT (P), la Révolution burkinabé, Bruxelles, ULB , 1985, p 94.

* 3 GAKUNZI (D), Thomas SANKARA,  « Oser inventer l'avenir ». La parole de SANKARA (1983-1987), New-York et Paris Pachfinder et l'Harmattan, 1991, p. 58.

* 4 GAKUNZI (D), op. cit., p. 58.

* 5 Le « lumpen-prolétariat » regroupe, selon les marxistes, l'ensemble des désoeuvrés, de tous ceux qui n'ont pas de travail. Le lumpen-prolétariat apparaît comme une masse à conscientiser et à intégrer dans le processus révolutionnaire.

* 6 BAMOUNI (B P),  « Idéologie : le révolutionnaire », in Carrefour Africain n 854 ? du 24 octobre 1984, p. 11.

* 7 GAKUNZI (D), op. cit., p. 61.

* 8 MARTENS (L), Sankara, Compaoré et la révolution burkinabé, Anvers, Editions E P O, 1989, p. 249.

* 9 MARTENS (L), op. cit., p. 5.

* 10 MARTENS (L), op. cit., p. 5.

* 11 MARTENS (L), op. cit., p. 5.

* 12 UNICEF, Analyse de la situation des femmes et des enfants au Burkina Faso, Ouagadougou, UNICEF, 1994 pp. 41-42.

* 13 UNICEF, op. cit., p. 44.

* 14 Le Dictionnaire de Notre temps, Paris Hachette, 1990, p. 586.

* 15 GAKUNZI (D), op. cit., p. 153.

* 16 BANEGAS (R ), Insoumissions populaires et révolution au Burkina Faso, Bordeaux, CEAN, 1998, p. 6.

* 17 ROBERT (A. D) et BOUILLAGUET (A), l'Analyse de contenu, Paris, PUF, 1997, p. 8.

* 18 KABORE (V-F), Condition et place de la femme dans la société moaga traditionnelle de Ouagadougou. Ruptures et permanences avec l'avènement de l'islam, Mémoire de maîtrise, INSHUS-U.O, Département d'Histoire et Archéologie, 1989, p. 34.

* 19 KABORE (V-F), op. cit., p. 32.

* 20 KABORE (V-F), op. cit., p. 31.

* 21 BINGER (L G), Du Niger au Golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi,. Paris, Hachette, 1892, p. 473.

* 22 BINGER (L G), op. cit., pp. 39-40.

* 23 BINGER (L G), op. cit., p. 495.

* 24 « L'histoire du Burkina depuis la fin du XIXe siècle », EURÊKA n 19, Décembre 1996, p 28

* 25 « L'histoire du Burkina depuis la fin du XIXe siècle », EURÊKA n 19, Décembre 1996, p 28

* 26 KNIBIEHLER (Y) et GOUTALIER (R ), Femmes et colonisation, Aix-en-Provence, I.H.P.O.M., 1987, p.29.

* 27 KNIEBIEHLER (Y) et GOUTALIER ( R), op. cit., pp. 27-33.

* 28 KNIEBIEHLER (Y) et GOUTALIER ( R), op. cit., p. 27.

* 29 KNIEBIEHLER (Y) et GOUTALIER ( R), op. cit., p. 29.

* 30 BADINI - FOLANE (Denise), « La représentativité féminine dans les gouvernements du Burkina Faso de 1958 à 1991 », in cahiers du CERLESHS (FLASHS-UO), Presse Universitaire de Ouagadougou, 1997, pp. 145-146.

* 31 VALETTE (Jacques), La France et l'Afrique. L'Afrique subsaharienne de 1960, Paris, Sedes, 1994, p.139.

* 32 SANDWIDI (R ) et alt, le Partenariat hommes/femmes pour le développement au Burkina Faso. Quelle approche sur le terrain ? (Etude de cas sur le genre), Ouagadougou, CEDA, novembre 1997, p. 4.

* 33 BADINI - FOLANE (D), op. cit., p. 150.

* 34 KARGOUGOU (M), Les problèmes féminins dans le cadre de l'éducation rurale, Ouagadougou, D.E.R, 27 septembre 1967, p. 3.

* 35 BADINI-FOLANE (Denise), op. cit., pp. 156-157. Voir Annexe I.

* 36 INSD, Burkina Faso, Données démographiques, socio- économiques et culturelles sur les femmes du Burkina Faso, Ouagadougou, INSD, 1993, p. 7.

* 37 CHLEBOWSKA (K), l'Autre Tiers Monde : les femmes rurales face à l'analphabétisme, UNESCO, 1990, pp. 76-77.

* 38 Livre (Le) unique de français de l'écolier africain, Paris, EDICEF, pp. 34-35.

* 39 Livre (Le) unique de français de l'écolier africain, Paris, EDICEF, pp. 244-245.

* 40 Livre (Le) unique de français de l'écolier africain, Paris EDIFICEF, pp. 244-245.

* 41 UNICEF, Analyse sur la situation des femmes et des enfants au Burkina Faso, Ouagadougou, UNICEF, 1994 p. 67

* 42 ONU, Les femmes dans le monde 1970-1990 : des chiffres et des idées, New - York, ONU, 1992, p. 50.

* 43 BENABDESSADOK (C) , « Femmes et révolution ou comment libérer la moitié de la société », in Politique Africaine n 20, « le Burkina Faso », Karthala, décembre 1985, p. 54.

* 44 UNICEF , op. cit., p. 73.

* 45 CHLEBOWSKA (K) op., cit., p. 74.

* 46 UNICEF, op. cit., p. 40.

* 47 UNICEF, op. cit., p. 35.

* 48 UNICEF, op. cit., p. 39.

* 49 UNICEF, op. cit., p. 41.

* 50 TARRAB (G), op. cit., p. 113.

* 51 UNICEF, op. cit., p. 36.

* 52 BENABDESSADOK (C), op. cit., p. 57.

* 53 TARRAB (G), op. cit., p. 85.

* 54 UNICEF, op. cit., p. 45.

* 55 BADINI-FALANE (D), op. cit., pp. 157-160. Voir Annexe II

* 56Voir Annexes I et II

* 57 TARRAB (G), op. cit., p. 72.

* 58 TIAO (L. A), « Au dernier conseil des ministres. Des femmes prennent en main des commandements territoriaux » in Carrefour Africain n 827 du 20 avril 1984, P. 9.

* 59 ZERBO (S), « La RDP et la femme burkinabé : Après la parole donnée », in Sidwaya, n 105 du mercredi 12 septembre 1984, p. 3.

* 60 BADINI-FOLANE (D), op. cit. pp. 157-160. Voir Annexe I

* 61 TARRAB (G ), op. cit., p. 72. Voir Annexe IV

* 62 TARRAB (G), op. cit., p 32.

* 63 DAMIBA (B). «  Les CDR : un an d'exercice de pouvoir populaire. Des acquis amis aussi des accrocs », in Carrefour Africain n 842 du 4 août 1984, p. 11.

* 64 DAMIBA (B), op. cit., p. 12.

* 65 GAKUNZI (D), op. cit., pp. 63-64.

* 66 MARTENS (L), op. cit., p. 250.

* 67 CONDORCET, Lettre d'un bourgeois de Newhaven, 1789, Cité par KRIEF (H) dans un cours destiné aux étudiants de MAST1 (Licence) du département d'Arts et Communication (FLASHS-U.O). Le cours est intitulé : Discours romanesque et idéologies, année académique 1997-1998.

* 68 Cité par KRIEF (H) dans le cours Discours romanesque et idéologies, indiqué plus haut.

* 69 GENGEMBRE (G), A vos plumes citoyens ! Ecrivains, journalistes orateurs et poètes, de la Bastille à Waterloo Paris. Gallimard, 1988, p. 171.

* 70 GENGEMBRE (G), op. cit., p.172

* 71 GENGEMBRE (G), op., cit., p. 171.

* 72 GENGEMBRE (G), op., cit., p. 172.

* 73 GAKUNZI (D) op. cit., p. 223.

* 74 GAKUNZI (D) op. cit., p. 224.

* 75 Engels (F) l'Origine de la famille de la propriété et de l'Etat, Paris Editions Sociales 1983, p. 271.

* 76 POIRIER (J), « Elément pour une problématique matérialiste de la reproduction humaine », in Gauveau (D) et alt (sous la direction de) : Démographie et sous-développement dans le tiers Monde Center for developing Area Studies Mc Gill University, Québec,1986, p. 286.

* 77 POIRIER (J), op. cit., p. 286.

* 78 ENGELS (F), L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, Paris Editions Sociales, 1983, p 271.

* 79 ENGELS (F), op. cit., p. 333.

* 80 Roux (J), Précis historique et théorique du Marxisme - Léninisme, Paris Robert Lafont, 1969, p. 322 - 333.

* 81 ZIEGLER (J), La victoire des vaincus. Oppression et résistance culturelle, Paris, Seuil, 1988, p. 271.

* 82 MARTENS (L), op. .cit., p 22.

* 83 DAMIBA (B), « Pourquoi une journée de la femme ? », in Carrefour africain n 822 du 16 mars 1984, p. 31.

* 84 GAKUNZI (D), op. cit., pp. 12-13.

* 85 « Grande parade populaire du 4 août : les femmes ont été magnifiques », in Sidwaya n 323 du lundi 5 août 1985, p. 1.

* 86 Sidwaya n 326 du lundi 5 août 1985, p. 3.

* 87 GAKUNZI (D), op. cit., p. 63.

* 88 GAKUNZI (D), op., cit., pp. 115-116

* 89 ZERBO(S),  « Le chef de l'Etat rencontre les femmes : L'Appel à la liberté », in Sidwaya n 65 du lundi 16 juillet 1984, p. 3.

* 90 DAMIBA (B), « Les femmes et la révolution. Une percée difficile mais certaine », in Carrefour Africain
n 797 du 23 septembre 1983, p. 28.

* 91 ZERBO (S), op., cit. in Sidwaya n 65 du lundi 16 juillet 1984, p. 3.

* 92 « La femme dans la RDP. Les voix de sa libération », in Carrefour Africain n 842 du 4 août 1984, p. 37.

* 93 Voir Annexe IV

* 94 DAMIBA (B), «  les CDR : un an d'exercice de pouvoir populaire. Des acquis mais aussi des accros » in Carrefour africain n 842 du 4 août 1984, p. 11.

* 95 PERELMAN (Ch), L'Empire rhétorique, rhétorique et argumentation, Paris, Vrin, 1977, p. 23.

* 96 SAINT AUGUSTIN, De la doctrine chrétienne Livre IV, chapitre 13 cité par PERELMAN (ch), op. cit., p. 26.

* 97 GAKUNZI (D), op. cit., pp. 63-64.

* 98 GAKUNZI (D), op. cit., p. 64.

* 99 SAINT AUGUSTIN, op. cit., p. 221.

* 100 ARISTOTE, Rhétorique Livre I, 1357 a, cité par PERELMAN (Ch), op. cit., p. 51.

* 101 PERELMAN (Ch), op. cit., p. 96.

* 102 GAKUNZI (D), op. cit. p. 223.

* 103 PERELMAN (Ch), op. cit., p 119.

* 104 GAKUNZI (D), op. cit., p 225.

* 105 GAKUNZI (D), op. cit., p. 63

* 106 GAKUNZI(D), op. cit., p 231.

* 107 GAKUNZI(D), op. cit., p 231.

* 108 GAKUNZI(D), op. cit., p. 230.

* 109 PERELMAN (Ch), op. cit., p. 108.

* 110 PERELMAN (Ch), op. cit., p. 225

* 111 GAKUNZI(D), op. cit., p 64.

* 112) GAKUNZI(D), op. cit., p. 226.

* 113 GAKUNZI (D),op. cit.,. pp. 226-227

* 114 GAKUNZI (D), op. cit., p 230

* 115 Ibid, p 230

* 116 GAKUNZI(D), op. cit, p 231

* 117 GAKUNZI (D), op. cit., p. 233.

* 118 GAKUNZI (D), op. cit., p. 228.

* 119 GAKUNZI (D), op. cit., p. 228.

* 120 GAKUNZI (D), op. cit., p. 222.

* 121 GAKUNZI (D), op. cit., p. 228.

* 122 GAKUNZI (D), op. cit., p. 222.

* 123 GAKUNZI(D) op. cit., p 245.

* 124 GAKUNZI (D), op. cit., p. 116.

* 125 Ibid, p. 225

* 126 Ibid, p. 226

* 127 POIRIER (J), op. cit.,, p. 286

* 128 GAKUNZI(D), op. cit., p. 103

* 129 Ibid, p. 241

* 130 Ibid, p. 241

* 131 GAKUNZI(D), op. cit., p. 232

* 132 GAKUNZI (D), op. cit., p. 232.

* 133 GAKUNZI (D), op. cit., p. 115.

* 134 HERNMSEN (J), op. cit., p. 305.

* 135 GAKUNZI(D), op. cit., p. 64-65.

* 136 KRIEF(H), « La Condition de la femme dans la littérature romanesque féminine pendant la Révolution française », in Les femmes et la Révolution française. T 2. Toulouse, Presses universitaires de Mirail, 1990 (actes du colloque international, 12- 13-14 avril 1989. Université de Toulouse- le Mirail), p. 270.

* 137 CHARLOT(M), La Persuasion politique, Paris, A. Colin, 1990, p 24

* 138 GAKUNZI(D), op. cit., pp. 221-245

* 139 GAKUNZI(D), op. cit., p. 63.

* 140 BACRY (P), Les figures de styles, Paris, Belin, 1992, p. 38.

* 141 Le changement du caractère de la « dot » coutumière, évaluée en monnaie et tend à devenir un simple prix. Certains mariages prennent l'allure d'une vente (Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan éditeur, 1968, p. 151.)

* 142 GAKUNZI(D), op. cit., p. 237.

* 143 GAKUNZI (D), op. cit., p. 231.

* 144GAKUNZI (D), op. cit., p. 231.

* 145 GAKUNZI (D), op. cit., p. 231.

* 146 GAKUNZI(D), op. cit., p. 225.

* 147 GAKUNZI (D), op. cit., p. 225.

* 148 GAKUNZI (D), op. cit., p 103.

* 149 GAKUNZI (D), op. cit., p. 223.

* 150 Ibid, p. 115

* 151 Ibid, p. 115

* 152 GAKUNZI (D), op. cit., p. 223.

* 153 GAKUNZI (D), op. cit., p. 227.

* 154 GAKUNZI(D), op. cit., p. 236.

* 155 GAKUNZI (D), op. cit., p. 236.

* 156 GAKUNZI (D), op. cit., p. 236.

* 157 GAKUNZI (D), op. cit., p. 229.

* 158 GAKUNZI (D), op. cit., p. 240.

* 159 GAKUNZI (D), op. cit., p. 231.

* 160 GAKUNZI (D), op. cit., p. 240.

* 161 GAKUNZI(D), op. cit., p. 222.

* 162 GAKUNZI (D), op. cit., p. 231.

* 163 GAKUNZI (D), op. cit., p. 231.

* 164 GAKUNZI (D), op. cit., p. 244.

* 165 I GAKUNZI (D), op. cit., p. 244.

* 166 E. BALIBAR cité par PECHEUX (M), Les Vérités de la palice. Linguistique sémantique et philosophie, Paris, Français Maspero, 1975, p. 89.

* 167 GAKUNZI (D), op. cit., p. 233.

* 168 GAKUNZI (D), op. cit., p. 234.

* 169 GAKUNZI (D), op. cit., p. 234.

* 170 GAKUNZI (D), op. cit., p. 177.

* 171 GAKUNZI (D), op. cit., p. 177.

* 172 GAKUNZI(D), op.cit, p. 235.

* 173 GAKUNZI (D), op. cit., p. 235.

* 174 GAKUNZI (D), op. cit., p. 235.

* 175 GAKUNZI (D), op. cit., p. 235.

* 176 GAKUNZI (D), op. cit., p. 116.

* 177 PECHEUX (M), op. cit., pp. 260-261.

* 178 GAKUNZI(D), op. cit., p. 233.

* 179 BANEGAS( R), op. cit., p. 18.

* 180 GAKUNZI(D), op. cit., p. 114.

* 181 BACRY(P), op. cit., p. 73.

* 182 GAKUNZI(D), op. cit., p 229.

* 183 GAKUNZI (D), op. cit., p. 229.

* 184 GAKUNZI (D), op. cit., p. 229.

* 185 PERELMAN (Ch), op. cit., p 72.

* 186 GAKUNZI(D), op. cit., p. 71. Voir Annexe III : Une présentation messianique de la Révolution.

* 187 GAKUNZI (D), op. cit., p. 230.

* 188 GAKUNZI (D), op. cit., p. 242.

* 189 PËCHEUX (M), op. cit., p. 259.

* 190 BANEGAS (R) op. cit., p 17.

* 191 GAKUNZI (D) , op. cit. p 222.

* 192 GAKUNZI (D), op. cit., p.p 235-236.

* 193 BANEGAS (R), op. cit. p. 102.

* 194 GAKUNZI (D), op. cit. p. 235.

* 195 GAKUNZI (D) , op., cit. p. 123.

* 196 GAKUNZI (D), op. cit., p. 239.

* 197 Voir Annexes III

* 198 GAKUNZI (D), op. cit. p. 242.

* 199 Citation tiré du cours « Médias et Publics » dispensé par BALIMA Serge Théophile (Licence/ MAST1, Arts et Communication, 19/01/98).

* 200 GAKUNZI (D) op. cit. p. 273.

* 201 PERELMAN, op., cit. , p 114.

* 202 Citation tirée du cours  « Médias et publics de BALIMA Serge Théophile (Licence/ MAST1 et Communication, 19/01/98).

* 203 GAKUNZI (D) op. cit. p. 245.

* 204 ENGLEBERT (P) op. cit. pp 112 - 113.

* 205 ENGLEBERT (P), op. cit. pp. 112 - 113.

* 206 BANEGAS (R) op. cit. p. 109.

* 207 BADINI - FOLANE (D), « Femmes en politique au Burkina Faso de 1983 à 1977 », in Athanor n° 9, Ravenna, Longo Eidtore, décembre 1998, p. 81.

* 208 JAFFRE (B), Burkina Faso, les années Sankara : de la révolution à la rectification, Paris , l'Harmattan 1989, p 111.

* 209 BENABDESSADOK(c), op., cit. p. 64.

* 210 JAFFRE (B) , op.; cit. p. 111.

* 211 JAFFRE (B) , op.; cit. p. 111.

* 212 GAKUNZI, (D) op. cit. p 245.






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