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La mission du représentant Albitte dans l'Ain

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par Jérôme Croyet
Université Lumière Lyon II - Maîtrise d'histoire 1996
  

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B : Albitte et le culte

Une des autres préoccupations à laquelle Albitte voue un grand intérêt sont les fêtes décadaires et plus largement la question religieuse. La mission d'Albitte dans l'Ain et le Mont-Blanc est la seule connue de ce type, qui a cherché à établir les bases nouvelles d'un culte où chaque citoyen est aussi le pasteur d'une religion reprennant la base du christianisme mais où sont aussi louées les vertus de l'homme nouveau qu'est le sans-culotte.

les fêtes décadaires

Le calendrier républicain et le culte décadaire sont très mal suivis par la population du département. Albitte dès son arrivée, va faire beaucoup d'efforts pour que la décade soit respectée et pour que le décadi des fêtes soit organisées.

Quand Albitte arrive dans l'Ain, les fêtes décadaires sont presque inexistantes.

Durant sa présence dans l'Ain (donc essentiellement à Bourg) Albitte, avec l'aide de Dorfeuille et de Blanc-Désisles, va mettre en place des fêtes décadaires.

A la vue des fêtes décadaires célébrées à Trévoux et à Bourg, il est indéniable que ces dernières soient orchestrées par Dorfeuille, qui à Commune-Affranchie faisait déjà preuve de goût pour les mises en scène patriotiques(fête en l'honneur de Chalier, canonnades des Brotteaux).

Ces fêtes décadaires suivent toutes le même schéma : le canon tonne pour inviter les gens, puis un cortège composé des autorités, de soldats (hussards et volontaires) et de citoyens parcourent la ville jusqu'à la place Marat. Là plusieurs discours sont lus. Parfois des chariots surmontés d'allégories sillonnent les rues, mais à chaque fois ont lieu soit des abdications de prêtres soit des autodafés d'objets du culte. A la suite, un repas et,ou, un bal est offert à la population. Dans les campagnes, celles-ci sont un des seuls moments où peuvent être lues les lois à la population :

"Chaque décade nous donnons connaissance à nos concitoyens assemblés à cet effet dans le Temple de la Raison, des loix, des arrêtés et de tous les écrits qui nous parviennent. Nous leur donnons connaissance des nouvelles; nous y mêlons aussi quelque discours moral; nous ne sommes pas fort sur cet objet mais nous disons ce que nous savons. Ca ira.

Pour faire oublier à nos concitoyens leurs pratiques supersticieuses, nous les intérressons à la célébration de la décade par des danses champêtres et des actes de bienfaisance.

Nous faisons couler au pied de l'arbre de la liberté quelques feuillettes de vin qui sont distribuées aux citoyens les plus indigents, nous animons la danse par notre présence et en participant à la joie publique. Enfin nous terminons la fête par un repas frugal et fraternel, les citoyens infirmes et indigents sont placés à nos cotés. Les cris de vive la République, vive la Montagne, vive l'Egalité sont mille fois répétés, des hymnes à la liberté sont chantés avec enthousiasme par tous les citoyens"710(*).

Il arrive aussi que les commissaires d'Albitte soient les instigateurs des fêtes décadaires là où elles sont inexistantes. A Trévoux, Millet et Bonnerot font organiser par le comité de surveillance la fête du décadi 30 pluviôse an II (18 février). Elle reste assez similaire à celles qui ont lieu à Bourg au même moment :

"La générale battra à sept heures du matin. A huit heures le cortège se rassemblera sur la place de la Liberté.

Un corps de musiciens et de tambours doit être avec les autorités constituées.

La gendarmerie ouvrira la marche, les cannoniers ensuite, un groupe d'enfants les suivront (sic).

Les autorités constituées tenant par dessous le bras des pauvres hommes et femmes, ensuite quatre jeunes filles habillées de blanc représentant les moeurs, la raison, la liberté et la vérité; viendront ensuite les cidevant prêtres qui ont abdiqué leurs fonctions. La Municipalité les préviendra que leur devoir est de se rendre à la fête de la Raison. Ensuite la société populaire. La marche sera fermée par des citoyens et citoyennes indistinctement.

On se transportera sur la place de la Montagne. Il sera fait un petit discours en l'honneur de la Raison; de là à la porte du Pont, ensuite on se rendra au Temple de la Raison .

Les quatres jeunes filles seront placées sur un lieu élevé.

Les pauvres auront des sièges dinstincts. Les corps constitues prendront place, ensuite tous les citoyens et citoyennes.

On lira les lois et un discours civique, les mariages seront célébrés s'il y en a, des prêtres, les citoyens et citoyennes feront venir leur repas. Les pauvres seront premièrement servis par la municipalité en écharpe. A quatre heures le bal commencera sur la terrasse si le temps est beau.711(*)

A Bourg, un résumé de ces fêtes décadaires est immanquablement imprimé jusqu'au 30 pluviôse an II (28 février). La première fête décadaire de Bourg a lieu le 30 nivôse an II (19 janvier). Un résumé de cette fête parait dans le numéro 8 du Journal Républicain de Rhône-et-Loire. Cette fête diffère de celles qui suivront. Elle est la seule où une mascarade antireligieuse prend place dans le programme festif .712(*) En effet, trois ânes sont grimés en roi, en prêtre et en pape. Une femme représentant la Raison fait le pendant à un homme représentant le fanatisme.

A Belley aussi l'emploi des mascarades antireligieuses a lieu. La figure d'un homme habillé en évêque chevauchant un âne, tête bêche, est reprise dans beaucoup des villes du département.

La seconde fête a lieu le 10 pluvôse an II (29 janvier). Elle glorifie la présence d'Albitte.

dessin fête décadaire

rapport de la fête de Bourg

Une erreur de date reporte ces deux imprimés au même décadi. L'imprimé ci-dessus se rapporte a la célébration du 10 pluviôse an II (29 janvier). Celui d'en dessous à la fête lieu le 20 pluviôse an II (8 février).

Ces fêtes décadaires ont comme paroxysme les abjurations. Il faut remarquer le soin avec lequel il est dit que les cloches ne sont plus sonnées et que le canon les remplace.

Le décadi 30 pluviôse an II (18 février) ce ne sont plus Albitte et ses commissaires qui animent la fête, mais Alban. Ce jour voit la prestation de serment de 12 religieuses. Mais même si les prinicipaux maîtres d'oeuvre de ces fêtes sont absents, les Sans-Culottes de la municipalité font la lecture du discours de Dorfeuille aux défenseurs de la patrie, réimprimé à cette occasion (voir page 65 ).

Même si Albitte a vu à Commune-Affranchie ces fêtes se mettre en place, il semble que le désir de Dorfeuille de tourner le culte catholique en dérision, en soit le moteur.

Avec Albitte dans l'Ain, ces fêtes décadaires, (soutenues par l'impression de 4000 cahiers de chants patriotiques713(*)), tentent d'anéantir le culte catholique dans ses fondements, dans ce qu'il a de religieux. Ces fêtes essayent de reprendre les pratiques chrétiennes : processions de personnes ou de personnages714(*), prêches et discours. Mais on y intégre de nouvelles pratiques païennes comme les danses et le repas. Le message politique des fêtes décadaires a dans Dorfeuille, Millet et Blanc-Désisles des serviteurs dévoués qui mettent leur expérience théâtrale au service du nouveau culte715(*).

La tentative des fêtes décadaires pour tourner en dérision le culte catholique en récupérant ses rites afin de le supplanter par le nouveau culte de la Raison, n'est pas une réussite. Cette démarche est un échec. Les fêtes décadaires disparaissent après le départ d'Albitte de Bourg. Le 4 prairial an II (23 mai), Rollet-Marat reconnait que "le fanatisme règne encore parmi les habitants des campagnes"716(*).

dessin de mascarades

En marge des fêtes décadaires ont lieu des fêtes civiques.

A Bourg le 6 pluviôse an II (25 janvier), on fête la mort de Louis XVI. Ce jour là, des effigies des rois d'Angleterre, d'Espagne, de Prusse, de Sardaigne, l'Empereur du St Empire, le Pape et Pitt sont guillotinés. Une éffigie de femme représentant la ville de Toulon est brulée.

Dans beaucoup de communes rurales, si les fêtes décadaires sont absentes, la présence d'Albitte et le relent de démocratie qu'il colporte, donnent naissance à des fêtes civiques qui ont lieu le décadi. A Treffort le décadi 10 ventôse an II (28 février), une fête civique est organisée par la municipalité lors de la mise en terre du nouvel arbre de la liberté.

Malgré les efforts de tout le personnel révolutionnaire, la décade (et les fêtes décadaires) est très peu suivit par les gens de la campagne qui préfèrent ne pas travailler le dimanche (donc un jour sur sept) plutôt que de goûter au repos décadaire, ( un jour sur dix) . L'ex-prêtre Tollet de Trévoux, ardent sans-culotte se plaint, le 10 ventôse an II (28 février), du peu de zèle qu'ont ses concitoyens à venir écouter la lecture des lois le décadi.

Parmi les commissaires civils qu'Albitte envoie sillonner le département, Vauquoy et Convers font preuvent d'originalité pour empêcher de chômer le dimanche : "Les officiers municipaux de Pont-de-Veyle luttaient depuis longtemps contre le fanatisme de leur commune et ceux des communes voisines, ils avaient employé tous les moyens possibles pour faire triompher la Raison sur l'erreur et n'avaient pu en venir à bout; ce qui avait donné lieu à différentes proclamations qui n'avaient pas eu un meilleur succès, au point que le 19 du courant ( nous sommes au mois de ventôse an II), une foule immense d'hommes et de femmes de la campagne et de la ville parcourait les rues de Pont-de-Veyle et affichait dans les cafés et les cabarets l'incivisme et l'oisiveté. Il s'agissait de réprimer un abus absolument contraire au régime républicain et plus encore dangereux par son exemple. En conséquence ils nous ont invité (les membres de la municipalité) à les seconder dans une mesure essentielle qui tendait à intimider les fanatiques et les personnes égarées et à les faire rentrer dans le devoir en les faisant arrêter momentanément pour les forcer à entendre une morale civique."717(*)

Malgré des mesures d'exception et un personnel révolutionnaire virulent, le district de Bourg, voit les dimanches chômés. Le 23 ventôse an II (3 mars) Rollet-Marat fait part à ses collègues de la surprise qu'il a eue, de voir des gens célébrer le dimanche alors qu'il parcourait le district. Cette remarque de Rollet-Marat amène le district de Bourg, (toujours le 23 ventôse an II), à interdire à tous les hoteliers, cabaretiers et traiteurs de donner à boire et à manger les jours de fêtes et dimanches, ne pouvant pas ainsi inciter les travailleurs à chômer. Le même arrêté est pris par le disitrict de Trévoux et la municipalité de Meximieux au début de germinal an II.

Malgré ces efforts, le dimanche est souvent chômé.

l'arrêté du 8 pluviôse an II

les abdications

Répondant aux attentes de la politique locale et nationale, Albitte inaugure le 8 pluviôse an II (27 janvier), un serment unique dans l'histoire de la déprêtrisation durant la Révolution. Le 8 pluviôse an II (27 janvier), Albitte signe un arrêté de 11 articles, qui comprend aussi un serment. Ce dernier, étant donné la spécificité des termes employés, est sans doute l'oeuvre de Jules Juvanon, (le St Just de st Rambert, ex-prêtre) et certainement pas celle d'Albitte.

Cet acte, qui se veut aussi solennel que peut l'être tout acte religieux, est un serment qui, après celui de la Constitution Civile du Clergé et celui de défendre la liberté et l'égalité, cherche à rendre le prêtre citoyen, à une période de la Révolution qui ne voit en lui qu'un suspect.

Cet arrêté d'Albitte arrive à la fin de la vague déchristianisatrice de l'hiver an II. D'où cette singularité du serment d'Albitte; il se situe au moment où la Convention essaye de stopper la déchristianisation spontanée des mois de brumaire et frimaire an II, initiée par les représentants du peuple comme Fouché ou Dumont. De ce fait, c'est le seul exemple connu qui applique par un arrêté, l'idée déjà développée en frimaire de faire abdiquer les prêtres718(*). Albitte n'est pas l'instaurateur de cette pratique. Dans l'Ain, ces abdications de prêtres existent déjà et constituent jusqu'à l'arrêté d'Albitte, des actes volontaires. Le 21 brumaire an II (11 novembre), le premier curé a abdiquer sa foi, est le citoyen Burtin curé de Jayat. Il est suivit le 25 brumaire an II (15 novembre), par le citoyen Grumet. Le 12 frimaire an II (2 décembre), c'est au tour de l'ex-prieur des bénédictins de Nantua, le citoyen De Lombard, d'abdiquer sa prêtrise en ces termes : "Aujourd'hui, en mon propre et privé nom, je viens déclarer à la face du monde entier que, sans bulle ni pontife, par le seul pouvoir que me donne les droits de l'Homme, je me déprêtrise, et que, purifiant les quatre doigts de mes mains qui ont reçu seuls le fatal caractère du sacerdoce. . .j'abdique solennellement cet état".719(*)

Cette politique d'Albitte est comme pour les suspects, la suite de ce que Javogues a commencé à faire en frimaire720(*) .Gouly, par la suite n'a pas été tendre avec les prêtres721(*). Il répondait en cela, bien aux attentes des Sans-Culottes.

"Qu'est-il besoin de prêtres pour le culte primitif de la raison ? Pourquoi des intermédiaires entre Dieu et nous ? Il parle à nos coeurs, il lit dans nos âmes; cela nous suffit.

Mais voulez-vous voir renaitre les dîmes ? Conservez les prêtres. Voulez-vous voir rétablir le casuel ? Conservez les prêtres. Voulez-vous voir soutirer votre argent par des pratiques absurdes, de faux miracles, des actes de dévotion intérressés ? Conservez les prêtres. Voulez-vous exposer vos femmes et vos filles à la séduction d'une classe d'hommes qui fait profession de contrarier le voeu irrésistible de la nature ? Conservez les prêtres. Enfin, voulez-vous laisser aux intrigants, aux aristocrates, aux ci-devants seigneurs, aux facteurs secret du royalisme, leurs amis, leurs partisans, leurs soutiens naturels, et voir la tyrannie renaitre de ses cendres ? Conservez les prêtres."722(*)

A la lecture de ce réquisitoire si rigoureux de Reydellet contre les prêtres du 25 nivôse an II (14 janvier) et des idées de Dorfeuille sur la religion723(*), il n'est pas étonnant que le 8 pluviôse an II (27 janvier), après une mûre réflexion quant aux termes à employer, Albitte signe l'arrêté systématisant l'abdication, en soumettant les prêtres au serment d'abjuration. Pour Albitte son arrêté à un but précis et répond à une politique claire, il veut montrer au peuple qu'en abjurant leur foi, les religieux sont des victimes de l'Eglise. Pour Albitte, "la vraie manière d'établir la liberté des cultes est d'empêcher que des imposteurs en entretiennent un de privilégié"724(*). Les prêtres du culte catholique, le seul culte dans nos régions, mais aussi tous les représentnts religieux sont donc les hommes à rendre inopérant. "Les prêtres, de quelque culte qu'ils soient, sont dangereux. Il n'en faut ni de l'Emmanuel;, ni du Solei, ni de la Lune, ni de la Raison. Point d'intermédiaire enter l'Eternel et l'homme"725(*). Pour Albitte, comme pour Dorfeuille, le citoyen n'a pas besoin d'un intermédaire parasite, qu'est le représentan du culte, entre lui et Dieu. Albitte n'est donc pas un athé, bien au contraire, mais un homme qui veut mettre la religion au service du citoyen et non plus du prêtre. Cette action rentre dans la ligne d'action du représentant de régénération et de création d'une nouvelle société. Comment parvenir à endre le culte à tous les citoyens ? "En prouvant au peuple qu'il n'en faut point, et en le convainquent que tout prêtre est un homme trompé ou trompeur. . . de reconnaitre parmi les prêtres ceux qui sont vraiment dangereux, et de sauver ceux qui ne sont qu'égarés du sort qui les attend"726(*). Cette vision du renouveau du culte d'Albitte est presque unique à cette époque, quand ses collègues, sont les influences de la Comune de Paris, ne font que déchristianiser à bride abbatues.

Désormais les prêtres doivent abdiquer et prêter serment de fidélité à la République. Cette abdication fait rentrer le prêtre dans le cercle des citoyens.

Albitte dans son arrêté ne donne qu'une extension plus marquante et plus symbolique, au décrêt de la Convention du 23 brumaire an II (13 novembre). Le 21 pluviôse an II (9 février), Albitte prend un nouvel arrêté, complémentaire à celui du 8, qui éclaircit la situation des prêtres qui à la date du 8 pluviôse pas n'avaient abdiqué et qui le font par la suite. Dans cet arrêté, Albitte rend une liberté totale aux prêtres de soixante ans ou marié; tandis que les autres sont obligés de rester dans le chef-lieu du district.

Malgré le soin pris quant au vocabulaire, une faute à l'impression s'est glissée dans le texte. Ce n'est que le 21 pluviôse an II (9 février) seulement, que Darasse prévient Rollet-Marat de cette erreur727(*).

L'arrêté est transmis aux districts dès le 9 pluviôse an II (28 janvier). A l'annonce de sa parution, certains prêtres fuient le serment pour se réfugier au Jura728(*). En effet l'arrêté stipule que les prêtres ont abdiqué "leurs prétendues fonctions, abjuré leurs erreurs et remis leurs lettres de prêtrises sont requis. . .de se rendre dans le délai de trois jours dans le chef lieu du district où ils se trouvent. . .de fixer leur domicile dans le chef lieu. . . .Ils se présenteront tous les cinq jours à la dite municipalité pour certifier de leur bonne ou mauvaise conduite".729(*)

Les prêtres qui n'ont pas abdiqué ou qui sont parjures, doivent "se rendre sur-le-champ sous la surveillance de ladite municipalité dans la maison de sureté qui sera à cet effet préparée".730(*) Les prêtres qui ne prêtent pas le serment sont considérés comme des rebelles à la loi. La suite de l'arrêté se dirige contre les personnes susceptibles d'aider les prêtres insermentés.

Pour beaucoup autorités constituées, l'arrêté du 8 pluviôse n'est pas un acte païen mais un acte salutaire pour la République "il n'y a plus de curés et la République n'en a plus besoin"731(*), dit le comité de surveillance de Lagnieu le 13 ventôse an II (3 mars).

La formule d'abdication est présentée aux prêtres à la municipalité des chefs lieux de districts. Le prêtre, pour se conformer à l'arrêté, doit remettre ses lettres de prêtrise, signer son abdication, puis lors de la décade, abjurer publiquement sa foi.

Ses abjurations publiques ont lieu à Bourg le 20 pluviôse an II (8 février), à Belley le 30 pluviôse an II (18 février), à St Rambert le 9 ventôse an II (25 février), à Gex le 15 ventôse an II (5 mars), à Nantua le 15 ventôse an II (5 mars), à Châtillon-sur-Chalaronne le 15 ventôse (5 mars), à Pont-de-vaux le 16 ventôse an II (6 mars), à Trévoux le 19 ventôse an II (9 mars) et à Montluel le 20 ventôse an II (10 mars). En l'espace d'un mois, 361 prêtres ont abjuré leur foi publiquement732(*) suivant l'arrêté d'Albitte. Il s'agit là d'un nombre approximatif de prêtres ayant abjuré leur foi. Ce chiffre n'est pas arrêté car des abjurations ont pu avoir lieu sans entrer dans le décompte officiel. On peut néanmoins convenir, que le nombre des prêtres ayant abjuré dépasse de plus de la moitié le nombre de prêtres officiant encore dans le département au moment où arrive Albitte.

acte d'azbjuration

Certains prêtres, déjà en maison de détention le 8 pluviôse an II, signent en prison leur abjuration devant Dorfeuille, Millet, Bonnerot et Frilet733(*).

Le serment est aussi présenté à Belley, par deux officiers municipaux, durant la dernière décade de ventôse an II, dans les maisons de détentions où sont retenues des religieuses. Mais aucune d'entres elles ne le signe. Sans doute pour cette raison, elle sont encore détenues au début de l'an III.

L'abbé Mermet est un prêtre abdicatiare. Voici le récit de son abjuration :

"Pendant que j'étais détenu avec beaucoup d'autres prêtres, l'agent national du district de Bourg (Rollet-Marat) et celui de la Municipalité (Blanc-Désisles), suivis de gens en armes, vinrent une nuit dans notre prison, et à la faveur d'une faible lumière qui permettait à peine de distinguer le papier, ils nous firent signer des têtes d'arrêtés qui ressemblaient beaucoup à des états de présence que nous signions tous les soirs. Ces têtes d'arrêtés furent ensuite remplies d'une formule impie."734(*)

Il est possible que quelques prêtres aient signé sans savoir ce dont il s'agissait. Mais tous savaient ce que l'on attendait d'eux, et il n'ait pas faux de penser que seule la peur ait motivé735(*) certains prêtres.

Avant la cérémonie d'abjuration qui à lieu en plublic lors d'une fête décadaire, les prêtres signent le formulaire devant les autorités. A Bourg, les signatures des actes d'abdication ont lieu du 10 au 20 pluviôse an II ( 29 janvier-8 février) à la Maison Commune.

Le 10 pluviôse an II (29 janvier), 3 prêtres abdiquent, (dont un qui se marie736(*)). Le 13 (1er février) un seul prêtre abdique. Le 14 (2 février), trente deux prêtres abdiquent; le 15 pluviôse (3 février) quatre prêtres abdiquent; le 16 (4 février) neuf prêtres abdiquent, le 17 (5 février) cinq prêtres abdiqent; le 18 (6 février) se sont 25 prêtres qui vont à la municipalité pour abdiquer et le 20 (8 février) quatre autres prêtres signent leur abdication.

A Belley, jusqu'au 22 pluviôse an II (10 février) 59 prêtres ont abjuré en exécution du décret du 23 brumaire an II. Les prêtres qui abjurent le 30 pluviôse an II (18 février), ont signé le serment d'Albitte le 27 pluviôse an II (15 février) (pour dix d'entres eux) et le 28 (16 février) (pour cinquante d'entres eux). Le 30 pluviôse an II (18 février), lors de la fête décadaire, Jean-Louis Peysson, viciare cathédral, chanoine et curé de Belley, accompagne son abjuration par un discours qui marque l'adhésion aux nouveaux principes religieux des prêtres du culte catholique. Mais ce discours traduit aussi un volontariat à l'abjuration de certains prêtres (voir annexe).

A Belley, on compte le 30 pluviôse an II (18 février), sur 60 abjurations; 30 curés, 1 sacristain, 15 vicaires, 1 religieux, 1 augustin, 4 chanoines, 2 prêtres, 1 cordelier, 1 recteur de chapelle et 1 joséphiste. La moyenne d'âge est comprise entre 55-65 ans. Le plus jeune à 28 ans et le plus vieux 83 ans.

Le 12 pluviôse an II (31 janvier), la municipalité de Bourg fait enfermer les prêtres abdicateurs à Brou. Même après avoir abdiquer les prêtres restent suspects et certains d'entre eux se retrouvent en prison du fait de leur état de noble ou parce qu'ils n'ont pas la confiance des patriotes.

Des prêtres n'ont pas obéi à l'arrêté d'Albitte et à travers celui-ci, au décret de la Convention. Plusieurs prêtres (surtout les agés), ont refusé de signer la formule. Certains d'entres eux se plaignent que la formule d'Albitte est opposée aux Droits de l'Homme.

En prairial an II, 75 prêtres qui ont refusé de signer le serment d'Albitte sont en maison de détention à Bourg. 22 sont à Brou et 53 à Bicêtre. Rollet-Marat se plaint, le 12 ventôse an II (2 mars) à Albitte des prêtres alors en prison à Bicêtre depuis le 5 ventôse an II (23 février). Le 15 germinal an II (4 avril), Rollet-Marat écrit à nouveau à Albitte au sujet des prêtres détenus : "Tous les prêtres renfermés pour n'avoir pas satisfait à ton arrêté réclament des secours, ils prétendent n'avoir aucune ressource pour vivre ne touchant plus de pension. Décide promptement sur leur sort en les envoyant dans une terre étrangère, n'étant pas digne d'habiter celle de la liberté"737(*)

Beaucoup de prêtres (jureurs ou pas) ont fuit au Jura à l'annonce du serment d'Albitte où ils ont rejoint des réfractaires qui s'y trouvaient déjà.

Rollet-Marat se plaint plusieurs fois à Albitte des prêtres qui se sont retirés dans le Jura738(*). Le serment d'Albitte, malgré sa rigeur, n'empêche pas certains prêtres abdicataires de se rendrent régulièrement dans le Jura à fin de célébrer l'office, de marier et de baptiser. La municipalité de Bourg aussi, se plaint du fanatisme et de l'aristocratie qui règent dans le Jura. Le 8 ventôse an II (26 février) Alban propose au conseil municipal de Bourg de faire une adresse aux représentants Robespierre-le-Jeune et Lejeune, alors au Jura, pour que ces derniers adoptent les arrêtés d'Albitte739(*).

Le 23 ventôse an II (13 mars), alors qu'Albitte promet un arrêté à Rollet-Marat740(*) contre ces prêtres, le directoire du district de Bourg décide que les prêtres du district qui veulent fuir dans le Jura seront arrêtés et conduits à Bicêtre et "que tout prêtre du département du Jura qui osera souiller le sol du district de Bourg, que les arrêtés du représentant Albitte ont purifié, sera saisi et traduit dans la même maison"741(*).

Cette décision du district de Bourg va plus loin, outre le fait d'arrêter tout les ressortissants du département qui iraient dans le Jura pour se marier, entendre la messe et porter des enfants au baptême; elle conduit toutes les religieuses qui se trouvent dans le district de Bourg en prison à la Charité même si ces dernières ont prêter le serment d'Albitte.

Malgré ces résistances, Rollet-Marat écrit le 4 ventôse an II (22 février) au Comité de Salut Public que "depuis l'arrivée d'Albitte, le fanatisme a expiré. La plus part des prêtres ont abjuré leurs erreurs, avoué leur imposture."742(*)

Albitte, par cet arrêté, entend pousser l'éxectuion du décret de la Convention du 23 frimaire. Les Sans-Culottes, avec cet arrêté, entendent se débarasser des prêtres inutiles au nouveau culte. La formule du serment d'Albitte, si elle ravit quelques prêtres poussés dans cette voie par leur famille ou les avantages743(*) qui lui sont liés, affecte le clergé constitutionnel. Ce dernier est durement affecté par la désertion de son personnel. Sur 44 prêtres qui ont abdiqué et prêté le serment d'Albitte dans les districts de Trévoux et de Nantua, 18 seulement se rétractent en l'an III.

* 710Requête du conseil général de Poliat au représentant Albitte pour des secours leur permettent de celébrés dignement les décades pour extirper la superstition. A.D.A série L fonds non classé.

* 711Fête ordonné au comité révolutionnaire par les commissaires séant en cette commuen délégués par le représantsnt Albitte, pour être célébré à Trévoux. Projet collationné par Millet et Bonnerot. A.D.A série fonds non classé.

* 712Cette fête, otganisée sans doute par Dorfeuille, est une imitation de celle faite à Commune d'Armes le 10 nivôse an II sous la houlette de ce dernier alors commissaire national, et d'une fête donnée à Commune-Affranchie le 17 nivôse an II.

* 713Albitte en demande la diffusion à Rollet-Marat, qui les fait imlprimer chez Phillipon à Bourg. Registre de l'agent national du district de Bourg. A.D.A 2L26

* 714 A Trévoux, le défilé promène des banières, comme il est d'usage dans les processions religieuses.

Inscriptions des bannières à la tête des autoritées cnstituées

Les magisrtats sont les pères des pauvres

A la tête de la société populaire

Avant garde de la Révolution

Avant la troupe des jeunes gens

Espérance de la Patrie

Près des quatres jeunes filles habillées de blanc

La Raison, les Moeurs, La Liberté et l'Egalité.

A la tête des prêtres

Vive la Raison à bas le fanatisme.

F^te ordonnée par le comité révolutionnaire de Trévoux. Op.cit.

* 715Comme nous l'avons vu Dorfeuille n'en est pas à ses premiers essais de propagande révolutionnaire par le moyen du spectacle ou de la fête, et Blanc-Désisle, n'hésite pas là non plus à mettre au service de la cause révolutionnaire, les atouts physique de sa femme. "Madame Blanc-Désisles est belle et on la dit peu farouche, tout simplement peut-être parce que chacun a pu admirer son académie le jour qu'à demi-nue, elle a posée sur l'autel de la vierge noire, coiffé d'un bonnet phrygien". In Visages de l'Ain numéro 58, page 16.

* 716Registre de correspondance du district de Bourg. A.D.A 2L28

* 717Convers et Vauquoy, punition contre les individus qui ne célébrainet pas la décade, rapport du 24 ventôsse an II. A.D.A 2LL49.

* 718Le 23 brumaire an II, la Convention décide que les autorités constituées sont autorisées à reçevoir les abdications des prêtes.

* 719Cité par E.Dubois in Histoire de la révolution dans l'Ain, Op.cit, tome 4 page 337.

* 720"C'est dans la Saône-et-Loire et dans l'Ain que Javogues commence à prendre des mesures punitives contre tous les prêtres sans distinction." C.Lucas, Op.cit, page 186.

* 721Gouly, le 13 nivôse an II,fait mettre en prison tout les prêtes et ex-prêtes des districts de Pont-de-Vaux et Nantua.Le 17 nivôse an II, il fait libérer 15 prêtes à condition qu'ils se marient ou qu'ils adoptent un enfant de sans-culotte.

* 722Adresse de l'agent national provisior du district de Bourg, cité par E.Dubois in Histoire de la Révolution dans l'Ain, Op.cit page, tome 4 page 333.

* 723Pour Dorfeuille, comme nous l'avons vu page 62, il est préférable de prier les astres. Dans le même registre, lors d'une réunion de la société populaire de Lent, Dorfeuille "y prêche ouvertement l'athéisme (ce qui est contraire aux idées de Rollet-Marat), en disant qu'il n'y avait point d'extstence divine, que le paradis et l'enfer étainet des inventions des prêtes; que lorsque nous étions mort, il n'y avait que la mort". Témoignage du citoyen Pochon, maire de Tossiat. Extrait des minutes du secrétariat de la municiaplité de Bourg. 3 vendémaiaire an III. A.D.A ancien L219.

* 724Lettre d'Albitte au C.S.P. du 21 Pluviôse an II. A.Aulard receuildes actes du Comité de Salut Public tome 11 page 30.

* 725Lettre d'Albitte au C.S.P. du 11 Ventôse an II. A.Aulard; Ibid, page 492.

* 726Lettre d'Albitte au C.S.P. du 11 Ventôse an II. A.Aulard, ibid, page492.

* 727"Je te préviens qu'il s'est commis une erreur dans la copie de la rédaction de l'abjuration des prêteres et l'imprimeur au lieu du mot reconnaitre a mis celui de méconnaitre. Tu es invité a la rectifier exactement et à placer une virgule après le mot imposture". Lettre de Darrasse à Rollet-Marat, du 21 pluviôse an II. A.D.A série L fonds nonc lassé.

* 728Lettre de Rollet-Marat à Albitte du 20 pluviôse an II. A.D.A 2L28.

* 729Arrêté du 8 pluviôse an II, A.D.A série L fonds non classé.

* 730Ibid.

* 731registre du comité de surveillance de Lagnieu. A.D.A série L fonds non classé.

* 73283 prêtres à Bourg, 60 à Belley, 47 à St Rambert, 18 à Gex, 36 à Nantua, 31 à Chatillon, 24 à Pont-de-Vaux, 37 à Trévoux et 25 à Montluel.

* 733C'est le cas de Bruno Branche, agé de 58 ans, qui signe son abdiquation sur la liste de prisonnier qu'établissent les commissaires d'Albitte envoyés dans les prisons de Bourg durant la première d"écade de pluviôse an II.

* 734Biographie de l'abbé Mermet, cité par Ph. le Duc, Op.cit, tome 4 page 443.

* 735Parmi les prêtres qui se rétractent en l'an III, quelques uns disent avoir signé sous la préssion des terroristes.

* 736Il s'agit du citoeyn Auger, chanoine à Bourg, qui épouse dans le temple de la Raison, la citoyenne Temporal, ex-visitandine.

* 737lettre de Rollet-Marat à Albitte du 15 germinal an II. Op.cit.

* 738Lettre d'Albitte à Rollet-Marat, du 18 ventôse an II. A.D.A série L fonds non classé.

* 739registre municipal; cité par Ph. le Duc, Op.cit, tome 5 page 67.

* 740"Je connais la conduite des prêtres qui se sont retiré dans le Jura et je vais prendre un arrêté vigoureux contre les imposteurs, par lequel je le décalrerai émigrés, s'il ne rentre dans un terme fixe dans le départemnt de l'Ain.". Lettre d'Albitte à Rollet-Marat, Op.cit.

* 741Registre du directoire du district de Bourg, cité par E.Dubois in histoire de la Révolution dans l'Ain, Op.cit, tome 4 page 415.

* 742Lettre de Rollet-Marat aux Comité de Sureté Général et de Salut Public. A.D.A 2L28.

* 743Plusieurs ex-prêtres s'engagent comme volontaires.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard