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L'impact des décisions administratives sur le suivi éducatif des mineurs étrangers isolés et des jeunes majeurs en France

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par Roland TCHOUAGA
Institut national de formation et d'application - Diplome d'état d'éducateur spécialisé 2006
  

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B. La relation de confiance

Faut-il rappeler que ce sont des mineurs pour qui beaucoup d'adultes sont des menteurs, des exploiteurs, des bourreaux.

Comment faire tenir dans un cadre à la fois exigeant et contenant des mineurs qui ont perdu la confiance envers les adultes ?

1) Comment en tant qu'adulte je peux être crédible ?

Le travail de mise en confiance se fait par la réponse aux besoins urgents et primaires comme manger, se laver, dormir, s'habiller proprement.

L'urgence du jeune c'est la sécurité, le gîte et le couvert. Chez l'enfant, nous savons que la mère, pour répondre à ses besoins primaires, va lui donner à manger et prendre soin de lui. Le lien affectif unit l'enfant à sa mère et alimente la relation de confiance.

L'éducateur, en tant que substitut parental, ne peut pas faire l'impasse sur cette réponse urgente à donner.

2) Le jeu

Dans un deuxième temps, la relation de confiance se crée autour du jeu. Le jeu permet à l'enfant de se construire en apprenant les règles communes à chacun.

Les moments de jeu sont des instants qui révèlent le caractère de chacun et je fais attention aux particularités de chacun afin de mieux les interpeller par la suite.

En étant dans le jeu avec eux, je me mets au même niveau de compréhension, d'écoute et de participation tout en restant celui qui encadre.

Cela permet à l'enfant de se destresser et quelquefois à évoquer des choses personnelles dont je peux discuter avec lui par la suite.

La cohésion du groupe et les affinités passent aussi par ce mode d'expression. Comme la lecture ou la peinture, le jeu peut permettre de s'évader et d'oublier quelques instants sa situation et ses difficultés.

Certains jeunes prennent l'initiative de faire découvrir des jeux typiques de leur pays d'origine et cela favorise un climat convivial et amical au sein du service. Ainsi ils peuvent s'apercevoir que l'ouverture d'esprit peut et doit se faire sur un mode interactif et transversal.

D'autres jeux font partie d'un univers en commun. Le baby- foot a cet avantage de réunir des individus de pays et cultures différentes autour de cette activité universelle car le football se pratiquent dans le monde entier.

Je me sers souvent de c'est « outil » afin de créer un lien entre les jeunes et moi puis entre jeunes.

Ce travail de confiance, qui commence par le jeu, va servir par la suite à inscrire le jeune dans des activités plus contraignantes. Je demande aux jeunes de participer au bon fonctionnement de la vie du groupe dont l'entretien et le ménage des locaux en commun et de leurs chambres.

Ils participent aussi à la préparation des repas, à la mise de table et à la vaisselle. Ces actes les responsabilisent et les inscrivent comme acteurs de leur vie et du bien- être de chacun.

Tous ne participent pas activement à la vie quotidienne du service car certains sont dans un état de crise, de carences et de traumatismes telles qu'il faudra que l'on adapte nos propositions à leurs capacités. Le jeune se sent respecté dans son intégrité physique et morale par les actions que je mets en place avec lui dans le service. Il se sentira d'autant plus respecté. Le jeune doit me faire confiance, et j'ai intérêt à cela. De part ma présence auprès de lui au quotidien, de mon intérêt et des actions que je mets en place pour lui, je serai son éducateur référent. Celui qui va être auprès de ces jeunes à leur écoute lorsqu ils sont en souffrance, celui qui ne peut pas leur mentir, qui osera franchir le seuil des questions sur leurs intimités. En tant que référent, je suis celui à qui le jeune se confie plus souvent, avec qui il évoque son plaisir de vivre en France, et les difficultés de son vécu, le bonheur qu'il a connu dans sa famille et ses perspectives d'avenir. Le travail de mise en confiance peut parfois se heurter à plusieurs contraintes.

3) Les contraintes culturelles tels que la barrière de la langue.

Le jeune qui ne parle pas le Français a non seulement du mal à se faire comprendre, mais aussi à comprendre les consignes. Il ne participera que difficilement à la vie du groupe. C'est pourquoi j'ai toujours travaillé en binôme avec un éducateur qui parle la langue du jeune dont j'ai la charge. Celui-ci n'est pas toujours présent, et pour éviter que cela renforce le sentiment d'insécurité, je communique avec le jeune de manière non verbale et gestuelle. Entre autre, cette barrière fait que beaucoup de jeunes accueillis, notamment les jeunes afghans et pakistanais, ne restent pas au centre. Ils choisissent de partir en Angleterre où ils pensent avoir plus de chances de réussite.

Le mode d'alimentation peut s'avérer incompatible avec celui du jeune, et c'est pourquoi nous avons mis en place une atelier cuisine qui a lieu une fois par semaine et chacun est invité à faire découvrir sa culture par le mode d'alimentation.

4) Les contraintes liées aux traumatismes

Wong a 16 ans et vient de Chine. Il aurait pris le bateau, voyagé en car, en train et il aurait effectué une bonne partie du voyage à pieds. Arrivé en France, il est accueilli par un couple de compatriote qui serait en lien avec les passeurs. L'adolescent affirme qu'il a travaillé nuit et jour pendant un mois et demi, sans salaire et sans repos.

Nous recevons ce jeune à la demande de la brigade des mineurs. Arrivé dans le service, outre la barrière de la langue, le jeune est apeuré et recroquevillé sur lui-même, il est sur la défensive. Je fais appel au médiateur chinois qui va traduire et expliquer ma démarche vis à vis du jeune. Ceci va le rassurer et lui permettre de commencer à parler de son histoire, de ses souffrances. La présence d'un éducateur qui parle la langue, ou issu du même pays permet au jeune de se sentir plus en confiance.

P vient d'un pays en guerre. Il dit qu'il a 17 ans. Il aurait été enrôlé très tôt par des adultes qui ont assassiné par sa famille. Il raconte de manière assez distanciée la manière dont il a participé aux crimes et exactions sur des civils et sur d'autres soldats ennemis, en compagnie d'autres soldats. C'est un jeune qui reconnaît la gravité des faits commis dans son pays.

Il ressasse sans cesse sa responsabilité sur la situation dans son pays et culpabilise d'être vivant, d'être en France,vivant alors que d'autres parents sont morts et que d'autres sont morts par sa faute. Avant toute chose, il fut considéré comme victime. Il y a des situations où les bourreaux se révèlent comme des victimes et vice-versa. La prise en charge de ceux ci doit d'abord s'orienter vers de objectifs de soins.

Dans ces différents cas de figure, il s'agit pour moi d'adapter mes exigences et de ne pas hésiter à faire marche arrière quand il y a un refus ou un blocage de la part d'un jeune.

Le travail auprès de ces jeunes demande une interrogation constante sur le bien fondé des actions que je mets en place, des règles que j'édicte, à savoir de m'interroger sur la faculté des jeunes à intégrer et à s'adapter à ces règles.

Ce fonctionnement que je considère comme un fonctionnement normal pour un éducateur en situation d'aide ne correspond pas toujours au schéma d'organisation des structures et des administrations chargées d'assurer le lien, la continuité ou le partenariat à effectuer pour répondre aux besoins du mineur dans sa globalité.

C'est ainsi que la mise en place du travail de confiance avec le mineur se retrouve souvent en paradoxe avec la mise en place des démarches administratives.

En effet de l'accueil à la prise en charge jusqu'à son départ du service, le quotidien du mineur est organisé en considération de sa situation administrative.

Nous avons selon que le mineur soit en possession de documents d'identité ou non, les conditions de son admission dans le droit commun ne sont pas les mêmes d'un mineur à l'autre. J'ai connu des jeunes qui avaient vécu les pires tragédies, des drames, avaient perdu confiance en eux et dans les adultes. J'ai mené avec eux des actions pour restaurer leur image et celle de l'adulte.

Ces actions, au delà de la confiance jeune à gagner, devaient amorcer un processus d'insertion dans la société française.

Ce travail peut-il être remis en question du fait de l'absence de documents d'identité ? Que dire des moyens utilisés en cas d'absence de documents d'identité probants pour déterminer l'âge du mineur ? Dans le cadre du travail auprès des mineurs étrangers, j'ai constaté que la notion de protection de l'enfance en danger ne s'appliquait pas de manière égalitaire pour tous dans le cadre de la procédure d'assistance éducative.

Ce défaut d'égalité dans les traitements me paraît contraires aux articles 375 et suivants du code civil qui stipulent qu'en cas de danger avéré, si la santé, la moralité et les conditions de vie du mineurs sont compromises pour son éducation, le juge pour enfants doit être saisi dans le cadre d'une assistance éducative à des fin de protection du mineur.

Ce défaut d'égalité dans le traitement de la question des mineurs étrangers en danger sur le sol français m'a amené à proposer une réflexion à l'équipe en vue d'allonger le délai de prise en charge des mineurs dans le but de tenir compte d'abord de leurs besoins éducatifs, de soins. Le tribunal de Paris étant territorialement compétent ainsi que l `Aide Sociale à l'Enfance de Paris qui a créé en son sein une cellule d'accueil des mineurs étrangers (CAMIE), ces structures étant saturés et ne donnant plus des réponses au cas par cas, j'ai proposé que le mineur soit adressé au structures judiciaires et de protection de l'enfance du lieu ou celui-ci a été trouvé. Et ceci dans le but de toujours rechercher des réponses administratives qui correspondent aux besoins effectifs du mineur en danger.

Si je retranscris ces propositions et textes de lois en l'adaptant à mon travail, et à celui de n'importe quel éducateur, cela voudrait dire que tout mineur étranger présent sur le territoire français sans référents parentaux est un mineur en danger.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams