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L'incitation aux actes de terrorisme

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par Joseph Breham
Université Toulouse 1 - Master II Juriste International 2006
  

Disponible en mode multipage

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Introduction

La multiplication des actes terroristes dans le monde et les réflexions sur les

moyens de les empêcher pose, entre autres, le problème des volitions de leurs auteurs. Pour réduire les actes terroristes, il convient donc de s'interroger sur les causes du passage à l'acte et une partie de la réponse se trouve probablement dans le rôle que joue l'incitation : comment et pourquoi une personne a priori comme les autres se tourne vers terrorisme ? Que l'on pense à certains prêches radicaux ou à certains sites Internet,

les exemples d'incitation sont légions et il s'agit certainement là d'une des causes de la décision de certains de recourir à la violence. L'exposition à des messages incitant à la violence et justifiant le recours à la violence pour atteindre des buts précis incite à passer à l'acte. Il semble donc nécessaire, pour réduire les actes terroristes, de prévenir l'apparition d'auteurs potentiels et donc d'empêcher la diffusion ou la mise à disposition

de messages incitant à la commission d'actes terroristes.

Notre étude porte sur l'incitation aux actes de terrorisme. Mener une réflexion

sur l'incitation à de tels actes nécessite en premier lieu de définir ces derniers pour en second lieu s'intéresser à l'incitation proprement dite.

Les actes de terrorisme seront d'abord étudiés au niveau international, puis au niveau régional européen et enfin au niveau national à travers la législation française pertinente.

·Les Nations Unies1 :

Le terrorisme n'est pas un nouveau sujet de préoccupation pour les Etats du

monde. En 1937 déjà, la Société des Nations avait rédigé une Convention pour la répression et la prévention du terrorisme. Cette Convention n'a pas reçu le nombre de

1 Seuls les instruments universels contre le terrorisme déjà négociés seront pris en compte. Ainsi le projet de convention générale sur le terrorisme ne sera pas inclus dans le champ de cette réflexion.

ratifications nécessaires pour entrer en application et n'a donc jamais été mise en oeuvre.

L'Organisation des Nations Unies (ONU) n'a pas définie de façon générale les actes de terrorisme. Elle a plutôt procédé par touches, grâce à des instruments sectoriels, en réaction aux divers attentats terroristes ou aux craintes de la communauté internationale. Par exemple, la vague de détournements d'avions des années 1968 et suivantes menée par le Front Populaire de Libération de la Palestine a amené les Etats membres de l'ONU a adopter la Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs le 16 décembre 1970. Le détournement de l'Achille Lauro en 1985 a conduit à l'adoption de la Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de la navigation maritime et du Protocole pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité des platesformes fixes situées sur le plateau continental le 10 mars 1988. La communauté internationale a également voulu anticipé les attentats potentiels. Par exemple, la Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars

1980, son amendement du 8 juillet 2005 et la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005 ont été adoptés alors qu'aucun acte de terrorisme nucléaire connu n'avait été réalisé.

Les divers instruments sectoriels2 ont donc été adoptés sur plus de 40 ans (de 1963 pour

2 Certains auteurs parlent de 13 instruments et d'autres de 16. Au lecteur de prendre parti sur la question (qui n'a, en pratique qu'un intérêt relatif).

1: Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs

(14/09/1963) ;

2: Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs (16/12/1970) ;

3: Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile

(23/09/1971) ;

4: Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (14/12/1973) ;

5: Convention internationale contre la prise d'otage (17/12/1979) ;

6: Convention sur la protection physique des matières nucléaires (03/03/1980) ;

7: Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale (24/02/1988) ;

8 Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de la navigation maritime

(10/03/1988) ;

9: Protocole pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité des platesformes fixes situées sur le plateau continental (10/03/1988) ;

10: Convention sur le marquage des explosives plastiques et en feuilles aux fins de détection

(01/03/1991) ;

11: Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif (15/12/1997) ;

la Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs jusqu'à 2005 pour le Protocole au protocole pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité des platesformes fixes situées sur le plateau continental). Cette manière de procéder abouti a plusieurs conséquences :

·Les matières abordées ne sont pas homogènes : les conventions contiennent des infractions relatives à l'aviation civile, aux navires et platesformes fixes, des infractions fondées sur le statut de la victime, des infractions liées à des matières dangereuses et des infractions liées au financement du terrorisme.

·La philosophie de la lutte contre le terrorisme a évolué : ainsi l'article 2 de la Convention de 1963 dispose qu'aucune disposition de la présente convention ne peut être interprétée comme autorisant ou prescrivant l'application de quelques mesures que ce soit dans le cas d'infractions à des lois pénales de caractère politique(...). Ce qui peut être interprété comme une exclusion des infractions à motivation politique du champ d'application de cette convention. A l'opposé, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de

1999 dispose en son article 6 que les actes criminels relevant de la présente convention ne [peuvent] en aucune circonstance être justifiés par des considérations de nature politique (...). Ce qui impose que les infractions à caractère politique soient inclues dans le champ d'application de la convention.

·Le libellé des conventions a évolué : les premières ne mentionnaient pas le terme « terroriste » (Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs en 1970 par exemple). Cela fût vrai jusqu'en 1997 et l'adoption de la

12: Convention internationale pour le répression du financement du terrorisme (09/12/1999) ;

13: Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (13/04/2005) ;

14: Amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires (08/07/2005) ;

15: Protocole de 2005 à la Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de

la navigation maritime (01/11/2005) ;

16: Protocole de 2005 au Protocole pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité des platesformes fixes situées sur le plateau continental (01/11/2005).

Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif.

·L'élément intentionnel et les valeurs protégées par les infractions contenues dans les instruments3 ont évolué comme cela va être montré.

oUn élément intentionnel évolutif et des valeurs protégées variées :

Le terrorisme est juridiquement défini par ses actes, ainsi il peut être intéressant

de trouver les points communs des divers actes incriminés afin de conceptualiser juridiquement le terrorisme. Toutefois, la diversité susmentionnée rend cette tâche de conceptualisation particulièrement délicate. Puisque chaque convention définit des actes

de terrorisme différents, les éléments matériels varient (évidemment) pour chaque instrument, c'est pourquoi, seuls seront étudiés l'élément moral et les valeurs protégées par les actes dont les conventions requièrent l'incrimination.

La Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs de 1970 indique dans son article premier que commet une infraction pénale toute personne qui, à bord d'un aéronef en vol, illicitement et par violence ou menace de violence s'empare de cet aéronef ou en exerce le contrôle ou tente de commettre l'un de ces actes, ou est le complice d'une personne qui commet ou tente de commettre l'un de ces actes. Ainsi, elle

ne mentionne pas d'élément intentionnel mais il est possible de le déduire de la nature même de l'infraction (en effet comment peuton s'emparer d'un avion par violence ou menace de violence sans en avoir la volonté ?). Cela permet de déduire l'existence d'un dol général4. L'élement matériel est le fait de s'emparer ou d'exercer le contrôle d'un aéronef par violence ou par menace de violence. Donc cette convention incrimine une

atteinte aux biens commise intentionnellement.

3 Le texte des divers instruments est disponible sur http://untreaty.un.org/French/Terrorism.asp. Afin de faciliter la lecture les articles pertinents des diverses conventions sont reproduits en Annexe 1.

4 Le dol général est la conscience et la volonté de violer la loi.

La Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile de 1971, traite explicitement de l'intention5. Il s'agit là encore d'un dol général, aucune intention spécifique n'est nécessaire. Elle incrimine des atteintes contre

les personnes si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de l'avion, et des atteintes contre l'aéronef. Ainsi, cette convention impose l'incorporation d'une infraction qui incrimine des atteintes intentionnelle aux biens et aux personnes lorsque cette atteinte met les avions en danger.

Cette exigence d'un dol général et cette protection des biens et/ou des personnes se retrouvera jusqu'à l'adoption de la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif en 19976.

La Convention de 1997 marque un tournant parce qu'elle rend nécessaire l'existence d'un dol spécial : l'intention de provoquer la mort ou des dommages corporels graves

ou l'intention de causer des destructions massives (...) lorsque ces destructions entraînent ou risque d'entraîner des pertes économiques considérables. En outre, elle prévoit dans son article 5 comme circonstance aggravante que ces actes aient été conçus

ou calculés pour provoquer la terreur dans la population, un groupe de personnes ou chez des individus. Il existe donc une triple évolution : l'apparition d'un dol spécial7, l'apparition (sous forme de circonstance aggravante) d'un dol spécial « terroriste » qui consiste à provoquer la terreur chez des personnes et l'adoption pour la première fois

5 Aux termes de l'article premier de la dite convention : Commet une infraction pénale toute personne qui illicitement et intentionnellement (...).

6 Il existe, néanmoins, quelques exceptions : la Convention internationale contre la prise d'otage (17/12/1979) et la Convention sur le marquage des explosives plastiques et en feuilles aux fins de détection (01/03/1991). Le dol spécial exigé par la convention de 1979 (contraindre une tierce partie (...) à accomplir un acte quelconque ou à s'en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de

la libération de l'otage) n'est pas spécifiquement terroriste. Il est inhérent à la notion de prise d'otage qui ne se conçoit pas si le preneur d'otage n'a pas l'intention d'obtenir quelque chose de quelqu'un.

La convention de 1991 sur le marquage des explosifs n'incriminent pas de comportement, elle crée des obligations à la charge des Etats. La Convention de 1980 sur la protection des matières nucléaires connaît en son article 71eii un dol spécial qui incrimine la menace de commettre un des actes de la convention afin de contraindre une personne physique ou morale, une organisation internationale ou

un Etat à faire ou à s'abstenir de faire un acte.

7 Il y a dol spécial, ou intention criminelle, lorsque l'auteur d'un acte menaçant un intérêt protégé par

la loi pénale l'accomplit dans le but de porter atteinte à cet intérêt. Ainsi le meurtre suppose l'intention de porter atteinte à la vie de la victime.

d'une attitude préventive en ce qu'elle incrimine l'organisation et la contribution à des actes terroristes (les conventions antérieures n'incriminaient que la complicité). Cette incrimination de l'organisation et de la contribution va se retrouver dans tous les instruments ultérieurs.

La rédaction de ce dol « terroriste » fut inspiré par la résolution 49/608 de l'Assemblée générale des Nations Unies qui indique que les actes criminels qui, à des fins politiques, sont conçus ou calculés pour provoquer la terreur dans le public, un groupe de personnes ou chez des particuliers sont injustifiables en toutes circonstances et quels que soient les motifs de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou autre que l'on puisse invoquer pour les justifier. La notion de provoquer la terreur dans le public, un groupe de personnes ou chez les particuliers introduit par cette résolution est la « première version » du dol spécial « terroriste ». Cette résolution

ne possède pas de caractère contraignant mais sa formulation a ensuite été reprise dans

de nombreux instruments juridiques contraignants. Elle constitue, en ce sens, un parfait exemple de l'intérêt de la « soft law ». Il est également intéressant de noter que ce dol spécial « terroriste » existait déjà dans la Convention de la Société des Nations pour la répression et la prévention du terrorisme, ainsi son article 12 indiquait que l'expression acte de terrorisme signifiait un acte criminel dirigé contre un Etat et calculé pour ou dans l'intention de créer un état de terreur dans l'esprit de certaines personnes, ou d'un groupe de personne ou du public en général9 (1937 - 1994, 60 ans pour revenir au même élément intentionnel).

La Convention de 1999 sur le financement du terrorisme accentue la tendance à l'adoption d'une attitude préventive, marquée par la Convention de 1997, puisque par définition l'incrimination du financement participe d'une logique préventive. En outre,

8 Résolution n 49/60 du 17 février 1995 disponible sur http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/768/20/PDF/N9576820.pdf?OpenElement.

9 Traduction libre par l'auteur de ce mémoire : Article 12 : In the present convention, the expression

«act of terrorism» means criminals acts directed against a State intended or calculated to create a state

of terror in the minds of particular persons, or a group of persons, or the general public.

elle incrimine en son article 2 le fait par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, [de] fourn[ir] ou réun[ir] des fonds dans l'intention de les voir utilisés ou en sachant qu'ils seront utilisés (...)en vue de commettre un acte qui constitue une infraction au regard des [instruments universels contre le terrorisme] ou tout autre acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil ou tout autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé lorsque par sa nature ou son contexte cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque. Cette convention n'ajoute rien aux éléments déjà protégés puisqu'il s'agit toujours de biens et/ou de personnes. En revanche, elle ajoute un élément à la définition du dol spécial « terroriste » : contraindre

un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte.

La Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005 (article 21a) incrimine la détention de matières ou d'engin radioactifs et la fabrication d'un engin, lorqu'il y a l'intention de causer la mort d'une personne ou de

lui causer des dommages corporels graves ou dans l'intention de causer des dégâts substantiels à des biens ou à l'environnement. Concernant l'élément moral, cette convention n'ajoute rien mais elle protège l'environnement en sus des personnes et/ou des biens. C'est l'introduction en droit de la notion de « terrorisme environnemental » qui va ensuite se retrouver dans de nombreuses conventions, comme par exemple dans l'amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 8 juillet 2005 qui modifie l'article 7 de la Convention de 1980.

Les protocoles de 2005 sur la navigation maritime et sur les platesformes fixes ne font pas avancer les éléments constitutifs des actes terroristes et intègrent tout au plus le dol spécial « terroriste » comme composante de l'infraction (ils n'étaient jusqu'à présent qu'une circonstance aggravante sauf pour la Convention sur le financement).

Ainsi, comme mentionné supra, les conventions sont passées d'un droit purement réactif

à un droit plus préventif. En outre, les valeurs protégées ont évolué de la protection de biens et/ou de personnes à la protection de l'environnement. Dans le même temps, l'intention a évolué depuis un élément moral implicite, à un dol général explicite, puis à

un dol spécial en plus du dol général (avec l'existence d'une circonstance aggravante lorsque un dol spécial « terroriste » existait), pour arriver enfin à des conventions où le dol spécial « terroriste » est partie intégrante de l'infraction. Le tournant de cette évolution est l'adoption de la résolution 49/60 par l'Assemblée générale des Nations

Unies, qui introduit le dol spécial terroriste, notion affinée par la suite.

de :

Aujourd'hui, dans le cadre des Nations Unies, les actes terroristes sont composés

·Une infraction, c'estàdire un acte réprimé par le droit pénal, sa tentative, sa

complicité ou toute organisation ou contribution à un tel acte.

·Une valeur protégée qui peut être des personnes ou des biens (en cas d'atteintes graves) ou l'environnement.

·Avec une intention qui peut être un dol général et/ou un dol spécial et/ou le dol spécial « terroriste » à savoir l'intimidation d'une population ou la contrainte d'un gouvernement ou d'une organisation internationale pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.

Les conventions, de par leur histoire et leur approche des actes de terrorisme, ne permettent donc pas de déduire des composantes spécifiquement terroristes, ni de socle commun à tous les actes terroristes. C'est pourquoi, dans le cadre des Nations Unies, de nombreux Etats réfléchissent depuis 1996 à la rédaction d'une convention générale sur

le terrorisme.

Les conventions des Nations Unies ne définissent pas uniquement des actes considérés comme terroristes ; elles posent certaines obligations envers les Etats signataires. Les principales sont ici abordées brièvement .

oDes règles de procédure commune :

Les conventions imposent aux Etats que les comportements décrits dans les

instruments régulièrement ratifiés soient incriminés dans leur législation nationale. Qu'ils soient incriminés comme infraction terroriste ou qu'ils soient incriminés de façon générale, ne pose pas, a priori, de problème. Néanmoins, les conventions imposent en général aux Etats que les peines prévues pour ces comportements soient proportionnées

à la gravité de l'acte10. Il peut donc être nécessaire d'incriminer différemment certains

10 En ce qui concerne les instruments qui n'introduisent pas cette obligation, en toute occurrence, la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité dans son paragraphe 2e impose aux Etats de veiller à

ce que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes.

Les dispositions de cette résolution fondée sur le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (Action

en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression) sont juridiquement contraignantes. En effet, aux termes de l'article 24 de la Charte des Nations Unies : afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom. Dans l'accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies. Les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre d'accomplir lesdits devoirs sont définis aux Chapitres VI, VII, VIII et XII (...). Encore, aux termes de l'article 25 de la Charte des Nations unies : les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte. De plus, aux termes de l'article 103 de la Charte des Nations Unies: en cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. (Voir l'arrêt de la Cour internationale de Justice du 14 avril 1992, Affaire Lockerbie, concernant la résolution 748 (1992) du Conseil de sécurité, CIJ, Affaire Lockerbie, ordonnance du 14 avril 1992, (para. 39), Recueil, 1992 ). Les paragraphes 1 et 2 de la résolution 1373 sont contraignants. En ce sens, la nature exacte des obligations que les résolutions du Conseil de sécurité imposent dépend de la formulation utilisée. On admet généralement que les décisions du Conseil de sécurité sont obligatoires (lorsque le Conseil « décide »), tandis que ses recommandations (lorsque le Conseil « demande » aux États membres) n'ont pas la même force juridique. Des trois paragraphes du dispositif de la résolution 1373 (2001) qui s'adressent aux États,

les deux premiers sont exprimés sous la forme de décisions contraignantes, alors que le troisième est exprimé sous la forme de recommandation. Pour donner effet à ces obligations, le Conseil de sécurité peut prendre les mesures contraignantes qui lui paraissent adéquates (voir les articles 41 et 42 de la Charte des Nations Unies). Pour de plus amples développements sur les obligations découlant de cette résolution voir le Guide législatif sur les Conventions et Protocoles mondiaux contre le terrorisme,

2003, n0 de vente F.03.XXX. Disponible sur :

comportements prévues par les conventions ou au moins de prévoir une circonstance aggravante.

Depuis la convention de 1997, les instruments internationaux imposent que les actes de contribution et d'organisation à des actes terroristes soient incriminés. En outre, toutes les conventions imposent que les Etats établissent leur compétence soit en vertu

du principe de territorialité, soit en vertu du principe de personnalité.

La compétence territoriale

Les Etats doivent établir leur compétence dans divers cas. Si l'infraction a été

commise sur le territoire de l'Etat, à bord ou à l'encontre d'un navire battant son pavillon, d'un aéronef immatriculé conformément à sa législation ou d'une plateforme fixe se trouvant sur son plateau continental, à bord ou à l'encontre d'un aéronef donné

en location sans équipage à une personne qui a le siège principal de son exploitation ou,

à défaut, sa résidence permanente dans ledit Etat. En cas d'une infraction prévue par les conventions de 1970 et de 1971, si l'infraction a été commise à bord d'un aéronef et si ce dernier atterrit sur le territoire de l'Etat avec l'auteur présumé de l'infraction encore à bord.

La compétence personnelle active ou passive

Les juridictions de l'Etat doivent également être compétentes si l'infraction a été

commise par un ressortissant de l'Etat. Dans le cas d'une infraction prévue par la convention de 1979 sur la prise d'otage, si l'infraction a été commise afin de contraindre l'Etat à accomplir un acte quelconque ou à s'en abstenir ; ou dans le cas d'une infraction prévue par la convention protégeant les personnes jouissant d'une protection internationale, si l'infraction a été commise contre une personne jouissant d'une

http://www.unodc.org/pdf/crime/terrorism/Legislative_Guide_French.pdf

L'incitation aux actes de terrorisme

protection internationale en vertu des fonctions qu'elle exerce au nom de l'Etat.

Enfin, les conventions demandent que les Etats appliquent le principe Aut dedere aut Judicare (poursuivre ou extrader). Il est à noter que ce principe à pour conséquences l'obligation pour l'Etat de poursuivre mais nullement de juger, si après enquête il est

établi que les allégations de culpabilité sont sans ces fondements.

Ainsi les Nations Unies définissent les actes de terrorisme comme une ensemble

de comportements variés commis intentionnellement. Seuls une certaine homogénéité

se retrouve dans les règles procédurales. La hiérarchie des normes voudrait que les règles édictées au niveau régional soient en conformité avec les principes et les obligations imposés par les conventions.

·L'Europe

Les actes incriminés par le Conseil de l'Europe seront étudiés avant de

s'intéresser aux actes définis par l'Union Européenne.

oLe Conseil de l'Europe :

Le Conseil de l'Europe a rédigé trois instruments pertinents en matière d'actes

de terrorisme : la Convention européenne pour la répression du terrorisme (1977), La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme (2005) et un Protocole portant amendement à la Convention européenne pour la répression du terrorisme (2005)11. La Convention sur la répression (telle qu'amendée) ne définit pas d'acte de terrorisme mais indique seulement dans son article premier que les motifs politiques ne sont pas invocables pour refuser l'extradition pour les infractions contenues dans les instruments universels contre le terrorisme négociés avant 2005.

11 L'analyse porte sur la convention pour la prévention du terrorisme et sur la convention pour la répression une fois amendée par le protocole.

Ainsi, les 4 derniers instruments n'entrent pas dans le champ d'application de la convention12. La Convention du 16 Mai 2005 sur la prévention du terrorisme définit comme actes terroristes les actes contenus dans les mêmes instruments universels (l'éviction des 4 derniers instruments est probablement dû aux mêmes raisons). De la sorte, le Conseil de l'Europe ne définit pas directement d'actes de terrorisme et se contente de faire référence aux actes tels que définis par les Nations Unies. Ceci est probablement le meilleur moyen d'être en parfaite adéquation avec les instruments universels.

oL'Union Européenne :

L'Union a adopté une approche différente de celle du Conseil de l'Europe. Elle a

légiféré bien après l'Organisation des Nations Unies sur le problème du terrorisme et a ainsi profité de l'ensemble des travaux réalisés. Elle a adopté deux instruments qui définissent (dans les mêmes termes) les actes de terrorisme; Il s'agit de la position commune du conseil du 27 Décembre 2001 (2001/931/PESC)13 et de la Décision cadre

du conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI)14. Il existe trois composantes à cette définition.

Tout d'abord, les actes réprimés sont tels qu'ils sont définis comme infraction par le droit national des Etats15, ce qui laisse aux Etats le soin de définir les éléments constitutifs du comportement incriminé.

12 Cette réflexion est déduite du fait que lorsque le protocole (15/05/2003) a été négocié la négociation

de ces conventions n'était pas achevée (toutes l'ont été au cours de l'année 2005).

13 Disponible sur : http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2004/l_099/l_09920040403fr00610064.pdf. Il existe une autre position commune du conseil du 22 Décembre 2003 mettant à jour la position commune

2001/931/PESC. Mais celle ci ne modifie en rien les articles relatifs aux actes de terrorisme. Elle n'est

donc pas pertinente dans le cadre de cette étude.

14 Disponible sur :

http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2002/l_164/l_16420020622fr00030007.pdf

15 Décision cadre, article 1, paragraphe 1 ou position commune, article 1, paragraphe 3.

Ensuite, un élément matériel qui est la commission d'actes listés par la décision cadre. Il s'agit :

·d'atteintes contre la vie d'une personne pouvant entraîner la mort,

·les atteintes graves à l'intégrité physique d'une personne,

·l'enlèvement ou la prise d'otage,

·le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plateforme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables,

·la capture d'aéronefs et de navires ou d'autres moyens de transport collectifs ou de marchandises,

·la fabrication, la possession, l'acquisition, le transport ou la fourniture ou l'utilisation d'armes à feu, d'explosifs, d'armes nucléaires, biologiques et chimiques ainsi que, pour les armes biologiques et chimiques, la recherche et

le développement,

·la libération de substances dangereuses, ou la provocation d'incendies, d'inondations ou d'explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines,

·la perturbation ou l'interruption de l'approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines,

·la menace de réaliser l'un des comportements énumérés ci dessus.

L'Union Européenne impose, donc, dans sa définition de l'infraction terroriste que les personnes et les biens soient protégés. Les interruptions d'approvisionnement en eau et autres ressources naturelles fondamentales sont prises en compte mais uniquement pour protéger la vie, ce qui ne fait pas de l'environnement une valeur protégée per se.

La dernière composante est un dol spécial terroriste. Les actes ont pour but de gravement intimider une population ou contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ou gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou une organisation internationale.

En outre, il existe un troisième instrument adopté, lui aussi, le 27 Décembre 2001. Il s'agit de la position commune du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme16 (2001/930/PESC), qui reprend, presque verbatim, la résolution 1373 (2001) du Conseil

de sécurité de l'Organisation des Nations Unies17. L'Union Européenne réprime donc aussi le financement des actes de terrorisme.

L'Union Européenne impose que soient punis comme actes de terrorisme les divers comportements recensés dans sa décision cadre (et donc dans sa Position Commune relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme) lorsqu'ils sont commis avec « l'intention terroriste. Les instruments universels imposent que ces actes soient punis mais pas obligatoirement comme acte de terrorisme. L'Union Européenne va donc plus loin que les exigences des conventions des Nations Unies. En

ce qui concerne les actes de financement, l'Union n'exige pas que leur incrimination soit spécifiquement terroriste.

Afin de respecter la hiérarchie des normes la France doit respecter à la fois les règles imposées par les instruments internationaux et par le Conseil de l'Europe et l'Union Européenne. Il convient de s'intéresser à ce niveau national.

16 disponible sur :

http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2001/l_344/l_34420011228fr00900092.pdf

17 Walter Gehr, « The European Union Approach on Measures against Terrorism » disponible sur le site

Internet de l'auteur http://www.publicinternationallaw.net.

·La législation française :

Le titre II du livre quatre du code pénal français traite des actes terroristes. Les

articles 421118 et suivants dressent une liste d'actes réprimés par le droit pénal français définis comme terroristes lorsqu'ils sont commis intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

A la lecture de ces articles, il est une évidence : la méthode suivie par la France est assez similaire à la méthode préconisée par l'Union Européenne. Sont terroristes certains actes commis dans certaines conditions et/ou avec une certaine intention.

18 Article 4211

Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, l'enlèvement

et la séquestration ainsi que le détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;

2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ;

3° Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles

43113 à 43117 et les infractions définies par les articles 4346 et 4412 à 4415 ;

4° Les infractions en matière d'armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par les

2°, 4° et 5° du I de l'article L. 13339, les articles L. 23392, L. 23395, L. 23398 et L. 23399 à

l'exception des armes de la 6e catégorie, L. 23411, L. 23414, L. 234257 à L. 234262, L. 23534, le

1° de l'article L. 23535, et l'article L. 235313 du code de la défense ;

5° Le recel du produit de l'une des infractions prévues aux 1° à 4° cidessus ;

6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;

7° Les délits d'initié prévus à l'article L. 4651 du code monétaire et financier.

Article 4212

Constitue également un acte de terrorisme, lorsqu'il est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le soussol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel.

Article 42121

Constitue également un acte de terrorisme le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme mentionnés aux articles précédents.

Article 42122

Constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant,

en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils

à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte.

Spécifique à la qualification pénale d'actes de terrorisme, la notion d'entreprise terroriste

n'a pas été déclarée nonconforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans

sa décision n° 86213 DC du 3 septembre 1986, nonobstant les critiques des sénateurs requérants qui estimaient que la référence à l'élément purement subjectif que constitue le but poursuivi serait contraire au principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines formulé par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

1789. Le Conseil juge en effet19 que la première condition fixée par la loi contestée, qui renvoie à des infractions qui sont ellesmêmes définies par le code pénal ou par des lois spéciales en termes suffisamment clairs et précis, satisfait aux exigences du principe de

la légalité des délits et des peines ; que, de même, la seconde condition est énoncée en des termes d'une précision suffisante pour qu'il n'y ait pas méconnaissance de ce principe. Par suite, pour qualifier pénalement un acte de terroriste, il est désormais nécessaire d'établir d'une part, l'existence d'un lien entre l'acte commis et une entreprise plus vaste à stratégie terroriste20, d'autre part, une finalité propre à cet acte, ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. Enfin, depuis l'intervention de la loi du 22 juillet 1996, le caractère intentionnel de cet acte, qui il est vrai, peut se déduire de sa perpétration.

L'élément moral des infractions terroristes est double. Il existe, d'une part, le dol général (et spécial le cas échéant) nécessaire à la réalisation des infractions « simples »

et, d'autre part, un dol spécial (l'intention des auteurs de l'acte devant être de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur). Ce dol spécial ne correspond pas exactement au dol prévu par l'Union Européenne qui envisage trois possibilités :

La première, gravement intimider une population, semble incluse dans le dol spécial français.

En outre, Il est possible de considérer que vouloir détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou une organisation internationale va aboutir à troubler gravement l'ordre public. Cependant, d'un strict

19 Considérant n°5.

20 Cass. crim., 7 mai 1987, Bull. crim., n°186.

point de vue juridique, ce trouble ne se fera pas forcément par l'intimidation ou la terreur, même s'il peut être rétorqué que dans la pratique, il n'est pas possible de détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou une organisation internationale sans avoir recours à l'intimidation

ou la terreur. Enfin, quid de la volonté de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque. En effet, cette volonté peut très bien s'accomplir sans qu'il y ait un trouble grave de l'ordre public et sans recours à l'intimidation ou la terreur. Ainsi, la législation française, en ce qui concerne l'élément moral, ne semble pas en parfaite adéquation avec la définition de l'Union Européenne.

Quant à l'élément matériel, il est double. Il s'agit des éléments matériels des diverses infractions listées par les articles 4211 et suivants et de l'existence d'un lien entre cet acte et une entreprise terroriste. Les divers actes couverts par la décision cadre et par la position commune relative à la lutte contre le terrorisme de l'Union européenne et par

les conventions des Nations Unies semblent être inclus dans la législation française.

De ces différentes analyses, il est à constater que, quelque soit le niveau, la lutte anti terroriste passe par une approche de plus en plus préventive. Les Etats ne cherchent plus uniquement à punir les actes terroristes mais aussi à empêcher, en amont, leur existence. Comme la rappelé le Conseil de l'Europe dans ses lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme, le premier des droits de l'homme à respecter dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est le droit 1a sécurité. En outre, les divers instruments internationaux de protection des droits de l'homme21 protègent dans leurs premiers articles le droit à la vie, ce qui sousentend que l'on protège la vie des citoyens

et non uniquement que l'on punisse les auteurs d'actes terroristes meurtriers22. Cette

21 Convention Européenne des Droits de l'Homme, Pacte International relatif aux Droits Civils et

Politiques.

22 «Preventing Terrorist Acts: A Criminal Justice Strategy Integrating Rule of Law Standards in Implementation of United Nations AntiTerrorism Instruments» par Michael De Feo, page 22. Article disponible auprès du service de prévention du terrorisme des Nations Unies.

volonté de prévenir a poussé les acteurs de la lutte antiterroriste à incriminer les actes

de financement de terrorisme, l'appartenance à un groupe terroriste. Ensuite, la résolution 1373 (2001) impose aux Etats que les auteurs d'actes d'appui23 au terrorisme soient traduits en justice. Il en est de même pour les auteurs de préparation aux actes de terrorisme24. Encore, la résolution 1373 (2001) et la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du Terrorisme de 2005 imposent l'incrimination du recrutement25. Enfin, après ces multiples évolutions, la résolution 1624 (2005) du Conseil de sécurité demande (donc n'impose pas) aux Etats d'incriminer l'incitation. La Convention précitée impose aux Etats Parties d'incriminer l'incitation.

Prévenir les actes de terrorisme est essentiel. Seul la prévention permet d'éviter les morts et de lutter contre le conflit de civilisation que d'aucuns voient poindre à l'horizon26. L'incrimination de l'incitation, élément de cette prévention, est donc d'une extrême importance dans la lutte antiterroriste. Néanmoins, l'incitation est une notion juridiquement floue. Son incrimination, ex nihilo, risquerait de ne pas respecter un des principes cardinaux du droit pénal : le principe de légalité et son corollaire : la précision des incriminations. Un Code criminel ne doit rien comporter d'obscur, d'incertain ou d'arbitraire, et ne saurait être trop précis27.

La caractérisation des infractions à caractère préventif est délicate car plus l'incrimination se situe au début de l'iter criminis, plus les libertés et les droits reconnus par nos démocraties peuvent être impactées négativement. De plus, caractériser la commission d'infractions préventives, nécessite que soit mis en place un cadre juridique différent de celui que l'on connaît actuellement. Il convient, en conséquence de définir strictement l'incitation (I) et de s'assurer que les moyens mis en oeuvre dans le cadre de

la lutte contre le terrorisme (II) respectent pleinement les droits fondamentaux.

23 Résolution 1373 (2005) paragraphe 2e.

24 Résolution 1373 (2005) paragraphe 2e.

25 Article 6.

26 Selon Samuel Huttington, The clash of Civilization and The remaking of World Order ed: The Free

Press, 1997.

27 Marat, cité par le professeur Jean Paul Doucet sur son site Internet : http://ledroitcriminel.free.fr.

I)La notion d'incitation aux actes de terrorisme :

Comprendre ce qu'est l'incitation aux actes de terrorisme est une nécessité avant

toute réflexion sérieuse sur ce sujet. Toutefois donner une définition (A) n'est pas suffisant . Il convient également de s'intéresser au but de l'incitation et aux moyens utilisés pour inciter. Le but, en l'occurrence, est simple : pousser autrui à commettre des actes de terrorisme. Les moyens, quant à eux, sont variés (B), même si l'on assiste à une émergence de l'utilisation d'Internet comme vecteur de transmission de messages prônant le recours à des actes terroristes.

A)Définition de l'incitation :

Avant de s'intéresser à la définition juridique (2), il est nécessaire de

comprendre quels comportements matériels (1) recouvrent la notion d'incitation. En effet, sans cette compréhension des actes matériels, comment estil possible ensuite d'apprécier la valeur des définitions juridiques et si les moyens de lutte sont appropriés.

1.Approche matérielle :

Afin de définir l'incitation, nous allons d'abord nous intéresser à ce qu'elle n'est pas (i), puis définir les éléments qu'elle inclut (ii). Il conviendra alors de déterminer les comportements qui peuvent éventuellement être considérés comme relevant de l'incitation (iii).

i.« La zone blanche » : Ce que l'incitation n'est pas.

L'incrimination du recrutement et de l'incitation relève d'une approche

préventive. Ce pendant, les deux notions, même si elles peuvent sembler assez similaires, se différencient assez nettement, si ce n'est par leur régime juridique, tout du

moins, par leur finalité pratique. L'Académie française définit l'instigation comme une incitation pressante par laquelle on pousse quelqu'un à faire quelque chose28. C'est pourquoi, il pourrait sembler naturel de considérer l'incitation à un acte comme une complicité par instigation. Tel n'est pas le cas, comme cela va être démontré. Ces deux comportements seront étudiés, infra, afin de mettre en exergue leurs différences d'avec l'incitation.

·La complicité par instigation :

La complicité est utilisée pour réprimer le comportement de participants (directs

ou indirects) à une infraction lorsqu'ils n'ont pas commis un ou l'ensemble des éléments constitutifs. Il s'agit donc d'agents sans qui l'infraction n'aurait pu être commise ou dont l'exécution aurait été plus ardue. En ce sens, la complicité se rapproche de l'incitation qui réprime le fait de pousser quelqu'un à agir, à adopter un comportement ou à éprouver un sentiment particulier.29

Le droit pénal français a une définition large de la notion de complicité. En son code pénal30, en distingue deux types : la complicité par aide ou assistance et la complicité par instigation. Cette dernière est définie comme le fait par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir de provoquer à une infraction ou de donner des instructions pour la commettre. Il existe, donc, deux formes de complicité par instigation : la complicité par provocation et la complicité par instruction.

À première vue, l'incitation semble pouvoir correspondre à cette définition. Néanmoins,

28 Définition de l'instigation par l'Académie française disponible sur : http://portail.atilf.fr/cgi

bin/dico1look.pl?.

29 Définition de l'incitation par l'Académie française disponible sur http://portail.atilf.fr/cgi

bin/dico1look.pl?.

30 Article 1217 : Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre.

le principe d'interprétation stricte de la loi pénale imposerait, en ce cas, que pour être punissable comme complicité par instigation, l'incitation ait été commise par l'utilisation d'un moyen listé dans le texte d'incrimination. Or, il est aisé d'imaginer des exemples d'incitation qui ne se ferait nullement par don, promesse, menace, ordre ou abus d'autorité. Il est tout aussi envisageable d'imaginer des cas d'incitation assez générale pour qu'aucune instruction ne soit donnée. Les champs d'application de ces deux notions

ne sont donc pas tout à fait les mêmes.

En outre, la complicité est une infraction « accessoire ». Afin d'être punissable, elle requiert un fait principal punissable31 et établi dans tous ses éléments constitutifs32. Ainsi

la complicité de terrorisme n'est punissable qu'après que l'acte ait été commis. L'incitation, au contraire, est « indépendante » : elle ne requiert pas d'acte principal punissable, ni même un début d'exécution de l'acte principal. Ainsi, l'incrimination de l'incitation permet de prévenir l'acte terroriste alors que l'incrimination de la complicité punit la commission du crime. L'incrimination de l'incitation relève d'une approche préventive.

·Le recrutement :

La Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme définit

le recrutement pour le terrorisme comme le fait de solliciter une autre personne pour commettre ou participer à la commission d'une infraction terroriste, ou pour se joindre

à une association ou à un groupe afin de contribuer à la commission d'une ou plusieurs infractions terroristes par l'association ou le groupe33. Le recrutement implique donc un comportement actif (la sollicitation) de la part d'un (au moins) des membres de l'organisation terroriste. Le recrutement comme l'incitation s'adressent à des personnes qui ne sont donc pas membres du groupe.

31 Cour de Cassation, Chambre criminelle, 02 juillet 1958, Bull. Crim., n°224.

32 Cour de Cassation, Chambre criminelle, 04 mars 1998, Bull. Crim., n° 83.

33 Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme, article 6.

L'incrimination du recrutement et de l'incitation relèvent d'une attitude préventive face

au terrorisme. En outre, dans les deux cas et aux termes de la convention, le résultat est indifférent puisque qu'une infraction terroriste ait ou non été commise l'acte de recrutement, comme l'incitation sont punissables. La tentative de recrutement est toujours punissable alors que la tentative d'incitation ne l'est pas34.

Toutefois, ces similitudes d'objectifs et de régime juridique ne doivent pas abuser et ces deux infractions sont foncièrement différentes. En premier lieu, l'incitation est pour l'organisation terroriste bien antérieure au recrutement. Elle sert à faciliter ce dernier, telle une campagne publicitaire. Ensuite, l'incitation n'est pas précisément ciblée et elle s'adresse à un public large35 contrairement au recrutement. De même, les prérequis ne sont pas identiques. Le recrutement soustend l'existence d'une organisation terroriste (qui recrute). L'incitation peut être le fait d'une organisation terroriste, mais elle peut aussi être le fait de particuliers. Enfin, le recrutement sousentend qu'il y ait une sollicitation d'une (ou plusieurs) personnes dans le but de commettre un acte terroriste. L'incitation ne nécessite pas cette sollicitation.

Donc, l'incitation n'est ni la complicité (qu'elle soit par aide, assistance ou instigation), ni le recrutement. Une fois écarté ce qui n'est pas considéré comme incitation, il convient de déterminer ce qu'est l'incitation et quels comportements entrent dans sa définition.

ii.« La zone noire »: Ce qu'est l'incitation.

Inciter une personne est le fait de pousser fortement quelqu'un à faire quelque

chose36. L'incitation peut être faite par l'utilisation de la raison. Dans ce cas l'incitateur

34 Article 9§2.

35 Par exemple, le mensuel du Hamas « Filastin almuslimah » est disponible en version papier depuis le RoyaumeUnis, jusqu'en Cisjordanie en passant par le Canada et les pays Arabes. En outre il est disponible en version électronique sur Internet.

36 Définition de l'Académie française disponible sur :

va tenter de convaincre son interlocuteur que les actes qu'il défend doivent être commis.

Il cherchera probablement à les justifier, ensuite à les glorifier, avant de fournir les motifs nécessaires au passage à l'acte. Elle peut aussi être le résultat d'une abdication de

la raison. Dans ce cas l'incitateur utilisera des ressorts émotionnels, par exemple, la haine d'une race ou d'un type de comportement. Il s'agira plutôt d'une provocation. Ainsi, une incrimination de l'incitation doit permettre la répression de plusieurs comportements : l'apologie, l'éloge, la motivation et la provocation à la commission d'infraction.

·L'apologie

L'apologie est un discours écrit ou verbal qui a pour but la justification, la

défense de personnes, d'actions ou d'ouvrages37. Ainsi, l'apologie du terrorisme peut porter sur trois éléments :

Tout d'abord, il peut s'agir de la justification ou de la défense de terroristes reconnus comme le fait de prendre, dans un ouvrage, la défense d'Oussama Ben Laden ou de Abu Musab AlZarqawi. Ainsi, « l'affaire Dieudonné » (de son vrai nom M'bala M'bala), humoriste français, qui fut relaxé par le tribunal correctionnel de Paris, le 11 juillet

2003, après des poursuites pour « apologie de terrorisme »38. Il avait en effet déclaré en parlant des attentats du 11 septembre Il (Ben Laden) est seul contre la plus grande puissance du monde Donc forcément cela inspire le respect, je préfère le charisme de Ben Laden à celui de Georges Bush. Cette réponse a été donnée suite à une question qui

ne portait ni sur les attentats, ni sur l'opinion de M. Mbala Mbala à propos de Ben Laden. En outre, M. Mbala Mbala précise qu'il comprenait sa (Ben Laden) révolution. Mais évidemment la violence ne résout rien. C'est contre ma conscience. De la sorte, tout débat relatif à la justification des actes terroristes étaient exclus de la question de la

http://portail.atilf.fr/cgibin/dico1look.pl.

37 Définition de l'Académie française disponible sur :

http://portail.atilf.fr/cgibin/dico1look.pl?strippedhw=apologie&headword=&dicoid=ACAD1932

38 Affaire n°0206300012, jugement du 11 juillet 2003, jugement non publié.

journaliste et M. Mbala Mbala ne pouvait donc pas, par ses paroles, justifier les actes de terrorisme.

Ensuite, l'apologie peut être une prise de position en faveur d'actes terroristes, par exemple la justification des attentats terroristes de Bali, contenue dans le document Mending the Heart of the Believers39 : Ils (les attentats de Bali) ont accentué le niveau

de conscience de la jeunesse de la nation (musulmane), et les ont déterminés à infliger

la punition (suprême) sur leurs ennemis et à ne pas gaspiller leurs énergies sur des batailles secondaires contre des pécheurs et des apostats.

Enfin, il peut s'agir de prendre la défense de discours ou d'écrits qui correspondent aux deux premières possibilités.

· L'éloge et la motivation :

Un éloge est un discours ou un écrit à la louange d'une personne ou d'un acte40.

Ainsi, à la différence de l'apologie, il ne s'agit pas de justifier mais de glorifier. Le numéro du mois de janvier 2006 de Filastin alMuslimah présente Raed Abdallah Zakarne, l'auteur d'un attentat suicide commis à Afula41 en Israël en avril 1994, comme

un héroïque combattant du Djihad. Il s'agit ici d'un exemple typique de l'éloge d'un terroriste. En sus, l'attentat d'Afula est présenté comme une attaque de sacrifice pour Allah et comme un acte d'explosion héroïque, ce qui illustre un éloge d'acte terroriste.

La motivation est l'action de motiver c'estàdire de fournir les motifs nécessaires42 pour passer à l'action. Les exemples de motivation abondent. Ainsi Carlos a déclaré : Le 11 septembre l'Amérique a déclaré la guerre, mais pas la guerre au terrorisme, ni aux seuls Arabes, encore moins à l'Islam qu'elle a su utiliser et manipuler selon ses besoins,

39 Traduction libre l'auteur de ce mémoire, texte complet disponible en anglais sur le site de l'institut de contreterrorisme : http://www.ict.org.il/articles/articledet.cfm?articleid=453

40 Définition de l'académie française disponible sur :http://portail.atilf.fr/cgi

bin/dico1look.pl?strippedhw=éloge&headword=&dicoid=ACAD1932&articletype=1

41 Attentats du 06 janvier 1994 qui fit 9 morts civils et 45 blessés.

42 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=motiver

mais elle a déclaré la guerre à tous les peuples parce qu'elle veut les soumettre..."43. Selon lui, dans la suite de son ouvrage, tous les peuples de la Terre devraient prendre les armes contre « le grand Satan » car il désire tous les éliminer, exemple flagrant de motivation à la violence.

·La provocation :

Provoquer c'est exciter quelqu'un, le pousser, par un défi lancé ou par des

outrances d'attitude ou de langage, à une action souvent violente et appelant ellemême une riposte. Pour la jurisprudence, la provocation est définie comme une manoeuvre consciente qui a pour but de surexciter les esprits et de créer la mentalité qui appelle à l'infraction44. A cet égard, la provocation ne fait pas appel à la raison mais aux émotions

du provoqué. Il ne s'agit plus de convaincre mais de s'assurer d'une réaction instinctive. Les exemples les plus nombreux de provocation concernent la provocation à la haine et à

la discrimination raciale qui est réprimée par l'article 24 de la loi française sur la liberté

de la presse de 1881. Ces incriminations qui limitent la liberté d'expression sont autorisées par la Convention Européenne des Droits de l'Homme et validées par la Cour (comme il sera indiqué dans la partie II A 2).

Nous avons donc déterminé ce qui ne relevait pas de l'incitation aux actes de terrorisme et ce qui en relevait. Il existe une dernière catégorie, la plus intéressante intellectuellement, celle dont il est plus difficile de savoir si elle relève ou non de l'incitation aux actes de terrorisme.

iii.« La zone grise » : estce de l'incitation ?

Affirmer qu'il est nécessaire d'empêcher, comme au Rwanda, les radios de

diffuser des appels aux meurtres est aisé, mais est il aussi simple de rendre illégale

43 L'islam révolutionnaire, Monaco, édition du rocher, p. 191, 2003.

44 Tribunal correctionnel de Paris, 15 avril 1986, Revue de Science criminelle, 1987 n°209.

l'expression d'une haine, voire du racisme dans un cadre privé ou familial ? Que faire lorsque toute une société tend à déshumaniser l'autre, désigné comme l'ennemi ? Ces questions renferment toute la problématique de l'endoctrinement.

·L'endoctrinement

L'endoctrinement ou l'action de chercher à influencer, gouverner quelqu'un en lui

imposant une doctrine, des modèles de pensée, des règles de conduite45, n'est pas une notion juridique. Il est, néanmoins, possible de distinguer deux éléments constitutifs :

Le but, c'est à dire la volonté d'influencer, de gouverner et la méthode, c'est à dire imposer un modèle de pensée. En pratique cela peut se traduire de diverses façons.

« 1984 » de Georges Orwell décrit admirablement une société où l'endoctrinement est roi. Mais il n'est nul besoin de la fiction pour prendre conscience des ravages de ces méthodes : un retour au régime nazi et à ses jeunesses hitlériennes, ou au régime stalinien et son Komsomol (jeunesses communiste du parti communiste d'Union Soviétique) nous rappelle comme il est simple d'endoctriner. L'endoctrinement s'adresse généralement aux jeunes plus malléables que leurs aînés, dont les opinions sont déjà forgées.

L'endoctrinement est pour certains la cause des multiplications des « attentatssuicides »

en Israël. Ainsi, la télévision palestinienne diffuse souvent des chants à la gloire du shahada46 (par exemple : Palestinian Tv, le 24 juillet 200247), de nombreuses fatwas48 justifient le recours aux attentatssuicide alors que certains livres scolaires dépeignent

les juifs comme des traîtres49. Il est évident que ces pratiques, si elles s'ajoutent à une

45 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=endoctrinement

46 Martyr.

47 cité dans Maria Alvanou, « Islamic Incitement and Palestinian female terrorism », allocution présentée

en 2005 à la conférence du CESNUR, à Palerme.

48 Décrets religieux.

49 Father said: 'What do we learn from this [Qur'anic] Surah [i.e., Surat alHashr - Exile]?"

Mahmud said: "We learn from it precious lessons, some of which are [...] the Jews are a people of

transmission par la famille d'une « haine du juif », ne peut que favoriser les attentats50,

en diabolisant l'ennemi qui n'est plus considéré comme un être humain.

Ces approches factuelles permettent de cerner le phénomène en pratique mais ne font appel qu'à des notions floues et non juridiques. Il est donc nécessaire de s'essayer à une approche juridique de la notion d'incitation

2.Approche juridique :

Après avoir tenté de comprendre, dans les faits, ce qu'est l'incitation, il convient

de définir ce phénomène en droit. Pour cela, divers instruments juridiques internationaux qui fondent une éventuelle obligation d'incriminer l'incitation aux actes

de terrorisme seront étudiés. Ensuite, la notion juridique d'incitation sera analysée à travers les exemples de l'incitation aux produits stupéfiants et au génocide. Enfin l'incitation aux actes de terrorisme sera étudiée.

i.Les sources juridiques de l'incitation :

·Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques 51 :

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est un instrument

juridiquement contraignant pour les pays l'ayant ratifié52 et dispose dans son article 20

paragraphe 2 que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une

betrayal and treachery." Islamic Religious Education, Grade 5, Part 2, (2001) p. 16 cité dans le rapport

« Jews, christians, war and peace in egyptian school textbooks » par le Center for Monitoring the

Impact of Peace. Ces livres scolaires égyptiens sont utilisés par l'Autorité palestinienne, ibidem.

50 Nous considérons que la destruction systématique de maisons, les bombardement de civils et autres par Tsahal peut également exacerber un sentiment de violence et en ce sens favoriser le recours au terrorisme.

51 texte complet disponible sur http://www.ohchr.org/french/law/ccpr.htm

52 Le 01 Septembre 2006, 149 Etats étaient partie au Pacte. Le statut de ratification est disponible sur :

http://www.unhchr.ch/pdf/reportfr.pdf.

incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi.

Or, le terrorisme est défini par ses actes. Les actes de terrorisme tels que définis par les instruments universels contre le terrorisme sont des actes violents. Seule la Convention pour la répression du financement du terrorisme incrimine des comportements non violents, toutes les autres conventions incriminant des comportements violents, qu'il s'agisse de conventions relatives à l'aviation, à la navigation maritime, à la protection des personnes internationalement protégées, aux matières nucléaires ou aux attentats à l'explosif. En conséquence, l'incitation à la commission d'actes de terrorisme est une incitation à la commission d'actes violents.

Toute incitation à des actes de terrorisme, lorsqu'elle se fait par le biais d'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, doit donc être interdite par la loi dans tous les Etats signataires du Pacte International relatifs aux Droits Civils et Politiques.

Pour le suivi de ce traité, les Nations Unies ont instauré un comité d'experts indépendants (le comité des droits de l'homme) qui a rendu des observations générales

sur les divers articles du Pacte. L'article 20 fait l'objet de l'observation n°1153 aux termes

de laquelle le paragraphe 2 s'applique, que la violence provoquée soit purement nationale ou internationale. En ce sens, même les actes de terrorisme strictement nationaux (qui sont généralement nationaux seulement dans leurs manifestations mais non dans leur préparation) sont concernés par cette prohibition.

En outre, le comité estime nécessaire, pour une mise en oeuvre complète de l'article 20

du Pacte, qu'une loi sanctionne les violations correspondantes au comportement décrit dans l'article. Ceci signifie que la loi doit sanctionner, entre autres, l'incitation aux actes

de terrorisme lorsqu'elle constitue un appel à la haine raciale, nationale ou religieuse.

Le Pacte n'est pas le seul texte international qui puisse fournir un fondement juridique à l'incrimination de l'incitation.

53 http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/5002659a11f87f6f802565230047491b?Opendocument

·Les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité :

La résolution 1373 (2001)54 du Conseil de sécurité des Nations Unies, votée le 28

septembre 2001, « dans la foulée » des attentats du 11 septembre 2001 est fondée sur le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Les paragraphes de cette résolution, où le Conseil « décide », sont contraignants55. C'est le cas de son paragraphe 2e : le Conseil

de sécurité décide [...] que les Etats doivent veiller à ce que toutes les personnes qui participent au financement, à l'organisation, à la préparation ou à la perpétration d'actes de terrorisme ou qui y apportent un appui soit traduites en justice, à ce que outre les mesures qui pourraient être prises contre ces personnes, ces actes de terrorisme soient érigés en infractions graves dans la législation et la réglementation nationale et à ce que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes. Ce texte impose que les personnes qui apportent un appui aux actes de terrorisme soient traduites en justice. Or, l'incitation à la commission d'actes de terrorisme peut être interprétée comme un appui aux actes de terrorisme (ne serait ce qu'en pouvant favoriser le soutien d'une partie de la population à ces actes). Ainsi, les « incitateurs » devraient, aux termes de la résolution 1373, pouvoir être traduits en justice. Mais cette résolution n'explicite pas la notion de « traduire en justice ». Les résolutions 1456 (2003)56 et 156657 (2004) du Conseil de sécurité précisent cette notion en indiquant que

les Etats doivent traduire en justice les personnes qui prêtent appui à la commission d'actes de terrorisme58 en respectant le principe Aut Dedere Aut Judicare. Le paragraphe

3 de la résolution 1546 (2003) et le paragraphe 2 de la résolution 1566 (2004) sont pris sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, il sont donc contraignant.

54 Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité disponible sur :

http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=s/res/1373(2001)

55 Sur le caractère contraignant de la résolution voir supra note n°10.

56 Paragraphe 3. Résolution 1566 (2004) disponible sur http://daccessods.un.org/TMP/6871495.html.

57 Paragraphe 3. Résolution 1546 (2003) disponible sur :

http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/(Symbol)/S.RES.1456+(2003).Fr?Opendocument

58 Lire «The Duty to bring Terrorists to justice and Discretionary Prosecution» par Stefano Betti, Journal

of International Justice 2006 Numéro special sur le terrorisme, à paraitre.

De la sorte, si l'on interprète l'incitation aux actes de terrorisme comme un appui à ces actes, cela signifie que les Etats sont obligés de traduire les incitateurs en justice en appliquant le principe Aut Dedere Aut Judicare.

La résolution 1624 (2005)59 du Conseil de sécurité demande aux états d'interdire par la loi l'incitation à commettre un ou des actes terroristes, de prévenir une telle incitation et de refuser l'asile à toute personne au sujet de laquelle on dispose d'informations crédibles et pertinentes selon lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle est coupable d'une telle incitation.

Cette résolution a été adoptée le 14 septembre 2005 lors de la 5261e séance du Conseil

de sécurité. Elle fait suite aux attentats de Londres et fut initiée par les Britanniques et

les Russes. Elle s'inscrit dans la lignée des résolutions du Conseil de sécurité concernant

les menaces que le terrorisme fait peser sur la paix et la sécurité internationales. Les principales résolutions sont la résolution 1267 (sur les talibans), la résolution 1373, la résolution 1617 (qui reprend et affine le régime mis en place par 1267 contre les talibans).

·Valeur juridique de cette résolution :

Cette résolution possède un fort poids politique car le Conseil de sécurité considère que

le terrorisme et l'incitation aux actes de terrorisme constituent une des plus graves menaces contre la paix et la sécurité, [...] une menace grandissante pour la jouissance des droits de l'homme, [...] entrave le développement social et économique, compromet

la stabilité et la prospérité mondiale, [que] l'incitation est contraire aux buts et principes des Nations Unies. Cette dernière expression est très forte et elle est, par exemple, utilisée dans la résolution 1373 du Conseil de sécurité pour qualifier le

59 Résolution 1624 (2005) du Conseil de sécurité disponible sur :

http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=s/res/1624(2005).

terrorisme, ainsi que dans la résolution 96 de l'Assemblée Générale du 11 décembre

1946 pour qualifier l'acte de génocide. Malgré ces qualificatifs très forts utilisés dans la résolution 1624, celleci n'a pas été prise sous l'égide du chapitre VII de la charte des Nations Unies et n'est donc pas contraignante. Le Conseil de sécurité appelle seulement

les Etats à prendre des mesures pour lutter contre l'incitation, il ne décide pas que les Etats doivent prendre des mesures contre l'incitation. Ce caractère facultatif de l'incrimination est probablement dû aux libertés que heurtent de front une éventuelle incrimination : la liberté d'expression et la liberté de pensée qui dans les conceptions anglosaxonnes ne peuvent être limités que dans des cas extrêmement limitées60.

·Contenu de cette résolution :

En premier lieu, le Conseil de sécurité demande aux Etats d'interdire par la loi

l'incitation à commettre un ou des actes de terrorisme. L'observation générale n°1161 (1983) du Comité des droits de l'homme, indique que pour que l'article 20 du Pacte devienne effectif, il doit exister une loi qui sanctionne la violation de l'interdiction de la propagande et des appels à la haine (...). Bien que ni l'article 20 du Pacte, ni l'observation générale ne le spécifie, il est difficile d'imaginer des sanctions non pénales qui puissent être effectives contre les terroristes. En outre, divers instruments internationaux, reconnaissent que l'incitation à la commission d'infractions et à la violence puisse être interdite par des lois pénales (par exemple, l'article 31ciii de la Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes62). Ceci nécessite que les principes généraux du droit pénal reconnus par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques s'appliquent, c'estàdire : nullum crimen, nulla poena sine lege (art 15) et le principe de non rétroactivité de la loi pénale (article 15)

En deuxième lieu, le conseil demande de prévenir une telle incitation ce qui est

60 voir II A

61 Précitée

62 La Convention est disponible sur : http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_812_121_03/index.html.

un des objectifs de la loi pénale. Toutefois, en l'occurrence, la résolution sous tend qu'il faille aller plus loin par des mesures administratives (ou d'autres natures) permettant de suspendre la parution de journaux, des autorisations d'émission pour des radios ou des télévisions, des lois permettant de fermer des lieux de réunions, d'interdire des associations lorsque ces moyens sont utilisés pour inciter à la commission d'actes terroristes.

En troisième et dernier lieu, le conseil demande aux Etats de refuser l'asile à toute personne au sujet de laquelle on dispose d'informations crédibles et pertinentes selon lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle est coupable d'une telle incitation. Cela sousentend deux éléments :

·Qu'il existe dans le droit relatif à l'asile des Etats une disposition permettant de refuser l'asile pour les personnes ayant incitées au terrorisme

·Que les Etats communiquent entre eux afin de s'échanger des informations sur les personnes soupçonnées d'avoir commis des actes d'incitation au terrorisme.

Cette demande du Conseil de sécurité n'est pas nouvelle. La Convention relative au statut des réfugiés63 dans son art 1Fc dispose que le statut de réfugié n'est pas applicable aux personnes qui se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Or, l'incitation aux actes de terrorisme est contraire aux buts et principes des Nations Unies comme l'a déclaré le Conseil de sécurité dans la résolution 1624.

Cette résolution envisage donc l'ensemble des aspects relatifs à la lutte contre l'incitation aux actes de terrorisme. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un texte de loi et elle

ne définit pas juridiquement l'incitation.

ii.Notion juridique d'incitation :

63 La convention est disponible sur : http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_c_ref_fr.htm.

La notion d'incitation n'est pas nouvelle en droit. En ce sens, l'Organisation des

Nations Unies l'a utilisée dans sa convention relative aux stupéfiants dès 1988. Depuis

les « procès de Nuremberg », l'incitation aux actes de génocide est connue du droit international. Ces deux précédents seront étudiés successivement.

·Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances

psychotropes : Article 31ciii

L'article 31ciii de la Convention de l'Organisation des Nations Unies contre le

trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes incrimine le fait d'inciter ou d'amener publiquement autrui, par quelques moyens que ce soit, à commettre une des infractions [établies par cet article] ou à faire illicitement usage de stupéfiants ou de substances psychotropes. Lors de l'adoption de la convention, la disposition entendait répondre aux problèmes que suscitaient les journaux et les films qui faisaient l'apologie des stupéfiants et préconisaient des comportements culturels favorables à la consommation des drogues.

L'étude de la définition de l'incitation à la consommation de produits stupéfiants ou à la commission d'infraction au régime légal des stupéfiants conduit à s'intéresser à l'élément matériel et à l'élément moral.

·Un élément matériel : le fait d'inciter ou d'amener publiquement autrui, par quelques moyens que ce soit, à ...

Inciter publiquement peut64 être compris de plusieurs manières, soit lorsque l'acte d'incitation est commis publiquement, soit lorsque le public tout entier est visé.

64 Explications tirées du rapport annuel 1997 de l'organisme international de contrôle des stupéfiants disponible sur :

http://www.incb.org/incb/fr/annual_report_1997_chapter1.html#I" >http://www.incb.org/incb/fr/annual

_report_1997_chapter1.html#I

Ainsi, cette disposition comporte un « gardefous », puisqu'une incitation commise dans un contexte purement privé n'est pas répréhensible. Cette incitation peut être effectuée par n'importe quel moyen : lors de réunions publiques ou par l'utilisation

de médias (presse écrite, télévision, cinéma, Internet...) mais également par la tromperie, le recours à la force ou à une persuasion monétaire.

De la sorte, tous les moyens imaginables pour inciter à la consommation de stupéfiants sont donc répréhensibles, pourvu qu'ils aient été commis publiquement.

·Un élément moral : il n'est pas spécifié dans le texte d'incrimination. C'est pourquoi cette incitation peut n'être pas commise intentionnellement.

Cette convention n'est cependant pas le seul instrument international qui contienne une définition légale de l'incitation. Le Statut de Rome et les Statuts des divers tribunaux pénaux internationaux comme leurs jurisprudences, peuvent aussi être utiles pour définir l'incitation.

·De la définition de l'incitation par les tribunaux pénaux

internationaux :

L'holocauste n'a pas commencé dans les chambres à gaz mais par des mots.65

L'article 253e du Statut de la de la Cour pénale internationale ainsi que l'article

23c du Statut du Tribunal pénal International pour le Rwanda et l'article 43c du Statut du tribunal pénal international pour l'exYougoslavie incriminent l'incitation directe et publique à commettre un génocide66.

65 Discours du Ministre de la justice canadien au Forum international de Stockholm de 2004 reprenant le dispositif d'un arrêt de la Cour suprême du Canada disponible sur : http://www.manskligarattigheter.gov.se/stockholmforum/2004/page1623.html

66 Statut de la Cour Pénal Internationale disponible sur le site de la Cour :

http://www.icccpi.int/home.html&l=fr ;

Statut du Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie disponible sur le site du Tribunal :

http://www.un.org/icty/indexf.html.

Le Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda connaît une double incrimination de l'incitation. La première, introduit par l'article 23c du Statut du tribunal, doit être publique et directe et ne concerne que le génocide. La seconde, introduite par l'article 61 (responsabilité pénale individuelle) du Statut, se traduit en anglais par « instigation ». Elle peut n'être ni directe, ni publique et s'applique à toutes

les infractions. Le Statut de Rome dans son article 253b (responsabilité pénale individuelle) connaît une infraction qui semble similaire. Il s'agit d'ordonner, solliciter

ou encourager la commission d'un crime. Ces deux incriminations seront étudiées tour à

tour.

·« L'incitationinstigation »

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda dans un arrêt « Akayesu »67

définit68 cette incitation comme une complicité par instigation telle que la connaît notre code pénal français avec emprunt de criminalité et infraction punissable uniquement si l'acte principal a été commis. L'étude de ce type d'incitation n'est donc pas nécessaire dans le cadre de notre réflexion.

·L'incitation directe et publique au crime de génocide.

Afin de définir la notion d'incitation à la commission du génocide, nous étudierons le

procès de M. Jean Paul Akayesu69. Suite au génocide rwandais, ce dernier a été reconnu coupable de génocide, crime contre l'humanité (extermination, viol, assassinat, torture, autres actes inhumains), d'incitation directe et publique à commettre un génocide et déclaré noncoupable d'une demidouzaine d'autres chefs d'accusations (complicité de

Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda disponible sur le site du Tribunal :

http://69.94.11.53/FRENCH/index.htm.

67 Arrêt Akayesu (ICTR964), 2 octobre 1998: disponible sur :

http://69.94.11.53/FRENCH/index.htm.

68 paragraphe 473 à 476.

69 Ibidem.

génocide, violation de l'article 3 commun aux conventions de Genève70 et de l'article

4(2)(e) du Protocole additionnel II)

Dans les paragraphes 549 à 562 la cour définit la notion d'incitation directe et publique à commettre le génocide. Il convient de remarquer qu'aux termes du Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, l'incitation doit être directe et publique pour être punissable.

Le caractère public s'apprécie selon la cour en fonction de deux critères : le lieu de l'incitation et l'assistance visée. Elle retient que l'incitation est publique lorsqu'elle a été commise à haute voix dans un lieu public par nature à un certain nombre d'individus ou lorsqu'un appel est lancé au grand public par des moyens tels que les médias de masse, radio ou télévision par exemple71.

Le caractère direct soustend que l'incitation prenne une forme directe et provoque directement autrui à entreprendre une action criminelle72. En conséquence, une suggestion vague et indirecte est insuffisante pour constituer une incitation. Néanmoins,

il est utile de rappeler que la perception du caractère direct d'une incitation peut varier d'une culture et d'une langue à l'autre. En sus, une incitation peut être directe et néanmoins implicite. Ainsi, une incitation au génocide peut être causée par une action subtile sur la psychologie des foules en désignant un groupe ethnique ou religieux comme responsables des difficultés économiques ou autres73.

La Cour définit, finalement74, l'incitation au crime de génocide comme le fait de directement provoquer l'auteur ou les auteurs à commettre un génocide, soit par des

70 Les conventions sont disponibles sur :

http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/genevaconventions.

71 Paragraphe 556.

72 Paragraphe 557.

73 Comptes rendus analytiques des séances de la Sixième Commission de l'Assemblée générale du 21 septembre au 10 décembre 1948, Documents officiels de l'Assemblée générale. Disponible sur demande auprès de l'Assemblée générale.

74 Paragraphe 559.

discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou affiches, exposés aux regards du public, soit par tout autre moyen de communication audiovisuelle. Dans cette acception, l'incitation

est une provocation. Il ne s'agirait donc ni plus ni moins que d'une complicité par provocation érigée en infraction principale.

Ensuite75, la Cour s'intéresse à l'élément moral de l'incitation. Il s'agirait de l'intention d'amener ou de provoquer autrui à commettre un génocide. Pour la cour, l'incitation au génocide suppose donc, chez son auteur, l'intention spécifique au génocide. Ainsi par transposition, l'incitation à une infraction nécessite l'intention spécifique à cette infraction. Si l'on incite à la commission d'un meurtre, il serait donc nécessaire que

« l'incitateur » soit habité par l'intention d'amener l'incité à avoir la volonté de l'« l'animus necandi ».

Enfin76, la Cour déduit de la dangerosité des actes de génocide que l'incitation est une infraction formelle, une infraction qui est réputée consommée indépendamment de la production du résultat77.

De la sorte, si on l'extrapole à tous types d'infraction, la position de la Cour est que l'incitation à la commission d'une infraction est une infraction principale qui s'apparenterait à une provocation, dont l'élément moral serait la volonté d'obtenir la consommation de l'infraction. Cette infraction peut être formelle si le crime provoqué

est particulièrement dangereux donc si l'incitation est en ellemême porteuse d'un très grand risque pour la société.

75 Paragraphe 560.

76 Paragraphes 561 et 562.

77 Merle et Vitu, Traité de Droit criminel, Droit pénal spécial, ed Cujas,1982, p 619.

A ce stade, la notion d'incitation est définie, il convient donc de s'intéresser spécifiquement à la notion d'incitation aux actes de terrorismes.

iii.L'incitation aux actes de terrorisme telle que définie par la Convention

du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme

Il s'agit du premier instrument régional à ériger en infraction l'incitation à la

commission d'actes terroristes. La Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme et son rapport explicatif ont été adoptés par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe lors de sa 925e réunion. La Convention a, ensuite, été ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe, de la Communauté Européenne et des Etats nonmembres ayant participé à son élaboration, le 16 mai 2005,

à l'occasion du 3e Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe. Cette Convention a été préparée par le Comité des Experts sur le Terrorisme (CODEXTER). Lors de sa première réunion en Octobre 2003, ce dernier a décidé de créer le groupe de travail, CODEXTERApologie, pour analyser les conclusions d'un rapport d'experts indépendants sur l'« apologie du terrorisme » et l'« incitement to terrorism » en tant qu'infraction pénale dans la législation nationale des Etats membres

et des Etats observateurs du Conseil de l'Europe. Ce rapport a été préparé sur la base de

la législation et de la jurisprudence pertinentes dans les Etats membres et observateurs

du Conseil de l'Europe et de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme. L'analyse de la situation a montré qu'une majorité d'Etats ne prévoyaient pas dans leur législation une infraction spécifique concernant l'« apologie du terrorisme ».

Le groupe de travail a donc été chargé de présenter des propositions de suivi, dans le contexte des discussions portant sur la préparation de nouveaux instruments internationaux sur le terrorisme.

Le CODEXTERApologie s'est principalement concentré sur trois points : le soutien public à des infractions terroristes ou à des groupes terroristes, le lien de causalité

direct ou indirect avec la commission d'une infraction et la relation temporelle, antérieure ou postérieure, avec la perpétration de l'infraction78.

Le résultat du groupe de travail est ladite Convention qui incrimine dans son article 5

la provocation publique à commettre des actes terroristes, définie comme la diffusion

ou toute autre forme de mise à disposition du public d'un message, avec l'intention d'inciter à la commission d'une infraction terroriste, lorsqu'un tel comportement, qu'il préconise directement ou non la commission d'infractions terroristes, crée un danger qu'une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises. La rédaction de cette disposition prend en compte les avis de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe79 et du Commissaire aux droits de l'homme du conseil de l'Europe80, qui désiraient que cette disposition permette de réprimer la dissémination de messages d'éloge de l'auteur d'un attentat, le dénigrement des victimes, l'appel à financer des organisations terroristes ou d'autres comportements similaires, qui peuvent constituer des actes d'incitation indirecte à la commission de violences terroristes.

La provocation directe ne posait pas de problème particulier car la majorité des Etats Membres du Conseil de l'Europe l'érige, déjà, sous une forme ou sous une autre, en infraction pénale (souvent de façon générique par le biais de la provocation à la commission d'infraction). L'incrimination de la provocation indirecte vise à combler les lacunes du droit international et des droits nationaux existants. Il ressort, en effet, du rapport d'expert indépendant sur l'« apologie du terrorisme » et l'« incitement to terrorism » que peu de pays incriminent l'incitation indirecte. De plus, l'incrimination

de l'incitation indirecte permet de réprimer la provocation à commettre les infractions contenues dans la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, qui jouent souvent un rôle important dans l'enchaînement d'évenements qui conduisent à la commission d'actes terroristes.

Au regard de l'article 5 de la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du

78 Rapport explicatif pour la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme

paragraphe 87 disponible sur http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/196.htm

79 Avis 255 (2005), paragraphes 3.vii et ss.

80 Document BcommDH (2005) 1, paragraphe 30.

terrorisme, il importe peu que la provocation ait été directe ou indirecte81, seule trois conditions doivent être réunies.

La provocation doit avoir été commise illégalement, donc l'incitation peut être légale ou justifiée, que ce soit par les exceptions légales classiques ou dans les cas

où d'autres principes ou intérêts excluent toute responsabilité pénale. Il en serait ainsi, par exemple, en cas d'incitation commise par un agent des forces de l'ordre en mission d'infiltration.

La provocation doit également avoir été commise intentionnellement. Le sens à donner à ce mot dépend des droits internes. Toutefois, une intention expresse d'inciter à la commission d'une infraction terroriste82 est nécessaire.

L'incitation doit créer un risque de commission d'une infraction terroriste. Pour évaluer si un tel risque est engendré, il faut prendre en considération la nature de l'auteur et du destinataire du message ainsi que le contexte dans lequel l'infraction

est commise, dans le sens établi par la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. L'aspect significatif et la nature crédible du risque devraient être pris en considération lorsque cette disposition est appliquée, conformément aux conditions établies par les droits internes.

L'élément matériel de cette infraction est la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition du public d'un message (...) qu'il préconise directement ou non la commission d'infractions terroristes,

Le terme « diffusion » s'applique à la propagation active d'un message. On peut citer, par exemple, la distribution de tracts contenant le message, l'envoi de courriels ou

81 Ainsi le Conseil de l'Europe réprime plus sévèrement l'incitation aux actes de terrorisme que la communauté internationale ne réprime l'incitation aux actes de génocide. Simple « effet de mode » ou dangerosité plus importante du terrorisme ?

82 Rapport explicatif pour la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme

paragraphe 99, ibidem

l'insertion d'une annonce dans des journaux. Le terme « mise à disposition » s'applique

au fait de procurer le message d'incitation sous une forme aisément accessible, en créant par exemple un site Internet ou des listes d'hyperliens. Le fait que cette incitation soit directe ou indirecte n'importe pas.

L'élément moral de cette infraction oblige cette dernière à être commise intentionnellement pour être punissable.

Les membres de l'Union Européenne qu'ils aient ou non ratifiés cette convention sont tenus d'incriminer l'incitation aux actes de terrorisme. En effet, l'article 4 de la décisioncadre du conseil européen du 13 juin 2002 relative a la lutte contre le terrorisme83 impose aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour que le fait d'inciter à la commission d'infraction listées à l'article premier paragraphe 184 et aux articles 2 et 385 soit considéré comme infraction liée aux activités terroristes. Mais cette décision ne définit pas l'incitation et laisse ainsi une certaine latitude aux Etat.

La notion d'incitation aux actes de terroristes est juridiquement définie, il s'agit de la diffusion, ou de la mise à disposition, par divers biais, d'un message qui préconise la

83 Ibidem.

84 Il s'agit des atteintes contre la vie d'une personne pouvant entraîner la mort, des atteintes graves à l'intégrité physique d'une personne, de l'enlèvement ou de la prise d'otage, du fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plateforme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines

ou de produire des pertes économiques considérables, de la capture d'aéronefs et de navires ou d'autres moyens de transport collectifs ou de marchandises, de la fabrication, la possession, l'acquisition, le transport ou la fourniture ou l'utilisation d'armes à feu, d'explosifs, d'armes nucléaires, biologiques et chimiques ainsi que, pour les armes biologiques et chimiques, la recherche

et le développement, de la libération de substances dangereuses, ou de la provocation d'incendies, d'inondations ou d'explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines, de la perturbation ou de l'interruption de l'approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines, de la menace de réaliser l'un des comportements énumérés ci dessus.

85 Il s'agit de la direction d'un groupe terroriste, de la participation aux activités d'un groupe terroriste

(article 2) et du vol aggravé, du chantage, et de la réalisation de faux documents administratif en vue

de réaliser certaines infractions de l'article 1 (article 3).

commission d'actes terroristes. L'élément moral peut être un dol général (définition de l'incitation aux actes de terrorisme par le Conseil de l'Europe) ou un dol spécial (définition de l'incitation par les tribunaux pénaux internationaux). Il est donc nécessaire de s'intéresser aux divers biais utilisable pour inciter.

B.Les divers moyens de l'incitation :

L'incitation peut prendre plusieurs formes et utiliser divers médiums. Les formes

dépendent généralement des moyens utilisés donc seuls les moyens utilisés pour inciter

à la commission d'actes terroristes seront étudiés. Parmi les médiums pouvant véhiculer

le message incitateur, on retrouve les méthodes traditionnelles (journaux, associations, télévision...) mais aussi et surtout Internet, devenu un élément important dans l'arsenal terroriste.

1.Les moyens traditionnels :

Toute incitation, comme toute communication, suppose au moins un émetteur et

un récepteur. S'ils se trouvent simultanément dans le même lieu, il s'agira d'une communication instantanée. S'ils sont spatialement et temporellement éloignés, la communication suppose l'utilisation de médias.

i.Les méthodes sans utilisation des médias

·L'utilisation d'associations

En matière terroriste, la principale problématique, concernant les associations,

est liée à leur rôle dans le financement d'organisations classifiées comme terroriste. Par exemple, l'utilisation de l'association AlTadhamun86 pour recueillir des fonds et les

86 Jam'iyyat altadhamun alkhayriyyah alislamiyyah fondé en 1956 par la confrérie des frères musulmans. Cette association est particulièrement active dans la région de Naplouse en Cisjordanie.

distribuer. Cette association possède un vaste réseau d'activités sociales depuis la gestion d'une clinique, jusqu'à celle d'un orphelinat en passant par des écoles, des maternelles ou encore des clubs de sport. Or, il est apparu87 que cette organisation recevait des fonds de groupe (par exemple un don de 50 000 US$ de musulmans vivant

en BosnieHerzégovine) et que ces fonds ont été utilisés afin de financer des attentats (l'attentat de la ligne de bus 1988). De plus, il existe un risque que les associations soient utilisées ou crées pour commettre des actes d'incitation. Les locaux de cette même association à Naplouse ont été « visités » par les soldats de Tsahal qui y ont trouvé de nombreux documents89 glorifiant des attentats et leurs auteurs.

Lutter contre le détournement d'association légitime n'est pas aisé et ce pour plusieurs raisons :

Comme expliqué dans l'exemple cidessus, ces organisations ont plusieurs activités dont la majorité sont légitimes et dont le but n'est pas d'inciter. Identifier les organisations qui se livrent à de l'incitation n'est donc pas chose aisée.

En démocratie, la liberté d'association est un droit fondamental et son exercice permet la création et la mise en place de contrepouvoir et parfois de pallier à certaines carences du pouvoir politique (les associations de soutien scolaire dans les banlieux francaise par exemple). Ainsi, toute limitation, a priori, du droit à la liberté d'association peut être dangereuse. En sus, ces limitations se feraient probablement par le biais d'une déclaration des buts de l'association, lors de sa création, (ce qui existe déja en France) et par une vérification a postériori de la conformité des activités pratiquées aux activités déclarées. Or, sauf à assurer un suivi réel et poussé des activités de ces associations, cette mesure n'aurait probablement que peu de

87 «Special information bulletin» de « intelligence and Terrorism Information Center at the center for special Studies » dans l'article « Charity and Palestinian Terrorism ». Cet article est disponible sur le site Internet du centre http://www.intelligence.org.il/eng/about_e/about_us_e.htm.

88 Cet attentat fut perpétré le 29 janvier 2004, il fit 3 morts et 50 blessés.

89 «Special information bulletin» de « intelligence and Terrorism Information Center at the center for special Studies » dans l'article « Charity and Palestinian Terrorism ». ibidem.

conséquences pratiques. En effet, le nombre d'association et d'organisation non gouvernementale qui se créent est extrémement important et une vérification de toutes ces entités est impossible. Il resterait envisageable de créer un système d'autorisation préalable, mais, en ce cas, les abus seront possibles (et certainement inévitables).

·L'utilisation de lieux de réunions :

Des lieux de réunions anodins peuvent se transformer en lieux utilisés pour l'incitation aux actes de terrorisme. Il suffit de penser à la Mosquée de Finsbury Park, à Londres, aux locaux de l'association islamique de Al Birah ou à « la Mosquée de l'URSAFF », à Venissieux. Néanmoins, la liberté d'aller et venir (garantie par l'article

2, paragraphe 1 du Protocole additionnel numéro 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) et la liberté de réunion (garantie par l'article 1er de la loi du 30 juin 1881 et l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) sont au moins aussi importants que la liberté d'association. Leurs limitations doivent être nécessaires dans une société démocratique90.

En fait, le problème qui se pose n'est pas tant celui du lieu de la réunion que celui du ou des orateurs. Par conséquent, la solution ne résidera probablement pas dans la fermeture

de ces lieux mais dans la condamnation des orateurs responsables d'incitation.

Que l'incitation se fasse sous le couvert d'association ou dans des lieux de réunion, le contact entre l'émetteur et le récepteur est direct : il n'y a pas d'intermédiaire. Même si

le public est limité, l'impact peut cependant être fort et avoir des conséquences importantes sur les quelques individuscibles, plus qu'à travers l'utilisation des médias. Ces deux médiums d'incitation peuvent être utilisés pour attirer des personnes vers la

90 Paragraphe 2 de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de

libertés fondamentales

« cause » terroriste, mais, généralement, ils servent à convaincre des individus déjà

intéressés et sensibilisés, soit par leur entourage, soit par les moyens de communication

de masse que sont les médias et Internet.

ii.Les méthodes avec utilisation des médias :

L'utilisation des médias recèle de nombreux avantages pour ceux qui désirent

inciter à la commission d'actes terroristes. En premier lieu, ils permettent de toucher un large public tout en restant ciblés. Par exemple, Filastin alMuslimah est diffusé dans plusieurs pays (Angleterre, pays du moyen orient, Canada, France....) et mis à disposition en version électronique, imprimable depuis tous les pays du monde. En deuxième lieu, concernant les radios, elles permettent une réactivité par rapport à l'actualité et une interactivité avec les auditeurs qui n'a d'égale qu'Internet. Enfin, les médias rendent crédibles les informations reçues. Ainsi, une idée traitée par eux qu'elle soit lue, entendue ou vue, sera moins remise en question.

·La presse écrite :

Les exemples d'utilisation de la presse écrite sont légions, soit parce que certains organes de presse généraux diffusent des messages d'incitation (c'est assez rare) soit que des organes de presse soient crées dans le but de diffuser des messages incitateurs (c'est le cas de Filastin alMuslimah91).

·La radio :

L'importance de la radio n'est plus à démontrer. Pour s'en assurer, il suffit de regarder l'empressement qu'ont mis les forces de Tsahal à atteindre les locaux de la radio utilisée par le Hezbollah, dans le sud de Beyrouth. Ce moyen de communication a l'avantage d'être réactif, interactif et de pouvoir être recu dans des conditions beaucoup plus rudimentaires qu'Internet, par exemple.

91 ibidem.

·La télévision :

L'exemple qui vient immédiatement à l'esprit en ce qui concerne les chaînes de télévision est celui d'AlManar92. À son propos, le Conseil d'Etat a rendu une décision 93 par laquelle il demandait à Eutelsat, société qui la diffusait en France, de suspendre sa diffusion. Néanmoins, cet exemple n'est pas pertinent en ce qui concerne l'incitation à des actes de terrorisme ou à la haine car la juridiction administrative n'a sanctionné ni antisémitisme ni de telles incitations, mais invoqué un trouble à l'ordre public. Récemment, le département d'État des ÉtatsUnis a annoncé avoir placé AlManar sur sa liste des organisations terroristes et les EtatsUnis l'ont, à leur tour, interdite de diffusion, en raison de ses incitations à commettre des activités terroristes. L'opérateur satellitaire GlobeCast, filiale de France Télécom, a retiré AlManar de son bouquet de diffusion. Malheureusement, aucun exemple des incitations supposées commises n'a été donné comme fondement à cette décision.

2.Internet94 :

Internet est un formidable vecteur de connaissance et donc de progrès pour

l'homme, mais son utilisation contribue, aussi, à la diffusion de messages à caractère raciste, xénophobe et d'incitation à la violence. Il semble être le médium le plus utilisé par les groupes terroristes car d'un coût modeste, il offre l'avantage de l'internationalité, de la rapidité et surtout d'une absence apparente de législation95. En effet, la publication sur support papier est relativement chère et les publications doivent ensuite être physiquement distribuées, ce qui les rend facile à contrôler et donc à réguler.

92 Il s'agit de la télévision qui sert de moyen de diffusion au Hezbollah.

93 Ordonnance du juge des référés du13 décembre 2004 N°274757. Le texte du jugement est disponible sur : http://www.conseiletat.fr/ce/jurispd/index_ac_ld0460.shtml.

94 Cf. « Nature transfrontière du réseau Internet et ordre public » par Alexis Guedj, disponible sur :

http://www.droitsfondamentaux.org/article.php3?id_article=39.

95 G. Panczer, « L'internationale négationniste sur le net », disponible sur www.Amnistia.net.

La radio et la télévision sont des médias qui ont des coûts de distribution assez faible mais sur un spectre d'onde peu important et fortement régulé et qui nécessitent un matériel onéreux pour la réalisation des messages.

Le danger d'Internet a déjà été souligné aux Nations Unies, notamment par le rapporteur spécial pour la liberté d'expression, M. Habib Hussain, qui a estimé que les inquiétudes exprimées par les Etats, quant à la diffusion de documents réalisés par des groupes néo nazis et/ou d'autres groupes animés par la haine96 (donc les groupes terroristes), sont légitimes. Il convient de les conjurer en appliquant judicieu[sement] les normes internationales régissant la liberté d'expression et le droit de rechercher, de recevoir et

de répandre des informations97.

Le comité des ministres du Conseil de l'Europe a posé les termes de cette problématique dans sa déclaration relative à une politique européenne pour les nouvelles technologies

de l'information : [Les Etats Membres doivent ] assurer le respect des droits de l'homme et de la dignité humaine notamment de la liberté d'expression ainsi que (...) la protection de l'individu contre (...) toute forme d'incitation à la violence dans l'utilisation et le développement des nouvelles technologies de l'information98.

Les problèmes posés par l'utilisation d'Internet pour l'incitation ne sont pas spécifiques à l'incitation terroriste. Ce sont les mêmes que ceux qui se posent pour la pornographie, la pédophilie ou tout autre motif. Les mêmes difficultés (techniques et juridiques) se posent dès que l'on veut censurer l'accès à quelques formes d'informations que ce soit sur la toile. Ainsi, les solutions techniques et juridiques utilisées pour lutter contre la discrimination et le racisme sur Internet peuvent être transposées pour l'incitation à des actes violents. Ces problèmes sont simples mais leurs solutions plus complexes. Sommairement, la question est d'empêcher efficacement les

96 « Promotion et protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression », 18 janvier 2000,

E/CN.4/2000/63, p2122, paras. 5657.

97 ibidem

98 ibidem

utilisateurs nationaux d'Internet d'accéder à des sites dont le nom, l'adresse, l'hébergeur

et la « nationalité » peuvent être modifiés (quasiment) à volonté tout en respectant les principes fondamentaux que sont la liberté d'expression ou encore la liberté d'accès à l'information, etc. Afin de répondre à cette problématique, une approche juridique puis une approche factuelle seront tour à tour proposées.

i.Approche juridique :

Sans viser à l'exhaustivité quelques législations européennes intéressantes sur le

plan des solutions seront étudiées avant de s'intéresser à la législation française.

·La GrandeBretagne :

En GrandeBretagne, un système d'autoréglementation a été retenu. ISPA et LINX (les deux principales associations de fournisseurs de service) ont crée en 1996 l'Internet Watch Foundation. Trois buts principaux lui sont alors attribués : l'évaluation

et la dénonciation de contenu offensant et la responsabilité des fournisseurs d'accès Internet (FAI). La dénonciation consiste à encourager les internautes à signaler les sites offensants. Cette méthode semble être efficace car le nombre de sites signalés a diminué et qu'il n'y a pas eu, à ce jour de poursuite devant les tribunaux99.

La responsabilisation consiste à pousser les prestataires techniques d'Internet à trouver des moyens techniques pour empêcher que des sites aux contenus offensants ne soient accessibles.

·L'Allemagne :

Le dispositif antidiscriminatoire est assez développé, en Allemagne, et des poursuites ont été engagées contre des groupes Usenet, vecteur de message révisionniste

et négationniste. Par exemple, en 1995, une injonction temporaire fut adressée à

Compuserve pour qu'il suspende la possibilité pour les internautes de se connecter à

99 Paul Sturges, « La liberté d'expression et les réseaux de communication »rapport établi pour le Conseil

de l'Europe, Conseil de la coopération culturelle, juin 1998.

certains newsgroup où des propos discriminatoires et négationnistes florissaient. À la suite de cette affaire, une loi visant à réglementer les services d'information et de communication a été élaborée. Concernant Internet, cette loi pose le principe de la responsabilité des fournisseurs de services d'information pour le matériel transitant par leur biais100.

Ainsi, en Allemagne comme en GrandeBretagne, les deux approches juridique ont aboutis à une responsabilisation des acteurs techniques d'Internet.

·La France :

Le système français est proche du système allemand en ce que le pouvoir législatif est intervenu (en 2000 puis en 2004) pour responsabiliser les acteurs techniques de l'Internet. En parallèle, la jurisprudence a développé le système juridique

et notamment dans le jugement Yahoo101.

La loi sur la presse de 1881 s'applique aux publications sur Internet, tant à l'égard des diffuseurs de contenu qu'aux utilisateurs, qui constituent un public au sens de l'article

23 de cette loi. De plus, la jurisprudence fait peser sur les hébergeurs de sites une obligation de moyen : ils sont tenus d'une obligation de vigilance et de sécurité quant aux contenus des sites qu'ils accueillent et dont ils assurent la connexion102. Cette obligation porte sur les précautions à prendre et les contrôles à mettre en oeuvre pour empêcher ou arrêter le stockage, la fourniture de contenus contraire aux dispositions légales en vigueur. Cette obligation n'existe qu'au stade de la formation et de l'exécution

du contrat. Les fournisseurs d'hébergement, depuis le 1er août 2000 (date où la loi de

1986 relative à la liberté de communication fût modifiée), abritant des sites au contenu contraire aux lois françaises, devront empêcher promptement l'accès à ce contenu (sur requête d'un juge). Dans le cas contraire, l'hébergeur pourra être tenu civilement et pénalement responsable (article 438 de la loi). Depuis l'arrêt Yahoo, le fournisseur d'accès Internet (FAI) doit informer l'internaute des risques de sanctions qu'il encourt

100Ibidem.

10120 Novembre 2000 TGI de Paris.

102Cour d'Appel de Versailles 08 juin 2000.

s'il consulte des sites dont le contenu contrevient aux lois françaises. La loi du 21 juin

2004 précise les contraintes pesant sur les prestataires techniques d'Internet, ceux ci ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée s'ils n'avaient pas effectivement connaissance du caractère illicite (...) ou si, dés le moment où ils ont eu cette connaissance, ils ont agi promptement pour rendre l'accès à ces informations impossible (ou les retirer)103. Ils doivent en plus indiquer aux internautes qu'il existe des systèmes de filtrage et doivent leur proposer un de ces moyens104.

Ce cadre légal permet donc de mettre automatiquement en jeu la responsabilité (civile et pénale) de l'hébergeur s'il ne répond pas aux injonctions du juge d'empêcher l'accès aux sites qui contreviennent à la loi française. Il permet également la mise en jeu, s'il y a faute, de la responsabilité civile du FAI. L'objectif de cette législation est double. Il s'agit de tenter de responsabiliser les utilisateurs d'Internet et de pousser les acteurs d'Internet à mettre en place des systèmes techniques qui empêchent l'accès aux sites contraires aux lois françaises. Toutefois, ces barrières techniques, lorsqu'elles ne sont pas mises en place sur la base du volontariat des utilisateurs (donc sur leur ordinateur) sont difficilement viables techniquement.

ii.Les problèmes techniques qui limitent l'effet pratique du droit :

Les systèmes juridiques en place reposent sur l'idée que les prestataires

techniques peuvent de façon pratique restreindre l'accès à certains contenus. Afin de bien comprendre l'inanité de cette idée, il est nécessaire de savoir ce qu'est le « réseau », c'est à dire, comment il fonctionne et d'appréhender les méthodes utilisées pour filtrer

ou bloquer l'accès à certains contenus.

103Article 62.

104Article 61.

·La nature d'Internet et son contenu :

Internet relie des ordinateurs du monde entier en un seul réseau sans (ou avec

peu) de considération pour leur localisation. Des ordinateurs à l'autre bout du monde sont aussi accessibles que des ordinateurs situés dans la même ville, avec un temps de réponse un peu moins rapide à cause des distances. Il s'agit d'un réseau unique mais constitué de plusieurs, petits ou grands, réseaux autonomes. Il n'est ni possédé, ni contrôlé, ni sous la responsabilité d'aucune société, organisation ou gouvernement. L'accès à ce réseau se fait généralement grâce à des fournisseurs d'accès Internet (FAI). Leur service inclut généralement au moins deux éléments :

L'accès à Internet depuis l'ordinateur de l'utilisateur : l se connecte d'abord au

FAI, via un modem analogique ou une connexion ADSL ou câble.

Un hébergement optionnel de sites : les souscripteurs pouvant créer leurs propres pages web et les héberger sur le serveur de leur FAI. Ces pages sont ensuite disponibles n'importe où dans le monde et à n'importe quel moment.

Ainsi Internet n'est qu'un réseau d'ordinateurs qui transmet tout ce qui peut être converti sous forme numérique et transporté d'un ordinateur à l'autre, qu'il s'agisse de textes, d'images, de sons ou de vidéos. Ce contenu peut être publié sur un site, envoyé par courriel, posté dans un newsgroup105, discuté dans des groupes ou transféré comme des fichiers.

Les FAI, et autres prestataires qui font fonctionner Internet, voient uniquement des paquets de données (sous formes binaires) avec l'adresse de la source et du destinataire. Les vidéos, textes, pages web, courriels et sons ont la même forme pour les routeurs qui assurent la transition du paquet vers leur destination finale. C'est seulement lorsque les paquets de données sont arrivés à destination qu'ils sont réassemblés pour être

105Un newsgroup est un lieu où des messages postés par différents utilisateurs situés dans des lieux différents sont stockées et conservé, généralement grâce au système Usenet. Les newsgroup sont techniquement différents (mais on une utilisation similaire) des forums de discussions sur le world wide web. Des logiciels, appelés newsreader sont nécessaires pour lire le contenu des newsgroup.

interprétés par les ordinateurs comme un tableau de Rembrandt, une symphonie de

Mozart ou un texte faisant l'apologie des attentats du 11 septembre.

Internet est plus que la toile (le web), il est composé, entre autres, du World wide web

(la méthode la plus commune d'accès au contenu d'Internet), des newsgroup (ils ont débuté comme des forums de discussions par échanges de courriels mais sont aujourd'hui surtout utilisés pour stocker des données en grande quantité), des sites ftp

(le « file transfer protocol » est utilisé pour transférer des fichiers d'un ordinateur à

l'autre) et des forums de discussions (les « chats106 »).

·Le blocage et le filtrage107 :

Il existe principalement trois approches différentes pour filtrer le contenu

d'Internet.

oAutoriser le contenu reconnu comme « bon » (la filtration inclusive ou liste blanche).

Cette méthode est la plus efficace car elle ne permet l'accès qu'à des sites reconnus

« acceptables » et bloque l'accès au reste d'Internet. Il s'agit d'une approche par

« présomption de culpabilité » des sites : tout site qui n'est pas reconnu comme

« bon » va être bloqué. Cependant, cette méthode est contraire à la liberté d'expression et de communication qui inclut le droit de rechercher, de recevoir et de répandre les informations108. En effet, elle bloque l'ccès à toute information qui

106Un forum de discussion est un mécanisme disponible sur le world wide web pour discuter entre utilisateurs. Les forums du web ont une fonction similaire aux newsgroup des années 80et 90. Une communauté virtuelle se développe dans les forums qui ont des utilisateurs réguliers. La technologie,

les jeux et la politique sont les thèmes principaux de ces forums mais tout type de sujet peuvent être

traités.

107Dans un souci de simplification et de vulgarisation seuls seront expliquées les méthodes principales et sans entrer dans leurs spécificités techniques. Ainsi ne seront pas abordés les méthodes de filtrage par adresse IP, par URL, par paquets de données et par « auditing », ni leur contremesures que ce soit par

le « tunelling », l'utilisation de proxies ou autres.

108Article 19 du Pacte relatif aux droits civils et politiques.

n'aura pas été validée par des « censeurs ».

En sus, cette approche fait perdre tout son intérêt à Internet comme vecteurs de connaissance et de progrès.

Enfin, elle pose des problèmes juridiques, pratiques et techniques. Quelle autorité déciderait de quels sites doivent ou non être accessibles ? Quels recours seraient possibles et devant quelles juridictions ? Et surtout les moyens nécessaires pour analyser tout le réseau Internet en permanence (des sites, pages ou newsgroup apparaissent toutes les heures) seraient considérables. En effet, la masse d'information accessible au public était, en 1999109, de plus de 800 000 000 de pages

et de plus de 15 téraoctets (15 000 000 000 000 d'octets) de données (pour comparaison les 40 premières pages de ce mémoire en format utilisé par le logiciel Microsoft Word utilisent 204 kilooctets). En 2005 Yahoo recensait plus de 19,2 milliards (19 200 000 000) de pages web. Ainsi en six ans le nombre de pages a été multiplié par environ 20.

oInterdire le contenu reconnu comme « mauvais » (la filtration exclusive ou liste noire)

La méthode de filtration exclusive, comparée à la première (la filtration inclusive), à l'avantage, de ne pas être trop réductrice des droits des individus. Cependant, ce que cette méthode gagne en légitimité est perdue en efficacité. Elle est fondée sur des

« liste noire » de sites connus comme étant contraires aux lois en vigueur. Il s'agit d'une approche avec « présomption d'innocence » : tout contenu qui n'est pas reconnu comme « non acceptable » (dans notre cas comme incitant à la commission d'actes terroriste) sera autorisé. Cette méthode à l'avantage de respecter les droits de l'individu mais pour être efficace elle nécessite des « armées » de personnes analysant les informations. De plus, l'efficacité de ces méthodes est nécessairement limitée car dès que les sites les « contenants » en général - auront connaissance de

109« Accessibility and Distribution of Information on the Web », Lawrence and Giles, Nature, n°400, p.107109. a voir aussi : www.metrics.com

leur inclusion sur cette liste noire, il leur suffira de modifier leur adresse IP110 ou leur URL111 ou encore plus simplement de modifier leur proxy112. En plus de ces questions d'efficacité, il existe certains problèmes juridiques similaires à la méthode inclusive : quelle autorité décide ? Quels recours sont possibles ? Quel droit s'applique ?

oExaminer le contenu et en bloquer l'accès lorsqu'il ne satisfait pas les tests de

compatibilité

Cette méthode, contrairement aux deux précédentes, permet, a priori, à l'utilisateur

un accès à l'ensemble d'Internet et ne bloque éventuellement qu'après examen du contenu des sites par des programmes. Elle est attractive en ce qu'elle permet une approche dynamique et évite les problèmes inhérents aux « listes », c'est à dire, l'énorme quantité de données disponibles, leur évolution permanente et les problèmes de ressource humaine que posent leur traitement. Le principal obstacle

110Une adresse IP (avec IP pour Internet Protocol) est le numéro qui identifie chaque ordinateur sur Internet, et plus généralement, l'interface avec le réseau de tout matériel informatique (routeur, imprimante) connecté à un réseau informatique utilisant le protocole Internet. En version 4, ce numéro

est généralement noté avec quatre nombres compris entre 0 et 255, séparés par des points, par

exemple : 212.85.150.133.

111 URL, sigle signifiant uniform resource locator en anglais, littéralement « repère uniforme de ressource » :Une adresse réticulaire (du latin rete qui signifie « filet » donc par extension réseau) est une chaîne de caractères utilisée pour identifier les ressources dans le World Wide Web : document HTML, image, son, forum Usenet, boîte aux lettres électronique.... Pour naviguer sur Internet, il est possible de taper soit l'URL de l'endroit que l'on désire visiter (par exemple www.viveBenLaden.com) soit l'adresse IP de l'ordinateur contenant les informations (par exemple 192.168.125.1).

112Un serveur mandataire (proxy server en anglais) est un serveur qui a pour fonction de relayer

différentes requêtes et d'entretenir un cache (de les conserver en mémoire pour un accès ultérieur plus rapide) des réponses, inventé par le Centre européen de recherche nucléaire en 1994. Il a été prévu à l'origine pour relier à Internet des réseaux locaux n'utilisant pas le protocole TCP/IP; il a été depuis doté de nouvelles fonctions concernant le cache, la journalisation des requêtes (logging ou conserver dans un journal les diverses requêtes qui lui sont adressées), la sécurité du réseau local, le filtrage et l'anonymat. Aujourd'hui, les réseaux locaux utilisent le protocole TCP/IP et peuvent être reliés à Internet via une simple passerelle ou un routeur, mais l'utilité des serveurs mandataires est toujours aussi importante, notamment dans le cadre de la sécurisation des systèmes d'information. En relayant

les requêtes, le serveur proxy modifie obligatoirement l'adresse réticulaire (URL) source ou destination de celle ci. Ainsi un site inscrit sur la liste noire n'aurait qu'à modifié son proxy pour que

les routeurs aient l'impression d'avoir à faire à un site complètement différent car l'adresse de destination (ou d'origine) des requêtes ne seraient plus la même.

technique est de déterminer exactement quel contenu est « acceptable » et lequel ne l'est pas. En effet, les différentes approches techniques sont :

un système de filtrage par motclef. Ainsi, tout contenu Internet incluant les mots

« terrorisme » ou « Ben Laden » ou « Carlos »... ne sera plus accessibles.

Plusieurs problèmes se posent dans ce système. Tout d'abord, cette méthode ne filtre que des mots. En conséquent, des image, vidéos ou bandes sonores incitatrices ne peuvent pas être bloquées. Ensuite, il faut prendre en compte toutes les langues écrites et tous les alphabets du monde : « vive les attentats du 11 septembre » ne serait pas bloqué par un système de filtre fondé sur des mots clefs en anglais. Enfin, ces filtres doivent être capables de distinguer le sens des mots en fonction de leur contexte. Si ces filtres n'en sont pas capables, ils bloqueront l'ensemble des contenus liés au terrorisme. Par exemple, ce mémoire serait bloqué car il contient à de nombreuses reprises les mots

« terrorisme », « incitation » ou encore « attentat ».

Un système de filtrage par phraseclef. Cette méthode est une évolution du filtrage par motsclefs, qui, lorsqu'elle est correctement mise en oeuvre, permet d'éviter le dernier inconvénient de la méthode précédente, à savoir le blocage de sites de façon indiscriminée. Cependant, tous les autres inconvénients existent toujours (seuls les textes sont filtrés, le problème des langues demeurent, etc). En outre, il existe une difficulté supplémentaire de devoir énumérer l'ensemble des phrases considérées comme « non acceptables ».

Un système de filtrage par « profil ». Cette méthode filtre le contenu en se fondant sur diverses caractéristiques. Les principales sont le ratio imagestextes (cette caractéristique est efficace en ce qui concerne les sites pornographiques), le nombre de liens renvoyant vers des sites « indésirables », etc.

L'analyse par profil utilise une importante quantité de ressourceprocesseur113 et induit

113Le processeur est la partie de l'ordinateur qui effectue les calculs. Les ressources processeurs sont les capacités utilisées par un ordinateur pour effectuer ses calculs. Ainsi plus la quantité de ressource

donc une lenteur importante (techniquement) des accès à Internet. Ainsi, ce type de filtrage ne peut être mis en place que sur des ordinateurs individuels (qui peuvent tolérer

un délais de 0,1s supplémentaire pour traiter les requêtes) et non au niveau des serveurs qui ne peuvent tolérer une telle perte de temps (0,1 seconde perdues par requête lorsque plusieurs millions de requêtes par seconde doivent être traitées n'est pas tolérable car elles induiraient une diminution particulièrement significative des temps de connexion). Cependant, la mise en place de tels systèmes de filtrage sur les ordinateurs personnels

ne peut se faire que sur la base du volontariat, ce qui ne touchera certainement pas les personnes intéressées par la « cause » terroriste. De plus, même si de tels systèmes étaient automatiquement et obligatoirement mis en place sur les ordinateurs individuels,

le manque de sécurité et de stabilité des systèmes d'exploitation de ces ordinateurs rendraient ces mécanismes facilement piratables et contournables. En effet, ces systèmes seraient installés une seule fois et définitivement. Or, en informatique un système qui n'évolue pas est un système sans avenir. À titre d'exemple, Sony a installé en janvier

2000 sur tous ses disques compacts originaux des mesures techniques pour empêcher leurs gravures sans droits. En février 2000, de nombreux logiciels étaient disponibles pour contourner cette mesure technique. En juin 2000, soit 6 mois après la sortie du dispositif, Sony décidait d'abandonner cette technique.

En outre, ces systèmes par analyse du contenu ont une faille fondamentale : pour pouvoir analyser le contenu d'Internet, il est nécessaire que celuici soit « en clair ». Or,

il est techniquement possible (et assez aisé) de crypter toutes les informations qui arrivent à un utilisateur. Il suffit pour cela que cet utilisateur définisse un proxy, comme intermédiaire entre lui et tous les sites et qu'il demande à ce proxy de crypter toutes les informations qu'il reçoit. Ces manipulations ne requièrent que peu de connaissances informatiques et de moyens : des logiciels de cryptage particulièrement efficace114 sont

processeur utilisés pour une tache donnée est importante moins il en restera de disponible pour d'autre taches donc plus l'ordinateur mettra du temps à les réaliser et donc plus il sera lent.

114Ces logiciels de cryptage sont fondés sur un système de clef public et de clef privé. Toute les

informations sont crypté en utilisant la clef publique de chaque utilisateur (clef disponible par tout un chacun sur Internet) mais ne sont décryptables que par la clef privée que le récepteur est le seul à détenir.

disponibles gratuitement sur Internet (Gpg par exemple). Le temps nécessaire pour crypter dépend de la puissance de calcul des ordinateurs utilisés comme proxy ce qui peut engendrer une perte de rapidité de connexion.

C'est dire qu'aucun moyen pratique ne permet d'empêcher l'accès complet à l'Internet de l'incitation, tout en respectant les droits humains tels que définis dans les divers instruments internationaux (Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales). Tout au plus les diverses méthodes permettent de limiter l'accès à de tels sites pour des utilisateurs inexpérimentés, mais toute personne qui désire réellement contourner ces limitations peut le faire facilement (ne seraitce que par l'utilisation de proxy ou du cryptage). Ainsi la Chine115 emploie plus de 60 000 personnes, dépense des millions (et n'est pas réputé pour son respect des droits de l'homme) afin de limiter l'accès à Internet pour ses concitoyens. Malgré tous les moyens mis en oeuvre, l'accès aux sites interdits par le gouvernement chinois est une chose facile. Ce qui est possible

en Chine, où les connaissances en informatique ne sont pas aussi diffusées qu'en Europe, est tout à fait envisageable en France et en Europe. Il suffit de quelques recherches sur Internet, d'un peu de motivation et de temps pour pouvoir rendre inopérant tous les systèmes de filtrage et de blocage existants.

Toutefois, il existe d'autres moyens de lutte, qui seront examinés dans la deuxième partie de ce mémoire.

115 « Internet filtering in China in 20042005 : A Country Study »

disponible sur www.opennetinitiative.net/studies/china

II.La lutte contre l'incitation :

La première partie de ce mémoire contient une approche de la notion d'incitation à

travers ses diverses notions juridiques et les moyens utilisés par les terroristes pour inciter à la violence. Or, une fois le problème déterminé, il est nécessaire d'y trouver des solutions. C'est pourquoi, cette deuxième partie va s'intéresser à la lutte contre cette incitation, c'estàdire au cadre dans lequel cette lutte doit se jouer (A) et aux moyens dont cette lutte dispose (B).

A.Le cadre de la lutte :

Comme l'ensemble de la lutte contre le terrorisme, la lutte contre l'incitation aux

actes de terrorisme doit être respectueuse des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le secrétaire général des Nations Unies l'indique dans son rapport

« S'unir contre le terrorisme : recommandations pour une stratégie antiterroriste mondiale » : La primauté du droit implique la défense des droits de l'homme, valeur fondamentale des Nations Unies et pilier de leur action. Loin de s'exclure mutuellement, l'efficacité de la lutte antiterroriste et la protection des droits de l'homme sont interdépendantes et complémentaires. La défense des droits de l'homme est donc l'une

des conditions essentielles du succès d'une stratégie antiterroriste.

Le Conseil de sécurité a par ailleurs rappelé dans la résolution 1624 (précité) (et dans la majorité des résolutions concernant le terrorisme) que les États doivent veiller à ce que toutes les mesures qu'ils prennent pour lutter contre le terrorisme respectent toutes les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, et que ces mesures doivent être conformes au droit international, en particulier aux instruments relatifs aux droits de l'homme, au droit des réfugiés et au droit humanitaire.

Ainsi, la lutte antiterroriste en général, et la lutte contre l'incitation en particulier, doit

respecter plusieurs droits fondamentaux. Le premier de ces droits est le droit de résistance à l'oppression.

1.Le droit de résistance à l'oppression :

L'ordre établi détient le monopole légal de la force et il a le droit positif,

l'obligation même d'user de cette violence pour se défendre. En s'y opposant, on reconnaît et on exerce un droit plus élevé. [...] Sans ce droit de résistance, sans l'intervention d'un droit plus élevé contre le droit existant, nous en serions aujourd'hui encore au niveau de la barbarie primitive116.

Cette notion philosophique de résistance à l'oppression au nom d'un droit supérieur, c'est à dire d'un droit naturel, est reprise en droit positif. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans son article 2, proclame le droit de résistance à l'oppression comme un droit naturel et imprescriptible de l'homme. L'article 204 de la

loi fondamentale allemande (Grundegesetz Deutschland) autorisent les allemands à résister à quiconque entreprendrait de renverser cet ordre (démocratique), s'il n'y a pas d'autre remède possible.

Le droit international reprend cette notion fondamentale. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 considère la révolte contre la tyrannie et l'oppression comme un suprême recours. Les articles 12 et 55 de la Charte des Nations Unies posent le principe du respect du droit des peuples à disposer d'eux mêmes. Cette notion a été introduite à l'époque de la rédaction de la Charte, entre autres raisons, pour légitimer les luttes de décolonisations, c'est à dire, des luttes menées par des peuples contre des gouvernants légitimes en droit positif au nom d'un droit qu'ils estimaient supérieur.

116Professeur Herbert Marcuse « Conférence : Le problème de la violence dans l'opposition », juillet

1967, cité dans Haar Michel L'homme unidimensionnel : Marcuse : analyse critique, Paris, ed. Hatier,

1975.

Lors de sa 25e session, l'Assemblée Générale des Nations Unies a approuvé une

Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales

et la coopération entre les Etats conformément à la Charte de Nations Unies117. Cette déclaration proclame et explicite plusieurs grands principes gouvernant les relations entre les peuples. Parmi ces principes se retrouve le principe d'égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer d'euxmêmes qui impose à tout Etat (...) de s'abstenir

de recourir à toutes mesures de coercition qui priverait les peuples (...) de leur droit à disposer d'eux mêmes et de leur indépendance. Lorsqu'ils réagissent et résistent à une telle mesure de coercition dans l'exercice de leur droit à disposer d'eux mêmes, ces peuples sont en droit de chercher et recevoir un appui conforme aux buts et principes des Nations Unies.

Cette résolution est intéressante sur plusieurs points. Tout d'abord, elle légitime la résistance (donc une certaine violence) contre des mesures de coercition qui privent les peuples du droit à disposer d'euxmêmes. Cette légitimation est le fait de l'Assemblée Générale des Nation Unies, donc des représentants de toutes les Nations. Ainsi, le droit

de résistance contre certaines oppressions illégitimes n'est plus une notion seulement occidentale mais est devenue une notion partagée par tous les Etats du monde. Ensuite,

les peuples sont en droit de rechercher et de recevoir un appui conforme aux buts et principes de la Charte des Nations Unies. De la sorte, les peuples « non opprimés » sont

en droit d'aider les peuples qui entrent en résistance. Toutefois, cette aide et la résistance doivent être conformes aux buts et principes de Nations Unies. Or, les résolutions 1373 (2001) et 1624 (2005) du Conseil de sécurité ont qualifié le terrorisme et son incitation

de contraire aux buts et principes des Nations Unies. Ainsi, même si les peuples peuvent résister et être aidés dans leur résistance, le droit international leur dénie le droit d'utiliser la voie du terrorisme (la commission d'un des actes contenus dans les divers instruments sectoriels) ou la voie de l'incitation à la commission de tels actes. C'est pourquoi les résistances qui utilisent des actes terroristes ou qui incitent à la commission

117 résolution 2625 (XXV) 1883eme séance plénière 24 Octobre 1970 disponible sur :

http://daccessdds.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/350/22/IMG/NR035022.pdf?OpenElement

de tels actes ne sont pas légitimes et sont interdites en droit international.

Il existe des cas où « résister est une obligation », où « ne pas résister est inexcusable ». Le droit positif légitime la résistance à l'oppression comme un droit et non pas comme un devoir. Néanmoins, après les exactions nazies, et la publication de Eichmann à Jérusalem118 ne pas se poser la question du devoir de résistance à l'oppression revient à faire preuve d'un aveuglement certain. Lors du procès de Nuremberg, les juges ont condamné ceux qui avaient obéi, sans discernement à la loi en vigueur, transformant ainsi le droit de résistance à l'oppression en un devoir. En droit pénal français le devoir d'obéissance d'un soldat a pour limite l'illégalité manifeste de l'ordre.

Toutefois, affirmer que résister à l'oppression peut être un devoir ne suffit pas. Il faut encore réussir à déterminer quelles violations de quels droits oblige à la résistance. À cette fin, l'étude du Statut de Rome119, du Statut des deux tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et pour l'exYougoslavie peut aider. En effet, la commission d'actes entrant dans la compétence de ces juridictions ne pouvant être excusés, il devient légitime de résister (seraitce par la force) à des ordres qui impliquent

de tels actes.

Les articles 6, 7 et 8 du Statut de Rome donnent compétence à la Cour Pénal Internationale pour les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Les crimes de guerre tels que définis par l'article 8 incluent les infractions relatives aux quatre convention de Genève de 1949120. Le Statut du Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie lui donne compétence pour les infractions graves aux quatre conventions de Genève de 1949, les crimes de guerre, le crime de génocide et les crimes contre l'humanité (articles 2, 3, 4 et 5). Les articles 2, 3 et 4 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda lui donnent compétence pour les crimes de

118Eichmann à Jérusalem, La banalité du mal, Hannah Arendt Folio, 1963.

119Le Statut de Rome instaure la Cour Pénale Internationale. Voir le site de la Cour. Ibidem.

120ibidem

génocides, les crimes contre l'humanité et les violations de l'article 3 communs aux quatre conventions de Genève de 1949.

Ainsi, à l'exception des crimes de guerre qui ne sont pas de la compétence du Tribunal pénal international pour le Rwanda, les champs d'application ratione materiae des tribunaux sont quasiment identiques. Il est intéressant de constater que les trois notions : crimes de guerre (tels que définis par le Statut de Rome en son article 8), crimes contre l'humanité et crime de génocide sont au coeur du Jus Cogens. A cet égard, il n'y a qu'un pas à franchir pour affirmer que le devoir de résistance existe dès lors qu'un pays, un prince, un gouvernant opprime un peuple, une ethnie, une seule personne par le biais de crimes contraire au noyau dur des droits du Jus Cogens. Pour autant ces résistances deviennent illégitimes dès qu'elles prennent la forme d'actes de terrorisme.

Le droit de résistance à l'oppression n'est pas le seul droit qui doit être respecté dans le cadre dans le cadre de la lutte contre l'incitation. Les droits fondamentaux principalement mis en danger par l'incrimination de l'incitation aux actes de terrorisme

(et par l'incrimination de toute incitation) sont la liberté de penser, de conscience et de religion et le droit à la liberté d'expression.

2.La liberté de pensée, de conscience et de religion et la liberté d'expression :

La liberté de pensée, de conscience et de religion est un droit fondamental de

l'homme. Toutefois, sa valeur varie en fonction de divers instruments qui le reconnaissent, ce qui traduit une divergence d'approche. Ce droit est reconnu par l'article

18 du Pacte relatif aux droits civils et politiques121 et par l'article 9122 de la Convention suropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces articles n'autorisent pas de restrictions. Seule la manifestation de cette liberté peut se voir restreinte par la loi et seulement pour des raisons tenant à la protection de l'ordre, de

la sécurité, de la santé publique ou de la morale et des droits fondamentaux d'autrui (la

Convention ajoute une condition de nécessité dans une société démocratique). Le Pacte

va plus loin et interdit de déroger à cette liberté même dans le cas de l'article 4 (danger public exceptionnel qui menace l'existence de la nation). Ainsi au niveau international,

la liberté de penser est absolue. Les seules restrictions qui peuvent exister pèsent sur les manifestations de cette pensée. En conséquence, pour respecter les obligations qui leur incombent au titre du droit international, les Etats ne doivent pas, en cas d'incrimination

de l'incitation à la commission d'actes terroristes, restreindre le droit de penser que la commission d'actes terroristes est une bonne chose, est une nécessité ou est justifiée. En toute occurrence, même si le Pacte autorisait des restrictions à la liberté de penser, leur mise en application serait extrêmement difficile voire impossible (cela reviendrait à

121Art. 18

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement.

2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix.

3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui.

4. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des

tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

122Art 9

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que

celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

« sonder les coeurs et les reins » de chacun). En revanche, le droit pénal pourra venir sanctionner l'expression de ces opinions lorsqu'elle entraînera un risque pour la sécurité, l'ordre et la santé publique, ou la morale ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui. À la différence du Pacte, l'article 15 de la Convention (guerre ou autre danger public menaçant la vie de la nation) autorise des dérogations à ce droit.

Le Pacte reconnaît le droit à la liberté d'expression dans son article 19123, la

Convention en son article 10124. Il est toujours possible d'y déroger en cas de danger pour

la Nation. Le Pacte autorise des restrictions, lorsqu'elles sont fixées par la loi, pour le respect des droits d'autrui et pour la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publique. La Convention permet de telles limitations légales lorsqu'elles constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à

la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.

123Art. 19

1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.

2. Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

3. L'exercice des libertés prévues au par. 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des

responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:

a)Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;

b)A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.

124Art 10

1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté

de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.

Pour des raisons pratiques125, seul le régime posé par la Convention sera étudié. Celleci reconnaît que l'expression de la pensée et la liberté d'expression peuvent être restreintes sous certaines conditions posées par la loi et si ces restrictions sont nécessaires dans une société démocratique. Il convient de comprendre le sens de ces deux conditions dont la raison d'être est de permettre un contrôle par le juge européen des restrictions posées par

le pouvoir exécutif ou législatif. Encore, il est nécessaire d'étudier quels buts légitimes peuvent être invoqués pour justifier des limitations aux libertés dans le cadre de la lutte contre l'incitation126.

i.Le cadre du contrôle par la Cour européenne des droits de l'Homme

La détermination de la première condition, « la prééminence du droit » soulève

quatre interrogations127 : Le système juridique interne sanctionnetil l'infraction ? La disposition juridique pertinente estelle accessible au citoyen ? Estelle suffisamment précise pour permettre raisonnablement au citoyen de prévoir les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé (en l'espèce un acte qualifié d'incitation au terrorisme) ? La loi prévoitelle des garanties adéquates contre des atteintes arbitraires à

la liberté de pensée et à la liberté d'expression ?

·Le système juridique interne sanctionnetil l'infraction ?

Le système juridique interne inclut non seulement la loi au sens stricte mais aussi, les actes réglementaires, les décisions judiciaires (tant dans les pays de

« common law » que dans les pays de droit romanogermanique) et les

125En effet, le nombre de page de cette réflexion est limitée, en sus la jurisprudence de la Cour est, de loin, la plus fournie sur ces questions.

126Lire à ce propos le complet, instructif et intéressant article de Steven Greer « Les exceptions aux articles 811 de La Convention Européenne des Droits de l'Homme » édition du Conseil de l'Europe. Les développements qui vont suivre doivent beaucoup à cet article.

127Arret Kruslin c/ France du 24 avril 1990, série A n°176 A, paras. 27 à 36.

obligations internationales s'imposant aux Etats. Puisque les organes nationaux sont les mieux placer pour juger si les procédures législatives internes ont été correctement respectées, la Cour leur accorde une importante marge d'appréciation. Ainsi, en ce qui concerne une incrimination de l'incitation à la commission d'actes terroristes en France, celleci doit être le fait du législateur128 (c'est le cas de l'article 24 de la loi de 1881 sur la presse) et respecter les principes généraux gouvernants le droit pénal.

·La disposition juridique est elle accessible au citoyen ?

La Cour estime129 qu'une disposition juridique est accessible par le citoyen lorsqu'il peut disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. Une disposition légale qui ne serait pas suffisamment accessible ne pourrait être considérée comme une loi. Ainsi, la disposition d'un ministre de l'intérieur britannique aux directeurs de prison nonpubliée, nontransmise dans les prisons et aux dispositions nonexpliquées aux prisonniers ne peut pas être considérées comme une loi130.

·La précision de la disposition juridique et sa prévisibilité pour le citoyen :

Pour la Cour le degré de précision nécessaire des lois dépend du contenu de la loi, de son champ d'application, du nombre de personne visé et de leur statut131. Pour déterminer le degré de précision de la loi, il est possible de consulter des directives ou des instructions administratives. Ainsi, les directives non considérées comme des lois dans l'arrêt Silver ont été prise en compte pour déterminer si la condition de précision et donc de prévisibilité étaient remplies.

128article 34 de la constitution : La loi fixe les règles concernant (...)la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables; la procédure pénale(...)

129Arrêt Sunday Times c/ Royaume uni du 26 Avril 1979, Série A n°30 para 49

130Arrêt Silver et autres c/ Royaume Uni du 25 mars 1983, série A no 61.

131Arrêt Sunday Times c/Royaume uni, ordre public cit. para 49, Arrêt Wingrove c/ Royaume uni du 25

novembre 1996, paras. 4044.

Pour l'incitation, au vu du contenu potentiellement très dangereux de la loi et du nombre important de personnes que cette loi peut impacter, toute loi d'incrimination devra donc être particulièrement précise et prévisible.

·Des garanties efficaces contre des atteintes arbitraires au droit substantiel existent

elles ?

Dans l'arrêt Malone132, la Cour rappelle que les termes « prévue par la loi » impliquent que le droit interne doit offrir une certaine protection contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis. Le degré de protection que doit atteindre le droit interne n'est pas déterminé de façon abstraite, in abstracto. Tout diffère dans chaque cas d'espèce. Elle reconnaît la grande importance de telles mesures de précaution lorsque le pouvoir exécutif jouit d'un large pouvoir d'appréciation. Ainsi, il est indiqué dans l'arrêt Herczegfalvy qu'une loi conférant à la puissance publique un large pouvoir d'appréciation doit en fixer la portée ; le niveau de précision requis dépend du domaine considérée.

La seconde condition « la nécessité dans une société démocratique » est moins bien définie que la première et laisse une très importante marge d'appréciation aux juges. Ce critère représente à lui seul une part importante du problème auquel les démocraties doivent faire face en luttant contre le terrorisme. Afin de mener une lutte efficace, elles risquent de devoir abandonner la mise en application pratique d'une partie des droits de l'homme proclamés dans leurs textes fondamentaux. Toutefois, cet abandon doit être réduit au minimum nécessaire sous peine d'abandonner les valeurs qui font de nos Etats des démocraties, des Etats de droit et ; ce faisant ; de légitimer le terrorisme.

La Cour a défini un cadre d'interprétation composé de trois caractéristiques afin d'évaluer le respect de ce critère.

132Arrêt Malone c/ RoyaumeUni du 2 août 1984, série A no 82.

·La nature de la nécessité :

Dans l'arrêt Handyside contre RoyaumeUni du 7 Décembre 1972, la Cour

indique que la nécessité est intermédiaire entre « indispensable », « absolument nécessaire », « strictement nécessaire » et « opportun, normal, admissible ». Ainsi, la nécessité ne doit pas être comprise comme étant l'ultime recours. De plus, l'ingérence de l'Etat dans les libertés prévues par la Convention doit être justifiée par un ou plusieurs buts légitimes prévus par la Convention. Les limitations portées à la liberté de conscience, en raison de l'incitation, pourront être justifiées par les nécessités d'ordre et de sécurité public ; celles de la liberté d'expression pourront l'être par la sécurité nationale, la sûreté publique, la défense de l'ordre et la prévention du crime. Pour juger si les motifs invoqués par

les Etats pour justifier les limitations existent, il convient de tenir compte des circonstances particulières de l'affaire et de l'atmosphère du pays au moment des faits. L'action de l'Etat doit également se fonder sur une appréciation acceptable des faits pertinents133. La liberté d'expression et la liberté de conscience sont considérées par la Cour comme des fondements essentiels de nos sociétés démocratiques. Les buts légitimes prévus par les paragraphes 2 des articles 9 et

10 de la Convention doivent, en conséquence, être interprétés restrictivement.

·Proportionnalité au but légitime poursuivi et charge de la preuve :

Les atteintes aux droits de l'homme doivent être proportionnées aux buts

légitimes poursuivis, variant suivant les affaires, les droits en cause et la nature

de l'ingérence. Les deux droits en cause sont particulièrement importants, ainsi

les limitations devraient être strictement proportionnées. Il est permis de douter que cette approche soit suivie par la Cour. En effet, même si aux termes certaines décisions les exceptions doivent être interprétées strictement134, une

133Arrêt Oberschlick c/ Autriche du 23 mai 1991, série A n°204, para. 60.

134Arrêt Sunday Times c/ Royaime uni para 65.

partie de la jurisprudence penche en faveur de l'équilibre entre les droits et les exceptions135. D'autant que dans sa Déclaration sur la liberté d'expression et d'information dans les médias dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe considère que le terrorisme a des conséquences dramatiques pour les pleines jouissances de droits de l'homme, (...) qu'il menace la démocratie, qu'il vise notamment à déstabiliser les gouvernements légitimement constitués et à saper la société civile pluraliste. Ces considérations sur le terrorisme semblent indiquer que les Etats du Conseil de l'Europe considèrent le terrorisme comme un danger public menaçant l'expression démocratique de nos Nations. En toute hypothèse, la Cour considère que l'Etat doit apporter la preuve que les limitations sont justifiées136.

·La marge d'appréciation des Etats et la portée du contrôle européen :

La marge d'appréciation des Etats correspond à leur marge de manoeuvre dans le

respect des droits et dans l'application des diverses exceptions prévues par la Convention. Cette marge d'appréciation détermine la portée du contrôle exercé par les juges de Strasbourg. Il s'agit là du coeur du critère de nécessité dans une société démocratique. La Cour estime qu'il lui revient en dernier ressort (...), de déterminer si le but et la nécessité d'une atteinte à des droits en vertu d'une ou plusieurs exceptions prévues pour sauvegarder l'intérêt public sont compatibles avec la Convention137. Pour M. Van Dijk et M.Van Hoof138, la Cour, pour appliquer la notion de marge d'appréciation, procède en deux étapes. En premier lieu, elle va examiner le comportement de l'Etat. Elle peut ne lui laisser aucune

135Arrêt B c/France du 25 mars 1992 série A n° 232 para 63.

136Requête n°22414/93 Chahal c/ Royaume Uni, para. 136 ; Arrêt Observer et Guardian du 02 août 1994, série A n°82

137Steven Greer Ibidem

138P.Van Dijk et G.J.H. Van Hoof, Theory and Practice of the European Convention on Human rights,

DeventerBoston, 1990 p 404

marge d'appréciation et détailler l'ensemble des actions entreprises ou lui reconnaître une faible marge. En second lieu, elle détermine si le comportement

de l'Etat est raisonnable, en se fondant sur le résultat des investigations de la première phase. Pour ce faire, la Cour peut demander à l'Etat de prouver le caractère raisonnable des restrictions qu'il a imposé ou, encore, demander au requérant de prouver leurs caractères déraisonnables.

À travers ces deux conditions, la Cour européenne a mis en place un système perfectible mais cohérent et efficace. Il reste à espérer que malgré les risques terroristes existant aujourd'hui en Europe et sous les coups conjugués de l'opinion publique et des gouvernements, les juges de Strasbourg continueront à jouer leur rôle de protecteur des droits de l'homme en général et des libertés de conscience et d'expression en particulier.

·Quels « buts légitimes » peuvent légitimer les limitations portées aux principes ?

Les buts qui peuvent légitimement être invoqués pour limiter l'expression de la

liberté de pensée sont la sécurité publique, la protection de l'ordre, la santé ou la morale publiques, ou la protection des droits et libertés d'autrui. Concernant l'article 10,

les buts légitimes sont la sécurité nationale, l'intégrité territoriale ou la sûreté publique,

la défense de l'ordre et la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale,

la protection de la réputation ou des droits d'autrui, empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. Le caractère « moins absolu » de la liberté d'expression, comparé à la liberté

de pensée, s'exprime aussi par ces buts légitimes : ils sont assez limités pour la liberté de pensée et beaucoup plus nombreux s' agissant de la liberté d'expression.

Ces buts peuvent se ranger en deux catégories : les buts touchant à l'intérêt public ou de

la société en général et les buts concernant l'intérêt privé.

Les premiers recouvrent évidemment la protection de l'ordre, la santé ou la morale publiques, la sécurité nationale, l'intégrité territoriale ou la sûreté publique, la défense

de l'ordre et la prévention du crime.

Les seconds incluent logiquement la protection de la réputation, des libertés ou des droits d'autrui, empêcher la divulgation d'informations confidentielles. La question de la volonté de garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire est plus problématique. Évidemment, le respect de ces deux principes bénéficie à l'ensemble de

la société, même si un intérêt privé est directement en cause lorsqu'il y a atteinte à ces deux principes et un classement dans la seconde catégorie semble donc justifié. Parmi ces droits, aucun ne semble pouvoir arguer à une éventuelle limitation des libertés garanties aux articles 9 et 10 relative à l'incitation aux actes de terrorisme.

La sécurité nationale ne peut être invoquée que pour limiter la liberté

d'expression. Dans le cadre du sujet de cette réflexion, son invocation semble difficile. Il

en est de même pour la protection de la santé et de la morale publique ainsi que pour l'intégrité territoriale. En conséquence, seules la sécurité publique, la défense de l'ordre

et la prévention du crime semblent pouvoir être invoqués.

Ces trois critères sont, en réalité, invoqués pèlemêle par les Etats et il n'est pas possible

de définir clairement où s'arrête la sécurité publique et où commence la défense de l'ordre et la prévention du crime. Dans de nombreux arrêts139 où les Etats invoquent ces justifications, la Cour n'a pas clairement défini ces trois notions. Elle s'est contentée d'une étude des faits, de rappeler la notion de prééminence du droit et le critère de la nécessité dans une société démocratique, avant de conclure que les buts invoqués

139Par exemple arrêt du 28.10.1994, A 300A, Requête no 8170/78, X c/ Autriche, Annuaire XXII (1979),

p. 308. Requête no 5488/72, X c/ Belgique, Annuaire XVII (1974), p. 222; requête 530/59, X c/ République Fédérale d'Allemagne, Annuaire III (1960), p. 184; Requête no 9237/81, B. c/ Royaume Uni, D & R 34 (1983), p. 68. Requête no 8290/78, A, B, C et D c/ République fédérale d'Allemagne, D

&R 18 (1980), p. 176. Requête no 17505/90, Nydahl. Z. c/ Finlande, du 25.2.1994, requête no

22009/93 ; Arrêt Boughanemi du 24.4.1996, requête no 22070/93; arrêt C. c/ Belgique du 7.8.1996, requête no 21794/93; arrêt Bouchelkia du 29.1.1997, requête no 23078/93 ; Arrêt Schönenberger et Durmaz du 20.6.1988, série A no 137, Arrêt Niemetz du 16.12.1992, A 251B. Arrêt Vereinigung Demokratischen Soldaten Österreichs et Gubi du 19.12.1994, A 302.

justifient les limitations (souvent) ou bien l'inverse (rarement). Ce manque de définition

au niveau européen n'est pas de très bon augure, risquant de laisser la place à une interprétation extensive de ces limitations. Espérons que la Cour se prononcera rapidement sur le sens exact de ces principes afin d'en indiquer clairement le champ d'application !

Plus on luttera sérieusement contre le terrorisme, plus l'ensemble de nos libertés

et droits fondamentaux devront être respectés. Les Etats devront, en ce sens, donc ne pas enfreindre l'ensemble des droits qu'ils se sont engagés à respecter.

3.Respecter l'Etat de droit :

L'expression « Etat de droit » est un terme galvaudé, utilisé dans divers contextes

et diverses circonstances, au risque de le vider de son sens. Ainsi, avant de s'intéresser à

la lutte contre le terrorisme et au respect de l'Etat de droit, il convient de rechercher ce qu'il recouvre.

·Qu'est ce que l'Etat de droit ?

Ce terme (Rule of law en anglais) a été utilisé pour la première fois en 1884 par

A.V. Dicey, constitutionnaliste anglais140. Il serait fastidieux et inutile (dans le cadre de cette réflexion) de retracer l'évolution de cette notion et il suffira simplement d'en tracer

les grandes lignes actuelles. Il peut se définir comme la situation résultant pour une société de sa soumission à un ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée. En

un sens plus restreint, il s'agit du nom que mérite seul un ordre juridique dans lequel le respect du Droit est réellement garanti aux sujets de droits, notamment contre

140A.V. Dicey, Introduction to the study of the law of the constitution, All souls College, Oxford, 1885.

l'arbitraire141. C'est dans ce sens plus restreint que nous utiliserons cette notion dans la suite de cette réflexion. L'Etat de droit est un Etat où, dans les rapports avec les citoyens, l'administration est soumise à des règles de droit. Les citoyens disposent en général d'une possibilité de recours contre les décisions de cette dernière. Il suppose donc l'existence de juridictions qui jugent des différents entre les citoyens et l'Etat et l'indépendance du pouvoir judiciaire afin que l'Etat souverain respecte les règles de droit qu'il s'est lui même imposé. L'Etat de droit s'oppose à l'Etat policier.

Pour R. Carré de Malberg : l'Etat de police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par ellemême l'initiative, en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre

à chaque moment les fins qu'elle se propose142. Il serait particulièrement dangereux de laisser un tel état de chose réapparaître dans nos démocraties.

Les Etats de droit doivent donc respecter l'ensemble des obligations qui pèsent sur eux par leurs engagements internationaux ou régionaux ou par leurs lois nationales. En plus des libertés mentionnées cidessus, l'Etat se doit, pour mériter le titre d'Etat de droit (d'Etat assujetti au droit), de respecter certains autres droits qui, même s'ils peuvent paraître moins fondamentaux, délimitent le cadre dans lequel doit être maintenue la lutte contre le terrorisme.

·Quels droits doivent être respectés dans la lutte contre le terrorisme143 ? :

L'interdiction de la torture doit être respectée en toutes circonstances. Elle est proclamée

141G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 1987, (p. 325).

142Cité par J. Chevallier, L'Etat de droit, Editions Montchrestien, Coll. Clefs, 3ème édition, 1999 (p. 16)

143 Il s'agit d'un inventaire nonexhaustif. Ainsi le Conseil des ministres du Conseil de l'Europe liste dans Les Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme l'obligation, pour

les Etats, de protéger toute personne contre le terrorisme (le droit à la sécurité), l'interdiction de

l'arbitraire, la nécessaire légalité de toute mesure antiterroriste. Ces ligne directrices fixent également

un cadre juridique en ce qui concerne, notamment, la collecte et le traitement de données à caractère personnel, les mesures d'ingérence dans la vie privée, l'arrestation, la garde à vue et la détention provisoire, les procédures judiciaires, l'extradition ou le dédommagement des victimes.

par l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par l'article 3

de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait maintenant partie du jus cogens impératif. Ces deux instruments ne prévoient aucune restriction à cette interdiction et n'y autorisent pas non plus de dérogation en cas de danger public exceptionnel (article 4 du Pacte) ou en cas d'état d'urgence (article 15 de la Convention). Ainsi, les diverses forces impliquées dans la lutte contre le terrorisme doivent se refuser à toutes formes de tortures quelles que soient les circonstances. Il peut sembler inutile de rappeler de telles évidences mais l'actualité antiterroriste, tant dans la base de Guantanamo qu'en Irak, nous montre que

ce paragraphe n'est malheureusement pas inutile, s'agissant même des pays a priori

respectueux des droits de l'homme.

Le droit à la vie est reconnu tant par le Pacte (Article 6) que par la Convention européenne (Article 2). Il est possible d'y déroger aux termes du droit international, pour les crimes les plus graves et conformément à la législation en vigueur au moment

où le crime a été commis dans le pays. Le droit européen a, par deux protocoles, complètement aboli (pour les Etats signataires de ces protocoles) la peine de mort. Le Protocole n°6 du 28 avril 1983 abolissait la peine de mort sauf pour des actes commis

en temps de guerre ou de danger imminent de guerre. Le Protocole n°13 du 3 mai 2002, qui n'est pas encore entré en vigueur, déclare que la peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté. Pour les Etats membres signataires144, le respect du droit à la vie est donc absolu et ne saurait connaître la moindre exception, même en temps de guerre et a fortiori en aucun cas pour la lutte contre le terrorisme.

Les garanties de procédures telles l'impartialité et l'indépendance des tribunaux (article

141 du Pacte, article 61 de la Convention), le respect de la présomption d'innocence

(article 142 du Pacte, article 62 de la Convention) et l'ensemble des droits que comprend la notion de procès équitable (qui sousentend que les suspects aient, au

144Le quorum de 10 signatures nécessaire à l'entrée en vigueur du Protocole n°13 n'est pas encore atteint.

On ne peut qu'espérer qu'il le soit rapidement.

moins, droit à un procès) (article 141 du Pacte, article 61 de la Convention) doivent évidemment, elles aussi, être respectées. Ces notions sont certainement les plus sensibles.

Par exemple, la présomption d'innocence, qui est un principe fondateur du droit pénal, semble être partiellement remis en question dans certains cas spécifiques. Pour illustrer

ce propos, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée prévoit dans son article 127 que Les États Parties peuvent envisager d'exiger que l'auteur d'une infraction établisse l'origine licite du produit présumé du crime ou d'autres biens pouvant faire l'objet d'une confiscation, dans la mesure où cette exigence

est conforme aux principes de leur droit interne et à la nature de la procédure judiciaire

et des autres procédures. Les Nations Unies légitiment donc la création d'une présomption légale145 de culpabilité dans certains cas. La France connaît déjà certains cas de présomption de culpabilité. Dans sa décision N° 99411 DC du 16 juin 1999 sur la Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs146, le Conseil constitutionnel a validé le principe des présomptions de culpabilité à quatre conditions : cellesci doivent être exceptionnelles, elles ne doivent pas avoir de caractère irréfragable, elles doivent respecter les droits de la défense et leur vraisemblance doit être déduite des faits. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a aussi accepté le recours à de telles pratiques notamment depuis l'arrêt Salabiaku147 pour peu qu'elles soient exceptionnelles, inscrite dans des limites raisonnables, prenant en compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de la défense. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'en matière de terrorisme des présomptions légales de culpabilité apparaissent

de plus en plus nombreuses.

Néanmoins, cette érosion de certaines garanties « classiques » de la procédure pénale ne

va pas à l'encontre de l'Etat de droit strictement défini, car les règles de droit sont modifiées et l'Etat respecte ces nouvelles règles.

145Par opposition aux présomption du fait de l'homme où un juge déduit d'un fait connu un fait inconnu

qui lui semble vraisemblable.

146Décision disponible sur http://www.conseilconstitutionnel.fr/wcconsti/WCC_debut.ow

147Arrêt Salabiaku c/ France, 07 octobre 1988, série A141A.

Les divers organes internationaux (Secrétaire général des Nations Unies, Conseil de sécurité...) et régionaux (Conseil de l'Europe...) rappellent le nécessaire respect de l'Etat

de droit dans la lutte contre le terrorisme. Ils considèrent, en effet, que l'Etat de droit est souvent mis à mal. Ces violations répétées par diverses nations signifieraientelles qu'il existe un antagonisme entre Etat de droit et lutte efficace contre le terrorisme ?

·Un antagonisme entre Etat de droit et lutte antiterroriste ? :

Pour le Secrétaire général des Nations Unies, la lutte contre le terrorisme ne doit jamais

être menée au prix de nos valeurs ni nous rabaisser au niveau des terroristes148. Si cette assertion était évidente, aucun Etat ne « franchirait jamais la ligne jaune ». Or, ce franchissement est de plus en plus fréquent, que l'on pense aux « extraordinary rendition » (« remise extraordinaire »), c'estàdire l'interpellation sans mandat d'arrêt judiciaire de suspects n'importe où dans le monde pour les conduire dans des prisons secrètes149, à l'utilisation de méthodes d'interrogatoire qui se rapprochent de la torture,

au maintien en détention de prisonniers sans la moindre charge notifiée150 ou à l'institution (plus ou moins légale) de tribunaux militaires d'exception. Ainsi, l'idée qu'une lutte efficace contre le terrorisme passe par l'abandon de certains principes et par

le nonrespect du droit semble partagée par nombres d'Etat, même parmi les plus exemplaires.

Personne ne pourrait justifier le sacrifice de millions de vies pour épargner à un meurtrier psychopathe un moment bref d'intense douleur, qu'il peut arrêter par son propre choix. Quand la menace est si énorme et la solution si simple, nous sommes tous dans le camp du personnage de Shakespeare selon lequel il n'y a pas de vertu plus

148« S'unir contre le terrorisme »,ibidem.

149Giulietto Chiesa « L'archipel des prisons secrètes de la CIA » Le monde Diplomatique, août 2006, p4.

150Ainsi par exemple de la détention depuis 3 ans de M. Ali alMarri, sans que la moindre charge ne lui

ait été notifiée ou qu'il ne soit poursuivi. Dossier complet sur ce cas disponible sur :

http://web.amnesty.org/library/index/engamr510952006.

grande que la nécessité151. Voici en résumé l'idée majeure des discours qui soutiennent

un sacrifice progressif de nos droits et libertés pour la lutte contre le terrorisme. Au soutien de cette thèse une évidence s'impose : la Chine, la Corée du Nord et les dictatures les plus féroces ne sont pas connues pour le nombre d'attaques terroristes sur leur sol, alors que toutes les démocraties ont connu et connaissent de nombreuses attaques. Mais quelles libertés pourraient être limitées ou abandonnées pour lutter efficacement contre le terrorisme ?

Si l'on s'en tient au discours de certains, de nombreuses libertés mériteraient d'être abandonnées, tels que :

·La liberté d'expression : Pour atteindre ses buts, le terrorisme s'appuie généralement sur l'important écho qui est donné à ses actes. Ainsi, l'abandon de la liberté de la presse (modalité de la liberté d'expression) devrait pouvoir réduire l'impact des attentats terroristes et donc du message que leurs auteurs désirent délivrer. La liberté d'expression peut être mal utilisée : certains peuvent s'en servir pour inciter au terrorisme ou pour exprimer des idées qui pourraient éventuellement légitimer certains actes terroristes. L'abandon complet de la liberté d'expression serait alors probablement efficace.

·Le droit au respect de la vie privée et familiale : il inclut le respect des correspondances privées qui représente une vraie « gène » pour les forces de l'ordre.

Si ces dernières pouvaient écouter les conversations, lire les courriers (électronique

et papiers) et sonoriser les lieux d'habitation, les complots terroristes seraient alors beaucoup plus souvent déjoués.

·L'interdiction de la torture semble limiter l'efficacité des forces de l'ordre lorsqu'elles ont à faire à un terroriste (le classique exemple de la bombe à retardement). Ainsi, l'usage de la violence physique permettrait d'augmenter le

151Steve Chapman, Washington Times, cité par Alan M. Dershowitz, Why Terrorism works, Yale

University Press, p 105, traduction libre.

nombre d'informations obtenues par les forces de l'ordre et cela en raccourcissant le temps d'obtention de ces informations.

·La liberté de mouvement : Si on restreignait ou interdisait aux individus de quitter

le territoire national ou leur ville natale, chaque personne pourrait être retrouvée à chaque instant. En outre, cette limitation couplée avec l'abandon de la liberté d'expression empêcherait les idées terroristes de se répandre. On peut aller encore plus loin et imaginer de poser un bracelet électronique au poignet de chaque citoyen pour le suivre à tout moment et prévenir, éviter les attentats

·Les procès secrets : une des difficultés auxquelles les forces de l'ordre font face est

de devoir dévoiler leurs preuves en public et devant un jury. Ce faisant, elles peuvent perdre un avantage difficilement acquis (l'infiltration d'un agent par exemple) ou dévoiler des connaissances qu'elles désireraient garder secrètes. Il serait donc beaucoup plus simple de supprimer l'exigence de publicité des procès et d'avoir une confiance aveugle dans nos forces de l'ordre, juges et Procureurs.

·Les punitions collectives : une fois toutes les libertés cidessus brimées, seules les terroristes suicide seraient encore prêt à commettre des attaques. Pour les en empêcher, il conviendrait d'éliminer toute leur famille, leur voisins et leurs amis afin

de les dissuader de passer à l'acte.

·Les assassinats ciblés: Pour prévenir de futurs actes terroristes, il pourrait aussi être plus simple d'« éliminer » directement ceux dont on pense qu'ils peuvent avoir un rôle dans la planification, la préparation ou la justification morale de tels attentats.

·Les guerres préventives : si malgré tous ces abandons et tous ces sacrifices de nos sociétés libres, le terrorisme continue, alors cela signifie que d'autres Etat le soutiennent. Il devient alors légitime de faire la guerre à ces Etats qui soutiennent ou

L'incitation aux actes de terrorisme sponsorisent le terrorisme.

Cette énumération des libertés et droits qui pourraient être sacrifiés pour une lutte contre le terrorisme « efficace » est un exemple non exhaustif et théorique.

Cependant, nos démocraties prennent petit à petit des mesures qui tendent vers la limitation de ces libertés et cela en n'éradiquant pas le terrorisme. Certaines mesures ont dépassé le cadre légal qui s'impose aux Etats, posant de nombreux problèmes : une fois

la ligne rouge de la légalité franchie pour une « bonne cause »152 qu'estce qui empêchera de la franchir de nouveau pour une cause un peu moins « noble » ? Comment définiton la « bonne cause » ? Si les mesures sont illégales, les actions qui se déroulent hors cadre sont alors décidées dans la plus grande confidentialité et la plus stricte illégalité, sans contrepouvoir, ni vérification possible. Ainsi, progressivement et insidieusement, nous pourrions nous retrouver dans un Etat où certaines administrations

ne respecteront plus la loi, donc dans un Etat de non droit.

En d'autres termes, si certains estiment que le droit actuel n'est pas en adéquation avec une lutte efficace contre le terrorisme, ils doivent le dire, militer et utiliser le processus démocratique pour modifier le cadre légal, tel Dan Fried pour qui le système légal en place est incompatible avec la nouvelle bataille qu'exige cette guerre153. Il est particulièrement dangereux de juger inacceptable l'invocation des droits humains s'agissant de présumés terroristes154 comme le Viceprésident des EtatsUnis et son Ministre de la défense. A trop abandonner nos libertés, nous risquons de légitimer, après coup, le discours terroriste et donc de délégitimer notre lutte.

Il faut néanmoins se garder de l'angélisme et notre système juridique peut être modifié afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme sans pour autant abandonner ou porter une atteinte à nos droits fondamentaux.

152 Se pose aussi le problème de la définition de la « bonne cause ».

153Dan Fried sousSecrétaire d'Etat américain cité par Giulietto Chiesa « L'archipel des prisons secrètes

de la CIA » ibidem.

154Cité par Giulietto Chiesa « L'archipel des prisons secrètes de la CIA »ibidem.

B.Les moyens de la lutte :

La lutte contre le terrorisme est passée d'une approche purement réactive,

incriminant les attentats terroristes, à une approche préventive, incriminant la participation, l'organisation et le financement d'actes terroristes, la participation à des groupes terroristes et finalement la volonté d'incrimination de l'incitation.

Cette modification de « philosophie » pénale doit se retranscrire dans nos lois pour que cette approche préventive ne reste pas lettre morte. Il convient de s'interroger sur les modifications qui peuvent s'avérer nécessaires, tant au niveau du droit pénal substantiel

(1) qu'en ce qui concerne le droit pénal processuel (2).

1.L'utilisation du droit pénal :

Le droit pénal français dans l'article 24 de la loi sur la presse de 1881 incrimine

l'apologie et la provocation directe aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre

IV du code pénal. Il convient de connaître le régime juridique de cette incrimination avant de s'interroger sur les éventuelles améliorations possibles de cet article.

·Régime juridique :

Avant de s'intéresser à l'article 24 en particulier, il convient de comprendre la

philosophie de la loi sur la presse telle que consolidée. Elle s'articule autour de quatre grandes spécificités :

·Un régime administratif de la presse écrite exempt de tout contrôle préalable, comportant une obligation de déclaration auprès du Procureur de la République et des formalités de dépôt des publications périodiques.

·La définition de diverses infractions (diffamation, provocation aux crimes et

délits...), visant à instituer un équilibre entre la liberté d'expression et la protection des personnes, susceptibles d'être caractérisées quel que soit le support et le moyen

de l'expression (écrit, parole ou image sur la voie publique, la presse, la télévision...). La seule condition exigée tient à la publicité portant l'infraction à la connaissance d'autrui.

·L'établissement d'un régime de responsabilité pénale spécifique, instituant une présomption de responsabilité du directeur de la publication.

·La mise en place d'un régime procédural particulier, dérogeant au droit commun, avec des règles contraignantes limitant les poursuites, notamment une prescription des infractions réduites à trois mois, afin de protéger la liberté de la presse.

La caractérisation des infractions de l'article 24 réclame que le propos ou l'écrit soit mis

à la disposition du public. Les modes de mise à disposition du public sont limitativement énumérés à l'article 23 de la loi. Il s'agit, pour l'expression orale, d'une prise de parole dans des lieux ou réunions publics. Pour l'expression écrite, il s'agit de la distribution, de la mise en vente ou de l'exposition d'écrits ou d'image et de tous moyens

de communication audiovisuel : Internet, radio, télévision. Les actes justiciables de la police de la presse sont donc l'ensemble des atteintes commises par tous les moyens de communication.

L'écrit étant le plus ancien, l'imprimerie a suscité le besoin de réglementer de tels comportements dommageables, ce à une plus grande échelle que ne le permettait auparavant la voie orale. C'est sur le modèle du droit de la presse qu'ont été calquées toutes les autres dispositions valant pour l'audiovisuel et le droit régissant les expressions orales en public. Le droit de la presse a inspiré avec les aménagements propres aux spécificités des autres médias les autres types de réglementation, notamment le fait que des débats puissent être diffusés en direct sans contrôle préalable d'une rédaction. Cependant, le droit de la presse règne encore en raison de son

L'incitation aux actes de terrorisme antériorité et de l'élaboration éprouvée de ses mécanismes.

La loi a posé comme corollaire de la liberté de communication, le principe d'une présomption de responsabilité pénale du directeur de la publication, liée à l'exercice de

la responsabilité éditoriale. Elle a, ainsi, souhaité protéger l'individu en lui offrant un interlocuteur unique et identifiable, puisque le nom du directeur de la publication doit être mentionné sur chaque revue. Le directeur de la publication, présumé responsable,

est censé avoir eu connaissance des écrits et en avoir approuvé la publication. La poursuite des autres participants à l'infraction de presse est exercée selon le droit commun de la complicité (article 1217 du code pénal).

Cette responsabilité ne joue que pour les infractions définies dans la loi de 1881 ainsi que pour les infractions prévues par le code pénal pour lesquelles il a été prévu un renvoi à cette responsabilité spécifique.

L'exercice de l'action publique et la procédure devant la juridiction de jugement sont régis par des règles très spécifiques et contraignantes limitant les poursuites.

Règles de prescription : l'article 65 prévoit que l'action publique et l'action civile résultant des infractions prévues par la loi se prescrivent par trois mois révolus à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait (délit instantané et non continu). Cette courte prescription a

été établie dans l'intérêt de la presse articles de journaux, émissions de radio et de télévision ayant un caractère éphémère. Les poursuites ne doivent pas avoir lieu alors que l'effet nocif de l'article a depuis longtemps disparu.

En outre, l'article 652 prévoit que le délai de prescription de trois mois des actions publiques et civiles fondées sur une infraction prévue par la loi du 29 juillet 1881 est

rouverte au profit d'une personne mise en

cause sur des faits pouvant être qualifiés

pénalement, à compter d'une décision pénale définitive intervenue sur ces faits et la mettant hors de cause.

La jurisprudence a, un temps, hésité à ne pas faire jouer cette prescription raccourcie pour Internet mais la Cour de Cassation a refusé cette dangereuse innovation155.

Action du ministère public : conformément au principe de droit commun, la poursuite des délits et contraventions par la voie de la presse relève de l'action du ministère public. Six exceptions ont, toutefois, été prévues par l'article 48 de la loi où une plainte préalable conditionne l'exercice de l'action publique par le parquet (par exemple les injures ou diffamations envers les cours, tribunaux et aux chefs d'Etat étrangers).

Nature des infractions : aux termes de la jurisprudence, les infractions de la loi de 1881

sont des infractions politiques156, ainsi le régime dérogatoire des infractions s'applique.

·Les infractions :

L'article 24157 alinéa 5 de la loi de 1881 puni de cinq ans d'emprisonnement et de

45 000 € d'amende ceux qui par divers moyens énumérés plus haut auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou ceux qui en auront fait l'apologie.

Un premier problème se pose : afin d'être punissable estil nécessaire que cette provocation ait été suivie d'effet ? Une lecture stricte de cet article laisse penser que l'alinéa premier, qui précise que la provocation est punie (qu'elle soit ou non suivie d'effet est punissable), ne s'applique que pour les points 1 et 2. Une autre interprétation

155Cour de Cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2001, pourvoi n° 0085728.

156Cour de Cassation, Chambre criminelle, 24 mai 2005, pourvoi n°0486181, Inédit

157 Article 24

Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :

(...)

Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.

(...)

est possible : l'article 23 punit la provocation suivie d'effet, ainsi l'article 24 en entier punirait la provocation non suivie d'effet. C'est dans ce sens que la jurisprudence s'est prononcée158.

Il y a deux infractions distinctes : la provocation et l'apologie.

L'élément matériel de ces infractions est la mise à disposition du public par divers moyens de provocation et d'apologie d'actes de terrorisme.

La provocation est définie comme une manoeuvre consciente qui a pour but de surexciter les esprits et de créer la mentalité qui appelle à l'infraction159. L'apologie n'est pas définie directement par la jurisprudence, néanmoins dans le jugement impliquant M. Mbala Mbala Dieudonnée160 poursuivi pour complicité d'apologie directe

et publique d'un acte de terrorisme, les juges indiquent que tout débat relatif à la justification, ou non, de l'attentat s'avérant dés lors exclu (...) les termes poursuivis ne saurait constitué l'apologie d'acte de terrorisme (...). Ainsi, indirectement, les juges indiquent que l'apologie est la justification. D'autres jugements sont plus larges dans leur approche de l'apologie : par exemple, présenter un vol comme un exploit digne d'approbation et souhaiter que son auteur échappe à toute sanction161 ou encore, publier

un texte de nature à inciter ses lecteurs à porter un jugement moral favorable aux dirigeant du parti nazi162. constituent le crime d'apologie. En droit français, l'apologie semble donc inclure la justification ellemême et l'éloge de l'acte ou de ses auteurs. L'apologie peut, à la différence de la provocation, constituer une infraction même si elle

est indirecte163.

L'élément moral de la provocation et de l'apologie n'est pas directement exprimé dans le

158Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 29 octobre 1936, Bull crim n°104

159Tribunal Correctionnel de Paris, 15 avril 1986, Revue de Science criminelle, 1987, n°209

160Tribunal Correctionnel de Paris, 11 juillet 2003, affaire n° 02063000012, Inédit

161Cour de Cassation, Chambre criminelle, 02 novembre 1978, Bull n°294.

162Cour de Cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 1971, Bull n° 14 ; Dalloz, 1971, n°101.

163 Tribunal Correctionnel de Paris, 25 février 1959, Dalloz, 1959, n°552

texte d'incrimination. Néanmoins, pour la jurisprudence, l'élément intentionnel de la provocation réside dans la volonté de l'auteur de créer, par un acte provoquant directement au crime, l'état d'esprit propre à susciter ce crime164. Il s'agit donc d'un dol spécial. En ce qui concerne l'apologie, la jurisprudence ne définit pas l'élément intentionnel. Il semble néanmoins évident qu'il s'agit d'une infraction volontaire. L'existence d'un dol spécial est plus problématique. S'il en existe un, il s'agirait de la volonté de l'auteur de justifier ou de faire l'éloge d'un acte terroriste ou de faire l'éloge d'un terroriste.

·Les améliorations possibles :

La France est partie à 12 des instruments universels contre le terrorisme165. Les résolutions 1373 (2001) et 1546 (2003) et 1566 (2004) Conseil de sécurité des Nations Unies, en leurs parties prise sous l'égide du chapitre VII de la Charte des Nations Unies s'impose à elle comme pays membre. La résolution 1624 (2005) n'est pas contraignante

et ne s'impose donc pas à la France, toutefois, son poids politique est tel166 que la conformité des lois françaises à son égard doit être évoquée. La France a signé la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme qui définit en son article 5 la provocation publique à un acte terroriste. Elle devrait bientôt la ratifier. En sus, en tant que membre de l'Union Européenne, elle est tenu de respecter les décisions cadre du Conseil européen. Ainsi, en vertu du paragraphe 4 de la décisioncadre du 13 juin 2002167 relative à la lutte contre le terrorisme, la France doit prendre les mesures nécessaires pour que soit rendu punissable le fait d'inciter des infractions visées dans la décisioncadre.

Les éventuelles améliorations à apporter au cadre juridique français concernant l'incitation ne seront étudiées que visàvis des obligations (ou futures obligations) de la France. La conformité de la législation française visàvis des instruments universels

164Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 29 Octobre 1936, ibidem

165La France est partie à tous les instruments négociés avant 2005 et a signé la convention pour la répression du terrorisme nucléaire (2005).

166 Cf. partie IA 1 Sources internationales de l'incitation de ce mémoire.

167 ibidem

L'incitation aux actes de terrorisme contre le terrorisme ne sera pas directement étudiée.

La résolution 1624 (2005) du Conseil de sécurité des Nations Unies dans son article 1

paragraphe 1 appelle tous les États à adopter des mesures qui peuvent être nécessaires

et appropriées et sont conformes aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, pour interdire par la loi l'incitation à commettre un ou des actes terroristes. La législation française interdit, par la loi pénale, les incitations aux actes de terrorisme. Son incrimination respecte les obligations qui lui incombent en vertu du droit international (liberté d'expression par exemple). Ainsi, la loi française est en parfaite conformité avec les dispositions de la résolution 1624 (2005).

Les résolutions 1373 (2001), 1546 (2003) et 1566 (2004) imposent de traduire en justice

les auteurs d'actes d'appui aux actes de terrorisme, en application du principe Aut Dedere Aut Judicare. Or, l'incitation à la commission d'actes de terrorisme peut être interprétée comme un acte d'appui à des actes de terrorisme168. Selon une jurisprudence constante, la justice française considère que les infractions de presse (donc l'infraction d'incitation à la commission d'actes terroristes) sont des infractions politiques169. En conséquence, la France, qui refuse l'extradition en matière d'infraction politique, peut refuser d'extrader une personne présente sur son territoire auteur d'une incitation à des actes terroristes. L'article 1132 du code pénal indique que la loi pénale française s'applique aux infractions commises sur le territoire de la République. L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs

a eu lieu sur ce territoire. De la sorte, si aucun des éléments constitutifs de l'infraction n'est effectué sur son territoire, la loi française ne s'applique pas et les juges français ne sont pas compétents. Or, l'élément matériel de ces infractions est la mise à disposition

du message d'incitation. Il suffit donc que le message n'ait pas été mis à la disposition

du public en France par la personne présente sur son territoire pour que la France ne soit pas compétente et risque de ne pas être en accord avec ses engagements internationaux

168 Cf. partie IA2 Sources juridiques internationales de l'incitation de ce mémoire.

169 A titre d'exemple Cour de Cassation, Chambre criminelle, 24 mai 2005, 0486181, Inédit

car elle ne pourrait ni extrader, ni juger l'incitateur.

Il conviendrait, par conséquent, de dénier le caractère d'infraction politique à l'incitation

à la commission d'actes terroristes170 ou de prévoir que la France se reconnaisse compétente pour toutes les incitations aux actes terroristes où qu'ils soient commis. Mais cela poserait le problème de la compétence universelle en matière de terrorisme... Une solution plus simple pourrait être d'insérer dans le code de procédure pénale à la suite des articles 6891 et suivants qui créent des cas de compétences spécifiques, un article ainsi libellé :

Pour l'application de la convention européenne pour la prévention du terrorisme, signée à Varsovie le 16 mai 2005 et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l'article

6891 toute personne coupable de l'une des infractions suivante : l'incitation aux actes

de terrorisme telle prévue à l'article 24 de la loi sur la liberté de la presse de 1881171.

La décisioncadre du Conseil européen relative à la lutte contre le terrorisme172 indique que les Etats doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit rendu punissable le fait d'inciter à commettre une infraction visée par la décision. Ce texte laisse, en conséquence, toute latitude aux Etats pour définir le type d'incitation répréhensible (directe ou indirecte, intentionnelle ou non, susceptible de créer un risque

de commission de l'acte terroriste ...). Il est, en revanche, nécessaire que cette incitation s'applique à tous les actes définis dans l'article 1 paragraphe 1 et dans les articles 2 et 3

de la dite décisioncadre. Ainsi, pour que la loi française soit en conformité avec ce texte, relativement à l'incitation, il faut et il suffit que l'incitation à tous les actes contenus dans le paragraphe 1 de l'article 1 et dans les articles 2 et 3 soient incriminés.

170En toute occurrence, les derniers instruments universels contre le terrorisme et l'Assemblée générale

de l'Organisation des Nations Unies (résolution 49/60) indiquent que des motifs politiques ne sauraient

en aucune manière justifier des actes de terrorisme. Il semble donc logique qu'il en soit de même pour les actes d'incitation.

171Il pourrait en être de même pour les autres infractions telles que le recrutement et l'entraînement mais

cela n entre pas dans le cadre de cette réflexion.

172 Dans l'article 4 de la décisioncadre du Conseil européen relative à la lutte contre le terrorisme. cf partie IA2iii L'incitation aux actes de terrorisme telle que définie par la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme de ce mémoire.

L'article 24 de la loi de 1881 incrimine les incitations aux actes du titre 2 du Livre IV (articles 4211 et suivants) du code pénal. Or, le titre 2 n'inclut pas dans son champ d'application :

·La provocation d'inondations173 ayant pour effet de mettre en danger la vie humaine

(car cette infraction n'existe pas en droit français).

·La perturbation ou l'interruption de l'approvisionnement en eau, en électricité ou tout autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines174

·La menace de la commission175 des diverses infractions n'est pas non plus incriminée.

La mise en danger de la personne prévue à l'article 2231 du code pénal qui aurait pu être utilisée afin de pallier au manque d'incrimination spéciale, n'est pas non plus visée par les articles 421 et suivants du code pénal.

De la sorte, la France ne respecte pas ses obligations vis à vis de l'Union Européenne. Il suffirait pour remédier à cela que l'article 2231 soit visé par l'article 4211.

La Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme fait obligation aux Etats parties d'incriminer la diffusion ou tout autre forme de mise à disposition du public d'un message, avec l'intention d'inciter à la commission d'infractions terroristes (définies comme l'une des infractions contenues dans les 10 instruments universels contre le terrorisme négociés avant 2005 qui contiennent des infractions) lorqu'un tel comportement, qu'il préconise directement ou non la commission d'infraction

terroristes176, crée un danger qu'une ou plusieurs de ces infractions puissent être

173 Article 11g de la décisioncadre.

174 Article 11h de la décisioncadre.

175 Article 11i de la décisioncadre.

176 Souligné par l'auteur de ce mémoire.

commises.

Les actes dont l'incitation doit être réprimée ne sont pas, ici, étudiés177. Seul la définition de l'incitation est analysée. Il est expressément mentionné dans l'article 5 de

la Convention qu'il est sans conséquence que l'incitation soit directe ou non. Or, les articles 23 et 24 de la loi de 1881 ne répriment la provocation à la commission d'une infraction que si elle est directe. Toutefois, l'article 24 alinéa 5 (qui incrimine l'incitation aux actes de terrorisme) punit, en plus de la provocation, l'apologie aux actes de terrorisme. Or le délit d'apologie se trouve constitué dés lors que l'apologie est présentée sous une forme indirecte178. De plus, comme vu précédemment (IIB1) l'apologie est une infraction aux contours assez flous (elle peut inclure tant la justification d'un acte, que l'éloge d'un acte ou de son auteur, cette liste n'étant pas exhaustive). Sur ce point, la loi française est conforme aux attentes de la convention.

Le droit pénal français permet donc, en l'état, de lutter contre l'incitation aux actes de terrorisme. Néanmoins afin d'atteindre une parfaite conformité aux attentes du droit international et du droit européen, il conviendrait d'effectuer de légères modifications. Cependant, l'incrimination de l'incitation seule ne suffit pas pour lutter, il faut donner par la suite les moyens aux forces de l'ordre et aux autorités de poursuite de prouver les faits d'incitation et donc de modifier notre procédure pénale.

2)Le droit processuel :

Par définition, l'approche préventive qui caractérise la lutte contre le terrorisme,

en général, et l'incrimination de l'incitation, en particulier, tente d'apporter une réponse pénale avant que l'acte terroriste violent (l'attentat, le détournement, la prise d'otage...)

ne soit commis. Par conséquent, les moyens d'obtention des preuves doivent évoluer.

177 Leur étude ne permettrait pas à ce mémoire de respecter le format imposé et montre que la France se conforme en grande partie attentes des conventions en ce qui concerne les actes (certains problèmes subsistent en matière de protection physique des matières nucléaires et en matière de financement.

178 Paris, 25 février 1959 Dalloz, 1959, n°552

Avant tout, il est nécessaire de rappeler que les éventuelles modifications de notre procédure devront respecter l'ensemble des droits de l'homme, reconnus par la France, en particulier l'interdiction de la torture, qui ne souffre aucune exception tant aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qu'aux termes de

la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, l'ensemble des droits que recouvre la notion de procès équitable doivent être respectés (droit à l'information du mis en cause sur les charges qui pèsent contre lui, le temps et les facilités nécessaires pour préparer sa défense...). Le principe du respect de la présomption d'innocence ne doit pas non plus être oublié. La jurisprudence européenne autorise certaines limitations à ces divers droits et principes, dans une certaine mesure, tant que leur modalité d'application est modifiée mais que

leur principe n'est pas remis en cause.

Diverses méthodes peuvent être utilisées pour obtenir des informations. Seules l'infiltration, l'utilisation de méthodes techniques permettant l'interception de communications, la sonorisation, la fixation d'images et les incitations à témoigner seront étudiés ici. Ces méthodes existent déjà en droit français.

·L'infiltration, les interceptions de correspondances, la sonorisation et la

fixation d'images179 :

La loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a, soit

introduit ces possibilités, soit élargi leurs champ d'application. Il est nécessaire d'étudier une à une ces diverses possibilités offertes aux forces de l'ordre.

179 Les développements qui suivent doivent beaucoup à « l'administration de la preuve sous l'influence des techniques et des technologies » par Fabien Jobard et Niklas SchulzeIcking, Etudes et données pénales, n°94, 2004. disponible sur le site du CESDIP (Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales) http://www.cesdip.com et aux Cahiers du Conseil Constitutionnel, n°16 relatif à la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, disponible sur le site du Conseil Constitutionnel http://www.conseilconstitutionnel.fr/cahiers/ccc16/jurisp492.htm

L'article 70673 du code de procédure pénale énumère de façon exhaustive les quinze types de crimes et délits auxquels ces procédures particulières peuvent s'appliquer et délimite ainsi le champ d'application de ces mesures. L'alinéa 11 inclut les actes de terrorisme prévus aux articles 4211 à 4216 du code pénal. L'incitation aux actes de terrorisme n'est pas prévu par cet article. L'article 70674 élargit ce champ et prévoit que ces procédures peuvent s'appliquer lorsque la loi le prévoit aux crimes et délits commis en bande organisée autre que ceux relevant de l'article 70673. L'article 24 de

la loi de 1881 ne prévoit nullement que ces procédures spéciales puissent s'appliquer. Ainsi, les techniques spéciales de sonorisation, fixation des images et d'infiltration ne peuvent pas du tout s'appliquer à l'incitation. Or, il est particulièrement difficile d'obtenir des preuves d'une incitation menée même en public si l'orateur sait que des agents des forces de l'ordre écoutent. Il serait donc plus judicieux de remédier à cet état

de fait et d'inclure les incitations aux actes de terrorisme dans le champ d'application des mesures spéciales.

Le champ d'application écoutes téléphoniques n'a été élargies que par la loi de 2004 ; la

loi du 10 juillet 1991 permettant et encadrant le recours à de telles pratiques. Ainsi, pour être permises, les écoutes téléphoniques ne doivent pas forcément entrer dans le champ d'application des article 40673 et 70674. Cette loi autorise le recours à des interceptions téléphoniques dans le cadre de commission rogatoire et pour des crimes et délits punis de plus de deux ans d'emprisonnement. Les autorisations d'écoutes ne sont délivrées que pour quatre mois renouvelable une fois. Ce texte de 1991 encadre une pratique jusquelà utilisée par la police et pour laquelle la France avait été condamnée à

de nombreuse reprises par la Cour européenne des droits de l'homme180. Ces écoutes pourraient, a priori, être pratiquées, mais ces techniques ne sont pas particulièrement pertinentes pour l'incitation qui n'est punissable que si elle se déroule en public.

180 Par exemple, Arret Kruslin c/ France, rendus le 24 avril 1990, ibidem

·Inciter au témoignage

La participation des témoins impliqués dans des actes criminels dépend de deux

facteurs : le premier est leur vulnérabilité sur le plan pénal (risquentils une condamnation à une peine lourde ?), le second est l'existence de moyens légaux pour les motiver. Pour ce faire, la France dispose, a priori, de deux atouts : un atout général qui

est le principe d'opportunité des poursuites et un atout spécifique au terrorisme qui est

la réduction ou l'exemption de peine prévues aux articles 4221 et 4222 du code pénal.

Le principe d'opportunité des poursuites s'oppose au principe de légalité qui veut que toute infraction soit systématiquement poursuivie. En France, il est consacré par l'article

40 alinéa premier et 401 du code de procédure pénale. Il permet au Parquet, après s'être assuré que le comportement dont il est saisi est une infraction réprimée par la loi pénale (qualification des faits) et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, d'apprécier de la suite à donner. C'est ce qui autorise le Parquet à classer sans suite dès lors que les circonstances particulières liées

à la commission des faits le justifient. Cette expression issue de l'article 401 est vague

et elle semble n'inclure que des circonstances liées aux faits et non pas à l'auteur des faits ou à un complice. Ainsi, le système de l'opportunité des poursuites tel qu'il existe

en France ne semble pas permettre d'inciter au témoignage.

Les articles 4221 et 4222 du code pénal prévoient des exemptions ou remises de peines pour les auteurs d'actes terroristes lorsqu'ils ont averti les autorités administratives ou judiciaires et ainsi empêché soit la réalisation de l'acte, soit des conséquences funestes

et le cas échéant d'identifier les autres coupables. Or, l'incitation aux actes de terrorisme n'est pas un acte terroriste, donc cette incitation au témoignage ne peut pas non plus s'appliquer.

Il conviendrait donc de permettre aux autorités de poursuites d'utiliser ces diverses

méthodes contre les auteurs d'incitation, que ce soit les méthodes spéciales réservées à

la lutte contre la criminalité organisée ou les incitations à témoigner. Cependant, une fois ces problèmes résolus, il faudra s'assurer que les preuves ainsi obtenues puissent être valablement utilisées lors d'instance judiciaire.

Conclusion

L'incitation aux actes de terrorisme couvre divers comportements : l'éloge des actes

terroristes, leurs auteurs et la justification (ou l'apologie) de ces actes. Elle prend également en compte la motivation et la provocation aux actes de terrorisme. Cependant, cette notion n'est pas infiniment extensible. Ce n'est pas une autre forme de complicité par provocation et elle ne peut être utilisée pour punir le recrutement en vue

de commettre des actes terroristes.

Pour inciter, les auteurs disposent de plusieurs moyens. Certains nécessitent un contact direct entre l'incité et l'incitateur (utilisation d'association et de lieux de réunion) d'autres utilisent le recours à des médias : radio, journaux ou télévision. Ces moyens sont relativement simples à contrôler et le principal problème concerne « Internet » et son caractère international et ouverts à tous (donc aux éventuels incitateurs). Les législations actuelles sur Internet n'adoptent pas de méthode crédible de régulation de ce média. En effet, elles se focalisent sur une responsabilisation des prestataires techniques pour que ces derniers empêchent l'accès au contenu illicites, alors qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, de procédés techniques pratiques qui permettent un tel contrôle.

En France, une lutte efficace contre l'incitation passe par l'élargissement des mesures spéciales autorisées dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme (infiltration, sonorisation, captation d'image...), mais ces mesures sont potentiellement dangereuses pour nos libertés. Elles nécessitent donc un encadrement strict des motifs d'utilisation et un contrôle important de leur utilisation. Or, le contrôle

de ces mesures est confié au juge d'instruction et/ou au procureur. La question est donc

de savoir si ces encadrements seront suffisants.

Si les mesures spéciales autorisées dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme doivent être élargies à l'incitation, il convient alors que la définition de cet acte soit stricte et ne laisse pas de place à l'interprétation. Ceci paraît

difficile puisque la loi française utilise aujourd'hui une notion d'apologie plus large que son sens premier (la justification) et qui est mal définie. Ceci est d'autant plus regrettable que, d'un point de vue juridique, l'Europe s'est dotée d'une définition intéressante et complète de l'incitation aux actes de terrorisme. Il s'agit de la diffusion

ou toute autre forme de mise à disposition du public d'un message, avec l'intention d'inciter à la commission d'une infraction terroriste, lorsqu'un tel comportement, qu'il préconise directement ou non la commission d'infractions terroristes, crée un danger qu'une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises. Cette définition permet

de réprimer toute incitation publique (directe ou indirecte), lorsqu'elle est dangereuse

(c'estàdire susceptible de faire commettre un de ces actes).

Il reste à espérer qu'en cas d'abus, le « dernier rempart », que constitue la Cour européenne des droits de l'homme, puisse jouer pleinement son rôle. Le point sensible résidera dans l'interprétation de la Cour des droits et libertés proclamés par la Convention. En effet, celleci se livre à une interprétation dynamique181 (recours à des notions autonomes, découvertes de droits inhérents, utilisation de l'interprétation évolutive...). Même si cela ne manque pas d'avantage, reste le problème de la dépendance du contenu des droits reconnu par la Convention par rapport à l'opinion des juges qui composent la Cour et interprétent ces droits. En effet, l'opinion est souvent, au moins partiellement, influencée par les discours dominants et les orientations politiques globales, qui, aujourd'hui, pour lutter contre le terrorisme, tendent à légitimer une perte certaine de nos libertés au profit d'une augmentation de notre sécurité. Nos sociétés saurontelles relever ce défi ? Pourronsnous résister à la tentation du tout sécuritaire ?

181 Lire, à ce propos, l'allocution de Antônio Augusto Cançado Trindade, Président de la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme lors de la cérémonie de rentrée 2004 de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Disponible sur :

www.echr.coe.int/.../0/2004 Wildhaber_Cancado_Trindade_BIL opening_legal_year.pdf

Annexe 1 :

Infractions relatives à l'aviation civile, navires et platesformes fixes

I) Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs (La Haye, 1970) :

Article 1 (Les infractions)

Commet une infraction pénale (ciaprès dénommée «l'infraction») toute personne qui, à

bord d'un aéronef en vol,

(a) illicitement et par violence ou menace de violence s'empare de cet aéronef ou en exerce le contrôle ou tente de commettre l'un de ces actes, ou

(b) est le complice d'une personne qui commet ou tente de commettre l'un de ces actes.

II) Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile (Montréal 1971) et Protocole pour la répression des actes illicites

de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile, complémentaire à la Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile (Montréal 1988)

Article 1 ( Les infractions) :

Commet une infraction pénale toute personne qui illicitement et intentionnellement: accomplit un acte de violence à l'encontre d'une personne se trouvant à bord d'un aéronef en vol, si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de cet aéronef,

détruit un aéronef en service ou cause à un tel aéronef des dommages qui le rendent inapte au vol ou qui sont de nature à compromettre sa sécurité en vol;

place ou fait placer sur un aéronef en service, par quelque moyen que ce soit, un

dispositif ou des substances propres à détruire ledit aéronef ou à lui causer des dommages qui le rendent inapte au vol ou qui sont de nature à compromettre sa sécurité

en vol;

détruit ou endommage des installations ou services de navigation aérienne ou en perturbe le fonctionnement, si l'un de ces actes est de nature à compromettre la sécurité d'aéronefs en vol;

communique une information qu'elle sait être fausse et, de ce fait, compromet la sécurité

d'un aéronef en vol.

l bis. Commet une infraction pénale toute personne qui, illicitement et intentionnellement, à l'aide d'un dispositif, d'une substance ou d'une arme:

accomplit à l'encontre d'une personne, dans un aéroport servant à l'aviation civile internationale, un acte de violence qui cause ou est de nature à causer des blessures graves ou la mort; ou

détruit ou endommage gravement les installations d'un aéroport servant à l'aviation civile internationale ou des aéronefs qui ne sont pas en service et qui se trouvent dans l'aéroport ou interrompt les services de l'aéroport,

si cet acte compromet ou est de nature à compromettre la sécurité dans cet aéroport

Commet également une infraction pénale toute personne qui:

tente de commettre l'une des infractions énumérées au paragraphe 1er ou 1 bis du présent article;

est le complice de la personne qui commet ou tente de commettre l'une de ces infractions.

III. Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Rome 1988) telle que modifiée par le Protocole relatif à la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation

maritime (2005)

Article 3 (Les infractions) :

Commet une infraction au sens de la présente convention, toute personne qui, illicitement et délibérément:

s'empare d'un navire ou en exerce le contrôle par violence ou menace de violence; ou accomplit un acte de violence à l'encontre d'une personne se trouvant à bord d'un navire,

si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de la navigation du navire; ou

détruit un navire ou cause à un navire ou à sa cargaison des dommages qui sont de nature à compromettre la sécurité de la navigation du navire; ou

place ou fait placer sur un navire, par quelque moyen que ce soit, un dispositif ou une substance propre à détruire le navire ou à causer au navire ou à sa cargaison des dommages qui compromettent ou sont de nature à compromettre la sécurité de la navigation du navire; ou

détruit ou endommage gravement des installations ou services de navigation maritime

ou en perturbe gravement le fonctionnement, si l'un de ces actes est de nature à

compromettre la sécurité de la navigation d'un navire; ou

communique une information qu'elle sait être fausse et, de ce fait, compromet la sécurité

de la navigation d'un navire; ou

Commet également une infraction pénale toute personne qui menace de commettre l'une quelconque des infractions prévues aux alinéas 1 b), c) et e), si cette menace est de nature à compromettre la sécurité de la navigation du navire en question, ladite menace étant assortie ou non, en vertu du droit interne, d'une condition afin de contraindre une personne physique ou morale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.

Article 3 bis :

Commet une infraction au sens de la présente convention, toute personne qui, illicitement et délibérément:

Lorsque cet acte, par sa nature ou son contexte, vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque:

Utilise contre ou a bord d'un navire, des explosifs, des matières radioactives ou des armes BCN, d'une manière qui provoque ou risque de provoquer la mort ou des dommages corporels ou matériels graves

Déverse, à partir d'un navire, des hydrocarbures, ou d'autres substances nocives ou potentiellement dangereuses, qui ne sont pas visées á l'alinéa a) 1), en quantités ou concentration qui provoquent ou risquent de provoquer des dommages corporels ou matériels graves ; ou

Utilise un navire d'une manière qui provoque la mort ou des dommages corporels ou matériels graves ; ou

Menace de commettre l'une quelconque des infractions visées à l'alinéa a) I. II. III., ladite menace étant assortie ou non, en vertu du droit interne, d'une condition ; ou

Transporte à bord d'un navire

Des explosifs ou des matières radioactives, en sachant que ceuxci sont destinés à provoquer ou à menacer de provoquer la mort, des dommages corporels, ou matériels graves , ladite menace étant assortie ou non, en vertu du droit interne, d'une condition, afin d'intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque

Toute arme BCN, en sachant qu'il s'agit d'une arme BCN au sens de l'article premier ;

ou

Des matières brutes ou produits fissiles spéciaux équipements ou matières spécialement conçus ou préparé pour le traitement, l'utilisation ou la production de produits fissiles spéciaux, en sachant que ces matières, produits ou équipements sont destinés à une activité explosive nucléaire ou à toute autres activités nucléaire non soumise à des garanties en vertu de l'accord de garanties généralisées de l'AIEA ; ou

Des équipements, matières ou logiciels ou des technologies connexes qui contribuent de manières significative à la conception, la fabrication ou au lancement d'une arme BCN,

en ayant l'intention de les utiliser à cette fin.

Ne constitue pas une infraction au sens de la présente Convention le fait de transporter des biens ou matières visés au paragraphe 1. b) III. ou, dans la mesure où ils ont un rapport avec des armes nucléaires ou autre dispositif explosif nucléaire, au paragraphe 1

b) IV., si ces biens ou matières sont transportés à destination ou en provenance du territoire d'un Etat partie au Traité sur la nonprolifération des armes nucléaires ou son contrôle, lorsque :

Le transfert ou la réception des biens ou matières qui en résulte, y compris à l'intérieur d'un Etat, n'est pas contraire aux obligations de cet Etat Partie découlant du Traité de non prolifération des armes nucléaires, et

Si les biens ou matières sont destinés à un vecteur d'une arme nucléaire ou d'un autre explosif nucléaire d'un autre Etat Partie au Traité sur la non prolifération des armes nucléaires, le fait de détenir cette arme ou ce dispositif n'est pas contraire aux obligations de cet Etat Partie découlant du dit Traité

Article 3 ter:

Commet une infraction au sens de la présente convention toute personne qui illicitement

et délibérément transporte à bord d'un navire une autre personne en sachant que cette personne a commis un acte qui constitue une infraction visée à l'article 3, 3 bis ou 3 quater ou l'une des infractions visées par l'un des traités énumérés dans l'Annexe et en ayant l'intention d'aider cette personne à échapper à des poursuites pénales.

Article 3 quater:

Commet également une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui :

Illicitement et délibérément blesse ou tue toute personne, lorsque ces faits présentent un lien de connexité avec l'une des infractions visées au paragraphe 1 de l'article 3 ou à l'article 3 bis ou 3 ter ; ou

Tente de commettre une infraction visée au paragraphe 1 de l'article 3, au paragraphe 1

a) i) ii) ou iii) ou à l'article 3 bis ou 3 ter ; ou

Se rend complice d'une infraction visée à l'article 3, 3 bis ou 3 ter ou à l'alinéa a) b) du présent article ; ou

Organise la commission d'une infraction visée à l'article 3, 3 bis ou 3 ter ou à l'alinéa a)

b) du présent article ou donne l'ordre à d'autres personnes de la commettre ; ou

Contribue à la commission de l'une ou plusieurs des infractions visées à l'article 3, 3 bis

ou 3 ter ou à l'alinéa a) b) du présent article, par un groupe de personnes agissant de

L'incitation aux actes de terrorisme concert, cette étant délibérée et faite soit :

Pour faciliter l'activité criminelle du groupe ou en servir le but, lorsque cette activité ou

ce but suppose la commission d'une infraction visée à l'article 3, 3 bis ou 3 ter ; ou

En sachant que le groupe a l'intention de commettre une infraction visée à l'article 3, 3

bis ou 3 ter

IV. Protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des platesformes fixes situées sur le plateau continental (Rome 1988) telle que modifié en 2005

Article 2 (Les infractions)

Commet une infraction pénale toute personne qui, illicitement et intentionnellement: s'empare d'une plateforme fixe ou en exerce le contrôle par violence ou menace de violence; ou

accomplit un acte de violence à l'encontre d'une personne se trouvant à bord d'une plate

forme fixe, si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de la plateforme; ou

détruit une plateforme fixe ou lui cause des dommages qui sont de nature à

compromettre sa sécurité; ou

place ou fait placer sur une plateforme fixe, par quelque moyen que ce soit, un dispositif ou une substance propre à détruire la plateforme fixe ou de nature à compromettre sa sécurité.

Commet également une infraction pénale toute personne qui menace de commettre l'une quelconque des infractions prévues aux paragraphes 1 b) et c), si cette menace est de nature à compromettre la sécurité de la plateforme fixe, ladite menace étant ou non assortie, en vertu du droit interne, d'une condition afin de contraindre une personne physique ou morale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.

L'incitation aux actes de terrorisme

Article 2 bis

Commet une infraction au sens du présent Protocole toute personne qui illicitement et délibérément, lorsque son acte, par sa nature ou son contexte, vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque :

Utilise contre ou à bord d'une plateforme fixe, ou déverse à partir d'une plateforme fixe, des explosifs, des matières radioactives ou des armes BCN, d'une manière qui provoque ou risque de provoquer la mort ou des dommages corporels ou matériels graves ; ou

Déverse, à partir d'une plateforme fixe, des hydrocarbures, du gaz naturel liquéfié, ou d'autres substances nocives ou potentiellement dangereuses, qui ne sont pas visées à l'alinéa a), en quantités ou concentrations qui provoquent ou risquent de provoquer la mort ou des dommages corporels ou matériels graves ; ou

Menace de commettre l'une quelconque des infractions visées à l'alinéa a) ou b), ladite menace étant ou non assortie, en vertu du droit interne, d'une condition.

Article 2 ter :

Commet également une infraction au sens du présent Protocole toute personne qui : Illicitement et délibérément blesse ou tue toute personne, lorsque ces faits présentent un

lien de connexité avec l'une des infractions visées au paragraphe 1 de l'article 2 ou à

l'article 2 bis ; ou

Tente de commettre une infraction visée au paragraphe 1 de l'article 2, à l'alinéa a) ou

L'incitation aux actes de terrorisme b) de l'article 2 bis ou à l'alinéa a) du présent article ; ou

Se rend complice d'une infraction visée à l'article 2 ou 2 bis ou à l'alinéa a) ou b) du présent article ; ou

Organise la commission d'une infraction visée à l'article 2 ou 2 bis ou à l'alinéa a) ou b)

du présent article ou donne l'ordre à d'autres personnes de la commettre ; ou

Contribue à la commission de l'une ou plusieurs des infractions visées à l'article 2 ou 2

bis ou à l'alinéa a) ou b) du présent article par un groupe de personnes agissant de concert, cette contribution étant délibérée et faite soit :

Pour faciliter l'activité criminelle du groupe ou en servir le but, lorsque cette activité ou

ce but suppose la commission d'une infraction visée à l'article 2 ou 2 bis ; soit

II En sachant que le groupe a l'intention de commettre une infraction visée à

l'article 2 ou 2 bis

Infractions fondées sur le statut de la victime

I. Convention internationale contre la prise d'otages (New York, 1979) :

Article 1 (Les infractions):

1. Commet l'infraction de prise d'otages au sens de la présente Convention, quiconque s'empare d'une personne (ciaprès dénommée «otage»), ou la détient et menace de la tuer, de la blesser ou de continuer à la détenir afin de contraindre une tierce partie, à savoir un Etat, une organisation internationale intergouvernementale, une personne

physique ou morale ou un groupe de personnes, à accomplir un acte quelconque ou à

s'en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la libération de l'otage.

2. Commet également une infraction aux fins de la présente Convention, quiconque:

a) Tente de commettre un acte de prise d'otages ou

b) Se rend complice d'une personne qui commet ou tente de commettre un acte de prise d'otages.

II. Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (New York, 1973) :

Article 2 (Les infractions)

1) Le fait intentionnel:

a) de commettre un meurtre, un enlèvement ou une autre attaque contre la personne ou

la liberté d'une personne jouissant d'une protection internationale,

b) de commettre, en recourant à la violence, contre les locaux officiels, le logement privé ou les moyens de transport d'une personne jouissant d'une protection internationale une attaque de nature à mettre sa personne ou sa liberté en danger,

c) de menacer de commettre une telle attaque, d) de tenter de commettre une telle attaque, ou

de participer en tant que complice à une telle attaque ;

est considéré par tout Etat partie comme constituant une infraction au regard de sa législation interne.

Infractions liées aux matières dangereuses :

I. Convention sur la protection physique des matières nucléaires (Vienne, 1980)

telle que modifiée par l'amendement adopté le 08 juillet 2005. Article 7 (Les infractions)

1. Le fait de commettre intentionnellement l'un des actes suivants:

Le recel, la détention, l'utilisation, le transfert, l'altération, la cession, ou la dispersion

de matières nucléaires, sans l'autorisation requise, et entraînant ou pouvant entraîner la mort ou des blessures graves pour autrui ou des dommages substantiels aux biens ou à l'environnement ;

Le vol simple ou le vol qualifié de matières nucléaires ;

Le détournement ou toute autre appropriation indue de matières nucléaires;

Un acte consistant à transporter, envoyer ou déplacer des matières nucléaires vers ou depuis un Etat sans l'autorisation requise ;

Un acte dirigé contre une installation nucléaire, ou un acte perturbant le fonctionnement d'une installation nucléaire, par lequel l'auteur provoque intentionnellement ou sait qu'il peut provoquer la mort ou des blessures graves pour autrui ou des dommages substantiels aux biens ou à l'environnement par suite de l'exposition à des rayonnements

ou du relâchement de substances radioactives, à moins que cet acte ne soit entrepris en conformité avec le droit national de l'Etat partie sur le territoire duquel l'installation nucléaire est située ;

Le fait d'exiger des matières nucléaires par la menace, le recours à la force ou toute autre forme d'intimidation ;

La menace:

i) d'utiliser des matières nucléaires dans le but de causer la mort ou des blessures graves à autrui ou des dommages substantiels aux biens ou à l'environnement ou de commettre l'infraction décrite à l'alinéa e) ; ou

ii) de commettre une des infractions décrites à l'alinéa b) et e) dans le but de contraindre une personne physique ou morale, une organisation internationale ou un Etat

à faire ou à s'abstenir de faire un acte;

La tentative de commettre l'une des infractions décrites aux alinéas a) à e) Le fait de participer à l'une des infractions décrites aux alinéas a) à h)

Le fait pour une personne d'organiser la commission d'une infraction visée aux alinéas

a) à h) ou de donner l'ordre à d'autres personnes de le commettre ;

Un acte qui contribue à la commission de l'une des infractions décrites aux alinéas a) à

h) par un groupe de personnes agissant de concert. Un tel acte est intentionnel et :

Soit vise à faciliter l'activité criminelle ou á servir le but criminel du groupe, lorsque cette activité ou ce but supposent la commission d'une infraction visées aux alinéas a) à

g)

Soit est fait en sachant que le groupe a l'intention de commettre une infraction visées aux alinéas a) à g)

est considéré par chaque Etat partie comme une infraction punissable en vertu de son droit national.

II. Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à

l'explosif (New York, 1997) Article 2 (Les infractions)

1.Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui

illicitement et intentionnellement livre, pose, ou fait exploser ou détonner un engin explosif ou autre engin meurtrier dans ou contre un lieu public, une installation gouvernementale ou une autre installation publique, un système de transport public ou une infrastructure:

a) Dans l'intention de provoquer la mort ou des dommages corporels graves; ou

b)dans l'intention de causer des destructions massives de ce lieu, de cette installation, de

ce système ou de cette infrastructure, lorsque ces destructions entraînent ou risquent d'entraîner des pertes économiques considérables.

Commet également une infraction quiconque tente de commettre une infraction au sens

du paragraphe 1du présent article.

Commet également une infraction quiconque:

a) Se rend complice d'une infraction au sens des paragraphes 1 ou 2 du présent article;

ou

b) Organise la commission d'une infraction au sens des paragraphes 1 ou 2 du présent

L'incitation aux actes de terrorisme article ou donne l'ordre à d'autres personnes de la commettre; ou

c) Contribue de toute autre manière à la commission de l'une ou plusieurs des infractions visées aux paragraphes 1 ou 2 du présent article par un groupe de personnes agissant de concert; sa contribution doit être délibérée et faite soit pour faciliter l'activité criminelle générale du groupe ou en servir les buts, soit en pleine connaissance de l'intention du groupe de commettre l'infraction ou les infractions visées.

III. Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire

(New York, 2005)

Article 2 (Les infraction)

1. Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui, illicitement et intentionnellement :

a) Détient des matières radioactives, fabrique ou détient un engin :

i) Dans l'intention d'entraîner la mort d'une personne ou de lui causer des dommages corporels graves ; ou

ii) Dans l'intention de causer des dégâts substantiels à des biens ou à l'environnement ;

b) Emploie de quelque manière que ce soit des matières ou engins radioactifs, ou utilise

ou endommage une installation nucléaire de façon à libérer ou risquer de libérer des matières radioactives:

i) Dans l'intention d'entraîner la mort d'une personne ou de lui causer des dommages corporels graves ; ou

ii) Dans l'intention de causer des dégâts substantiels à des biens ou à l'environnement ;

ou

iii) Dans l'intention de contraindre une personne physique ou morale, une organisation internationale ou un gouvernement à accomplir un acte ou à s'en abstenir.

2. Commet également une infraction quiconque :

a) Menace, dans des circonstances qui rendent la menace crédible, de commettre une infraction visée à l'alinéa b du paragraphe 1 du présent article ; ou

b) Exige illicitement et intentionnellement la remise de matières ou engins radioactifs ou d'installations nucléaires en recourant à la menace, dans des circonstances qui la rendent crédible, ou à l'emploi de la force.

3. Commet également une infraction quiconque tente de commettre une infraction visée

au paragraphe 1 du présent article.

4. Commet également une infraction quiconque :

a) Se rend complice d'une infraction visée aux paragraphes 1, 2 ou 3 du présent article ;

ou

b) Organise la commission d'une infraction visée aux paragraphes 1, 2 ou 3 du présent article ou donne l'ordre à d'autres personnes de la commettre ; ou

c) Contribue de toute autre manière à la commission d'une ou plusieurs des infractions visées aux paragraphes 1, 2 ou 3 du présent article par un groupe de personnes agissant

de concert s'il le fait délibérément et soit pour faciliter l'activité criminelle générale du groupe ou servir les buts de celuici, soit en connaissant l'intention du groupe de commettre l'infraction ou les infractions visées.

Infractions liées au financement du terrorisme

I. Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme

(New York, 1999)

Article 2 (Les infractions)

1) Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément,

fournit ou réunit des fonds dans l'intention de les voir utilisés ou en sachant qu'ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre:

a) Un acte qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l'un des traités

énumérés en annexe;

b) Tout autre acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.

2) (a) En déposant son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, un État Partie qui n'est pas partie à un traité énuméré dans l'annexe visée à l'alinéa a) du paragraphe 1 du présent article peut déclarer que, lorsque la présente Convention lui est appliquée, ledit traité est réputé ne pas figurer dans cette annexe. Cette déclaration devient caduque dès l'entrée en vigueur du traité pour l'État Partie, qui

en notifie le dépositaire;

(b) Lorsqu'un État Partie cesse d'être partie à un traité énuméré dans l'annexe, il peut faire au sujet dudit traité la déclaration prévue dans le présent article.

3) Pour qu'un acte constitue une infraction au sens du paragraphe 1, il n'est pas nécessaire que les fonds aient été effectivement utilisés pour commettre une infraction visée aux alinéas a) ou b) du paragraphe 1 du présent article.

4) Commet également une infraction quiconque tente de commettre une infraction au sens du paragraphe 1 du présent article.

5) Commet également une infraction quiconque :

a) Participe en tant que complice à une infraction au sens des paragraphes 1 ou 4 du présent article;

b) Organise la commission d'une infraction au sens des paragraphes 1 ou 4 du présent article ou donne l'ordre à d'autres personnes de la commettre;

c) Contribue à la commission de l'une ou plusieurs des infractions visées aux paragraphes 1 ou 4 du présent article par un groupe de personnes agissant de concert.

Ce concours doit être délibéré et doit :

(i) Soit viser à faciliter l'activité criminelle du groupe ou en servir le but, lorsque cette activité ou ce but supposent la commission d'une infraction au sens du paragraphe 1 du présent article;

(ii) Soit être apporté en sachant que le groupe a l'intention de commettre une infraction au sens du paragraphe 1 du présent article.

Annexe 2 liste des décision judiciaires citées

Décisions de juridiction française

Cass. crim., 7 mai 1987, Bull. crim., n° 186

Cour de Cassation Chambre criminelle 02 juillet 1958 Bull. Crim. n°224

Cour de Cassation Chambre criminelle 04 mars 1998 Bull. Crim. n° 83

TGI de Paris Affaire n°0206300012 jugement du 11 juillet 2003 jugement non publié. TGI de Paris 20 Novembre 2000.

Cour d'Appel de Versailles 08 juin 2000

Cour de Cassation, Chambre criminelle, 16 Octobre 2001

Cour de Cassation, Chambre criminelle, 24 mai 2005, 0486181, Inédit

Cour de Cassation Chambre Criminelle 29 Octobre 1936 Bull crim n°104

Tribunal Correctionnel de Paris 15 avril 1986 Revue de Science criminelle 1987 n°209 précité Tribunal Correctionnel de Paris 11 juillet 2003 Affaire n° 02063000012 Inédit Cour de Cassation, Chambre criminelle, 02 Novembre 1978 Bull n°294

Cour de Cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 1971 Bull n° 14 Dalloz 1971 n°101

Tribunal Correctionnel de Paris 25 février 1959 Dalloz 1959 n°552

Cour de Cassation Chambre Criminelle 29 Octobre 1936 précité

Paris, 25 février 1959 Dalloz 1959 552

Décisions de la Cour Européenne des Droits de l'Homme

Arret Kruslin du 24/04/90 série A n°176 A para 27 à 36

Arrêt Sunday Times du 26/04/1979 Série A n°30 para 49

Arrêt Silver du 25/03/1983, série A no 61

Arrêt Wingrove du 25/11/1996 para 4044

Arrêt Malone c/ RoyaumeUni du 2/08/1984, série A no 82

Arrêt Oberschlick du 23/5/1991 série A n°204 par 60

Arrêt B c/France de 25/03/92 série A n° 232 para 63

requête n°22414/93 Chahal para 136, Arrêt Observer et Guardian du 02/08/1994 série A

n°82

Requête no 8170/78, X c/ Autriche, Annuaire XXII (1979), p. 308. Requête no 5488/72, X c/ Belgique, Annuaire XVII (1974), p. 222;

requête 530/59, X c/ République Fédérale d'Allemagne, Annuaire III (1960), p. 184; Requête no 9237/81, B. c/ RoyaumeUni, D & R 34 (1983), p. 68.

Requête no 8290/78, A, B, C et D c/ République fédérale d'Allemagne, D &R 18 (1980),

p. 176.

Requête no 17505/90, Nydahl. Z. c/ Finlande, du 25.2.1994, Arrêt Boughanemi du 24.4.1996, requête no 22070/93;

arrêt C. c/ Belgique du 7.8.1996, requête no 21794/93;

arrêt Bouchelkia du 29.1.1997, requête no 23078/93 ;

Arrêt Schönenberger et Durmaz du 20.6.1988, série A no 137, Arrêt Niemetz du 16.12.1992, A 251B.

Arrêt Vereinigung Demokratischen Soldaten Österreichs et Gubi du 19.12.1994, A 302. Arrêt Salabiaku du 07/10/1988 série A141A

Décision du Tribunal Pénal International pour le Rwanda

Tribunal Pénal international pour le Rwanda AKAYESU, Jean Paul (ICTR964),

Décision de la Cour Internationale de Justice

CIJ, Affaire Lockerbie, ordonnance du 14 avril 1992, (para. 39), Recueil, 1992






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