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Evolutions des densités, pratiques et images des rives de la RD 992 à Colombes - Densification et évolution de l'espace vécu en petite couronne parisienne

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par Alexandre Laignel
Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne - Magistère Aménagement et Urbanisme 2008
  

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Magistère Aménagement

Mémoire universitaire

Sous la direction d'Antoine Brès

Juin 2008

ÉVOLUTION DES DENSITÉS,

PRATIQUES ET IMAGES DES RIVES DE

LA RD 992 À COLOMBES

Densification et évolutions

de l'espace vécu

en petite couronne parisienne

Alexandre Laignel

Magistère Aménagement - Paris 1

Magistère Aménagement

Mémoire universitaire

Sous la direction d'Antoine Brès

Avril 2008

ÉVOLUTION DES DENSITÉS,

PRATIQUES ET IMAGES DES RIVES DE

LA RD 992 À COLOMBES

Densification et évolutions

de l'espace vécu

en petite couronne parisienne

Alexandre Laignel

Magistère Aménagement - Paris 1

Remerciements

Je remercie Antoine BRES, Professeur associé au Magistère Aménagement et Urbanisme de Paris 1, co-directeur du cabinet Brès+Mariolle, pour l'attention qu'il a porté à mon travail et pour ses conseils. Les analyses et réflexions qu'il m'a inspiré ont enrichi ma vision de l'urbanisme.

Mes remerciements s'adressent aussi à Jacques GROSSARD, ancien adjoint à l'urbanisme de la ville de Colombes et Directeur Général de la CODEVAM, pour son écoute et grâce auquel j'ai renouvelé mon regard sur le passionnant territoire du Petit-Colombes.

Je remercie enfin Marc BITRAN, du Service Urbanisme de Colombes, Benoît MOYEN, président des Petits Toits, les amis qui m'ont aidé pour la réalisation des schémas, et les attentives relectrices-eurs.

Sommaire

Introduction 5

Contexte géographique 7

1. Une entrée de ville aux centralités éteintes 9

1.1 Le «Petit-Colombes», un territoire en quête de sens 9

1.2 L'insertion d'un grand axe de circulation: du national au local 19

1.3 Les conditions urbanistiques du boulevard urbain 38

2. Évolutions des pratiques, image et fonctions du boulevard Charles de Gaulle 49

2.1 Evolutions des formes de la riveraineté 49

2.2 La constitution d'images du boulevard 59

2.3 La tertiarisation de l'axe et l'affirmation de sa fonction résidentielle 74

3. Les nouvelles formes de centralités à l'horizon 2020 82

3.1 La requalification au service de l'intégration du boulevard dans le territoire 82

3.2 Les limites de la trame commerciale à « faire ville », ou les freins au modèle de boulevard urbain commercial 94

3.3 Images - Chercher du symbole au boulevard entre patrimoine et modernité 101

Conclusion 113

Bibliographie 117

Introduction

«La porte du Grand Colombes«, »Les Champs-Elysées de Colombes», »Nouveau boulevard urbain»,«Les portes de La Défense«... Les enjeux économiques, politiques et sociaux ouverts par l'évolution des rives d'un axe d'importance régional stimulent les volontés politiques d'associer à un événement urbanistique un projet capable de trouver sa place dans les pratiques et les images locales de la cité. La RD 992, désignée «boulevard Charles de Gaulle» dans sa partie traversant l'ouest de la commune de Colombes, se situe au coeur du processus de densification de la petite couronne parisienne observée depuis les années 1970. Comme sur d'autres radiales franciliennes, l'urbanisation participe ici à un englobement de l'urbain existant, et de ces centralités, à partir des rives de l'axe.

D'une conception fonctionnaliste de la ville à des logiques attachées à l'image, l'évolution de ce quartier fragmenté bouleverse les formes de l'espace vécu du Petit Colombes. Alors que le «rond-point du Petit-Colombes» ou le croisement des rues «Colbert/Gabriel Péri» apparaissent aujourd'hui comme des centralités éteintes, l'analyse de certaines parties du territoire montre la constitution de nouveaux centres. Les opérations ponctuelles réalisées le long de l'axe semblent essayer de s'intégrer de manière nouvelle à l'espace public, en anticipant l'effet «structurant» du tramway apte à générer de la riveraineté le long de l'axe. Cette question de l'intégration des îlots riverains à la voie en lien avec la modification des conditions de circulation en petite couronne reste peu traitée aujourd'hui, alors qu'elle constitue un des principaux mode de production de la ville aujourd'hui. C'est ce constat qui justifie la problématique suivante: la densification radiale en petite couronne est-elle l'occasion de redéfinir, voire dépasser, la conception en terme de centralité de l'espace vécu ?

La partie étudiée de la RD 992 revêt un intérêt particulier du fait de son statut de «sortie de ville» où, malgré l'existence d'un dispositif de traitement d'intégration à la voie des îlots riverains grâce au système de contre-allées, la "riveraineté" (BRES, 2003) est initialement faible et l'urbanisme désintégré de la voie. Un ensemble d'outils et de méthodes permettront d'identifier et d'analyser les évolutions des rives de l'axe, sous le prisme de trois critières préalablement définis: les pratiques, l'image et les fonctions.

La mise en place d'un système d'information géographique permettra de juger de l'évolution de l'espace étudié aux échelles de l'îlot, de la parcelle, de la forme bâtie, et de la trame viaire. Les données numérisées à partir des cadastres papiers des années 1964, 1980, 1990, 2003, et 2006, permettront d'appréhender ces évolutions aux moments-clés de l'histoire de l'axe, et dans la mesure de leur disponibilité: les élargissements consécutifs à partir des années 1980, le lancement de programmes de Z.A.C de logements à partir des années 1980 jusqu'aux années 2000, avec l'accélération de la mutation de l'axe opérée par l'officialisation du projet d'extension de tramway T2 depuis La Défense jusqu'à Bezons. Les observations de terrains permettront dans un second temps d'évaluer l'évolution des pratiques, images et fonctions le long de l'axe, pour parvenir à juger de l'évolution, ou pas, de l'axe vers un modèle type «boulevard urbain».

Ce mémoire s'articulera en trois parties. Dans un premier temps, le retour sur les logiques qui ont présidé à l'urbanisation du quartier, aux regards de ses anciennes centralités, permettront de mesurer les effets d'une production cloisonnée de la ville entre deux acteurs: l'Etat, via la DREIF, et la commune. Pour se faire, l'analyse sera décomposée en deux temps: l'identification des formes urbaines produites aux marges du boulevard d'abord, du fait du gel de l'évolution des façades du boulevard par l'Etat, puis la production du boulevard et de ses façades entamées en 1975 et mettant en oeuvre de nouveaux concepts. La mise en perspective des problématiques à l'oeuvre aujourd'hui sur ce territoire, au regard des travaux de Geneviève Dubois-Taine, d'Antoine Bres, de Demorgon ou encore de Kévin Lynch, dressera la grille de lecture permettant d'évaluer dans une deuxième partie les évolutions du boulevard et de ses rives dans la période comprise en 1997 et 2008. Trois critères (pratique, image, et fonction), permettront d'identifier les dynamiques actuelles existantes en terme d'espace vécu du quartier. Puis, nous approcherons dans un troisième temps une analyse prospective visant à identifier le devenir de cet axe à partir des tendances observées en deuxième partie, pour dessiner les centralités futures du boulevard dans le contexte altoséquanais de densification en petite couronne.

Contexte géographique

Illustration 1: La RD 992 dans la boucle nord des Hauts-de-Seine - Conception et réalisation:Alexandre Laignel

Illustration 2: La RD 992 à Colombes - Conception et réalisation:Alexandre Laignel

1. Une entrée de ville aux centralités éteintes

L'objet de cette partie sera de dresser les spécificités urbaines du quartier afin d'identifier les enjeux relatifs à son urbanisation: l'intégration des rives de l'axe à la voie, ainsi que l'aménagement d'un espace central atomisé par la voie. Deux conceptions cloisonnées de l'aménagement ont été mises en oeuvre sur ce territoire, inspirées par des approches et des contextes spécifiques. Nous reviendrons successivement sur la conception du Petit-Colombes qui s'est faite aux marges de l'axe, du fait d'une servitude d'élargissement, avant d'aborder dans un second temps la production du boulevard en lui-même et de ses façaces. Enfin, nous dresserons l'état des lieux de la recherche urbaine sur les enjeux de l'approche d'un territoire en terme de "riveraineté", permettant de disposer d'une grille de lecture pour identifier l'évolution du Petit-Colombes sur la période récente.

1.1 Le «Petit-Colombes», un territoire en quête de sens

1.1.1 Le «Petit-Colombes» une identité propre

Un quartier excentré des centres historiques

Le quartier du «Petit Colombes» est marqué par un contexte urbanistique récent, compréhensible d'une part du fait de sa situation excentrée vis-à-vis des centres urbains historiques des communes de la boucle nord des Hauts-de-Seine, mais aussi du fait de son enclavement passé à Paris, provoqué par la frontière fluviale de la Seine tardivement franchie par des ponts. Alors que les communes voisines de Gennevilliers ou d'Argenteuil sont historiquement tournées vers le commerce fluvial, du fait d'une topographie basse, Colombes reste perché sur une colline calcaire, échappant par là même au risque d'inondation. La vocation céréalicultrice du territoire (seigle, orge, pomme de terre) prédomine ainsi jusqu'à la moitié du 19ème siècle, tournant à partir duquel l'essor des cultures vigneronnes puis maraichères individuelles annoncent la transition vers le développement d'activités à plus hautes-valeurs ajoutées, avec l'industrialisation de la ville portée entre autre par l'extension de l'agglomération parisienne (POLETTI, 1999).

Illustration 3: Illustration 1: Les rives de la RN 192 en 1905 - Source: Mairie de Colombes, 1994

Le rapport à la Seine de Colombes donne également lieu à une image bucolique de la commune, puisque la Reine Henriette d'Angleterre, fille d'Henri IV, fait le choix des bords de Seine colombiens pour édifier sa demeure, et quelques siècles plus tard, les rives de la Seine sont adoptées comme des lieux de canotage et de guingettes, donnant lieu au développement de l'actuelle rue Colbert. C'est sur ce premier axe qu'apparaissent les premières traces d'urbanisation. Au nord, cette voie débouche sur un débarcadère permettant de traverser la Seine pour se rendre à la commune de Bezons. Outre le rare habitat dispersé lié à l'activité agricole, l'urbanisation épouse ici les rives des premières grandes voies de passage. La rue de Nanterre (actuelle rue Gabriel Péri) est le second grand axe important, au long duquel s'implantent ponctuellement quelques maisons. Au croisement de la rue de Nanterre et de l'actuelle rue Colbert, des premières constructions témoignent de l'existence d'une centralité: l'église du Sacré-Coeur domine alors l'ensemble du quartier. L'existence d'une paroisse propre laisse également à penser l'existence d'une identité propre au quartier, qui se serait développée vis-à-vis d'un centre lointain (le centre de la commune de Colombes est situé à 4 kilomètres). Mais si le sécessionisme communal devient un phénomène d'ampleur en Ile-de-France, il ne donnera pas lieu au Petit-Colombes à l'expression d'une telle volonté (alors que La Garenne-Colombes puis Bois-Colombes sont érigées en communes autonomes et se détachent respectivement de Colombes en 1896 et 1910).

Une identité industrielle

La création d'une voie impériale entre 1805 et 1810, le «boulevard du Havre», puis d'un pont reliant Colombes à Bezons en 1811, modifie la première trajectoire radiale suivie jusque là par l'urbanisation. Il s'en suit la création de quelques commerces de vignobles sur ce nouvel axe de passage "Paris-Bezons". Si elle donne lieu dans un premier temps à une urbanisation ponctuelle sur ses rives, c'est d'abord la voie ferrée qui détermine le tournant industriel du Petit-Colombes, et son urbanisation, avec l'installation en 1854 de la première usine de pétrochimie (distillation de produits pétroliers). La proximité de la nouvelle gare de marchandises "Garenne-Bezons" créée developpe ainsi un noyau industriel dans le quartier de l'actuelle Z.A.C Champs-Philippe, alors que s'opére dans le même temps une urbanisation de type pavillonnaire autour des rives sud du boulevard dans lequel habitent les nouvelles populations ouvrières. La première guerre mondiale contribue à l'installation de nouvelles industries. Dans le quartier des Ternes, à la frontière de la commune de Nanterre, l'ingénieur Félix Amiot installe sa première usine dans laquelle les ouvriers construisent des avions de guerre. C'est l'émergence d'une identité ouvrière dans le Petit-Colombes, inscrite plus généralement dans la boucle nord des Hauts-de-Seine et à l'échelle du bassin d'Argenteuil. La vie syndicale contribue à la naissance d'une identité petit-colombienne, marquée par une culture locale. Au lendemain de la guerre, l'éclatement d'une série de grèves suite à un conflit sur "la vie chère", entre le patronat de la métallurgie et les syndicats, restera un évènement marquant dans les consciences de la population. Cette culture ouvrière s'exprime en termes électoraux par la surreprésentation des votes communistes aux scrutins locaux par rapport au reste de la commune (POLETTI, 1999). Les usines apparaissent aussi dans l'histoire sociale du quartier comme des lieux étroitement attachés à la mémoire collective des guerres successives. Pendant la 2nde guerre mondiale, l'usine Amiot réquisitionnée par l'armée allemande pour fabriquer sa flotte aérienne est la cible de sabotages des résistants.

Ces évènements consécutifs à la spécificité ouvrière locale inscrivent une partie de la mémoire collective dans un certain nombre de bâtiments comme l'ancienne usine Amiot. Si la population ouvrière de banlieue est pour beaucoup composée d'anciens ruraux, elle se caractérise ici par la présence importante d'étrangers originaires du Maghreb dans les «hôtels-marchands de vin» situés en façade du boulevard du Havre. Cette particularité augure une dynamique de peuplement importante des populations originaires du Maghreb.

D'après les statistiques délivrés par le dernier recensement de l'INSEE1(*), on peut parler d'une surreprésentation des classes modestes dans le quartier du Petit-Colombes, puisque les catégories socioprofessionnelles «employés» et «ouvriers» y sont surreprésentées par rapport au reste de la commune (47,4 % dans le Petit-Colombes contre 36,5 % sur l'ensemble de la commune). Néanmoins, la "spécialisation" du quartier dans l'industrie n'existe plus. La déconcentration industrielle et la tertiarisation de la société expliquent le départ de ces activités, même si la réalité ouvrière demeure. Ce constat ne s'observe pas seulement sur les recensements, puisque l'espace petit-colombien est marqué par ce déclin de l'industrie. L'usine "Amiot" est rachetée par le ministère de la Défense après la guerre. Le centre sert jusque dans les années 1990 à la formation à la gestion des personnels militaires. Au sud, le déclin de l'activité industrielle a laissé la place à des activités de stockage et de commerce, à l'image du Conforama, espace de vente le plus grand d'Europe à son ouverture. Cette diversification de la structure des emplois des habitants du Petit-Colombes participe à la désintégration du rôle structurant que pouvait avoir l'industrie. De plus, l'échelle du vécu change. Le développement de la voie ferrée à destination des travailleurs et les migrations pendulaires atomisent plus encore l'espace vécu des petits-colombiens, ainsi que l'ancienne structuration sociale.

On assiste donc pendant cette période au développement d'une identité propre, à l'écart des centres historiques des communes de Colombes et Nanterre, à laquelle se rattache encore dans les mémoires actuelles de nombreux évènements. En terme sociologique, cette période est fondatrice des spécificités ouvrières et immigrées du quartier. Elle trouve expression aujourd'hui à travers certains éléments bâtis.

Illustration 4: Les personnes de nationalité étrangère à Colombes en 1999 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

1.1.2 Du pavillonnaire «loi Loucheur» aux projets d'aménagements d'ensembles: un processus d'hétérogénéïsation fonctionnelle du territoire

Les formes urbaines du Petit-Colombes sud

Illustration 5: Les îlots issus du remembrement du parcellaire agricole des rives sud-est du boulevard Charles de Gaulle au 20ème siècle

La première strate de logements associée à l'expansion de l'industrie autour de la station "Garenne-Bezons" est fortement marquée par l'habitat individuel. Les prêts consentis aux familles nombreuses modestes par les lois «Ribot» et «Loucheur» à partir de 1922, dans le contexte d'expansion importante de la ville sur la périphérie rurale, contribue à la multiplication des logements individuels sous forme de «rez-de-chaussées», petites maisons très peu équipées souvent autoconstruites, ou encore de «maisonnettes de bois». Du fait de la cherté du coût du terrain à proximité immédiate des usines, les «mal-lotis» se logent essentiellement sur les rives du boulevard du Havre (ancien nom du boulevard Charles de Gaulle), ou sur le quartier «Plateau», encore peu urbanisé, profitant du faible coût des étroites parcelles agricoles. Du fait de l'éloignement du boulevard, ces maisons individuelles sont peu souvent reliées aux réseaux. A l'échelle de la commune de Colombes, ce quartier est marginal géographiquement vis-à-vis

Illustration 6: Les îlots issus du remembrement du parcellaire agricole des rives sud-ouest du boulevard Charles de Gaulle au 20ème siècle

d'un centre bourgeois et de petits-commerçants plus important en nombre (96 chefs de familles recensés dans le quartier «Plateau» contre 476 chefs de familles dans les quartiers Vallées et Petite Garenne). Si l'identité ouvrière naît peu à peu sur les rives sud du «boulevard du Havre», elle ne s'inscrit urbanistiquement que par la formation de quelques îlots de «mal-lotîs», qui rachètent les parcelles agricoles par morceau.

Les parcelles situées en façade du boulevard du Havre constituent l'axe autour duquel se développe l'urbanisation du quartier. Les photographies datant du début du 20ème siècle font état de la prédominance d'un bâti adossé au boulevard, composé d'un étage et d'un rez-de-chaussée, ce dernier étant utilisé à des fins commerciales (hôtel, commerce agricole). Le remembrement foncier provoqué par la multiplication du logement individuel donne lieu à la restructuration des îlots, en fonction d'une vocation résidentielle. Les parcelles sont recomposées par une trame viaire qui casse l'étirement des longues parcelles agraires. Le bâti de ces îlots tend à s'adosser à la rue, réservant les jardins en coeur d'îlot à des usages agricoles destinés à compenser les petites payes, importation des habitudes d'une population souvent originaire des campagnes.

La poursuite de l'industrialisation sur la rive ouest de l'axe provoque également une recomposition du parcellaire et de la trame viaire. L'ensemble de parcelles en lanière situées à proximité de la station "Garenne-Bezons" sont rachetées par les propriétaires fonciers industriels, contribuant peu à peu à un remembrement des terrains agricoles jusqu'à la formation de parcelles de grandes tailles au cours du 20ème siècle. Aujourd'hui, ces parcelles sont occupées par des activités commerciales qui reprennent à peu près la même trame parcellaire, voire qui contribuent encore au remembrement des parcelles. Il en est ainsi de l'îlot situé en façade de la voie ferrée Paris-Maison-Lafitte et du Pont de Charlebourg, fruit du remembrement de plusieurs parcelles industrielles. Le cadastre de l'année 1960, représentée dans l'illustration ci-dessous, fait état de la rupture nette entre l'étendue du parcellaire industriel occupé par des usines et des ateliers de grandes surfaces, au sud, et les résidus de parcellaires agricoles rachetés par des populations ouvrières, au nord.

Les formes urbaines du Petit-Colombes nord, un quartier résidentiel

Les années 1930 sont marquées par la construction d'habitations à loyers modérés sur le nord de l'axe à l'intiative de l'office public H.L.M. du département de la Seine. Rue de Metz, deux ensembles de logements sont construits, équipés selon les normes de confort alors portées par Henri Sellier (dont WC individuels et douches). Cette expérience ne se généralise pas dans le quartier, et il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que prenne vraiment forme un quartier à dominante résidentielle. Les années 1965 ouvrent une période de rénovation importante. Les bidonvilles situés au nord des rives du boulevard Charles de Gaulle, dont le "lotissement des Côtes d'Auty", bidonville situé entre la rue de Metz et l'Avenue Galliéni, sont détruits. Conduite à l'échelle de la commune, c'est la SONACOTRA qui est chargée de la reconstruction de cités d'urgence, grâce aux allocation familiales non-versées aux travailleurs. Les habitants sont relogés dans les 120 logements de la cité de transit des Côtes d'Auty (1967), et dans 157 logements de l'ensemble "Résidence Charles de Gaulle" (1956) en accession à la propriété. Viennent compléter cette offre résidentielle d'autres ensembles: en 1959, construction des H.L.M aux 5 à 21 rue de Metz; construction des SCIC Côtes d'Auty en 1965, puis des LOGIREP en 1968 à la place des bidonvilles. Cette première période de construction de logements se termine par l'édification des tours H.L.M. des Canibouts en 1974, puis du grand ensemble des Grèves (le nom fait référence à l'ancienne activité d'extraction de pierre), décomposé en 2 ensembles: les Grèves 1 terminé en 1971, et les Grèves 2 en 1974.

Illustration 7: Les espaces publics de la cité des Grèves: une conception minimaliste - Source: CNV 1958

Ces ensembles sont pour la totalité éloignés des rives du boulevard, étant donnée l'incertitude demeurant quant à l'avenir des façades du boulevard jusqu'en 1977. De plus, ces ensembles se localisent pour la plupart sur la partie nord du boulevard, confortant la vocation résidentielle du quartier, et divisant de fait l'ensemble Charles de Gaulle selon des quartiers spécialisés dans différentes fonctions. Cette localisation nord du logement collectif s'explique par le foncier alors disponible, la frange sud-ouest du boulevard étant occupée par l'industrie, et la frange sud-est ayant été urbanisée par l'habitat individuel.

Inspirés par une conception fonctionnaliste héritée de la Charte d'Athènes, ces ensembles se caractérisent par un plan masse détaché de la trame viaire, rompant le rapport à la rue qui prévalait jusque là. L'espace libéré au sol par la verticalisation du logement est destiné au stationnement automobile, à quelques espaces de jeux pour enfants, et à des "espaces verts" (ce terme d'"espace" rappelle une production peu élaborée et minimaliste des aménagements paysagers). La localisation des équipements se veut homogène sur le territoire: le centre médicosocial de Seine est construit au croisement des rues "Gros Grès" et "Canibouts", à côté du groupe scolaire "Buffon"; le marché est situé au croisement des deux axes structurants "Charles de Gaulle" et "Gabriel Péri"; l'école maternelle des Côtes d'Auty est construite rue "Champy" au nord, et le C.E.S Henri Dunant à l'intérieur de la zone pavillonnaire entre les rues "Henri Dunant" et "Bellevue". La frange sud-est du boulevard, peu dense en habitants, n'est pas dotée d'infrastructures d'équipements collectifs. La production des rives nord du

Illustration 8: Les îlots issus du remembrement du parcellaire agricole des rives nord du boulevard Charles de Gaulle au 20ème siècle

boulevard est donc très largement spécialisée dans la fonction résidentielle, les formes urbaines s'inspirant des principes modernistes et fonctionnalistes de la Charte d'Athènes.

Cette première partie a permis de décrire les formes de l'urbanisation qui s'est constituée à l'écart du boulevard Charles de Gaulle. Elle inscrit une conception fonctionnaliste de l'aménagement à plusieurs échelles: un urbanisme détaché de la rue, où chacune des fonctions est séparée de l'autre. La localisation d'activités consommatrices d'espaces tend à fragmenter l'espace, en favorisant les métriques automobiles. Ecarté de cette 1ère phase du renouvellement urbain du Petit-Colombes, les façades du boulevard présentent une histoire originale étroitement attachée aux enjeux régionaux de l'aménagement du territoire francilien, alors dirigé par l'acteur étatique. La production de cet espace résultera d'une conception cloisonnée entre deux acteurs de l'aménagement.

1.2 L'insertion d'un grand axe de circulation: du national au local

L'histoire de l'axe est marquée par quatre grandes étapes: le tracé de l'axe en 1805, suivi de sa fréquentation croissante au fur et à mesure de la périurbanisation parisienne génératrice de circulations; l'essor de l'automobile au début du 20ème siècle, la première apparition du tramway, la disparition du tramway au début dans les années 1920-1930, l'élargissement et l'aménagement du boulevard en 1975 selon un profil adoptant pour une des premières fois en Ile-de-France le « site propre », et les projets d'aménagements des rives du boulevard (1980-1990), en lien avec la voie, dans une approche utilisant pour la première fois ici la notion de « boulevard urbain ». Le début des années 2010 ouvrira une nouvelle période de l'évolution de la voie, puisqu'elle marquera le retour du tramway selon un profil axial.

Si le projet d'élargissement et le profil nouveau de la voie adopté en 1975 modifient fortement le profil du boulevard, la préservation de certaines formes urbaines originales de l'axe lui confèrent aujourd'hui une identité bâtie, qu'il convient également de décrire.

1.2.1 L'élargissement de la RN 192, la constitution d'un grand axe de circulation par l'acteur étatique

Les propositions successives d'aménagement du boulevard

Créé en 1805 en tant que "voie impériale", le boulevard découpe en biais, sur une largeur de 22 mètres, le parcellaire agricole composé de longues lannières. Le tracé courbe de la radiale "rue Colbert" préexistante et déjà ponctuellement urbanisée se prête alors mal à la conception "droite" de la route, qui se doit de permettre l'acheminement le plus rapide des troupes militaires du roi, et des biens transportés, d'un point à un autre du territoire français. Le tracé de la rue "Colbert" est ainsi relégué au second plan, devenant un "bras mort", axe circulatoire d'importance secondaire. L'installation du tramway sur l'axe en profil latéral à la fin du 19ème siècle n'entraine pas d'élargissement de l'axe qui reste à 22 mètres. L'apparition de la voiture en 1900 confirme plus encore le développement du "Boulevard du Havre"2(*) au détriment de la rue Colbert, à tel point qu'il entraîne la suppression de la ligne de tramway dans les années 1930, ainsi que des rangées d'arbres latérales. Celles-ci sont remplacées par des lignes de bus. Les façades du boulevard s'urbanisent peu à peu, d'abord au nord où se développent des hôtels accueillant les travailleurs immigrés des usines Amiot et les façades sud situées autour de la gare ferroviaire Garenne-Charlebourg. Au fil des années, d'autres "commerces de rue" se développent, notamment des activités liées à la voiture. La construction de la A 86 au nord et l'extension de l'agglomération parisienne irriguent encore plus cet axe en circulations, qui s'avère trop étroit pour assurer le cheminement des automobiles notamment en sa partie sud.

Inscrit très tôt dans les projets d'aménagements de la région Ile-de-France, la RN 192 constitue un des axes possibles sur lesquels réaliser un développement radial à l'échelle régionale. A la fin du 19ème siècle, l'arrivée du métro jusqu'au rond-point du Petit-Colombes est envisagé, lors de la réflexion sur le tracé de la future ligne 1. Celui s'arrête finalement, pour un temps, à la Porte de Neuilly. Par la suite, la construction d'une autoroute large de 120 mètres est escomptée à partir de 1900 par les services de

Illustration 9: Le boulevard du Havre dans les années 1930; le tramway est aménagé selon un profil latéral - Source: Archives départementales des Hauts-de-Seine

Illustration 10: Le boulevard Charles de Gaulle dans les années 1970. L'essor de l'automobilité a entrainé la suppression du tramway et des rangées d'arbres - Source: Ville de Colombes

Illustration 11: L'évolution de l'espace public entre 1960 et 2003

Illustration 12: Source: CNV (1958), Schéma de principe de l'extension du T2 La Défense-Bezons (2003) Réalisation: Emiline Cocquyt

l'Etat (Autoroute B-15), entraînant le gel de la délivrance des permis de construire par le Préfet. Les conséquences de ce gel se répercutent à différents niveaux: en 1970, la Préfecture des Hauts-de-Seine oppose son véto au projet de rénovation du marché des 4 chemins déposé par la mairie de Colombes (Mairie de Colombes, 1977). Les propriétaires bloquent aussi les réhabilitations de leurs maisons en prévision du futur déménagement, entraînant une détérioration du tissu urbain en façade du boulevard. Si la commune de Colombes ne présente pas son opposition à un projet pour le boulevard, elle adopte une posture critique vis-à-vis de l'Etat, lui repprochant la longueur du processus de décision. Dominique Frelaut, maire communiste de Colombes de 1965 à 2001, qualifiera plus tard par des termes critiques l'attitude de l'Etat "L'ombre de Zorro ne pèse plus sur la Porte du Grand Colombes" (Mairie de Colombes, 1977). Le Schéma d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Ile-de-France de 1965 anticipe déjà l'abandon du projet d'autoroute à la place du boulevard Charles de Gaulle, la RN 192 n'apparaissant pas dans les tracés d'autoroutes prévus. Ce choix est définitivement confirmé le 6 août 1975, avec la décision du Préfet de Région qui fixe à 46 mètres la largeur du boulevard. Cette date ouvre la seconde grande période de rénovation du Petit-Colombes.

Une production de formes urbaines atypiques liées à la production du boulevard

L'histoire tourmentée du boulevard a produit certaines formes urbaines qui fondent aujourd'hui l'identité visuelle du boulevard. Avec l'essor du boulevard du Havre, futur boulevard Charles de Gaulle, les centralités d'hier tendent à disparaître: les commerces se relocalisent sur les lieux plus fréquentés, les équipements publics sont eux-aussi relocalisés.

Le "rond-point du Petit Colombes" est la plus ancienne d'entre-elles. Ce rond-point dont aucune route ne part fut édifié en prévision de l'arrivée hypothétique du métro 1, à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle. Les façades des bâtiments du rond-point sont, avant la rénovation des années 1980, établies par des activités de commerce et de réparation automobile, constituant un lieu de halte pour les personnes de passage. Si l'élargissement de la RN 192 des années 1970-1980 a rogné une partie de cette forme urbaine, les programmes de logement construits dans les années 1980 tentent de préserver cette forme grâce à l'ouverture de l'îlot est, et de par la forme légèrement courbée du programme de l'îlot ouest.

Le croisement des rues "Colbert" et "Gabriel Péri" inscrit sur le territoire petit-colombien la marque d'une centralité éteinte plus ancienne encore. La paroisse du Sacré-Coeur, évoquée plus haut, constitue un des marqueurs témoignant de la fonction qu'avait cet espace, bien qu'étant éloigné de 200 mètres du carrefour. Les bâtiments dominant le carrefour par leur hauteur se détachent également du paysage du quartier et sont une trace de l'ancienne centralité du lieu, à laquelle se rajoutait par le passé la présence de l'ancien bureau de poste du quartier du Petit-Colombes située au carrefour "Colbert'" "Gabriel Péri". Le développement du boulevard Charles de Gaulle, et le choix fait d'implanter les équipements publics sur les rives nord du boulevard, entraînera le "déclin centralien" de cet espace.

La coupure "en biais" du parcellaire agricole est à l'origine d'une disposition particulière du bâti, là où le remembrement "en façade" de la voie n'a pas eu lieu. Plus précisemment localisées sur les rives sud du boulevard, ces parcelles, peu à peu urbanisées selon ce même sens, donnent à voir les façades des maisons à l'automobiliste.

1.2.2 Vers un nouveau projet de boulevard urbain

La programmation de la requalification de la RN 192 par l'Etat en 1975 ouvre une nouvelle phase dans l'urbanisation du quartier. L'acteur communal tient une place majeure dans les projets d'aménagement: la municipalité enclenche une politique foncière de reconquête des rives du boulevard, en commençant par l'aquisition du terrain pour reconstruire un nouveau marché au carrefour des quatres chemins. Cette politique d'urbanisme est justifiée dans la presse municipale de l'époque par quatre principes: "Améliorer considérablement les transports en commun pour une liaison rapide avec La Défense et le Centre-Ville";"Reconstituer un centre vivant autour des 4 chemins";"Créer une façade urbaine moderne du boulevard élargi";"Assurer la concertation avec la population à l'aide d'une exposition que nous avons appelée évolutive, de réunions-débats, d'informations diverses.". On retrouve à travers ces principes le projet de reconstruire la ville en lien avec le boulevard. En tant qu'axe de circulation d'importance, il faut aussi concilier une fonction résidentielle avec une image qui se donne à voir de la ville, ce que la "façade moderne élargie", l'architecture des programmes du "Rond-point", doit amener à résoudre.

Le projet d'un "boulevard résidentiel" sur les rives nord du boulevard

Le rapport des hauteurs des immeubles (13 mètres) par rapport à la largeur de la rue (46 mètres) donne une impression de largeur au boulevard, offrant à l'automobiliste un espace visuel sécurisant pour la conduite. La composition architecturale et urbaine des façades cherche aussi à compléxifier l'image vue par l'automobiliste. La diversité des couleurs, des volumes, et dans une moindre mesure des matériaux assure du rythme à cette séquence visuelle du boulevard. Sur la rive ouest, l'usage de carrelages de différentes couleurs en fonction de la hauteur (marron sur toute la façade, noir au dernier niveau), et le renfoncement de la façade au dernier étage, offre une complexité architecturale. Les loggias, identifiables visuellement par la présence de carrelages bleus et blancs, complexifient encore la composition. Sur la rive est, la variété des hauteurs de la succession des bâtiments alignés à la voie crééent le rythme de défilement offert à l'automobiliste. Cette composition est doublée de volumes géométriques (cheminées en formes de pyramides) discrètement disposés sur les toits-terrasses des rangées d'immeubles, dont la cime visible depuis la rue donne un effet urbain rappelant l'image de l'encombrement des toitures parisiennes haussmanniennes. Le champ de vue de l'automobiliste est également égayé par la succession de colonnes de carrelages, régulièrement inscrites sur les façades des immeubles de la façade est, dont les co

Profil des rives nord du boulevard Charles de Gaulle en 2008 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

uleurs sombres ressortent de la couleur générale brune claire de l'ensemble. Le "rond-point du Petit Colombes voulait se donner comme une ouverture visuelle, mais aussi urbaine, inscrite dans le linéaire de l'ensemble de logements "Rond-Point". A ce titre, la connexion à l'ensemble "Côtes d'Auty" attenant à la rue Colbert pouvait se faire grâce à un itinéraire piétonnier en coeur d'îlot.

Ce programme visant à créer un boulevard marqué par un défilement visuel moderne ne concerne en premier lieu que la partie nord du boulevard, outre les terrains de la Marine. La partie sud du boulevard relève d'un traitement spécifique par rapport au nord. En effet, les rives est ne sont pas inclues dans la servitude d'élargissement à 46 mètres, restant de ce fait caractérisées par un parcellaire en biais par rapport à la voie. Seuls quelques aménagements sont proposés sur la façade ouest, comme l'indique les plaquettes de communication offertes à l'époque, dans la même perspective qu'au nord. La façade sud-est reste marquée du fait de son découpage par une ligne de défilement inégale, variant petits collectifs et logements individuels. Eloignés de l'image moderne planifiée sur les autres parties, elle demeure difficilement mutable du fait du morcellement foncier. L'entrée de ville à La Garenne-Colombes est inscrite par la présence d'un bâtiment attenant à la voie, destiné à des activités de type tertiaire (bureau).

Le carrefour des quatre-chemins, une "soudure urbaine" par une centralité commerciale et une composition urbaine et architecturale

Le carrefour des 4 chemins est l'évènement qui "fait ville" tant pour le Petit-Colombes que pour le Petit-Nanterre, depuis que le développement du boulevard au détriment de la rue Colbert a déplacé le centre de gravité de l'espace vécu au croisement de cet axe de circulation d'importance. Ce lieu constitue un point nodal desservi par les transports en commun (7 lignes de bus), constituant un lieu de passage quotidien dans les itinéraires pendulaires des habitants. Le carrefour des 4 chemins rayonne jusqu'à ces deux quartiers également du fait de son marché, qui est un des principaux lieux de chalandise hebdommaire des habitants de cet ensemble, point de frottements et de rencontres entre les habitants du Petit-Colombes et ceux du Petit-Nanterre. Autour, un ensemble de petits-commerces complète l'offre du marché. A ces divers titres, le lieu méritait une inscription "territoriale", un aménagement lui conférant une imagéabilité.

Cette phase de l'aménagement du Petit-Colombes met en oeuvre une conception fonctionnelle de la centralité, en développant le tissu de commerces et d'équipements résidentiels. Le tissu d'équipements localise précisemment un centre pour le Petit-Colombes, en centralisant les équipements et les commerces autour de la place Aragon: déplacement du bureau de Poste en coeur d'îlot accessible depuis la place, création d'une annexe du commissariat, et au début des années 2000, installation d'une gallerie commerciale et du supermarché Leclerc. Ces lieux de chalandise rayonnent jusqu'au Petit-Nanterre, à l'ouest. Outre sa dimension commerciale, la rénovation du carrefour des quatres chemins s'inscrit dans la démarche initiée par la mission "Banlieue 89", encadrée au niveau gouvernemental par les architectes-urbanistes Michel Cantal-Dupart et Roland Castro, puisque les projets des architectes auteurs des îlots "Aragon" et "Victor Basch" reçoivent les subventions de cette mission. Le projet décline ainsi certains des principes portés par Banlieue 89: "Vos villes sans identité peuvent à travers des projets en acquérir une, des travaux de désenclavement peuvent être entrepris, le pire grand ensemble est remodelable, on

Illustration 13: Trame commerciale du carrefour des quatre chemins

Illustration 14: Plan extrait de la plaquette de présentation de la 2ème phase de l'aménagement du boulevard Charles de Gaulle - Source: Ville de Colombes, 1980

Plaquette de présentation de l'aménagement du boulevard accompagnant l'élargissement de la voie à 46 mètres. Le "boulevard urbain résidentiel" est rythmé au carrefour des quatre chemins par une place se voulant être un "trait d'union" entre les îlots sud-ouest et nord-est - Source: Mairie de Colombes, 1981

peut ravauder détruire par endroit, créer des lieux animés, changer le statut monofonctionnel de certains bâtiments, renouer avec la géographie ignorée par le planificateur." (CASTRO, DENISSOF, 2000). Ici, ce n'est pas tant le remodelage urbain qui trouve expression à travers le projet des architectes, mais la quête d'identité d'un quartier "traumatisé" par un axe de circulation de grande importance. A ce titre, le projet de "vitalisation urbaine" du quartier essaye à s'incarner à travers une composition urbaine et architecturale, articulée autour d'espaces publics, complémentaires à la programmation commerciale et d'équipements.

C'est d'abord une place visuellement continue qui doit permettre de créer un lien entre les îlots "Aragon" et "Victor Basch", malgré la séparation provoquée par l'imposant boulevard Charles de Gaulle. Construites successivement par les architectes Dugas, Van Bellinghen, Viard, et Bondenet, les différentes parties de l'ensemble ne dépassent pas la hauteur de 18 mètres. La forme ouverte des îlots sud-ouest et nord-est cherche à apporter de l'espace au carrefour, afin de créer une place visuellement continue, d'une taille générale de 10 000 m², soit 1 hectare, d'une partie à l'autre de l'ensemble coupé par le carrefour. La forme et l'orientation générale des bâtiments, de part et d'autre du boulevard, s'inscrit dans une continuité visuelle et physique. Depuis la place Aragon, la perspective offerte par la partie Victor Basch est ainsi décomposable en plusieurs traits fuyants dessinés par la forme des bâtiments. Le centre commercial, construit 15 années après l'ensemble, s'inscrit également dans cette perspective en évitant de bloquer visuellement la place Aragon, à laquelle participent les traits des bâtiments encadrant tout le carrefour. La disposition de ces deux sous-ensembles, légèrement décalés par rapport à l'axe routier, permet de découvrir au piéton un axe visuel différent du boulevard, aménagée par un square et des arbres dans la partie sud-ouest (square Victor Basch), et des arbres et un passage « semi-motorisé » dans la partie nord-est (place Aragon). La disposition des petites dalles de pierre composant le sol de l'ensemble concourent à créer cette continuité visuelle, par la combinaison de deux types de modèles de dallettes de tailles et de couleurs différentes orientées dans le sens général de l'ensemble. Dans la partie « Victor Basch », les jardinières disposées dans le même sens cherchent aussi à ouvrir la vue vers la partie opposée de la place. La composition architecturale, visible par le piéton mais aussi par l'automobiliste de passage, s'affiche également comme un élément d'identité du Petit-Colombes. Partie place Aragon, la façade du bâtiment est marquée par une composition complexe. Le rez-de-chaussée et les cheminements publics du 1er étage créent une profondeur sur la partie inférieure de la façade, la partie supérieure est composée de larges baies vitrées aux bordures colorées en rouge. Le reste de la façade est caractérisé par l'usage généralisé de carreaux posés de couleur blanche. Un jeu sur les profondeurs au niveau des étages supérieurs permet également de mettre en valeur les volumes et de complexifier la composition de la façade. Ce même jeu sur les volumes permet de marquer la partie centrale du bâtiment, axe vers lequel fuient les perspectives vues depuis l'autre rive. Les aménagements paysagers contribuent aussi à la complexité paysagère. Partie Victor Basch, deux rangées d'arbres atténuent l'aspect minéral. Vues depuis la place Aragon, ces deux rangées d'arbres ne laissent voir que les étages supérieurs des immeubles. La composition architecturale est là aussi décomposable en des ensembles visuels: la façade du bâtiment central est doublée par un mur percé par des formes géométriques carrées et rondes; la façade du bâtiment de droite est marquée par un léger renfoncement du premier étage, caché par la rangée d'arbres au reste du carrefour. La partie gauche de l'ensemble « Victor Basch » se distingue par une composition architecturale uniforme, composée de loggias et d'une façade blanche. Les ouvertures des îlots Aragon et Basch sur le boulevard s'inscrivent également dans un séquençage visuel de l'axe. Il fait rupture avec la linéarité des façades de la partie nord du boulevard, tout en recréant un évènement urbain après le passage au bord des terrains de la Marine.

Ainsi, l'ensemble "Z.A.C Jeanne Gleuzer" (Place Aragon) et "Victor Basch" se veut être le "centre vivant autour des 4 chemins", pour reprendre un des principes invoqué par la mairie en amont de la réalisation du projet. L'ensemble réalisé par les architectes conforte ce carrefour dans sa fonction commerciale. Il cherche aussi à incarner une centralité en tant qu'espace fédérateur d'un quartier, marqué de par sa composition urbaine et architecturale d'une identité et d'un espace public cherchant à génerer des haltes et des frottements.

Le profil de la voie aujourd'hui, une dissociation de la circulation et de la halte

En 1975, le plan d'élargissement proposé par l'Etat prévoit l'aménagement de la voie sur une largeur de 46 mètres. L'organisation des circulations sur la voie par le système des contre-allées, face à l'augmentation du trafic, relève d'un changement d'échelle important par rapport aux précédents projets qui appréhendaient un élargissement jusqu'à 2 fois plus grand. La largeur de la voie est fixée à 46 mètres, avec toujours pour objectifs principaux d'accompagner l'augmentation des flux consécutive à la construction des autoroutes 86 et 15.

La distribution des différents types de circulation sur l'ensemble de la voie se réalise de manière originale, avec le choix de mettre en oeuvre le transport en commun en site propre (TCSP), qui consacre une voie au seul usage des bus. Encadrant la "2x2 voies" centrale utilisée par les voitures, limitées à une vitesse de 50 kilomètres par heure, le TCSP doit permettre aux bus de circuler plus rapidement grâce à l'affranchissement du trafic automobile, et à la priorité des TCSP aux carrefours. Ce dispositif, seulement installé sur la portion de la RN 192 traversant Colombes, connaît un fort succès au fil des années, d'autant moins démenti que le pôle d'emploi de La Défense s'affirme au fil des années comme un pôle d'emploi vers lequel ses travailleurs se rendent essentiellement en transports en commun (80 %). En terme d'accessibilité, le TCSP présente un gain considérable de fréquentation.

Illustration 15: Les stations du bus et son inscription territoriale - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

Le profil retenu prévoit l'aménagement de contre-allées sur la plus grande partie du boulevard, à l'origine d'un ralentissement des circulations sur cette voie. Elles doivent permettre d'assurer la desserte des habitations attenantes à la voie, ainsi qu'une appropriation par les habitants des rives du boulevard. Des places de stationnement sont disposées de part et d'autre des contre-allées, permettant le stationnement résidentiel, ou l'arrêt court de quelques minutes destinés à l'usage des commerces. Enfin, les deux rangées d'arbres encadrant les contre-allées apportent une dimension paysagère au profil. Les contre-allées inscrivent ainsi la mise en place d'un modèle de type "dissocié-intégré" sur l'ensemble de l'axe: elle consacre les voies centrales à la seule fonction circulatoire, permettant la rapidité dans des conditions de non-saturation; la halte automobile est quant à elle séparée de la voie centrale, "accrochée" au territoire par les places de stationnement riveraines aux façades de la voie. A l'échelle de l'ensemble de la trame viaire du boulevard et des ses rives, le dispositif des contre-allées assure une hiérarchisation, permettant de passer d'une allure lente de circulation, associée à un trafic lent dans des espaces spécifiquement résidentiels, à une allure plus rapide de circulation sur le boulevard. L'espace consacré aux circulations piétonnières, d'une largeur moyenne de 3,50 mètres, est particulièrement faible. En proportion des 46 mètres du boulevard, les trottoirs occupent 15 % de l'espace. A titre de comparaison, l'avenue des Champs Elysées consacre environ 40 % de sa largeur aux trottoirs.

Le TCSP de demain, le tramway aménagé selon un profil axial

Le retour du tramway sur la RN 192 s'inscrit dans la perspective des recommandations régionales inscrites au titre du SDRIF et du Plan de Déplacement Urbain (PDU), visant à favoriser les modes de circulation limitant la production de gazs à effet de serre. La solution d'aménagement du tramway proposée par le schéma de principe de 2003 retient un TCSP de type axial. D'une largeur totale de 15 mètres, la voie des tramways et les quais gagnent leur espace au détriment des anciens sites propres latéraux. Les voies de circulation automobile restent en deux fois deux voies, bien que leur largeur soit réduite de 50 centimètres. Conservées pour plusieurs parties, les contre-allées restent associées à la riveraineté qu'elle offre aux rives dissociées des circulations rapides, demande forte émanant notamment des commerçants et des riverains.

Inscrit parmi les objectifs majeurs de l'extension du T2 au titre de la rentabilité économique du projet, l'amélioration de la qualité du réseau de transports en commun est attendue. Il est prévu que le tramway participe à l'amélioration de la qualité du réseau, en terme de vitesse commerciale mais aussi de régularité. Aux heures de pointe, une rame toutes les trois minutes desservira les trois stations du Petit-Colombes (Jacqueline Auriol, Victor Basch, Parc Lagravère). En moyenne et en prenant en compte les carrefours, les études estiment la vitesse commerciale du tramway à 20 kilomètres par heure, soit 15 rames par sens aux heures de pointe, avec une capacité matériel de 210 passagers par élément3(*).

Illustration 16: Le futur profil du tramway à l'horizon 2012 - Source: RATP, Schéma de principe (2003)

Les évolutions successives et souvent incertaines de la voie ont privilégié à partir de 1975 l'aménagement de la voie dans le sens de la séparation des différents types de flux, au service de la fluidité et de la rapidité des circulations. Le site propre, d'abord latéral, puis axial, participe à ce titre à minimiser l'arrêt des transports en commun au milieu des congestions automobiles, mode de déplacement qui confirme son succès au fil du siècle.

Les aménagements des façades de la voie produits à partir des années 1980 cherchent dans ces perspectives à donner une image à l'automobiliste. Dans la partie nord et de manière fragmentée au sud, les façades linéaires cherchent à ralentir les circulations en donnant un sentiment d'urbanité au conducteur rythmé par les qualités architecturales (couleurs, volumes,...). Le carrefour des quatres chemins, à l'époque présenté comme "la Porte du Grand Colombes", affirme au contraire une ouverture au boulevard, essai de centralité vécu pour le piéton d'une part, et signal indiquant une entrée de ville à l'automobiliste dont la composition urbaine et architectural fournit un signal lisible offrant la possibilité de faire halte.

1.2.3 Urbanisme fonctionnaliste et fractures urbaines

La production de l'axe et de ses rives émane des évolutions historiques, donnant lieu à un découpage fonctionnel de l'espace. Les rives ouest de l'axe sont majoritairement consacrées aux activités secondaires et tertaires consommatrices d'espace. De même, une autre ligne sépare un nord plutôt résidentiel à un sud consacré aux activités productives. La fonction circulatoire est primordiale, structurée par la colonne vertébrale du boulevard. Si le boulevard permet de relier, son effet ségrégateur est fort, et il est plus ou moins accepté par le traitement successif de l'axe dans les différents projet menés.

En premier lieu, le carrefour des 4 chemins qui se voulait un espace commercial et public fédérateur, à travers les projets d'urbanisme et d'architecture, demeure fortement compartimenté par îlot du fait des grandes circulations. Les tout premiers projets proposés pour aménager le carrefour, et l'axe, font état de la prégnance d'une vision fonctionnaliste de la part des différents acteurs. Des projets de tunnel sont proposés par la Direction Régionale de l'Equipement d'Ile-de-France afin de préserver des itinéraires de franchissement sécurisé du boulevard par les riverains. Ils sont prévus au niveau du carrefour des 4 chemins, et au niveau de la rue Estienne d'Orves. Cette proposition d'organisation des flux est néanmoins rejetée par les habitants, inquiétés par l'augmentation des flux de circulations motorisées qu'entraînerait un tel projet. La mairie de Colombes proposera un projet alternatif avec la construction d'un tunnel souterrain traversant la quasi-totalité du boulevard (depuis la rue des Côtes d'Auty au nord jusqu'au pont de Charlebourg au sud). Une telle infrastructure est rejetée par les services de l'Etat, du

Illustration 17: Projet d'aménagement fonctionnaliste du carrefour des quatre chemins proposé par le cabinet J.Robert et P.Raymond

fait de son coût très élevé. La Z.A.C Jeanne Gleuzer donnera également lieu à l'expression de projets inspirés par les concepts fonctionnalistes. Le cabinet J.Robert et P.Raymond propose un aménagement des îlots nord-est et sud-est du carrefour des quatres chemins sur dalle, les deux îlots étant reliés par une passerelle aérienne. Ce projet doit permettre une circulation optimale des flux de circulation sur le boulevard, mais aussi sur la rue Gabriel Péri. Outre le projet proposé par le cabinet J.Robert et P.Raymond, la distribution des flux de circulation pédestre entre les différents îlots reste organisée par les passages cloutés, tout franchissement de l'axe en un autre endroit étant rendu difficile par la présence de barrières de sécurité. Le projet du groupement d'architectes retenu présente lui un rapport à la rue important. Du fait de la géométrie des places Aragon et Victor Basch, la longueur de la ligne de frottements avec la voie et l'espace public pédestre est grande. Même si les contre-allées et la voie de bus en site propre assure une transition entre la rapidité du trafic axial et la moindre rapidité du trafic latéral, cette zone de contact reste celle des usagers des transports en commun attendant le bus à côté d'une des quatre stations. On retrouve ce même effet de frontière urbaine le long du boulevard, où la rapidité du trafic, la largeur de l'axe et les barrières de sécurité empêchent tout franchissement du boulevard ailleurs que sur les passages cloutés.

Il ressort de cette analyse la ségrégation importante entre les espaces de la voie et les îlots. Ce fait ramène au cloisonnement des deux principales institutions productrices de cet espace: l'Etat, par l'intermédiaire de la DDE et de la DREIF, et la mairie de Colombes. Cette ségrégation se décline en plusieurs points du boulevard: le carrefour des 4 chemins en est un exemple fort, mais elle se retrouve aussi tout le long du boulevard.

L'évolution urbanistique consécutive à l'élargissement du boulevard a eu pour conséquence d'effacer un peu plus les anciens lieux de centralités (Colbert-Quatre Chemins), et à renforcer le carrefour des 4 chemins comme lieu de chalandise de rayonnement intercommunal. Ce statut nouveau attribué au carrefour par les pratiques des habitants semble néanmoins limité par l'effet négatif induit par le boulevard, et ce malgré la constitution d'un espace public ouvert et lisible. Si l'opération « rond-point » semble inscrire la rénovation du quartier dans un dessein de « boulevard urbain », la monofonctionnalité résidentielle limite la reconfiguration d'un espace vécu aux rives du boulevard. C'est un espace qui demeure associé à la circulation automobile, et sur lequel prédominent les « commerces de route ». Avant la rénovation des rives du boulevard, la « centralité » - en tant qu'inscription urbanistique d'une identité petit-colombienne - conciliait pratiques riveraines, inscriptions architecturales et paysagères, et mixité fonctionnelle. L'inscription territoriale n'apparaît plus en ces termes suite à l'élargissement du boulevard, et donne lieu à un espace vécu constitué de « blocs » (lieu de résidence, lieu de commerce, lieu de culture...), connectés par des liaisons pédestres étroites, face à la voiture à qui la place consacrée s'est accrue.

Les projets politiques concourant à la rénovation du Petit-Colombes cherchent à concilier le projet de « boulevard urbain » à celui d'un maintien de « centres » inscrivant l'identité du quartier sur cet espace. L'exemple des 4 chemins a montré que l'appropriation d'un espace public central attenant à la place était bloquée pour grande partie du fait des impacts négatifs de l'axe de circulation automobile sur l'espace public pédestre. Le lancement d'une troisième période de rénovation des rives de l'axe, ouverte par l'arrivée annoncée du tramway et par l'extension de l'aire de rayonnement du CBD de La Défense, amorce une mutation des rives du boulevard. Les travaux universitaires de Georges Amar, Antoine Bres, Marcelle Demorgon et Geneviève Dubois-Taine, ont mis en lumière les lacunes révélées par une approche de l'urbanisme excluant une approche mutuelle entre la voie et l'îlot. Le « bout de ville » du Petit-Colombes, aménagé dans son ensemble selon des visions cloisonnées entre différents champs de compétences et de métiers, répond à cette problématique développée par ces chercheurs. Le retour sur leurs travaux permettra d'avancer la grille d'analyse pertinente pour analyser les mutations des rives du boulevard en lien avec la densification causée par l'arrivée du tramway, dans un mouvement plus général de la densification bâtie et en population de la petite couronne parisienne.

1.3 Les conditions urbanistiques du boulevard urbain

1.3.1 Les premières approches cloisonnées entre voie et îlots

"La caractérisation des multiples combinaisons entre réseau et milieu a été abordée à travers des notions diverses, qui illustrent le plus souvent les préoccupations de champs professionnels distincts" (Bres, 2005)

Les principes associés à l'urbanisation du Petit-Colombes sont pour parties associés à une conception duale entre la production de la voie d'une part, et la production de ses rives d'autre part. Historiquement, cette dualité se retrouve dans la lecture et la production de la ville initiées par les architectes et/ou urbanistes à l'origine des plans d'urbanisme sur lesquels s'est fondée par la suite la fabrique des espaces urbains. Idelfonso Cerda oppose les concepts de "mouvement" et de "séjour", à partir desquels il concevra le plan de la ville de Barcelone. Jacques Lévy utilisera lui les termes de "réseaux" et "territoires". Ces différentes approches de la production de la ville se retrouvent à travers les différents corps de métiers. L'ingénieur s'intéresse à la trame viaire pour ces performances techniques: la "rugosité" qu'il entraîne, son étalement et son accessibilité. Si les caractéristiques de la trame viaire intéressent l'ingénieur, celles du territoire qui l'entourent n'ont pas d'importance.

Incarnée à travers les différents acteurs de la production de la ville, cette dualité est sous-tendue par différentes approches mises en lumière par les architectes et urbanistes des différentes écoles. Cette dualité des approches a été à l'oeuvre sur la production du territoire du Petit-Colombes. Le retour sur ces différentes conceptions, et leurs dépassements réalisés dans la recherche urbaine, permettront d'établir les critères de lecture et d'analyse de l'évolution des espaces vécus du territoire.

La morphologie viaire comme support d'une certaine imagéabilité

Kévin Lynch étudiera, avec d'autres urbanistes et architectes, la capacité du réseau viaire à "faire image" à ces usagers, plus particulièrement aux usagers automobilistes. Il appuie ses propos sur le fait que les objets vus et perçus par l'individu en mouvement doivent lui permettre de pouvoir lire le territoire. Le parcours du réseau viaire permet de se construire une représentation de la ville, mais aussi de comprendre la structure du réseau et de savoir s'y orienter: "trouver son chemin est la fonction primordiale de l'image de l'environnement" (LYNCH, 1960). Plusieurs lieux stratégiques de l'espace urbain participent à "l'imagéabilité", à la "lisibilité" de la ville: les carrefours, les places, les voies... "Faire des repères", "faire des paysages"," introduire des rapports variables entre les voies et les lieux"... sont autant d'éléments contribuant à ce dessein. De plus, l'ensemble de critères permettant d'apprécier les caractéristiques du réseau participe à rendre la ville lisible: les propriétés et les spécificités géométriques (morphologie du maillage) et topologiques (continuités, discontinuités, rupture...), son "caractère" plus ou moins introverti suivant sa configuration centrifuge ou centripète qu'il présente. Cet ensemble de critères correspond à "l'identité réticulaire" (BRES, 1999). Avec l'essor de l'automobilité, la question de la lisibilité urbaine ne se limite plus au traitement plastique des composants du réseau. De nouvelles typologies viaires naissent de cette nouvelles pratique des voies (rond-point, boulevard plus ou moins "urbain"...), et la perception des paysages se fait de plus en plus depuis une automobile en mouvement.

D'autres auteurs ont approfondi certaines facettes de la réflexion de Lynch. Bill Hillier envisage le lien entre fonction et forme. Dans le cadre d'une approche ayant trait à l'ensemble de la trame viaire, cette qualité du lien entre fonction et forme se décline par le degré d'intégration, de connection des espaces qui le compose. On qualifiera un espace de bien intégré car il est relié à d'autres points par de nombreux accès, de qualité plus ou moins bonne en fonction de l'étendue et de la densité des champs visuels. Dans une approche similaire, Vaclav Stransky postule que "l'influence de la forme urbaine sur la vitesse pratiquée par l'automobiliste peut être isolée d'autres facteurs susceptibles de jouer, eux aussi, un rôle dans ce domaine". Ce thème intéresse directement les ingénieurs chargés des routes, dans la problématique de la sécurité routière, en justifiant certaines manières d'aménager (exemple: l'effet "paroi" a une incidence sur la vitesse des automobilistes). La caractérisation des voies étudiées se fait ainsi à partir de 11 variables différentes, dont plusieurs concernent l'espace riverain de la voie: largeur moyenne des parcelles donnant sur le tronçon; hauteur du bâti; densité des accès (portes cochères dans le secteur urbain), densité moyenne des vitrines.

Si cette approche du lien entre voie et îlot apporte une grille de lecture et d'analyse de la ville au regard d'un concept important, elle omet d'aborder la question de l'interface entre ces deux espaces. Affirmée en tant que telle en conclusion dans l'ouvrage de Lynch, la relation "cinétique" prime avant la relation de la transition entre ces espaces: "nous nous sommes préoccupés en priorité du phénomène de mouvement continu et nous sommes passés rapidement sur le problème de la transition" (LYNCH, 1960).

La morphologie viaire comme territoire de la vitesse

La conception moderne de l'urbanisme et d

Illustration 18: Relations entre maillage et urbanité - Boarnet et Crane cités par Antoine Bres (Bres, 2003)

e l'architecture approche de manière fortement dissociée et ségrégée le rapport entre la voie et l'îlot. Les productions urbanistiques de Le Corbusier, ou de l'architecte-urbaniste américain Frank Lloyd Wright, illustrent cette conception.

La fonction circulatoire doit être le champ de la vitesse. A ce titre, les croisements automobiles sont considérés comme des ralentisseurs. La conception "autoroutière" de la route domine, la desserte des îlots étant assurée par des voies de désserte en cul-de-sac hiérarchiquement inférieures. La halte automobile, la station entre la voie et l'îlot, n'est presque pas appréhendée par Le Corbusier, de même que les formes urbaines produites ne présentent pas de lien avec la voie tant du point de vue de la hauteur qu'en matière de proximité physique entre bâti et voie. C'est l'habitat individuel qui prédomine dans les oeuvres de Frank Lloyd Wright, alors que Le Corbusier associe lui l'habitat collectif au maillage routier qu'il fait de la ville. Le peu d'attention portée à la question du stationnement, du fait de la sous-estimation de l'importance que prendrait le déplacement automobile, explique également le très faible nombre de places de stationnement.

La morphologie viaire comme maillage

Illustration 19: Relations entre type de circulation et formes urbaines - Source: Lang, 2008

Pour les architectes et urbanistes "spatiaux", rattaché à l'école du New Urbanism, l'intérêt porté à la "morphologie viaire' réside dans le maillage. La variété des formes que peut adopter un maillage, un "patterns" (dispositif spatial de référence), sont autant de possibilités plus ou moins aptes à générer de "l'urbanité", terme qui est ici associé à la rencontre entre l'automobilité et le piéton. Si les chercheurs à l'origine de cette thèse, Christopher Alexander et ses collaborateurs (ALEXANDER, 1977), admettent que ces deux usages de la ville sont à priori antagonistes, ils montrent que c'est de leur rencontre qu'apparaîssent les points de frottement générateurs de ville: "les voitures sont dangereuses pour les piétons; cependant les activités urbaines se trouvent là où les piétons et les automobiles se rencontrent". Ainsi, si le cloisonnement des territoires du piéton face aux voies automobiles présente des qualités sécurisantes pour les piétons, elle enferme les possibilités de halte automobile sur les rives à la source de la vie urbaine générée par la possibilité de rencontre des deux systèmes.

L'école du New Urbanism identifie et oppose deux grands types de maillages, le maillage "viaire conventionnel" et le maillage "néo-traditionnel", aux aptitudes différentes. Le maillage néo-traditionnel permet de réduire les parcours automobiles, de diminuer la consommation d'essence et de favoriser une pratique pédestre du quartier, à l'opposé des maillages viaire conventionnel étendu et en cul-de-sac, à l'origine d'une pratique essentiellement automobile d'un quartier.

Au delà du débat sur ces deux types de maillages, la question du stationnement apparaît également décisive sur les aptitudes d'un quartier à "faire ville", cela à l'échelle de la rue. Le stationnement de type "intégré" (le long du trottoir) est ainsi jugé plus efficace que le stationnement de type "intégré-dédié" (à l'intérieur de l'immeuble). A l'échelle régionale, cette approche se décline à travers la notion de "corridor". Robert Lang (LANG, 2008) propose à ce titre un schéma de l'évolution générale des formes urbaines commerciales autour de la rue, en lien avec l'histoire de la voiture. La voie de la fin du 19ème siècle se caractérise par des trottoirs de grandes tailles, une voie de circulation étroite conçue pour les déplacements hypotractés, et un parcellaire adossé à la rue, dont la largeur au contact du trottoir est petite. Avec l'essor de l'automobilité, la taille de la voie augmente, ainsi que la taille de la largeur des parcelles exposées à la voie, alors que la taille des trottoirs s'est amenuisée. Des années 1910 à aujourd'hui, il met en évidence la place croissante prise par le stationnement automobile dans le processus de formation du parcellaire. Le passage d'un stationnement de type intégré (riverain au trottoir) à un type ségrégé (autour du bâtiment) provoque une production du parcellaire déterminée par le stationnement. Ainsi, le bâti tend à se détacher de la rue, et à être entouré d'aires de stationnement. Dans le même temps, l'espace de cheminement piétonnier ("sidewalks") a presque disparu.

Les liens entre îlot et voie approchés par les chercheurs nord-américains sont approfondis par les auteurs comtemporains, qui établissent une approche spécifique pour traiter de la ville "comme un système de mouvement", par opposition à la ville "comme ensemble d'activités".

1.3.2 Adhérence des mouvements à l'espace et riverainetés

Adhérence des mouvements à l'espace

En traitant de la ville "comme système de mouvement"

Illustration 20: L'adhérence du mouvements en fonction des différents types de voie - Source: Bres, 2005

par opposition à la ville "comme ensemble d'activités" (AMAR, 1993), Georges Amar réalise un renversement conceptuel. Le mouvement est considéré comme un "opérateur et mode d'urbanité". L'îlot ne suffit pas à lui seul à "faire ville", c'est le lien entre le mouvement et l'îlot qui génère une urbanité, caractérisée par une "inscription territoriale" propre. L'adhérence des mouvements à l'espace dépend ainsi des caractéristiques propres à chaque mouvement: "Un premier principe de typologie des mouvements serait de les situer le long d'une échelle d'adhérence aux instances urbaines, allant de l'adhérence 'terminale' (discontinue) à l'adhérence 'longitudinale' (continue). A une extrémité de cette échelle on trouve le déplacement - dont la forme la plus pure est peut être le transport aérien: rien ne "décolle" autant des lieux que de l'avion, rien ne fonctionne davantage sur le modèle origine-destination [...]. A l'autre extrémité on trouverait la marche à pied, qui permet de changer de destination ou d'en inventer de nouvelles à presque chaque pas" (AMAR, 1993). Aussi, l'intermodalité s'avère décisive dans l'urbanité apportée par le mouvement, particulièrement dans le cas de l'articulation du mode de transport pédestre avec les autres. En effet, le passage d'un mode de transport quelconque au mode de transport piéton est inévitable (sauf dans le cas ou le stationnement automobile est intégré au point de destination, avec le cas des places de garages individuelles dans l'habitat pavillonnaire).

Comme le rappelle l'auteur, la notion reste surtout développée ici à travers l'exemple du transport en commun, et son application à la voiture, mode de transport ubiquiste, affronte une complexité plus grande. Si l'automobile présente la même qualité d'adhérence que la marche à pied, dans le sens où elle permet de créer de nouveaux itinéraires et qu'elle permet de s'arrêter librement, elle reste contrainte par l'environnement. La saturation du milieu urbain cause par exemple la détérioration de l'adhérence de la voiture, l'itinéraire automobile se limitant alors à aller d'un point à un autre.

Le concept "d'adhérence" des mouvements introduit par Georges Amar est développé par Antoine Bres, notamment sur son application à la voie et son rapport au territoire. Si les qualités de la voiture lui offre une "adhérence" importante à la voie dans des conditions de non-saturation, encore est-il nécessaire d'inscrire l'adhérence du mouvement automobile dans les caractéristiques de la voie, c'est à dire ces points d'accès aux îlots en fonction de la configuration des interfaces assurées par le territoire qu'il emprunte.

Riveraineté et urbanité d'une voie

Initiée par Marcelle Demorgon, la notion de "riveraineté" définit le caractère des voies passantes en fonction des occurences d'arrêts qu'elles proposent. Elle esquisse les conditions de cette riveraineté au regard de l'implantation progressive d'établissements commerciaux sur les rives d'une route nationale prise en exemple. Cet établissement, pour peu qu'il précède à une urbanisation de type résidentielle, marque le passage de la route "de la linéarité à la riveraineté". Ce passage marque la voie par l'apparition de voies d'accès latérales ou encore de "tourne-à-gauche". Elle décrit également les contraintes apparaîssant pour le piéton: "Cette remise en ordre ponctuelle contribue à amoindrir la lisibilité de l'espace de la route. Des séparations médianes construites désolidarisent l'une et l'autre rive. En l'absence de passage piétonnier matérialisé, on se débrouille comme on peut pour traverser. Assurer la sécurité des piétons devient donc une priorité". Dans la continuité de ce travail, Geneviève Dubois-Taine traite des "boulevard urbains", en partant de "l'image" mythique du boulevard urbain, pour en dresser les caractéristiques et les conditions. Elle revient sur leurs spécificités à l'origine de leur existence: la présence d'un trafic automobile important à l'origine de cabotage, terme rappelant la dimension économique et pas seulement circulatoire d'un tel modèle. Deux aspects sont selon elle décisifs quant à la différenciation entre voie rapide et boulevard urbain: la multiplication des accès (contre-allées, voies de ralentissement...) et des carrefours, car ils favorisent l'implantation des activités, entraînant le raccordement des parcelles à la voie; et le ralentissement des vitesses pratiquées, condition technique indispensable à la halte. Dubois-Taine pose ainsi le problème de la sécurisation automobile de ces axes, incarnée notamment par les tournes-à-gauche et les demis-tours. Son approche reste limitée par le peu de traitement accordé à la question de l'espace nécessaire au stationnement automobile; espace compris dans son sens large, c'est à dire depuis le ralentissement préalable sur la voie, jusqu'à la place de stationnement en elle-même.

Les différents concepts abordés permettent d'évaluer l'inscription urbaine des différents types de mouvements: les aspects "fonctionnels", mis en lumière par Amar et Demorgon, qui permettent d'appréhender l'adhérence du mouvement automobile et des modalités de sa halte, mais aussi Dubois-Taine qui introduit la question de la maîtrise de la vitesse; la condition de l'intermodalité, identifiées par Amar et Demorgon; la coexistence nécessaire entre fonctions riveraines et circulatoires sur un même lieu (FLEURY, 1998); et la perception des lieux de l'interface, mise en lumière par Lynch à travers les concepts de lisibilité, d'imagéabilité et d'intéligibilité de la Ville. Malgré leurs insuffisances pour appréhender de manière intégrée îlots et voies, ces concepts revêtent une importance certaine dans l'analyse. Il convient aussi d'aborder la question de l'inscription territoriale du mouvement par les concepts développés par Amar, Demorgon et Bres. L'échelle d'adhérence des mouvements en fonction du mode de transport (du transport aérien au transport pédestre), articulée à la riveraineté permise par les caractéristiques de la voie empruntée, permet ainsi de définir un certain nombre de "haltes" potentielles, points de frottement à partir desquels naît l'urbanité d'un lieu.

La halte automobile: étapes et typologie

"Faire halte" constitue ainsi un des enjeux du développement d'un boulevard urbain. Les rives ou ses parties sur lesquelles se rencontrent les automobilistes pratiquant le cabotage et les riverains sont des lieux d'urbanité, témoignant par ces frottements sociaux du bon fonctionnement du boulevard urbain. Elle peut apparaître aussi comme une des conditions de la "centralité" d'un espace, les usages automobiles évitant le risque "muséification" d'un centre-ville, où les pratiques résidentielles liées à la voiture n'auraient plus lieu d'être. A contrario, pour l'automobiliste comme pour le riverain, l'augmentation excessive des circulations entraîne des effets négatifs entravant les possiblités de halte.

Dans ses travaux sur la halte automobile, Antoine Bres identifie les trois séquences que comprennent le concept de halte:

1- entre circulation et station: le ralentissement, qui est fonction de la vitesse d'origine, qui permet de repérer et aborder la phase de stationnement;

2- l'arrêt du véhicule de transport (ici l'automobile) à sa station (plutôt que son stationnement), le moment où le passager du véhicule reprend pied, le lieu de l'intermodalité auto-piéton;

3- l'accès pédestre au lieu de destination (s'il n'y a pas de contiguité parfaite entre station et destination, ou si l'objet de la halte nécessite de descendre du véhicule)". (BRES, 2003).

La halte prend en compte les deux dimensions de l'arrêt: l'arrêt comme phase finale d'un mouvement, de sorte que la halte peut être associée ou dissociée de la continuité d'un mouvement; et l'arrêt par rapport au territoire, à la destination. Dans ce dernier cas, on dit de l'arrêt qu'il intégré ou ségrégé au territoire. La typologie des haltes établie par Antoine Bres prend ainsi appui sur trois variables: le rapport à la voie; le rapport au territoire; et les caractéristiques de la halte. "Soit le lieu de halte se fait directement depuis la voie, soit il se fait par l'intermédiaire de divers dispositifs intermédiaires: giratoire, voie secondaire... Soit le lieu de halte est connecté au territoire dont il est partie prenante, soit il en est coupé". Cette prise en compte de la transition entre la voie, la station et la destination, apporte un complément alors omis par les différentes conceptions cloisonnant jusque là la voie et l'îlot.

Certains grands modèles de voies/territoires émergent de cette typologie. L'autoroute illustre l'exemple d'une halte de type "dissociée-ségrégée": le lieu de stationnement, indiqué par des dispositifs signalétiques adapté à la grande vitesse, et dissocié de la voie puisque l'arrêt est séparé de la voie. On accède à la station via une voie secondaire (la voie de ralentissement) puis par la trame viaire de l'aire d'autoroute. Le lieu de destination est également ségrégé du territoire puisque statutairement, la bretelle de raccordement à l'autoroute est gérée par la société des autoroutes. A l'opposé de ce modèle, la voie urbaine représente une halte de type "associée-intégrée". Le lieu de stationnement est visible par l'automobiliste, qui cherche la place libre alors qu'il est en mouvement sur la voie de circulation. Le rapport entre le lieu de stationnement (la chaussée) et le lieu de destination est directe.

Illustration 21: Les 4 principaux types de haltes - Source: Bres, 2005

A l'intérieur de cette classification, d'autres critères permettent d'affiner la description de la halte. On la distingue par rapport à son usage; le couple polyvalent/dédié permet de rendre compte de la mixité d'usage du stationnement ou de sa vocation spécifique. L'analyse du statut de la halte et de sa gestion se fait grâce aux coupes public/privé, éclairant l'analyse en terme de privatisation des espaces de haltes. Enfin, les caractéristiques de la perception peuvent être saisies grâces aux coupes"visible/signalée", et "identifié/banalisé".

Ces typologies permettent de caractériser les différents types de voies en fonction de leur inscription territoriale, cela en inscrivant le moment de la transition entre l'état de mouvement et l'état de l'arrêt. Dans la perspective des travaux développés dans l'histoire de la recherche urbaine, la notion de "halte" éclaire la compréhension de l'évolution du boulevard Charles de Gaulle et de ses rives.

1.3.3 Vers un boulevard urbain aux nouvelles images

La fin de la décennie 1990 ouvre une troisième phase de rénovation des rives du boulevard. L'extension de l'aire d'attraction de la CBD de La Défense entraîne une valorisation du foncier selon une géométrie concentrique autour du quartier, mais aussi sur les rives des axes radiales la desservant dont la plus connue est le prolongement de l'Axe Historique, valorisé à travers le projet "Seine Arche", auquels s'ajoutent les anciennes routes nationales 13 et 192. Le projet d'extension du tramway T2 de La Défense à Bezons concourrent ici à l'accélération du processus de valorisation du foncier, tendant à la mutation des biens fonciers situés sur les rives de la radiale RN 192, devenue RD 992 dans le cadre de la décentralisation de la gestion des routes. Le choix d'une politique plus ou moins interventionniste des acteurs de l'aménagement oeuvrant sur le territoire du Petit-Colombes présente des conséquences sur les caractéristiques futures du boulevard urbain. A ce titre, la place de l'acteur municipal est centrale dans les évolutions des rives de cet axe.

Dans cette perspective, le "Projet de schéma de principe du prolongement de la ligne T2 de La Défense au Pont de Bezons" (STIF, 2003) identifie parmi les objectifs associés à l'extension du T2 l'approche privilégiant une requalification de type boulevard urbain: "Requalifier la RN 192 en boulevard urbain conformément aux préconisations du Schéma Directeur de la Région d'Ile-de-France et de favoriser ainsi des opérations d'urbanisme autour du corridor emprunté". Plus loin, les objectifs d'aménagement sont inscrits dans une approche visant à intégrer la voie à la ville: "requalifier l'itinéraire afin de faire passer une allure de route à une allure de boulevard urbain". L'étude d'impact pose le problème de la centralité en terme fonctionnel, désignant la structure commerciale actuelle comme témoignant de la faible centralité du lieu: "Les activités commerciales sur les rives de la RN 192 sont principalement axées sur le secteur de l'automobile et on constate une carence en commerce de proximité. Ce dernier est souvent handicapé par des difficultés de stationnement. [...] L'absence de concentration d'équipement et la sous représentation des commerces de proximité sur cet axe fait ressentir une carence en lieux de centralité affirmés. Les équipements structurants des communes sont le plus souvent éloignés de l'axe».

Le début des années 2000 est marqué à Colombes par un changement de majorité au conseil municipal, un rassemblement de partis classables à droite (RPF-Démocratie Libérale et RPR-UDF) remportant l'élection face à la majorité sortante composée par des partis de gauche (Parti Communiste Français, Parti Socialiste, Les Verts, Parti Radical de Gauche). Un des projets emblématiques de rénovation de la Z.A.C Marine est remis à plat par la nouvelle majorité, abandonnant le projet de « Musée des transports ». L'aménagement de la rive sud-ouest est quant à elle poursuivie selon sa vocation tertiaire à haute valeur ajoutée, dans la continuité de la politique déjà menée. Ces ruptures et continuités escompte les nouvelles formes possibles que pourraient prendre ce boulevard urbain à l'avenir, en impactant sur les images, les pratiques et les fonctions de l'axe, autant de critères caractérisant les qualités d'un espace en terme de centralité.

2. Évolutions des pratiques, image et fonctions du boulevard Charles de Gaulle

L'objet de cette partie sera d'identifier l'évolution des formes de l'espace vécu des rives du boulevard Charles de Gaulle, sur la période comprise entre 1997 à 2008 correspondante aux débuts de la 3ème période de rénovation. Les grilles d'analyses évoquées à travers le retour épistémologique précédent ont permis de soulever les critères qui seront utilisés pour cette analyse: les formes de la riveraineté, l'image, et les fonctions.

2.1 Evolutions des formes de la riveraineté

La lecture et l'analyse de l'évolution des formes de la riveraineté le long du boulevard est marqué par un rythme de restructuration inégal des formes et fonctions urbaines.

2.1.1 Une tendance majeure à la configuration de type "dissociée-intégrée"

La construction des contre-allées en 1980 impose un modèle de halte qualifiable de "dissocié-intégré-dédié", qui fait aujourd'hui la spécificité du Petit-Colombes sur l'ensemble de la RN 192. Les places de stationnement ne sont pas directement accessibles depuis la voie, mais la station (les places de stationnement automobile le long des contre-allées) est directement attachée aux territoires attenants.

Le développement des nouveaux programmes de logements et d'activités entraîne une évolution de ce modèle. Ils intègrent pour la totalité des parkings sous-terrains, à l'origine d'une configuration de la halte de type "dissociée-intégrée-dédiée", différente de celle décrite précédemment: le passage d'un mouvement (déplacement sur la RD 992) à l'état de l'arrêt (place de parking) se fait à l'extérieur de la voie, mais le passage de l'arrêt (place de parking) à la destination (le logement) est confondu. Réduit à son plus court itinéraire, les étapes de la halte des habitants de ces nouveaux programmes sont peu susceptibles de générer des pratiques riveraines autres (détour à la boulangerie) que celle de la transition entre mouvement et destination, ce que le modèle "dissocié-ségregé-dédiée" permettait encore.

Le programme d'activités tertiaire « Perspectives Défense » livré le 15 décembre 2007, situé en entrée de ville sur la Z.A.C Champs Philippe (Pont de Charlebourg, en façade de la voie ferrée), adopte le même dispositif de stationnement automobile, avec la construction d'un parking de 530 places de stationnement réparties sur 3 niveaux de sous-sol. Les étapes de la halte automobile présentent ainsi les caractéristiques d'une riveraineté limitée, telle que décrite plus haut. Le programme d'activités tertiaires « Portes de La Défense » livré en 2001 s'inscrit aussi dans la linéarité du boulevard urbain en devenir, et présente les mêmes caractéristiques en matière de stationnement automobile. L'ensemble des programmes de logement adopte également ce modèle de stationnement automobile dissocié de la voie.

Les mutations ponctuelles du foncier de la rive est se réalise selon des modalités similaires, bien que le morcellement du foncier rende la constitution de programmes de tailles similaires à la rive ouest plus complexe. Plusieurs programmes de logements nouveaux présentent la même inscription par rapport à la voie en terme de riveraineté que le type identifié plus haut (38 à 44 boulevard Charles de Gaulle; et programme de logments du croisement Cugnet/Charles de Gaulle).

Les activités de types commerciales adoptent également une configuration « dissociée-dédiée » . Le centre commercial des quatre chemins inscrit une autre halte de type « dissociée-dédiée », accessible à une clientèle pratiquant la RD 992 dans le cadre de migrations pendulaires, mais aussi et surtout utilisé par les habitants du Petit-Colombes. La halte automobile au centre commercial se fait par un parking souterrain à deux niveaux, accessible via une rue secondaire (la rue des Gros Grès), identifiable par l'automobiliste grâce à des annonceurs visuels. Au sud du boulevard, le Mac Donald (qui partage son espace avec une station service) est clairement aménagé en direction des clientèles de passage sur la RD 992, mais ses clients sont aussi pour beaucoup des habitants du quartier. Le restaurant fonctionne sur deux modèles de halte: le drive-in (l'usager « prend pied » à la station, c'est à dire au parking, pour se rendre au restaurant), et le drive-through (l'usager reste dans sa voiture, il ne prend pas pied et passe sa commande directement au guichet depuis son siège de voiture). Ces implantations d'activités récentes présentent une inscription territoriale peu étendue, puisque l'automobiliste ne se rend pas depuis le Mac Donald vers d'autres lieux proches à pied. L'inconfort des trottoirs, étroits et colonisés par la voiture, la typologie des commerces, et les caractéristiques des contre-allées, concourent, on le verra, à freiner les pratiques piétonnes attachées à un boulevard urbain de type commercial.

2.1.2 Pratiques riveraines du boulevard Charles de Gaulle

Loin de constituer un fait résiduel, les pratiques riveraines du boulevard participent aux évolutions récentes de l'axe. La rue demeure encore comme un lieu de halte longitudinale, et d'itinéraires pédestres journaliers, relativisant les pratiques essentiellement automobiles observées sur l'axe.

Les rives pavillonnaires: des haltes « traditionnelles » de type « associées-intégrées »

Les rues transversales de la rive sud est de la RD 992 (Gros Grès, Chatou, Agriculture, Cugnet, rue des Arts) sont caractérisées par des haltes de type « associées-intégrées »: le stationnement des automobiles se fait sur la chaussée, ce type d'adhérence longitudinale des mouvements correspondant au modèle classique de la rue. Ce type de halte est complémentaire au stationnement intégré à la parcelle (garage), historiquement très associé à l'habitat pavillonnaire, ici majoritaire. Néanmoins, les tendances récentes vont dans le sens de la dissociation entre la station et la destination: les garages d'automobiles sont aménagés comme des pièces supplémentaires destinées à accroître les superficies des petits pavillons achetés par des familles de jeunes adultes avec enfants, rejetant la voiture en dehors de la parcelle, sur l'espace public. De plus, le développement ponctuel de services à l'intérieur des franges Est pavillonnaire du boulevard (comme le Consulat du Maroc rue des Gros Grès) tend à accroître les stationnements de courte durée (10 minutes à 1 heure), participant à la saturation de la chaussée. La création d'une association de riverains, « l'Association Colombes Ouest » témoigne des enjeux urbains et sociaux soulevés par le développement d'équipements, de services ou d'activités génératrices de circulations et de stationnements supplémentaires dans un espace pavillonnaire en mutation lente. L'association dénonce dans ses tracts et sur son site Internet les impacts négatifs causés par l'implantation du Consulat du Maroc, établissement à caractère administratif accueillant des visiteurs nombreux: « stationnements gênant sur les bateaux », « problèmes de propreté autour du consulat ». Outre ce bâtiment consulaire, le développement d'activités importantes reste limité sur le secteur pavillonnaire, étant données les prescriptions du P.O.S en vigueur limitant le coefficient d'occupation proportionnellement à la surface de la parcelle (P.O.S, 2006).

Outre cette saturation, la rue conserve dans les rives pavillonnaires son rôle de transition pédestre entre le mouvement automobile et l'arrivée au point de destination.

Des formes de riveraineté encore classiques

Illustration 22: Des programmes de logements récents en façade du boulevard où la place de la voiture n'a pas été pensée - Source personnelle (2008)

Les formes urbaines anciennes (parfois récentes) caractérisées par un parcellaire étroit et lannièré, maintenues sur les rives directement attenantes au boulevards, sont souvent connectées à la voie de sorte qu'il est impossible de garer une voiture à l'intérieur de la parcelle. Les passages pour accéder à l'intérieur de la parcelle peuvent être particulièrement étroits, et le bâti de mauvaise qualité. Les places de stationnement des contre-allées peuvent ainsi avoir un usage quotidien de place de stationnement. De manière exceptionnelle, des programmes de logements en locatif privé dégradés sont construits en façade du boulevard. Ces immeubles n'ont pas de places de parking, du fait de la très faible surface de contact entre la parcelle et l'espace public.

Les usages piétonniers le long du boulevard structurés par les transports en commun

Les quatre stations de bus du boulevard tiennent un rôle important dans les usages piétonniers du boulevard. Ce lieu de passage du mode pédestre au mode autobus est à l'origine d'usages circulatoires spécifiques, mais aussi à des usages commerciaux de type restauration ou de commerces résidentiels de manière plus générale.

Les chemins d'accès au boulevard sont multiples, et se réalisent depuis les diverses voies transversales pour accéder à une des quatre stations de bus (« Rond-point du Petit Colombes »; « Carrefour des quatre chemins »; « Buffon », et « Cimetière de la Cerisaie »4(*)). Comme son nom l'indique, le carrefour des quatre chemins est un espace central dans la distribution des flux de circulations. Cet espace particulièrement bien déservi par les transports en commun est aussi le plus densément peuplé du Petit-Colombes (FILOCOM, 2003), constituant le pôle intermodal le plus emprunté par les usagers. Un tissu de commerces de proximité de la place est étroitement attaché aux itinéraires journaliers des riverains: libraire, tabac, boulangerie, primeur... Les aménagements en matière de mobilier urbain récent trahissent aussi le rôle social du lieu, espace d'interception et de rencontres amicales.

Les stations de transports en commun du sud du carrefour des quatre chemins (« Buffon », et « Cimetière de la Cerisaie ») présentent une fréquentation moindre, qui tend toutefois à augmenter du fait des importants programmes de Z.A.C mêlant logements et bureaux. De fait, l'inscription territoriale de la station Cimetière de la Cerisaie s'étend à toujours plus d'individus depuis la fin des années 1990.

L'inscription territoriale de la station « Rond-point » a été stable, en réponse à l'absence d'évolution notable de la démographie de l'espace qu'elle dessert, ainsi qu'en l'absence de renouvellement urbain. Les quelques activités situées autour de la station

La multitude de commerces de restauration bénéficie d'une position d'interface entre zone d'activités, zone d'intermodalité fréquentées pour les itinéraires de passage (bus), et zone résidentielle, qui constituent les 3 grands types de consommateurs. La logique de « halte automobile » appliquée plus haut au cas du Mac Donald ne s'applique néanmoins pas ici, et c'est d'abord une clientèle pédestre qui consomme dans ces restaurants. Avec la rénovation du quartier depuis la fin des années 1990, les devantures de ces fast-food sont rénovées, accompagnant le changement d'image du quartier. D'autres petits-commerces participent à cette pratique longitudinale de l'axe des piétons (vêtements, agences de voyages, achat-vente de matériels numériques...).

Le carrefour des quatre chemins

Illustration 23: Le carrefour des quatre chemins: un espace perçu négativement

La « Z.A.C des Quatres chemins » engagée dans les années 1990 prévoyait, outre la construction de la galerie commerciale et du supermarché Leclerc, la rénovation du marché et la création d'un îlot à destination d'activités de service. Elle confortait les pratiques des habitants du Petit-Colombes et du Petit-Nanterre autour de ce lieu attractif pour son tissu commercial. Si ces opérations récentes éloignent quelques peu des lieux d'animation des façades immédiates du boulevard (îlots d'activités de services et marché), la pratique de la place Aragon et des abords immédiats du boulevard demeure importante. Le caractère nodal de ce carrefour conforte les quatre chemins comme un espace mêlant divers rythmes de pratiques du boulevard, et malgré l'effet de coupure qu'il créé, la proximité aux voitures apporte dans une certaine mesure l'urbanité du lieu. A ce titre, la contre-allée longeant la place Aragon est un espace permettant des haltes automobiles appréciées: de 2 à 10 minutes, elles permettent d'effectuer des tâches courantes comme l'achat de timbres à La Poste ou d'un paquet de cigarettes au buraliste. Le lieu est aussi dans une certaine mesure approprié par des « habitués » qui participent à la dimension « Agora » de cette place d'abord commercial, où l'on se rend sous prétexte d'un achat à faire, pour en réalité espérer y croiser une connaissance. Les entrées de magasins ou les devantures des commerces de la place Aragon sont des points stratégiques de rassemblements et d'observations, particulièrement la façade orientée ouest qui jouit d'une orientation ensoleillée. La mise sous tension de cet espace est donc due pour beaucoup aux circulations de passage engendrées par les nombreuses stations de bus.

Au nord, le maintien d'une riveraineté faible

Le rond-point du Petit Colombes est au contraire un espace peu fréquenté, une sorte de bout de ville qui annonce au delà des reliefs urbains hostiles, la A 86 et les bretelles de sortie, où les voitures ne sont plus aucunement génératrices de halte, mais sont sur un territoire de la vitesse et des métriques automobiles. Les pratiques de ce lieu stagnent depuis les années 1990. L'accès au coeur d'îlot « Côtes d'Auty-Colbert-Salvador Allende », depuis l'ouverture est du « rond-point », a été fermé par un mur de briques. Outre deux restaurants, un vendeur de « pain chaud », et une auto-école, situés en entrée de ville, il n'y a pas de commerces sur ces rives. Séparé de la ville par le pont de la A 86 et les bretelles d'entrées et de sorties, le parc André Lagravère est difficilement accessible à pied. Depuis le carrefour des quatre chemins, ce bout de ville reste peu attractif. Saisi dans son ensemble, un différentiel important s'est renforcé entre le nord de l'axe - hostile, peu pratiqué par les piétons, une entrée de ville consacrée à la voiture - et le sud de l'axe sur lequel les pratiques riveraines se sont maintenues malgré l'étroitesse des trottoirs.

2.1.3 Une diminution progressive de la privatisation des contre-allées par les voitures

Initialement prévus pour donner lieu à une appropration des trottoirs latéraux par les piétons, et pour donner la possibilité aux automobilistes de s'arrêter pour profiter des commerces, les usages de ces espaces subissent pour beaucoup la saturation automobile déjà identifiée.

Des activités consommatrices de l'espace des contre-allées

Outre la restauration, une grande partie des activités situées sur les rives du boulevard Charles de Gaulle sont directement associées à la voiture. La partie sud du boulevard est particulièrement touchée par la présence d'activités de réparation, vente ou location automobile, et d'une station essence. Ces activités entraîent une occupation importante des places de stationnement, mais aussi des trottoirs qui sont "colonisés" par les voitures. Les enseignes de réparation automobile utilisent les places de stationnement pour stocker les véhicules, cette pratique courante est même tolérée par les autorités publiques (2 garages de réparation). De même, les enseignes de vente et location automobile utilisent les trottoirs afin d'exposer les voitures (2 garages de vente et location de voitures), cela de manière tolérée également. Ces activités obligent les piétons à adopter des stratégies de détournement et à utiliser la chaussée des contre-allées.

Illustration 24: Privatisation tolérée des contre-allées pour des usages commerciaux (2008) - Source personnelle

Illustration 25: Distribution des commerces en fonction de leur lien avec la voiture - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

On peut également classer d'autres commerces du boulevard dans la catégorie des "activités en lien avec les véhicules motorisés". Il s'agit des commerces de vente d'objets volumineux qui demandent au consommateur à venir en voiture, ou les activités de livraisons. Sur les rives attenantes au boulevard, on recense ainsi une proportion importante d'activités à l'origine de halte automobile de type "cabotage": un magasin de vente de canapés, un supermarché de produits asiatiques, un ambulancier, un magasin de climatiseurs, trois magasins de divers matériaux de décoration pour maison, un livreur de pizzas (motos), et un vendeur de pièces détachées de motos. On retrouve le même type de commerces quand on s'éloigne des franges attenantes au boulevard, à l'image de l'ambulancier situé rue Colbert.

Une tendance à la diminution des « commerces de route »

Le tissu commercial nouveau et issu des derniers programmes installés sur la rive sud-ouest du boulevard prolonge cette tendance à l'essor des activités "à vocation automobile", mais de manière moins marquée. Les rez-de-chaussés des programmes de la Z.A.C Charles de Gaulle accueillent ainsi un magasin de vente et réparation de 2 roues (2007), et un magasin "Cash Express" (2006), de "rachat-vente" de biens de type "numériques et audiovisuels". A l'intérieure de la frange sud-ouest, dans la Z.A.C Champs Philippe, de nouveaux commerces complètent une offre commerciale déjà conçue autour de l'automobilité, comme le Conforama. Un magasin Grosbill (informatique) est installé depuis 2007 dans la Z.A.C Champs Philippe, magasin dont le principe consiste à précommander depuis chez soi les produits, puis de venir les retirer en voiture au point de commande.

L'apparition de nouveaux types de commerces "résidentiels" en façade du boulevard atténue le "tout-voiture". Une banque et un restaurant japonais se sont implantés aux rez-de-chaussées des immeubles de logements de la Z.A.C Charles de Gaulle, au croisement "Gros Grès-Charles de Gaulle". Sur la rive est, le programme de logements situé au croisement des rues Cugnet et de la contre-allée Charles de Gaulle accueille en son rez-de-chaussée un vétérinaire.

Les contre-allées ne sont pas entièrement "colonisées" par des activités liées à la voiture. Perçu comme un lieu sécurisé vis-à-vis de la circulation, elles sont aussi des itinéraires cyclistes et piétons appréciés. Les quelques terrasses de restauration installées sur les trottoirs, dans la partie sud du boulevard, font aussi état de haltes piétonnières sur les rives de cet axe.

Conclusion

Si l'analyse de l'évolution des riverainetés du boulevard dessine une tendance au maintien de la vocation routière de l'axe, plusieurs éléments concourrent à un désengorgement automobile des contre-allées. La conception des programmes de logements et d'activité inclue des parkings de stationnement automobiles intégrés, généralement en sous-sol. De plus, les nouveaux commerces réalisés tendent à localiser les nouvelles activités liées à la voiture dans la Z.A.C Champs-Philippe près du Conforama, le développement des nouveaux commerces sur les façades de l'axe étant moins propices à "coloniser" l'espace offert par les contre-allées. Dans le même temps, la question du stationnement se pose avec plus de force sur les rives pavillonnaires, du fait de l'attractivité de ces espaces, mais aussi en lien avec la tendance à l'exclusion de la voiture de la parcelle provoquée par les nouvelles manières d'habiter.

2.2 La constitution d'images du boulevard

Aménagements paysagers et constitution d'images nouvelles guident l'évolution de l'axe depuis la 3ème période de rénovation du boulevard. La quête d'image, ou encore de "sens à donner au boulevard", de "symbolique" (Dubois-Taine, 1990), est un des piliers de la réussite de la constitution d'un boulevard urbain. Entre l'image moderne de la skyline de La Défense que l'on cherche à donner à la Z.A.C Champs Philippe, celle d'un passé industriel encore dans les esprits et dans le bâti, celle d'entrées de ville illisibles et encroutées, et les images individuelles offertes par un habitat pavillonnaire qui s'exposent, c'est finalement un axe hétéroclite qui se donne à voir.

L'atomisation du territoire et la variété des formes urbaines sur les rives du boulevard est à l'origine d'un axe visuellement discontinu sur sa longueur. Aux grandes emprises aisément mutables des rives sud-ouest s'oppose un parcellaire extrêmement morcellé sur la rive est, occupé par des vendeurs profitant de l'implantation favorable du boulevard. Au carrefour des quatre chemins, l'ouverture conçue par les architectes des îlots Aragon et Basch marque une rupture dans la linéarité des façades en arrivant depuis la A 86 au nord. La recherche de la linéarité demeure néanmoins l'axe fort des projets: son but est d'essayer de concilier un sens cohérent aux différentes images de la ville, autour du tramway.

2.2.1 La composition d'une image prestigieuse de boulevard urbain

L'extension de la CBD de La Défense dans les années 1990 entraîne non seulement une valorisation des biens fonciers sur des modèles con

Illustration 26: L'association de l'image du quartier à celle de La Défense, la recherche d'une image de la "global city" - Source: Plan d'accès au site du siège social d'Oracle à Colombes - Site Internet d'Oracle (Juin 2008)

centriques et radiaux, mais elle offre aussi la possibilité aux acteurs de l'aménagement d'utiliser l'image d'une certaine modernité pour aménager un boulevard urbain à l'image de la CBD, politique d'image.

Une image moderne incarnée par l'entrée de ville "Champs Philippe"

Deux "modernités" impulsent la nouvelle politique d'image engagée à la fin des années 1990 sur l'axe national. La modernité de La Défense d'abord, dont l'aire d'influence et l'image se sont étendues aux représentations des habitants de la région parisienne, avec la livraison de la Grande Arche en 1989, la rénovation du CNIT, et le lancement des constructions des tours de 4ème génération. L'image du tramway est le 2ème support de cette politique d'image. L'inauguration du T2 en 1997, joignant Issy-les-Moulineaux à La Défense, entraine le lancement des premières études techniques et de concertation sur l'extension du tramway jusqu'à Bezons. Impulsée par le Plan de Déplacement Urbain et le Schéma Directeur d'Aménagement de la Région Ile-de-France de 1994, ce mode de transport participe à l'accélération de la rénovation du boulevard. Par son caractère doux, il peut constituer un élément de réconciliation entre deux espaces de la ville qui ont été construits de manière cloisonnée, la RN 192 élargie et l'aménagement de ses rives.

La partie sud de la Z.A.C Charles de Gaulle est l'élément pionnier du tournant tertiaire engagé sur la partie sud du boulevard. Située sur la façade sud-ouest immédiatement après le Pont de Charlebourg et La Garenne-Colombes, il annonce en entrée de ville le nouveau quartier de bureaux. L'architecture aux façades vitrées s'adresse aux automobilistes comme un symbole rappelant la proximité du quartier d'affaires. Il annonce également le quartier en cours de formation, structuré par la rue d'Estienne d'Orves jusqu'à Nanterre, dont les Z.A.C Champs Philippe 1 et Champs Philippe 2 appuient la spécialisation dans les activités tertiaires à haute valeur ajoutée. C'est dans ce sens que rentrent les prescriptions architecturales, tendant à reproduire le vocabulaire de La Défense: (volumes verriers, surface sous serre, passerelles à tous niveaux...). Un programme de bureaux construit postérieurement dans le cadre de la Z.A.C Champs Philippe 1, « Perspectives Défense », appuie plus encore l'image de l'entrée de ville au pont de Charlebourg. Sa forme éfillée rappelle également le croisement des réseaux ferroviaire et routiers au niveau du pont. Le boulevard urbain offre donc une vitrine au quartier. Il alterne successivement, au départ du Pont de Charlebourg, l'immeuble d'affaire « Oracle », une succession de trois programmes de logements de R+6 à R+7, puis l'hôtel Mariott-Courtryard, rattaché au delà à l'opération de logements sociaux au croisement des rues Gros Grès-Charles de Gaulle ».

Des façades associées à une image "urbaine"

La planche ci-contre fait apparaître l'évolution de la forme des seules parcelles directement riveraines au boulevard Charles de Gaulle, celles qui sont perçues par l'automobiliste en mouvement. Les données parcellaires disponibles5(*) aux années 1964 et 2006 font apparaître une mutation différenciée de ces parcelles, selon des clivages ouest-est et nord-sud.

Au nord, ce sont les programmes "Rond-Point" et ceux de l'ensemble urbain des "quatre chemins", datant des années 1980, qui ont participé au remembrement d'un parcellaire de type façade urbaine. Les évolutions attribuables à la troisième phase d'aménagement du boulevard, ouverte à la fin des années 1990, se localisent en faite pour la plupart sur l'espace situé au sud du carrefour des quatre chemins. Les dernières parcelles lannièrées de la façade sud-ouest ont disparu au profit des parcelles de grandes

Illustration 27: La restructuration des parcelles en façade du boulevard Charles de Gaulle entre 1964 et 2006 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

emprises produites dans le cadre des programmes de la Z.A.C Charles de Gaulle. La largeur des parcelles exposées à la voie est notablement plus grande que les étroites parcelles pavillonnaires: les parcelles des immeubles produites par les Z.A.C ont une largeur exposée à la voie allant de 20 à 30 mètres. Les formes bâties produites par les programmes de la Z.A.C Charles de Gaulle tendent également à se former en façade de la voie. D'une hauteur moyenne de R+7, ils participent à la constitution d'une façade linéaire de bâtiments adossés au boulevard, commencée 15 ans plus tôt au nord avec les programmes "Rond-Point", d'une hauteur inférieure (R+5).

Illustration 28: Le patrimoine bâti, support d'une nouvelle image donnée à voir au boulevard - Source: Enquête publique préalable à une D.U.P entraînant la modification du P.O.S (décembre 2006)

Néanmoins, la structuration de la trame viaire, et la composition urbaine et architecturale des façades, donnent lieu à certaines particularités urbaines rompant avec la linéarité de l'ensemble. L'avenue Aubenne, en biais par rapport à la voie, réalise une première rupture visuelle, donnant à voir furtivement à l'automobiliste arrivant depuis le nord une partie de l'immeuble des "Portes de La Défense". Elle inscrit visuellement la modernité dans une rue dont la trame viaire ancienne met en scène la modernité avec "l'ancien". « L'îlot 3 » de la Z.A.C Charles de Gaulle, conçue dans le cadre du programme « Les jardins d'Aragon », adopte une architecture irrégulière en forme de « U » écrasé ouvert à la rue, exposant un espace paysager résidentialisé derrière des grilles. L'image de l'hôtel Mariott appuie encore l'image prestigieuse et moderne de l'axe, affichant cette partie du boulevard comme un lieu dynamique en rupture avec l'image de sortie de ville reclue et destructurée. Néanmoins, l'image associée aux nouveaux équipements et aux commerces prévus dans les opérations, notamment dans l'îlot 3 de la Z.A.C Charles de Gaulle, semble être une des conditions associées à la mise sous tension de ces rives.

Une vitalisation de l'image de la zone nord: une quête d'image indécise

Esquissée à travers la programmation tourmentée de la "Z.A.C Marine", la rénovation de la partie nord du boulevard touche en terme d'image à un lieu dégradé. Spécialisé dans la fonction résidentielle, ce bout de ville est un no man's land se heurtant au nord contre la A 86, et à un parc départementale inaccessible. Le cheminement piéton y est quasi impossible, et le croisement de routes de statuts différents y rend la conduite dangereuse. Difficilement remodelable du fait de sa rigidité architecturale et des pesanteurs sociologiques, l'ensemble "rond-point" subsiste tel quel.

Le programme de rénovation de la "Z.A.C Marine" est esquissé selon plusieurs approches successives au long de sa conception. Cette transition, due au changement de majorité au conseil municipal, marque le passage d'une conception inspirée par l'image patrimoniale du lieu (associée aux qualités architecturales du bâti typique de l'architecture industrielle des années 1930), à des logiques financières associées à un montage financier de l'opération proposant l'enterrement des centres de remisage de tramway (dont les murs de la structure sont prescrites à 10 mètres de hauteur du fait des normes sécuritaires). Le premier projet esquissé en 2000 par la majorité communiste voulait utiliser une partie des bâtiments de l'ancienne usine d'aviation Amiot pour la création d'un musée des transports à partir de la collection entreposée, et consacrait le reste de l'espace à la construction de logements, de commerces, de bureaux, du centre de remisage des tramways en surface, et d'un square. Le rapport visuel du projet au boulevard s'inscrit dans la continuité du bâti linéaire des programmes rond-point ouest et est, façade d'immeubles dont la destination n'est pas alors précisemment définie. L'ouverture paysagère offerte par le square, et la percée d'une avenue destinée à accueillir l'ancien tracé devenu obsolète du tramway, constitue une mise en scène par rapport à la rue, grâce à la présence de voies ferrées et d'aménagements paysagers conséquents, de l'édifice industriel évoquant l'image de la mémoire du lieu.

L'abandon du projet de musée de transport avec le changement de majorité au conseil municipal en 2001, et le choix de la rénovation complète de la Z.A.C plutôt que la réhabilitation, entraîne un changement dans l'image du projet, allant vers le choix d'une image de la modernité et du prestige, déjà incarnée dans le sud du boulevard. Si la succession de projets proposés conserve la façade sur le boulevard comme élément d'intégration, il ne propose dans sa première mouture que comme option mineure la création d'ouvertures visuelles (squares et rues), puisque le premier projet proposé par la mairie écarte un aménagement structuré par la rue. Il affirme également l'affichage d'une façade moderne incarnée par le nouvel hotel haut de gamme.

Le programme "Lagravère Mancel", seul projet de rénovation sur la rive nord-est, participe également à la constitution du corridor urbain, rythmé visuellement par une percée donnant à voir les aménagements paysagers résidentialisés de l'ensemble. Accueillant en rez-de-chaussée sur le boulevard le bureau de Poste déplacé du coeur d'îlot de la place Aragon, il participe non seulement à l'évolution de l'espace vécu, on le verra plus tard, mais aussi la requalification de l'image d'un quartier encrouté et peu vivant.

2.2.2 Des productions d'images individuelles éclatées

Elles sont de plusieurs types. Entre maintien de l'habitat pavillonnaire et développement de programmes immobiliers isolés et détachés de toute organisation, la rive sud-est évolue lentement et parfois de manière autonome, échappant au contrôle foncier de la mairie.

Les images diverses des pavillons mal situés

Dévalorisés à cause des nuisances causées par la proximité au boulevard, les parcelles les plus proches du boulevard subissent une dégradation de la qualité du bâti. Aussi, il apparaît de manière ponctuelle des copropriétés en difficulté, (188 logements sont classés en "parc privé potentiellement indigne", soit une des sections cadastrales les plus touchées en termes absolus) dont la qualité du bâti peut être médiocre. Il n'en reste pas moins qu'il est difficile d'identifier dans quelle mesure le boulevard a entrainé la dégradation, ou si c'est l'horizon de la rénovation du boulevard qui entraîne la dégradation. Ainsi, les pavillons préemptés par la mairie via la CODEVAM (société d'économie mixte majoritairement

Illustration 29: Intégration visuelle d'un fast food - Photographie personnelle (2008)

Illustration 30: Intégration visuelle d'un fast food - Photographie personnelle (2008)

déténue par la mairie de Colombes), aujourd'hui murés, entretiennent l'image dégradée des rives du

Illustration 31: Le parc privé potentiellement indigne des logements des rives du boulevard Charles de Gaulle en 2003 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

boulevard.

Néanmoins, la reconversion "spontanée", hors de la politique de la mairie, de certains logements en commerces, est parfois accompagnée d'une requalification des devantures. C'est particulièrement le cas des commerces de restauration, qui cherchent ainsi à s'intégrer visuellement dans la continuité de la modernité incarnée par les façades vitrées de la Z.A.C Champs-Philippe, en modifiant la destination des anciens pavillons. Les couleurs vives et les inscriptions offrent une image attractive aux automobilistes de passage, incitant à la halte. Les façades de ces fast-food sont restaurées dans le sens de la lisibilité, de sorte que l'on puisse identifier les grandes offres proposées, depuis la chaussée. Ces petits pavillons marquent une rupture visuelle par rapport aux programmes de hauteur R+5 déja construits. Les étages supérieurs, survivances architecturales de la façade non-élargie du boulevard, de qualités visuelles variables, sont destinés au logement.

On observe également le maintien de commerces plus spécifiquement résidentiels. C'est le cas de la pharmacie située à l'entrée de ville Charlebourg. Du point de vue architectural, il marque une rupture du fait de son identité architecturale propre et détachée du reste du bâti, identifiée par un toit de tôle de forme arrondie et par ces grandes baies vitrées aux étages supérieurs. Le prix important de ce bien foncier et bâti étant particulièrement cher, du fait de sa qualité architecturale, son rachat par la mairie parait moins sûr.

Le maintien d'une situation de sortie de ville

Les indicateurs publicitaires visuels associés aux activités commerciales demeurent encore pendant la 3ème période de rénovation un fait important. Néanmoins, ils tendent à disparaître peu à peu au fil de la restructuration du parcellaire, et, on l'a vu, à s'intégrer parfois de manière spontanée par la stratégie des commerçants. La thèse universitaire d'Antoine Bres identifie deux types d'indicateurs; les indicateurs "immédiats", signalant par leur devanture l'activité en présence; et les "annonceurs", qui indiquent l'itinéraire à suivre pour accéder au lieu. Ces marqueurs sont plus particulièrement associés aux activités liées à la voiture, déjà évoquées plus haut. Ces panneaux ont pour conséquence d'amoindrir la lisibilité de l'axe pour le conducteur. Ils ne participent pas à la lecture des rives du boulevard, puisqu'on parvient mal à lire la présence des pavillons situés en retrait.

Illustration 32: Intégration visuelle d'une forme pavillonnaire à l'intérieur des rives sud-est de la RD 992 - Photographie personnelle (2008)

Illustration 33: Intégration visuelle d'une forme pavillonnaire à l'intérieur des rives sud-est de la RD 992 - Photographie personnelle (2008)

Des invidualités pavillonnaires qui se donnent à voir

Illustration 34: Passage public en coeur d'îlot: un vis-à-vis onirique entre public et privé

Le pavillon est ici le mode d'habitat dominant, bien qu'il soit ponctué par des logements collectifs typiques de la fin 19ème début 20ème siècle, notamment rue Colbert. Il n'existe pas d'éléments et de traits paysagers commun à tous les pavillons, la qualité s'affirmant surtout dans l'individualité de chacune des maisons: façades en meulières; grands jardins avec des arbres centenaires; des façaces de couleurs vives, chaudes et pastelles; des jardins privés fleuris visibles depuis la rue... Chaque individu est artisan de l'aménagement paysager du quartier. Cette qualité pavillonnaire est dans une certaine mesure appuyée par l'acteur municipal, qui a lancé une opération programmée de l'amélioration de l'habitat. L'O.P.A.H "Colbert" offre la possibilité aux propriétaires compris dans le périmètre de la zone d'obtenir une aide financière pour la réhabilitation de leur pavillon. Les passages traversants en coeurs d'îlot participent à la mise en scène de la confidentialité de ces espaces privés. Conservé avec la construction du programme d'immeubles de logement du 38 à 44 boulevard Charles de Gaulle, un passage reliant le boulevard Charles de Gaulle au square de la rue Colbert a été conservé. A l'abri des nuisances sonores, ce passage est verdoyant et offre des points de vues inédits des bouts de pavillons et d'immeubles saisissables à travers les végétaux. La moindre densité du bâti permet de dégager certaines perspectives visuelles intéressantes. Longeant un terrain de loisirs de la rue Colbert, le passage offre une mise en scène de l'espace de loisir attenant. Les mobiliers urbains participent par leur échelle et leur vocabulaire à rappeler l'ambiance des rues pavillonnaires (motif des grilles, lampes...).

Integrés dans la réflexion sur la mutation de la frange sud-est, les espaces de statut privé, d'une qualité paysagère remarquable, prennent place dans les plans. Les "coeurs d'îlots", rassemblant dans un périmètre un ensemble de jardins privés non-construits et verdoyants, sont protégés au titre de l'article L.123.1.7 du code de l'urbanisme. Cet article prévoit que "Les abords de la construction doivent être traités avec un soin particulier afin de participer à son insertion dans le site, à l'amélioration du cadre de vie et à la gestion de l'eau. ». 50 % des espaces au minimum doivent rester en « pleine terre », et 30 % de l'espace au maximum peut être « minéralisé ». Cette protection souple n'empêche donc pas la construction, à condition qu'elle s'intègre selon les critères « historiques, esthétiques, et paysagers » des alentours, et qu'elle soit limitée en terme de superficie, mais pas de hauteur.

2.2.3 Un boulevard urbain séquencé

Un boulevard urbain en 3 séquences

Les évolutions récentes de l'axe permettent d'esquisser les grandes séquences visuelles en cours de formation. En arrivant de La Garenne-Colombes, la première séquence est inscrite par l'immeuble "Perspectives Défense", lové contre le pont de Charlebourg, qui annonce la proximité au nouveau quartier tertiaire de la rive sud-ouest.

Une deuxième séquence commence une fois franchi le pont de Charlebourg, jusqu'a l'immeuble de logements sociaux situé aux croisements "Gros-Grès-Charles de Gaulle". Cette séquence est caractérisée par une dyssimétrie est-ouest en terme de hauteur bâtie, de R+6 à R+7 à l'ouest, à R+1 à R+2 à l'est. Cette différence s'exprime aussi, on l'a vu, en terme de taille de parcellaire, à l'origine de la multiplication de devantures commerciales. Alors que les enseignes publicitaires disparaissent peu à peu, il se maintient certains commerces s'adaptant en terme d'images par la restauration de leurs devantures,

Les 3 grandes séquences visuelles du boulevard dans un défilement sud-nord

Les rives sud, marquées par un différentiel visuel ouest-est

Les abords du carrefour des quatres chemins, ouverture visuelle

Les rives nord, boulevard urbain résidentiel encrouté

Sources: photographies personnelles (2008)

en écho aux futurs établissements commerciaux programmés sur les programmes de la Z.A.C Charles de Gaulle sur la rive opposée. Le carrefour des quatre chemins constitue la troisième séquence du défilement visuel. Conçu dans une logique d'image et de signal urbain, il brise la linéarité du trajet du fait de son ouverture en biais par rapport à la voie, visible depuis n'importe quel point d'arrivée. Cet élément, aujourd'hui identifié comme lieu fédérateur du Petit-Colombes, tend à se détériorer en terme d'image. Outre la minéralité prédominante et les couleurs grises de l'ensemble, le bâti tend à se détériorer souvent. Il est aussi devenu le carrefour le plus accidentogène du département des Hauts-de-Seine, du fait des différents usages faits de ces voies, empruntées comme axe radial desservant le Val d'Oise et la A86 d'une part, comme lieux de centralité des quartiers Petit-Nanterre et Petit-Colombes d'autre part, et dans une moindre mesure comme carrefour emprunté pour des itinéraires de cabotage. Ces divers usages correspondent à divers espaces et des temporalités de conduites variées, où le risque d'accident devient important. De plus, l'utilisation de la chaussée par des camions de livraison pour acheminer les cargaisons (marché du Petit-Colombes; commerces situés rue Gabriel Péri, côté Petit-Nanterre), les stationnements sur les trottoirs et les passages de piétons sur la chaussée, entraînent des accidents réguliers. Le passage de la Z.A.C Marine est la quatrième séquence du boulevard. La rénovation apportera à cette séquence un corridor "équilibré", bien que les grands traits prévus dans l'aménagement de la Z.A.C Marine prévoient certaines ruptures visuelles notamment par l'intermédiaire d'espaces verts.

Les programmes "Rond-point" constitue la dernière séquence du boulevard avant d'arrivée au noeud de circulations autoroutier. Il s'inscrit dans la continuité des hauteurs, mais se détache de par son architecture et ses matériaux.

Une lisibilité urbaine confuse ?

Malgré les projets de la Z.A.C Marine et "Lagravère Mancelle", la partie nord du boulevard n'est pas traitée dans le renouvellement urbain de la troisième phase. Espace rigide difficilement remodelable, il reste marginalisé tant en terme d'image, qu'en terme de pratiques riveraines, cantonné ici en grandes parties aux itinéraires résidentiels. De même, le carrefour des quatre chemins échappe aux évolutions d'images consécutives à la troisième période de rénovation. De fait, la Z.A.C Marine pourrait finalement apparaître à l'avenir comme un "évènement" trop inattendu, et décousu de la concentration d'immeubles modernes situés dans la partie sud du boulevard, une enclave urbaine contribuant à marginaliser plus encore le rond-point.Les espaces verts et les percées apparaissent, au regard des premières évolutions observées, assez minimalistes. Au mieux, elles s'inscrivent dans une mise en scène furtive adressée à l'automobiliste et au chaland à pied, comme dans le programmes Lagravère ou le programme des "Jardins d'Aragon". Ils ne constituent pas des lieux de liaisons, ni des ouvertures visuelles lointaines, comme sur la skyline de La Défense par exemple.

2.3 La tertiarisation de l'axe et l'affirmation de sa fonction résidentielle

La lecture et l'analyse de l'évolution du boulevard selon les critères fonctionnels permettent d'appréhender de l'évolution de l'espace vécu sur les rives du boulevard. Cet enjeu, déjà soulevé lors de l'analyse en terme de riveraineté, sera ici approfondi dans ces inscriptions spatiales. L'impulsion d'une politique urbaine "affichant" la modernité se traduit-elle par un processus d'extension spatiale importante d'immeubles de bureaux accueillant des activités à haute valeur ajoutée, à l'image du siège sociale de l'entreprise Oracle ? Quelle typologie de commerces s'est installée dans les rez-de-chaussées des nouveaux programmes ? Et quelles sont les nouvelles centralités, en perspective avec les caractères riverains et d'images déjà évoqués, qui émergent de cette restructuration de l'espace ?

2.3.1 Une évolution localisée en faveur d'activités tertiaires à haute valeur ajoutée

Les "portes de La Défense"

La valorisation des biens fonciers, dans le cadre du développement de la CBD de La Défense, entraîne une mutation fonctionnelle du foncier. Les cartes des modes d'occupation des sols (M.O.S) édités par l'IAURIF depuis 1982 font apparaître la progression de la fonction tertiaire entre les années 1982 et 2003. La rive sud-ouest concentre à elle-seule ce développement, à travers le programme "Oracle" (2001), qui accueille comme déjà évoqué le siège social de l'entreprise éponyme (commerce, gestion de base de données), mais aussi les bureaux des entreprises Shell (pétrochimie), Unisys (T.I.C), Biogaran

Illustration 35: L'évolution du mode d'occupation des sols en faveur du tertiaire et d'une densité résidentielle plus importante - Sources: IAURIF, 1982, 2003

(laboratoire pharmaceutique), et Gefco (logistique). Complétée par des relevés de terrain en date de 2008, cette "tertirarisation" apparaît de manière plus nette encore avec les inaugurations de la série de programmes évoqués, "Portes de La Défense", et "Perspectives Défense".

La distribution spatiale de la fonction "tertiaire à haute valeur ajoutée" est fortement concentrée, dans une logique d'effet d'agglomération constitutive à la production d'une image. Outre la Z.A.C Marine qui prévoit l'accueil d'activités de ce type, le périmètre de ce "quartier" est géographiquement concentré sur la rive sud-ouest de l'axe, au contact des activités de stockage et de distribution. La modification du plan d'aménagement de zone (PAZ) de la Z.A.C Champs Philippe 1 en octobre 2007 affirme le projet de "centralisation" d'activités tertiaires en ce lieu, à travers la construction d'une tour de 45 000 mètres carrés, soit environ 30 étages. La proposition énonce en ces termes le rôle de cette tour: « sa hauteur, 100 mètres, plus proche de celles des flèches de cathédrales, permettra de contraster avec les tendances environnantes en entrée de ville. Cet effet de verticalité viendra visuellement en « butée » du volume de l'immobilier aux tendances très horizontales ».

Ce nouveau quartier est très marqué par le monofonctionnalisme, formant un îlot peu fréquenté la nuit et durant les week-ends. De la même manière, les deux hôtels des "Z.A.C Charles de Gaulle" et "Marine" ne présentent que des impacts limités en terme d'inscription territoriale. Il apparaît difficile de qualifier ce quartier de "central" dans le sens où il ne constitue ni un espace captant une pratique locale - la pratique piétonne du piéton étant limitée par des métriques automobiles et des commerces peu générateurs de riverainetés - ni non plus une zone résidentielle.

Si la "tertiarisation du boulevard" est observée, on ne peut néanmoins pas parler de "boulevard tertiaire". L'intensification de la fonction résidentielle est à l'origine de la production importante de logements, qui demeure l'élément structurant du boulevard.

2.3.2 Une affirmation de la fonction résidentielle

Le résidentiel dense, fonction constitutive du boulevard

La densification résidentielle est le deuxième fait urbain important de l'évolution du boulevard. Elle est la fonction majeure des formes urbaines produites, alors que comme on l'a vu, le tertaire à haute valeur ajoutée se polarise essentiellement sur le secteur des Z.A.C Champs-Philippe. L'évolution des modes d'occupation des sols cartogaphiée par l'IAURIF jusqu'en 2003 montre que les logements de basse hauteur, les plus importants historiquement, tendent à être remplacés par des immeubles de grande hauteur. On y lit la densification progressive des façades, ce que l'évolution du boulevard jusqu'en 2008 observé sur le terrain vient confirmer aussi. Cette densification s'observe également en terme de densité de population. Les données les plus récentes disponibles (correspondantes au nombres d'individus inscrits sur les listes électorales municipales, entre les années 2000 et 2007) font état d'une augmentation de 797 individus sur l'ensemble des rives sud-ouest, compris entre les rues Gabriel Péri au nord, Charles de Gaulle à l'ouest et la voie ferrée au sud.

Les données FILOCOM de 2003 relevées par la direction générale des impôts sont insuffisantes pour appréhender les caractéristiques de cette population. Les prix élevés des programmes, outre la prise en compte des 20 % de logements sociaux exigés par l'Etat, montrent l'évolution sociologique des quartiers induite par les dernières évolutions. La trame commerciale en pied d'immeuble se fait, de manière encore timide, l'écho du changement de population.

Du "boulevard urbain" à la densification résidentielle des rives éloignées ?

La politique de constitution d'un boulevard urbain encore résidentiel, autour de la symbolique du prestige de la CBD de La Défense, n'apparaît pas comme la seule logique à l'oeuvre sur la constitution du territoire. La valorisation des biens fonciers sur l'ensemble du Petit-Colombes entraine le développement de nouveaux programmes de logements. La construction du programme "Peach" à l'intérieur de la rive sud-est du boulevard, rue de l'Agriculture, montre l'essor d'une forme "d'érosion de la zone pavillonnaire" par restructuration du parcellaire et édification de nouveaux programmes de logements. Dans cette logique, la politique municipale a visé dans les années 2000 à élargir le spectre du seul aménagement de façade urbaine, pour accompagner de manière organisée la densification.

Support de la politique foncière municipale visant à reconstituer une façade de type "boulevard urbain", le périmètre d'étude vise à identifier les emprises nécessaires à l'édification des bâtiments du corridor urbain. Il esquisse également la zone que pourrait adopter une future Zone d'Aménagement Concertée. Le premier périmètre est décidé lors du conseil municipal du 13 décembre 2001. Fruit de l'étude du cabinet d'architecture Lamy, il prévoit une zone privilégiée sur laquelle réaliser les préemptions, correspondant à une bande de 13 mètres où les hauteurs des immeubles seraient fixées à R+5. Plus à l'intérieur des rives, deux périmètres sont dessinés afin d'accueillir des futurs équipements. La réalisation d'une nouvelle étude en 2006 entraine un élargissement du périmètre d'étude plus à l'intérieur de la zone pavillonnaire. Les rives de la rue d'Estienne d'Orves sont également incorporées dans le périmètre. Ce nouveau périmètre marque la prise en considération de logiques financières, outre les seules logiques urbanistiques et d'images (accroître les possibilités de rente tirées de l'opération par l'augmentation des surfaces habitables), en opposition au premier périmètre restreint traduisant une politique dans la seule perspective du boulevard urbain.

Une association des riverains du boulevard Charles de Gaulle, "Les Petits Toits", s'est constituée en réaction au changement politique incarné par l'adoption du nouveau périmètre. Si elle constitue d'abord un outil de mutualisation financier - au cas où un litige nécessitant un avocat opposerait la mairie à un propriétaire se voyant proposé un prix non-satisfaisant pour la préemption de son bien - l'association réclame également le retour à l'ancien périmètre. Parmi les revendications d'ordre urbanistique, "Les Petits Toits" inscrivent la préservation de la zone pavillonnaire des rives du boulevard, dans le cadre d'un passage progressif du bâti de grande taille du boulevard, à la zone pavillonnaire de basse hauteur.

2.3.3 Relocalisation du tissu commercial et des équipements résidentiels

L'évolution du tissu commercial a déjà été abordée au regard de l'évolution de riveraineté en transformation du boulevard. Elle a été mise en évidence au regard de la diminution des commerces en lien avec la voiture observée lors du renouvellement urbain, au bénéfice de commerces de type "résidentiel". L'îlot "Aubenne-Charles de Gaulle" accueille en ces rez-de-chaussées une banque (Société Générale), un restaurant japonais, et un magasin de motos. Le programme au croisement des rues "Cugnet-Charles de Gaulle" sur la rive sud-est accueille en son rez-de-chaussée un vétérinaire. De même, le programme de l'îlot 3 de la Z.A.C Charles de Gaulle prévoit d'accueillir des activités et des équipements. Cette nouvelle offre commerciale participe à une évolution des usages des contre-allées.

La répartition des commerces de manière riveraine à la voie

Le renouvellement des commerces des rives du boulevard s'accompagne d'une politique municipale allant dans le sens du développement de l'espace vécu le long du boulevard. La Poste

Illustration 36: La relocalisation longitudinale des activités de type "résidentielle" - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

anciennement localisée au coeur de l'îlot "Aragon" a été déplacée en plain-pied de l'opération "Lagravère Mancel". La bibliothèque annexe de la place Aragon est également prévue d'être déplacée dans la Z.A.C Marine. A l'échelle du boulevard, l'évolution des commerces et des infrastructures publiques, du point de vue de leur typologie et de leur localisation, tend à redéployer l'espace vécu aux rives du boulevard, au détriment de la centralité du carrefour des quatre chemins autour de laquelle ont été conçus ces équipements. Cette mutation s'inscrit doublement dans une logique de type boulevard urbain: d'abord car elle modifie la géométrie de la distribution des commerces, passant d'un modèle concentré à un modèle longitudinal. Ensuite car ce redéploiement des activités adresse leur usage à de nouveaux clients, ceux de passage sur l'axe. Le déplacement du bureau de Poste s'inscrit à ce titre. Il ne s'agit plus seulement d'un guichet adminitratif reclus urbanistiquement, mais d'un établissement bancaire faisant écho aux nouvelles populations de la Z.A.C Marine (travailleurs, dans une moindre mesure les usagers de l'hôtel...), et faisant halte pour la voiture.

On ne parvient pas à identifier de vocation fonctionnelle précise pour le boulevard. La proximité entre hôtels hauts de gamme et logements sociaux parmi les plus pauvre d'Ile-de-France, apparaît comme deux types de fonctions peu suceptibles de générer des interactions. Répondant à une demande hotelière importante consécutive à la proximité à la CBD de La Défense, la fonction hotelière apporte une image au boulevard ainsi qu'une manne financière pour la ville. Mais son impact en terme de centralité pour le quartier demeure faible. L'abandon du projet de musée sur la Z.A.C de la Marine contribue ainsi à maintenir un zonage basé sur une dualité image moderne/quartier encrouté.

La constitution d'une "structure commerciale et de services" le long du boulevard atténue néanmoins le zonage fonctionnel. Le développement d'activités résidentielles, et la redistribution d'activités sur les rives du boulevard (La Poste, la médiathèque) au contact de la circulation, tend à rejoindre le modèle de boulevard urbain parvenant à unir "haltes automobiles et pratiques riveraines", dans ce qui s'apparente par certains de ces aspects à la reconfiguration de nouveaux espaces vécus.

Conclusion

Ces trois manières d'approcher l'évolution récente du boulevard illustrent chacune le renouveau de l'espace vécu du Petit-Colombes. Voies et îlots apparaissent traités dans une compréhension mutuelle des espaces, au profit d'une intégration de la voiture raisonnée. Loin d'exclure la voiture des contres-allées au profit de trottoirs plus larges par exemple, le boulevard devient le lieu de rencontre de deux espaces-temps. Elle donne lieu à la production d'espaces de stationnement incorporés aux programmes, ou encore à des activités intéressant non seulement les automobilistes mais aussi les autochtones.

Si l'allure générale du boulevard approche celle du boulevard urbain résidentiel, rythmé au référentielle pédestre par des rez-de-chaussée commerciaux, et structurés par une fonction essentiellement résidentiel, le zonage à l'origine d'une stratégie d'une nouvelle image de la modernité demeure important, contribuant à désintégrer les différentes parties du boulevard par des métriques encore automobiles.

De fait, les différentes séquences du boulevard identifiables, mais encore peu lisibles, par l'automobiliste et le riverains, sont encore loin de constituer des centralités en leur qualité d'espace de contact vivant, entre territoire de l'automobile et territoire du Petit-Colombes. D'un projet de nouveau "boulevard urbain" anticipant les effets du tramway pour sa valeur foncière, et/ou pour ces qualités urbanistiques, les effets d'une telle infrastructure sont aussi liés au traitement préalable de l'espace urbain par les acteurs de l'aménagement. Les différentes logiques à l'oeuvre aujourd'hui permettent de saisir les formes de centralités en devenir du Petit-Colombes, pour dessiner une analyse prospective de l'évolution de l'espace vécu des rives de la RD 992.

3. Les nouvelles formes de centralités à l'horizon 2020

La production spatiale récente et en devenir du Petit-Colombes échappe à la conception traditionnelle du "centre", associée à des formes urbaines inscrivant les lieux de pouvoirs (beffroi, mairie), les commerces de quartier résidentiels, et la prédominance d'espaces publics piétonniers. Au contraire, les lieux emblématiques de la vie locale de la cité (médiathèque, bureau de poste) sont relocalisés en rives du boulevard. La voie devient un élément central de la structuration des pratiques du quartier.

Qu'augure la mutation des espaces vécus du quartier à venir: disparition des formes traditionnelles de la centralité ? Création de centralités secondaires spécialisées dans des fonctions distinctes ? Ou bien formation d'un boulevard urbain ? La requalification du tramway et ses nouvelles haltes posent les jalons d'une inscription territoriale nouvelle des TCSP, sur lesquelles les politiques urbaines peuvent s'appuyer pour produire les formes urbaines et les images appropriées.

3.1 La requalification au service de l'intégration du boulevard dans le territoire

De l'évolution de l'image de la voie aux impacts en terme de riveraineté, les effets de la requalification du boulevard Charles de Gaulle par le tramway se répercutent en terme d'amélioration des interfaces entre le boulevard et le quartier, et aussi par l'évolution de la place accordée aux différents modes de transport.

On peut évaluer la capacité des nouvelles interfaces créées par le tramway à intégrer le boulevard dans le quartier au regard des caractéristiques nouvelles qu'apportent le tramway en site propre par rapport aux anciens bus en site propre (améliorations quantitatives mais aussi qualitatives). Plus encore, l'évolution des espaces accordés aux différents types de flux découlant de la structuration par le tramway tendent à favoriser l'émergence de riveraineté: piéton, vélo, deux roues, et la voiture. L'évolution de l'inscription territoriale du mouvement automobile constitue un cas particulièrement décisif sur la future inscription territoriale des mouvements accueillis par le boulevard, ce que la problématique des contre-allées vient soulever.

Après avoir décrit les caractéristiques nouvelles de l'inscription territoriale des trois stations de tramway, cette partie approchera les effets que l'on peut attendre du tramway sur la requalification de la voie dans son ensemble, sur la riveraineté générée par les deux-roues, et par le piéton. L'inscription territoriale de la voiture est également impactée par la requalification, et le maintien de ce mode de déplacement sur la voie requalifiée se traduira par des modalités de la halte différentes.

3.1.1 Les effets du tramway sur les conditions de la halte

Les caractéristiques techniques du tramway, mais aussi son image, participent à une évolution réelle des interfaces du tramway, et du boulevard en lui-même. Cette politique du développement de l'espace vécu le long du boulevard s'articule ici par la regénération de 3 séquences du boulevard en lien avec les interfaces créées ou confortées par les stations de tramway, à la place des 4 stations de bus.

La requalification des carrefours, interfaces entre haltes du tramway et rives du Petit-Colombes

Les trois stations de tramway constituent les haltes autour desquelles s'étendront des aménagements d'interfaces entre voie et rives. Le choix des stations résulte du choix de carrefours et espaces déjà particulièrement fréquentés: au sud, la station "Jacqueline Auriol" se situera au croisement de la rue d'Estienne d'Orves et du boulevard Charles de Gaulle. A proximité du "pôle" tertiaire du boulevard et des zones résidentielles, il est ouvert sur deux types d'espaces. Le carrefour des quatre chemins reste le point nodal de distribution des flux et accueille la station "Victor Basch". Au nord, la station "Parc Lagravère" préfigure la future interconnexion avec l'extension T1 "Saint-Denis-Place de la Boule (à Nanterre)". La suppression des stations "Cimetière de la Cerisaie" et "Buffon", remplacé par "Jacqueline Auriol", fait donc passer de 4 à 3 les points d'accès générés par le TCSP dans sa transformation de bus en tramway le long du boulevard Charles de Gaulle (compensé en terme de capacité de matériel par une capacité plus importante).

La suppression de ce point d'adhérence du tramway aux rives diminuera la riveraineté produite par les

Illustration 37: L'évolution de l'inscription territoriale des transports en commun - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

transports en commun sur la longueur du boulevard sud. Néanmoins, elle contribuera à accroître la centralité de la halte "Victor Basch", correspondante à la centralité des quatres chemins, et à créer une halte inédite au contact du pôle tertiaire "Jacqueline Auriol". Cette halte générera des "frottements" entre les riverains des espaces résidentiels et les travailleurs du pôle d'activités, qui peuvent s'exprimer dans les usages des commerces riverains les plus proches (Mac Donald, fast-food...), ou un peu plus éloignés dans un rayon de quelques minutes de marche à pied (pizzerias, épiceries...). La station "Parc Lagravère" présentera avec l'extension du T1 un caractère intermodal susceptible d'accroître dans une certaine mesure l'inscription territoriale des transports en commun initialement faible en ce lieu. D'un lieu de halte touché par une mauvaise image et des usages minimalistes, le lieu pourrait recevoir des fréquentations plus importantes aptes à entraîner la création de commerces de types superettes ou tabac. Cette nouvelle inscription territoriale de cette station se comprend aussi dans le cadre de la requalification de l'entrée du parc "Lagravère". Reste que la frontière urbaine de l'A 86 et de cet environnement marquée fortement par la voiture demeure répulsif, et que les effets d'une réhabilitation en l'état actuel seraient limités. La proposition d'enterrement de l'autoroute resterait la solution la plus efficace pour donner son sens à la station "Parc Lagravère", mais étant donnée la dimension de cette opération du fait que l'autoroute ait été construite sur un bras mort de la Seine, les coûts techniques d'un tel projet s'avèrent particulièrement importants.

La station "Victor Basch" affirme le caractère central du carrefour des quatres chemins, en compensant la disparition de la station "Buffon" pour une partie des passagers. Située aux abords sud du carrefour des quatres chemins, la station attenante au square Victor Basch mettra plus encore sous tension cet espace moins utilisé que la place Aragon sur l'îlot opposé. La dimension "automobile" du carrefour demeurera forte, malgré la priorité accordée au passage du tramway, et le ralentissement induit.

L'accroissement des fréquentations au service de l'augmentation de l'inscription territoriale du tramway

L'augmentation de fréquentation des transports en commun, attendue d'après les prévisions du l'étude d'impact, participe à donner plus encore d'importance aux trois stations. Il est prévu une augmentation de 20 % du trafic de voyageurs sur l'axe Bezons-La Défense (par rapport aux fréquentations des bus), soit 70 000 utilisateurs par jour. Cette augmentation s'explique par plusieurs raisons : amélioration de la désserte, par un cadencement plus important des transports en commun, et par l'augmentation de la vitesse commerciale. En moyenne et en prenant en compte les carrefours, sur lesquels les tramways sont hautement prioritaires, les études estiment la vitesse commerciale du tramway à 20 kilomètres par heure, soit 15 rames par sens aux heures de pointe, avec une capacité matériel de 210 passagers par élément. En outre, les impacts en termes d'image d'un mode de transport attractif contribuent à l'augmentation des fréquentations.

A terme, les programmes de Z.A.C devraient également apporter de nouveaux usagers du tramway.

Illustration 38: Les haltes du tramway et son inscription territoriale - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

Du régional au local : le boulevard au contact de deux axes de circulations régionaux, deux haltes potentiellement majeures

Les intermodalités "Gare de La Garenne-Colombes/RD 992", et "A 86/RD 992", apparaîssant d'après leurs fréquentations comme structurantes du territoire petit-colombien, pourraient s'inscrire dans un processus d'opération urbaine visant à accroître l'inscription territoriale de ces haltes en devenir.

A terme, l'édification d'un parking à la croisée des tramway T1/T2, de l'A86, et à proximité de la future entrée du parc Lagravère requalifiée, constituerait un pôle d'intermodalité à la rencontre de différents types de mouvements. D'une part en desservant un espace de loisirs (le parc Lagravère), connecté à l'ouest au parc du « Chemin de l'ïle » nanterrien, et plus encore loin jusqu'à Maison-Laffite. Aussi, il bénéficierait dans le cadre d'une revitalisation de la trame commerciale du secteur de pratiques riveraines nouvelles, qui n'effacerait néanmoins pas le relief urbain de l'A 86. Dans le cadre de l'extension du coeur dense de Paris au delà du périphérique, le "grand périphérique" que constitue l'A86 apparaîtra comme un distributeur de flux contribuant à irriguer plus encore les grandes radiales en circulations automobiles. Dès lors, la place à attribuer à des parkings en leur qualité de pôle intermodale s'avère stratégique dans la desserte du réseau de transport de petite couronne.

Le deuxième point d'intermodalité, "Gare de La Garenne-Colombes/RD 992", est d'une importance secondaire mais reste tout de même stratégique. Envisagé un temps en amont du projet, le déplacement de la gare de La Garenne-Colombes dans le cadre de la création d'une station de tramway au niveau du Pont de Charlebourg a été exclu. Dans le cadre de la réhabilitation de la place de Belgique (La Garenne-Colombes) en articulation avec le pôle tertiaire "Champs-Philippe" de Colombes, l'opération pouvait constituer le trait d'union urbain de deux espaces décousus. On peut néanmoins envisager à l'avenir une extension des quais de la gare jusqu'au boulevard, avec l'édification d'un deuxième point d'accès direct au quai depuis le pont de Charlebourg. Dans le défilement pédestre du boulevard, cette station permettrait de rythmer le parcours par un point d'urbanité entre les deux stations de tramway "Belgique-Charlebourg" et "Estienne d'Orves" permettant d'envisager l'implantation d'une trame commerciale.

Illustration 39: La RD 992, du régional au local: deux haltes intermodales stratégiques

Le vélo et les deux-roues à l'origine de nouvelle riveraineté

L'impact du profil nouveau apporté par le tramway sur la voie dans sa longueur résulte pour beaucoup des aménagements paysagers, mais aussi de l'augmentation de la place allouée aux piétons et aux vélos. A leur échelle, ces dispositifs contribuent à une atténuation de "l'effet route" de l'axe, et surtout à de nouveaux usages de la voie.

Illustration 40: Les haltes cyclistes: proposition d'aménagement de parkings cyclistes - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

Sur toute la longueur du boulevard, la largeur des trottoirs est légèrement augmentée (passant de 15 à 17 % de la largeur totale), et des pistes cyclables (d'une largeur de 3 mètres) sont créées sur les portions de voies ne comprenant pas de contre-allées. Au contact d'un front bâti tendant à adopter un profil doté de commerces en rez-de-chaussée, cette configuration accompagne la transformation générale du boulevard. L'implantation ponctuelle de parcs de stationnement pour vélos en des points stratégiques participerait à la création de haltes de types associées-intégrées: les pratiques

spontanées dans les évolutions récentes ont montré que les trottoirs du pôle "Champs Philippe" étaient appropriés par des deux-roues, principalement des motos et scooters. Aussi, le tissu commercial en formation sur les rives sud du boulevard pourrait être articulé avec le mouvement du vélo par des parkings vélos ponctuels de quelques places.

L'effet du nouveau profil sur la riveraineté piétonne

Les effets de l'agrandissement des trottoirs de 3 mètres à 3,50 mètres sont à nuancer. Si l'espace de cheminement du piéton se trouve agrandi, la disparition des contre-allées quand elle est prévue rapprochera les circulations piétonnes et automobiles. Cette proximité avec la voiture n'est pas nécessairement source d'effets négatifs sur la pratique pédestre du boulevard. La pelouse plantée sur les rails du tramway, le ralentissement du débit automobile, et la disparition des barrières de sécurité, contribuent à rendre le boulevard franchissable, même en dehors des passages sécurisés. Toutefois, la chaussée demeure un espace de l'automobile, à l'image du boulevard Jourdan à Paris - emprunté par le T3 en profil axial - pour lequel la requalification en elle-même a porté son maximum d'effets possibles sur la riverainisation. Et si la traversée de la chaussée devient moins dangereuse à l'avenir, elle demeurera toujours un acte long, temporisé par le franchissement de chacune des voies attribuées aux différents modes de transports : une piste cyclable, deux voies automobiles, les 2 voies de tramway, deux autres voies automobiles, et une piste cyclable (ou une contre-allée), afin d'arriver sur le trottoir d'en face. Bien que la requalification de la voie améliore l'image du boulevard et contribue à générer des riverainetés, son effet sur la couture urbaine n'est pas moins certain. De la même manière, si la circulation automobile contribue au succès des Champs Elysées en apportant une mixité des types de circulation, elle produit aussi un effet frontière de sorte que les chalands et les touristes ne pratiquent le plus souvent que le trottoir est de l'avenue, le passage sur l'autre rive étant rendu mentalement difficile par les obstacles à franchir.

De la route au boulevard urbain, la requalification de la voie en lien avec l'évolution générale des rives présente des effets incontestables sur les pratiques riveraines. L'axe n'est plus un élément "routier", il est un élément d'interface entre l'espace des mouvements et les territoires. C'est un espace au long duquel se redéploient des embryons de centralités que posent les stations de tramway, dont la localisation confirme ou anticipe les pratiques des individus, les pôles de développement économiques, et les espaces en difficulté.

3.1.2 L'inscription territoriale nouvelle du mouvement automobile

Un ralentissement et une diminution des circulations automobiles

Le projet d'insertion du tramway va se traduire nécessairement par une augmentation des circulations de deux-roues et des circulations piétonnes. Le profil axial encadré par les deux voies de circulations automobiles seront en effet franchissable, il apparaît donc parmi les enjeux relatifs à l'aménagement de la voie le rééquilibrage de la vitesse des différents modes de circulation. On l'a vu, l'aménagement des rives sur un modèle de "façade urbaine" tend à ralentir la vitesse de l'automobiliste du fait de l'atténuation du caractère routier perçu par le conducteur. Divers outils permettent de développer l'urbanité d'un lieu et d'entrainer le passage d'une route au statut de boulevard urbain, participant au ralentissement de la circulation. "L'effet de paroi", c'est à dire le lien entre la largeur des voies et la vitesse de l'automobile, participe à ce ralentissement de manière contrainte. Elle est mise en oeuvre avec une diminution de 50 centimètres de la largeur des deux fois deux voies. Les aménagements urbains participent aussi à un effet psychologique sur la vitesse: alignements d'arbres latérales, plantation d'herbe sur les voies aux abords et au niveau des stations. Ces nouveaux aménagements urbains se démarquent d'une route dont les barrières de séparation des voies entretenaient un effet autoroute de la voie. En cela, l'objectif inscrit au schéma de principe de " Créer une trame viaire continue et adaptée aux différents flux (automobiles, piétons) » est respecté.

La sécurisation du carrefour des quatre chemins est un des aspects majeurs de la riverainisation du boulevard. Le traitement de la voie du point de vue accidentogène s'inscrit au titre de la requalification. Les carrefours, à l'origine de nombreux accidents, sont donc incorporés dans les réflexions, à travers plusieurs recommandations: « carrefour le plus possible « resserré » avec des traversées piétonnes très proches des carrefours, des temps de traversée assez courts, aucun stockage de véhicules à l'intérieur du carrefour, des « tourne à gauche » gérés généralement « à l'indonésienne », voies de stockage dédiées aux « tourne à gauche », à l'amont du carrefour, voies mixtes « tout droit/tourne à gauche », temps de traversée des piétons permettant, le plus souvent, de s'engager sur l'autre demi-chaussée, avant le passage au rouge, donc d'effectuer la traversée piétonne du boulevard en un temps. ». Important dans le processus de halte, la sécurisation des conditions

de conduite facilite le passage du mouvement à l'arrêt.

Les interfaces entre mouvement automobile et îlot: des haltes rendues difficiles

Le ralentissement de la vitesse de circulation sur la voie sera irrémédiable, par le concours des facteurs énoncés précédemment ("effet paroi"'; passage de la sortie de ville au boulevard urbain; multiplication des espaces de traversée...). Toutefois, si le ralentissement de la circulation constitue une des conditions de la halte, comme le rappellent les travaux de Geneviève Dubois-Taine, elle ne s'articulera ici que de manière mineure avec la création de stations automobiles réguliers.

Si l'étape à venir de la concertation mène à la préservation exceptionnelle de certaines contre-allées, la majorité disparaîtra avec la requalification de la voie. Paradoxalement, elles sont désignées ici comme participant à donner "une image routière de la voie" (Schéma de Principe, 2003). Avec l'évolution des formes urbaines des rives du boulevard vers un modèle de type "disssocié-intégré dédié", parfois en l'absence d'activités commerciales de plain-pied de l'opération (Pôle tertiaire), il apparaît efffectivement l'inutilité de certaines d'entre-elles. Néanmoins, leur aptitude à générer de la riveraineté reste attachée à plusieurs parties du boulevard, elle est même prégnante au carrefour des quatre chemins où la "halte minute" assurée par les contre-allées est importante.

Plusieurs problèmes se posent aux aménageurs pour appréhender la place future du stationnement automobile. La contrainte morphologique du boulevard urbain empêche le développement du modèle mis en évidence par Robert Lang évoqué précédemment (LANG, 2008), consistant à dégager de la place consacrée au stationnement sur les parcelles. De même, le report du stationnement aux abords des diverses rues transversales pose également problème du fait de la saturation des places de stationnement observée. Sur les rives nord du boulevard, l'"étude de circulation et de stationnement" autour de la Z.A.C Marine (ORIENTATIONS, 2005) a mis en évidence que l'importance du phénomène de stationnement illicite était provoqué par la saturation des places de stationnement sur les contre-allées et sur les rues transversales. Sur les rives sud du boulevard, les abords des voies transversales s'avèrera dans le futur incapables d'assurer les haltes du mouvement automobile du boulevard. La densification du bâti explique ce phénomène, mais pas à elle-seule puisque, on l'a vu, les nouveaux programmes de logements intègre des parkings souterrains. La tendance à l'exclusion de la voiture en dehors des parcelles pavillonnaires explique une partie importante de la saturation des places de stationnement.

Le parking de la Z.A.C de la Marine: vers une riveraineté de type dissociée-intégrée sur la partie nord du boulevard

Inscrit au projet en date de novembre 2006, l'édification d'un parking de 500 places au sein du programme de la Z.A.C Marine accompagne le développement d'un modèle de halte de type dissociée-intégrée. La capacité du parking à capter des flux de transit s'avère limitée, eu égard au faible tissu commercial et d'équipements immédiats, ne justifiant pas à elle-seule une offre de 500 places de stationnement. De plus, sa capacité à jouer un rôle intermodal est limitée ; du fait de l'éloignement de l'autoroute d'abord, et aussi du fait de sa situation géographique, après le pont de Bezons, point d'embouteillages importants, avant lequel il aurait été judicieux de construire le parking. Aussi, l'absence de visibilité du parking depuis la voie participe à dissocier plus encore le parking du mouvement automobile, rapprochant cette halte vers un type « dissocié-intégrée-banalisée ».

Conclusion

Le tramway participe de manière réelle à une requalification de la voie en terme de riveraineté, ceci en lien avec l'évolution des formes urbaines qui l'entoure. L'évolution du boulevard et de ses rives tend ainsi à effacer encore les "traumatismes urbains" résultant de son histoire tourmentée, en réconciliant la fabrique des formes urbaines avec celle de la voie.

Les effets de la requalification de la voie apportés par le tramway et ses stations participent à l'émergence de nouvelles formes de centralité au contact de la voie et de ses rives:

- C'est d'abord le boulevard dans son ensemble qui est réhabilité, provoquant le développement de "riverainetés linéaires", par un aménagement paysager atténuant le caractère routier de la voie, et développant des pratiques pédestres linéaires le long de la voie rythmées par de nouvelles possibilités de haltes cyclistes. Il apparaît toutefois qu'avec la suppression partielle des contre-allées et la construction d'un parking sur la Z.A.C Marine peu intégré à l'ensemble du territoire, les haltes "de transit" pourraient apparaître plus difficiles.

- Les stations de tramway anticipent également la formation de centralités "secondaires", à leurs alentours. Le choix de la localisation des trois stations de tramway répond aux mutations déjà amorcées en amont (formation d'un pôle tertiaire au sud), aux pratiques de l'espace prééxistantes (carrefour des quatre chemins), et aux évolutions attendues (pôle intermodale T1/T2/A 86 au nord au contact d'un espace de loisirs, le parc André Lagravère ).

La combinaison de cette "linéarité" du boulevard en devenir (dont on a identifié les limites précédemment) et des 3 centralités secondaires, vont dans le sens de la formation d'un "boulevard urbain". Les problèmes relatifs au stationnement automobile ne sont pas complètement réglés, et ce particulièrement dans la partie sud du boulevard. L'adoption de dispositifs "dissociés-dédiés" ou "dissociés-banalisés" ne tendra que dans une faible mesure à générer de la riveraineté sur le boulevard.

Au delà du seul traitement de la voie et des différents types de mouvements qu'elle accueille, il convient d'évaluer comment les formes urbaines du boulevard semblent évoluer en lien avec la voie.

3.2 Les limites de la trame commerciale à « faire ville », ou les freins au modèle de boulevard urbain commercial

Les conditions du mouvement et de ses arrêts sur le boulevard Charles de Gaulle ont permis de dessiner les nouvelles structures de la halte. L'analyse de l'évolution fonctionnelle des rives du boulevard en lien avec la voie apparaît aussi décisive pour appréhender la capacité future de la voie à « faire centre ».

Quel type de fonction va prédominer sur l'axe ? Va-t-on s'approcher du modèle de « boulevard urbain commercial », espace structuré par une offre commerciale diverse, apprécié par des chalands déambulant sur l'ensemble du boulevard. Ou bien cette évolution apparaît-elle en faite incertaine, donnant lieu à des espaces où la riveraineté resterait concentrée en des lieux précis ?

3.2.1 Un boulevard urbain à revitaliser

Aux centralités commerciales préexistantes (carrefour des quatre chemins) s'ajoutent d'autres espaces mis sous tension par des nouveaux types de commerces.

Le carrefour des quatre chemins, centralité commerciale structurée par le commerce ethnique

L'implantation de la station de tramway confirme la centralité du lieu, pôle de chalandise à dimension intercommunale. Néanmoins, la troisième phase de rénovation du boulevard ne concerne pour un premier pas les « quatre chemins ». Seul un étroit contact entre le carrefour des quatre chemins et le futur programme de la Marine, au nord du carrefour, inscrit la requalification du carrefour dans une démarche plus large de renouvellement urbain. On a vu précédemment que l'impact du parking de la Marine sur la fréquentation des commerces des quatre chemins était faible. Il apparaît toutefois que les nouveaux programmes (Marine, Lagravère Mancel) tendent à prolonger le carrefour dans une continuité commerciale et en équipements, grâce à la relocalisation du bureau de poste (opération « Lagravère Mancel »), à la relocalisation de la médiathèque (« Z.A.C Marine »), mais aussi avec la création d'une nouvelle école en coeur de l'îlot Marine (« Marcelin Berthelot »).

La rénovation des rives du carrefour des quatre chemins dans un horizon de 10 ans apparaît assez probable. Inscrite au programme électoral de la liste majoritaire au scrutin municipal de mars 2008 ("gauche rassemblée": PS, PCF, Les Verts, PRG, MDC), la "restructuration de la Place Aragon" s'appuiera sur le potentiel nouveau offert par la station de tramway "Victor Basch", qui servira de desserte à une partie des passagers qui descendaient alors à l'ancienne station de bus "Buffon". La préexistence d'un tissu commercial détermine aussi fortement la fonction future du lieu.

L'aménagement de la place peut s'appuyer ici sur deux bases: la mise en valeur des offres commerciales du carrefour à travers des aménagements de remodelage et de réhabilitation. En effet, la faible lisibilité et l'intélligibilité actuelle du carrefour des quatre chemins ne permettent actuellement pas d'identifier l'offre commerciale. Ensuite, la requalification des itinéraires pédestres entre les espaces publics (Place Aragon, Square Victor Basch) et les rives du boulevard vers le nord et vers le sud, apparaissent comme primordiale pour le projet de boulevard urbain. A ce titre, le trottoir situé sur le long de la façade du centre commercial au contact du boulevard pourrait être densifié par des mobiliers urbains ou des petits commerces, visant à atténuer la banalité du trajet infligé au piéton qui emprunte ce long passage.

Ces aménagements doivent également permettre de structurer les pratiques "d'agora" qui sont faites de la place Aragon et de l'îlot "Victor Basch" exposé au boulevard. Lieu de halte pédestre et de rencontres amicales, la survie de ces pratiques tient pour beaucoup au caractère circulatoire du carrefour et de ces espaces publics, qui offrent à l'observateur le théatre des chalands et des travailleurs pressés. Plutôt que de "fixer" le mouvement par des mobiliers urbains contraignants et rigides (bancs), le territoire pédestre du carrefour doit être au contraire aménagé par des formes urbaines laissant la place à des haltes "souples", spontanées et courtes: rebords, adossoirs... De même, les aménagements paysagers ne doivent pas être réalisés par des « blocs » de paysages trop rigides. Aménagée dans la passé avec une dominante minérale, le carrefour mériterait un traitement végétalisé. En réponse à un commerce à caractère exotique important, comme l'avait mis en évidence la typologie établie à partir de la classification de Guillon et de Taboada Leonetti, une composition paysagère par touche de végétations de type méditerranéenne pourrait agrémenter la place Aragon et la partie de la rue Gabriel Péri ouest en entrée du Petit-Nanterre. L'utilisation de graminées plantées de manière ponctuelle, « par touches », pourrait participer à constituer une ambiance chaude.

Illustration 41: Exemples de graminés

Le parking de la galerie commerciale Leclerc constitue le principal point de halte automobile du quartier. Néanmoins, étant étroitement lié à la seule pratique de la galerie, les chalands automobilistes ne sortent pas à pied du Leclerc. Le manque d'attractivité des espaces n'est pas seulement lié à la mauvaise image des espaces publics, associée à une automobilité perçue négativement (que la requalification du carrefour contribuera à gommer, on le verra dans un troisième temps), mais elle peut aussi être saisie du fait de la monofonctionnalité des types de commerces du carrefour. La diversification des commerces de la galerie commerciale, associée à l'ouverture d'enseignes comme « H&M », mériterait de s'étendre au-delà de la galerie ; par l'accueil d'autres enseignes afin de diversifier l'offre commerciale, et de manière saisonnière avec des évènements occupant la place Aragon comme un marché de Noël.

Le sud, un potentiel de nouveaux types de commerces

Illustration 42: Une trame commerciale génératrice de centralité

Cette partie du boulevard subit initialement le plus les impacts négatifs de l'automobilité (invasion des contre-allées par les voitures, activités commerciales de biens volumineux...). L'implantation de la station « Jacqueline Auriol », au croisement de la rue d'Estienne d'Orves et du boulevard Charles de Gaulle, renforcera les pratiques pédestres de cet espace. En lien avec cette requalification de la voie, le renouvellement de la trame commerciale identifiée précédemment devrait donner lieu à des activités plus attachées aux caractères tertiaires et résidentiels du lieu : librairie, papeterie, pub... De plus, la prévision de la construction d'un équipement public au périmètre d'étude de la frange sud-est, en lien avec une éventuelle sauvegarde des éléments faisant la qualité paysagère du quartier (coeurs d'îlots, éléments pavillonnaires remarquables), tendra à accroître les pratiques résidentielles du lieu, associé à des déplacements pédestres. Il reste que la diversification du tissu commercial n'est pas certaine, notamment sur le front urbain. L'implantation d'un magasin de vente-réparation de moto « Yamaha », sur le premier immeuble de logement construit sur la Z.A.C Charles de Gaulle (Avenue Aubenne), témoigne de la prégnance d'activités ne participant pas à la création de riveraineté. De plus, la zone d'ombre concernant l'aménagement d'espaces publics sur les rives sud du boulevard s'accorde mal avec la mise en valeur des circulations pédestres et cyclistes prévue à travers la requalification de la voie. Outre une mise en valeur du square Colbert envisagée avec la requalification d'un passage piéton en coeur d'îlot, il n'existe à ce jour pas de projet concernant les périmètres de coeurs d'îlots verts.

Le nord, un espace rigide à remettre sous tension

Marqué par un déficit important de commerces, la trame de commerces résidentiels du programme du rond-point se limite à un seul point de vente de « pain chaud », ainsi qu'à une auto école. Les rez-de-chaussées occupés par des logements sont de fait difficilement reconvertibles vers une destination commerciale. Pourtant, l'interconnexion T1/T2 augmentera la fréquentation de ce lieu, qui sera susceptible de générer une demande accrue de commerces.

Le problème de l'articulation entre les commerces et la halte automobile

Outre les dispositifs de haltes de type « dissociées-intégrés-dédiés », étendues à toutes les opérations récentes (logements et bureaux) et concernant en premier lieu les salariés et les riverains du quartier, le traitement des haltes de transit reste peu traité, pénalisant l'éventuelle attractivité des commerces pouvant se constituer sur les rives sud. Aussi, le maintien de petits espaces de stationnements de 6 à 8 places à intervalles réguliers donnerait la possibilité de faire halte avec sa voiture. La conservation et la requalification des contre-allées est ainsi à nouveau recommandée, pour vitaliser la trame commerciale à venir. Au cas contraire, le risque encouru est d'étendre à la rive est le type d'espace qui s'est formé sur les deux Z.A.C Champs Philippe, un territoire où la métrique automobile l'emporte sur les autres.

3.2.2 Un boulevard urbain discontinu

Alors que le renouvellement urbain des espaces autour des futures stations de tramway présente une opportunité de produire de la riveraineté, l'évolution des espaces compris entre les stations n'évolue pas systématiquement vers la constitution d'un tissu commercial continu.

Les activités anciennes et nouvelles implantées sur la rive sud-ouest se caractérisent ainsi pour beaucoup par une faible production de riveraineté. L'hôtel « Courtryad - Mariott » utilise les trottoirs et la contre-allée attenante à l'entrée de l'hôtel pour effectuer les transits de personnes, générant peu de relations avec le reste du quartier. Ce lieu s'apparente ainsi plus à un espace de passage furtif, ne donnant pas à voir ce qui s'y passe à l'intérieur - les rideaux protégeant l'intimité des usagers de l'hôtel - mais constituant une rupture perçue négativement dans la continuité du trajet du chaland.

Les effets de l'opération « Marine » sur les caractéristiques de la trame commerciale sont aussi peu sûrs.

Illustration 43: Une trame commerciale discontinue - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

Compte tenu du nombre de logements estimés par la programmation (400 à 500 logements, soit 1 200 à 1 500 habitants), la constitution d'une offre de commerces du quotidien n'apparaîtrait pas rentable pour les entrepreneurs. La programmation d'un front urbain à priori constitué de bureaux participerait aussi à atténuer le projet de liaisons pédestres inter-stations mises sous tensions par une trame commerciale et d'équipements.

L'observation du schéma global de l'évolution des espaces mis sous tension par les seuls commerces montre que la partie nord restera encore à l'écart de l'ensemble, les orientations prises pour l'édification du programme de la Marine étant peu engagée vers le commerce. La partie sud est un peu mieux intégrée à la trame commerciale, même si des espaces subiront encore les effets négatifs de l'automobilité de l'axe.

3.3 Images - Chercher du symbole au boulevard entre patrimoine et modernité

Les inerties propres au territoire du Petit-Colombes s'inscrivent à travers les pratiques d'une population, ainsi que les éléments de son patrimoine. On a vu précédemment l'histoire dans laquelle s'inscrit ce quartier: son passé industriel; sa population caractérisée par une importante part d'originaires du Maghreb; mais aussi plus récemment, le tournant tertiaire dans lequel il s'inscrit. Les années 1980 sont marquées par la désindustrialisation, ouvrant la porte à une tertiarisation à la fin des années 1990 et à la recherche d'une image de prestige associé à la CBD de La Défense. La place de cette modernité dans le Petit-Colombes est aujourd'hui ambigüe, car si elle est affichée par l'acteur municipal (2001-2008) comme l'élément symbolique du boulevard, elle se concentre en faites seulement en entrée de ville sud, ne constituant pas le trait d'union symbolique de l'ensemble.

Dans le contexte du boulevard urbain en formation, séquencé par les haltes du tramway à l'origine de trois centralités, il est ici proposé d'approcher le devenir du boulevard dans le cadre d'une approche mêlant patrimoine et modernité.

3.3.1 L'image positive du boulevard urbain

L'atténuation de l'image routière du boulevard, en lien avec l'implantation axiale du tramway, les aménagements paysagers, et la constitution de façades « urbaines », participent à rendre une image positive de Ville, en opposition à l'atomisation urbaine et à l'inesthétisme de la sortie de ville, à l'adresse des riverains mais aussi des personnes de passage sur la voie.

Les façades urbaines continues

Les études pré-opérationnelles réalisées par les cabinets "Lamy" et "Avant-Projet" dessinent la silhouette des futurs gabarits des façades construites, plus particulièrement celle de la façade sud-est dont le p

Illustration 44: Les formes urbaines à l'horizon 2020

arcellaire est encore caractérisé par des petites tailles. A moyen terme, le "front bâti" de la frange sud est rejoindra les mêmes ordres de grandeur que la frange sud-ouest: une largeur exposée au boulevard de grande taille, une hauteur comprise entre R+5 et R+7, et un style architectural "moderne".

Illustration 45: Profil du boulevard Charles de Gaulle à l'horizon 2020 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

Partant du diagnostic de l'image généralement mauvaise donnée par les petites parcelles individuelles, le nouveau front soignera la qualité visuelle de l'entrée de ville du sud du boulevard. Il participera également à l'image générale du "boulevard urbain": un espace densément bâti annonciateur de ville, d'urbanité et de modernité. Ces derniers objectifs se justifient du fait de l'échelle régionale de l'aménagement de cet axe radial de la CBD de La Défense, et de la recherche d'une certaine imagéabilité de cet axe, saisie par les mouvements de l'automobile et du tramway.

L'effet des aménagements paysagers sur l'image du boulevard perçue par les piétons

Illustration 46: Perspective de l'aménagement paysager du boulevard - Source: Atelier d'Architectes Bruno Demetier (A.A.B.D)

L'agrandissement des trottoirs de 50 centimètres participera à la requalification de l'espace de cheminement piétonnier. L'aménagement paysager composé de deux fois deux rangées d'arbres latérales, ainsi que de graminées de basses hauteurs, atténuera la minéralité qui impactait négativement sur l'image du boulevard. De même, la plantation d'herbe sur une grande partie de la voie du tramway participe à la constitution d'une image "verte". Toutefois, l'option prise de faire disparaître la plupart du temps les contre-allées a pour effet d'accroître la proximité entre l'espace du piéton et l'espace de l'automobile, malgré la présence de piste cyclable et des rangées d'arbres. La continuité végétale sur l'ensemble du boulevard participe à l'intégration de cet espace dans les itinéraires piétonniers des riverains et des chalands.

3.3.2 La mémoire industrielle comme symbole du Petit-Colombes nord

L'image "urbaine" ne constitue pas à elle-seule la condition du boulevard urbain telle que la décrivait Geneviève Dubois-Taine. L'image symbolique donnée à voir par le boulevard doit apporter un symbole qui lui donne son sens: topographie en pente, monument, fleuve. En l'absence de lien géographique direct avec La Défense, ou encore de perspective visuelle, cette image symbolique reste encore floue. La patrimonialisation industrielle comme support du projet urbain, ou l'ouverture de perspective, peut contribuer à cet objectif.

Des tangentielles pour mettre en scène le patrimoine du boulevard Charles de Gaulle

L'abandon du projet de rénovation de la Z.A.C Marine en 2002, itinitialement prévu dans le cadre d'un îlot structuré par le musée des transports, entraîne quelques mois plus tard la programmation de la déconstruction du bâtiment. Cependant, la conservation de certains éléments de qualité patrimoniale de l'ensemble pourrait apporter au programme une dimension symbolique au même titre que la soufflerie du quartier des Bruyères à Bois-Colombes. Les dernièrs grands principes d'aménagement de cet espace prévu dans le cadre de la Z.A.C, suite au rappel à l'ordre de l'Etat obligeant la mairie à revoir le projet, répondent à une des remarques formulées dans le diagnostic urbain du territoire du schéma de principe, en créant une ouverture visuelle le long de la voie. La mise en scène d'un vocabulaire industriel dans la tangentielle donnerait à voir le passé industriel associé au boulevard (dont l'industrie aéronautique), consécutive à la recherche de la dimension "symbolique" attachée au boulevard sur cette séquence.

Un "vocabulaire" attaché à la mémoire du lieu

Le terme de "vocabulaire" désigne ici les matériaux, couleurs, ambiances et trames composant un

Illustration 47: Tangentielle verte de la Z.A.C Marine - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

paysage. Dans le cadre d'une mise en valeur du boulevard par l'intermédiaire de la mémoire associée aux bâtiments de la Marine, on identifie plusieurs fragments patrimoniaux susceptibles de donner un sens à la séquence nord du boulevard. La partie du bâtiment de la Z.A.C Marine accueillant la collection de bus et de tramways présente une qualité architecturale dont certains fragments pourraient être intégrés au futur projet, voir même sur le nord du boulevard jusqu'au parc Lagravère, à l'image des mises en valeur patrimoniales réalisées au parc du chemin de l'Ile à Nanterre. L'architecture, d'abord, par l'usage de briques rouges et de béton, caractéristiques des bâtiments industriels de l'entre deux-guerres. La toiture aux formes triangulaires, appelée "sheds" apparaît également comme un symbole identitaire fort associé au lieu par les riverains. Un élément architectural atypique reste également du bâtiment, un mur de poussée d'environ 10 mètres sur 7 mètres, destiné à encaisser les pressions de poussée des avions lors de la phase de test. A l'image de la soufflerie intégrée à la construction de l'école des Bruyères à Bois-Colombes, le mur de poussée pourrait s'intégrer à une partie de la Z.A.C comme signal patrimonial.

3.3.3 Donner du sens et mettre en scène la modernité

La lisibilité et l'intélligibilité du territoire sont essentielles dans le sens où elles permettent de s'orienter, de comprendre la ville, et surtout d'inscrire les centralités dans l'espace. Différents modes d'opérations sont utilisés dans l'aménagement de l'espace afin de requalifier l'image d'un quartier; si l'édification de nouveaux ensembles urbains peut créer de nouveaux points de repères liés à une certaine image (comme la tour de bureaux programmée sur la Z.A.C Champs Philippe 1), l'incarnation de l'image d''une modernité peut se réaliser grâce au renouvellement de l'urbain existant, par la création de persectives visuelles avec les grands éléments visuels de la région (skyline de La Défense, tours isolées).

Illustration 48: Projet de tour du cabinet 3AM - Promoteur: groupe HRO

La quête d'une place face à La Défense

L'édification d'une tour d'une trentaine d'étages environ (Immeuble de Grande Hauteur) sur la Z.A.C Champs Philippe 1, escomptée par la modification du P.A.Z, augure l'affirmation du pôle comme un marqueur paysager et symbolique majeur du boulevard et de la ville. Le champ lexical employé dans le rapport de présentation du P.A.Z décrit l'ouvrage en des termes rappelant les repères traditionnellement associés au centre historique européen: cathédrales, signal... L'effet de l'image d'une telle forme urbaine sur l'attractivité économique n'est néanmoins pas sûre. La tour de bureaux Pleyel construite à Saint-Denis entre 1969 et 1973 a montré les limites de telles formes urbaines en

Illustration 49: Percée de rue en coeur d'îlot Côtes d'Auty - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

n'étant encore aujourd'hui toujours pas occupée totalement, rappelant que les incertitudes liées à la conjoncture économique tendent à placer le projet de tour dans une logique spéculative, dans un contexte de ressac du marché foncier.

Ouvrir des perspectives en remodelant l'existant

La pratique du remodelage et des percées à partir d'un bâti existant est utilisée par plusieurs architectes-urbanistes. Initiateur de Banlieue 89, l'architecte-urbaniste Roland Castro a mis en oeuvre la pratique du remodelage sur plusieurs grands ensembles comme le quai de Rohan à Lorient, ou la cité de La Caravelle à Villeneuve-la-Garenne. Il désigne ce mode d'opération urbaine comme la réponse au "besoin de s'affranchir d'une image négative dans la perspective d'une émancipation identitaire". L'image est au coeur du projet. La mise en oeuvre du remodelage passe ici par la réalisation de percées sur le bâti, désignées par un vocabulaire quasi-chirurgicale: "opérations", "greffes", améliorer la "circulation", la "fluidité". La pratique du "remodelage" se décline également avec des mises en oeuvre ne cherchant plus à découper des percées, mais à rajouter des éléments constitutifs à un ensemble existant. C'est le cas de la tour "Bois-le-Prêtre" située Porte Pouchet dans le 17ème arrondissement de Paris, remodelée dans le cadre de la collaboration de 6 cabinets d'achitectures. Le vis-à-vis au périphérique, en plus de la problématique du logement ici présente, constitue une des principales raison d'être de cette architecture de l'image, qui se donne à voir au défilé mouvant des véhicules roulant à diverses allures.

Vis à vis paysager et symbolique avec La Défense

L'absence de lien visuel avec le quartier de La Défense est un des éléments lacunaires de l'intélligibilité du boulevard dans sa région, pour un axe qui s'est pourtant donné pour nom "Les Portes de La Défense". Au carrefour des quatres chemins, le projet des architectes Dugas-Van Bellinghem-Viard-Bodenet, qui présente un léger décalage d'orientation par rapport à la voie en retrouvant l'orientation historique du parcellaire du Petit-Colombes, est en faite orienté (volontairement ou pas) dans la direction parfaite de la skyline centrale de La Défense. Néanmoins, il s'agit d'une perspective fermée puisque l'axe visuel saisi depuis la place Aragon se termine sur la façade du programme de logements Victor Basch. Les mises en oeuvre de percées ou de remodelages ont montré que la concertation et le portage des projets par les élus

Illustration 50: Perspective visuelle Aragon-La Défense - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

locaux étaient primordiaux, afin que l'opération ne produise pas de traumatismes urbains et humains, c'est ce qui ressort notamment de l'expérience villénogarénoise du remodelage de La Caravelle (CURIEN, R., LAIGNEL, A., SKRZYPEC, A.. 2007).

Créer de nouvelles rues, remodeler l'architecture des grands ensembles

Plusieurs lieux apparaîssent comme stratégique en matière de remodelage urbain: l'entrée de ville nord du boulevard Charles de Gaulle au contact de la A 86, le carrefour des quatre chemins, le rond-point du Petit Colombes. La création de rues nouvelles, le remodelage des façades des immeubles ou encore la mise en valeur de parcs et des perspectives par des percées constitueraient les modalités des opérations. Le quartier du rond-point du Petit Colombes présente une trame viaire se prêtant à être « recousue » : les coeurs d'îlots sont caractérisés par un enclavement physique (murs séparant le coeur d'îlot du boulevard Charles de Gaulle), et l'intégration de la voiture se fait par des « fins de rues », voies sans issues limitant les circulations aux seules trajectoires résidentielles. On peut ainsi envisager le tracé d'une rue depuis le boulevard Charles de Gaulle jusqu'à la rue Colbert, permettant de désenclaver le coeur d'îlot « Côtes d'Auty ».

Un traitement architectural des tours de la cité des Canibouts pourrait également permettre d'offrir une meilleure image au carrefour des quatre chemins. L'usage de nouveaux matériaux pour affiner le sommet des tours, ou la reconstitution de nouvelles façades, à l'image du projet de la tour Bois-le-Prêtre, participerait à cette réhabilitation d'image.

Conclusion

L'explication de l'évolution des centralités en petite couronne grâce à l'approche en terme d'inscription territoriale des mouvements et des formes de riveraineté s'avère éclairante dans le cas du boulevard Charles de Gaulle (RD 992), voie radiale d'importance de l'agglomération parisienne et de La Défense. Territoire de rejet d'activités industrielles caractérisé par un urbanisme de bloc et de rives pavillonnaires étendues, le Petit-Colombes s'est construit au long du 20ème siècle dans un face à face opposant acteurs de l'aménagement étatiques et communaux.

30 ans après l'aménagement du profil actuel du boulevard, la requalification de la voie annoncée par l'arrivée du tramway enclenche une rénovation de ses rives, au coeur de laquelle s'impose l'image d'une certaine modernité incarnée par la CBD de La Défense. Le passage d'une situation de sortie de ville (années 1980) à celui d'un « boulevard urbain » (années 2020 ?) se réalise selon trois dimensions - la riveraineté, l'image, et les fonctions - au premier plan de laquelle la riveraineté, et la capacité du quartier à « faire halte », apparait comme un des facteurs majeur de la renaissance en terme de centralité du Petit-Colombes. Cette définition de la centralité au Petit-Colombes permet d'établir un certain nombre de constats quant à l'évolution présente et future du quartier.

Les évolutions récentes des formes urbaines du boulevard et de ses rives dessinent 3 grandes séquences correspondantes aux futures haltes du tramway, autour desquelles s'affirment des formes plus ou moins concrètes de centralités: la centralité « Rond-point », marquée par l'image de sortie de ville « finie » par l'autoroute, dont l'intermodalité T1-T2 prévue pourrait reconstituer une trame commerciale aujourd'hui pauvre. La centralité « sud » affiche une image « moderne », mais reste ségrégée de la ville et du boulevard par une intégration de la voiture dissociée de la voie, de sorte que l'espace vécu des cols-blancs de ce secteur ne franchisse pas la rive est du boulevard. Troisième centralité structurée par le tramway, le carrefour des quatre chemins, entre-deux des territoires du Petit-Colombes et du Petit-Nanterre dont la centralité commerciale demeure encore, malgré la reconstitution des équipements publics sur les rives nord du boulevard.

Il ressort des évolutions récentes qu'aucun de ces espaces ne s'affirme en lui-même à travers les trois conditions de la centralité définies. C'est ce qui justifie l'enjeu de la couture de ces trois espaces dans un dessein de « boulevard urbain ». Le projet de « boulevard urbain commercial » revendiqué par le pouvoir politique à travers l'expression de « Champs Elysées de Colombes », se heurte à des limites, puisque la fonction résidentielle du quartier s'est en certains lieux intensifiée, et que le renouvellement des types de commerces reste modéré. Si l'évolution du boulevard tend à constituer un espace vécu mis sous tension autour de l'ensemble du boulevard, le choix de l'essor d'un pôle hôtelier (ZAC Charles de Gaulle et ZAC Marine), ou d'une certaine intégration de la voiture dissociée de la voie, limite la possibilité de riveraineté.

L'idée générale que l'on pourrait retenir à l'issue de l'analyse de l'évolution des espaces vécus du Petit-Colombes est que la requalification de la voie par le tramway ne suffit pas à elle-seule à revitaliser les pratiques d'un lieu. Assurer les modalités de la halte automobile selon une configuration propice à générer de la riveraineté est tout aussi important, car si la circulation automobile diminuera manifestement sur la RD 992, elle restera encore un vecteur majeur d'urbanité à prendre en considération. Enfin, on retiendra l'idée que l'empreinte sociologique inhérente au territoire doit être prise en compte dans le projet, afin que la 3ème phase de rénovation du boulevard ne créée pas un nouveau traumatisme urbain. L'urbanisme « vernaculaire » apparaît dans cette perspective comme essentiel dans la mise sous tension des espaces centraux à l'image du carrefour des quatre chemins, ce que les logiques financières appliquées jusque là n'avaient réussies à faire que faiblement avec le développement hôtelier du boulevard.

Illustration 51: L'évolution des centralités du Petit-Colombes: vers un espace vécu structuré par la voie - Conception et réalisation: Alexandre Laignel

Illustration 52: L'évolution des centralités du Petit-Colombes: vers un espace vécu structuré par la voie (Partie 2)

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MOS. IAURIF, 1982, 1984, 1987, 1990, 1994, 1999, 2003.

Plan d'occupation des sols de la ville de Colombes. 2003.

Sources des données statistiques

Recensement INSEE à l'échelle de l'IRIS (Îlots Regroupés selon des Indicateurs Statistiques). 1990, 1999.

Direction générale des Impôts à l'échelle de la section cadastrale, base FILOCOM. 2001, 2003.

Parc Privé Potentiellement Indigne. Agence Nationale de l'Habitat. 2003

Trame commerciale des rives du boulevard Charles de Gaulle. Relevés de terrain personnels, 2008.

Sources photographiques

Clichés personnels (2007, 2008)

Sites Internet

Site Internet de l'association des riverains de la frange sud-est du boulevard Charles de Gaulle « Les petits toits ». Consulté en juin 2008

http://pageperso.aol.fr/lespetitstoits/

Site Internet de l'entreprise Oracle. Consulté en juin 2008.

http://www.oracle.com/

Site Internet du programme « Perspective Défense ». Consulté en juin 2008.

http://www.perspective-defense.com/

Tables des illustrations

Index des illustrationsIllustration 1: La RD 992 dans la boucle nord des Hauts-de-Seine - Conception et réalisation:Alexandre Laignel 7

Illustration 2: La RD 992 à Colombes - Conception et réalisation:Alexandre Laignel 8

Illustration 3: Illustration 1: Les rives de la RN 192 en 1905 - Source: Mairie de Colombes, 1994 10

Illustration 4: Les personnes de nationalité étrangère à Colombes en 1999 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 13

Illustration 5: Les îlots issus du remembrement du parcellaire agricole des rives sud-est du boulevard Charles de Gaulle au 20ème siècle 14

Illustration 6: Les îlots issus du remembrement du parcellaire agricole des rives sud-ouest du boulevard Charles de Gaulle au 20ème siècle 15

Illustration 7: Les espaces publics de la cité des Grèves: une conception minimaliste - Source: CNV 1958 17

Illustration 8: Les îlots issus du remembrement du parcellaire agricole des rives nord du boulevard Charles de Gaulle au 20ème siècle 18

Illustration 9: Le boulevard du Havres dans les années 1930; le tramway est aménagé selon un profil latéral - Source: Archives départementales des Hauts-de-Seine 21

Illustration 10: Le boulevard Charles de Gaulle dans les années 1970. L'essor de l'automobilité a entrainé la suppression du tramway et des rangées d'arbres - Source: Ville de Colombes 21

Illustration 11: L'évolution de l'espace public entre 1960 et 2003 22

Illustration 12: Source: CNV (1958), Schéma de principe de l'extension du T2 La Défense-Bezons (2003) Réalisation: Emiline Cocquyt 23

Illustration 13: Trame commerciale du carrefour des quatre chemins 28

Illustration 14: Plan extrait de la plaquette de présentation de la 2ème phase de l'aménagement du boulevard Charles de Gaulle - Source: Ville de Colombes, 1980 29

Illustration 15: Les stations du bus et son inscription territoriale - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 32

Illustration 16: Le futur profil du tramway à l'horizon 2012 - Source: RATP, Schéma de principe (2003) 34

Illustration 17: Projet d'aménagement fonctionnaliste du carrefour des quatre chemins proposé par le cabinet J.Robert et P.Raymond 36

Illustration 18: Relations entre maillage et urbanité - Boarnet et Crane cités par Antoine Bres (Bres, 2003) 40

Illustration 19: Relations entre type de circulation et formes urbaines - Source: Lang, 2008 41

Illustration 20: L'adhérence du mouvements en fonction des différents types de voie - Source: Bres, 2005 43

Illustration 21: Les 4 principaux types de haltes - Source: Bres, 2005 47

Illustration 22: Des programmes de logements récents en façade du boulevard où la place de la voiture n'a pas été pensée - Source personnelle (2008) 52

Illustration 23: Le carrefour des quatre chemins: un espace perçu négativement 54

Illustration 24: Privatisation tolérée des contre-allées pour des usages commerciaux (2008) - Source personnelle 56

Illustration 25: Distribution des commerces en fonction de leur lien avec la voiture - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 57

Illustration 26: L'association de l'image du quartier à celle de La Défense, la recherche d'une image de la "global city" - Source: Plan d'accès au site du siège social d'Oracle à Colombes - Site Internet d'Oracle (Juin 2008) 60

Illustration 27: La restructuration des parcelles en façade du boulevard Charles de Gaulle entre 1964 et 2006 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 62

Illustration 28: Le patrimoine bâti, support d'une nouvelle image donnée à voir au boulevard - Source: Enquête publique préalable à une D.U.P entraînant la modification du P.O.S (décembre 2006) 63

Illustration 29: Intégration visuelle d'un fast food - Photographie personnelle (2008) 66

Illustration 30: Intégration visuelle d'un fast food - Photographie personnelle (2008) 66

Illustration 31: Le parc privé potentiellement indigne des logements des rives du boulevard Charles de Gaulle en 2003 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 67

Illustration 32: Intégration visuelle d'une forme pavillonnaire à l'intérieur des rives sud-est de la RD 992 - Photographie personnelle (2008) 69

Illustration 33: Intégration visuelle d'une forme pavillonnaire à l'intérieur des rives sud-est de la RD 992 - Photographie personnelle (2008) 69

Illustration 34: Passage public en coeur d'îlot: un vis-à-vis onirique entre public et privé 70

Illustration 35: L'évolution du mode d'occupation des sols en faveur du tertiaire et d'une densité résidentielle plus importante - Sources: IAURIF, 1982, 2003 75

Illustration 36: La relocalisation longitudinale des activités de type "résidentielle" - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 79

Illustration 37: L'évolution de l'inscription territoriale des transports en commun - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 84

Illustration 38: Les haltes du tramway et son inscription territoriale - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 86

Illustration 39: La RD 992, du régional au local: deux haltes intermodales stratégiques 88

Illustration 40: Les haltes cyclistes: proposition d'aménagement de parkings cyclistes - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 89

Illustration 41: Exemples de graminés 97

Illustration 42: Une trame commerciale génératrice de centralité 98

Illustration 43: Une trame commerciale discontinue - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 100

Illustration 44: Les formes urbaines à l'horizon 2020 102

Illustration 45: Profil du boulevard Charles de Gaulle à l'horizon 2020 - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 103

Illustration 46: Perspective de l'aménagement paysager du boulevard - Source: Atelier d'Architectes Bruno Demetier (A.A.B.D) 104

Illustration 47: Tangentielle verte de la Z.A.C Marine - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 106

Illustration 48: Projet de tour du cabinet 3AM - Promoteur: groupe HRO 108

Illustration 49: Percée de rue en coeur d'îlot Côtes d'Auty - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 109

Illustration 50: Perspective visuelle Aragon-La Défense - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 111

Illustration 51: L'évolution des centralités du Petit-Colombes: vers un espace vécu structuré par la voie - Conception et réalisation: Alexandre Laignel 115

Illustration 52: L'évolution des centralités du Petit-Colombes: vers un espace vécu structuré par la voie (Partie 2) 116

Tables des matières

Introduction 5

Contexte géographique 7

1. Une entrée de ville aux centralités éteintes 9

1.1 Le «Petit-Colombes», un territoire en quête de sens 9

1.1.1 Le «Petit-Colombes» une identité propre 9

Un quartier excentré des centres historiques 9

Une identité industrielle 11

1.1.2 Du pavillonnaire «loi Loucheur» aux projets d'aménagements d'ensembles: un processus d'hétérogénéïsation fonctionnelle du territoire 14

Les formes urbaines du Petit-Colombes sud 14

Les formes urbaines du Petit-Colombes nord, un quartier résidentiel 16

1.2 L'insertion d'un grand axe de circulation: du national au local 19

1.2.1 L'élargissement de la RN 192, la constitution d'un grand axe de circulation par l'acteur étatique 20

Les propositions successives d'aménagement du boulevard 20

Une production de formes urbaines atypiques liées à la production du boulevard 24

1.2.2 Vers un nouveau projet de boulevard urbain 25

Le projet d'un "boulevard résidentiel" sur les rives nord du boulevard 26

Le carrefour des quatre-chemins, une "soudure urbaine" par une centralité commerciale et une composition urbaine et architecturale 27

Le profil de la voie aujourd'hui, une dissociation de la circulation et de la halte 31

Le TCSP de demain, le tramway aménagé selon un profil axial 33

1.2.3 Urbanisme fonctionnaliste et fractures urbaines 35

1.3 Les conditions urbanistiques du boulevard urbain 38

1.3.1 Les premières approches cloisonnées entre voie et îlots 38

La morphologie viaire comme support d'une certaine imagéabilité 39

La morphologie viaire comme territoire de la vitesse 40

La morphologie viaire comme maillage 41

1.3.2 Adhérence des mouvements à l'espace et riverainetés 43

Adhérence des mouvements à l'espace 43

Riveraineté et urbanité d'une voie 44

La halte automobile: étapes et typologie 45

1.3.3 Vers un boulevard urbain aux nouvelles images 47

2. Évolutions des pratiques, image et fonctions du boulevard Charles de Gaulle 49

2.1 Evolutions des formes de la riveraineté 49

2.1.1 Une tendance majeure à la configuration de type "dissociée-intégrée" 49

2.1.2 Pratiques riveraines du boulevard Charles de Gaulle 51

Les rives pavillonnaires: des haltes « traditionnelles » de type « associées-intégrées » 51

Des formes de riveraineté encore classiques 52

Les usages piétonniers le long du boulevard structurés par les transports en commun 53

Le carrefour des quatre chemins 54

Au nord, le maintien d'une riveraineté faible 55

2.1.3 Une diminution progressive de la privatisation des contre-allées par les voitures 55

Des activités consommatrices de l'espace des contre-allées 56

Une tendance à la diminution des « commerces de route » 58

Conclusion 59

2.2 La constitution d'images du boulevard 59

2.2.1 La composition d'une image prestigieuse de boulevard urbain 60

Une image moderne incarnée par l'entrée de ville "Champs Philippe" 60

Des façades associées à une image "urbaine" 61

Une vitalisation de l'image de la zone nord: une quête d'image indécise 64

2.2.2 Des productions d'images individuelles éclatées 65

Les images diverses des pavillons mal situés 65

Le maintien d'une situation de sortie de ville 68

Des invidualités pavillonnaires qui se donnent à voir 70

2.2.3 Un boulevard urbain séquencé 71

Un boulevard urbain en 3 séquences 71

Une lisibilité urbaine confuse ? 73

2.3 La tertiarisation de l'axe et l'affirmation de sa fonction résidentielle 74

2.3.1 Une évolution localisée en faveur d'activités tertiaires à haute valeur ajoutée 74

Les "portes de La Défense" 74

2.3.2 Une affirmation de la fonction résidentielle 76

Le résidentiel dense, fonction constitutive du boulevard 76

Du "boulevard urbain" à la densification résidentielle des rives éloignées ? 77

2.3.3 Relocalisation du tissu commercial et des équipements résidentiels 78

La répartition des commerces de manière riveraine à la voie 79

Conclusion 80

3. Les nouvelles formes de centralités à l'horizon 2020 82

3.1 La requalification au service de l'intégration du boulevard dans le territoire 82

3.1.1 Les effets du tramway sur les conditions de la halte 83

La requalification des carrefours, interfaces entre haltes du tramway et rives du Petit-Colombes 83

L'accroissement des fréquentations au service de l'augmentation de l'inscription territoriale du tramway 85

Du régional au local : le boulevard au contact de deux axes de circulations régionaux, deux haltes potentiellement majeures 87

Le vélo et les deux-roues à l'origine de nouvelle riveraineté 89

3.1.2 L'inscription territoriale nouvelle du mouvement automobile 91

Un ralentissement et une diminution des circulations automobiles 91

Conclusion 93

3.2 Les limites de la trame commerciale à « faire ville », ou les freins au modèle de boulevard urbain commercial 94

3.2.1 Un boulevard urbain à revitaliser 95

3.2.2 Un boulevard urbain discontinu 99

3.3 Images - Chercher du symbole au boulevard entre patrimoine et modernité 101

3.3.1 L'image positive du boulevard urbain 101

3.3.2 La mémoire industrielle comme symbole du Petit-Colombes nord 105

Des tangentielles pour mettre en scène le patrimoine du boulevard Charles de Gaulle 105

Un "vocabulaire" attaché à la mémoire du lieu 105

3.3.3 Donner du sens et mettre en scène la modernité 107

La quête d'une place face à La Défense 108

Ouvrir des perspectives en remodelant l'existant 110

Vis à vis paysager et symbolique avec La Défense 110

Créer de nouvelles rues, remodeler l'architecture des grands ensembles 112

Conclusion 113

Bibliographie 117

* 1 RGP INSEE 1999 à l'échelle IRIS

* 2 Le boulevard est désigné au long de l'étude par les différentes appellations, administratives et toponymiques, qui lui ont été conférées au long de son histoire: boulevard du Havre, boulevard Charles de Gaulle, RN 192, et RD 992

* 3 Les estimations de l'utilisation du tramway prévoient une augmentation de 20 % du trafic de voyageurs, soit 70 000 utilisateurs par jour. De plus, les nombreux programmes de Z.A.C sur les rives entraîneront à terme une augmentation de la demande de déplacement.

* 4 Se reporter à la page x pour retrouver la carte des stations de bus

* 5 Parmi les cadastres antérieurs à 1990, seul le cadastre de l'année 1964 était d'une qualité satisfaisante pour faire apparaître les limites du parcellaire. En revanche, les formes bâties et la trame viaire apparaissaient de manière lisibles pour être digitalisés.






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