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L'impact des décisions administratives sur le suivi éducatif des mineurs étrangers isolés et des jeunes majeurs en France

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par Roland TCHOUAGA
Institut national de formation et d'application - Diplome d'état d'éducateur spécialisé 2006
  

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Sommaire p1/2

Introduction p3/7

I. Qu'est ce qu'un Mineur Isolé ?

A. Historique de l'immigration en France

1) Aperçu chronologique p8/11

2) Les mineurs isolés ne sont pas isolés d'un contexte p11/14

B. Les problématiques du Mineur Isolé

1) Les mineurs étrangers isolés : entre survie et raison d'état p14

2) Pourquoi viennent-ils ? p15/16

3) Contexte de l'accueil en France p17/23

4) La situation juridico- administrative

a) Le droit national p24/26

a1) L'ordonnance du 02 novembre 1945

a2) Le code civil

a3) Le code de l'action sociale

b) Le droit international p26/29

b1) Les mineurs isolés et la demande d'asile

b2) L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

5) L'administration montre ses limites p29/32

6) La question de la culture p32

a) Identité du mineur isolé p34/36

b) Intégration des mineurs pour une prise en charge p36/37

c) L'approche interculturelle p37/39

7) Positionnement de l'éducateur dans sa relation p39/43

II. Le service d'accueil, de mise à l'abri, puis d'accompagnement des mineurs étrangers

A. Agrément et partenariat p43/44

1) Agrément

2) Missions

3) Fonctionnement.

B. Les missions du «Service Mineurs» p45/50

1) Méthodes de travail

a) les maraudes.

b) l'accueil.

c) Le référent éducatif.

d) L'accompagnement socio-éducatif.

III. Le travail éducatif au quotidien

A. Comment s'y prendre ? p50

1) La relation d'aide p51

2) la vie quotidienne p51/52

a) La vie quotidienne

b) Les activités

3) Les partenaires p52/53

4) La famille p54

5) L'accompagnement administratif

a) Les démarches administratives p55/58

b) L'administration et la situation de P. p58/64

B. La relation de confiance

1) Comment en tant qu'adulte je peux être crédible ? p64

2) Le jeu p65

3) Les contraintes culturelles tels que la barrière de la langue p66

4) Les contraintes liées aux traumatismes p66/68

C. Mes propositions pour améliorer la prise en charge p68/70

Conclusion p71/73

Bibliographie p74/75

Introduction

Cinq ans après l'obtention de mon certificat d'aptitude à la fonction d'aide médico-psychologique, et autant voire plus d'années sur le terrain de la pratique au quotidien auprès de publics différents rencontrant des difficultés, je suis en formation en vue de l'obtention du diplôme d'état d'éducateur spécialisé.

Au cours de la première année de formation, pendant que je suis en stage de découverte dans un centre d'observation et de rééducation, une rencontre sera déterminante pour la suite de ma formation.

Alors que nous travaillons en groupe sur une étude de secteur professionnel, nous menons une étude sur des personnes victimes d'exclusion sociale. Je suis à la recherche de professionnels oeuvrant dans ce champ d'action.

Mes recherches me mèneront à la rencontre avec une éducatrice de l'aide sociale à l'enfance (ASE)

Ma question sera de celle de savoir s'il existe un nouveau profil de personnes victimes d'exclusion sociale ou qui risque de l'être. 

Je fais donc connaissance avec une nouvelle terminologie à l'issue de mon entrevue avec l'éducatrice : Les mineurs isolés étrangers.

Je choisis d'approfondir mes recherches en tentant de savoir s'il existe des organismes ou des associations qui prennent en charge cette population.

C'est un article dans un hebdomadaire de l'actualité du social qui attirera mon attention.

Cet article parle d'enfants qui errent, seuls sans référents parentaux et familiaux connus sur le territoire français. Beaucoup de ces enfants selon l'article, sont issus de trafics d'enfants1(*).

Certains se livrent à la prostitution sur le territoire parisien et sa périphérie, d'autres commettent des actes de délinquance, et vivent dans des « squats » et d'autres lieux désaffectés.

J'apprends ainsi que ce phénomène n'est pas nouveau et que cela dure depuis une décennie.

Dans le cadre de mon étude d'action collective, nous devons faire un état des lieux des nombreuses situations d'exclusion que rencontrent diverses personnes.

Il s'agit de non seulement de rendre compte de ces situations, mais aussi de réfléchir en groupe et de faire des propositions pour améliorer la situations de ces personnes.

La rencontre avec la directrice de l'association, chargée d'aller à la rencontre de ces enfants sur leurs lieux de « travail »  ou de vie, et d'accueillir ces mineurs pour une mise à l'abri sera déterminante.

L'éducateur avec qui je discute m'informe de certaines difficultés que posent leurs statuts et leur présence sur le territoire. Les motifs de départs de leurs pays, les difficultés qu'ils ont rencontrés et les moyens de les aider.

La directrice me propose pour compléter la liste de mes questions, d'effectuer un stage afin d'apprendre à connaître cette population,de mieux manier et articuler les concepts liés à ce phénomène, et de réfléchir avec l'équipe sur les moyens d'accompagner efficacement ces enfants.

Ayant pris connaissance du phénomène, je m'interroge sur la question de la prise en charge de ces mineurs sur le territoire français.

En situation de stagiaire, j'ai été amené à accueillir ces adolescents dans le cadre d'une mise à l'abri, d'une prise en charge et d'une évaluation en vue d'une orientation vers des structures de droit commun. Face à des tentatives de passage à l'acte dont des tentatives de suicide, ma révolte est née d'une interrogation qui m'obsédait : je me suis demandé si ces enfants et adolescents avaient bravé les océans, échappé à la mort dans leurs pays et durant leurs voyages, fuit des sévices et l'errance pour venir mourir chez nous ? Cette révolte, lucide, devait me servir à mieux les aider ; pour cela je devais faire la part des choses entre les souhaits du jeune, les discours des adultes du pays d'origine et la réalité des conditions de leur intégration en France. Comment on accompagne une personne quand on est révolté ?

C'est ainsi que j'ai été confronté à la situation des mineurs étrangers isolés sur deux aspects du dispositif de prise en charge des mineurs isolés :

-La prise de contact dans la rue lors des tournées de maraudes.

-L'accueil des mineurs dans le service.

Les jeunes que j'ai rencontrés sont des jeunes en situation d'errance, de rupture familiale et en situation d'isolement dans un pays qui leur est étranger.

Comment font ils pour s'adapter à une nouvelle culture ?

Outre la question culturelle, il se pose la question de leurs statuts.

Sont ils en danger ? Sont t-ils des sans papiers rentrés sur le territoire Français illégalement ?

Ces accompagnements administratifs ont souvent des incidences directes sur la poursuite ou non de la prise en charge éducative.

-Les démarches administratives

Les démarches administratives sont indissociables du statut des mineurs étrangers. Tout concourt à ce qu'ils n'échappent pas à ces procédures auxquelles nous tous sommes assujettis, et qui font partie de notre univers. Non seulement ils n'ont pas l'habitude de toutes les démarches pourtant nécessaires que je mettrai en place pour eux, sauf ce que je vais leur en dire. Ils voient l'intérêt de certaines, comme les démarches chez le juge pour les soins, la scolarité, les loisirs, alors que d'autres arrivent comme un couperet qui scelle leurs sorts. Pour la plupart, ces démarches sont obligatoires et pour les mener à bien, sans que s'ajoute une déception aux problèmes du jeune je dois être à l'écoute du jeune.

L'accompagnement du jeune pour des papiers est un temps où au fil des démarches, l'éducateur va permettre aux jeunes de se familiariser avec les différentes institutions.

Ce qui m'emmène à poser les hypothèses suivantes :

Pour comprendre la situation de ces mineurs, on peut faire appel à l'histoire, la géopolitique, à plusieurs sources, au droit, à la sociologie, la psychologie et, à réaliser un travail de recherche sur l'inter culturalité.

Mais cette compréhension ne peut pas faire l'impasse sur le dilemme dans lequel l'éducateur se trouve confronté.

1- L'éducateur dans l'accueil du mineur étranger en situation d'isolement doit parvenir à concilier les droits des usagers,en tenant compte des besoins,mais aussi des stratégies du jeune, et celles des pouvoirs publics partagés entre maîtrise des flux migratoires et protection de l'enfance 

2- L'éducateur doit proposer au jeune un accueil, une prise en charge, un accompagnement, des démarches administratives qui vont s'inscrire dans le cadre de la relation éducative.

Cette relation instaurée doit tenir compte du chevauchement entre ces deux statuts : celui d'enfants seuls, sans référents parentaux, avec un défaut de surveillance et de soins, et celui de sans papier entré illégalement sur le territoire.

Comment évaluer les effets de la souffrance vécue par le jeune du fait d'éventuels traumatismes et ceux des violences perpétrées ou subies dans son pays d'origine,quels sont les effets de la situation d'isolement, les souhaits du jeune, les conditions de son intégration dans la société française ?

L'éducateur peut-il faire la part entre l'histoire du jeune et le discours que le jeune tient à l'égard du travailleur social et qui peut être similaire à celui de son compatriote, et souvent fabriqué par les adultes au pays d'origine ?

Dans l'accueil et la prise en charge du mineur isolé, le travail administratif occupe une place importante : les pré signalements, les signalements, les lettres au juge, le contact avec la cellule d'accueil des mineurs isolés étrangers, l'audience chez le juge, les démarches les visites médicales, les inscriptions scolaires, la recherche de la famille, des papiers. Voyons à quel point mon interrogation sur la question administrative est d'actualité puisqu'il s'agit de comprendre en quoi la réponse administrative peut être problématique dans le travail avec les mineurs étrangers isolés.

Le phénomène est récent en France et justifierait les tergiversations entre les différents acteurs chargés de recueillir et de venir en aide à ces enfants.

En quoi la réponse administrative peut s'avérer problématique dans l'accompagnement du mineur étranger isolé ?

Comment l'éducateur en prise avec la nécessité d'un accompagnement et les contraintes administratives peut envisager l'action éducative auprès de jeunes en situation d'errance ?

Il apparaît que la situation des mineurs isolés pose une double problématique ; soit la contradiction entre l'éthique et le juridique, puis celle entre les principes éthiques de l'éducateur,et la relation éducative.

Tout d'abord en première partie, je définirai ce qu'est un mineur étranger isolé, en tentant de démontrer d'un point de vue historique que les mineurs isolés ne sont pas isolés d'un contexte. Je me pencherai sur la situation inextricable des mineurs étrangers isolés, partagés entre survie et raison d'état, ainsi, J'expliquerai la situation juridico administrative dans laquelle ils se retrouvent sur le territoire français. En fin je parlerai du contexte de prise en charge du mineur isolé, les stratégies et les actions éducatives mises en place sur le plan socio-éducatif afin de formuler des propositions pour l'amélioration de leur prise en charge.

I. Qu'est ce qu'un Mineur Isolé ?

A- Historique de l'immigration

La France est construite au fil des ans avec les différents peuples qui se sont installés. Les étrangers ont toujours existés sur le sol français. La révolution industrielle marque un tournant.

On ne peut pas comparer les invasions des siècles précédents avec les gens qui viennent dans notre pays à la recherche d'une vie meilleure, digne et libre.

Le XIXè siècle est le début de l'immigration de l'ère contemporaine. (2(*))

Les premières manufactures françaises ayant besoin de main d'oeuvre recrutent dans les campagnes, des bretons, des auvergnats (etc.)...

C'est le début de l'immigration interne et de l'exode rural. C'est un phénomène auquel on assiste encore aujourd'hui dans une moindre mesure.

C'est le début de l'immigration.

Depuis, le nombre de migrants n'a cessé d'augmenter en même temps que leurs pays d'origine deviennent de plus en plus lointains.

De façon continue depuis plus de deux siècles, des hommes et des femmes sont venues en France. Et ils ont participé au combat pour la démocratisation, au mouvement artistique et scientifique, à l'expansion économique. On peut même dire que l'immigration a contribué à créer la France d'aujourd'hui. Un cinquième de la population a un ancêtre d'origine étrangère. On peut donc dire que la France est une terre d'immigration. Les enfants d'immigrés arabes, africains ou asiatiques sont tout aussi français que ceux des anciens italiens, portugais, polonais.

1) Aperçu Chronologique

Au XVIIIè siècle, avec l'internationalisation des échanges, les migrations de masse se voient alimentées sur le plan international.

Entre 1914 et 1918, les Français découvrent les sujets de leur empire colonial.

Les étrangers coloniaux luttent aux côtés des français contre la barbarie des nazis, avec l'enrôlement des soldats de l'Empire. Entre 1919 et 1939, les différentes tyrannies triomphent en Europe avec Mussolini en 1922, Hitler en 1933 et Franco en 1939.

C'est au nom de l'Armistice de 1940, signée par le Maréchal Pétain qu'on livre aux nazis des « anti-nazis » dont beaucoup d'étrangers.

Le régime de Vichy mettra en place un système très poussé de stigmatisation et de répression des étrangers. En 1942, des étrangers s'engagent à nouveau dans la résistance pour combattre les nazis aux côtés de certains français.

Entre 1945 et 1974, c'est l'apparition des « trente glorieuses » Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'heure est à la reconstruction. En novembre 1945, se crée l'Office National de l'Immigration afin d'organiser la venue de 3 millions d'étrangers.

La participation des étrangers à la guerre a facilité leur acceptation par la population française, ce qui leur a permis de s'identifier à leur nouvelle patrie.

L'expansion économique facilite l'intégration des immigrés, mais cela reste un processus long, qui demande parfois deux à trois générations pour arriver à son terme.

Tandis que la vague d'avant guerre trouve peu à peu sa place, les nouveaux migrants algériens, espagnols portugais les remplacent dans les tâches les plus pénibles et les moins bien rémunérées. Les modes de vie et d'habitat des nouveaux venus ne sont pas plus enviables que ceux de leurs prédécesseurs. Alors que le niveau de vie des français s'améliore, les immigrés sont les laissés pour compte de la croissance économique.

Avec les années 1950, le processus de décolonisation s'accélère partout dans les anciennes colonies. Le début de la guerre d'Algérie en 1959 voit l'affluence d'algériens en France. Ils seront les plus nombreux parmi les « travailleurs non qualifiés »

A partir des années 1960, les immigrés du Maghreb et d'Afrique de l'ouest arrivent nombreux en France3(*). Ils sont parfois recrutés dans leurs pays d'origine par des employeurs français. C'est le cas des marocains embauchés dans les mines du nord de la France. Au départ on vient pour ne pas rester en France, puis il faut des papiers.

Entre 1974 et 1981 les enfants de l'immigration commencent à se faire une place dans la société française. Et pourtant c'est la fin des « Trente glorieuses » et la France connaît une grave crise.

Le gouvernement français suspend l'entrée des travailleurs permanents mais instaure en 1976, la politique du regroupement familial. La fermeture des frontières et la lutte contre l'immigration clandestine se justifient désormais par une volonté de mieux intégrer les étrangers réguliers.

Toutefois la politique de regroupement familial montre ses limites, en mettant en évidence la crise du logement, l'exclusion social, le délabrement de l'habitat et le chômage massif qui touche les parents migrants ainsi que leurs enfants nés en France.

Les réfugiés et demandeurs d'asile politique, fuient leurs pays respectifs qui sont des dictatures d'Europe de l'Est et d'Amérique latine...

Leur nombre est inférieur à ceux des « Boat people » qui fuient l'Asie du sud-est, entassés sur des bateaux de fortune. Les centres d'accueils provisoires sont créés pour les accueillir.

Au tournant des années 1980-90, les pouvoirs publics initient une politique d'aide au retour des immigrés sans succès. Les immigrés s'installent définitivement en France, même s'ils rêvent de retour.

La société française prend conscience que les immigrés ne retourneront pas chez eux.

Depuis 1981, les migrants, avec la mondialisation, veulent rejoindre « l'Eldorado » européen et viennent de toute la planète.

En 1981 et 1982, 130000 personnes sont régularisées et les étrangers sont autorisés à diriger les associations.

En 1984, le titre unique de séjour remplace la précédente carte de séjour et de travail.

Les enfants des immigrés des décennies précédentes font partie intégrante de la « France arc-en-ciel ». Au même moment, on assiste à la montée des idées xénophobes. Néanmoins, on parle d'une France « Black-blanc-beur ».

La mode « Black », le mouvement « beur », la mode « hip-hop » et toutes les cultures urbaines se développent, inspirés d'une part par la culture américaine, et de la culture leurs parents d'autre part,mais aussi du registre local.

La France devient-elle une terre de métissage ?

Depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, les ressortissants de l'Europe de l'Est se déplacent à nouveau.

Dans les années 2000, l'origine des migrations se diversifie. Des populations, à l'origine peu nombreuses en France, comme les Chinois, font leur apparition.

Il y a par ailleurs la question des filières mafieuses migratoires et clandestines.

Les migrations des tziganes roumains et polonais s'inscrivent dans un mouvement pendulaire, car ceux-ci font des va et vient entre leurs pays d'origine et leurs pays d'accueil.

Avec l'élargissement de l'Europe et de l'ouverture de l'espace Schengen, les frontières se sont déplacées vers l'Est.

A l'heure de la mondialisation, les questions migratoires échappent aux « Etats nations ». L'immigration est au coeur des grands débats de société.

La France est-elle une terre d'immigration qui s'ignore ? Sûrement pas. De nombreux débats actuels sur la question, et les passions que cela suscite de part et d'autre le prouvent.

Si elle n'a pas de peine à « fabriquer des français venus d'ailleurs et d'origines diverses », elle peine à intégrer dans sa mémoire la part d'elle- même venue d'ailleurs.

2) Les jeunes étrangers ne sont pas isolés d'un contexte.

Les jeunes « mineurs isolés » viennent dans un pays marqué par toute cette histoire de l'immigration.

La France a un certain rapport, un point de vue face à l'arrivée sur son territoire des étrangers.

Leur venue n'est pas liée au hasard et elle est souvent le fruit de relations complexes, historiques et puisent leurs racines dans toute l'histoire mondiale, internes à leurs pays d'origine comme à celle de la France.

Cette absence de perspective d'avenir est -elle le motif principal de départ ?

On ne peut pas ignorer le statut d'ancienne colonie et le mythe d'un occident ou tout serait possible, un lieu où tous les désirs de réussite, de richesse seraient exaucés.

Des filières de toutes sortes (mafieuses, religieuses, familiales) interviennent pour le franchissement des frontières

Pour ceux qui sont en possession de papier d'identité on pourrait penser que les choses sont plus aisées, alors que d'autres difficultés sont en perspectives, sachant qu'il y a un certain nombre de papiers qui sont faux.

J'ai pu constater qu'il est aisé de croire que ces enfants, qui sont instrumentalisés par des adultes, cherchent à leur tour à instrumentaliser les dispositifs d'aide et de protection de l'enfance.

Ce fait ne remet pas en cause les dangers encourus par ces enfants sur le territoire.

Même si beaucoup quittent leurs pays en étant informés sur le discours à tenir face aux travailleurs sociaux, une relation de confiance doit pouvoir s'établir entre le jeune et son éducateur, dans le cadre d'un travail d'accompagnement socio-éducatif. Ce qui constitue parfois un travail de longue haleine.

Tous ces enfants et adolescents disent souvent qu'ils sollicitent l'aide et la protection en France. Ils ont des projets, faire des études une formation, apprendre un métier, maîtriser la langue française.

Historiquement, la France a toujours accordé la protection à des enfants étrangers,

C'est le cas des enfants cambodgiens persécutés et menacés de mort sous le régime Khmers rouges de Pol Pot, ou des enfants juifs persécutés sous le régime de Vichy et accueillis puis protégés en France.

Il a souvent été dit que les dispositifs de protection de l'enfance ne sont pas souvent adaptés à leur l'accueil et à leur prise en charge.

Les arguments utilisés par ceux qui tiennent de telles allégations sont que les services de protection de l'enfance ont été créés dans le cadre du travail d'accompagnement en lien avec les familles.

Le danger encouru par ces enfants sur le territoire a souvent tendance à se noyer dans la question de l'immigration et leur parole est souvent mise en doute.

Or, on ne peut parler de « travail avec les familles » dans le cadre de l'accompagnement du mineur isolé. La famille étant souvent en dehors du territoire, ou parfois inconnue, décédée ou disparus. Quand cette famille existe, des contacts sont établis pour informer celles-ci de la situation de leurs enfants.

Indéniablement l'accueil du mineur se fait dans le cadre d'une absence parentale sur le territoire français.

Quel sens peut prendre le travail avec les familles ? Quand nous savons aussi que certains mineurs cachent l'existence de leurs proches qu'ils disent morts ou disparus et retrouvés à la suite d'une enquête approfondie. Il n'est pas anodin de tuer ses parents, même sur un plan symbolique ou même de cacher leur existence. Cela peut être le témoignage de souffrances, de malaises ou de non-dits. Si la souffrance de ces enfants n'est pas acceptable, il n'est pas acceptable que des mineurs qui veulent rester en France s'intègrent par le mensonge.

Au delà de la situation de ces jeunes, dont la plupart sont aux prises avec des adultes qui les manipulent et dont il convient de les en extirper au plus vite, tous sont confrontés à une situation contradictoire : d'une part ils sont mineurs isolés issus d'une autre culture, d'autre part ils demandent à s'intégrer en France.

Et le fait qu'ils arrivent en France dans un contexte de maîtrise des flux migratoires peut avoir une incidence sur leur éventuelle prise en charge éducative.

Ne courent-ils pas le risque de voir perpétuer cette instabilité en France ?

Ce statut qu'on leur prête ne va pas sans avoir des incidences à chaque palier de leur évolution.

De fait ces jeunes, dont certains vivaient déjà dans une situation instable vont perpétuer cette instabilité en France avant de rencontrer quelqu'un qui va les orienter vers les services de protection de l'enfance, ou des associations.

Ces mineurs doivent aussi mobiliser d'autres ressources pour s'adapter à un nouvel environnement, des stratégies pour se faire aider.

Le tout entraîne une fragilité tant au regard de leur place dans la société, qu'à la situation de danger dont ils font l'objet.

Il se pose aussi la question de leur accueil et aussi celle de leur intégration.

Le mineur qui arrive en France doit apprendre les usages et les codes de toutes sortes qui vont lui permettre de se faire accepter par les autres. Cela passe par les différentes démarches administratives qui servent à officialiser sa présence, les démarches d'inscription à l'école, la participation de chacun au fonctionnement des diverses activités du centre permet à chaque jeune de s'inscrire comme membre du groupe social.

La socialisation est un processus cumulatif par lequel un individu en relation avec d'autres, acquiert des comportements, des normes, des valeurs et des codes d'un environnement socioculturel.

Sur le plan psychologique, les jeunes vivent mal leur isolement, dû à l'absence des parents des familles et des amis. Certains ont un discours, des histoires, et des documents qui paraissent invraisemblables.

Par ailleurs ces mineurs arrivent à un moment de leur vie où ils sont en pleine période d'adolescence,avec toutes les mutations que cela comporte tant sur le plan de la maturité physiologique, intellectuel, mental affectif, sexuel, que sur le plan des relations avec les autres. À une fragilité psychologique, s'ajoute une instabilité sociale.

Ce qui dans beaucoup de cas devrait obliger les travailleurs sociaux, les autorités compétentes à prendre des décisions qui respectent l'intérêt du mineur.

B. Les problématiques du mineur isolé

1) Les mineurs étrangers : entre survie et raison d'état.

Je pars d'une réalité constatée, faisant apparaître le chevauchement entre deux statuts : celui d'enfant seul sur le territoire français, donc nécessitant une protection obligatoire  mais entré illégalement.

En tant qu'éducateur spécialisé, j'interviens pour protéger le mineur et pour l'aider à construire son avenir. Comme s'il avait à s'insérer en France alors qu'il n'est pas sur d'être autorisé à rester en France. Parfois une personne se présente comme mineur mais ne l'est pas. Par conséquent nous nous demandons quel accompagnement pourrait convenir à un jeune dans une telle situation. J'ai donc pu distinguer deux figures types de mineurs isolés :

-les mineurs qui arrivent sans document d'identité

- les mineurs munis de documents d'identité.

Je parle de la question des documents d'identité car il existe des disparités dans la prise en charge selon que le jeune est muni de documents d'identité ou non.,

Ces mineurs, sont en danger en France, en l'absence de leurs parents.

Devrai-je me contenter d'organiser l'accueil, la mise à l'abri puis la prise en charge de ces mineurs, sans m'interroger sur :

2.  Pourquoi viennent-ils ?

Pour savoir ce qui motive les mineurs isolés à quitter leurs pays, il faudrait les mettre en confiance dans un cadre sécurisant. En les écoutant il apparaît qu'ils quittent leurs pays par des moyens terrestres, aérien et maritimes. Ils voyagent parfois pendant des jours, des mois, voire des années pour arriver jusqu'à nous. Certains arrivent à passer les frontières et à rentrer dans les pays européens, d'autres sont arrêtés et refoulés,d'autres encore sont maintenus dans des zones d'attente portuaires et aéroportuaire.

Certains viennent rejoindre la famille, les compatriotes, les contacts pour une éventuelle carrière de footballeur. D'autres fuient les guerres, la misère et une vie sans perspective d'avenir. Ils arrivent soit accompagnés, mal accompagnés ou seuls en France.

Dans une étude quantitative sur la population des mineurs isolés, la sociologue A. Etiemble a pu établir une typologie4(*) des mineurs étrangers isolés.

Les exilés

Les mineurs exilés viennent des régions du monde où sévissent des conflits ethniques et des guerres. Beaucoup de ces mineurs quittent ces pays de peur des représailles liés à leurs origines sociales, ethniques ou religieuses. Ils seraient aidés par des organisations humanitaires, ou religieuses qui les aidera à échapper à des enrôlements forcés dans des armées.

Les mandatés.

Les mineurs sont encouragés dans leur départ par la famille. Ceux-ci veulent échapper à la misère en envoyant leurs enfants tenter leur chance en France.

La famille, souvent a dépensé toutes ses économies pour financer le voyage de leur enfant. Le mandat du mineur consiste à faire des études, avoir des diplômes et élever le niveau de la famille ; ou bien travailler le plus vite possible afin d'envoyer de l'argent à la famille.

Les exploités

Ils sont aux mains des trafiquants de drogue et des filières de prostitutions, de trafics humains, souvent avec l'accord ou la complicité de la famille. Le jeune à qui l'on a promis une vie meilleure en France, se retrouve comme prostitué, domestique, travailleur clandestin, menant des activités de mendicité, et de délinquance.

Les fugueurs

Les mineurs fugueurs fuient leur domicile familial suite à un conflit ou des maltraitances. Leurs fugues les conduit à franchir les frontières de leurs pays.

Les errants

Parmi les mineurs errants, on distingue les « enfants dans la rue » qui vivent déjà en situation d'errance dans leurs pays avant de se décider à quitter leurs pays. Les enfants de la rue vivent dans la rue depuis très jeunes et ne quittent que rarement leurs pays.

Au cours de mon travail auprès des mineurs isolés étrangers, j'ai constaté que ces catégories étaient perméables entre elles. Aussi, les exilés se retrouvent implicitement porteurs d'un mandat, les mandatés peuvent devenir des exploités ou des fugueurs. Tous connaissent l'errance, la vie dans la rue, la galère, avant d'être repérés ou de rentrer en contact avec une association.

Leurs projets sont divers et variés : certains veulent passer en transit vers d'autres pays d'Europe. D'autres fuient leurs pays et choisissent la France pour des raisons historiques. Ceux qui restent en France veulent une formation, un travail, ils veulent gagner de l'argent. Pourtant ils ont besoin d'une prise en charge éducative liée à la vulnérabilité de leur situation ; ils ont aussi besoin d'une protection administrative pour les éloigner du danger dont ils sont sujets en France, et d'une représentation juridique  qui leur permettrait d'être accompagnés dans toutes les démarches judiciairo-administratives. La politique migratoire consiste à choisir désormais les personnes qui souhaitent immigrer en France. La question des mineurs isolés étrangers est désormais l'objet d'enjeux financiers entre l'état et les départements.

Ce qui place le mineur isolé dans un statut duel et ambigu et d'autant plus fragilisant. M'interroger ainsi peut aider à donner un sens à l'action éducative, et à mieux l'adapter aux problématiques du jeune. Dans l'accueil du mineur isolé, il faudra pourtant que je parvienne à concilier la prise en compte de ses besoins, de ses éventuels projets, avec une législation qui vise la maîtrise des flux migratoires.

3) Contexte de l'accueil en France : hypothèses de compréhension.

En répondant à toutes les questions que je me pose et que pose aussi la situation des mineurs étrangers isolés en France, on comprend que les mineurs étrangers sont en situation d'isolement territorial et familial, ils sont loin de leurs familles, de leurs amis et de leur patrie. Ils sont seuls en France.

-Ils arrivent en France dans un contexte où la politique migratoire est restrictive, et les pouvoirs publics veulent tout contrôler.

Aux problèmes qui les motivent à quitter leurs pays, à savoir des guerres, les conflits sociaux, ethniques, religieux, la misère, s'ajoute l'absence ou la perte des liens familiaux suite aux décès et disparition des parents. Arrivés en France pour prendre un nouveau départ, pour espérer un avenir meilleur et tenter de faire un pied de nez à la fatalité, Ils se retrouvent dans un pays où la première question qui se pose à eux est celle de leur statut. Ce statut étant lié à leurs situations administratives, dit qu'étant entrés illégalement en France, ils ne seront pas des mineurs comme tous les autres ne bénéficieront pas d'un schéma de protection classique de l'enfant en danger. Les acteurs sociaux tergiversant entre le statut d'enfants seuls et celui de sans papier entrés illégalement.

Comment vont-ils se projeter malgré qu'ils soient dans une situation inextricable ?

Comment impulser de la vie même quand cela s'avère difficile ?

Dans mon travail quotidien auprès du mineur isolé, je me fie au principe de réalité. Ce principe permet au jeune de ne pas lui faire miroiter un avenir qu'il n'aura pas en France. Il s'agit pour moi d'une part de lui expliquer l'ambiguïté de sa situation au regard de plusieurs réalités ;

Il ne pourra peut être pas obtenir des papiers français ou un titre de séjour de 10 ans. Je lui dis que même si cela reste important, ce qui l'est encore plus c'est de prendre soin de sa personne en priorité. J'ai pu remarquer que selon la manière dont l'on présente les choses au mineurs sa réaction n'est pas la même selon que l'on le considère comme un enfant en danger qu'il faut protéger, ou comme un sans papier potentiel. Dans ce dernier cas, celui-ci peut avoir une maladie importante, qui nécessite des soins immédiats, mais ne dira rien et continuera de souffrir en silence, pour ne pas apparaître comme un poids ou une charge pour les autres. A contrario si l'on le considère comme une personne vulnérable à qui il faut répondre par des protections, on gagne la confiance du mineur qui se sentira respecté. La protection du mineur commence à partir du moment où l'adulte qui accueille répond aux besoins vitaux du mineur. Protéger le mineur de la faim et du froid est vital pour la suite de la prise en charge.

Je dois informer aussi le mineur qu'il ne pourra certainement pas faire des études d'ingénieur comme il le souhaite, mais que comme pour l'histoire des papiers, il y a d'autres priorités, qui sont d'une part les démarches administratives liées à sa situation,et d'autre part, les différentes activités du centre,tels que les ateliers vidéos,l'atelier cuisine,le sport,l'art plastique,les sorties culturelles,qui sont autant de support que nous utilisons pour redynamiser la vie même quand elle s'avère difficile pour le jeune.

Par les activités que je mets en place je veux signifier aux jeunes que la question de leurs statuts ne les déshumanise pas. En les accompagnant dans ces activités, je veux continuer à impulser de la vie, même dans des situations mortifères. Etre avec eux au quotidien c'est faire avec ce dont nous disposons, se contenter du peu de moyen dévolus pour venir en aide à ces mineurs. Il s'agit dans une relation dont L'atout est la confiance et le respect mutuel, d'agir dans « l'ici et maintenant »

Prise en compte des besoins élémentaires du mineur.

Les mineurs qui arrivent dans le service sont dans un état de fatigue physique et psychologique tels, que la réponse à ces besoins me semble être un préalable. Cet accueil doit se faire dans un lieu rassurant. J'évite d'emblée de leurs poser des questions, qui risqueraient de leur donner l'impression d'un interrogatoire. Il faut leur laisser le temps de se reposer, tout en étant disponible pour les écouter quand ce sera opportun. Cela peut donner l'impression que j'ai peur d'aborder le jeune, et que par conséquent je me fais une idée préconçue sur son histoire. Mais l'expérience a montré qu'en interrogeant le jeune d'emblée on le brusque, et cela peut être une violence de plus qui va miner sa confiance envers l'adulte. En tant qu'adulte, mon souci est de faire en sorte que ce jeune dont j'ignore le parcours, mais qui me semble très fatigué et affamé, puisse trouver une première réponse à cette souffrance qui transparaît. On verra le reste après. Il s'agira dans un premiers temps de répondre à ses besoins vitaux, comme manger, se laver, se changer, et se reposer.

L'orientation des jeunes déclarés majeurs.

Ovidiu déclare avoir 16 ans, il est originaire d'Europe de l'est. Il a vécu avec ses parents. Ceux-ci n'avaient pas les moyens de s'occuper de lui. Pour s'occuper, l'adolescent erre dans la rue avec ses copains, vivant de mendicité et de larcins. Il réussit à rassembler l'argent nécessaire pour payer le passeur pour la France. Son rêve c'est de gagner suffisamment d'argent pour rentrer dans son pays. La rencontre avec le jeune s'est faite dans la rue, sur le lieu où il se prostituait. Après un travail d'approche et des mois « d'apprivoisement »nous sommes parvenus à faire entendre au jeune que la place d'un adolescent de son âge est ailleurs. Après plusieurs tergiversations, le jeune a fini, de manière progressive par quitter la rue pour intégrer le centre. Je l'ai accompagné dans des démarches pour obtenir l'aide médicale d'état. Les visites médicales ont révélé une grave affection nécessitant des soins. Par ailleurs le fait qu'il se déclare mineur, mais sans document d'identité, déclenche une requête du parquet en vue d'une expertise de détermination d'âge. Le jeune est déclaré majeur. Il n'a pas compris, comme beaucoup, que ce soit « une machine qui donne leur âge » .En discutant avec le jeune, celui-ci me dit qu'il ne comprend pas pourquoi on ne le croit pas. Il me dit que de toute façon il va retourner à la rue. Le fait qu'il soit déclaré majeur engendre son départ du centre et une orientation vers les dispositifs d'urgence tels que le 115. Ce qui serait un retour à la case départ pour le jeune, qui livré à lui-même, retournerait à ses activités d'antan. Il faut que j'évite que cette jeune retourne dans la rue se prostituer. Il faut qu'il soit soigné, or depuis qu'il a été déclaré majeur, il refuse de prendre son traitement, et de se rendre à ses visites médicales. J'ai l'impression que le jeune a perdu le peu de confiance qu'il avait commencé à gagner à notre contact. J'ai réfléchi avec le jeune sur ses possibilités d'orientation, et nous avons exploré plusieurs pistes dont 3 possibilités : la première était qu'il reprenne son traitement médical qui devenait urgent. Je propose à l'équipe de le garder le temps qu'il se rétablisse, pendant ce temps, je saisirai le juge de sa situation. L'équipe a donné son accord, car je lui ai expliqué qu'on ne peut laisser une personne dans son état au 115. Je suis d'autant plus convaincu que le jeune est mineur. Le juge a été saisi, et le jeune a été placé dans un foyer où après avoir terminé l'apprentissage du français, il va commencer une formation professionnelle. Dans d'autres cas, il est arrivé que le jeune n'ait plus d'autres alternatives que la clandestinité, ou le retour au pays. Dans ce dernier cas, le retour est efficace si un travail de préparation au retour est mis en place. Un programme de formation ou de scolarisation, de prise en charge doit être mis en place dans son pays. Le retour d'un jeune ne doit se mettre en place que dans son intérêt, et non comme un moyen de se débarrasser de lui. La France a signé une convention de retour des mineurs dans leurs pays, notamment avec l'accord dit franco-roumain, prévoyant un suivi en France et un accompagnement au retour. Le mineur est confié aux services sociaux ou à sa famille lorsque celle-ci est en mesure de s'en occuper. L'accord signé entre la France et la Roumanie est intervenu dans un contexte où les mineurs roumains étaient accusés de commettre des actes de délinquance ou de se prostituer, parfois sous l'emprise d'adultes qui les manipulent. Tous les mineurs isolés étranger ne bénéficient pas de ce programme de retour, car la France n'a pas signé d'accord avec leurs pays respectifs pour le retour. Après un travail d'évaluation, et d'orientation, lorsque l'établissement de la minorité du mineur présumé n'est pas possible, ou si sa majorité est confirmée par le juge pour enfant, il ne lui reste plus que la clandestinité et le retour dans les réseaux des trafics, ou un retour dans le pays sans aucune garantie de suivi. Ce qui peut s'avérer dangereux dans les cas de mineurs ayant fui le pays pour des persécutions ou des sévices. Dans certains cas, ceux qui craignent les persécutions sont orientés vers des demandes d'asile.

La situation des mineurs et leurs orientation et /ou accompagnement éducatif.

Pour les mineurs qui possèdent leurs documents d'identité, et qui vont bénéficier d'une prise en charge, mon travail va consister à évaluer sa situation personnelle et familiale. Je vais éclairer les autorités et les jeunes de l'orientation socio-éducative à mettre en place pour le jeune, en accord avec ses projets. Les différentes activités du centre visent à mieux observer le jeune et de mieux cerner non seulement ses besoins, mais aussi ses capacités. Le but est de trouver avec le jeune la meilleure orientation en vue de son insertion.

Le terme d'insertion serait apparu au début des années 70, au moment où l'accès à l'emploi est devenu difficile ;

C'est un processus qui permet à une personne de trouver sa place au sein d'un système. Pour être accepté dans une société donnée, un individu doit partager ses valeurs et ses normes. La personne en situation d'exil doit s'adapter et acquérir de nouvelles valeurs tout en préservant et réaffirmant les siennes. Inséré dans un groupe d'autres jeunes, le processus d'insertion peut noyer le jeune mineur dans le groupe, la société qui l'accueille, et occulter ses valeurs propres.

La jeune Mariama est âgée de 16 et demi. Elle est originaire d'Afrique de l'ouest. Son pays est en proie à une crise socio-économique. La jeune serait arrivée en France avec l'aide de sa tante. Cette dernière a convaincu la mère de l'adolescente par des promesses de scolarisation et d'un avenir meilleur en France. Arrivée en France, la jeune va commencer à se révolter lorsque inscrite à l'école, elle doit effectuer toutes les tâches domestiques et s'occuper de ses neveux avant et après l'école. Elle s'enfuit lorsque la tante lui présente des hommes, et lui demande de coucher avec eux pour de l'argent. Le service social qui nous la confie nous envoie des documents concernant la jeune. Il s'agit des photocopies des extraits d'acte de naissance et du passeport de la jeune. .Un premier exemplaire des documents fait état de sa minorité, et un autre mentionne sa majorité. Je suis confronté à une situation où la jeune possède deux documents contradictoires à son nom. A première vue, tous ces documents paraissent authentiques. L'Aide Sociale à l'Enfance nous demande de les éclairer sur la situation de la jeune, et de proposer une orientation. En charge de la référence de cette adolescente, les premiers entretiens vont permettre de comprendre l'histoire familiale, et la place de l'adolescente dans cette dynamique. En discutant avec la jeune, je comprends que la jeune n'est pas mandatée par sa famille. C'est la tante qui s'est proposée de lui  « rendre service » en l'amenant en France, en réalité pour l'exploiter. Je contacte l'école pour savoir si il y a des difficultés avec la jeune. L'assistante sociale du lycée me dit être au courant des problèmes de la jeune, et me confie que la jeune a été inscrite à la rentrée avec des documents qui la reconnaissent comme mineure. Je contacte la tante avec qui je discute au téléphone. Cette dernière me dit que sa nièce est majeure. Je lui demande si c'est bien elle qui l'a inscrite à l'école comme mineure ? Celle-ci bafouille des explications peu convaincantes. En examinant les documents de la jeune, je m'aperçois que l'un des documents a été établi dans son pays et l'autre au consulat de Marseille. Je contacte le consulat de Marseille pour faire authentifier les documents, avec une lettre au consul où j'explique la situation administrative de sa ressortissante. Je lui demande d'apporter des éclaircissements dans cette histoire. Au quotidien Mariama doit effectuer 2 heures de trajet pour aller en cours. Elle rentre très fatiguée le soir, et après ses devoirs, elle vient en aide à ceux qui ne maîtrisent pas le français. Elle explique l'attitude sa tante par le fait que celle-ci ait refusé de céder à tous ses désirs. « Elle a juré qu'elle va me faire expulser si je ne fais pas ce qu'elle veut, et depuis j'ai peur » me confie-elle. Celle-ci s'inquiète pour sa mère restée seule au pays. La jeune dit que sa mère n'est pas au courant de sa situation actuelle. Nous convenons ensemble d'un jour où elle serait moins fatiguée pour téléphoner. Ainsi la jeune a pu discuter avec sa mère, qui a aussi promis d'envoyer les duplicata des documents d'identité de sa fille. La mère nous a confirmé aussi que celle-ci était mineure. Elle nous dit qu'elle est malade et n'a pas les moyens de s'occuper de sa fille. J'ai proposé à l'éducateur de l'ase de saisir le juge pour enfants afin qu'il prenne des mesures pour la protéger, celle-ci étant mineure. A l'audience, le juge a posé les questions sur l'attitude de la tante qui était convoquée mais qui n'est pas venue. L'adolescente a été placée dans un foyer de l'enfance.

Les jeunes déclarés majeurs

Le mineur déclaré majeur risque de se retrouver dans la clandestinité est le même. Seul les moyens pour y parvenir sont différents. Celui qui est déclaré majeur court un risque immédiat de se retrouver dans la clandestinité, alors que le mineur qui obtient une prise en charge peut voir celle-ci s'arrêter à sa majorité. Car les jeunes sont protégés pendant leur minorité, mais courent un risque réel de se retrouver sans papier à leur majorité. Ce qui d'emblée décourage certaines équipes éducatives qui ne peuvent pas se projeter dans une perspective d'avenir avec le jeune. Le jeune lui-même revient à la situation qui l'a poussé à quitter son pays, à savoir la difficulté voire l'impossibilité de se projeter. Comment, de part et d'autre, s'investir dans un projet quand la suite s'avère aléatoire ? Leur avenir étant lié a leurs situations administratives, ceux-ci ne peuvent pas faire des stages de formation professionnelle. Ils doivent arrêter leurs projets en cours car ils ne sont plus en règle. En tant qu'éducateur je constate que l'insertion des jeunes répond à ce que j'appelle des injonctions contradictoires de la part des décideurs. D'un côté il y a la nécessité de protéger les mineurs, et de l'autre on nous demande d'insérer à minima.

Le travail en amont du droit commun consiste à évaluer la situation du jeune, en évitant de le bercer d'illusion, ou de se bercer soi même d'illusions. Les jeunes doivent savoir que à leur majorité ils sont expulsables, sauf si les lois changent entre temps. S'il est difficile pour tout individu de vivre sans perspectives, imaginons ce que vivent des adolescents, dont de multiples raisons les conduisent à imaginer d'autres cieux où ils pourraient construire leur avenir. Quand ils trouvent « leur terre promise » et y parviennent non sans mal, ils se rendent compte qu'ils n'y ont pas leur place, par tout ce que l'on s'emploi à disposer pour les décourager. Difficile de penser qu'ils peuvent réussir la vie qu'ils ont imaginé ici. La tendance du moment est de renvoyer un maximum de « clandestins », dont des mineurs dans leurs pays d'origine. D'où un risque important que des vagues de mineurs devenus majeurs, et par conséquent sans papiers, sans prise en charge, et qui ne veulent ou ne peuvent pas retourner au pays deviennent des clandestins.

Face à cette difficulté à concilier l'éducatif et l'administratif dans la prise en compte des besoins du mineur étranger ou du jeune majeur, le travail éducatif avec le jeune peut être basé sur un contrat. Le jeune s'engagerait à respecter son projet de scolarité ou de formation, en apportant des bons résultats scolaires qui motiveront les autorités à lui délivrer un titre de séjour.

Les mineurs isolés qui arrivent en France doivent s'adapter à de nouvelles habitudes que nous leur inculquons, comme les valeurs de la France. La manière dont ces jeunes ont imaginé leur vie en France est aux antipodes de la réalité de leurs aspirations et de leurs besoins. Comme je l'ai dit plus haut, ces jeunes se projetaient dans un avenir en décidant de quitter leur patrie. Ils pensaient que leurs souffrances seraient entendues et pris en compte. Ils ne sont pas conscients des enjeux sociaux et politiques liés à leur présence en France. Tous doivent renoncer à une partie de leurs projets, parfois à tous les projets qu'ils ont commencés à construire avec des équipes éducatives.

Larbi est un jeune de 17ans originaire d'Afrique du nord. Il vivait en errance dans son pays et travaillait pour financer son passage avec des canots de fortune en Europe. Il a réussi à voyager jusqu'en Espagne, où des compatriotes l'on aidé à arriver en France. Il est repéré par notre équipe des maraudes aux abords d'une gare parisienne. Il ne veut pas que nous l'approchions. Nous lui remettons notre carte de visite, sur laquelle figure un numéro vert. Le jeune nous a appelés à l'aide un soir, alors qu'il s'est blessé lors d'une bagarre. Le jeune sera conduit à l'hôpital, puis il accepte notre proposition de prise en charge. N'ayant pas de document d'identité, celui-ci a dû passer une expertise osseuse. Les résultats déterminent qu'il a moins de 17 ans. Il va bénéficier d'une prise en charge et va suivre une formation en restauration. Larbi a dû arrêter sa formation à sa majorité, quelques mois avant la fin de sa formation. La préfecture a refusé de lui délivrer un titre de séjour, au motif que son entrée en France s'est faite de manière irrégulière. Le jeune voit sa prise en charge s'arrêter car devenu majeur l'Ase n'est pas tenue de l'aider. Et la situation d'irrégularité du jeune renforce l'Ase dans ses positions.

L'équipe est désemparée. Après tout le travail de confiance effectué auprès du jeune, nous nous retrouvons face à un gâchis, mais aussi à une situation inextricable. Le jeune a accepté un projet de retour mis en place sans préparation, avec pour seule idée d'éviter une reconduite forcée à la frontière. Le jeune m'a confié qu'il partirait en Belgique ou aux Pays Bas. J'étais persuadé que ce jeune qui a longtemps erré durant son adolescence mais qui a réussi à se reconstruire sans succès risquait de retourner à la rue, et reprendre une vie d'errance.

C'est une situation où en tant qu'éducateur, je suis impuissant à agir. Je me retrouve dans une situation où je ne peux pas aller à l'encontre de la loi, et où je ne peux rester indifférent aux souffrances d'une personne. L'empathie et le soutien moral que je propose peuvent aider les jeunes à ne pas sombrer.

4) La situation juridico - administrative

Pour comprendre la situation juridico administrative des mineurs isolés, on peut faire appel à deux sources du droit : il faudra ensuite distinguer ceux qui relèvent du droit commun et ceux qui relèvent de la demande d'asile.

a) Le droit national

a1) L'ordonnance du 02 novembre 1945

Sur le plan national nous avons l'ordonnance du 02 Février 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers qui dans son article 35 quater stipule que les mineurs pourront être amenés à séjourner pendant 4 jours renouvelables en zone d'attente. Ceux-ci se retrouvent en compagnie des majeurs, en attendant que leur situation soit examinée. la plupart des aéroports et port internationaux tels que Roissy et Marseille qui sont des lieux d'arrivée des mineur isolés étrangers isolés ont leurs zone de rétention dite zone d'attente. Beaucoup de ces mineurs sont souvent refoulés vers leurs pays d'origine, ou vers des pays d'arrivée, en marge de l'état de droit.

Il faudrait bannir la pratique de délivrance des sauf-conduits. Ce sont des documents remis lors de sa libération au mineur, par la police de l'air et des frontières, d'une durée de 8 jours. Il apparaît que celui-ci se retrouve très vite seul et sans aucun document, puis il est récupéré par des filières de trafiquants de drogue et de prostitution. Un projet de loi permettant aux administrateurs ad hoc a été soumis à la commission nationale consultative des droits de l'homme, alors que la protection des mineurs est déjà règlementée sur le territoire.

Le droit des étrangers, dans une approche rétrospective nous montre que celui-ci est lié l'histoire des flux migratoires, à l'évolution de la demande d'asile et à la situation des étrangers en France ; la loi Chevènement du 11 mai 1998 est la 25è modification de l'ordonnance du 02 novembre 1945. Ce texte a été modifié plusieurs fois, notamment lors de la décolonisation, à l'arrêt de l'immigration et la construction de l'Europe.

D'une part la législation française, dans une vision d'égalité pour tous interdit toute discrimination entre étrangers et nationaux, d'autre part applique un principe protection de l'état qui réserve bon nombre d'avantages et prérogatives aux seuls citoyens français.

Pourtant le droit français a tendance à transformer les étrangers en nationaux et tend ainsi vers une égalité des droits dans la plupart des domaines, même si l'évolution du droit actuel montre que ce n'est pas toujours le cas dans les domaines droit du travail, des prestation sociales et du droit de vote.

Les restrictions apportées aux droits des étrangers sont néfastes et ne se justifient plus aussi aisément. Nous comprenons qu'en matière de droit des étrangers, la même règle ne s'applique pas pour tous. Certains sont soumis à des règles particulières en fonction de leurs nationalités d'origine(ressortissants de l'union européenne, algériens) d'autres sont soumis à des règles particulières en raison de leurs statuts (comme les réfugiés ou encore les mineurs).

a2) Le code civil

Lorsque le parquet est saisi à l'arrivée des mineurs étrangers sur le territoire français, il doit à son tour saisir le juge des enfants et le juge des tutelles.

Le juge des enfants va intervenir pour prononcer une ordonnance de placement provisoire, qui est une mesure d'assistance éducative au titre de l'article 375 du code civil. Il statue sur le droit d'hébergement et du mineur en danger. Le juge des tutelles, pour sa part au titre de l'article 433 du code civil peut ouvrir une tutelle. Il nomme un tuteur quand celle-ci est vacante. Le tuteur permet au mineur d'exercer ses droits, notamment pour faire une demande d'asile politique.

Cette pratique n'est pas courante au sein des tribunaux français. A Paris, les juges de tutelle ne sont pratiquement jamais saisis dans le cas des mineurs étrangers isolés, ni le parquet, ni l'Aide Sociale à l'Enfance, ni même par le juge des enfants alors que ce sont les voies normales d'ouverture d'une tutelle.

Une note de l'Aide Sociale à l'Enfance du 7 mars 2000 indique que sur 209 mineurs accueillis en 1999, seules 8 tutelles ont été prononcées. La plupart du temps, le parquet se déclare incompétent pour protéger ces mineurs ou prononce un non-lieu à assistance éducative.

Ces exemples mettent en évidence les conflits de compétences entre professionnels, une crainte que la protection des uns attire de plus en plus de mineurs isolés. Le non respect de la loi met des mineurs, qui demandent l'aide et la protection de l'Etat, en situation de précarité et d'insécurité.

En ce qui concerne le département de Paris qui centralise une part importante des arrivées de mineurs, l'Aide Sociale à l'Enfance rencontre de graves problèmes techniques liés à l'afflux, sans cesse croissant, mais aussi éthiques. Beaucoup de travailleurs sociaux s'avouent débordés et manquent de savoir- faire face à des jeunes qui ne correspondent pas aux profils de jeunes accueillis habituellement.

Certains départements estiment que les jeunes ne peuvent dépendre que de la solidarité nationale. Ils évoquent le droit d'asile et la compétence de l'Etat pour poser la question de la pertinence de la protection de ces mineurs au titre de l'enfance en danger.

La loi SARKOZY du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure dit que la personne prostituée (même mineure), qui dénonce un réseau, peut prétendre à un titre de séjour.

a3) Le code de l'action sociale et des familles

Le mineur isolé sur le territoire français doit pouvoir parler de ses souffrances, de ses craintes ou des persécutions qu'il a subies. Une prise en charge légale s'avère nécessaire dans ce sens. Mais tous n'ont pas la chance d'en bénéficier. Pourtant les articles L112-alinéa 2 du code de l'action sociale et de la famille stipulent que « les personnes de nationalité étrangères bénéficient des prestation sociales de l'aide sociale à l'enfance, et de l'aide médicale d'état »,

L115 alinéa 2, dit que « la lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les être humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation »

Et L223 alinéa 2 prévoit qu' « en cas d'urgence et lorsque le représentant légal est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui avise immédiatement le procureur de la république. Si à l'issue du délai de 5 jours, l'enfant n'a pu être remis à sa famille ou si le représentant légal n'a pas donné son accord a l'admission de l'enfant dans le service, ce dernier saisit l'autorité judiciaire »

Le mineur qui se présente dans le service peut avoir des documents d'identité qui paraissent faux ou contestables. Je tiens à préciser qu'il n'appartient pas à l'éducateur, au travailleur de contester la validité d'un document. Seuls les autorités consulaires du pays d'origine peuvent authentifier les documents. De part la loi, toute personne se déclarant mineure n'est pas expulsable, à condition de pouvoir justifier de sa minorité.

b) Le droit international

Il y a aussi des textes internationaux que la France a ratifiés et qui s'appliquent aux mineurs isolés étrangers sur le territoire.

Selon la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, l'intérêt supérieur doit être une considération primordiale.

Pourtant je me suis rendu compte lors de mon stage, de certaines rencontres et d'échanges avec des professionnels d'autres départements que tous ne bénéficient pas du même traitement devant la loi. Le ministère de l'intérieur estime que la minorité légale ne dispense pas à une personne de produire les documents de voyage que la loi exige.

b1) Les mineurs isolés et la demande d'asile.

Les textes qui règlementent le droit d'asile sont rassemblés dans la loi relative au droit d'asile du 25 juillet 1952, modifié par la loi Chevènement du 11 mai 1958. On distingue deux formes de protection accordées sur deux bases juridiques s'appuyant à la fois sur des textes nationaux et les conventions internationales ratifiés par la France.

La convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les réfugiés qui stipule que « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité, et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays »5(*)

Le préambule de la constitution française du 27 octobre 1946 prévoit que « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la république »

L'asile territorial est régi par l'article 13 de la loi relative à l'asile : « dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté menacée dans son pays, ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées »

Le statut de réfugié relève de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, (L'OFPRA), sous le contrôle de la Commission des Recours des Réfugiés (CRR).

En 2000 il y a eu 38747 demandes de statuts de réfugiés, et 30278 décisions prises .sur ces décisions, 17,1 pour cent des demandeurs d'asile ont obtenu le statut. À titre indicatif 82 pour cent de demandes avaient reçu une demande favorable en 1982.

L'obtention du statut de réfugié permet la reconnaissance des persécutions et des traumatismes subis, et ouvre droit à des protections contre le risque de retour forcé qui menace toute personne déboutée du droit d'asile. Il permet le droit au séjour et au travail en pays accueil avec la carte de résident de 10 ans. Il permet aussi la protection sociale par les dispositifs de prise en charge et d'accompagnement des réfugiés reconnus.

La convention de Genève du 28 juillet ne fait aucune distinction de l'âge des personnes contraintes à l'exil. Les personnes qui demandent l'asile peuvent s'appuyer sur des persécutions directes ou du fait de la situation sociale, de l'appartenance ethnique ou religieuse, ou l'engagement politique de leurs parents.

La difficulté dans l'accompagnement des mineurs dans cette procédure peut résider dans l'expression des craintes des persécutions, et nécessitent la prise en compte de la maturité  du jeune et de son état psychologique.

Cependant l'acte final de la convention recommande aux états « de prendre les mesures nécessaires pour la protection de la famille du réfugié, notamment les enfants isolés et les jeunes filles, en ce qui concerne la tutelle et l'adoption »

La convention de la Haye du 05 octobre 1961 traite de la compétence des autorités et de la loi applicable en matière de protection des mineurs, qui est ratifiée en 1972 par la France, et prévoit dans son article 8 que «les autorités de l'état de la résidence habituelle d'un mineur peuvent prendre des mesures de protection pour autant que le mineur est menacé dans sa personne ou ses biens. »

D'autre part, la convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'assemblée générale des nations unies le 20 novembre 1989, et notamment l'article 3 pose le principe de « l'intérêt supérieur de l'enfant » comme une considération primordiale.

Les enfants réfugiés « bénéficient de la protection et de l'assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir de ses droits », et « l'enfant isolé se voit accordé la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que se soit. »

b2) L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

En France, c'est l'organisme chargé d'appliquer la réglementation et de statuer sur le sort des réfugiés.

Le statut du réfugié est défini par la convention de Genève de 1951, ratifiée par la France en 1954 et s'est dotée dès 1952 de l'Office civil Français des Réfugiés et Apatrides. C'est un organisme autonome financièrement et administrativement, qui relève du Ministère des Affaires Etrangères. Il recueille et détermine la qualité du réfugié politique au demandeur d'asile, conformément à l'article 1er de la convention de Genève. La Commission de recours des réfugiés contrôle les déterminations de l'OFPRA. Le réfugié l'est à partir de 4 éléments : la crainte, la persécution, les raisons de race ou d'opinion politique, le fait de se trouver hors du pays d'origine ; critères précisés par les différentes jurisprudences.

5) L'administration montre ses limites

Je vais expliquer ce qui engendre la réponse administrative ou judiciaire lors d'une prise en charge éducative. Soit en amont du droit commun par une association, soit par l'institution.

Comme je le mentionnais avant, les mineurs qui sont rencontrés dans la rue et ceux qui se présentent au sein des associations qui travaillent en amont du droit commun, sont pris en charge, puis selon certains cas, accompagnés, sans aucun mandat administratif, ni judiciaire. Les professionnels chargés de venir en aide à ce public sont amenés à être confrontés à des situations où se pose la question de la vérité sur l'âge du mineur. La question se pose aussi lorsque le dit mineur présente des papiers contestables ou lorsqu'il n'a pas de papiers.

Il se pose donc les questions de la détermination de l'âge et de l'authentification des documents d'identité, ou la recherche des documents d'identité au pays pour déterminer l'âge du mineur.

Les jeunes se présentent avec ou sans papiers

L'authentification des documents est une étape incontournable et se fait lorsque les documents que le mineur présente sont « contestables » soit parce qu'ils ne sont pas probants (absence de photo ou qu'ils ne sont pas écrits dans les formes usitées en France.

Le mineur sera accompagné au consulat de son pays. Ce consulat va faire des recherches dans le pays afin de prouver ou non l'authentification du document.

Les éducateurs vont aussi permettre au jeune de téléphoner au pays afin de se faire envoyer certains documents justifiant de sa minorité lorsque celui-ci n'a pas ses papiers. Cela n'est efficace que si le jeune se sent suffisamment en confiance pour donner le numéro d'une personne à contacter.

De part la loi, toute personne se déclarant mineure n'est pas expulsable, à condition que le jeune soit en mesure de justifier de sa minorité pour rendre plus lisible la situation.

Soit les mineurs qui ont leurs papiers, de fait, sont pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance, par un mandat de prise en charge administrative, soit par une saisie du procureur ou du juge qui délivre une ordonnance de placement provisoire (OPP).

Le mineur sera donc placé dans un foyer éducatif, dans un établissement internat de formation professionnelle. On se base sur le code civil pour répondre aux différentes questions auxquelles les mineurs sont confrontés Lorsque le mineur étranger est reconnu comme isolé, se posent les questions des structures adaptées pour héberger et assurer un suivi éducatif. Il faut aussi les scolariser. Certains, au vu de leur histoire, de la situation dans leur pays, relèvent de la demande d'asile et seront orientés vers les structures de demande d'asile.  Les majeurs ou déclarés comme tels lors de l'Examen de maturation osseuse dépendront du Haut Commissariat aux Réfugiés et de l'OFPRA à leur majorité.

Tandis que ceux qui venus en France pour des raisons économiques pourront à leur majorité, bénéficier du suivi éducatif, d'un contrat jeune majeur jusqu'à l'age de 21 ans.

À sa majorité ou à la fin de sa prise en charge, le jeune aura acquis une formation. Mais, avec des papiers et sans aucune formation, ou sans papier et sans formation, se posent les questions de la prise en charge du jeune et/ou l'accompagnement éducatif du jeune, ou de son retour en famille lorsque les conditions de cette prise en charge ne sont pas réunies. Je me pose la question de savoir quel suivi éducatif et quelles démarches entreprendre?

La décision de prise en charge ou non peut s'avérer arbitraire et répond à plusieurs critères.

Il arrive que le travailleur social décide de l'authenticité des papiers que lui présente le mineur, comme j'ai pu le constater et scelle ainsi le sort du mineur part une réponse rapide et négative. Tout dépend donc de la représentation que le travailleur social peut avoir du mineur, de sa taille, de souffrance ou non, de son aspect.

Un exemple illustratif

J'ai été amené à accompagner un jeune qui allait faire une demande de prise en charge à l'aide sociale à l'enfance.

Ce jeune originaire d'Afrique Centrale avait quitté son pays après l'assassinat de sa famille.

L'éducateur qui nous reçoit demande au jeune de raconter son histoire une fois de plus, puis l'interroge sur certains aspects de son histoire apparaissant comme des failles à exploiter pour motiver tout refus de prise en charge. Lorsque le jeune montre des papiers, à la demande du travailleur social, celui-ci décrètera que c'est un faux, sans toute autre forme de discussion. Ce qui scellera l'accord de prise en charge du jeune à une réponse médicale : L'examen de maturation osseuse.

Le travailleur social m'a expliqué qu'au vu de l'histoire du jeune, de sa corpulence physique et des papiers qu'il présente, cela n'était pas cohérent et qu'il s'en remettait à l'examen de maturation osseuse.

Ce jeune a d'ailleurs été déclaré mineur.

Cet exemple illustre les deux courants législatifs qui se confrontent actuellement au sujet des mineurs étrangers isolés, tout en mettant en évidence les limites de certaines décisions administratives, et la subjectivité dont sont sujets les travailleurs sociaux qui prennent ces décisions.

Nous avons d'une partie ceux qui disent que les mineurs isolés relèvent de l'article L223-2 du Code de l'action sociale. Les mineurs seraient isolés certes, mais pas en danger, car ils sont suivis par des dispositifs en amont du droit commun.

Et d'autre part ceux qui affirment que le fait que les représentants légaux soient absents ou incapables de se manifester, leur milieu de vie actuel les met en situation de vulnérabilité, et devrait inciter l'état à organiser leur protection conformément aux articles 375 et suivants du Code Civil.

Dans tous les cas si l'aspect administratif ou judiciaire, dans le travail de l'éducateur apporte des réponses inadaptées ou inappropriées aux besoins des mineurs, nous avons tous besoin de travailler en conformité avec la loi, les décisions judiciaires et administratives.

L'éducateur qui est un référent du mineur est aussi confronté à deux dilemmes :

Tenir compte du danger que court le mineur, prendre soin de lui et l'accompagner dans son parcours

D'autre part l'éducateur doit être vigilant à ce que celui qui se présente comme mineur ne soit en fait un adulte qui veut usurper la place d'un « vrai mineur » et pour cela je dois parfois accepter ou légitimer des décisions qui vont aller à l'encontre des intérêts ou de la demande de celui qui m'est confié. L'enjeu de part et d'autre, est de taille.

Pour l'usager il s'agit d'être reconnu comme mineur, puis à sa majorité, d'avoir un titre de séjour ou de résidence, voire la nationalité française. Ces documents sont des sésames pour une amorce d'intégration. (Par exemple pour l'accès à des formations professionnelles).

Pour l'administration, il s'agit d'une volonté de filtrer ou de limiter l'accès aux dispositifs de protection de l'enfance, face aux soupçons d'instrumentalisation du système par certains « vrais faux » mineurs, ou par des trafiquants.

Le jeune doit avoir des documents d'identité pour rester en France. Les démarches à la préfecture incombent au jeune majeur. Et la décision d'accorder ou non un titre de séjour dépend du préfet.

Est-ce que l'éducateur accompagne le jeune en espérant son intégration en France, ou le forme t-il à devenir un clandestin ? Intégrer le jeune c'est lui permettre de rester et d'y construire de nouveaux repères, et l'insérer c'est l'aider à trouver sa place.

Comment réussir l'insertion du mineur étranger isolé au sein de la société française ? Le projet éducatif peut-il être envisagé ?

L'éducateur est- il responsable de l'avenir du jeune en France alors que l'obtention d'un titre de séjour dépend du préfet ?

L'expérience fait qu'en tant qu'éducateur, je dois utiliser le temps de la minorité, le temps passer en France pour élaborer le projet de vie du jeune.

Face à la problématique de société que représente la question des mineurs étrangers, la réponse 'administrative va permettre de poursuivre ou non le suivi éducatif. Ce suivi prend la forme d'un travail de recentrage sur le jeune et les difficultés « internes » qu'il rencontre.

En l'absence de papiers les jeunes ne peuvent ni prétendre à un stage, ni à un travail.

Certains jeunes reçoivent un titre de séjour ne les autorisant pas à travailler. Or nous savons qu'il faut une autorisation de travail pour effectuer une formation professionnelle.

6) La question de la culture

Ces mineurs et majeurs reviennent nous voir au centre. Ils sont en pertes de repères. Le centre devient comme un lieu de repères où ils rencontrent des personnes familières comme leur éducateur, ou un jeune de la même promotion. Beaucoup de ces jeunes reviennent au centre parce que c'est le lieu où ils ont connu la sécurité,les soins,un suivi socio-éducatif et le respect de leur personne, de leurs histoires et de leur histoire,mais aussi le lieu qui a marqué un nouveau départ pour beaucoup de jeunes. Ces jeunes reviennent au centre parce qu'ils ne connaissent personne. La plupart n'ont pas de liens avec leur communauté d'origine. Le fait que ces jeunes reviennent peut donner au centre une connotation identitaire à plusieurs points de vues, dont notamment le fait qu'ils aient tous un référent qui parlent leurs langues et connaissent leurs pays entre autre. Le fait que leurs cultures respectives soient prises en compte dans le fonctionnement du service ; Le fait d'articuler leur culture avec la culture de la France leur permet de garder leur culture, comme la marque de leurs identités multiples. Il faut les mineurs qui souhaitent rester en France ne perdent pas leurs acquis. Je dois les aider à aménager des espaces où ils vont pouvoir intégrer les deux cultures. Je ne souhaite pas qu'ils s'assimilent. C'est l'abandon par une personne de ses particularités, tout en adoptant le système, et les habitudes du pays qui l'accueille.

J.Costa-lascoux (6(*)) dit que « l'assimilation représente  le processus par lequel un être vivant en transforme un autre en sa propre substance, synonyme de l'absorption d'un corps étranger jusqu'à le faire disparaître ».

Assimiler, c'est imposer les normes de la culture dominante, or je dois les aider à vivre en symbiose avec leur nouvel environnement, sans nier, rejeter ou abandonner leurs acquis d'avant.

Avant de venir en France, les mineurs étrangers avaient une place, un rôle, un statut dans leurs sociétés respectives. Ils ne peuvent reproduire leurs statuts en France, et doivent s'adapter aux moeurs françaises. C'est une perte que les jeunes pensent pouvoir compenser en gagnant un statut valorisant, comme celui d'étudiant ou de salarié.

Il est demandé à l'adolescent en construction, se retrouvant confronté à une autre culture, de s'adapter à cette dernière. Beaucoup ont perdu contact avec leur familles, et ont développer la « culture de la rue » qui désigne par la même occasion leur non appartenance à des structures sociales. Les plus chanceux finissent par créer un mixage entre la culture française, celle d'origine et la culture «  de la rue ».

Ces mineurs étrangers devenus majeurs en France, ne sont plus reconnus dans leurs pays d'origine dans le statut d'avant. Ils sont en manque de reconnaissance en France. Beaucoup de ces jeunes considèrent qu'ils n'ont leur place nulle part. En France on les considère comme des étrangers, et ils n'ont plus leur place dans leurs pays d'origines, sauf sans doute au regard de la mission qui leurs est assignée.

Les démarches administratives qui jalonnent le parcours du mineur isolé en France sont des démarches auxquelles nous sommes tous assujettis mais néanmoins habitués. Avec le mineur étranger qui ne connaît pas nos us, cela peut être traumatisant s'il n'est pas informé des tenants et des aboutissants avant toute démarche. À travers toutes les multiples facettes que prend le rôle de l'éducateur, les démarches administratives sont un support à la création de la relation éducative.

La culture que ces jeunes élaborent se situe entre les traits empruntés à la culture d'accueil et la culture d'origine. Il crée ainsi un troisième espace où s'exprime ce mixage. Cette construction est ambiguë, dans la mesure où ces jeunes seraient tentés de reconstituer en France le modèle culturel du pays d'origine. Mais il est très difficile de garder intacte sa culture. Ils recréent un mode identitaire adapté à leurs systèmes de valeurs, cohabitant avec leurs cultures. Le mineur isolé en France, dépourvu de liens familiaux, affectifs, vit sans ses repères quotidiens, et sans ses amis. Il subit par conséquence une situation de non existence, mais aussi de « double non identification »il est à la fois immigré et émigré.7(*) Il a un statut provisoire  mais « continuant à jouir des attributs et des compétences politiques de son pays », tout en étant exclu de fait par sa résidence à hors de son pays. Le mineur étranger a du mal à être reconnu dans le pays d'accueil, et il n'a plus sa place dans son pays d'origine. Comme le dit Alain Moreau sur la faculté d'adaptation des étrangers, il est d'abord un adolescent d'une « culture donnée ...vient -il à le quitter ; pour se retrouver dans une culture différente, et le voilà dépourvu de référents qui assuraient le noyau dur de son identité »8(*).

a) L'identité du mineur isolé.

Comme toute personne en situation de migration en France, le sort des mineurs étrangers est l'enjeu de débats politiques nationaux entre ceux qui ont le pouvoir de décision sur leur avenir et ces adolescents. Ils ne maîtrisent pas forcément l'identité qui leur est attribuée par le fait de leur extranéité, et qui ne tient pas compte de leurs histoires, de leur parcours, de leurs besoins et de leur situation réelle.

Charles Taylor dans une approche sur le multiculturalisme pense que « l'identité est partiellement formée de la reconnaissance ou par son absence, ou encore de la mauvaise idée qu'en ont les autres »9(*)

Didier Lapeyronie s'interroge sur la place l'identité comme facteur d'intégration. L'auteur pense que la façon dont est accueilli et intégré un immigré ou non détermine son identité. Il pense que les identités sont construites dans les rapports sociaux inégalitaires du fait de la frontière qui existe entre ces mineurs qui arrivent et ceux qui sont déjà là. Il y a d'emblée des barrières sociales, géographiques, linguistiques, psychologiques et psychosociologique qui les distinguent de nous. « Il y a eux et nous »10(*)

L'opposition entre eux et nous est une dimension fondamentale de leur identité. Le mineur isolé pris dans cette dynamique d'opposition doit mobiliser des ressources pour intégrer les éléments constitutifs de la culture identitaire d'accueil et se faire accepter. La culture d'accueil étant la culture dominante, il tentera de ne pas perdre son identité propre, cherchera plus à intégrer plus qu'à assimiler. Le mineur arrive en France dans un contexte où la revendication de l'identité retrouve celle des migrants des générations précédentes, qui sont devenus des français à part entière, venus d'origines diverses. Pour aider le mineur étranger isolé, en équipe, nous avons aménagé un espace de rencontres institutionnalisé où se côtoient et s'exprime la diversité culturelle à travers les ateliers d'expression artistiques, la cuisine, le sport, la rencontre avec l'autre. L'idée est d'aider les mineurs à vivre entre deux ou plusieurs cultures.

L'acculturation

La mode des adolescents en France tend actuellement vers la culture hip-hop, qui à l'origine est la culture des pauvres de ceux qui sont dans la galère. Ces jeunes pour la plupart s'identifient le plus souvent à cette culture. Ce qui fait que le jeune indien, le jeune albanais et le jeune de Côte d'Ivoire vont trouver un terrain d'entente à travers cette culture hip-hop. Chacun peut ainsi s'autoriser des va et vient entre sa culture d'origine et cet art considéré comme spécifique à la jeunesse.

C'est l'ensemble des phénomènes résultant du contact direct et combiné entre des groupes et individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les modèles originaux de l'un ou des deux groupes. De ce contact prolongé et direct, un des aspects culturels va être modifié en essayant de réinterpréter, ou en modifiant les conceptions des rapports à l'autre, à la nature et à ses représentations. Les individus adoptent d'autres comportements que ceux des pays d'origine. C'est souvent la source de conflits ambivalents que l'éducateur ne doit pas ignorer.

b) l'Intégration des mineurs pour une prise en charge

- Qu'est ce que L'intégration ?

C'est un processus qui concerne, les moyens d'interaction qu'emploie la personne pour être et se positionner dans une société. L'enjeu se situe dans la reconnaissance d'une place ou d'un statut. Le processus d'intégration est soumis à un contrôle interne par l'individu et à un contrôle externe par la société. Il s'agit pour l'individu de mélanger ses valeurs et ses représentations d'origine avec celle de la société d'accueil. Il va tenter de gommer tout malentendu avec la société qui l'accueille, tout en tentant de conserver ses valeurs d'origines.

Pour le mineur isolé il s'agit de négocier un compromis entre des systèmes de fonctionnements et des règles différents. Il va donc inventer des stratégies pour résoudre les multiples problèmes qui le renvoient à sa condition d'exilé. J'ai pu constater que certains jeunes, pour se sentir acceptés, peuvent faire ou accepter des choses qui vont à l'encontre de leurs convictions. C'est ainsi que certains jeunes de confession musulmane mangeaient du porc pour, semble t-il, être mieux acceptés. Ils croyaient que « pour être intégré en France, il faut faire comme les français ». Je lui ai expliqué qu'il pouvait s'intégrer en France tout en choisissant de vivre selon ses convictions, mais en respectant aussi celles qui sont différentes de la sienne.

En France le modèle républicain d'intégration est basé sur l'égalité.

Mais Faiza Guelamine11(*) estime que le modèle d'intégration à la française ne correspond pas à la réalité des personnes accueillies. L'intégration concerne la participation de tous à la vie de la cité, tout en dépassant la question de l'origine culturelle

De part la convention des droits de l'enfant, un mineur bénéficie d'une protection sur le territoire français.

À la vue de ce fait pourquoi ce dispositif peine à intégrer les mineurs étrangers en danger sur le territoire français ?

Au cours de mon stage, une analyse approfondie de la prise en charge des mineurs isolés étrangers par l'Aide Sociale à l'Enfance, a fait apparaître une double argumentation de la notion d'enfant en danger.

Nous avons vu précédemment que certains affirment que le dispositif de protection à l'enfance a été conçu pour un travail de retour du jeune en famille.

Ce qui fait que le dispositif peine à intégrer des mineurs sans parents et sans famille en France, est que ces jeunes sont seuls et par définition autonomes. La seconde raison est liée au fait que les prises en charges, quand elles ont lieu, s'arrêtent à 18 ans. Le jeune devient sans papiers.

Ce qui est décourageant pour les équipes éducatives qui ont l'impression de sauver quelqu'un de la noyade, de les sécher puis de les noyer à nouveau.

A partir de ces exemples, la prise en charge, puis l'accompagnement du mineur se présenteront sous trois aspects :

-La prise en charge, l'accompagnement éducatif de l'adolescent.

-La réponse administrative, à laquelle est suspendue la décision ou non de poursuivre cet accompagnement éducatif.

-les conséquences positives ou négatives de cette réponse sur le travail accompli par l'éducateur, sur la relation éducative ; et sur l'avenir du jeune.

Il apparaît que la situation des mineurs isolés pose une double problématique ;

-soit la contradiction entre l'éthique et le juridique, puis celle entre les principes éthiques de l'éducateur, et la relation éducative.

c) L'approche interculturelle

Le travail interculturel permet à l'éducateur de faire des allers et retours d'une culture à l'autre en tenant compte des interactions entre la culture du jeune et la nôtre. Il s'agit malgré tout d'aider le jeune à voir le verre à moitié plein et non à moitié vide. C'est à dire qu'il peut vivre sa présence en France comme sources de rencontre, de production de l'altérité, et donc comme une source de richesses, d'apprentissage, de tolérance, d'apprentissage et de respect des différences. La prise en compte de la culture, constitutive de l'identité des mineurs étrangers isolés leur permet de s'intégrer en France. Ils doivent accepter la culture française, en acceptant notamment le mode de vie, tout en gardant et en préservant leur identité propre. Quelque chose qui les lie à leurs racines, pour atténuer les effets de la rupture, en lui permettant de remodeler son propre modèle identificatoire.

Le jeune doit non seulement s'adapter à la culture française, mais aussi à celles des autres jeunes tout en préservant la sienne.

Ce qui n'est pas évident car dans un contexte de déculturation, ils peuvent perdre les valeurs qui identifient leur culture pour se conformer à des valeurs qu'ils nomment « la culture de la rue ».

C'est le cas des enfants errants qui ont connu une vie sans repères stables et qui se retrouvent dans un cadre éducatif inconnu de leur schéma de vies habituelles avec la demande de se conformer à des règles qu'ils ne connaîssent pas. C'est à l'éducateur d'aménager le cadre et les règles de manière parfois à ce que ceux-ci soient le moins violents et permettent la vie ensemble dans le respect mutuel et le partage des tâches quotidiennes. Pour le jeune, les règles de fonctionnement ne sont pas les mêmes que celles qu'il connaît habituellement. C'est pour cela que certaines peuvent être violentes pour certains jeunes. Je me souviens de ces jeunes Afghans qui ne supportaient pas d'être assis à une même table que les filles, ou qui refusaient de faire la vaisselle parce que selon leurs dires, c'est aux filles de la faire. Il faut sans cesse ré expliquer les règles, car beaucoup de ces jeunes, marqués certainement par les moeurs de chez eux, refusent les consignes qui viennent des collègues de sexe féminin. Ils tentent de cantonner la femme dans le rôle qui lui est attribué chez eux.

Selon Alain Moreau « toute migration met jeu un pays d'origine et un pays d'installation, une culture d'origine et une culture d'adoption »12(*)

Les mineurs isolés arrivent en France avec un vécu constitutif de leur identité à prendre en compte, dans leur accueil au sein de la communauté française.

Au début des années 90, face à l'émergence du phénomène des mineurs étrangers seuls sur le territoire, dont beaucoup en errance. Le secrétariat d'état à la lutte contre les exclusions et la précarité a contribué à la création du « service mineurs isolés étrangers ».

La rencontre avec beaucoup de ces mineurs se fait dans les périphéries de Paris, les bois, les lieux à forte fréquentation de populations immigrées, les squats.

Certains sont orientés par la brigade des mineurs, le commissariat de quartier.

La problématique des mineurs étrangers trouve une amorce de réflexion, de réponse pour une prise en charge, puis un accompagnement, au sein d'une association.

Cette association a été créée dans le but de sortir les enfants de la rue, des trafics humains.

La mise en place d'un dispositif de plusieurs associations partenaires, toutes travaillant sur la problématique des mineurs étrangers permet d'apporter un début de réponse à la question des mineurs errants.

7) Positionnement de l'éducateur dans sa relation

Dans le cadre du travail auprès du mineur étranger, l'éducateur endosse plusieurs rôles : celui de travailleur social, de médiateur et quelquefois celui d'interprète.

La position de neutralité, d'empathie, le rôle de médiateur souvent portés par l'éducateur à certains moments de sa fonction, risque de voir celui-ci envahi par une certaine subjectivité de son regard et de son positionnement. Les pouvoirs publics se fient au regard de l'éducateur chargé d'évaluer la situation du mineur.

Pour la plupart de ces mineurs, le danger est avéré. Ils sont en rupture, souvent victimes et traumatisés.

L'éducateur doit estimer la parole de l'enfant, en se basant sur ses déclarations. La vérité de l'enfant peut quelquefois dépendre de la possession ou non de ses papiers.

Si un jeune se présente à l'Aide Sociale à l'Enfance et se déclare mineur étranger isolé, et qu'il n'a pas ses papiers, toute aide lui sera refusée. Sauf s'il accepte d'être soumis à un test osseux pour la détermination de l'âge.

Qu'est ce qui motive un tel refus ?

La décision d'aider un mineur en danger dépend de l'authenticité de ses papiers ou de son histoire, du point de vue du travailleur social.

Quand un jeune se présente avec ses papiers en règle, son histoire peut être fausse; de même qu'un autre jeune peut se présenter sans papiers ou avec des papiers contestable, avec une authentique histoire de violences, de rupture,de traumatismes.

L'éducateur est tenté de se fier qu'à l'aspect administratif. En effet, nous sommes soumis à devoir prouver l'âge du jeune en plus de devoir évaluer la situation de danger que connaît le jeune afin qu'il puisse bénéficier d'une prise en charge administrative ou judiciaire. Cette spécificité ne concerne que les MIE qui doivent prouver leur identité,

L'éducateur face à cette réalité ne serait-il pas plus enclin à aider les MIE pouvant apporter la preuve de leu âge, leur origine voir de leur histoire ? Alors que nous savons que les parcours les plus traumatiques, les plus difficiles ont souvent entraînés la perte de pièce d'identité, de membres de famille....Comme c'est le cas pour les jeunes issus de la catégorie des exploitées.

Cette obligation de devoir prouver l'âge du jeune est due au fait que notre système social et juridique n'accorde pas les mêmes droits si l'on est majeur ou mineur. Cette suspicion que le demandeur cherche à instrumentaliser le système (en mentant sur son âge) a un impact direct sur la qualité de l'accueil de ces MIE. Car avant même de prendre en compte leur état de souffrance, la priorité sera qu'il réponde au critère français qui désigne un mineur en dessous de 18 ans.

L''enjeux sera donc de prouver l'âge du jeune avant de mettre en place un soutien socio-éducatif.

Cas pratique

Je me suis présenté avec une jeune fille qui venait d'un pays en guerre et suite à la mort de ses parents, a du quitter son pays. Cette visiblement traumatisée, dans un état déplorable, après avoir dormi pendant deux jours sur un pont. Un particulier l'a trouvé sous un pont et l'orient vers une l'association à qui l'ase a refusé son admission. Cette jeune fille est restée au centre pendant 4 jours le temps de chercher ses papier d'identité. Cette avait besoin d'un suivi psychologique et de soins spécifiques, mais elle a du attendre soit réglée pour pouvoir bénéficier de soins adéquats.

Il s'avère que le mineur étranger isolé et en danger ne l'est que par preuve ou par compassion, alors l'administratif apparaît comme une béquille pour l'éducateur. La décision d'admettre ou non un jeune dans les dispositifs de protection de l'enfance ne devrait pas être confié uniquement au seul regard de l'éducateur. En principe lorsque le mineur est pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, le procureur doit être saisi dans les trois jours, et celui-ci saisit le juge pour enfants, s'il le danger est avéré. Mais tous ne bénéficient pas de telles dispositions, cela dépend du regard, de la manière dont le travailleur social se représente l'histoire du jeune. La question est de savoir pourquoi un système aussi bien fait présente autant de failles et de dysfonctionnement ?

Comme nous l'avons vu précédemment, les outils de travail à notre disposition servent et parfois desservent, notre pratique.

Cela implique l'accueil d'un jeune, le choix et la priorité dans les démarches à effectuer.

Qu'est ce qui est prioritaire  dans la prise en charge, quel accompagnement et quelle démarche éducative ?

Un mineur de moins de 16 ans a le droit d'aller à l'école. Par contre, une administration permet l'inscription du mineur sans que celui-ci n'ait à prouver la véracité de son histoire, ou la forme dans laquelle sont usitées se papiers d'identité, ou son isolement L'école publique et laïque est gratuite et ouverte à tous.

Les primo arrivants peuvent être pris en charge, à condition de donner leur identité. Il est même arrivé que des mineurs passent des test d'aptitudes scolaires et soient inscrit à l'école sans documents d'identité, juste en tenant compte de la parole du jeune comme faisant foi.

Pourquoi l'Education Nationale semble prendre conscience du phénomène et de la nécessité de respecter la loi, alors que dans les champs de l'éducation spécialisée, il semblerait que la loi ne soit appliquée comme il conviendrait ?

Il parait que c'est une question de coût. Un enfant pris en charge par l'Education Nationale n'a pas le même coût que celui pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance.

Nécessité de déclarer la situation administrative du mineur.

Je vais signaler sa situation au parquet, en lui fournissant les premiers éléments concernant l'identité du jeune et sa situation générale. Le travail de mise en confiance en tant que référent du jeune permettra, à travers les entretiens et les activités qui sont organisées dans le centre, d'évaluer sa situation de manière plus approfondie. Il s'agira de l'orienter vers une structure de droit commun adaptée à sa problématique. En accord avec l'éducateur référent de l'Aide Sociale à l'Enfance, je mettrai en place les premiers jalons d'une amorce d'insertion du jeune. Pour cela je mets en place une évaluation médicale de la santé du jeune afin de traiter toute affection ou des maladies infectieuses qu'il aurait contractées dans son pays ou durant son parcours.

Je contacte aussi les services de l'Education Nationale pour qu'ils mettent en place une évaluation du niveau scolaire du mineur.

C'est à partir de ce que je sais du jeune, de son vécu et de son passé, que je vais pouvoir proposer des orientations, des actions, ou un suivi thérapeutique qui peut être un préalable à la reconstruction et la restauration de soi. Il m'appartiendra de convaincre les pouvoirs publics de la nécessité d'aider les mineurs étrangers, afin d'aider à stabiliser leurs situations. Il est donc nécessaire d'éclairer la situation administrative des mineurs isolés étrangers. Je prendrai deux cas de figures pour décrire la situation du mineur isolé.

-Le mineur· reconnu :

Le mineur reconnu comme tel, parce qu'il possède des papiers d'identité officiels qui prouvent sa minorité va bénéficier des protections à plusieurs niveaux administratifs et juridiques.

Il est confié par l'Aide Sociale à l'Enfance qui va mettre en place une protection administrative au titre de l'article L223.2 du code de l'action sociale et de la famille. Le jeune nous est confié pour une évaluation de sa situation administrative, en vue de lui proposer une orientation qui répond à la réalité de ses besoins.

-Le mineur non reconnu :

Le jeune se dit mineur, mais certaines autorités contestent cette minorité et lui proposent un examen d'âge osseux qu'il accepte. Après avoir fait une évaluation de sa situation, lorsque nous sommes convaincus de sa minorité, je l'informe de la possibilité pour lui d'écrire au juge pour enfants pour lui demander de se saisir de sa situation. Le juge va apprécier par les éléments fournis par le jeune de la minorité et du danger, et ordonner une mesure de placement provisoire. J'ai pu remarquer que le juge pour enfants est saisi lorsque que le jeune conteste les résultats de l'expertise d'âge osseux. Alors qu'il pourrait être saisi dès que le danger est avéré.

Si le jeune est arrivé sans aucun document d'identité ou bien si les documents qu'il présente sont contestés, s'il a accepté de passer un examen d'age osseux, et qu'il est déclaré majeur, plusieurs possibilité s'offrent au jeune ; le jeune doit quitter le centre, et je l'oriente vers les dispositifs d'urgence sociale tels que le 115. S'il conteste les résultats de l'examen osseux, j'en informe le parquet et une contre-expertise aura lieu. Parallèlement, je l'aiderai dans ses démarches auprès du juge pour enfants.

Mon rôle est d'assister le jeune dans toutes ses démarches. Il arrive que les jeunes, sur la base de la relation de confiance qu'ils ont mis en place avec l'éducateur, me sollicitent pour des renseignements administratifs. Le service où il est placé peut aussi solliciter l'éducateur pour une médiation.

C'est ainsi que j'ai été appelé pour une médiation concernant un jeune dont j'ai assuré le suivi. Le centre où il était placé devait déterminer une orientation définitive pour celui-ci. Un incident a failli provoquer comme orientation le retour dans son pays, or ce retour aurait mis en danger la vie de ce jeune. Un quiproquo lié à la barrière de la langue avait généré cette décision au sein de cette équipe éducative. Mon rôle consistait à être un intermédiaire entre la culture du jeune, que je connais, et notre culture. J'ai contribué, le temps de cette médiation à abolir les frontières, expliquant les malentendus. J'étais comme la courroie de transmission par qui passait à la fois la parole du jeune et celle de l'équipe. Je la reformulais et la restituais à chacun. Même lorsqu'il est placé, le jeune peut garder un lien avec le centre, car au fil du temps de sa présence au centre, une relation de confiance mutuelle se construit entre le jeune et les éducateurs. Cette relation peut durer au-delà du temps de l'accompagnement. Certains jeunes viennent au centre et participent à des activités, soit pour rencontrer « leur éducateur ». En tant qu'éducateur, il m'appartient de savoir passer le relais à d'autres professionnels ou être présent pour le jeune quand ils ont besoin de me rencontrer pour une évaluation, d'un médiateur, voire d'un interprète.

Le recueil de l'histoire du jeune.

C'est en accédant à l'histoire du jeune que l'on peut réfléchir aux possibilités pour lui venir en aide. Recueillir l'histoire du jeune suppose plusieurs préalables importants : ne pas travailler dans l'urgence, répondre aux besoins les plus urgent (soins, alimentaires, sommeil), ne pas avoir d'idée préconçue, et postuler que cette histoire appartient toujours au jeune. Parfois c'est le jeune qui veut me raconter son histoire. Même si mon souci c'est de ne pas juger le jeune, la frontière est souvent mince entre l'objectivité que m'impose ma fonction et la subjectivité à laquelle je peux être sujet.

Au regard de certaines histoires qui paraissent invraisemblables, on a vite fait de considérer les mineurs étrangers comme des menteurs, au pire comme de enfants qui par le biais de certains adultes du pays, cherchent à instrumentaliser le dispositif de protection de l'enfance. Ce qui fait que certains enfants, issus d'une zone géographique bien déterminé raconte tous une histoire « standard ».j'avais remarqué ces enfants arrivaient par dizaine par mois, d'un même continent, et racontait le même parcours, avec des histoire similaires. Dans ce cas, un travail qui s'inscrit dans la durée va permettre de démanteler le discours des adultes. Je vais tenter de regagner la confiance du mineur afin de l'aider à reconstruire sa propre histoire personnelle.

II. Le service d'accueil, de mise à l'abri, puis d'accompagnement des mineurs étrangers.

Dans cette partie, je prendrai l'exemple du service d'accompagnement où j'ai fait mon stage, non pour faire un rapport, mais bien pour expliquer dans quel contexte j'ai pu réfléchir à ma problématique. Comment dans un service particulier peut-on accompagner ces jeunes.

Les objectifs du « service mineurs » sont d'aller à la rencontre des mineurs dans la rue et de les accueillir en amont du droit commun dans un lieu anonyme, sécurisé et sécurisant. Puis d'évaluer la situation du mineur et de l'orienter vers les dispositifs de droit commun dans un délai de 15 jours.

Le financement est assuré par une dotation globale de la Direction des Affaires

Sanitaires et Sociales (DASS), puis par des entreprises et soutenus par des organisations internationales de défense des droits de l'enfant.

Depuis 1986, l'association est une O.N.G. qui lutte pour la reconnaissance de l'enfant en tant que personne ayant des Droits. L'association s'appuie sur la Convention Internationale des Droits de l'Homme (C.I.D.E.) ratifiée par la France.

Elle travaille à sensibiliser l'opinion publique à cette convention et exige son application en France, mais également dans le Monde où beaucoup d'enfants vivent des situations de détresse.

A. Agrément et partenariat.

1) Agrément

L'association est agréée par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Membre du Conseil français pour les droits de l'Enfant, et de la «Plate forme géographique des O.N.G.» L'association met en place des programmes en faveur des enfants en difficultés dans les pays souvent en guerre et en proie à des crises sociales et politico-économiques.

2) Missions

Comme je l'ai dit précédemment, l'association met en place des programmes d'aide aux enfants dans divers pays du Monde. L'association défend tous les enfants sur la base des valeurs qu'elle considère comme fondamentale : le droit à la vie, à une identité, à l'éducation ou plus simplement aux droits aux loisirs. Elle s'est également engagée à lutter contre les embargos, les enfants étant souvent les premières victimes. Son action lui a valu un statut consultatif auprès du Conseil économique et Social des Nations Unies.

3) Fonctionnement.

L'association fonctionne à la fois sur le plan international et national.

Sur le plan international, vingt personnes volontaires travaillent dans différents pays avec 250 personnes recrutées localement.

Sur le plan national, l'association a créé avec l'aide d'un pédiatre et d'un juriste en droit international public, un service spécialisé dans la prise de contact, l'accueil et la mise à l'abri des Mineurs Etrangers Isolés.

La création du service des Mineurs répond à une demande, face à l'émergence, au début des années 90, d'enfants seuls, sans référents parentaux ou familiaux, connus sur le sol français ou européen. E.M.D.H. a ouvert le premier centre de jour, à Paris, en juin 2002.

Une émergence, sans cesse croissante, des mineurs quittant leur pays d'origine et se retrouvant seuls en France a impulsé l'ouverture d'un centre plus grand et plus fonctionnel en proche banlieue parisienne. Le centre accueillant jour et nuit des mineurs isolés, ouvre en novembre 2002. Au départ, il est ouvert six jours sur sept et cinq nuits sur sept, dans l'attente de nouveaux crédits pour son extension. Depuis novembre 2002, il fait partie du dispositif d'accueil des mineurs isolés sur Paris, mis en place par le secrétariat à la lutte contre la précarité et les exclusions. Il est financé par ce même secrétariat et par le mécénat d'entreprise.

B. Les missions du «Service Mineurs»

Une convention cadre a été signée d'une part entre l'Etat, représenté par la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales, et d'autre part le service mineurs et d'autres associations partenaires. Le travail s'articule à partir de la problématique des Mineurs Etrangers Isolés, victimes de trafics de toutes sortes, se prostituant ou tout simplement abandonnés par les adultes, les ayant laissé à leurs sorts, une fois arrivés en France. Le service mineur se veut être un sas entre la rue et une vie sociale.

1) Méthodes de travail.

Je vais montrer ce qui fait spécificité du «service mineur.» dans l'approche et la problématique des mineurs étrangers isolés.

Les jeunes sont reçus dans le service sans aucun mandat administratif ou judiciaire. Le service mineur a cette spécificité dans son approche de la problématique des mineurs étrangers isolés que d'une part, il part à la rencontre des mineurs dans la rue et sur les «lieux de travail» et que d'autre part, il reçoit ceux-ci dans le service pour un accueil et une mise à l'abri.

a) les maraudes.

Nous avons mis en place des tournées de rue, dans l'après midi et en soirée. Il s'agit de se rendre dans des squats et foyers de migrants, les boulevards périphériques, le «Bois de Boulogne» et de «Vincennes». « Le service mineurs » travaille aussi avec d'autres associations, partenaires ou non avec le dispositif. Certaines associations mènent des actions qui diffèrent des nôtres et nous contactent souvent lorsqu'il s'agit de mineurs. Ils nous sollicitent donc pour une évaluation avec ledit mineur, de sa situation. D'autres jeunes qui s'en sont sortis peuvent aussi communiquer notre numéro de portable de rue pour leurs compagnons en difficulté dans la rue. Parfois motivés par les premiers, ils peuvent mettre du temps avant de se décider à quitter la rue.

O. est roumain. Arrivé en France par un passeur à qui sa famille aurait payé le voyage, il dit devoir travailler pour rembourser l'emprunt fait par sa famille. Quand nous allons à sa rencontre le soir, il n'est pas très bavard à la première rencontre. Il veut juste quelque chose à manger. C'est à la troisième rencontre qu'il nous expliquera «qu'il a 16 ans et qu'il veut «travailler» jusqu'à ses 17 ans et arrêter la rue». M. a dix-sept ans. Elle est nigériane. Elle serait arrivée en France avec une tante qui aurait promis à ses parents de «l'aider à réussir dans la vie». La famille aurait emprunté de l'argent pour financer le voyage. Arrivée en France, elle s'est retrouvée dans un réseau de prostitution. Elle nous explique : «J'ai envie d'arrêter ce que je fais pour aller à l'école. Mais si je ne paye pas les dettes de mes parents, ils seront tués.» Tels sont les quelques dilemmes auxquels sont souvent confrontés ces mineurs. Quand ils nous demandent comment nous pouvons les aider, nous leurs proposons un accueil dans le service pour les mettre à l'abri dans un premier temps.

b) l'accueil.

Au cours des premiers temps de l'accueil du mineur dans le service, il faut satisfaire à ses besoins les plus élémentaires : manger, prendre une douche, se changer, dormir ou se reposer.

Nous avons constaté que beaucoup de jeunes arrivent dans un état de grande fatigue, de faim et de dénuement. Le travail éducatif visera la satisfaction de ces premiers besoins. Deux référents sont attribués aux jeunes dont un issu de sa culture ou parlant sa langue. La prise en charge de l'aspect culturel parait importante dans l'accompagnement du mineur. Les premiers temps de l'accueil servent aussi au recueil des premiers renseignements. Dans la mesure du possible, nous tentons d'obtenir son nom, son prénom, son âge et sa nationalité. Ces renseignements servent à lui créer un dossier référencé, interne au service. Il sert aussi au «pré signalement» auprès du parquet et de la cellule d'accueil des mineurs isolés étrangers (C.A.M.IE.). Le parquet, à son tour, enverra une réponse au «pré signalement», en communiquant un «dossier parquet».

Les référents éducatifs sont chargés d'accomplir ces formalités. Le jeune peut avoir envie de parler ou de se raconter tout de suite ou le lendemain. Il s'agit d'être disponible à son écoute sans qu'il se sente sous pression. Je vais le rassurer en lui parlant de mon travail. Lui faire visiter la structure et lui présenter le personnel et les autres jeunes participent au travail de mise en confiance que nous privilégions lors de l'accueil.

c) Le référent éducatif.

Il va suivre le quotidien du jeune dont il a la charge, mettre en place des entretiens pour la reconstitution de son histoire, aider le jeune dans la recherche de son identité. Il accompagne aussi le jeune dans les démarches administratives, sanitaires et juridiques. La référence se fait en binôme avec un des deux connaissant la culture ou parlant la langue. L'autre éducateur non issu de la culture sert à avoir, entre autre, un «regard extérieur».

Le but de la référence est de rendre plus efficace l'accompagnement à la problématique du jeune.

d) L'accompagnement socio-éducatif.

Comme je l'ai mentionné précédemment, l'accompagnement éducatif est basé sur l'évaluation des besoins et des problématiques que rencontre le jeune. L'éducateur doit tenter d'adapter ses réponses et rendre le jeune «acteur de son projet».

Pour mener à bien les projets du jeune, l'outil de travail le plus utilisé est l'entretien.

- L'entretien.

Il vise deux objectifs principaux, celui de permettre au jeune de se soulager par la parole, puis de formaliser ses projets. Avant de démarrer l'entretien, le jeune doit être informé du but et de la durée de l'entretien. Comme je l'ai déjà dit, Il faut éviter de se mettre en tête l'idée que l'enfant ment ou tendre à la culpabilité. Il se peut aussi, qu'à l'issue de l'entretien l'équipe mette en place une évaluation scolaire interne ou externe. Je parlerai plus loin des objectifs de l'entretien.

- L'accompagnement

Le jeune qui arrive avec un document d'identité (passeport ou carte d'identité) après son évaluation, sera présenté à la CAMIE (Cellule d'Accueil des Mineurs Isolés Etrangers) qui est un service de l'Aide Sociale à l'Enfance, pour une prise en charge socio-éducative.

Si le jeune n'a en sa possession aucun document d'identité il sera désormais mis en contact avec les autorités consulaires de son pays.

Le jeune se présentant dans le service sans documents d'identité est aidé dans la recherche de ces documents s'il dispose d'un contact dans son origine, sinon il sera présenté aux autorités de son pays. Certains jeunes se les font confisquer par les passeurs à leur arrivée

D'autres encore en proie à des réseaux de trafiquants (qui ont pris les papiers), les ont obligés à se prostituer.

Quand nous ne pouvons pas obtenir les papiers, le jeune est orienté vers la CAMIE (Cellule d'Accueil des Mineurs Isolés) qui demande « un examen de maturation osseuse » auprès du parquet. Ce qui est avantageux en cas de déclaration de minorité, mais de grosses difficultés en perspective en cas de déclaration de majorité du jeune.

Désormais quand les jeunes se présentent sans ses documents, suivant les motifs justifiant de l'absence de ces documents, une déclaration de perte ou de vol est faite auprès des autorités de police.

L'éducateur les accompagne par la suite à l'ambassade de son pays.

La démarche auprès de l'ambassade a pour but de présenter le jeune aux autorités de son pays d'origine, afin qu'il soit reconnu en tant que un ressortissant de ce pays.

Ces autorités consulaires vont reconnaître l'identité du jeune et produire des preuves qui seront présentés aux autorités françaises.

Dans ce cas comment l'éducateur va définir les priorités entre les différentes urgences qui se présentent et auxquelles est confronté le jeune ?

Si nous partons du postulat que l'éducateur appuie son intervention essentiellement sur l'établissement d'une relation avec les personnes qui viennent à lui ou qui lui sont confiées, il s'agit pour l'éducateur de mettre en place des moments de partages, d'échanges.  C'est cette présence auprès du jeune, de son vécu émotif que l'on appelle  relation. L'intervention de l'éducateur se doit d'être axée sur trois pôles : « le sujet, objet de l'intervention »13(*),  l'intervenant  et le « contexte dans lequel se déroule l'intervention ». J'ai constaté durant mon stage au sein de ce service que toute relation éducative est basée sur la confiance. A l'arrivée de la plupart des mineurs, beaucoup sont dans un état de faiblesse, de fatigue, de fragilité et de vulnérabilité. Comment mettre en place une relation basée sur la confiance quand j'ai en face de moi un jeune qui a été trahi par les adultes ? J'ai compris que la meilleure façon de le mettre en confiance afin d'aborder sa problématique est de prendre conscience de multiples concepts liés à sa problématique qui l'assaillent d'où le développement d'outils spécifiques adaptés aux jeunes, aux normes de l'institution utilisés par toute l'équipe.

Les outils les plus couramment utilisés par l'équipe sont : l'écoute, l'observation, l'entretien et la relation d'aide.

L'écoute.

C'est un dispositif, une façon d'être, un positionnement qu'en tant qu'éducateur je dois mettre à la disposition de l'autre afin de comprendre ce qui l'a amené jusqu'à moi. Il s'agit comme le mentionne le dictionnaire Petit Larousse, d'être «attentif et réceptif» à la parole de l'autre. C'est en l'écoutant que je vais comprendre et identifier son problème. Je vais ensuite le rassurer et lui expliquer mon rôle. Le dispositif d'écoute est un outil à part entière utilisé par l'équipe éducative à divers moments de la prise en charge ; que ce soit lors de la rencontre dans la rue, l'accueil dans le service, les entretiens.

L'écoute du jeune donne un sens à sa présence dans le service, et détermine la suite de la prise en charge. Michel Lemay et Maurice Capul distinguent deux niveaux d'écoute. « Le premier niveau d'écoute permet au jeune de se sentir compris et le deuxième va consister à «décoder les contenus latents »» Cela permet de déceler ce qui se cache derrière les expressions dites et non dites. Cela va déboucher sur une relation basée sur la confiance et le respect mutuel et pour l'éducateur à l'acceptation de la personne dans ses richesses et ses limites.

L'observation.

Le dispositif d'écoute intègre aussi celui de l'observation. L'éducateur observe la parole du jeune, puis sont comportement général en lien avec son évolution dans le service. C'est ainsi que les différentes démarches et activités mises en place visent à une meilleure compréhension de toute la problématique du jeune. Le but est pour l'équipe d'être au plus près de la réalité de la demande du jeune et à avoir une orientation qui réponde à ses capacités réelles.

L'entretien.

L'entretien est le lieu où se pratique l'écoute et l'observation. Au cours d'un entretien de prise en charge et/ou d'admission et d'un entretien éducatif, c'est par la parole, le désir de verbaliser les actes et les actions avec et pour le jeune que se déroule l'entretien. Il sert à recueillir les informations sur le jeune, sa vie, son histoire. C'est naturellement par l'écoute de ce que l'autre transmet que nous lui démontrons «respect et estime» affirme Michel Lemay et Maurice Capul. Dans le cadre de ma fonction, j'ai conduit des entretiens formels et informels.

Entretiens formels : Ce sont des entretiens obligatoires qui font partie du contrat d'accueil du mineur.

On distingue l'entretien d'accueil, les entretiens au cours des suivis éducatifs et les entretiens d'orientation.

Les entretiens informels : se déroulent sans rendez-vous, sans contrat, presque dans la spontanéité. Si le jeune rencontre des problèmes, se pose des questions à son sujet, sur nous, sur les autres, s'il a juste besoin d'être écouté, les entretiens informels servent à cela. C'est un entretien centré sur la personne et ses craintes. C. est accueilli depuis deux mois au centre. Elle trouve le temps long. Elle se demande pourquoi «rien n'avance depuis que nous avons envoyé le courrier chez le juge». Le travail d'observation va tenter de comprendre quel sentiment ou ressentiment la jeune cache derrière sa question. Dans «pourquoi rien n'avance ?», nous entendons une angoisse développé par le temps (qu'elle trouve long) de sa prise en charge qui ne devrait pas excéder 15 jours selon le contrat. «L'entretien sur le champs» (encore faut-il réunir tous les éléments nécessaires : collègues, temps ...) va permettre d'écouter, d'entendre et de répondre aux angoisses de celle-ci.

III. Le travail éducatif au quotidien

A. Comment s'y prendre ?

Beaucoup, voire tous les mineurs (ou présumés tels) qui arrivent et sont accueillis dans le service, sont dans un état de souffrance. Selon leurs histoires, comment ils se l'approprient et ce qu'ils en disent (ou même le silence qu'ils gardent) témoigne de souffrances, vécues, subies ou perpétrées. Au cours des entretiens que j'ai menés, j'ai recueilli des histoires de vies émaillées de violences, de ruptures, d'abandon, de mort. Afin de rester efficace dans l'accompagnement de ces mineurs, l'ensemble de l'équipe a demandé une supervision de nos pratiques. Nous avons commencé à réfléchir sur la manière d'accompagner l'autre dans sa souffrance sur notre place et sur celle du jeune accueilli. Nous avons compris au fil des séances que nous ne faisions pas qu'accueillir, mettre à l'abri et orienter les « mineurs isolés ».

1) La relation d'aide.

Nous sommes interrogés sur leurs souffrances. « Si jeunes et déjà autant de souffrances, de drames ». Disaient certains, « misérabilistes » répondaient d'autres. Nous étions tous d'accord pour ne pas hésiter à parler de traumatismes concernant beaucoup (tous ?) de jeunes accueillis pour accentuer la notion de danger au moment de l'orientation.

C'est ainsi qu'au fil des histoires que nous relatent ceux qui se sentent suffisamment en sécurité pour parler, nous entendons des jeunes qui ont fuit des guerres, subit des viols, des rapts, des massacres et trafics humains en tout genre.

Parfois, certains sont suffisamment lucides pour nous parler de leurs positionnements et de leurs rôles dans certains de ces événements.

Pour ma part, il est clair que lorsque j'entends un mineur de 15 ans raconter comment il a été enrôlé à 10 ans comme « enfant soldat » et qu'il a participé à des massacres.

Celui-ci a autant besoin d'être aidé que cette jeune fille, violée par des soldats.

Ainsi, apparaît-il des situations où coupables et bourreaux sont des victimes.

Comment organiser cette aide en direction des personnes victimes qui verbalisent ou non cette souffrance ?

Le travail de réflexion en équipe permet parfois aux éducateurs de réfléchir ensemble afin de prendre des décisions et orientations qui correspondent aux besoins du mineur.

C'est ainsi, que, soucieux de prendre en compte lesdites souffrances de ces jeunes comme faisant partie de notre travail, nous avons mis en place un partenariat avec une association spécialisée dans le traitement des traumatismes des populations en exil et victimes des guerres.

La relation d'aide va aider à entendre et identifier la souffrance du mineur lors des entretiens, des activités et tous les moments du quotidien. Observer, s'interroger, réfléchir en équipe lorsque un comportement nous parait « anormal » peut aider à ne pas se tromper ou de précipiter l'orientation du jeune.

2) la vie quotidienne

a) La vie quotidienne

Le lever se fait à 8 heures et le petit déjeuner jusqu'à 10h. Les jeunes qui n'ont pas de rendez-vous à l'extérieur participent au cours de FLE pour commencer l'apprentissage du Français.

Ainsi il est important de rythmer la journée de ces mineurs afin de leur fixer des repères.

Les moments du repas, de cours, et dans divers ateliers participent aussi à des objectifs à la fois éducatifs et conviviaux. Ce sont des moments de rencontres entre plusieurs cultures, plusieurs religions, plusieurs langues.

Le génie du travail consiste à faire que la cohabitation se fasse sans heurts et dans la bonne ambiance et le respect de l'autre.

A ce même titre, chacun participe aux tâches quotidiennes, et nous leurs disons souvent que chacun à sa part de responsabilité dans ce qui se crée ou dans ce qui se dégrade.

b) Les activités

Comme je l'ai mentionné avant, les activités sont des outils pour les éducateurs servant à observer le comportement des jeunes. Les activités ont aussi des objectifs ludiques.

N'oublions pas que comme tous les adolescents ils ont besoin de sortir, de s'amuser, de se défouler et d'avoir une vie privée. L'accompagnement pour l'activité est assuré pendant les premiers moments de leur arrivée.

Un après-midi je suis allé accompagner un groupe de jeunes au terrain de foot. La plupart de ces jeunes ne se connaissaient pas.

Le travail d'accompagnement ici va consister à être avec eux pendant plusieurs séances de foot à jouer avec eux, à permettre que tous se familiarisent les uns avec les autres. Je crée un facteur de lien. Je me suis rendu compte que comme avec les petits enfants, le jeu en lui-même est un moyen de communication.

Il peut être un tremplin qui va permettre à des personnes de développer d'autres moyens de communiquer quand le jeu cesse.

Après avoir accompagné plusieurs fois ce groupe de jeunes, j'ai compris qu'il fallait les laisser s'organiser entre eux.

Les activités contribuent dans notre travail à enrichir l'expérience par un regard porté sur le ou les jeunes en dehors de l'institution.

Maintenir le cadre est essentiel pour que les jeunes puissent s'en rappeler quand ils sont seuls.

3) Les partenaires

Nous avons vu tout au long des passages précédents que l'éducateur ne travaille pas et ne doit pas travailler seul.

Les personnes extra institutionnelles telles que l'Aide Sociale à l'Enfance, les associations, la justice, les hôpitaux, l'Education Nationale sont constitués de personnes sensibles à la problématique des mineurs étrangers isolés.

Dans le traitement de cette problématique chacun tente d'apporter des outils qui vont compléter celui de l'autre, afin d'être au plus près des besoins du mineur.

Les partenaires sont ceux avec qui nous réfléchissons pour bannir les méthodes inhumaines, dégradantes.

Lorsque le service mineur s'est rendu compte qu'il y'avait une trop forte recrudescence de demande d'examens de maturation osseuse avec un nombre important de  déclarés majeurs issus d'une zone géographique bien précise, le service s'est concertée avec les associations partenaires du dispositif afin de prendre une décision commune respectant l'intérêt et l'intégrité physique des jeunes. C'est d'un commun accord que tous ces partenaires ont dénoncé certaines pratiques discriminatoires, dégradantes et inhumaines.

Le partenaire peut être celui avec qui nous élaborons de méthodes de travail, et échangeons sur des pratiques professionnelles qui peuvent être distinctes mais complémentaires. Le partenaire c'est aussi celui qui apporte son concours financier et celui que nous informons régulièrement du danger de la situation des jeunes en errance, de l'évolution des lois, et des souffrances et des sévices subis par les jeunes.

Le partenaire est aussi un mécène qui finance un programme ou une activité et fait des dons. Le travail en partenariat se fait aussi avec des médecins, des hôpitaux, des thérapeutes spécialisés, l'Education Nationale.

Tous ces organismes peuvent nous adresser des mineurs lorsqu'ils les estiment en danger  pour une évaluation de sa situation.

Ces travaux en partenariat sont d'autant plus importants que les mineurs sont sans référents parentaux. Quels sens peut prendre, et comment se situer, dans le travail avec la famille ou les familles ? Kabongo est un jeune de 16 ans arrivé du sud Kivu en république démocratique du Congo, une zone de l'Afrique où règne une instabilité politique. Arrivé en France sans documents de voyage, il a été retenu en zone d'attente. Nous avons été informés par une association partenaire qui est autorisée à accéder en zone d'attente. Après 8 jours de détention, des démarches ont été entreprises auprès des autorités judiciaires afin d'obtenir sa libération ; Grâce aux information fournis par cette association partenaires, d'autres associations se sont mobilisées, et ce jeune déjà en souffrance, traumatisé par son accueil en France a été sauvé in extremis des mains des filières qui ont organisé son entrée en France.

4) La famille

L'accueil et la prise en charge des mineurs étrangers isolés se fait en l'absence de tout référent parental ou familial connu en France.

Néanmoins certains jeunes ont gardé le contact avec leurs parents, une adresse, celle du voisin, d'un ami de la famille, le numéro de téléphone de la cabine du quartier peut servir à entrer en contact avec la famille.

Mais certains jeunes par peur d'être renvoyés dans leur pays hésitent à communiquer ces adresses ou numéros de téléphone. Ils ont peur aussi que l'on se serve de ces indices pour retrouver ceux qui les ont fait rentrer en France.

Les premiers temps de l'arrivée du jeune dans notre service sont les moments de tous les secrets. Les jeunes ne veulent rien dire. Or la première question que nous leurs posons est de savoir si le mineur connaît quelqu'un de sa famille que nous pouvons prévenir.

Si la réponse est « non », nous considérons que les parents sont absents ou incapables de se manifester. Comment régler la question de l'autorité parentale tant la plupart des démarches à effectuer requièrent la signature d'un représentant légal.

L'article 375 et suivants du code civil dit que quand les parents sont absents ou ne peuvent pas se manifester, cela peut compromettre les conditions d'éducation et un juge pour enfant doit être saisi pour ordonner la protection de l'enfant.

Cela peut-il suffire à résoudre tous les problèmes qui assaillent un enfant étranger seul dans un pays qui n'est pas le sien ?

Outre cette absence parentale ou familiale dont il faudra prendre en compte dans le processus d'aide et d'accompagnement il faudra aussi tenir compte du travail sous d'autres aspects tels que :

- La configuration de l'aide sociale « axée » plutôt vers le retour du jeune dans sa famille.

- Les conditions d'adaptation d'un enfant étranger à son nouvel environnement avec toutes les barrières sociales, culturelles, linguistiques.

- L'absence de la famille et la rupture physique avec sa culture. Le fait que pour la plupart leur projet d'accompagnement doit être axé sur un projet de vie en France.

Dés lors, on constate qu'après avoir fait entendre leur désir et projet de rester en France, ces jeunes restent stigmatisés par leurs statuts.

Ces statuts dépendent des différentes démarches administratives à accomplir.

5) L'accompagnement administratif

a) Les démarches administratives.

Le concept « d'administration » prend son sens, à partir du moment ou l'adolescent accepte et signe le contrat d'accueil.

A son arrivée un dossier est ouvert et un numéro est attribué au jeune. Après avoir procédé à mettre un jeune en confiance et en sécurité, étape nécessaire avant toute démarche, il est important que celui-ci puisse s'approprier les lieux, nouer des affinités ou non, créer des liens avec les autres.

En principe l'accompagnement administratif s'inscrit dans les démarches qui vont aider le jeune à partir.

A l'arrivée de ce jeune la première démarche à faire est le pré signalement à envoyer au parquet. Il comporte les premières informations recueillies auprès du jeune : nom, prénom, âge, nationalité, type de papiers.

Ceci permet au parquet de vérifier que le jeune n'est pas déjà inscrit dans ses fichiers. La suite des démarches concerne les visites médicales obligatoires afin de vérifier que le jeune n'a contracté aucune maladie contagieuse.

Dans la plupart des cas l'absence de couverture maladie et l'absence des parents posent des difficultés aux professionnels qui ne veulent pas soigner les jeunes dans ces conditions.

J'ai accompagné un jour à la Pitié-Salpétriére (qui a un service de soin dentaire réputé), trois afghans dont les dents étaient complètement abîmées. Ils se plaignaient en permanence d'avoir mal.

Arrivés dans cet hôpital, ces jeunes se sont vus refuser les soins d'abord parce qu'ils n'ont pas de couverture maladie et ensuite parce qu'ils étaient mineurs.

J'ai rappelé à l'agent, chargé de l'inscrire aux soins, qu'il y avait un panneau juste au-dessus de sa tête qui affichait « En cas d'urgence les mineurs peuvent être soignés en priorité ».

Nous sommes arrivés à 9 heures du matin et nous sommes repartis à 22 heures.

J'ai insisté pour que ces jeunes soient soignés.

Ces questions et d'autres encore comme celle de la détermination de l'âge, ou de l'authenticité des papiers qu'ils présentent, font partie du lourd quotidien des mineurs isolés.

La question se pose en matière de compétences tant sur le plan territorial que départemental, de la prise en charge financière d'enfants qui n'appartiennent à aucune circonscription territoriale ou départementale française.

Est-ce cela qui fait diluer leurs statuts d'enfants en danger en sans papiers ?

Ce qui suppose que le jeune se trouve en situation de danger ou de vulnérabilité. En écoutant ces jeunes, je me suis rendu compte que ceux-ci ignorent le long chemin des démarches administratives car après le pré signalement au parquet, celui-ci nous renvoie une réponse consistant en un numéro de dossier.

Il estime que le jeune n'est pas en danger immédiat, étant accueilli par nos services.

Le parquet dans ce cas peut rendre une ordonnance de placement provisoire.

Le cas échéant, le jeune est présenté à la cellule d'accueil des mineurs étrangers isolés, un service de l'ASE, qui selon deux procédures accordera la protection du mineur.

Le cas contraire, celui-ci passera un EMO (Examen de Maturation Osseuse) demandé par l'ASE.

Il apparaît que le sort de ces mineurs, le droit pour eux de rester et de construire leur projet en France, et même parfois le droit d'accomplir certains actes élémentaires comme se soigner, est toujours suspendu à leurs statuts d'hypothétique de sans papiers.

Rappelons que les mineurs isolés sont des enfants qui fuient des drames de toutes sortes dans leurs pays, que d'autres sont victimes de drames dans notre pays. Tous ont en commun d'être isolés, sans famille, sans personne.

Tous demandent de l'aide à la France. Souvent dans leur fuite beaucoup n'ont pas eu le temps de rassembler les documents nécessaires. Beaucoup n'avaient pas prévu de changer de pays.

Etant donné le contexte difficile, il a fallu réfléchir sur le sens que peut prendre le projet individualisé pour le mineur.

En règle générale, à leur arrivée dans le centre, la plupart de ces mineurs ont leur projet. Ces projets viennent des rêves qu'ils ont entretenus.

Mon rôle a souvent été avec les jeunes d'articuler ce projet avec la réalité. Le sentiment d'être considéré comme un membre de la machine à broyer les rêves m'a souvent parcouru.

Après que des jeunes aient essuyé des refus de prises en charge par L'ASE, alors, la relation de confiance en prend un sérieux coup.

Cet épisode m'a appris que lorsque la situation est bloquée, le rappel à la loi et la patience à toute épreuve permettent d'obtenir une réponse.

L'enjeu était de faire disparaître cette douleur qui tenaillait les jeunes. A tel point que l'empathie n'était suffisante pour compatir à la douleur de ces mineurs. Les médecins étaient conscients de la souffrance des jeunes mais toutes leurs dents étaient cariées et demandaient une prise en charge qui aurait paralysée tout le service, m'a- t - on expliqué par la suite.

Les médecins ont procédé au nettoyage des dents, administré un traitement puis donné un rendez- vous pour le lendemain.

J'ai contacté, par la suite, l'assistante sociale de l'hôpital, afin qu'ils leur soient établis une aide médicale d'état (AME).

Deux jours après, les caries des 3 jeunes avaient été soignées et ils pouvaient enfin sourire de toutes leurs dents.

Même si je pouvais comprendre le raisonnement des médecins, j'interrogeais sans cesse leur éthique. Pour ma part, rien ne peut justifier ce que je considère comme une indifférence aux souffrances de ces jeunes.

Je ne comprenais pas qu'un hôpital public français puisse faire une entorse à la règle. Encore une fois, la souffrance du jeune venait se mettre en concurrence avec son statut. La douleur devait - elle attendre les papiers ?

Je pense qu'il fallait agir, insister pour que ces jeunes soient soignés.

Ces épisodes résument la situation des mineurs sans référents parentaux en France partagés entre le danger qu'ils encourent et la maîtrise du flux migratoire.

La vie de ces mineurs est comme suspendue par l'absence de papiers.

Cas de pratique

Je vais commencer par illustrer l'impact que peut avoir certaines décisions administratives sur le bien-être d'un jeune.

P. est un jeune de 16 ans accueilli dans le service pour une mise à l'abri. A son arrivée, c'était un jeune fragilisé. Nous avons pensé à l'orienter, une fois qu'il serait reposé et qu'il aurait repris des forces.

A l'approche de son départ, il a essayé de se suicider. Mais avant de se jeter par-dessus la rambarde à 10 mètres de hauteur, il a prévenu suffisamment à temps pour qu'on le retienne. Ce sont les jeunes qui étaient près de lui qui l'on retenu. Une fois maîtrisé l'adolescent a commencé à se battre de toutes ses forces et devenait très violent.

Nous avons appelé les pompiers. Ceux-ci l'ont maîtrisé puis l'ont emmené au service de psychiatrie infanto- juvénile. Le psychiatre en charge du mineur, connaissant notre association, a proposé de nous rencontrer afin de réfléchir avec P. sur l'aide et les soins à lui apporter.

Au fil des entretiens il s'est avéré que l'ampleur du traumatisme était très importante du fait de son histoire personnelle et familiale.

Est-ce le fait d'avoir voulu respecter le délai de 15 jours imparti pour l'accueil, l'élaboration de son orientation, qui nous a poussé à ne travailler que sur l'aspect administratif de la problématique de ce jeune ?

P. n'avait pas terminé son travail de deuil de sa famille. D'ailleurs avait- il pu le commencer ? Les rencontres entre le psychiatre, le chef de service, l'adolescent et moi lui ont permis d'amorcer son travail de deuil. Les séances successives nous ont permis de réfléchir sur la possibilité d'une orientation du jeune vers un service psychiatrique spécialisé dans le traitement des traumatismes des enfants en exil.

J'ai souhaité relater cette histoire car elle reflète la problématique que je vais traiter.

Même si la relation d'aide dans cet accompagnement s'avère utile, son utilité réside dans la pluridisciplinarité des compétences mise en place pour aider le jeune.

Comment ce fait il qu'un mineur arrivé en errance et en souffrance dans nos services demande de l'aide, et la seule réponse que nous avons à lui proposer c'est de ne l'aider que s'il a ses papiers ?

b) L'administration et la situation de P.

La situation de P dont j'ai commencé à parler, a profondément bouleversé le service par la violence des faits constitués. P. est un adolescent venu de côte d'Ivoire un pays actuellement en guerre. L'adolescent vit dans la capitale avec ses parents, son frère et sa soeur. Il n'avait pas l'intention de quitter son pays.

A son retour, il retrouve ses parents assassinés. Recherché lui aussi, ce sont les voisins qui l'aident à s'enfuir. Un ami de son père l'aidera à quitter le pays, muni de faux papiers.

Je reçois cet adolescent qui est accompagné par un éducateur de rue, d'une association partenaire. Deux autres jeunes sont avec lui, des jumeaux, tous des compatriotes. Ils se sont rencontrés dans le squat où ils vivaient tous à Paris et tous demandent de l'aide.

J'ai été désigné pour être le référent éducatif et culturel de P.

A son arrivée dans notre service en plein mois de décembre, le jeune m'a paru prostré et très fatigué.

Le squat où ils vivaient n'ayant aucun confort, ils dormaient tous dans le froid.

Il m'a semblé plus urgent de m'occuper de son état physique, de veiller à ce qu'il se lave, mange et se repose le temps qu'il faut.

Pendant son temps de repos, je signale sa présence au parquet des mineurs, puis je prends rendez-vous au comité médical des exilés pour la visite médicale obligatoire.

Cette visite sert à s'assurer que le jeune n'a contracté aucune maladie contagieuse.

Au moment de l'entretien, P. commence par me raconter son histoire. Je remarque en l'écoutant qu'il me parle de lui mais s'en faire allusion à ses parents à sa famille.

Quand je lui demande comment et avec qui il est arrivé en France, il éclate en sanglots. Je le laisse aller au bout de ses sanglots, une fois qu'il est calmé je lui demande ce qui le chagrine.

Il me dit que c'est un ami de ses parents qui lui a fait quitter son pays.

Je lui demande s'il peut parler de ses parents, de son frère et de sa soeur. Son père était un militant politique et pour divergence d'intérêts, liée à la situation du pays, il s'est fait des ennemis opposés au parti qu'il représentait.

Son fils a pu échapper à la mort parce qu'il était parti jouer au foot.

L'adolescent, qui me confie son histoire, demande pourquoi il a survécu, et me parle de vengeance.

La crainte pour nous était que l'adolescent s'enfonce dans un sentiment de devoir, et qu'il finisse par commettre l'irréparable, comme retourner dans son pays et s'enrôler  dans l'armée pour « venger sa famille ».

Le jeune même si c'était difficile souhaité raconter son histoire.

Il a commencé à pleurer, puis, au fil des séances, il semblait prendre de la distance avec son histoire mais j'avais toujours l'impression que le jeune portait un fardeau dont il fallait le décharger.

Participer à des groupes de parole l'a aidé à se déculpabiliser. Le groupe de parole pouvait l'aider à verbaliser, à parler de sa violence et à la confronter à celle des autres. C'est ainsi que les activités comme le sport, que j'ai mis en place avec les jeunes, participaient à autant de moments de loisirs, d'observations, d'apprentissage mutuel.

Il n'est pas anodin pour un adolescent de 15 ans de perdre sa famille et de se retrouver en plus confronté à la dépouille de ceux-ci.

Que dire si de plus il est en danger de mort et obliger de fuir son pays, sa culture, ses amis, ses racines, menacé par les assassins de sa famille. Arrivé en France, c'est une autre page de son histoire qui s'écrit. Il va devoir faire chemin seul.

Dans sa recherche de compatriotes il se retrouve dans un squat avec ceux-ci. Sait-il qu'il est mineur et que les lois les protégent ?

La rencontre avec un compatriote bénévole d'une association partenaire a réussi à le mettre suffisamment en confiance pour qu'il accepte de venir nous rencontrer.

Même si cet adulte a gagné sa confiance nous nous apercevons qu'il faut aider l'adolescent à regagner sa confiance en l'adulte, mais par ailleurs qu'il faut aussi l'aider à se reconstruire. Mais que doit-on reconstruire exactement ?

Peut- on reconstruire quelque chose pour cet adolescent qui dit avoir tout perdu ?

Ces questions que j'ai soulevées avec mon binôme ont fait l'objet d'une discussion avec le chef de service. Et lors des instances d'analyse de mise en pratique, il en ressort qu'il faut aider le jeune à restaurer plusieurs représentations d'images (celles qu'il se fait sur les adultes), de symboles (ce que représente ce pays qu'il a du fuir), de valeurs (l'importance de le vie malgré tout), qu'ils avait acquis. Et donc la disparition de sa famille l'a mis dans une situation de rupture, de négation de ces images valeurs et symboles.

Le jeune se retrouve dans une situation de vide (par l'absence de repères) et de trop plein (ses difficultés à accepter les nombreuses règles qui régissent le centre) où loin de ses valeurs, de sa culture il peine à intégrer de nouvelles règles pour avancer.

Percevant cela nous voulons l'orienter au plus vite, mais le jeune n'a pas de papiers et son hospitalisation en service infanto- juvénile a nécessité un signalement auprès du procureur de la république.

Ce signalement mentionne l'état d'un mineur sans papiers, sans couverture maladie et aussi sans référents parentaux. Il est demandé au procureur d'organiser sa protection. Le parquet a ordonné un examen d'âge osseux qui l'a déclaré majeur à plus de 18 ans.

Le parquet dit qu'en l'absence de papiers d'identité probants prouvant sa minorité, le jeune sera soumis à cet examen. Avant de poursuivre je vais définir ce qu'est un examen d'age osseux.

-L'examen de maturation osseuse

C'est un ensemble d'examens dont la méthode la plus courante consiste à faire des radiographies de la main et du poignet gauche.

Les clichés pris sont ensuite comparés à des tables de référence dit de Greulich & Pylle qui ont créé cet atlas en 1935 pour déceler des maladies,entre autres des cas de retards de croissance ou de précocité de croissance chez des enfants dont l'âge était connu.( 14(*))

Leurs recherches vont concerner des enfants des milieux favorisés aux Etats-Unis.

On peut donc considérer que l'examen osseux a été détourné de ses objectifs d'origines.

Selon A. Etiemble, « le processus de détermination illustre cette approche ambiguë de la question des mineurs isolés étrangers. Ils ne sont pas considérés comme des enfants en danger et certains doutent de leur état d'enfants ».

En ce qui concerne le jeune P. nous lui avons montré la lettre du procureur et nous lui avons expliqué les tenants et les aboutissants de l'examen d'âge osseux.

Même si ne nous sommes pas d'accord avec la décision du parquet nous devons respecter la loi.

Le jeune était confiant, sûr de sa minorité. Il nous disait : « C'est quand pas une machine qui va dire mon âge ? Moi je vous ai dit la vérité. »

Nous étions tous dans l'expectative sachant que c'est un examen nous paraissait aléatoire et surtout depuis qu'un autre jeune qui nous disait avoir 13 ans a été déclaré majeur une première fois puis mineur lors d'une contre expertise. J'ai accompagné P. ce matin là, à l'hôpital Trousseau où il a été très ému de voir d'autres jeunes qui se présentaient, menottés par les policiers, pour l'examen.

Ce qui pose la question de la condition de travail pour les médecins et d'examen pour le jeune.

Au résultat, P. est déclaré majeur à plus de 18 ans il n'a aucune réaction, il reste impassible, le trajet de retour au centre se déroule contrairement à l'aller, en silence.

On dirait qu'il est sonné mais tente de rester digne. Je vais le voir pour discuter avec lui. Je lui demande ce qu'il pense du résultat de l'expertise. P ne dit pas un mot du reste de la journée.

Il me répond : 

« De toute façon je vous l'avais dit, c'est pas une machine qui vous donné mon âge, c'est moi et je vous ai dit la vérité. » Il me semblait important pour lui que nous le croyons.

Puis le soir, il a refusé de manger et de participer à sa part de tâches.

Les jours suivants, il a refusé de participer au footing matinal que j'ai mis en place avec lui. P. était informé que les conséquences de son examen impliquaient son départ, c'est ce qui le révoltait. Il fallait lui trouver un hébergement d'urgence dès le lendemain.

Ne supportant pas l'idée de ce départ vécu comme un échec, il a tenté de mettre fin à ses jours en se jetant par-dessus la rambarde de 10 mètres et heureusement, comme je l'ai dit au départ, l'adolescent a prévenu d'autres jeunes qui l'ont retenu avant qu'il ne passe à l'acte.

C'est dans un état de crise qu'il a fallu appeler les pompiers qui l'ont hospitalisé. Le travail avec la psychiatre s'est articulé autour d'une amorce de travail sur les problématiques du jeune.

Le psychiatre ayant pris conscience des ressources du jeune, noyé dans ses difficultés nous a proposé de faire une demande conjointe à la nôtre au juge pour enfants.

De notre côté nous avons invoqué les articles 375 et suivants du code civil pour conseiller au jeune d'écrire au juge pour enfants ; et lui demander de se saisir de sa situation car il se trouve en danger. Nous recevrons par la suite une lettre du parquet qui ordonnait à nouveau une contre expertise, suite à notre précédent appel.

Nous avons par la suite reçu une lettre du tribunal pour enfants avec une date d'audience. C'est dans le courant de cette semaine que nous avons été informés par le compatriote bénévole qui nous l'a présenté, de l'arrivée d'un passeport.

Nous avons été très surpris. Il nous dit avoir été informé de l'impasse administrative dans laquelle était enfermée le jeune sans ses papiers.

Il y a un contact dans le pays qui s'est rendu à la mairie du lieu de naissance de P. et il a pu obtenir un acte de naissance, ce qui lui a permis de faire un passeport. Les documents avaient le mérite d'être vrais et appartenaient au jeune. Une question demeurait, le jeune savait-il que des démarches pour son passeport avaient été établies ?

L'arrivée de ce document lui évitait la contre expertise à l'examen d'âge osseux. A l'audience P. a été reconnu mineur, les papiers l'attestant faisant foi. Le juge n'a pas tenu compte de l'examen osseux, et ne s'est basé que sur la situation de danger et sur le fait qu'il avait des papiers prouvant sa minorité.

Le juge a aussi interpellé le mineur sur son parcours jusqu'en France en tentant de connaître l'identité de celui qui l'avait fait rentré en France mais sans succès.

Nous préconisons un suivi ethno- psychiatrique, conformément à la conclusion du travail avec la psychiatre, en plus du placement d'office. Nous avons aussi insisté auprès du juge sur la nécessité de soins pour le mineur. Celui-ci n'ayant pas achevé le travail de deuil de ses proches, il doit être aidé dans cette démarche.

Le juge est d'accord. Au vue de son histoire le magistrat lui conseille de réfléchir à une éventuelle demande d'asile. Il a refusé, il ne souhaite pas demander l'asile.

Il pense que demander l'asile, c'est se mêler de politique. Après l'audience nous nous entretenons seul avec le juge en lui expliquant que si l'enfant refuse la demande d'asile, cela peut signifier qu'il ne s'inscrit plus dans une négation de ses liens avec son pays, qu'il a une démarche de réconciliation, de reconstruction et de restauration. La situation de P. a mobilisé beaucoup d'énergie.

La question des papiers a été omniprésente tout au long de son évolution dans la prise en charge. Cette question a occulté ses difficultés et les traumatismes liés à son histoire personnelle et familial, à son parcours.

Comme je le disais précédemment, les mineurs étrangers dont j'ai la charge sont accueillis pour un accompagnement éducatif dans le cadre d'une absence parentale.

Ces mineurs ont vécu et ont quitté leur pays dans des conditions qui ont pu se révéler traumatiques :

Ce qui veut dire que je reçois des mineurs qui sont fatigués, fragilisés, traumatisés.

Le temps de l'accueil, les premiers temps servent à satisfaire aux besoins primaires du mineur puis de faire connaissance avec les autres jeunes, l'équipe, et se familiariser avec les lieux.

D'origine Africaine, je maîtrise 4 langues, le jeune se sent en confiance d'avoir en face de lui un éducateur Français qui parle sa langue, connaît l'histoire et la géopolitique, l'économie et les réalités de son pays. Il peut être encore plus surpris de savoir que je connais son quartier.

Le jeune Moundi, Camerounais anglophone de 16 ans et demi est accueilli au centre depuis une semaine. Au moment de son accueil, je suis absent. A mon retour du centre, je découvre que je suis l'un de ses référents, comme il est d'usage dans le service, d'attribuer un éducateur référent issu ou connaissant la langue et la culture du jeune. Le jeune parle et comprend le pidgin, une langue argotique parlée au Cameroun, au Nigeria, au Ghana, en Sierra Leone et au Libéria.

L'entretien d'accueil a déjà eu lieu avec mon collègue qui me remet le compte-rendu de l'entretien. En le lisant, je m'aperçois que le jeune raconte qu'il a pris le bateau pour la France, au nord du Cameroun, une province située à l'entrée du désert. Il est surpris que je lui explique, avec une carte du pays à l'appui. Il est impossible qu'il ait pris le bateau à cet endroit, ni même à 500 km à la ronde car il n'y a qu'une mer de sable à l'endroit qu'il indique. Le jeune a profité du fait qu'il n'y ait pas d'éducateur connaissant son pays au moment de l'entretien pour raconter une histoire assez fantaisiste. Mon collègue a cru qu'il ne parlait que le pidgin, alors que toute personne parlant cette langue parle aussi anglais. Celui-ci confirme que l'entretien a été pénible, car il a dû faire beaucoup de signes et de dessins pour tenter de comprendre le jeune. Je propose à Moundi de reprendre l'entretien et de le faire valider à nouveau par le responsable du service. S'il est important de connaître l'histoire du jeune afin de transmettre aux autorités une histoire qui reflète la réalité de vie du jeune, il est aussi important pour le jeune de ne pas commencer une nouvelle histoire dans un pays où il veut vivre, par le mensonge. Pour cela la connaissance de tous les éléments constitutifs de la culture du jeune sont importants. A ce stade de la prise en charge, le mineur s'approprie l'espace et les lieux.

L'issue de l'entretien détermine la priorité à donner aux démarches, suivant l'urgence de la situation, et la prise en charge à mettre en place pour le mineur en fonction de ses difficultés, de son histoire, des soins à apporter ou des démarches à entreprendre.

Le mineur qui a subi des violences n'aura pas la même prise en charge que le mineur qui est mandaté pour des besoins économiques.

Le quotidien dans le service s'articule, pour le jeune, autour des démarches, des soins, des questions matérielles et juridiques.

Les premiers temps vont permettre au mineur de découvrir le fonctionnement du service, la culture du pays accueillant, le partage, le quotidien et ses contraintes.

A savoir que celui- ci doit partager les tâches quotidiennes avec les autres jeunes et apporter sa contribution au bon fonctionnement du service.

B. La relation de confiance

Faut-il rappeler que ce sont des mineurs pour qui beaucoup d'adultes sont des menteurs, des exploiteurs, des bourreaux.

Comment faire tenir dans un cadre à la fois exigeant et contenant des mineurs qui ont perdu la confiance envers les adultes ?

1) Comment en tant qu'adulte je peux être crédible ?

Le travail de mise en confiance se fait par la réponse aux besoins urgents et primaires comme manger, se laver, dormir, s'habiller proprement.

L'urgence du jeune c'est la sécurité, le gîte et le couvert. Chez l'enfant, nous savons que la mère, pour répondre à ses besoins primaires, va lui donner à manger et prendre soin de lui. Le lien affectif unit l'enfant à sa mère et alimente la relation de confiance.

L'éducateur, en tant que substitut parental, ne peut pas faire l'impasse sur cette réponse urgente à donner.

2) Le jeu

Dans un deuxième temps, la relation de confiance se crée autour du jeu. Le jeu permet à l'enfant de se construire en apprenant les règles communes à chacun.

Les moments de jeu sont des instants qui révèlent le caractère de chacun et je fais attention aux particularités de chacun afin de mieux les interpeller par la suite.

En étant dans le jeu avec eux, je me mets au même niveau de compréhension, d'écoute et de participation tout en restant celui qui encadre.

Cela permet à l'enfant de se destresser et quelquefois à évoquer des choses personnelles dont je peux discuter avec lui par la suite.

La cohésion du groupe et les affinités passent aussi par ce mode d'expression. Comme la lecture ou la peinture, le jeu peut permettre de s'évader et d'oublier quelques instants sa situation et ses difficultés.

Certains jeunes prennent l'initiative de faire découvrir des jeux typiques de leur pays d'origine et cela favorise un climat convivial et amical au sein du service. Ainsi ils peuvent s'apercevoir que l'ouverture d'esprit peut et doit se faire sur un mode interactif et transversal.

D'autres jeux font partie d'un univers en commun. Le baby- foot a cet avantage de réunir des individus de pays et cultures différentes autour de cette activité universelle car le football se pratiquent dans le monde entier.

Je me sers souvent de c'est « outil » afin de créer un lien entre les jeunes et moi puis entre jeunes.

Ce travail de confiance, qui commence par le jeu, va servir par la suite à inscrire le jeune dans des activités plus contraignantes. Je demande aux jeunes de participer au bon fonctionnement de la vie du groupe dont l'entretien et le ménage des locaux en commun et de leurs chambres.

Ils participent aussi à la préparation des repas, à la mise de table et à la vaisselle. Ces actes les responsabilisent et les inscrivent comme acteurs de leur vie et du bien- être de chacun.

Tous ne participent pas activement à la vie quotidienne du service car certains sont dans un état de crise, de carences et de traumatismes telles qu'il faudra que l'on adapte nos propositions à leurs capacités. Le jeune se sent respecté dans son intégrité physique et morale par les actions que je mets en place avec lui dans le service. Il se sentira d'autant plus respecté. Le jeune doit me faire confiance, et j'ai intérêt à cela. De part ma présence auprès de lui au quotidien, de mon intérêt et des actions que je mets en place pour lui, je serai son éducateur référent. Celui qui va être auprès de ces jeunes à leur écoute lorsqu ils sont en souffrance, celui qui ne peut pas leur mentir, qui osera franchir le seuil des questions sur leurs intimités. En tant que référent, je suis celui à qui le jeune se confie plus souvent, avec qui il évoque son plaisir de vivre en France, et les difficultés de son vécu, le bonheur qu'il a connu dans sa famille et ses perspectives d'avenir. Le travail de mise en confiance peut parfois se heurter à plusieurs contraintes.

3) Les contraintes culturelles tels que la barrière de la langue.

Le jeune qui ne parle pas le Français a non seulement du mal à se faire comprendre, mais aussi à comprendre les consignes. Il ne participera que difficilement à la vie du groupe. C'est pourquoi j'ai toujours travaillé en binôme avec un éducateur qui parle la langue du jeune dont j'ai la charge. Celui-ci n'est pas toujours présent, et pour éviter que cela renforce le sentiment d'insécurité, je communique avec le jeune de manière non verbale et gestuelle. Entre autre, cette barrière fait que beaucoup de jeunes accueillis, notamment les jeunes afghans et pakistanais, ne restent pas au centre. Ils choisissent de partir en Angleterre où ils pensent avoir plus de chances de réussite.

Le mode d'alimentation peut s'avérer incompatible avec celui du jeune, et c'est pourquoi nous avons mis en place une atelier cuisine qui a lieu une fois par semaine et chacun est invité à faire découvrir sa culture par le mode d'alimentation.

4) Les contraintes liées aux traumatismes

Wong a 16 ans et vient de Chine. Il aurait pris le bateau, voyagé en car, en train et il aurait effectué une bonne partie du voyage à pieds. Arrivé en France, il est accueilli par un couple de compatriote qui serait en lien avec les passeurs. L'adolescent affirme qu'il a travaillé nuit et jour pendant un mois et demi, sans salaire et sans repos.

Nous recevons ce jeune à la demande de la brigade des mineurs. Arrivé dans le service, outre la barrière de la langue, le jeune est apeuré et recroquevillé sur lui-même, il est sur la défensive. Je fais appel au médiateur chinois qui va traduire et expliquer ma démarche vis à vis du jeune. Ceci va le rassurer et lui permettre de commencer à parler de son histoire, de ses souffrances. La présence d'un éducateur qui parle la langue, ou issu du même pays permet au jeune de se sentir plus en confiance.

P vient d'un pays en guerre. Il dit qu'il a 17 ans. Il aurait été enrôlé très tôt par des adultes qui ont assassiné par sa famille. Il raconte de manière assez distanciée la manière dont il a participé aux crimes et exactions sur des civils et sur d'autres soldats ennemis, en compagnie d'autres soldats. C'est un jeune qui reconnaît la gravité des faits commis dans son pays.

Il ressasse sans cesse sa responsabilité sur la situation dans son pays et culpabilise d'être vivant, d'être en France,vivant alors que d'autres parents sont morts et que d'autres sont morts par sa faute. Avant toute chose, il fut considéré comme victime. Il y a des situations où les bourreaux se révèlent comme des victimes et vice-versa. La prise en charge de ceux ci doit d'abord s'orienter vers de objectifs de soins.

Dans ces différents cas de figure, il s'agit pour moi d'adapter mes exigences et de ne pas hésiter à faire marche arrière quand il y a un refus ou un blocage de la part d'un jeune.

Le travail auprès de ces jeunes demande une interrogation constante sur le bien fondé des actions que je mets en place, des règles que j'édicte, à savoir de m'interroger sur la faculté des jeunes à intégrer et à s'adapter à ces règles.

Ce fonctionnement que je considère comme un fonctionnement normal pour un éducateur en situation d'aide ne correspond pas toujours au schéma d'organisation des structures et des administrations chargées d'assurer le lien, la continuité ou le partenariat à effectuer pour répondre aux besoins du mineur dans sa globalité.

C'est ainsi que la mise en place du travail de confiance avec le mineur se retrouve souvent en paradoxe avec la mise en place des démarches administratives.

En effet de l'accueil à la prise en charge jusqu'à son départ du service, le quotidien du mineur est organisé en considération de sa situation administrative.

Nous avons selon que le mineur soit en possession de documents d'identité ou non, les conditions de son admission dans le droit commun ne sont pas les mêmes d'un mineur à l'autre. J'ai connu des jeunes qui avaient vécu les pires tragédies, des drames, avaient perdu confiance en eux et dans les adultes. J'ai mené avec eux des actions pour restaurer leur image et celle de l'adulte.

Ces actions, au delà de la confiance jeune à gagner, devaient amorcer un processus d'insertion dans la société française.

Ce travail peut-il être remis en question du fait de l'absence de documents d'identité ? Que dire des moyens utilisés en cas d'absence de documents d'identité probants pour déterminer l'âge du mineur ? Dans le cadre du travail auprès des mineurs étrangers, j'ai constaté que la notion de protection de l'enfance en danger ne s'appliquait pas de manière égalitaire pour tous dans le cadre de la procédure d'assistance éducative.

Ce défaut d'égalité dans les traitements me paraît contraires aux articles 375 et suivants du code civil qui stipulent qu'en cas de danger avéré, si la santé, la moralité et les conditions de vie du mineurs sont compromises pour son éducation, le juge pour enfants doit être saisi dans le cadre d'une assistance éducative à des fin de protection du mineur.

Ce défaut d'égalité dans le traitement de la question des mineurs étrangers en danger sur le sol français m'a amené à proposer une réflexion à l'équipe en vue d'allonger le délai de prise en charge des mineurs dans le but de tenir compte d'abord de leurs besoins éducatifs, de soins. Le tribunal de Paris étant territorialement compétent ainsi que l `Aide Sociale à l'Enfance de Paris qui a créé en son sein une cellule d'accueil des mineurs étrangers (CAMIE), ces structures étant saturés et ne donnant plus des réponses au cas par cas, j'ai proposé que le mineur soit adressé au structures judiciaires et de protection de l'enfance du lieu ou celui-ci a été trouvé. Et ceci dans le but de toujours rechercher des réponses administratives qui correspondent aux besoins effectifs du mineur en danger.

Si je retranscris ces propositions et textes de lois en l'adaptant à mon travail, et à celui de n'importe quel éducateur, cela voudrait dire que tout mineur étranger présent sur le territoire français sans référents parentaux est un mineur en danger.

C. Mes propositions pour améliorer la prise en charge

Le travail de confiance mis en place se voit écorché à chaque réponse négative par tous ces refus de soins, de prise en charge, d'aide vis-à-vis du mineur isolé étranger.

Ces décisions qui paraissent souvent injustes et inadaptées contribuent à fragiliser encore plus les adolescents qui vivent une situation instable.

Ce refus les rend plus vulnérables et ils ne croient plus en rien.

Ces jeunes, qui avaient rêvé d'une vie meilleure en France déchantent rapidement face à la lourdeur des démarches administratives. Le manque de considération et le rejet dont ils ont le sentiment peuvent s'ajouter à leur mal être, et dans certains cas amener le jeune à disparaître dans la nature.

D'autres jeunes, du fait certainement de la frontière culturelle, ne saisissent souvent l'ampleur des enjeux que lorsqu'ils doivent quitter le centre pour aller au SAMU social (115), où les conditions de prise en charge ne sont pas spécifiques aux mineurs mais à toutes les personnes en difficultés.

Pour d'autres mineurs, la situation en guerre de leur pays aidant, sont orientés vers les structures pour les demandeurs d'asile ; certains jeunes, déçus par la réponse administrative et judiciaire, ont tenté le passage à l'acte.

C. originaire, d'un pays en guerre, s'est enfui après l'assassinat de toute sa famille. Arrivé en France sans documents, celui -ci devra subir un examen d'âge osseux pour prouver sa minorité. Il me demande si c'est parce que ses parents ne peuvent plus répondre que l'on demande à une machine de dire son âge. Il me jure qu'il est mineur et que si je le crois une machine ne peut pas dire le contraire.

C. sera déclaré majeur à plus de 18 ans et il me dit avoir 16 ans.

Le soir même, le jeune a tenté de se suicider.

Une succession de passages à l'acte par des jeunes m'a poussé à réfléchir avec l'équipe sur des propositions en vue de l'amélioration de la prise en charge des mineurs isolés étrangers.

Travailler sur un accueil véritable et un accompagnement avec un début et un avenir et non un début et une fin de prise en charge. On n'envisage pas l'avenir du jeune. La problématique est connue, il existe une cellule de l'ASE de Paris qui s'occupe des mineurs étrangers. Le mineur pris en charge par l'ASE devrait bénéficier d'une évaluation tous les 6 mois, au lieu de disparaître lors de la prise en charge et apparaître à 18ans. On devrait réfléchir à la possibilité pour le mineur d'avoir un avenir en France ou de renter chez lui dans de bonnes conditions. L'administratif doit l'aider à bénéficier de mesures indispensables à son intégration en France et à se projeter, de même pour les éducateurs qui ont besoin d'avoir une visibilité dans le temps pour inscrire le jeune dans un projet de vie. L'action éducative qui est mis en place n'est efficace que si le jeune est rassuré par sa situation

La décision judiciaire ne devrait pas se focaliser sur le danger et uniquement sur le travail éducatif. Il doit tenir compte de l'environnement à l'origine de ce danger. On sait que le danger qui pèse sur le mineur isolé est diffus dans la mesure où il est lié à sa présence sur le territoire et aux motifs de son départ du pays d'origine. Si on part du principe que les mineurs isolés sont une spécificité en France, par la création de la CAMIE (cellule d'accueil des mineurs isolés), au sein de l'ASE de Paris, cela démontre une prise de conscience de la spécificité de ces jeunes vis-à-vis des jeunes réguliers en France. J'ai pu constater que la CAMIE ne dispose pas de moyens spécifiques, et donne l'impression d'être un lieu de stockage et de statistique sur les flux. Dès que la décision de justice est prononcée en faveur du jeune, celle-ci doit être accompagnée de moyens permettant l'intégration dans le projet de son choix. Un mineur isolé n'a pas de papier, pourtant il lui faut des papiers qui lui permettent de poursuivre une formation en alternance. Un titre de séjour même provisoire lui permettrait de poursuivre sa formation.

Pour le retour du jeune dans son pays, la formation lui permettrait d'être actif dans son pays. Ce retour devrait se faire à la demande du jeune et non de manière forcée comme c'est le cas actuellement.

Conclusion

Dès 1997, les associations s'inquiétaient de la difficulté des mineurs isolés d'obtenir des mesures de protection. La situation n'a guère beaucoup évolué depuis. A l'heure actuelle, les associations et les institutions tentent de mieux s'organiser pour une meilleure coordination. Elles se mobilisent pour tenter d'obtenir les moyens pour leurs accompagnements, et aussi pour pallier aux disfonctionnements institutionnels inhérents à ces adolescents, qui consistent à les transférer d'un service à l'autre. Dans l'ensemble les travailleurs sociaux commencent à se former à la problématique des mineurs isolés. Les insuffisances se manifestent lorsqu'il faut les accompagner dans certaines démarches administratives et au moment des orientations. Les décisions issues de ces démarchent provoquent souvent l'arrêt des prises en charge ou empêchent certaines orientations.

Ce qui veut dire que nous devons élaborer une véritable politique d'accueil et de prise en charge et c'est urgent.

Le mineur isolé est d'abord un enfant avant d'être un immigré. En situation de danger en France, il devrait être protégé avant toute chose. Je rappelle que si ces mineurs fuient la misère, les guerres, les persécutions et choisissent la France ou l'Europe c'est parce qu'il recherche un idéal de liberté. Cette liberté qu'ils n'ont pas chez eux. L'eldorado Européen ne serait pour beaucoup que la « cerise sur le gâteau » sur le chemin de cette liberté qu'ils recherchent. Le mineur isolé n'est pas un profiteur. Une fois que le mineur ou le jeune majeur se retrouve dans la clandestinité se sont les trafiquants qui en « profitent ». Le travail en réseau et en partenariat doit être renforcé entre les différents acteurs : le juge pour enfants, l'aide sociale à l'enfance les associations et certains services éducatifs. La nomination d'un tuteur permettrait de veiller à ce que le droit et l'intérêt de l'enfant soient respectés. Cet intérêt doit être la considération primordiale en cas de prise en charge éducative ou lors d'un retour en famille. En tant qu'éducateur je dois veiller à ce que le mineur soit protégé contre toute sorte de d'exploitation. Je dois vérifier que le retour en famille dans le pays d'origine soit conforme aux opportunités et à la volonté de la famille pour prendre en charge leurs enfants et apporter les soins dont il a besoin. Le mineur devrait pouvoir intégrer les structures de l'aide sociale à l'enfance si le retour au pays n'est pas possible.

Sur un plan plus global, les pouvoirs publics devraient instaurer une politique de coopération entre les différents pays d'origines, les organismes internationaux, les organisations non gouvernementales, pour juguler le phénomène de la traite des mineurs. Pour cela le travail doit se faire en amont sur les causes qui engendrent dans les pays d'origines le départ de ces mineurs, par le développement social, la scolarisation des enfants, la sensibilisation de l'opinion publique sur les phénomènes de la traite des enfants et sur la situation des mineurs isolés en France.

La réponse donnée à la complexité du phénomène interpelle la valeur accordée à la notion de protection de l'enfance en France et en Europe et devrait constituer un enjeu en travail social sur les questions de la rencontre et de la relation à l'autre.

En tant qu'éducateur spécialisé, je dois être un médiateur entre les personnes qui ont besoin d'aide et les institutions qui fournissent cette aide. Ce travail de médiateur est mis en exemple dans la pratique au quotidien auprès des mineurs isolés étrangers. Mes recherches théoriques en droit, en psychologie, en sociologie et en psycho- sociologie, m'ont permis de me questionner sur le rôle de l'éducateur dans le cadre de la rencontre pour l'accompagnement éducatif, la médiation et pour prendre soin d'une personne. Au-delà des apports théoriques, je ne peux pas être indifférent à la souffrance de l'autre.

Que les mineurs isolés qui souhaitent rester en France puissent trouver un écho à leurs demandes, et ceux qui souhaitent partir soient accompagnés dignement dans cette démarche.

L'aspect administratif et juridique sur lequel j'insiste a tendance à prendre le pas sur les souffrances de ces adolescents. C'est une réalité qui perdure encore. La question des mineurs étrangers isolés doit être prise au sérieux tant sur le plan national qu'international. Il faudrait lancer un débat sur la question des mineurs étrangers isolés, et, au-delà, sur l'accueil de l'autre en France. Cela implique un changement de regard, de mentalités et de représentations sur cette population et sur les étrangers en général. C'est un premier pas à effectuer pour ne pas généraliser l'indifférence face aux souffrances, et aux traumatismes que ces jeunes ont connu. Souvent, l'ignorance, les manipulations médiatiques et politiques face aux enjeux que pose la question de la présence de ces enfants sont sources de ces indifférences.

Ma rencontre avec ces jeunes privés de leurs familles et de leur environnement familiers déracinés de leurs terres natales et en proie à des adultes manipulateurs, ayant fui des conflits divers et des problèmes économiques m'a permis de réfléchir sur ma propre condition d'individu.

Les échanges que nous avons eus, la relation que nous avons tissé ensemble au fil des jours, m'ont enrichi tant sur le plan personnel que professionnel. La relation éducative qui s'est mis en place par la rencontre de nos parcours de vie s'est progressivement transformée en relation de confiance mutuelle et respectueuse de la singularité et de la particularité de chacun.

Les mineurs étrangers sont bien présents en France, et continuent d'arriver. Je constate que, par les moyens d'entrée qu'ils utilisent que beaucoup échappent à toute logique de contrôle migratoire. Même si leurs nombre est sensiblement en baisse, le phénomène n'est pas prêt de s'arrêter, et les récents drames que subissent les familles qui perdent leurs proches ne découragerons pas d'autres mineurs à quitter le pays pour aller chercher une vie meilleurs sous d'autres cieux. Par leur volonté de rester et de s'intégrer en France, ils s'adaptent rapidement et la plupart progressent aussi vite dans leur apprentissage du français. En équipe, nous avons été confrontés à des jeunes qui racontent souvent des histoires incohérentes dictées par les adultes qui les manipulent. Cependant nous avons aussi été confrontés à des adolescents en détresse par rapport à leurs vécus traumatiques, et aussi par le manque de projection face à l'incertitude de l'avenir.

Tous ces enfants sont en danger tant que la société ne s'organise pas pour leur venir en aide à des fins de protection. C'est en cela que la réponse administrative peut être pertinente.15(*)

La décision administrative doit intervenir comme un support à la relation éducative et non comme une contradiction à cette relation et à l'intérêt du mineur ou du jeune majeur.

La réalité est tout autre.

Les services éducatifs en charge de ceux-ci sont confrontés à des injonctions contradictoires. D'une part ils sont chargés d'accompagner ces mineurs dans toutes leurs démarches d'intégration et d'insertion, d'autre part, ils sont obligés d'intégrer et d'insérer à minima.

Je suis bien conscient que les choses sont complexes. Les intérêts de part et d'autres, sont parfois contradictoires. Il n'empêche : les droits humains doivent invariablement être prioritaires sur toute autre considération.

Bibliographie

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« CLAIRE BRISSET  présente devant les nations unies, le bilan des droits de l'homme en France ».

- A.VAZQUEZ,   les mécanismes et stratégies identitaires, une perspective diachronique, PARIS, PUF, 1990.

- CHARLES TAYLOR,  Multiculturalisme,  Editions de l'université de princetown, 1996.

- CITE NATIONALE DE L'IMMIGRATION, « L'immigration : le film », consulter sur le site www. Histoire de l'immigration.fr

- DIDIER LAPEYRONIE : De l'altérité à la différence, l'identité facteur d'intégration ou de repli? PARIS, septentrion.

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- F. GUELAMINE : Intervenir auprès des populations immigrées,  PARIS, DUNOD, 2000

- JACQUELINE COSTA-LASCOUX  De l'immigré au citoyen, la documentation française, 1989, Notes et études documentaires, n° 4886.

- JEAN LUC RICHARD et MARYSE TRIPIER, Les travailleurs immigrés en France, des trente glorieuses à la crise, PARIS, LA DECOUVERTE 1999.

_ LEMAY Michel et Maurice CAPUL, De l'éducation spécialisée, Paris, ERES, 2000.

* 1 ASH (actualités sociales hebdomadaire) numéro 2346 du 13 février 2004 « CLAIRE BRISSET  présente devant les nations unies, le bilan des droits de l'homme en France ».

* 2 Inspiré du film : « L'immigration : le film » www. Histoire de l'immigration.fr, CITE NATIONALE DE L'IMMIGRATION.

* 3 JEAN LUC RICHARD et MARYSE TRIPIER, « les travailleurs immigrés en France, des trente glorieuses à la crise », PARIS, Edition DECOUVERTE, 1999, pp 5,6.

* 4 ANGELINA ETIEMBLE, sociologue et chercheur au centre d'études et de recherches sur les transformations collectives (CERTAC), université de Rennes II, article paru dans la revue HOMMES ET MIGRATIONS, numéro 1251, « enfants sans frontières », 2004, www.adri.fr.

* 5 FRANCE TERRE D'ASILE, « les instruments juridiques du droit d'asile », JOURNAL OFFICIEL DE L'UNION EUROPEENNE DU 3O SEPTEMBRE 2004.

* 6JACQUELINE COSTA-LASCOUX « De l'immigré au citoyen » la documentation française. 1989, Notes et études documentaires, n° 4886.

* 7ABDELMALEK SAYAD, « la double absence, des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré », PARIS, SEUIL, 1999, P 114

* 8 ALAIN. MOREAU, « Culture de l'entre-deux et adaptation psychique des migrants » dans « immigration et intégration, l'état des savoirs ».sous la direction de PHILIPPE.DEWITTE. PARIS, 1999, LA DECOUVERTE.

P 248.

* 9 CHARLES TAYLOR, « Multiculturalisme » UNIVERSITE DE PRINCETOWN, traduction française par AUBIER, PARIS, 1996, P 41.

* 10 DIDIER LAPEYRONIE : « de l'altérité à la différence .l'identité facteur d'intégration ou de repli? » CADISS-EHESS, PARIS, UNIVERSITE SEGALEN BORDEAUX, P 252

* 11 FAIZA GUELAMINE : «  intervenir auprès des populations immigrées » PARIS, DUNOD, 2000

* 12 Ibid p 17

* 13 MICHEL LEMAY et MAURICE CAPUL: « de l'éducation spécialisée », MONTREAL, ERES, 2000, P116.

* 14 Au départ il était destiné au domaine médical, aujourd'hui on s'en sert pour légitimer le refus d'aider et protéger ces mineurs, et pour une réponse rapide à des questions sociales qui mériteraient un plus large débat.

Ceux qui sont soumis à cet examen sont des jeunes étrangers en situation de vulnérabilité et même si l'examen osseux donne un age hypothétique, cela enlève t'il quelque chose au danger dont ils se disent victime ?

En sachant aussi que cet examen d'age osseux donne un résultat avec une incertitude à déterminer l'age à plus ou moins 18 mois.

Il n'a pas été conçu à l'origine pour les populations défavorisées des ghettos Américains ni pour des Asiatiques ou des Africains. Pourtant en France l'aide sociale à l'enfance demande, le parquet ordonne et on recourt à cet examen pour sceller le sort de jeunes étrangers dont le tort est d'avoir pensé que chez nous il serait libre de se projeter.

* 15 Je prendrai pour exemple le cas de l'Italie, où un comité interministériel de coordination nationale a été créé.

Tout mineur étranger isolé présent sur le territoire doit être signalé à ce comité qui est chargé d'identifier le mineur, de rechercher sa famille et d'activer les mesures de protection. Ce comité doit vérifier les modalités de séjour et veiller à ce que le mineur ne soit pas victime d'abus ou d'exploitation. La Belgique insiste sur les notions de danger et de protection, et vient aide à ces mineurs en se basant sur le danger qu'ils subissent. C'est ainsi que les Pays-Bas délivrent des titres de séjour pour des raisons humanitaires aux mineurs étrangers isolés. Ce qui leur permet d'entamer des projets de formations professionnelles






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand