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L''installation de la chambre de métiers du Rhône, années 1920-années 1930


par Fabrice FLORE-THéBAULT
Université Lyon 2 - Maitrise d'histoire 1998
  

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3.4 Réglementer l'accès au statut d'artisan

Les réglementations en matière d'apprentissage, et plus généralement tout ce qui concernait la qualification des artisans et sa mise en valeur sont pour les artisans de la Chambre des métiers du Rhône la condition nécessaire à la constitution de l'artisanat comme groupe social suffisamment individualisé pour qu'il puisse être non seulement envisagé de le prendre en considération en tant que tel, mais encore qu'il soit impossible de l'ignorer, d'ignorer ses particularités et ses revendications. Encore faut-il que le groupe soit suffisamment stable et consolidé pour que son autonomie soit une évidence incontestable. Revenir sur la définition juridique de l'artisanat, sans cesse jusqu'à ce qu'elle isole un groupe bien défini, est bien sûr un moyen envisageable pour constituer cette cohérence. L'inscription des artisans et la constitution d'un électorat s'inscrivent dans une dynamique d'expansion de l'institution. Ces opérations sont aussi un outil de fermeture du groupe. Les artisans inscrits ne sont plus alors vus comme des électeurs et des contri-

103. Assemblée plénière 20 du 30 octobre 1938, v\oe{}u concernant les métiers du bâtiment [ADR 9M32].

104. Assemblée plénière 20 du 30 octobre 1938, v\oe{}u concernant les métiers du bâtiment [ADR 9M32]. 105. Assemblée plénière 18 du 6 mars 1938 [ADR 9M32].

buables, mais comme des ressortissants bénéficiant d'un statut spécifique donnant droit à un certain nombre d'avantages. L'accès à ce statut doit être réglementé pour justifier ces avantages qui lui sont liés.

Les évolutions que fait subir le législateur à cette définition de l'artisan et de l'artisanat, bien qu'elles soient fortement influencées par des groupes artisanaux, correspondent-elles aux attentes des membres de la Chambre des métiers du Rhône? La constitution du groupe semble se faire pour les artisans de la Chambre des métiers du Rhône, non autour de la taille des entreprises comme l'envisage la loi, ni même autour du métier compris de manière strictement économique comme il est envisagé par le registre des métiers qui se met en place en même temps que la Chambre des métiers du Rhône, mais autour de l'impératif de qualification de l'artisan, et de ses conséquences implicites. Car la qualification rattachée au statut d'artisan doit donner droit à la protection, non plus des artisans, mais du statut d'artisan; cela devient même un devoir moral pour le législateur qui doit garantir le bon usage du statut. Désigner et pourchasser ceux qui usent de manière déloyale de l'appellation « artisan », voire même ceux qui prétendent exercer un métier artisanal sans remplir les conditions pré-requises devient dès lors une des activités les plus fébrile de la chambre: la défense du consommateur devient l'outil de la défense de l'artisanat; la défense des artisans est-elle encore en jeu?

3.4.1 La restriction de la définition de l'artisanat

Une loi modifie le 27 mars 1934 l'article premier de la loi du 26 juillet 1925, et précise ainsi la définition de l'artisan dans un sens plus restrictif. La définition par la taille de l'entreprise est affinée: la loi introduit une limitation du nombre d'employés à dix compagnons ou apprentis, chiffre à ne pas dépasser, mais qui devra être fixé régionalement selon les métiers. La définition par la qualification prend un tour nouveau: la nécessité d'une qualification reconnue apparaît.

La Chambre des métiers du Rhône est consultée une première fois par la préfecture lors de l'été 1934. Elle se rallie explicitement à la proposition de l'Assemblée des présidents de chambres de métiers de France: elle demande un délai de trois mois pour consulter les professions intéressées, et déclare qu'en principe, elle demandera le maintien de 10 compagnons ou apprentis pour toutes les professions 106. En appuyant la position de l'Assemblée des présidents de chambres de métiers de France, ses membres appuient la famille syndicale dont ils sont issus. Ils sont membres de la Fédération des artisans du sud-est, elle même adhérente au Comité d'entraide et d'action artisanale (CEAA). Ce comité aux ramifications politiques catholiques sociales s'oppose le plus fermement possible au rétrécissement de la définition de l'artisan par une fixation du nombre maximal d'employés. Il s'oppose depuis quelques années à la Confédération générale de l'artisanat français, laquelle a oeuvré pour le vote de cette loi, et cherche encore à rendre la limite plus stricte.

La Confédération générale de l'artisanat français, déjà avantagée par ses relations politiques opportunistes, obtient rapidement la consécration locale de son point de vue. L'arrêté du 30 janvier 1936 fixe à 5 le nombre de compagnons maximum dans le département de la Seine. Elle fait ensuite pression sur le gouvernement pour obtenir la généralisation de cette mesure 107.

106. Assemblée plénière 3 du 1er juillet 1934 [ADR 9M32].

Le ministre du travail relance rapidement la consultation des organisations artisanales en vue d'obtenir pour tous les départements des arrêtés similaires à celui du 30 janvier 1936.

La Chambre des métiers du Rhône est touj ours hostile à une limitation stricte de l'artisanat. Forcée par la loi à donner une limite de taille à l'artisanat, elle opte pour le statu quo: il faut maintenir la limite à dix employés pour tous les métiers. Elle considère en même temps que cette définition de l'artisanat par le nombre d'employés est une erreur 108 . Les difficultés d'applications à prévoir sont mises en avant: «la limitation étroite et stricte entraînera de grandes difficultés d'application pratique, puisque, fréquemment, du fait d'un chiffre strict, les Maîtres Artisans cesseront d'être et redeviendront tour à tour ressortissants des Chambre de métiers ». Les conséquences économiques de ces fréquents changements de statuts sont soulignés: «des évasions fiscales, au détriment tant des Chambres de métiers que des Chambres de commerce, sont à craindre ». Les principes mêmes de la définition de l'artisanat sur lesquels repose la loi sont finalement mis en doute: «C'est bien plutôt dans les modalités d'exécution du travail que dans le nombre d'aides employés qu'il faut chercher la discrimination de l'Artisan et de l'Industriel ». Ce refus d'une limite stricte ne s'apparente donc pas, dans ses principes, à une acceptation des petits industriels au sein de l'artisanat. C'est bien au contraire une manière de résister à l'assimilation de ces deux groupes, vers laquelle tend la loi.

Aucun arrêté n'a été pris dans le département du Rhône avant que la limite fixée à 5 compagnons ait été généralisée à l'ensemble du territoire par les articles 23 et 24 du décret-loi du 2 mai 1938 109 . En conséquence, tous les arrêtés pris en application de la loi du 27 mars 1934, qui déterminaient le nombre maximum d'employés dans l'artisanat sont abrogés110.

Ce décret n'ignore pas l'argumentation utilisée par la Chambre des métiers du Rhône pour justifier ses réticences vis à vis de la loi. La limite fixée par décret n'est pas complètement rigide: les artisans sont autorisés à employer une main d'oeuvre occasionnelle « à la condition, toutefois, que ce concours supplémentaire soit de courte durée (au maximum quatre-vingt-dix journées de travail dans l'année) et ne revête pas un caractère périodique »111.Fait incompréhensible, la Chambre des métiers du Rhône reprend pourtant mot pour mot les termes de ce décret pour demander un assouplissement du texte en 1939: elle demande que les artisans maîtres puissent employer plus de 5 artisans compagnons, dans la limite de 90 jours par an, sans recourir aux formalités de radiations/immatriculations successives 112.

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