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Production de domaines recombinants PRODH en vue de l'analyse structurale & Caractérisation de la région 51-160 de la protéine KIN17 humaine par RMN et Modélisation Moléculaire

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par Ludovic Carlier
Université de Rouen - Doctorat de biologie structurale 2006
  

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2) Le motif Winged Helix de KIN17 est-il capable de lier l'ADN

ou l'ARN ?

L'étude préliminaire bio-informatique de la protéine KIN17, qui a été présentée dans

le premier chapitre, suggère la présence d'un motif de liaison aux acides nucléiques de type

« doigt de zinc » entre les résidus 28 et 50 en amont du domaine K2. Les chercheurs du Laboratoire de Génétique de la Radiosensibilité (LGR) du CEA de Fontenay-aux-Roses ont confirmé l'existence de ce motif en démontrant sa capacité à lier l'ADN, et notamment l'ADN courbe, de manière dépendante aux ions Zn2+ (Mazin et al., 1994). Au cours de cette étude, les auteurs ont également montré qu'il existe un second domaine de liaison à l'ADN situé dans la région N-terminale de KIN17 entre les résidus 71 et 281. De manière intéressante, cette région de KIN17 comporte le motif Winged Helix du domaine K2 (65 à

157). Récemment, de nouvelles investigations menées par les chercheurs du LGR ont mis en évidence la capacité de KIN17 à lier l'ARN et notamment l'ARN riche en bases guanine et uracile (Pinon-Lataillade et al., 2004). Dans l'optique d'améliorer la connaissance des fonctions précises et des mécanismes d'action de KIN17, il serait intéressant de déterminer quelle est l'implication du motif Winged Helix du domaine K2 dans la liaison à l'ADN et l'ARN. Aussi, d'un point de vue structural et fonctionnel, ce motif a-t-il la capacité de lier

l'ADN ou l'ARN ?

2.1) Approche structurale

2.1.1) Reconnaissance de l'ADN par les protéines à motif Winged Helix

Les principales fonctions des domaines protéiques à motif Winged Helix sont la reconnaissance et la fixation de l'ADN. En 1999, près d'une dizaine de structures de complexe Winged Helix-ADN résolues par radiocristallographie ou par RMN étaient disponibles dans la Protein Data Bank. A partir de ces structures, Gajiwala et Burley ont proposé deux modes de reconnaissance de l'ADN par les protéines à motif Winged Helix (Gajiwala & Burley, 2000) :

· Le premier mode dit « classique » est à ce jour le plus rencontré dans les complexes Winged Helix-ADN. Il a été découvert pour la première fois à partir de la structure cristallographique de la protéine HNF-3 liée à un fragment d'ADN (Clark et al., 1993). Dans ce modèle, l'hélice de reconnaissance H3 plonge dans le sillon majeur de l'ADN et établit plusieurs contacts avec les bases nucléotidiques (contacts spécifiques) et le squelette phosphate (contacts non spécifiques). La boucle W1 située entre les brins S2 et

S3 participe également à la liaison à l'ADN en établissant quelques contacts non spécifiques avec le squelette phosphate et le ribose dans le petit sillon de l'ADN (Figure

5.3). L'hélice H3 constitue donc l'élément majeur de ce mode de reconnaissance en assurant la spécificité de l'interaction, alors que la boucle W1 a pour principale fonction d'augmenter l'affinité de la liaison (Huffman & Brennan, 2002). Dans certains cas, des résidus de l'hélice H2 ou de la région N-terminale de H1 interagissent également avec l'ADN et contribuent à améliorer l'affinité de l'interaction. La plupart des interactions Winged Helix-ADN dans ce mode d'action impliquent des résidus à chaîne latérale polaire et notamment chargée positivement. Par conséquent, les domaines Winged Helix qui adoptent ce mode de reconnaissance classique présentent une surface d'interaction

H3-W1 largement positive.

· Le second mode dit « atypique » n'a été identifié à ce jour qu'à une seule reprise dans la structure cristalline de la protéine RFX1 liée à un fragment d'ADN (Gajiwala et al.,

2000). Il implique également les éléments H3 et W1 mais leur rôle est inversé. Ainsi, la spécificité de l'interaction est ici assurée par la boucle W1, riche en résidus basiques, et

qui établit plusieurs contacts avec les bases du grand sillon de l'ADN (Figure 5.3). La

surface de l'hélice H3 apparaît comme neutre et interagit principalement avec le squelette

phosphate du sillon mineur. De manière intéressante, plusieurs domaines Winged Helix capables de lier l'ADN comme par exemple ORC2 (Singleton et al., 2004), ou SmtB (Cook et al., 1998), présentent une surface neutre au niveau de l'hélice H3 et un amas de résidus basiques dans la boucle W1. Il est donc fort probable que ces domaines utilisent le mode de reconnaissance atypique pour lier l'ADN.

« mode classique »

« mode atypique »

sillon mineur

sillon majeur

sillon mineur

sillon majeur

Figure 5.3 : Illustration des modes de reconnaissance de l'ADN par les motifs Winged Helix.

L'hélice H3 est représentée en rouge et la boucle W1 en vert.

2.1.2) Comparaison structurale du domaine K2 avec des motifs Winged Helix

de liaison à l'ADN

L'analyse de la structure du domaine K2 par l'algorithme DALI fait apparaître une homologie de structure importante entre K2 et les protéines ORC2 (Singleton et al., 2004),

PA-Fur (Pohl et al., 2003), TFIIEâ (Okuda et al., 2000), BlaI (Safo et al., 2005), MecI (Garcia-Castellanos et al., 2004), et DP2 (Zheng et al., 1999). Ces protéines sont des régulateurs de la transcription des gènes impliqués dans des mécanismes variés comme le contrôle de l'incorporation du fer (PA-Fur), la résistance bactérienne aux antibiotiques (BlaI et MecI), la régulation du cycle cellulaire (ORC2 et DP2), et l'initiation de la transcription (TFIIEâ). Pour toutes ces protéines, le domaine Winged Helix homologue à K2 est un domaine

de liaison à l'ADN. Parmi ces domaines structuralement proches, figure le motif Winged Helix

des protéines BlaI, MecI, et DP2 dont la structure en complexe avec un fragment d'ADN a été

résolue par cristallographie des rayons X. Aussi, il est à noter que la structure de la protéine

BlaI a été initialement déterminée par RMN en solution par les chercheurs de l'IBS Jean- Pierre Ebel de Grenoble (Van Melckebeke et al., 2003). Ces trois motifs adoptent un mode de reconnaissance de l'ADN de type classique. Nous avons superposé la structure du domaine K2 avec celle de ces 3 protéines en complexe afin d'évaluer les potentialités du Winged Helix de

K2 à fixer l'ADN selon ce mode de reconnaissance.

La topologie du domaine Winged Helix de la protéine MecI liée à un double brin d'ADN de 25 paires de bases est du type H1-H2-T-H3-S1-S2. Le programme DALI a été utilisé pour identifier les régions structuralement proches de K2 et MecI. Malgré une absence d'homologie de séquence entre ces 2 protéines (< 10 %), la déviation moyenne « rmsd » atteint 2.7 Å sur 66 carbones á. Comme le montre la Figure 5.4, les 2 structures se superposent de manière quasi parfaite au niveau du feuillet â, de la boucle W1, et de l'hélice

H2 (en arrière plan). L'hélice H1 du domaine K2 comporte 2 tours de plus que son homologue de MecI et son orientation est un peu moins ouverte par rapport au reste de la structure. La plus grande différence structurale entre ces 2 protéines se situe au niveau de l'hélice de reconnaissance H3 et de la région du coude entre H2 et H3. En effet, l'hélice H3

du domaine K2 est d'une part, plus courte que son homologue de MecI d'un peu moins de 2 tours et d'autre part, son orientation sensiblement plus ouverte ne lui permet pas de pénétrer le sillon majeur de la même manière que H3 de MecI. Il apparaît ainsi en superposant ces 2 structures que la large boucle entre H2 et H3, et notamment l'hélice 310 H2.5, sont dans une

position beaucoup plus favorable pour interagir avec les bases du grand sillon de l'ADN.

H1

H1

W1

W1

H3 H3

H2 K2 de KIN17

H2 MecI

H2.5

Figure 5.4 : Vue d'ensemble de la superposition de structure du domaine K2 avec la protéine

MecI en complexe avec un double brin d'ADN de 25 paires de bases (PDB : 1SAX). Le squelette phosphate de l'ADN est représenté en orange.

Dans la structure cristallographique du complexe MecI-ADN, 7 résidus de l'hélice de

reconnaissance H3 sont impliqués dans la liaison avec l'ADN et parmi ceux-ci, les 3 résidus K43, T47, et R51 établissent des contacts majeurs et spécifiques avec 4 bases nucléotidiques. Ces trois résidus, mis en évidence dans la Figure 5.5, appartiennent à la région N-terminale de

H3 qui ne se superpose pas avec l'hélice H3 de K2. A la place de l'arginine R51 de MecI qui forme 2 liaisons hydrogène avec une guanidine, on trouve dans la même orientation le tryptophane W72 de K2, d'une part plus volumineux et hydrophobe, et d'autre part qui n'a pas la capacité à former 2 liaisons hydrogène. La lysine K43 de MecI qui forme une liaison hydrogène avec une thymine se superpose quasi parfaitement à l'asparagine N59 de l'hélice

310 de K2. Cette asparagine pourrait également former cette liaison hydrogène mais ne possède pas la basicité d'une lysine. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le domaine K2 ne présente quasiment aucun résidu basique dans la région contenant la large boucle et l'hélice H3. Aussi, l'orientation des chaînes latérales négatives des résidus E64 et D68 vers le double

brin d'ADN n'est pas très favorable à l'approche du squelette phosphate chargé négativement.

H3 W72

D68 H3

T47

R51

K2 de KIN17

MecI

N59

E64

K43

Figure 5.5 : Comparaison structurale des hélices H3 de K2 et MecI. Les 2 protéines sont

superposées comme dans la Figure 5.4. Les chaînes latérales des résidus mis en évidence sont représentées par des sticks violets pour K2, et verts pour MecI. Les hétéroatomes N, et O sont différenciés et sont respectivement représentés par des sticks bleus, et oranges. Le double brin d'ADN est représenté par des traits bleus et oranges pour le squelette phosphate.

Nous avons également superposé la structure de K2 avec celle des protéines BlaI et

DP2 en complexe avec un fragment d'ADN. Ces 2 domaines présentent une forte homologie

de structure avec le domaine K2 : la déviation moyenne rmsd est de 2.5 Å sur 62 carbones á

pour DP2, et de 2.9 Å sur 67 carbones á pour BlaI. De manière très analogue à MecI, la

structure de K2 est très proche de celle de BlaI et DP2 au niveau de l'hélice H2, du feuillet â,

de la boucle W1, et aussi au niveau de l'hélice H1 pour DP2 (Figure 5.6). La plus grande divergence structurale se situe au niveau de l'hélice H3 dont la longueur dans K2 (10 résidus)

est plus courte que dans BlaI et DP2 (respectivement 15 et 21 acides aminés). De plus, l'orientation plus ouverte de l'hélice H3 de K2 ne semble pas très favorable à une interaction avec les bases du sillon majeur de l'ADN et comme précédemment, celui-ci apparaît principalement occupé par la large boucle entre H2 et H3 de K2. Ainsi, les résidus majeurs de l'hélice H3 de BlaI et DP2 qui établissent des contacts spécifiques avec les bases de l'ADN appartiennent à une région qui ne se superpose pas avec l'hélice H3 de K2, mais plutôt avec

l'hélice 310 H2.5.

W1 H3

H3

H1 H1

H2

W1

K2

H1

H2

H1

H2.5

T47

R51

BlaI

DP2

H3

H3

R121

R122

H2.5

Figure 5.6 : Superposition de structure du domaine K2 avec le motif Winged Helix des

protéines BlaI et DP2 en complexe avec l'ADN. Les chaînes latérales des résidus de l'hélice

H3 qui interagissent avec les bases du grand sillon sont représentées par des sticks. Le squelette phosphate de l'ADN est coloré en orange. A) Superposition de K2 avec BlaI liée à

un double brin de 25 paires de bases (PDB : 1XSD). Seul un des deux brins est représenté. B) Superposition de K2 avec la protéine DP2 du complexe hétérodimère DP2-E2F4-ADN contenant un fragment de 15 paires de bases (PDB : 1CF7).

La superposition de structure du domaine K2 avec les motifs Winged Helix des protéines MecI, BlaI, et DP2 fait donc apparaître des divergences structurales significatives au niveau de l'hélice de reconnaissance H3. Contrairement à ces 3 motifs, K2 présente une large boucle de 15 résidus entre H2 et H3 (Figure 5.7) dont la présence semble réduire la taille de l'hélice H3 et ne lui permet pas d'adopter une orientation favorable pour interagir avec le grand sillon de l'ADN selon le mode de reconnaissance classique des Winged Helix. Pour de

nombreux motifs Winged Helix, la liaison à l'ADN s'accompagne d'une déformation ou

d'une réorientation de l'hélice H3 qui peut atteindre une quinzaine de degrés (Gajiwala & Burley, 2000). Dans le cas du domaine K2, la réorientation de l'hélice H3 dans une position plus favorable nécessiterait une modification majeure de l'organisation de la boucle et de la position de l'hélice 310 H2.5. Or, il apparaît, d'après les données RMN, que cette hélice 310 est stabilisée par un réseau de liaisons hydrogène et qu'elle incorpore le corps rigide de la protéine tout autant que la boucle. Par conséquent, la réorientation de l'hélice H3 pour adopter

le mode de reconnaissance classique nécessiterait une modification structurale importante du domaine K2 dont l'envergure, à notre connaissance, n'a jamais été observée dans un motif Winged Helix. Il est toutefois important de noter que ce n'est pas la présence même d'une hélice additionnelle dans la boucle entre H2 et H3 qui compromet l'interaction potentielle de

H3 avec le sillon majeur. La protéine Genesis, dont la structure en complexe avec un fragment d'ADN a été résolue par RMN (Jin et al., 1999), contient une hélice á additionnelle H4 de 5 résidus entre H2 et H3 (Figure 5.7). Dans la structure, cette hélice est positionnée à l'extérieur

du sillon majeur et l'hélice de reconnaissance H3, dont l'orientation et la longueur sont comparables à H3 de MecI et BlaI, pénètre et interagit avec le sillon majeur de manière classique. Par conséquent, il s'agit bien de la position de l'hélice 310 de K2, et non de sa présence, qui distingue le plus le motif Winged Helix du domaine K2 du Winged Helix de BlaI, MecI, DP2, et Genesis. Il est d'ailleurs intéressant de noter que Genesis n'apparaît pas comme un homologue structural de K2 d'après l'analyse DALI, et ceci en dépit d'une certaine

homologie de topologie dans la région H2-H3.

BlaI : SANEIVVEIQKYKEVSDKTIRTLITRLYKKEII

DP2 : SYNEVADELVSEFTNSNNHLAADSAYDQKNIRRRVYDALNVLVAMN

MecI : SANNIIEEIQMQKDWSPKTIRTLITRLYKKGFI

Genesis : LSGICEFISNRFPYYREKFPAWQNSIRHNLSLNDC

K2 : HNNIVYNEYISHREHIHMNATQWETLTDFTKWLGREG

Figure 5.7 : Définition des éléments de structure secondaire entre les hélices H2 et H3 du motif Winged Helix des protéines BlaI, DP2, MecI, Genesis, et K2 (KIN17). Les résidus de l'hélice H2 sont surlignés en vert, et de l'hélice H3 en orange. Les hélices additionnelles de

K2 (H2.5) et Genesis (H4) apparaissent en rouge.

Le calcul des potentiels électrostatiques de surface met également en évidence des différences majeures entre le domaine K2 et les motifs Winged Helix structuralement proches

capables de lier l'ADN. Comme le montre la Figure 5.8, le potentiel électrostatique de la

surface H3-W1 est largement positif chez les protéines MecI, BlaI, et DP2. C'est également le

cas pour la protéine Genesis. Cette caractéristique structurale est typique des protéines à motif

Winged Helix qui adoptent un mode de reconnaissance de l'ADN de type classique.

A) B)

K2

KIN17 humaine

MecI

BlaI

DP2

Genesis

Figure 5.8 : Comparaison des potentiels électrostatiques de surface des protéines K2

(KIN17), MecI, BlaI, DP2 (du complexe E2F4-DP2) et Genesis. A) Représentation de la structure de ces protéines. L'hélice H1 apparaît dans les tons bleus, H2 dans les tons verts,

H3 dans les tons jaunes, et la boucle W1 et les brins S2 et S3 dans les tons oranges.

B) Représentation du potentiel électrostatique de surface calculé avec le programme APBS (Baker et al., 2001) dans la même orientation que A). Les régions chargées négativement sont

en rouge et celles chargées positivement en bleu. Les régions blanches correspondent à des régions peu chargées ou hydrophobes.

Dans ces protéines, l'hélice H3 et la boucle W1 contiennent plusieurs résidus lysine et

arginine dont les chaînes latérales positives sont projetées vers l'extérieur du domaine et établissent de nombreux contacts électrostatiques avec le squelette phosphate de l'ADN chargé négativement. Dans le cas du domaine K2, seuls 2 résidus lysine et arginine sont dénombrables au niveau de l'hélice H3, ainsi qu'une lysine dans la boucle W1. Il en résulte une surface électrostatique H3-W1 peu polaire et très faiblement chargée positivement.

2.1.3) Comparaison avec la protéine ADAR1

Comme nous l'avons évoqué précédemment, la protéine qui présente la plus forte homologie structurale avec K2 est le domaine Zá de ADAR1 humaine. La protéine ADAR1, impliquée dans la régulation de l'ARN (Herbert et al., 1995), est capable de lier l'ADN de type Z via son domaine Winged Helix Zá. L'ADN Z est une forme rare de l'ADN dont la fonction est encore mal connue. Ce polymère de bases nucléotidiques se structure en une double hélice gauche riche en bases guanine et cytosine, et dont l'alternance de conformation anti et syn a pour conséquence la formation d'un sillon unique et profond. De manière intéressante, les bases moléculaires de la reconnaissance de l'ADN Z par le domaine Zá sont très différentes de celles de la reconnaissance de l'ADN B (forme classique) par les motifs Winged Helix, mais elles impliquent les mêmes éléments de structure secondaire (Schwartz et

al., 1999). Ainsi, Zá utilise principalement son hélice de reconnaissance H3 et sa boucle W1 pour établir des contacts avec le squelette phosphate et le cycle furanose des sucres. Cependant, cette protéine n'établit aucun contact direct avec les bases nucléotidiques. Par conséquent, la reconnaissance de l'ADN Z par le domaine Zá de ADAR1 n'est pas spécifique

de la séquence mais plutôt de la conformation Z. Aussi, à l'image des motifs Winged Helix

qui lient l'ADN classique de type B, la majorité des interactions avec l'ADN Z sont de nature électrostatique et impliquent des résidus à chaîne latérale chargée positivement. Il en résulte que les domaines Winged Helix qui lient l'ADN Z comme ADAR1 présentent un potentiel de surface H3-W1 largement positif (Figure 5.9B), ce qui n'est pas le cas du domaine K2.

La superposition de structure de K2 avec Zá de ADAR1 fait apparaître une très forte homologie de structure entre ces 2 protéines : la déviation moyenne rmsd est de 2.0 Å sur 61 carbones á (Figure 5.9C). Les hélices H1 et H2 sont d'une longueur quasiment identique et s'alignent presque parfaitement l'une sur l'autre. Zá contient une boucle W1 un peu plus longue et 2 brins â S2 et S3 un peu plus courts, mais le nombre de résidus dans la région S2-

W1-S3 est sensiblement identique dans les 2 domaines (une quinzaine de résidus). La plus

grande différence structurale concerne une nouvelle fois la région de l'hélice H3 et de la boucle entre H2 et H3. L'hélice H3 de K2 est plus courte d'environ un tour et la plupart des résidus de Zá qui interagissent avec l'ADN Z appartiennent à une région de H3 qui ne se superpose pas sur H3 de K2 mais plutôt sur la boucle ou l'hélice 310.

K2

A)

H1

Zá de ADAR1

B)

W1

C)

Y177

K169

H3 H3

K170

H2

R174

H2.5

Figure 5.9 : Comparaison structurale du domaine K2 de KIN17 et de Zá de ADAR1 en

complexe avec un fragment d'ADN Z de 6 paires de bases. A) Structure tridimensionnelle de

Zá. Le code couleur des éléments de structure secondaire est relatif à la figure précédente.

B) Surface électrostatique de Zá calculée avec le programme APBS dans la même orientation que A). C) Superposition de structure de K2 avec Zá. Les chaînes latérales des résidus de l'hélice H3 de Zá qui interagissent avec l'ADN de type Z sont représentées par des sticks. Le squelette phosphate de l'ADN est coloré en orange. Seul un brin est représenté.

La protéine ADAR1 humaine comporte un second domaine Winged Helix (Zâ) situé

en aval de Zá à environ 80 acides aminés dans la séquence primaire et dont la fonction est inconnue. La récente résolution de structure de ce domaine par radiocristallographie (Athanasiadis et al., 2005) montre une très forte homologie structurale entre Zâ et Zá (rmsd

de 1.3 Å sur 62 résidus). Par conséquent, la structure de Zâ est également très proche de K2

de KIN17 et les résultats de l'analyse DALI font apparaître que ce domaine présente la seconde plus forte homologie structurale avec K2 (rmsd de 2.7 Å sur 67 résidus). De manière intéressante, contrairement à Zá, le Winged Helix de Zâ n'est pas capable de lier l'ADN de type Z. En comparant ces 2 structures de manière fine, Athanasiadis et al., ont mis en évidence des divergences structurales au niveau de l'hélice de reconnaissance H3 qui

expliquent cette différence fonctionnelle. Ainsi, les 3 résidus conservés K169, R174, et Y177

de Zá qui établissent des contacts majeurs avec l'ADN ne sont ni présents, ni conservés, chez

Zâ, et sont respectivement remplacés par A327, A332, et I335 qui n'ont pas la capacité de former de liaison hydrogène avec leur chaîne latérale. Aussi, les résidus K169 et R174 de Zá appartiennent à une région de l'hélice H3 qui ne se superpose pas avec H3 du domaine K2.

De plus, le potentiel de surface H3-W1 de Zâ est similaire à celui de K2 et apparaît peu chargé et plutôt neutre contrairement à Zá qui présente un potentiel de surface largement positif. Par conséquent, en se basant sur les relations structure-activité des motifs Winged Helix de ADAR1, il apparaît que le domaine K2 de KIN17 n'a pas la capacité structurale pour lier l'ADN de type Z selon le mode de reconnaissance de Zá, et cela en dépit d'une très forte homologie structurale. Aussi, il n'existe à ce jour aucune donnée fonctionnelle qui suggère

que la protéine KIN17 est capable de lier l'ADN de type Z.

2.1.4) Reconnaissance de l'ARN par les protéines à motif Winged Helix

La publication récente de nouvelles structures de motif Winged Helix a élargi l'horizon des fonctions adoptées par ce type de domaine. Ainsi, il a été montré en 2002 par Selmer et

al., que le domaine de liaison à l'ARN du facteur d'élongation SelB est un motif Winged Helix de topologie canonique (Selmer & Su, 2002). Trois années plus tard, l'institut de Chimie des Substances Naturelles de Gif-sur-Yvette a caractérisé pour la première fois les bases moléculaires de la reconnaissance de l'ARN par un motif Winged Helix en cristallisant

le domaine de liaison à l'ARN de la protéine SelB avec un fragment de 16 bases (Yoshizawa

et al., 2005). Dans cette structure, plusieurs résidus des hélices H2, H3, et de la boucle W1 forment une surface conservée qui interagit de manière quasi exclusive avec les groupements phosphate de l'ARN chargés négativement. Ce mode de reconnaissance des acides nucléiques tout à fait unique implique par conséquent une surface H2-H3-W1 fortement chargée positivement, ce qui n'est absolument pas le cas du domaine K2 de la protéine KIN17 dont la structure n'apparaît pas homologue à celle de SelB d'après l'algorithme DALI.

A ce jour, la structure du complexe SelB-ARN est la seule structure connue d'un motif Winged Helix lié à l'ARN. Cependant, il existe à notre connaissance au moins 2 autres domaines capables de lier l'ARN qui adoptent un repliement de type Winged Helix. Il s'agit

du domaine N-terminal LM de la phosphoprotéine La (Dong et al., 2004) et du domaine

U2AF du facteur d'épissage U2 (Kielkopf et al., 2004). La topologie du domaine LM, de type

H1-H1'-H1''-B1-H2-H2'-H3-B2-B3, est très différente de celle des motifs Winged Helix

canoniques, et donc de celle de K2. H1', H1'', et H2' sont des hélices additionnelles insérées

entre les hélices du tonnelet orthogonal ancestral formé par H1, H2, et H3. Des expériences de mutagenèse montrent que des résidus des hélices H1, H1', et H1'' et de la boucle entre H2 et H2' forment une surface conservée, aromatique, et hydrophobe susceptible d'interagir avec l'ARN. Il apparaît donc qu'il existe au moins 2 modes de reconnaissance de l'ARN par des motifs Winged Helix radicalement différents. La découverte de ces nouveaux modes de reconnaissance montre la grande versatilité avec laquelle ce type de repliement est capable de reconnaître les acides nucléiques. Toutefois, la capacité des domaines Winged Helix à lier l'ARN reste à ce jour une fonction atypique de ce genre de motif. Il est donc difficile d'émettre une hypothèse quant à la capacité structurale du domaine K2 à lier l'ARN.

2.2) Approche fonctionnelle

Parallèlement à l'étude structurale par RMN, des études fonctionnelles d'interaction et

de recherche de partenaires biologiques ont été menées pour les domaines K2 et K3 de KIN17 humaine par Albane le Maire du Laboratoire de Structure des Protéines. Comme je l'ai évoqué dans le premier chapitre, le domaine K3 correspond aux 160 premiers résidus de la protéine KIN17 humaine. Il est donc principalement constitué du domaine K2 (51-160) et du motif prédit structuré en « doigt de zinc » (28-50). Deux techniques ont été utilisées pour tester l'interaction in vitro de K2 et K3 avec l'ADN et l'ARN : il s'agit de l'hybridation Southwestern et Northwestern.

2.2.1) Interaction avec l'ADN par hybridation Southwestern

La technique de Southwestern consiste à incuber des protéines avec un fragment d'ADN radiomarqué sur une membrane de nitrocellulose afin de révéler les protéines qui fixent le ligand marqué. Les protéines d'intérêt sont dans un premier temps séparées sur un

gel d'acrylamide de type SDS-PAGE, puis transférées sur une membrane de nitrocellulose. La coloration au rouge Ponceau de la membrane permet de vérifier la présence et les quantités des protéines déposées sur le gel. La membrane de nitrocellulose est ensuite incubée avec une solution d'hybridation contenant 50 mM de NaCl, 10 mM de Tris-HCl (pH 7.4), 1 mM d'EDTA, du tampon Denhardt 1X, et le fragment d'ADN cible marqué radioactivement au

phosphore 32P. Après plusieurs lavages de la membrane, les protéines qui lient la cible

radioactive sont révélées sur plaques radiosensibles phosphorescentes (phosphoimager).

Pour tester l'interaction de K2 et K3 avec l'ADN, la cible utilisée est une sonde

d'ADN double brin de 500 nucléotides provenant d'une origine de réplication reconnue par la protéine KIN17 humaine. La Figure 5.10 présente les résultats obtenus par Southwestern de l'interaction de cette sonde avec K2, K3, et KIN17 humaine.

La révélation de la membrane de nitrocellulose sur plaques radiosensibles fait apparaître un signal au niveau des bandes protéiques de KIN17 entière et du domaine K3. Cette expérience confirme donc dans un premier temps la capacité de la protéine KIN17 humaine à lier l'ADN cible de 500 paires de bases in vitro. La forte intensité de la bande correspondant à K3 met en évidence le rôle important de ce domaine dans la liaison à cette sonde d'ADN. En revanche, aucun signal de radioactivité n'est détecté au niveau de la bande protéique relative au domaine K2. Par conséquent, il semble d'une part, que la région 1-50 de KIN17 humaine contenant le « doigt de zinc » joue un rôle majeur dans cette liaison à l'ADN

et d'autre part, que le motif Winged Helix de KIN17 n'a pas la capacité, ou n'est pas suffisant,

pour lier ce fragment d'ADN de manière autonome.

(kDa)

75

50

37

25

20

15

K2 K3 Kin17


·


·


·

32P-ADN

K2 K3 Kin17

« rouge ponceau » « phosphoimager »

Figure 5.10 : Test d'interaction de K2, K3, et KIN17 avec une sonde d'ADN de 500 paires de bases par Southwestern. Sur la membrane colorée au rouge ponceau, les bandes correspondant à K2, K3, et KIN17 sont indiquées par des points. Les bandes révélées par le phosphoimager sont mises en évidence par des flèches.

2.2.2) Interaction avec l'ARN par hybridation Northwestern

Le principe de l'hybridation Northwestern est tout à fait similaire à celui de l'hybridation Southwestern et permet de tester l'interaction d'une protéine avec un fragment d'ARN radiomarqué au phosphore 32P. Les trois protéines KIN17 ont été séparées sur gel

SDS-PAGE, transférées sur membrane de nitrocellulose, puis incubées avec une sonde

d'ARN radiomarquée de 1200 nucléotides.

Les résultats de cette expérience d'hybridation Northwestern sont tout à fait comparables à ceux obtenus précédemment. La révélation de la membrane de nitrocellulose

sur plaques photosensibles fait apparaître les bandes protéiques correspondant à KIN17 entière et au domaine K3, mais pas à celle de K2 (Figure 5.11). Par conséquent, ce test d'interaction in vitro montre une implication de la région 1-50 contenant le motif « doigt de zinc » dans la liaison à l'ARN. Cette expérience suggère également que le motif Winged Helix

de KIN17 humaine n'est pas suffisant pour lier l'ARN de manière autonome dans ces

conditions d'analyse.

Kin K3 K2

Kin K3 K2


·

32P-ARN


·


·

« rouge ponceau »

« phosphoimager »

Figure 5.11 : Test d'interaction de K2, K3, et KIN17 avec une sonde d'ARN de 1200

nucléotides par Northwestern. Sur la membrane colorée au rouge ponceau, les bandes correspondant à K2, K3, et KIN17 (Kin) sont indiquées par des points. Les bandes révélées par le phosphoimager sont mises en évidence par des flèches.

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