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Première alternance politique au Sénégal en 2000: Regard sur la démocratie sénégalaise

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par Abdou Khadre LO
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - DEA Science Politique (Sociologie Politique) 2001
  

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V / LES CONFRERIES RELIGIEUSES

On connaît la grande influence, au Sénégal, des confréries maraboutiques. Les musulmans sénégalais qui représentent plus de 90 % de la population se répartissent pour la plupart entre les deux grandes confréries des Mourides et des Tidjanes. A côté de ces deux grandes familles maraboutiques, on ajoutera des confréries numériquement moins importantes, comme les Layènes, les Niassènes ou les Qadrys.

Le poids des confréries se double d'une influence économique et sociale considérable, au point de figurer une forme de hiérarchie sociale parallèle. Au plan politique, les confréries ont généralement toujours préféré soutenir le pouvoir en place, jusqu'à donner, par exemple pour les Mourides, des consignes de vote plus ou moins explicites..

1. Importance de l'islam dans la vie politique sénégalaise

La prédominance ancrée du Parti socialiste s'est basée essentiellement sur la mobilisation de la population rurale et, à ce propos, les confréries religieuses et leurs marabouts en tant que guides religieux et sociaux ont joué un rôle important, même si leur influence est devenue moindre aux présidentielles de 2000.

Le Sénégal est un pays où le « Ndiguël » (consigne de vote émise par les chefs religieux) occupe une grande place dans la vie politique. On sait déjà que l'influence des marabouts avait pesé lourdement lors du référendum de Septembre 195841(*). Tout comme l'administration coloniale française, Senghor, pourtant catholique, n'avait pas eu de difficulté à obtenir le soutien des mourides. La seule confrérie mouride étant censée être capable de drainer 500 000 suffrages, l'adhésion du Sénégal à la Communauté de 1958 a été qualifiée de « Oui des marabouts ».

Depuis, l'amalgame politico-religieux continue à prévaloir. Ceci dès les élections du 26 février 1978 qui étaient les premières conformes au nouveau mode de scrutin concocté par Senghor. Ces élections générales avec les trois protagonistes de l'époque : le Parti Socialiste (Senghor), le Parti Démocratique Sénégalais (Wade) et le Parti Africain de l'Indépendance (Majmout Diop) furent l'occasion pour le PS de mettre en oeuvre sa machine électorale, longtemps éprouvée lors des campagnes d'avant indépendance.42(*)

Le « marketing électoral » du PS reposait sur le système d'achat des allégeances et sur de nombreux réseaux clientélistes où le griot et le marabout occupaient une place de choix.  En effet, c'est le monde rural qui était essentiellement visé. Les ruraux étaient quadrillés grâce à ces réseaux clientélistes gérés par les marabouts, qui donnaient des consignes de vote en faveur du parti de Senghor. Par ailleurs, un autre encadrement politique s'opérait par le biais d'agences de développement ou de société de vulgarisation et de commercialisation agricoles. Là le contrôle se réalisait à travers le gestion « néo-patrimoniale » des circuits arachidiers.

Senghor fidèle en cela à la tradition coloniale, avait fait des marabouts des partenaires obligés du pouvoir. Tel est, en parti l'héritage que Senghor lègue à Abdou Diouf en quittant le pouvoir. Les élections sous Abdou Diouf s'inspireront largement de ce modèle.

En 1983, la perspective des élections présidentielles donna l'occasion de renforcer toutes ces stratégies d'hégémonie par le contrôle des appareils politico-bureaucratiques, par la réactivation des réseaux clientélistes ruraux sous le regard bienveillant des confréries maraboutiques. Encore une fois, comme c'était le cas en faveur de Senghor, Diouf était assuré du plébiscite maraboutique. Et si l'on en croit une anecdote exemplaire, en février 1983, Cheikh Anta Diop, leader du RND, légalisé trois ans auparavant, ne s'est pas présenté aux élections présidentielles en dépit de tous les espoirs partisans. Et la raison de cette abstention inattendue, vu l'ardeur des actions politiques qu'il avait menées jusque-là, a été donnée par un journal sénégalais en ces termes : « parce qu'il suit les ordres de son marabout, le Khalife général des Mourides qui avait appelé à voter pour Diouf. (...) Depuis lors, le tournant a été amorcé vers la modération vis-à-vis du pouvoir, doublée d'une passivité politique complète ».43(*)

A ce niveau, faisons une petite digression. En effet, il faut soulignons que le soutien maraboutique était doublé, sous Abdou Diouf, d'autres formes de clientélismes. Ce furent les nombreux groupes de soutien, très actifs et « experts ès propagande » :

- Le group des 1500 ;

- le GRESEN (Groupe de rencontres et d'échanges pour un Sénégal nouveau) ;

- Le MNS (Mouvement national de soutien) ;

- Le CAS (Cercle des amitiés sénégalaise) ;

- L'ANSAPP (Association nationale de soutien à l'action des pouvoirs publics) ;

- L'UPD (Union des populations de Ndiambour Doolel Abdou Diouf)44(*) ;

-L'USAPAD (Union des soeurs unies du plateau pour le soutien à l'action du Président Abdou Diouf) ;

- Le COSAPAD (Comité de soutien à l'action du Président Abdou Diouf) ;

- Le CONAGRISAPAD (Comité national des griots du PS pour le soutien à l'action du Président Abdou Diouf).

Ces associations étaient de compositions diverses. Certaines d'origine intellectuelle, revendiquaient une adhésion rationnelle à l'action du Président Abdou Diouf et prétendaient donc partir d'une analyse de la réalité sociale, politique et économique. D'autres regroupaient des femmes, des ruraux, des individus appartenant à la même région que ABDOU Diouf, des griots etc. Bien que différents, ces groupes fonctionnaient selon une logique commune celle du « soutien mercenaire », caractérisée par le courtage politique, la négociation et l'achat d'allégeances partisanes. 

* 41 Ce référendum devait permettre au Sénégal de se déterminer par rapport à son appartenance à la communauté française.

* 42 Cf. l'article de Antoine Tine, Du multiple à l'un et vice versa ? Essai sur le multipartisme au Sénégal (1974-1996), Institut d'Etudes Politiques de Paris, disponible sur Internet, www. Cean.u-bordeaux.fr/polis/ vol3n1/arti4.html.

* 43 « Quel hommage à Cheikh Anta ? », Fernant, N°. 31, Dakar, avril 1986, p. 18 : la succession Senghor-Diouf ayant ainsi été assurée, la question est de savoir quels ont été les rapports du RND de Ch. A. Diop avec le monde Mouride qui a été censé être la base même du parti. A cet effet, CH. A. Diop lui-même a expliqué : « le RND est un parti laïc. Mais chacun est né dans un milieu. Alors tant mieux si ce milieu l'aide dans le cadre d'une action politique ». Cf. « La conférence de Ch. A. Diop, Taxaw, N°. 4, juillet 1983, p. 8.

* 44 Le N'diambour (ou Louga) étant la région natale de Diouf. Voir annexe.

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